les representations fantasmatiques du devenant pere : relation d

Transcription

les representations fantasmatiques du devenant pere : relation d
Mathilde Pagnat
Maîtrise de psychologie clinique
Session juin 2004
06.81.14.43.08.
[email protected]
Séminaire de recherche : la relation d’objet virtuel
Sous la direction de Mr. S. Missonnier, Maître de conférence
Mémoire de recherche
LES REPRESENTATIONS FANTASMATIQUES DU
DEVENANT PERE :
RELATION D’OBJET VIRTUEL ET ANTICIPATION
Université Paris X Nanterre
UFR de sciences psychologiques
200, avenue de la République
92000 Nanterre
1
Remerciements
Nous
remercions
vivement
Monsieur
Sylvain
Missonnier,
Maître
de
Conférence, directeur de recherche, pour ses conseils avisés, son écoute
attentive et sa disponibilité.
Nous remercions Madame Bénédicte Grether-Remondon, psychologue
clinicienne référante, pour le partage de son expérience, sa finesse clinique et
son professionnalisme.
Nous remercions le Centre Hospitalier Privé Claude Galien, l’équipe soignante
de la maternité, Madame Isabelle Lefièvre (surveillante, puéricultrice),
l’ensemble des médecins gynécologues et pédiatres, Madame Isabelle
Renaud (sage-femme), pour leur accueil, leur soutien et le matériel clinique
qu’ils ont pu nous offrir.
Nous remercions le Centre de Recherche sur l’Enfant et l’Adolescent, du
laboratoire du L.A.S.I, dirigé par Madame la professeur Dominique Cupa, et
Madame Hélène Deschamps-Riazuelo, pour nous avoir autorisés à faire
usage de leur protocole et nous avoir accordés leur aide précieuse.
Enfin, nous remercions les pères
ayant acceptés de participer à notre
recherche, leur volontariat et leur témoignage assidu.
2
Résumé
Dans le contexte de la rencontre avec trois futurs “primipères“ d’un Centre
Hospitalier Privé de la banlieue parisienne, des études de cas cliniques
laissent apparaître des données concernant la réédition de fantasmes
originaires et de la conflictualité oedipienne, sur fond de représentations
anticipatrices paternelles.
La relation d’objet virtuel entre un devenant père et son bébé virtuel semble
parsemée de projections anticipatrices de la période prénatale. Entre angoisse
automatique et angoisse signal d’alarme, l’anticipation paternelle serait d’une
grande diversité.
Ce type de constat démontrerait, en dépit d’une échelle non représentative, la
complexité du processus de paternalité.
MOTS
CLES :
Paternalité,
Relation
d’objet
virtuel,
Représentations
anticipatrices, Lien générationnel, Origines, Bébé virtuel.
3
Table des matières
INTRODUCTION
p. 7
1 : PROBLÉMATIQUE
p. 12
2 : DONNÉES THÉORIQUES
2.1 : Le processus de parentalité
p. 16
2.1.1: Définition
p. 16
2.1.2 : Vers une « périnatalité psychique » du futur père
p. 19
2.1.3 : La fonction paternelle
p. 22
2.1.4 : « Une paternité de proximité »
p. 24
2.2 : Les fantasmes
p. 28
2.2.1 : Définition
p. 28
2.2.2 : Les fantasmes originaires
p. 29
2.3 : Les travaux sur le terrain : Cupa et coll, La constellation
paternelle
p. 34
2.3.1 : Exposé de la recherche
p. 34
2.3.2 : Résultats
p. 37
2.4 : Le virtuel
2.4.1 : « Qu’est-ce que le virtuel ? »
2.4.1.1 : Espace transitionnel et Virtuel
2.4.2 : Le fœtus : virtualité d’un être en devenir ?
2.5 : L’anticipation
p. 39
p. 39
p. 39
p. 41
p. 43
4
2.5.1 : Anticipation : De l’angoisse automatique à l’angoisse signal
d’alarme
p. 43
2.5.2 : Anticipation chez le “devenant père“
p. 45
3 : HYPOTHÈSES
p. 48
3.1 : Hypothèses de recherche
p. 48
3.2 : Hypothèses spécifiques
p. 49
4 : MÉTHODOLOGIE
p. 50
4.1 : Contexte
p. 50
4.2 : Population
p. 50
4.3 : Déroulement
p. 51
4.4 : Outils
p. 53
4.4.1 : L’auto-questionnaire (entretien R remanié de Stern)
p. 53
4.4.2 : L’entretien clinique : la bande sonore
p. 55
5 : COMPTE-RENDU DES RÉSULTATS
p. 58
Analyse clinique et commentaires interprétatifs
p. 58
5.1 : Monsieur D
p. 58
5.2 : Monsieur J
p. 70
5.3 : Monsieur G
p. 83
6 : DISCUSSION
p. 89
7 : CONCLUSION
p. 95
5
8 : BIBLIOGRAPHIE
p. 96
8.1 : Ouvrages
p. 96
8.2 : Articles
p. 98
ANNEXES : cf. fascicule
6
Introduction
Si le père est par essence le géniteur, celui qui incarne la procréation, il serait
très réducteur d’envisager cette définition comme exhaustive. Bien plus
encore, il convient d’accepter dans la notion de père, la place et les fonctions
qu’il peut revêtir et accueillir la paternité dans son ensemble.
Au-delà de l’aspect biologique, le mot père serait-il infiltré de liens
générationnels (ou de “mandats générationnels“ comme le définit Serge
Lebovici), en s’imbriquant de façon continue dans le familial, le social et le
symbolique ?
Que signifie “devenir parent“, “être père“ à l’heure où le monde psychologique
et médicale décrit le futur père comme psychiquement “enceint“ ?
La période prénatale met-elle en exergue une vie fantasmatique masculine
plus intense, où s’effectuent de profonds remaniements ? Peut-on évoquer
une “crise“ ?
Le nouage de ce questionnement s’articule autour du lien, de la relation
virtuelle puisque non - palpable entre le “devenant père“ et le “fœtus – bébé“.
Nous entendrons ici le terme virtuel comme s’opposant à l’actuel.
Ainsi, “l’enfant du dedans“
peut-il s’organiser en une mosaïque de
représentations fantasmatiques anticipatrices du père ? Comment se traduit
cette anticipation ?
En quoi la réalité virtuelle du fœtus forge le devenant père, le processus de
parentalité ?
Il convient d’éclaircir quelques concepts théoriques avant d’aborder plus en
avant notre problématique.
De nombreuses études ont mis l’accent sur l’univers du fœtus - nourrisson :
Les représentations fantasmatiques de la “devenant mère“ (D. W. Winnicott,
Bibring et M. Bydlowski, ont largement œuvré dans ce domaine) ; Les
7
interactions précoces mère – bébé (S. Lebovici, M. Soulé, D. Stern, Stoléru,
Kriesler, Cramer)…L’étude de la dynamique parentale et du processus de
parentalisation (D. Houzel, P. Marty) et bien sûr “la part du père“ (G. Delaisi de
Parseval) ont consolidé l’édifice théorique et empirique.
Les recherches concernant le père et la paternité semblent plus récentes ;
Même si on retrouve en filigrane dans l’œuvre freudienne le père et le symbole
paternel, les études en périnatalité touchant au père paraissent moins
éloignées temporellement.
La notion de virtuel semble avoir émergée au cours de ce nouveau millénaire
au travers de la philosophie et de la psychanalyse sous l’influence des
nouvelles
techniques
de
communication
mais
aussi
des
techniques
périnatales de plus en plus perfectionnées. P. Lévy, S. Missonnier et coll, S.
Tisseron, en sont les pionniers.
D’autre part, l’étude de D. Cupa et coll (1992) nous permettra d’ évoluer dans
nos hypothèses de travail et notre questionnement sur les représentations
anticipatrices en mettant en parallèle les résultats de leur recherche
s’intéressant à la devenant mère avec nos interrogations sur le futur père.
Nous considérerons les travaux récents de D. Cupa et coll, comme un point de
repère fondamental, puisqu’ils sont à l’origine de ce travail. En effet, notre
questionnement émerge de l’étude parue dans Devenir associée à notre
problématique personnelle autour de la paternité et du fœtus.
Pour pouvoir conceptualiser notre problématique, nous essayons d’expliciter
succinctement les grands concepts
de cette recherche (la parentalité, la
paternité, les fantasmes, les interactions précoces, le virtuel, l’anticipation) :
La parentalité de tout individu semble s’inscrire dans un continuum
historique puisque
ce processus prend forme dès le plus jeune âge (par
exemple jouer “au papa et à la maman“) (P. Marty, 2003). Ainsi, il semblerait
que l’on se prépare à devenir parent, qu’on l’anticipe, que l’on chemine.
Psychanalytiquement, selon Racamier (1961), la parentalité implique au delà
d’une fonction biologique, une fonction psychique : un processus se met en
marche, c’est la maternalité ou la paternalité. Ce phénomène engendrerait des
8
bouleversements fantasmatiques importants. (On notera les phénomènes de
couvade, le concept de transparence psychique développé par M. Bydlowski
…)
D. Houzel (1997) fait un découpage
tridimensionnel de la parentalité :
l’exercice, l’expérience et la pratique. (Nous développerons ce concept plus
loin)
Au total, « l’accès à la parentalité a la vertu particulière d’inscrire le sujet dans
la succession des générations et de lui donner le pouvoir de transmettre la
vie » (Houzel, 1997).
Du mot latin Pater, “être père“ signifierait représenter la suite des
générations. Pour Konicheckis (1999), le vécu personnel du devenant père
s’inscrirait dans le processus de parentalité par le biais des identifications aux
figures paternelles. Les récits mythiques ont illustré la construction du père :
le mythe de la horde
décrit par Freud dans Totem et Tabou (1912) par
exemple. Une fonction tridimensionnelle du père peut émerger dans le nouage
de Lacan (1974) : le père réel, le père symbolique et le père imaginaire
(Trono, 1993). Pour Marty (2003), « le père est avant tout une référence qui
permet à l’enfant de sortir de sa toute puissance infantile et narcissique et
devenir un sujet social, parlant et désirant. Le père est l’autre de la mère, il ne
s’y oppose pas, ni ne vient la compléter. Le père est aussi celui qui ordonne la
descendance et s’offre comme repère ».
Les fantasmes sont des scénarii imaginaires où le sujet est présent et
qui figurent, de façon plus ou moins déformées par les processus défensifs,
l’accomplissement d’un désir (inconscient). Freud (Névrose, psychose et
perversion,
1915)
nomme
fantasmes
originaires
« ces
formations
fantasmatiques – observations du rapport sexuel des parents, séduction,
castration et d’autres… ». Pour Freud, ces fantasmes originaires en appellent
à une explication phylogénétique (dans l’histoire : réalité de faits ; aujourd’hui :
réalité psychique).
Les interactions précoces se découpent en trois dimensions :
comportementales (Brazelton), affectives (Stern) et fantasmatiques (Lebovici
9
et Soulé). Par interactions précoces, nous pourrions entendre l’échange et le
partage des affects entre le nourrisson et généralement sa mère, échange
symbolisé par une synchronie affective. Ce sont des réactions réciproques
avec une rétroaction ou feed-back ; pour Lebovici, les interactions précoces
constituent « une spirale transactionnelle où mère et bébé s’influencent
mutuellement ». Le pôle comportemental, affectif et fantasmatique des
interactions prénatales du devenant père et du bébé virtuel va constituer un
élément central dans notre travail.
Le virtuel est défini dans le langage commun comme un possible, qui
est en puissance (virtus), potentiel. Cette notion a été développée en
philosophie puis en psychologie psychanalytique ; contrairement au possible,
le virtuel constitue un complexe aspirant à une résolution. Aussi, il est
important d’être clair : le virtuel possède sa propre réalité et ne s’oppose
aucunement au réel mais à l’actuel ; « virtualité et actualité sont deux
manières d’être, différentes »(Lévy, 1998), ainsi il peut paraître plus aisé
d’envisager l’état d’embryon et celui d’homme. Lévy dit (dans son ouvrage
“Qu’est-ce que le virtuel ?“,1998), « l’arbre est virtuellement dans la graine ».
