Robert Nichols (1893

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Robert Nichols (1893
Robert Nichols (1893- 1944)
Le 11 novembre 1985, une plaque commémorative a été
apposée dans l’abbaye de Westminster pour célébrer les poètes de
la Grande Guerre. Le doyen de Westminster avait souhaité que les
noms d’un certain nombre de poètes soient honorés dans ce lieu
où sont enterrés les souverains britanniques ainsi que le soldat
inconnu de la Grande Guerre. Cette décision témoigne de
l’importance accordée par la nation à ses poètes des tranchées. Il
avait demandé à des historiens de dresser une liste. Robert
Nichols faisait partie des seize sélectionnés, aux côtés de noms
plus prestigieux tels que Sassoon, Owen et Rosenberg. Si les deux
recueils qu’il a publiés en 1915 et 1917 ne méritent peut-être pas cet excès d’honneur,
du moins sont-ils représentatifs de la production poétique britannique de la Première
Guerre mondiale.
Né en 1893 dans un milieu bourgeois et artistique, Robert Nichols connaît une
enfance difficile du fait des problèmes de santé mentale de sa mère. D’un caractère
plutôt rebelle à l’école, il s’assagit à Oxford. Sitôt ses études terminées, il côtoie les
milieux artistiques de Londres. Il fait partie du groupe des jeunes poètes georgiens et
devient notamment l’ami de Rupert Brooke et de Siegfried Sassoon.
Bien que de santé fragile, il réussit à se faire engager dans l’artillerie en
septembre 1914. Après un entraînement d’un an, il part au front et participe à la bataille
de Loos. Soufrant de commotion, il est déclaré inapte au service peu de temps après et
repart en Grande-Bretagne.
Il peut désormais consacrer une grande part de son temps à l’écriture. Les
recueils Invocation (1915) et Ardours and Endurances (1917) connaissent un grand
succès. Le public, friand de poésie des tranchées, apprécie son style soigné et
didactique. Ardours and Endurances se veut une histoire épique de la guerre avec des
poèmes regroupés en chapitres thématiques, intitulés Bataille, Morts, Conséquences,
etc. Remarqué par la critique et plébiscité par le public, il fait régulièrement des lectures
publiques de ses poèmes et part même aux États-Unis pour y faire connaître son œuvre.
Une liaison avec Nancy Cunard, femme de lettres, éditrice, poétesse et
anarchiste, servira de base à Aurelia, publié en 1920. Entre 1921 et 1924, il enseigne la
littérature à Tokyo puis part à Hollywood jusqu’en 1926. En 1928, sa pièce Wings over
Europe, qui prévoit la fission de l’atome et ses conséquences, obtient un vif succès à
New York. En 1933 et 1934, il réside en Autriche et en Allemagne. Les lettres qu’il
envoie à Henry Read, le neurologue qui l’avait soigné pour sa commotion pendant la
guerre, rendent compte avec précision de la montée d’Hitler au pouvoir.
A la fin des années 30, il s’installe en France et doit se réfugier sur la Côte
d’Azur à l’arrivée des Allemands. De retour en Grande-Bretagne, il travaille à la radio
et continue d’écrire pendant la guerre, jusqu’en sa mort en 1944, à l’âge de 51 ans.
Tout au long de sa vie, Robert Nichols a sans cesse alterné entre des périodes
d’exaltation et d’indécision. Une constante cependant : il a toujours considéré que la
poésie était ce qui comptait le plus dans ses diverses activités. Ses poèmes de guerre,
aujourd’hui un peu oubliés, sont d’un intérêt certain, même si son expérience au front a
été de courte durée.
Accomplissement
Fulfilment
Y a-t-il un jour eu l’amour ? J’ai oublié ma
belle.
Y a-t-il un jour eu la peine ? Elle est
maintenant mienne.
J’ai aujourd’hui d’autres amours, des hommes
rudes mais qui me donnent
Plus de peine et plus de joie que notre amour
d’autrefois.
Was there love once? I have forgotten her.
Was there grief once? Grief yet is mine.
Other loves I have, men rough, but men who
stir
More grief, more joy, than love of thee and
thine.
Des visages enjoués, espiègles et mutins,
Burinés par le vent, brûlés par le soleil;
Des corps qu’enveloppent les débordements de
la terre
Dont nous sommes tous devenus les enfants.
A tout moment le feu de la mort peut surgir du
ciel
Et nous démembrer ! Chair déchirée, explosée
Soldats amis qui aimez la vie et respirez
Jusqu’au dernier souffle, tous fidèles en
mourant.
Faces cheerful, full of whimsical mirth,
Lined by the wind, burned by the sun;
Bodies enraptured by the abounding earth,
As whose children we are brethern: one.
And any moment may descend hot death
To shatter limbs! Pulp, tear, blast
Belovèd soldiers who love rough life and breath
Not less for dying faithful to the last.
Ô l’oeil qui s’éteint et la face terreuse qui se
fige,
La bouche ouverte d’où jaillit la mort,
La faible pression d’une main, les doigts qui se
raidissent !
Ô le spasme soudain qui libère les morts !
O the fading eyes, the grimed face turned bony,
Oped mouth gushing, fallen head,
Lessening pressure of a hand, shrunk, clammed
and stony!
O sudden spasm, release of the dead!
Y a-t-il un jour eu l’amour ? J’ai oublié ma
belle.
Y a-t-il un jour eu la peine ? Elle est
maintenant mienne.
O soldat aimé, qui vit, qui meurt, toi le héros
Toute ma joie, ma peine, mon amour, tout est à
toi.
Was there love once? I have forgotten her.
Was there grief once? Grief yet is mine.
O loved, living, dying, heroic soldier,
All, all my joy, my grief, my love, are thine.