L’anticipation peut être définie comme un mécanisme de défense
permettant au sujet de se préserver ; « anticiper consiste, lors d’une situation
de crise, à imaginer l’avenir : en expérimentant d’avance ses propres
réactions comportementales ; en prévoyant les conséquences de ce qui
pourrait arriver ; en envisageant différentes réponses ou solutions possibles »
(Ionescu, Jacquet et coll, 1997). Soulé, Lebovici et Stoléru ont conceptualisé
le “bébé imaginé“ de la grossesse et ont démontré (avec également les
travaux de Cupa,1992) qu’il constitue une représentation anticipatrice et
organise les interactions précoces après la naissance. Nous parlerons
aujourd’hui de bébé virtuel pour lui rendre sa dimension réelle. Les projections
anticipatrices dans la relation d’objet virtuel seront l’élément nodal de la
recherche.
10
Ces quelques tentatives de définition peuvent constituer une amorce pour
élaborer notre problématique, et ne sont en aucun cas exhaustives.
Pour achever cette introduction, nous pouvons poser notre sujet : ce mémoire
de recherche traite des représentations fantasmatiques paternelles lors de la
grossesse. Nous aurons comme point d’ancrage la notion développée par
Stern chez la mère, puis par Cupa, Deschamps, Michel, Lebovici : « La
constellation paternelle ». Nous tenterons de lier la vie fantasmatique du futur
père aux concepts de virtuel et d’anticipation. Nous nous intéresserons plus
particulièrement aux projections anticipatrices paternelles dans la relation
d’objet virtuel et à leur variabilité entre le pôle angoisse automatique et le pôle
angoisse signal d’alarme.
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1 : PROBLEMATIQUE
La place du père en périnatalité a longtemps été mise à part. Depuis quelques
années seulement, le milieu médical jusqu’alors réservé aux femmes,
s’intéresse au père. De même, les écrits psychologiques et psychanalytiques
du père en périnatalité sont encore peu nombreux.
Ainsi, arrive la question du père dans un espace considéré encore, dans la
culture occidentale, comme essentiellement féminin.
Cela paraît être le signe de profondes résistances, aujourd’hui très nuancées
et remises en question par les nouvelles conceptions de triade père-mèrebébé, par la mise en place de nouvelles lois incluant les pères et par les pères
eux-mêmes qui revendiquent de plus en plus leur statut au cours de la
grossesse.
Ainsi, peuvent-ils eux aussi être sujet à de profonds remaniements psychiques
au cours de la grossesse ? Qu’en est-il de leurs fantasmes inconscients ?
Certains sont-ils plus prégnants que d’autres ? La constellation paternelle estelle également empreinte de représentations prénatales concernant le
nourrisson ? Ces représentations seraient anticipatrices, le père s’aventure-t-il
alors à imaginer son bébé ? En quoi ce bébé peut-il être chargé de virtualité ?
Les travaux de G. Delaisi de Parseval, Le Camus, D. Cupa, H. RiazueloDeschamps, F. Michel, S.Lebovici, S. Missonnier, D. Stern et bien d’autres ont
contribué à enrichir les connaissances sur la triade père-mère-bébé et sur le
milieu périnatal. S’intéressant en premier lieu à la dyade mère-nourrisson, ils
ont pu ensuite définir la constellation paternelle et mettre en avant
l’anticipation des futurs parents et l’aspect virtuel du fœtus-bébé. En effet, il
semble que le monde psychologique et bio-médical (avec des techniques
échographiques de plus en plus perfectionnées et l’entrée du père en salle
12
d’accouchement) nous fasse avancer vers de nouvelles conceptions de la
triade père-mère-bébé. Le fœtus semble de plus en plus considéré et reconnu
comme un individu en devenir, un individu virtuel inscrit dans un processus
d’actualisation.
En filigrane de ces différents éléments, la parentalité et son processus
viennent servir de socle à notre problématique. Il s’agirait ici de définir la
paternalité et son fonctionnement psychique lors de la grossesse. Ainsi, le
père entre, comme la mère, dans une conflictualité inconsciente pendant la
grossesse ; selon les résultats de l’équipe de D. Cupa, le futur père effectue
un “remaillage identitaire“ ne pouvant se comprendre que dans une réédition
oedipienne et au travers du “fil rouge générationnel“.
Grâce à un auto-questionnaire pour le futur père réalisé par l’équipe du
C.R.E.A (centre de recherche sur l’enfant et l’adolescent), laboratoire du LASI,
au protocole de la bande sonore de B. Lester et à l’entretien semi-directif,
nous allons essayer de mettre en exergue :
-des émergences fantasmatiques de la vie psychique de plusieurs futurs
pères,
-la variabilité du processus d’anticipation en tant que projection et mécanisme
de défense, du bébé virtuel,
-la relation d’objet virtuel entre le père en devenir et le fœtus-bébé.
Afin de pouvoir réaliser cette recherche, nous avons effectué tout au long de
cette seconde année de maîtrise, un stage clinique supplémentaire à notre
cursus, au sein d’un service de maternité en banlieue parisienne. Ce centre
hospitalier nous a permis de constituer notre population. Nous devons préciser
que notre étude n’est pas représentative, les résultats obtenus ne seront donc
pas généralisables ; cette recherche regroupe des études de cas cliniques.
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Il convient de présenter brièvement la trame de notre travail. Nous traiterons
dans une première partie le champ théorico - clinique en développant les
concepts préalablement abordés.
Puis, nous poserons plus en détail nos hypothèses de recherche et nos
hypothèses spécifiques, de travail.
Nous présenterons ensuite la méthodologie, c’est à dire la population et le
panel d’outils, nous ayant servie à l’élaboration de notre travail.
Enfin, nous analyserons cliniquement les résultats afin d’éprouver nos
hypothèses et d’amener une critique constructive.
14
DONNEES THEORIQUES
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2 : DONNEES THEORIQUES
2.1 : Le processus de parentalité
2.1.1 : Définition
Du latin pater, le père est défini dans le Petit Larousse, comme “celui qui a un
ou plusieurs enfants, celui qui manifeste des sentiments paternels, ou Dieu en
tant que créateur, ou encore nos pères en tant que nos ancêtres“. Cette
définition “universelle“ décline le père selon ses atouts et selon ce qu’il peut
figurer (religieux, générationnel, affectif).
Plus spécifiquement, définir la parentalité revient à expliciter un processus : la
parentalité est un processus par lequel on devient parent d’un point de vue
psychique.
C’est le processus de parentification que D. Houzel explique in Les
dimensions de la parentalité,Journal de la psychanalyse de l’enfant, 21, 1997,
Bayard.
En 1985, le terme de parentalité apparaît ; la maternalité décrite par Racamier
est étendue au père et donc à la paternalité. (maternalité / paternalité : termes
définissant une transformation de la personnalité et du fonctionnement
psychique d’une mère / d’un père pendant la grossesse)
D. Houzel fait un découpage tridimensionnel de la parentalité ; ces dimensions
ne sont pas à considérer séparément car elles sont imbriquées et liées les
unes aux autres. Il distingue l’Exercice, l’Expérience et la Pratique.
La dimension exercice renvoie à l’identité de la parentalité, à ses aspects
fondateurs et organisateurs. Ceci qualifie les liens de parenté définis dans
chaque société : la place de chaque individu dans la société. Ces liens sont
régis par des règles de transmission. Les études anthropologiques ont mis en
16
évidence un ensemble structuré par des liens complexes d’affiliation
impliquant des droits et des devoirs.
L’exercice de la parentalité peut s’étudier, selon D. Houzel, à partir d’un point
de vue anthropologique, d’un point de vue juridique (système de parenté et
organisation), d’un point de vue psychanalytique dont l’approche structuraliste
a montré que l’organisation de la psyché actuelle ne pouvait être détachée de
l’organisation de la psyché de la société à laquelle appartient l’individu,
notamment sa famille :
c’est l’héritage culturel et familial, autrement dit, la transmission des
générations.
Associés aux influences culturelles, des processus dynamiques s’inscrivent
dans une relation et une histoire. Ces aspects dynamiques ont été étudié par
le courant psychanalytique fondé sur la relation d’objet (M. Klein, D. Meltzer,
W. R. Bion).
E. Granjon, (in Transmission psychique et transferts en thérapie familiale
psychanalytique, 5, 47-58, 1989, Gruppo) a distingué deux types de
transmission entre les générations :
L’une apportant des éléments élaborables à la génération réceptrice : c’est la
transmission intergénérationnelle,
L’autre apportant des “non-dits“, des “cryptes“ constituant des enclaves
psychiques : c’est la transmission transgénérationnelle.
La dimension expérience renvoie aux fonctions, aux aspects subjectifs
conscients et inconscients du processus de parentification : c’est la dimension
du devenir parent, de remplir des rôles parentaux. Elle recoupe le désir
d’enfant.
Selon Freud, le désir d’enfant résulte avant tout d’un choix d’objet
narcissique ; il s’inscrit dans une résolution du complexe d’Œdipe : pour la
femme, il s’agit d’un déplacement libidinal pour le père vers un partenaire
masculin ; pour l’homme, ce déplacement libidinal se fait vers une partenaire
féminine.
17
Selon M. Klein, ce sont les identifications aux “bons objets parentaux“ qui
fondent le désir d’enfant.
Chez le père, D. Houzel, définit la parentification comme une crise d’identité
profonde où parfois, nous pouvons repérer certains évènements particuliers
comme : la couvade, des décompensations pathologiques, des ruptures
conjugales qui témoignent de l’intensité des remaniements durant cette
transition vers la paternalité.
Poussin et Cissé ont mis en exergue que la naissance est un instant
primordial de la parentalité. Selon leurs résultats aux tests projectifs, les
préoccupations paternelles sont liées à la représentation de soi, l’enfant serait
ressenti comme un autre soi-même qui confirmerait ou infirmerait les qualités
paternelles.
Selon D. Houzel, le succès de la parentalité dépendrait de l’équilibre entre
investissement narcissique et objectal de l’enfant, pour les deux parents,
l’équilibre entre investissements parentaux et conjugaux, l’équilibre entre rôle
maternel et rôle paternel.
La dimension pratique renvoie aux qualités de la parentalité, aux aspects plus
ou moins observables des relations parents / enfants. C’est le domaines des
soins parentaux, soins physiques mais également psychiques. J. Bowlby et
ses travaux ont marqué un point d’ancrage dans l’étude des soins parentaux.
Les premières études s’appuient sur la théorie de l’étayage de Freud, puis sur
la théorie de l’attachement de Bowlby, qui met l’accent sur le statut primaire
des liens affectifs et sur leur influence dans le développement de l’enfant. La
capacité d’établir ces liens est une composante fondamentale de la nature
humaine. Ces liens d’attachement non -secondaires à la satisfaction des
besoins vitaux, ont un rôle de projection. Cette composante est en large part
inconsciente.
Lors de ces trente dernières années, les études ont montré les “compétences“
du nouveau-né, ses capacités à recevoir des stimulations de l’entourage et d’y
répondre.
18
Les travaux sur la vie psychique et relationnelle du nourrisson ont permis
d’avancer sur les notions d’interaction parent / nourrisson. Ainsi, le point de
vue tridimensionnel interactif est apparu : les interactions comportementales
(Brazelton), les interactions affectives et les interactions fantasmatiques
(Lebovici, Lamour, Stern). Ceci a permis de souligner la participation active de
l’enfant dans le processus d’établissement des liens.
Selon D. Houzel, les interactions fantasmatiques pourraient se rattacher à
l’axe d’analyse appelé expérience de la parentalité (transmission inconsciente
entre parents et enfants), tandis que les deux autres niveaux se référeraient à
la pratique de la parentalité.
Pour conclure sur les dimensions de la parentalité, D. Houzel nous dit que ce
processus permet au sujet de s’inscrire dans le tableau générationnel.
La parentalité ne se limite pas au biologique.
2.1.2 : Vers une « Périnatalité Psychique » du futur père
Dans son article intitulé Entre créativité et vulnérabilité : les métamorphoses
de la parentalité, in Psychiatrie Française, 3.98, nov, S. Missonnier dresse un
panorama du “devenir parent“ à l’heure actuelle. Dans son constat, il semble
placer la parentalité face à un glissement vers une « désinstitutionalisation de
la famille ». Selon lui, la famille est dans une période de métamorphose.
La femme moderne devenant mère semble devoir s’inscrire d’un point de vue
compétitif, au niveau familial et professionnel. Elle n’est plus reconnue
uniquement à sa fonction physiologique.
« Ces femmes doivent être désormais le moins enceintes possible » du fait
d’une productivité professionnelle de masse. Ainsi, la femme moderne perdrait
le sens de la maternité oscillant entre « idéalisation et dénigrement » : un
conflit ambivalentiel du rôle maternel se serait installé.
Selon l’auteur, les nouveaux investissements se font dans trois directions :
19
-Celle d’un “nouveau“ père, qui doit être très investi et empathique (les
attentes et les représentations collectives à l’égard du rôle paternel varient au
fil des générations et en fonction des sociétés).
-Un nourrisson espéré idéal, parfait.
-Un corps médical robuste, ayant toute réponse, grâce à une technicité
pointue. Les soignants seraient investis comme “tout puissant“.
L’auteur semble observer une « mutation sociologique ».
La parentalité est définie par l’auteur comme « ce processus mental individuel
du “Devenir parent“, animé par le désir d’enfant, correspond à une longue
évolution en pelure d’oignon traversant l’enfance, l’adolescence et l’âge
adulte. Il est indispensable de son enracinement singulier intergénérationnel,
de son environnement social, culturel spécifiques et de son histoire adaptative
biologique unique. »
Par cette description, nous pourrions voir une sorte de fil rouge de la
parentalité et de son processus : fil rouge traversant chaque étape de la vie.
D’autre part, le terme de parentalité ne peut être abordé sans la notion
primordiale de relation d’objet. Cette notion désigne le mode de relation du
sujet avec son monde, « relation qui est le résultat complexe et total d’une
certaine organisation de la personnalité, d’une appréhension plus ou moins
fantasmatique des objets et de tels type privilégiés de défense. » (Vocabulaire
de la psychanalyse). Le terme “objet“ doit être entendu dans un sens
spécifique : on qualifie une personne d’“objet“ quand elle est visée par des
pulsions ; le terme “relation“ doit être entendu dans le sens d’une interrelation :
sujet et objet s’influencent mutuellement. Nous parlerons ici de relation d’objet
à l’enfant imaginaire, virtuel ou actuel.
Pour aborder la périnatalité et la parentalité, S. Missonnier nous propose de
parler de « périnatalité psychique » (période englobant le projet parental
d’enfant et la deuxième année de vie de l’enfant). Il la définit comme une
séquence du processus, venant « mettre à jour l’interrogation sur les origines,
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sur la différence des sexes, la scène primitive et les avatars de la genèse du
soi et de la relation d’objet ». Les fantasmes originaires refont surface. (nous
tenterons de les définir clairement dans la partie suivante)
Tout comme M. Bydlowski l’a démontré dans ces réflexions sur la femme
enceinte (in La dette de vie, PUF), la transparence psychique contribue à la
“gestation maternelle“. Celle-ci amène l’inconscient de l’enfant en devenir à se
construire.
La transparence psychique (ou « fonctionnement psychique placentaire ») met
en évidence une perméabilité accrue de la barrière du refoulement. Ainsi, des
réminiscences et des représentations fantasmatiques émergent. La névrose
infantile et des reviviscences archaïques font retour. La densité des
représentations disponibles au seuil de la conscience lors de cette période ne
peut pas être considérée comme pathologique. Au même titre que la
“préoccupation maternelle primaire“ explicitée par D. W. Winnicott, elle se
définit même comme nécessaire.
Le bébé constitue un investissement narcissique ; Une polarité narcissique
contre-balance une polarité objectale : il y a un hyper-investissemnt
narcissique et un désinvestissement des autres thématiques psychiques qui
seront flottantes, comme sans défenses et donc livrées sans retenue. Le
deuxième trimestre en est un temps privilégié.
Durant cette période (qui se pose dans une continuité), l’enfant imaginaire,
fantasmatique et mythique vient s’enraciner. Cet “enfant imaginé“
traduit,
selon D. Cupa, une représentation anticipatrice et un pré-investissement du
bébé en devenir. La transparence psychique appelle des angoisses signal et
réactualise certaines angoisses automatiques. (nous définirons ces angoisses
et le processus d’anticipation en dernière partie théorique)
Cette conflictualité débordante et structurante décrite chez la devenant mère
se retrouve chez le devenant père. Elle se traduit par un questionnement
accru de « son histoire individuelle et de son “arbre de vie“ » selon S.
Missonnier. « Le fonctionnement psychique placentaire » du futur père est
largement empreint de l’interrogation à propos du générationnel, du familial et
des origines. La succession généalogique est en marche ; les places et les
21
rôles de chacun sont redistribués et les processus identificatoires sont mis à
l’épreuve par l’afflux des affects et des représentations.
L’homme
serait
également
en
proie
à
un
filtrage
Inconscient/Pré-
conscient/Conscient amoindri. La vie fantasmatique masculine est ainsi
influencée par le développement d’une grossesse et nous pourrions évoquer
la “périnatalité psychique paternelle“ et la “gestation paternelle“ pour la définir.
S. Missonnier conclue son article autour de la prise en charge thérapeutique
situant l’action soignante « comme une trame rituelle favorisant l’accueil
partagé et la mise en sens de ce passage primordial ».
2.1.3 : La fonction paternelle
Selon F. Hurstel, la paternité contemporaine a subi un « éclatement de
l’institution du père ». Elle entend par “institution“, « l’ensemble politique,
juridique et social, et le faisceau culturel qui étaye la paternité en chaque
société ». L’auteur, dans son article Penser la paternité contemporaine,
Raisonner sur la clinique, in Fonctions maternelle et paternelle, 2000, parle de
« pulvérisation » des repères symboliques et imaginaires » laissant le cœur de
la paternité, c’est à dire la fonction fondamentale du père, liée au sens de la
filiation.
Figure de loi, la fonction du père produit la différenciation. Elle est du point de
vue de l’organisation subjective, ce que Freud désignait avec la “castration“.
Elle permet l’entrée de l’altérité, la différence. Selon, F. Hurstel, les faisceaux
culturels se consument, redessinant les modalités de la fonction paternelle, et
le « déclin social de l’image du père » défini par J. Lacan, est aujourd’hui
considéré comme une mutation.
En 1992, Colette Chiland distingue le père biologique, qui est à l’origine de la
moitié de l’équipement chromosomique, le père légal, celui dont l’enfant porte
le nom et le père psychologique, celui qui investit l’enfant et que l’enfant
investit en retour.
22
En psychanalyse, de nombreux écrits ont montré que le père “sert “à mettre
un écart entre mère et bébé, à interdire l’inceste, à énoncer la loi : cette
fonction symbolique est souvent mise au premier plan. Cependant, le père est
aussi pressenti par le bébé, comme un objet de relation. Il serait selon
certains, présent très tôt dans la vie et l’esprit de l’enfant.
Selon un article de A. Ciccone, intitulé La place du père, Clinique de la
fonction paternelle, in Les pratiques psychanalytiques auprès des bébés,
2003, le père serait porteur d’une fonction symbolique et mythique, mais
également un objet de relation dont l’établissement du lien précoce avec le
bébé est différent de celui de la mère. Ceci diffère par rapport aux
considérations freudiennes qui mettaient en avant la non-différenciation des
liens et des comportements dus à la non-acquisition de l’enfant de la
différence des sexes.
Les recherches sur l’attachement ont mis en évidence la place certaine du
père dès le début de l’histoire du nourrisson (aujourd’hui, nous pourrions
même évoquer l’histoire intra-utérine).
Selon A. Ciccone s’inspirant des travaux de Fivaz-Depeursinge et coll des
années 90, le bébé a accès d’emblée au triangle interactionnel. La triade se
construit au même titre que la dyade et ne serait pas seulement une
dynamique conflictuelle du système dyadique. Il y a triadification et selon S.
Lebovici, celle-ci sera ensuite traduite vers la triangulation.
D’après A. Ciccone, le bébé, le couple mère/bébé, le groupe familial sont en
quête d’une fonction paternelle et de la “tiercéité“ qu’elle apporte.
Le père aurait une fonction de soutien, d’étayage et de confirmation
narcissique de la mère. Il supporte et contient la relation mère/bébé. Il assure,
selon l’auteur, une fonction de « pont » entre mère et bébé, les conditions de
la rencontre et du lien.
La fonction paternelle est donc une fonction psychique dans la position
parentale du père comme de la mère. Le père a cependant, une place
d’emblée, en tant qu’objet de relation, d’investissement pour le bébé.
Elle consiste à introduire un écart dans le lien dyadique et à protéger, assurer
les conditions de possibilité de ce lien, selon A. Ciccone. Le père crée un pont
23
entre la mère et le bébé pour qu’ils puissent se rejoindre. La fonction
paternelle est aussi tributaire de l’organisation du couple ; elle s’articule avec
la fonction maternelle.
2.1.4 : « Une paternité de proximité »
M. Lamour, C. Davidson et S. Lebovici ont conceptualisé le processus de
paternalité et le rôle du père dans un article intitulé Le père dans la triade
père, mère, bébé, in Alliances autour du bébé, 2000. Ainsi, ils proposent de
parler de « paternité de proximité » pour évoquer l’implication croissante des
pères dans la paternité.
Les
auteurs
mettent
en
relief
le
pôle
émergeant
de
l’histoire
transgénérationnelle dans le système interactif. Au centre de cette
conceptualisation, se trouve la notion de Mandat Transgénérationnel, définie
par S. Lebovici. Selon ce dernier, le mandat transgénérationnel est « le contrat
que
le
sujet
a
à
remplir
à
l’égard
de
sa
famille
(transmission
intergénérationnelle), contrat qu’il intègre dans sa trajectoire de vie.
D’importance variable, le mandat préexiste au sujet qui est le porteur et qui le
gère ».
Pour expliquer le processus de paternalité, les auteurs proposent le schéma
suivant :
Légende :
Interactions triadiques
Paternalisation
MTG : Mandat transgénérationnel
* Renégociation des mandats des parents : c’est dans le creuset triadique que
se renégocie l’héritage des familles afin que le bébé prenne sa place dans les
identifications transgénérationnelles.
24
Schéma : Processus de paternalité
Histoire Famille
Histoire Famille
d’origine
d’origine
M
M
Père
Mère
Père
Mère
T
T
Fils
Fille
G
G
Harmonie conjugale
Mari
Femme
Alliance
Parentale
PERE
MERE
Bébé
MTG *
25
De leur recherche, les auteurs ont conclu à une paternalisation des pères
d’aujourd’hui.
Ainsi, ils définissent par paternalisation, une influence positive exercée par le
bébé et la mère sur le sentiment du père au niveau de son identité dans un
rôle parental. La mère favoriserait ou non cette dynamique. C’est l’interface de
l’interaction.
Ces pères sont également, selon les chercheurs, paternifiés par leur femme et
leur bébé.
La paternification regroupe l’ensemble des phénomènes psychiques en
mouvements
du
« devenir
père ».
Ce
sont
des
réaménagements
psychologiques du père en devenir.
Pour conclure leur recherche, les auteurs ont mis en évidence une
différenciation nécessaire entre l’ « alliance parentale » où prennent place des
parentalisations réciproques, et l’ « alliance conjugale » marquée ou non d’une
certaine harmonie.
26
Pour conclure
In fine, nous avons pu voir, au fil des théories sur le processus de parentalité,
qu’actuellement les travaux psychologiques convergent vers un même
concept : le bébé semble d’emblée confronté à la tiercéité et armé pour la
penser, ou se la représenter. Ainsi, selon B. Golse (2000), « il dessine là
l’espace psychique où se jouera et se déploiera ultérieurement la fonction
paternelle éventuellement incarnée par le père ».
Nous avons pu noter les différentes trames psychanalytiques de la fonction
paternelle qui paraissent se compléter : ainsi le père représente la loi
symbolique et constitue un objet de relation permettant à la mère et au bébé
de se rejoindre. Ceci pourra nous conduire vers le concept de relation d’objet
virtuel du futur père vers l’enfant imaginé que l’on nommera aujourd’hui
l’enfant virtuel.
D’autre part, il semble que devenir père s’inscrit dans une évolution constante
traversant toutes les étapes de la vie et s’enracine dans un vécu personnel
générationnel. Nous avons vu également que lors de la grossesse, le futur
père est en proie à de grands bouleversements intrapsychiques : « le
fonctionnement psychique placentaire ».
Enfin, nous avons pu remarquer combien la parentalité et notamment la
paternalité sont influencées par les facteurs culturels et la « mutation
sociologique » de la famille.
Nous
allons
maintenant
aborder
la
question
des
représentations
fantasmatiques.
Note : Le temps de recherche étant relativement limité, nous avons choisi de
cibler la définition de la parentalité sur les travaux de D. Houzel afin d’être
concis ; cependant nous pensons nous intéresser, plus tard, de façon plus
conséquente, comme il se doit, aux travaux européens qui représentent
aujourd’hui des piliers conceptuels.
27
2.2 : Les fantasmes
2.2.1 : Définition
Dans le vocabulaire de la psychanalyse, les auteurs Laplanche et Pontalis,
définissent le fantasme comme « un scénario imaginaire où le sujet est
présent et qui figure, de façon plus ou moins déformée par les processus
défensifs, l’accomplissement d’un désir et, en dernier ressort, un désir
inconscient. »
Le terme de fantasme pourrait évoquer un contraste entre l’imagination et la
perception de la réalité. Quand Freud définit en 1911, Formulations sur les
deux principes du fonctionnement psychique, nous retrouvons cette
acceptation d’un monde intérieur en proie à la satisfaction et un monde
extérieur, imposant une réalité. Ainsi, les fantasmes peuvent être entendus
comme conscients (comme les rêves diurnes) ou inconscients, des désirs
refoulés. Cependant, il convient de préciser que ces fantasmes inconscients
font partie d’une réalité psychique, « forme d’existence particulière qui ne
saurait être confondue avec la réalité matérielle ».
D’autre part, la relation entre le fantasme et le désir est étroite et complexe ; le
fantasme est en quête de la satisfaction d’un désir qu’il met en scène de
façon plus ou moins déguisée. Il s’agit de scénarii organisés, où le sujet est
toujours présent.
L’élaboration théorique du fantasme par Freud a connu un tournant
épistémologique lors de la découverte du caractère imaginaire des
traumatismes rapportés pas ses patients. Il avait d’abord admis la « réalité »
des scènes infantiles traumatiques surgissant dans la cure ; puis il fut
convaincu que la réalité matérielle des souvenirs n’était que « réalité
psychique ». Cette expression constituerait un « noyau hétérogène » résistant
28
seul au réel par rapport aux autres phénomènes psychiques. Freud en a
déduit qu’une force inconsciente poussait l’homme à remodeler son
expérience et ses souvenirs.
Ainsi, les désirs archaïques cherchent leur réalisation dans la vie concrète du
sujet ; ils cherchent à s’actualiser à travers les choix professionnels,
relationnels, sexuels et affectifs du sujet. Certains fantasmes inconscients
peuvent devenir accessibles au sujet notamment dans la cure analytique ;
d’autres resteront sous l’emprise du refoulement originaire, ne pouvant être
reconstruits que par interprétation.
Enfin, in Névrose, Psychose et Perversion, 1915, Freud différencie certains
fantasmes qu’il appelle fantasmes originaires, désignant les fantasmes
concernant l’origine du sujet (sa conception, sa sexualité et la différence des
sexes).
Nous allons en donner une définition dans le paragraphe suivant.
2.2.2 : Les fantasmes originaires
Laplanche et Pontalis définissent les fantasmes originaires, in Vocabulaire de
la psychanalyse, 1967, comme « des structures fantasmatiques typiques (vie
intra-utérine, scène originaire, castration, séduction) que la psychanalyse
retrouve comme organisant la vie fantasmatique, quelles que soient les
expériences personnelles des sujets ;
l’universalité de ces fantasmes s’explique, selon Freud, par le fait qu’ils
constitueraient un patrimoine transmis phylogénétiquement. »
Freud s’intéresse à l’origine, à “l’avant“, cherchant une causalité. Pour lui, le
passé explique le présent ; l’originaire buttant aussi sur une expérience
antérieure. Ainsi l’étiologie de l’avant est sans fin.
L’art de la mémoire est en filigrane derrière la question des fantasmes
originaires. Dès 1895, in Etudes sur l’hystérie, la théorie de la
mémoire
29
apparaît dans l’œuvre freudienne, avec les notions de l’abréaction et de
l’après-coup impliquant un interval temporel.
En 1915, in Névrose, Psychose et Perversion, Freud dit : « je nomme
fantasmes originaires ces formations fantasmatiques – observation du rapport
sexuel des parents, séduction, castration et d’autres… ».
Ce concept survient après sa rupture épistémologique avec Jung, concernant
leurs discussions sur l’inné et l’acquis. Pour Freud, l’inné et l’acquis seraient
indissociables, où l’inné serait relié à la phylogenèse et l’acquis à
l’ontogenèse.
L’explication phylogénétique naît dans ses écrits, Totem et Tabou, 1911-1912.
Ainsi, dans le passé archaïque, les fantasmes originaires auraient été des
scènes réelles : dans le passé, une réalité de faits est devenue aujourd’hui
une réalité psychique. Pour Freud, l’individu serait porteur d’une mémoire
trans-familiale, phylogénétique de l’espèce. Ils subsisteraient des traces
mnésiques. L’individu possèderait un héritage phylogénétique, un “savoir
instinctif“, dont les fantasmes originaires font partie.
Il convient d’expliciter les différents fantasmes originaires et notamment le
fantasme de scène originaire qui pourrait occuper une place prépondérante
dans la vie fantasmatique du devenant père.
-
La scène primitive (ou scène originaire)
Il s’agit d’une scène fantasmatique ou réelle dans laquelle le sujet est témoin
du coït parental. Cette scène est donc observée ou supposée d’après certains
indices.
Selon Freud, la scène primitive est une scène formatrice, organisatrice.
Pour qu’il y ait fantasme, trois critères doivent coexister :
30
-la violence et l’agressivité du père envers la mère (ou substituts paternel et
maternel) ; le coït étant vécu comme une agression du père dans une relation
sado-masochiste, provoquant une excitation sexuelle chez l’enfant et dans le
même temps, un support à l’angoisse de castration.
-la scène doit avoir une connotation bestiale.
-l’enfant doit se manifester à l’extérieur, c’est à dire être choqué.
Freud relève, notamment dans “l’homme aux loups“, que la scène primitive
donne la prédominance au sensoriel (surtout l’ouïe).
Le traumatisme suscité par la scène primitive est source d’angoisse et de
frayeur.
Les sentiments envahissant l’enfant devant la scène primitive sont :
-l’effroi (selon Freud) ;
-le fantasme de retour in utero dans le sens voir la scène du dedans ;
-s’installer entre les parents, selon Mélanie Klein ceci est signifié par la scène
primitive interne (où l’enfant serait comme à l’intérieur, ayant une relation
sexuelle avec sa mère) ;
-une impression de comique, de ridicule signifiant un mécanisme de défense
contre l’angoisse ou la culpabilité ;
-un vécu d’“inquiétante étrangeté“ (mouvements étranges, infra-langage), où
pulsion de vie et pulsion de mort s’entremêlent.
Parallèlement, on retrouve le traumatisme et l’effroi, et l’initiation, la formation.
Ce fantasme originaire nous intéresse plus particulièrement. En effet, il vient
se poser comme une réponse que chacun se donne à la question de ses
propres origines. Ainsi, la grossesse peut réactualiser chez la devenant mère,
mais également chez le devenant père, ce fantasme des origines, tout en se
mêlant aux questions de transmission générationnelle ; La véritable
interrogation serait : “d’où je viens ?“.
31
D. Cupa et coll ont repéré dans une recherche de 1992, que le fantasme de
scène primitive était déterminant lors de la grossesse chez la future mère. Ils
ont également mis en évidence que le scénario fantasmatique de la devenant
mère, structure les relations qu’elle aura avec son bébé : une spirale
interactive débute. S. Lebovici a établi que ce sont les conflits maternels qui
organisent cette spirale interactive, D. Cupa et coll ont ajouté que la scène des
origines est un système d’organisation des conflits.
Ces quelques explications chez la devenant mère nous paraissent adaptées
pour expliciter la vie psychique du futur père. Nous ne pourrons mettre en
avant dans cette étude, la spirale interactive entre père et nourrisson, mais
nous tenterons d’éclaircir ce qu’il en est du scénario paternel. (nous nous
réservons la possibilité d’une recherche plus complète, longitudinale à ce
sujet)
L’univers représentationnel paternel serait donc chargé de la problématique
oedipienne et de ses réaménagements (comme nous l’avons vu en première
partie), d’un ensemble de fantasmes concernant les origines (dont la scène
primitive), la grossesse et l’enfant.
-
La séduction
La théorie de la séduction a été élaborée par Freud, en 1895 et 1897,
notamment avec la célèbre Neurotica. Il analyse les scènes de séduction
traumatisantes racontées par ses patientes, scènes qui remontaient à
l’enfance de la part d’un adulte ; ces scènes étaient subies par le sujet avec
effroi. Ces scènes sont selon l’auteur, déterminantes dans l’étiologie des
psychonévroses.
Avec le cas Emma, Freud définit la théorie de l’après-coup. Il y aurait donc un
premier événement traumatique et plus tard la réactualisation de cette
première scène traumatique : “poussée sexuelle génératrice d’angoisse“.
32
Freud renonce, dans une correspondance avec Fliess, à la Neurotica : “ne
pouvant accuser tous les pères d’être pervers“. Selon Freud, l’enfant n’est pas
passif face à l’irruption de la sexualité adulte (comme le pense Ferenczi).
Cet abandon de la théorie a été considéré comme décisif dans l’avènement de
la théorie psychanalytique « et dans la mise au premier plan des notions de
fantasme inconscient, de réalité psychique … » (Laplanche et Pontalis,
Vocabulaire de la psychanalyse, PUF)
C’est ce qui l’amène à la théorie des fantasmes originaires.
-
La castration
Selon Freud, le fantasme de castration survient à la
phase du prima du
phallus (vers trois ans). La castration vient de l’extérieur (le Surmoi) et elle est
ressentie comme une loi, une sanction.
Le complexe de castration est centré sur son fantasme venant apporter une
réponse à l’énigme de la différence anatomique des sexes.
« Le garçon redoute la castration comme réalisation d’une menace paternelle
en réponse à ses activités sexuelles ; il en résulte pour lui une intense
angoisse de castration. Chez la fille, l’absence du pénis est ressentie comme
un préjudice subi qu’elle cherche à nier, compenser ou réparer. » (Laplanche
et Pontalis, Vocabulaire de la psychanalyse, PUF) Le complexe de castration
est en relation avec le complexe d’Œdipe et sa fonction interdictrice et
normative.
Freud a décrit la castration en 1908, in Les théories sexuelles infantiles. Le
pénis est
« l’organe sexuel autoérotique primordial », le complexe prend
place en raison de la théorie de la possession universelle du pénis. (l’analyse
du petit Hanz, in cinq psychanalyses, a été prépondérante dans l’élaboration
de la théorie du Complexe de castration)
Ces différents fantasmes sont à concevoir dans leur ensemble dans leur
réactualisation au cours du processus de parentalité ; néanmoins, nous nous
concentrerons particulièrement sur celui des origines ; nous ne développerons
donc pas plus en avant les autres fantasmes.
33
2.3 : Les travaux sur le terrain : Cupa et coll, La
constellation paternelle
2.3.1 : Exposé de la recherche
D. Cupa, H. Deschamps, F. Michel et S. Lebovici ont mené une étude sur le
futur père, lors de la grossesse. Celle-ci est relatée dans un article intitulé La
constellation paternelle pendant la grossesse, in Alliance autour du bébé,
2000, PUF (sous la direction de M. Maury et M. Lamour).
La problématique posée est celle dont nous nous sommes largement inspirés,
notamment le poids des représentations paternelles pendant la grossesse.
Les auteurs ont fait appel à deux champs théoriques qui sont la psychanalyse
et la psychologie développementale. Il s’agit d’une recherche comparative,
longitudinale s’étalant du 7ème mois de grossesse au 9ème mois de vie du
nouveau-né.
D’un point de vue psychanalytique, ils dégagent le concept de « constellation
oedipienne » et émettent trois points de repère.
- du point de vue de l’enfant, le père serait l’interdicteur oedipien où sa
fonction serait celle de la loi symbolique. Ainsi, le mythe de la horde primitive
évoqué par Freud dans Totem et Tabou, puis par Lacan peut nous éclairer à
propos de l’entrée du sujet dans le transgénérationnel se référant au sacrifice
du père : il s’agirait de la figuration d’un passage comportant le don de la vie
et du nom, contre sa disparition. On a souvent évoqué le parricide mais le
fantasme du meurtre du fils par le père n’a pas fait l’objet de beaucoup de
réflexions, remarquent les chercheurs. Bril en 1989, donne comme explication
à cela l’effroyable, l’horreur de ce que cela représente.
- du point de vue du père, G. Delaisi de Parseval, in La part du père, 1981,
Seuil, nous fait part de différents concepts concernant le père. Elle repère que
le « père enceint » est renvoyé à sa propre naissance ; il introduit lui-même
son père comme grand-père et s’anticipe comme grand-père. Selon l’auteur,
34
des conflits ambivalentiels sont réactivés chez le devenant père à l’égard de
son propre père.
S. Lebovici parle de conflits identificatoires chez le futur père ; Il serait pris
entre d’une part un désir de maternité et un désir d’identification au grand-père
paternel. L’auteur définit la place du père dans le réseau identificatoire
intergénérationnel.
En 1997, D. Cupa et coll démontrent que « les fantasmes du père pendant la
grossesse sont organisés selon un pôle ambivalentiel : protection et agression
du nourrisson, qui crée un espace conflictuel difficile à gérer parfois pour le
père ». Ceci peut faire écho à ce que nous avons dit dans notre première
partie, concernant les réaménagements psychiques intenses qui s’effectuent
lors de cette période.
- du point de vue intergénérationnel, les chercheurs ont mis en avant la notion
de filiation. S. Lebovici émet l’hypothèse que le rôle paternel résulte de la
transmission intergénérationnelle dans la lignée maternelle et paternelle.
D. Cupa définit la filiation comme un processus complexe qui permet au sujet
de se situer et d’être situé par rapport à ses descendants réels et imaginaires.
Les auteurs utilisent la distinction de Guyotat (1980) :
Filiation du corps à corps (elle observe une logique de continuité, c’est une
transmission au niveau génétique et interactionnel, les objets transmis sont le
réel du corps et les proyo-représentations) ;
Filiation narcissique (elle suit une logique du même, de la reduplication par
des identifications imaginaires, les objets transmis sont des images
identiques) ;
Filiation symbolique (la logique est celle du manque, de la différence, la
transmission se fait par des identifications symboliques, les objets transmis
sont la perte, le manque, la loi et le mandat.
Ces trois types de filiation sont co-présents et ne s’excluent pas.
La théorie développementale a été marquée par Le Camus, qui a mis en relief
le dialogue tonico-moteur du père avec le nourrisson. Ce dialogue est appelé
le Dialogue Phasique.
35
Selon Le Camus, il possède un rôle essentiel dans l’autonomisation, la
sexuation et la socialisation.
Lors de la période anténatale, ce dialogue existe et on le nomme Dialogue
Proto-phasique. Il concerne le toucher du ventre, les paroles adressées au
bébé, la participation aux échographies, aux différents cours de préparation à
l’accouchement. Il marque le début du processus de paternalisation. Ce même
auteur a mis en évidence la relation entre l’intensité et la qualité de
l’investissement fantasmatique anténatal et l’intensité des investissements
postnataux dans les soins.
Pour aborder la « constellation paternelle », les auteurs se sont basés sur ce
que D. Stern (1995) a appelé la « constellation maternelle ». C’est « la
réponse que la mère donne à sa grossesse dans une certaine culture ». Stern
développe 4 thèmes :
-
thème de la croissance de la vie (le développement physique)
-
thème de la relation primaire (le développement psychique)
-
thème de la matrice de soutien ( le soutien protecteur)
-
thème de la réorganisation identitaire (changement de la place de la
mère dans l’axe intergénérationnel)
Les chercheurs mettent en avant les avancées théoriques concernant le futur
père.
Ainsi, « l’ensemble des fantasmes concernant les origines, la grossesse et
l’enfant sont repérables chez l’homme. La grossesse implique pour le père
une
réorganisation
de
l’image
de
soi
et
du
réseau
identificatoire
intergénérationnel. L’attitude prénatale des pères envers l’enfant est
susceptible d’être mise en relation avec l’intensité des investissements
postnataux ».
D’autres part, les auteurs partent avec un postulat de base, introduit par S.
Missonnier en 1997 : toute constellation en période néonatale est construite
par des représentations anticipatrices qui sont le fruit de projections, d’attentes
et de mesures défensives à l’égard du bébé et du devenir parent.
36
Les hypothèses générales de leur recherche sont ainsi formulées :
1 : la constellation paternelle vient rendre compte du processus de
paternalisation chez le père.
2 : la problématique oedipienne est réinvestie et est une composante centrale
de
la
constellation
paternelle
à
laquelle
s’associe
une
logique
intergénérationnelle. Ceci implique l’organisation d’un conflit d’ambivalence à
l’égard du nourrisson.
2.3.2 : Résultats
Cupa et coll ont observé dans cette étude une spécificité de la constellation
paternelle :
Les pères se projettent moins dans les situations de soins que les mères,
s’estimant incompétents. Selon eux, ils préfèrent les jeux physiques.
Ils s’imaginent comme “protecteurs“ et fantasment la mère comme plus
importante pour la survie du nourrisson. Le thème est celui de la croissance
de vie montrant un sentiment d’incapacité.
Ils s’imaginent sur le plan psychique, comme “attentifs“, ce qui se rallie au
thème de la relation primaire.
Les pères recherchent un soutien lors de la grossesse, ce qui s’apparente au
thème de la matrice de soutien. Ce peut être la mère ou des amis.
Le remaillage identitaire s’organiserait autour d’identifications partielles à sa
femme, à sa mère et de contre-identifications paternelles. Ils peuvent
également être dans une position régressive en s’identifiant au nourrisson. Le
thème abordé ici est la réorganisation identitaire, permettant de se construire
une place.
Les interactions proto-phasiques sont marquées par une spécificité des
échanges sensoriels, où les premiers mouvements et l’échographie (« imagepassage“) occupent successivement une place centrale dans le processus de
paternalisation.
37
D’autre part, il apparaît dans l’étude que le pôle conflictuel du versant agressif
de la problématique oedipienne est particulièrement actif. « Pour le père, le fils
et la fille à moindre degré, est un dangereux rival physique, social et sexuel.
Le père est confronté à ses désirs meurtriers à l’égard de son propre père et,
en miroir, au risque d’être tué par le fils ».
Les auteurs déduisent de leur recherche que l’anticipation permet au père de
se pré-forger un avenir avec son bébé et de prévenir par la préparation
psychique qu’elle implique. Celle-ci peut également représenter un risque : le
rêve qui ne se réalise pas, confrontant bébé réel et bébé imaginé, ou plutôt,
nous le verrons, bébé actuel et bébé virtuel.
In fine, les chercheurs accordent toute son importance à la dimension
culturelle du devenir père.
Nous avons pu voir à travers cette recherche l’articulation des représentations
fantasmatiques dans le processus de paternalisation. Nous allons essayer de
cibler sur les notions d’anticipation et de virtuel, afin d’aborder sous un angle
quelque peu différent la problématique soulevée par les chercheurs.
38
2.4 : Le virtuel
2.4.1 : « Qu’est-ce que le virtuel ? »
2.4.1.1 : Espace transitionnel et Virtuel
L’enfant vient au monde “démuni“, sans possibilité immédiate de distinguer un
intérieur et un extérieur, un moi et un non-moi. Le psychanalyste britanique, D.
W. Winnicott, postule que le besoin interne ressenti par l’enfant lui fait créer,
de manière hallucinatoire, un objet subjectif apte à apporter la satisfaction.
Le concept clef de WINNICOTT, D. W, se recoupe sous le mot “transitionnel“,
dans son article paru en 1975, Objet transitionnel et phénomènes
transitionnels , in De la pédiatrie à la psychanalyse, ou encore dans l’ouvrage
reconnu Jeu et réalité, l’espace potentiel. Ainsi, pour comprendre la notion
d’espace
transitionnel,
nous
devons
nous
attacher
à
définir
l’objet
transitionnel. Celui-ci aurait l’effet apaisant d’un substitut maternel et serait la
première possession de l’enfant, extérieure à son propre corps. Il s’agit selon
Winnicott de la première “possession non-moi“, bien qu’elle ne soit pas perçue
comme tel. Il permet à l’enfant d’effectuer la transition entre la relation à la
mère et la relation avec d’autres objets de son environnement. L’objet désigné
est un objet matériel de texture souvent douce ; c’est le “doudou“.
Selon l’auteur, l’objet transitionnel appartient au domaine de l’illusion. Il s’agit
d’une « aire intermédiaire d’expérience, dont il n’a à justifier l’existence ni à la
réalité intérieure, ni à la réalité extérieure (et partagée) ». C’est un champ
intermédiaire entre soi et non-soi. Cet espace intermédiaire va se poursuivre
tout au long de la vie, notamment dans l’imagination, selon l’auteur.
D. W. Winnicott, en élaborant cette théorie, nous montre comment l’enfant met
en place des stratégies de substitution au manque, à la frustration. Face au
manque, l’enfant construit une aire intermédiaire lui permettant de “survivre“
en l’absence de l’objet.
39
Ainsi, chaque individu possède un domaine d’expérience vécu. C’est un pont
entre le monde intérieur et le monde extérieur. Ceci étant rendu possible que
par un maternage suffisamment bon, lui-même dépendant d’un environnement
suffisamment bon. L’objet transitionnel va permettre au nourrisson de
supporter l’angoisse de l’absence de sa mère, en gardant celle-ci
symboliquement présente. Plus tard l’objet transitionnel sera désinvesti au
profit de la vie imaginaire et culturelle.
La notion d’espace transitionnel semble être un point essentiel dans le
concept de relation d’objet virtuel. En effet, nous basons notre recherche sur la
relation d’objet à l’enfant imaginaire. L’accès à cette relation d’objet semble
possible au regard de la mise en place de la relation d’objet transitionnel, de
l’expérimentation d’un espace intermédiaire. La possible représentation
comportementale, affective et fantasmatique de l’enfant virtuel pourrait
également s’ouvrir sur le concept d’anticipation, que nous traiterons dans la
partie suivante.
In fine, nous pouvons nous référer
aux propos de FAURE-PRAGIER, S,
médecin psychanalyste, 2003, in Le virtuel, la présence de l’absent, Paris,
EDK. L’auteur nous dit dans son article intitulé Le virtuel, pourquoi ça
marche ? Hypothèses psychanalytiques, « le virtuel fonctionne entre réalité
matérielle et réalité
transitionnel » et
psychique, entre soi et l’autre, dans l’espace
de fait le virtuel est un espace intermédiaire “ni bon, ni
mauvais“.
Afin d’être clair sur l’emploi du terme “virtuel“, nous nous devons de nous
référer à la définition proposée par LEVY, P, philosophe, 1998, in Qu’est-ce
que le virtuel ?, Paris, La découverte .
En toute rigueur, la notion de virtuel s’oppose moins d’après l’auteur à celle de
réel qu’à celle d’actuel. Le virtuel n’a rien à voir avec le faux, l’illusoire.
Pour affirmer cela, l’auteur s’appuie sur la distinction faite par Deleuze, entre
possible et virtuel. Le possible est un réel fantomatique, il est latent ; il est déjà
tout constitué et se réalise sans que rien ne change dans sa détermination. Il
ne lui manque que l’existence. Le virtuel est un « complexe problématique »
40
qui en appelle à une résolution par une solution non contenue à l’avance dans
l’énoncé. Cette résolution, c’est l’actualisation ; celle-ci est une solution
créative, une invention. Ainsi, l’auteur en déduit que « le réel ressemble au
possible ; en revanche, l’actuel ne ressemble en rien au virtuel, il lui répond ».
Le processus inverse de l’actualisation est la virtualisation ; il s’agit ici de
passer d’une solution donnée à un autre problème.
P. Lévy associe au processus de virtualisation une série de modalités : le
détachement déterritorialisant de l’ici et maintenant, le surgissement de
nouveaux espaces et de nouvelles vitesses s’enchevêtrant aux anciens, l’effet
Moebius, la remise en cause des définitions exclusantes, passage continuel
de l’intérieur dans l’extérieur et de l’extérieur dans l’intérieur.
Selon lui, l’hominisation pourrait s’expliquer par le processus de virtualisation.
Il y aurait trois formes de virtualisation impliquées : le langage, la technique et
les institutions. Ici, P. Lévy amène la question de l’intelligence collective
comme inhérente à l’état d’humanité ; le tout est de choisir l’intelligence.
Cette définition philosophique (P. Lévy) et psychanalytique (D. W. Winnicott)
du virtuel peut nous aider à conceptualiser, à lier l’enfant futur et le virtuel, en
dépit des résistances que cette notion amène (se dégager de la simulation des
affects humains par la machine).
2.4.2 : Le fœtus : virtualité d’un être en devenir ?
Nous pouvons concevoir les postulats de P. Lévy comme catalyseurs du
phénomène de relation d’objet virtuel entre futur père et fœtus/bébé. En effet,
l’auteur utilise comme métaphore pour expliquer le virtuel « l’arbre est
virtuellement dans la graine », nous pourrions dire “l’homme est virtuellement
dans le fœtus“ : il s’agit là de repérer que le corps absent ne veut pas dire qu’il
n’est pas réel, mais que l’être n’est pas actuel, il est en devenir, il est donc
virtuel.
41
Ainsi, nous pouvons noter que « c’est d’être absent que le virtuel trouve sa
raison principale de rendre présent », BENHAM, G, 2003, Aspects et enjeux
philosophiques du virtuel, in Le virtuel, la présence de l’absent, Paris, EDK.
L’homme serait l’actualisation du foetus. Selon S. Missonnier, 2003, Pour une
psycho(patho)logie du virtuel quotidien, article issu du même ouvrage que le
précédent, « le virtuel est un nid pour l’humain ».
Ainsi, le processus de parentalité se nourrit du concept de virtuel et de
l’actualisation croissante du fœtus. Le fœtus est formé biologiquement et de
façon représentationnelle par le couple parental.
De plus, l’enfant « imaginé » est aujourd’hui appelé « l’enfant virtuel », ceci
pour rendre compte du caractère vital de l’être en devenir. Selon l’auteur, le
fœtus n’est plus considéré comme seulement « l’incarnation du narcissisme
parental », il témoigne d’un fonctionnement prénatal parental inscrit dans
l’anticipation de « l’altérité objectale de l’enfant virtuel ». Ainsi, la relation
d’objet plante son décor dans la variabilité. Progressivement, le futur parent
passe d’une polarité narcissique vers une polarité objectale, via l’actualisation
du “problème humain“. Ce glissement est évidemment propre à chacun,
chaque vécu. Le « virtuel parental » peut donc être envisagé sur différentes
strates, plus ou moins constructives.
In fine, nous pouvons conclure des différents points de vue philosophiques,
psychanalytiques, scientifiques et techniques que le concept de “virtuel“ est un
vaste terrain dont l’exploration débute. Les premières réflexions nous laissent
penser qu’une position binaire en ce que concerne la relation d’objet virtuel
parentale, serait un débat stérile.
D’autre part, le concept de “virtuel“ serait à concevoir comme un moteur pour
l’anticipation. Virtuel et anticipation sembleraient aller de paire ?
42
2.5 : L’anticipation
2.5.1 : Anticipation : de l’angoisse automatique à
l’angoisse signal d’alarme
Dans un texte paru en 2001, intitulé Anticipation et périnatalité : prolégomènes
théoriques, in la revue Pratiques Psychologiques, Paris, L’esprit du temps,
2001-1, 17-30, S, Missonnier émet l’hypothèse d’une anticipation à concevoir
comme « une ligne de développement intergénérationnelle située entre les
polarités de “l’agonie primitive“ et de “l’angoisse signal“ ». Cette ligne de
développement serait à entendre dans le même sens que celles décrites par
A.
Freud
en
1968.
Toutes
participent
au
mouvement
global
de
l’autonomisation.
Selon S. Missonnier, cette ligne de développement marque le processus de
maturation d’un mécanisme de défense adaptatif qu’est l’anticipation. Anticiper
servirait à « prévenir les effets désorganisant des dangers réels ou
imaginaires ».
D’autre part, la ligne de l’anticipation est propre à chaque individu et ne peut
se dissocier d’une dynamique interactive comportementale, affective et
fantasmatique. Elle est ancrée dans l’intergénérationnel et sa maturation
dépend de celle que les parents ont instauré avec les grands-parents.
Au départ, le bébé est dépendant de la fonction pare-excitante d’un moi
auxiliaire, qui est souvent celui de la mère. Puis, lorsque l’angoisse
automatique-traumatique est dépassée, il y a reconnaissance anticipée du
danger autonome. Cette anticipation est rendue possible par l’angoisse signal
apportée par l’affect. Freud a définit dans Inhibition, Symptôme, Angoisse,
1926, l’angoisse automatique-traumatique et l’angoisse signal d’alarme. Selon
lui, il y a une angoisse originaire qui forge les angoisses suivantes en fonction
des dangers. C’est un prototype qui serait en fonction lors de la naissance.
Ainsi, afin de ne pas reproduire la situation dangereuse qui évoque celle de la
43
naissance, il y a déplacement sur une nouvelle situation qui est notamment
l’absence de la mère. Lorsque cette situation apparaît, le nourrisson émet un
signal d’angoisse avant d’avoir éprouver la situation traumatique.
Selon Freud, ce signal d’angoisse nous permet de constater une
autoconservation du moi. Il y a donc un passage entre l’angoisse involontaire
automatique et le signal d’angoisse intentionnel, recherché pour assurer
l’autoconservation.
Selon S. Missonnier, « le moi se forge défensivement une aptitude à anticiper.
En attendant et en reproduisant de façon atténuée l’effraction, le traumatisme
est prévenu ».
Il est à noter que l’anticipation est un phénomène variable, allant d’un pôle
“angoisse automatique“ à un pôle “angoisse signal“ : on trouve donc un panel
de couleur entre les deux.
Le pôle “angoisse automatique“ est un versant où l’anticipation est la moins
élaborée. Le pôle “angoisse signal“ signifie un versant élaboré de
l’anticipation, à condition que celle-ci ne soit pas envahissante.
Il ne s’agit pas ici d’adopter une position binaire à propos de l’anticipation,
mais bien de concevoir sa variabilité, pour pouvoir la repérer.
Comme nous l’avons vu dans la première partie, la triade père-mère-bébé et
la différenciation bébé-objet existent d’emblée, dès la naissance.
Ainsi, l’individu est capable de s’investir dans une relation d’objet dès le début.
Il s’agit là d’une différenciation soi-objet.
En parallèle, il a été établi que l’angoisse apparaît petit à petit, c’est ainsi que
l’on peut parler de ligne de développement de l’anticipation. Pour une mise en
place constante et structurante de la fonction signal, il faudrait dès le départ
que les fonctions maternelles soient organisatrices et régulatrices. La mère
doit pouvoir assurer une fonction de régulation comportementale, affective et
fantasmatique, afin de transmettre cette ligne de développement. Elle se doit
de proposer une fonction de pare-excitation pour maintenir et contenir le bébé,
dans un sens winnicottien. Peut-être, pouvons-nous évoquer la notion de
“mosaïque première“ de P. Marty ; elle définit les fonctions somatiques,
psychiques formant l’inconscient imaginaire du bébé.
44
La fonction maternelle les médiatise et les hiérarchise, aidant le bébé à les
composer, les unifier “morceau par morceau“. Le nourrisson doit pouvoir
s’approprier la continuité des liens et du soi.
D’autre part, S. Missonnier rapproche ce que l’on appelle “macrorythmes“,
c’est à dire la répétition des soins, aux “anticipations confirmées“, décrites par
Marcelli, Paget et Blossier (1996). Les anticipations confirmées constituent
des attentes assurant une continuité d’être. Celles-ci sont scandées par des
surprises (des comportements non prévus). Cela permet de faire le creuset de
la fonction signal de l’angoisse. Nous pouvons donc entrevoir le socle de
l’anticipation : ses prémices.
Autre rapprochement de l’auteur : le lien entre l’anticipation et la théorie de
l’attachement de Bolwby. L’enfant en situation de séparation est en détresse
et se laisse submerger par la peur. Ainsi, lorsqu’il ressent l’arrivée d’une
nouvelle situation de séparation, une angoisse se forme. La prévision de
l’événement permet l’adaptation à la situation : Prévenir pour mieux se
protéger, élaborer.
2.5.2 : Anticipation chez le “devenant père“
Période de crise, la périnatalité met en relief par le processus de parentalité, le
phénomène d’anticipation comportementale, émotionnelle et fantasmatique.
L’anticipation prénatale serait organisatrice des interactions précoces
postnatales. Selon D. Cupa et coll, le futur parent, mère ou père, « prend le
risque de créer, de pré-investir le bébé imaginé » (Bébé imaginé et
interactions précoces, Devenir, 1992).
Si nous envisageons l’anticipation d’un point de vue tridimensionnel, nous
pouvons repérer les pré-investissements parentaux :
-
au niveau comportemental, avec la préparation du “nid“ ;
45
-
au niveau émotionnel, avec le pré-investissement affectif du
nourrisson ;
-
au niveau fantasmatique, avec les réaménagements identitaires et
représentationnels, les mouvements intergénérationnels.
L’anticipation est un phénomène variable, ainsi nous pouvons retrouver
différentes formes d’anticipation variant du futur père dans l’impossibilité de
s’anticiper comme parent, de se préserver, d’envisager “l’après-naissance“, au
futur père dans une dynamique anticipatrice constante, envahissante,
obsédante, voire effractante.
L’anticipation est donc nécessaire pour l’élaboration parentale, mais « à
consommer
avec
modération ».
Les
meilleures
équations
parentales
paternelles pourraient favoriser le processus de parentalité.
L’anticipation parentale paternelle est également à concevoir comme un
échange , une réciprocité, un “accordage affectif“ avec l’anticipation parentale
maternelle et une possible anticipation anténatale du fœtus/bébé (protoanticipation). Nous devons l’inscrire dans un système interactif triadique. Elle
est
une
sollicitation
et
une
réponse
comportementale,
affective
et
fantasmatique et semble faire partie de la spirale interactive.
Enfin, nous pouvons nous intéresser à la définition philosophique que nous
apporte
BENHAM,
G,
2001-1,
Penser,
agir,
anticiper,
in Pratiques
psychologiques, 5-16. On note que l’anticipation répond à « l’exigence de la
temporalité : envisager l’orientation et la finalité des évènements ». L’auteur
ajoute qu’ « en articulant le possible et le réel, elle (l’anticipation) propose des
schémas de pensée et d’action ouverts, permettant de voir et de discerner par
avance des futurs ». « Elle est régulatrice d’une emprise sur le réel et elle
assure la finalisation aboutie de tout projet. (Il est à préciser que l’anticipation
est différente de la pensée prédictive et de la fiction). Ce sont ces schémas de
pensée et d’action qui peuvent servir à l’élaboration paternelle au cours de la
“temporalité de la gestation“, à la construction du “nid“, à sa « finalisation ».
46
LA RECHERCHE
47
3 : HYPOYHESES
3.1 : Hypothèses de recherche
H1 :
Certaines représentations fantasmatiques paternelles à l’égard de
l’enfant virtuel seraient plus prégnantes lors de la grossesse, mettant en
exergue la scène originaire et le fil rouge générationnel. (phénomène de
transparence psychique)
H2 :
Certaines
représentations
fantasmatiques
constitueraient
une
anticipation du rôle et de la fonction paternelle.
H3 :
Ce phénomène d’anticipation varierait selon les sujets, du pôle
angoisse automatique (c’est à dire l’absence d’anticipation) au pôle angoisse
signal d’alarme (c’est à dire l’anticipation en tant que relation d’objet virtuel
organisée).
3.2 : Hypothèses spécifiques
HS1 : Le matériel proposé (arbre de vie, questions abordant le thème de
l’histoire familiale) met en évidence une réactualisation des fantasmes de
scène des origines et une réédition de la conflictualisation oedipienne.
48
HS2 : Le matériel projectif (la bande sonore, le dessin du bébé, et les
questions abordant les thèmes de l’image échographique, l’accouchement de
l’auto-questionnaire et l’entretien) invite le devenant père à faire appel au
phénomène d’anticipation.
HS3 : Le matériel projectif permet d’envisager l’anticipation comme une
variable : du plus au moins élaboré, anticipé.
49
4 : METHODOLOGIE
4.1 : Contexte
Notre recherche a été réalisée au sein d’un centre hospitalier privé en
banlieue parisienne. La maternité, le service de consultation gynécologie ainsi
que la possible participation aux cours de préparation à l’accouchement ont
constitué un terrain de recherche très riche.
•
La maternité est constituée de 28 lits, dont 4 chambres doubles, ne
demandant pas de supplément financier ; ce qui peut nous aider à
penser que les patients sont tout-venant. Ce service accueille environ
1300 nouveaux-nés par an et ne possède pas encore de néo-natalité.
(Ainsi, les nouveaux-nés “grands prématurés“ et ceux en détresse
physiologique sont transférés vers l’hôpital intercommunal).
•
Le service de consultation gynécologie est constitué de 7 médecins
gynécologues. Nous leur avons présenté le projet de mémoire, qu’ils
ont validé.
•
Puis, nous avons été mis en contact avec les sages-femmes donnant
des cours de préparation à l’accouchement aux futurs mères et pères.
Ces cours ont été de véritables tremplins pour solliciter les futurs pères
pour cette étude.
Notre recherche est constituée de trois études de cas cliniques ; elle n’a donc
aucune visée statistique et nous ne pouvons en aucun cas en conclure des
généralités.
4.2 : Population
La population support de la recherche est constituée de quatre pères dont
trois “primipères“ (pères pour la première fois) et un père de 3 enfants qui a
50
représenté pour l’étude une pré-enquête (sa participation en tant que pré-sujet
nous a permis de choisir nos outils et de construire notre méthodologie).
Issus d’un milieu social moyen, tous les participants vivent en banlieue
parisienne, ont un travail et sont d’origine et de culture française. La fourchette
d’âge est comprise entre 27 et 33 ans. Leur participation est anonyme.
Les critères d’inclusion :
•
la paternité, c’est à dire : “est-ce un premier futur père ?“ Nous avons
exclu du groupe de recherche les “multipères“. (*)
D’autre part, il peut s’agir pour leur compagne, de premier ou second
geste.
•
Le lieu de l’accouchement : le centre hospitalier accueillant l’étude.
•
La recherche débute au 7ème mois de grossesse de leur compagne.
•
La grossesse est dite “normale“ et sans complication : c’est à dire sans
problème somatiques graves et sans troubles psychopathologiques
antérieurs ou liés à la grossesse.
•
L’âge des participants varie entre 27 et 33 ans ; le critère d’inclusion
était un âge compris entre 25 et 40 ans.
•
Le volontariat à participer à la recherche et l’engagement des
participants sur une durée de environ 2 mois.
(* : nous avons choisi de nous intéresser aux représentations des
“primipères“ ; mais, il pourrait être intéressant de faire une étude comparative
entre les “primipères“ et les “multipères“)
4.3 : Déroulement
Nous sommes entrés dans le service de maternité en tant que stagiaire
psychologue.
Au-delà du travail que nous propose la structure (rencontrer les mères à leur
arrivée dans le service et tout au long de leur séjour à leur demande), nous
avons assisté à plusieurs réunions avec le directeur de l’hôpital, les médecins
51
gynécologues, l’équipe soignante de la maternité et leur avons présenté notre
projet d’étude.
Après avoir reçu leur aval, nous avons mis en place notre stratégie de
recherche.
(Nous avons rencontré Mr.B, volontaire pour l’étude. Mr.B a accepté de
représenter le “pré-sujet“ de la recherche ; il sera donc exclu des résultats de
l’étude. Mr.B ayant deux enfants, sa femme était enceinte d’un troisième
enfant et se trouvait au 7ème mois de grossesse. Mr.B a suivi la première
méthodologie. Une lettre de présentation était remise lors du cours de
préparation à l’accouchement, puis avait lieu une entrevue de présentation de
la recherche avec le couple, puis l’étude se séparait en deux moments : pré
et post-natal, comprenant diverses rencontres avec le futur père, la passation
de tests projectifs, deux entretiens semi-directifs. La collaboration de notre
sujet étalon, nous a permis d’éliminer certains outils et de synthétiser pour la
faisabilité de l’étude.)
Puis, nous avons pu rencontrer l’équipe du C.R.E.A (Centre de recherche sur
l’enfant et sur l’adolescent), Madame la professeur D. Cupa et Madame H.
Riazuelo-Deschamps. Nous avons alors pu mettre en place une nouvelle
méthodolgie grâce au prêt des outils auto-questionnaire et bande sonore. Ceci
nous a permis d’affiner considérablement notre recherche. Nous avons alors
mis de côté la période post-natale pour nous centrer sur la période de la
grossesse.
Nous avons participé aux cours de préparation à l’accouchement et distribué
la première partie de la recherche ; Il s’agissait alors de leur remettre une
enveloppe contenant :
-
une lettre de présentation du projet,
-
une fiche détaillée du projet,
-
une fiche de consentement à émarger et son enveloppe retour,
-
un auto-questionnaire pour le futur père.
(Ces différents éléments sont présentés plus loin.)
52
Cette enveloppe était donc remise au septième mois de grossesse, le plus
souvent aux futures mères, les futurs pères étant généralement absents des
cours de préparation à l’accouchement. Il était alors demandé aux futures
mères après présentation, de leur transmettre l’enveloppe.
Notre méthodologie de recherche est ainsi construite :
Elle est scandée en deux temps et comprend :
-
la remise de l’auto-questionnaire que le futur père doit remplir seul (au 7ème
mois)
-
un entretien clinique semi-directif avec le futur père, comprenant l’écoute
d’une bande sonore, le debriefing de l’auto-quetionnaire, l’exploration du
matériel inconscient, de la lignée générationnelle et le dessin du bébé (au
cours du 8ème mois)
Notre troisième “primipère“ nous a remis le questionnaire mais a refusé de
réaliser l’entretien clinique « par manque de temps » ; nous nous réservons la
possibilité d’analyser ses réponses et ce refus puisque notre recherche n’a
pas de visée statistique.
4.4 : Outils
4.4.1 : L’auto-questionnaire (entretien « R » remanié de
D.Stern)
L’entretien « R » de D. Stern et al, élaboré en 1989, est un entretien
standardisé qui permet d’étudier les représentations maternelles. Il est par
ailleurs intéressant de noter au passage que si le rôle clinique des
représentations maternelles a fait l’objet d’un intérêt croissant ces dernières
années, le développement d’instruments permettant de les étudier n’a pas
suscité une attention équivalente. L’instrument qu’est l’entretien « R »
constitue une tentative de cet ordre.
53
L’équipe du C.R.E.A l’a remanié puisque son objectif premier concerne
l’investigation des représentations maternelles après l’accouchement et que
les recherches se sont portées vers les représentations maternelles au cours
de la grossesse, puis, vers les représentations paternelles.
Plus précisément, ce questionnaire recouvre les thèmes suivants :
-
la description de l’enfant
-
les ressemblances de l’enfant avec la famille
-
le rôle des évènements importants pendant la grossesse
-
l’influence du passé et du présent du parent en devenir sur le futur bébé
-
le rôle de sa propre mère en tant que mère
-
le rôle de son propre père entant que père
-
les désirs et les peurs pour le bébé…
La fonction initiale de cet outil est d’évaluer le changement des
représentations
maternelles
comme
une
fonction
de
l’intervention
thérapeutique. Il a été utilisé par le C.R.E.A et dans notre étude d’une manière
différente puisque comme le C.R.E.A, nous ne nous intéressons pas aux
changements dus à une intervention thérapeutique, mais aux représentations
fantasmatiques parentales et notamment paternelles : les représentations que
peut avoir le futur père à propos de son enfant, mais aussi les représentations
qu’il peut avoir à propos de ses propres parents.
Le questionnaire comprend également un recueil des données anamnestiques
du futur père sur lui et sa compagne, et sur leur famille respective.
L’auto-questionnaire est donc divisé en plusieurs sous-parties :
-
“ce qui concerne la grossesse et l’accouchement“
-
“ce qui concerne le bébé“
-
“ce qui concerne l’histoire du participant et de sa famille“
54
4.4.2 : L’entretien clinique : la bande sonore
Cet entretien clinique a lieu à notre initiative ; la demande n’émane donc pas
directement des sujets puisqu’il s’agit d’une recherche.
Nous disposons d’un guide d’entretien qui correspond à nos hypothèses
générales. Le degré de liberté dans l’entretien est donc plus mesuré, de même
que la complexité et la richesse des réponses produites.
Au-delà de l’objectif de mise en confiance par une attitude la plus empathique
et respectueuse possible, l’entretien semi – directif a été élaboré autour de
l’imagination du futur père pendant la grossesse. Il s’inspire de la
méthodologie créée par le C.R.E.A.
Il comprend diverses étapes :
- La passation de la bande sonore de « cris et pleurs » enregistrée par B.
Lester. Elle est constituée de six séquences sonores et d’un artéfact réalisés à
partir de cris et de pleurs de nourrissons.
La consigne donnée au futur père est la suivante :
« Vous allez entendre des séquences sonores. Pouvez-vous me dire tout ce
que vous imaginez en entendant ces séquences sonores ? »
Le futur père ne connaît pas le contenu de ces séquences sonores. Il ne
s’attend donc pas à entendre des « cris et pleurs » de nourrissons. Le travail
d’anticipation du sujet peut alors balayer un grand nombre de représentations
fantasmatiques.
Puis, nous faisons écouter une à une chacune des sept séquences sonores.
Dans un premier temps, l’entretien est non-directif et aucun thème n’est
abordé pendant la passation de la bande. Il s’agit d’intervenir le moins
possible pour recueillir au maximum
le matériel inconscient réveillé par
l’instrument. L’utilisation de cette bande permet donc le recueil d’un matériel
entièrement projectif quant aux représentations du bébé imaginé, ainsi qu’aux
représentations d’interactions entre les différents partenaires.
La maniabilité de cet outil peut paraître relativement fragile : nous ne
connaissons pas la situation d’enregistrement de chaque séquence ; les
représentations ne peuvent pas être contre-balancées par des éléments
55
concrets, puisque inconnus. Nous ne pouvons donc pas nous référer à des
données
établies,
comme
par
exemple
dans
le
dépouillement
du
Rorschach.(*)
- L’entretien se dirige ensuite vers l’après-coup de l’auto-questionnaire, et
notamment ce qu’il peut y manquer. Il s’agit alors de reprendre les questions
auxquelles le sujet n’aurait pas pu répondre ou tout du moins celles qui l’ont
interrogé. En effet, comme nous l’avons vu, cet auto-questionnaire peut
amener à la conscience des éléments insoupçonnés. Reprendre le
questionnaire paraît essentiel pour que le sujet puisse l’élaborer.
- Puis, nous tentons de dégager le matériel inconscient et en particulier les
rêves. Il s’agit de faire l’investigation du bébé imaginé du futur père. Nous
abordons également les thèmes du vécu de la grossesse, du rôle du père lors
de
l’accouchement.
Nous
explorons
avec
le
participant
le
mandat
générationnel. Nous lui demandons de réaliser un “arbre de vie“ et de le
commenter. Ceci peut permettre de mettre en évidence les divers liens
familiaux et leur qualité.
L’élément dégagé est le fil du vécu personnel du sujet. Cette étape vient faire
écho à la partie “archéologique“ du questionnaire.
- Enfin, nous demandons au futur père de réaliser le dessin de son bébé. Il
l’effectue avec un crayon à papier et sans gomme, sur une feuille blanche A4.
La consigne est la suivante :
« Tentez de dessiner votre bébé tel qu’actuellement vous l’imaginez. »
Cette étape fait appel aux représentations fantasmatiques et à la mise en
lumière de la relation d’objet virtuel du futur père pour son enfant. Il s’agit de
mettre sur papier l’actuel alors même que le bébé est virtuel.
56
In fine, nous remercions le futur père pour sa participation, nous lui
demandons ce qu’il pourrait ajouter à l’entretien, puis nous tentons de
synthétiser la recherche et de lui rappeler la possible transcription des
résultats globaux.
(*) : Il pourrait être intéressant de réaliser nous mêmes le matériel dans une
prochaine étude, afin de nous reposer sur un outil connu. Par exemple filmer
et enregistrer séparément chaque scène. Le film serait l’élément connu.
57
5 : COMPTE-RENDU DES RESULTATS
Analyse clinique et commentaires interprétatifs
Nous présentons nos résultats sous forme de trois études de cas, illustrant la
logique de nos hypothèses de travail que nous avons formulées. Chaque point
contiendra un commentaire des résultats de l’auto-questionnaire du C.R.E.A
puis une analyse de l’entretien clinique de chaque sujet où nous privilégierons
l’étude de la bande sonore. Les auto-questionnaires et les entretiens
retranscris sont présentés en annexe (annexe 2 et 3). Nous avons choisi de
ne pas retranscrire les réponses des questionnaires car l’écriture, les ratures
et la mise en forme sont particulièrement intéressantes.
(L’analyse des réponses aura pour point de repère la grille de dépouillement
du test projectif TAT. Elle nous servira comme appui afin de dégager les
différents mouvements défensifs, tout en étant alerte et ne pas nous
confondre avec le TAT).
5.1 : Monsieur D
AUTO-QUESTIONNAIRE
Description :
Monsieur D a 33 ans et est d’origine française. Il a deux frères et est fils de
parents divorcés. Il est marié pour la première fois et vit en couple depuis 8
ans. Il est magasinier. Au moment où il remplit le questionnaire, son épouse
est enceinte de 8 mois (on doit préciser que Mme D a déjà été enceinte mais
a fait une fausse couche dans les premiers mois de grossesse). Nous allons
analyser les différentes réponses de Mr. D essentiellement en fonction de nos
trois hypothèses de travail.
58
Analyse clinique :
Réactualisation des fantasmes de scène des origines et réédition de la
conflictualité oedipienne.
Dans la première partie de l’auto-questionnaire, les questions visent les
affects engendrés par la grossesse et l’anticipation de l’accouchement. La
question 16 s’intéresse à la participation du futur père à l’accouchement :
« comment imaginez-vous ce moment ? ». L’accouchement serait susceptible
de réactiver certains fantasmes de scène des origines. Ici, Mr. D semble
s’inscrire dans un discours des sens, notamment les sensations de peur et de
plaisir qui se succèdent. L’accent semble mis sur les qualités sensorielles, où
« le stress, la douleur, la peur et le bonheur énorme » pourraient témoigner
d’une certaine angoisse relativement bien contenue. Les mots choisis
semblent faire référence aux différents moments du coït de la scène primitive.
L’ « inquiétante étrangeté » serait réveillée et les pulsions de mort (« douleur,
peur ») et les pulsions de vie (« bonheur énorme ») s’entremêlent. Mr. D
s’imagine à ce moment dans un état de « panique » (17) ce qui pourrait
s’apparenter à l’effroi de Freud. La frontière lors de la naissance imaginée par
Mr. D peut nous paraître mince, néanmoins Eros semble prendre le pas sur
Thanatos. « L’accouchement reste la finalité tant attendue et à la fois si
redoutée » (18).
Dans la partie s’intéressant au bébé, les questions traitant du sexe de l’enfant
et de ses possibles ressemblances pourraient nous paraître appropriées pour
évoquer la réédition oedipienne. Nous savons que Mr. D aura un garçon et
que cela était une préférence pour lui (22). Cette préférence semble confirmée
par le possible lapsus au début de la question suivante : « son, sa
préférence » ; Peut-être pouvons-nous parler de persévérance.
Mr. D pense que son bébé pourrait être « facile à vivre » (26) « joueur et
expressif » (27a) et une de ses plus grandes peurs pour lui est la
« dégradation des rapports enfants parents » (32). Serait-ce là une
identification projective de Mr. D ? Nous pourrons tenter de le déterminer dans
la partie Histoire générationnelle.
59
La partie histoire de vie et histoire familiale débute par une présentation du
sujet ; Mr. D se décrit comme « réservé et sportif », « calme, ouvert et plus
attentif que démonstratif » (45, 46).
Mr. D dit se sentir « plus responsable » aujourd’hui : cela pourrait faire écho
au sentiment futur qu’il pense ressentir pour son bébé ; La responsabilité
semble être un pilier dans le rôle parental de Mr. D.
Mr. D semble décrire des relations mère-fils de bonne qualité, avec une mère
« active, disponible, volontaire et anxieuse ». Les réponses de Mr. D à propos
des relations mère-fils semblent parsemées d’identifications partielles à la
mère ; Mr. D emploie des adjectifs et décrits des scènes semblables, il l’a
décrit comme ouverte, disponible et fait référence aux activités sportives qu’ils
partagent.
La réédition oedipienne pourrait être perçue comme plus sensible dans la
partie du questionnaire concernant le père de Mr. D. En effet, toutes les
questions 49a, intitulées “votre père“, ont été raturées, puis réécrites. Malgré
les ratures, on peut lire que notre sujet s’est attribué les questions. Ainsi, à la
question “les relations de votre père avec ses parents pendant l’enfance“, Mr.
D aurait lu, “entendu“ ses propres relations qu’il a entretenu avec son père.
Chaque phrase raturée a été réinscrite dans la partie 49b “Vos relations avec
votre père“.
On pourrait penser que l’inversion de Mr. D serait d’ordre fantasmatique. Ainsi,
le glissement des places père-fils viendrait scander une possible conflictualité
oedipienne réactivée.
Mr. D semble s’être aperçu de ce lapsus qu’aux premières questions traitant
des ses relations avec son père. Chaque question de la partié 49a a été
entendue dans un autre sens. Ainsi, la “compréhension fantasmatique“ de Mr.
D pourrait témoigner d’une certaine confusion de la place père-fils.
La lisibilité des réponses de Mr. D devient difficile dans ce contexte paternel.
La
confusion
père-fils
pourrait
souligner
combien
les
remaniements
psychiques sont profonds. Au travers de cette transparence psychique, le
réseau identitaire semble réorganisé, comme l’a défini D. Cupa et coll (2000)
dans leur étude sur la constellation paternelle.
D’autre part, Mr. D semble décrire des relations peu expansives entre lui et
son père, ses frères et son père : « platoniques, passives » et aujourd’hui
60
« superficielles ». Il semble mettre en contraste la description de son père et la
sienne : Un père « pas assez fantaisiste et rêveur » et « résigné et
prévisible ». Il semble apparaître comme l’a démontré D. Cupa et coll (2000),
que le pôle conflictuel du versant agressif de la problématique oedipienne soit
actif ; les adjectifs définissant le père de Mr. D semblent plutôt dévalorisants.
Mr. D se décrit comme sportif, disponible et actif, à la différence de la
description paternelle. Le remaillage identitaire de Mr. D semble s’organiser
autour de contre-identifications paternelles, ce qui lui permettrait de construire
sa place en tant que parent.
D’autre part, nous savons que Mr. D a deux frères ; Mr. D dit être plus proche
de son aîné que de son cadet avec qui il avait « des activités très opposées ».
L’agressivité que ce jeune frère aurait pu éveiller chez Mr. D pendant
l’enfance, ne semble pas cependant être réactivée et déplacée sur le bébé.
La partie “couple parental“ semble restreinte par Mr. D, où l’éloignement
temporel semble prendre le pas sur l’affectif. Le divorce des parents pourrait
clore toute histoire possible du couple parental.
Phénomène d’anticipation et variabilité.
La scène de l’accouchement que l’on a décrite précédemment semble
relativement bien anticipée par Mr. D, ce qui pourrait souligner une mise en
place défensive des possibles affects envahissants (« stress, douleur,
peur »)qui émergeraient. Anticiper pour mieux prévenir l’angoisse.
Les adjectifs et les scènes décrivant le bébé virtuel de Mr. D témoigneraient
d’une possibilité d’anticipation.
Les interactions proto-phasiques entre Mr. D et son bébé, semblent marquées
par une spécificité des échanges sensoriels « de façon physique » : Mr. D
nous dit communiquer avec son bébé par « la parole, les caresses », dès lors
qu’il a pu prendre en compte « la preuve visuelle » par l’échographie (10b,
11b).
La mise à jour des qualités et attributs du bébé virtuel semble facile d’accès ;
Mr. D fantasme un bébé « potelé, souriant, des cheveux blonds et bouclés,
facile à vivre » (25 et 26). Il imagine son futur bébé comme « joueur et
expressif », et les exemples choisis pourraient témoigner de la facilité de Mr. D
61
à mettre en scène son bébé imaginé, et notamment dans des situations
d’interactions (27a et 27b).
Nous pouvons néanmoins noter que ce bébé
virtuel ne semble pensé qu’en terme de “plaisir“ : il pourrait s’agir d’une
idéalisation de l’objet à valence positive. Décrit comme un beau bébé, le bébé
virtuel de Mr. D pourrait venir faire écho au souvenir rapporté à Mr. D (53) :
« j’ai participé au concours du plus beau bébé de Reims », peut-être
pourrions-nous entendre une valorisation narcissique ténue ?
Mr. D semble pouvoir facilement imaginer des scènes entre lui et son enfant :
il semble capable d’anticiper son rôle parental et pense « guider et conseiller »
(29) son enfant. Mr. D pense ses futures émotions comme « fierté, amour,
responsabilité » (30). L’accent semble porter sur la qualité des relations pèrefils. Ces relations semblent inscrites dans le lien.
L’autre point pouvant être signe d’anticipation serait le choix du prénom.
Prénom caché à tous, « divulgué qu’à la naissance » (35a), il semble décrit de
façon claire, l’indécision n’est plus de mise. Le bébé de Mr. D porte un surnom
« logique », c’est « bébé » (35b) ; Ce surnom viendrait masquer en
communauté le “futur prénom“ de l’enfant. Le surnom pourrait-il être celui de
l’enfant virtuel et le prénom choisi celui de l’enfant actuel (révélé à la
naissance) ?
D’autre part, Mr. D semble éloigner son bébé virtuel de toutes ressemblances
possibles ; il dit (28a) : « je n’aime pas trop les comparaisons ». Le bébé
imaginé, virtuel de la lignée générationnelle est pensé, fantasmé comme
unique « sa propre personnalité ».
A la question 55a “les évènements de vie influençant la relation présente et
future“ de Mr. D avec son bébé, notre sujet semble entendre dans le terme
influence, une connotation péjorative.
Mr. D s’imagine être un père « disponible et attentif, peut-être un peu
oppressant et fier » ; le rôle de père semble anticiper comme une
complémentarité de celui de la mère. Les petites scènes illustrant les adjectifs
choisis semblent utilisés dans la description.
Le thème privilégié semble être celui de la “croissance de vie“, c’est à dire le
développement physique définit par D. Stern (1995). On note les notions
d’expériences de vie, « les premiers pas, la première dent, les premières
décisions » (59b).
62
Mr. D s’imagine sur le plan psychique, « attentif », ce qui peut aller de pair
avec le thème de la “relation primaire“ (le développement psychique).
D’autre part, Mr. D semble anticiper le rôle de mère de son épouse, comme
« plus autoritaire, plus rigide, calme et affective », « attendrie et protectrice »
(61, 62a et 62b).
Les adjectifs choisis semblent plutôt se coller aux représentations paternelles
généralement attribuées : l’autorité, la protection (cf. D. Cupa et coll, 2000).
Cela pourrait être le signe de quelques identifications partielles à l’épouse de
Mr. D, à la future mère.
Nous verrons dans la partie analyse de l’entretien si ce phénomène
d’anticipation se confirme et où se situe plus exactement Mr. D dans la
variabilité de l’anticipation.
ENTRETIEN CLINIQUE
La bande sonore :
Mr. D reconnaît d’emblée les sons entendus lors de la premières séquences,
« un bébé bien sûr, en train de pleurer ».
Cette première séquence semble inscrite dans une dynamique d’expression :
la capacité du bébé à s’exprimer et peut-être la capacité de Mr. D à le
comprendre serait en jeu. Mr. D différencie deux termes employés :
« prévenir » et « s’exprimer », cependant une hésitation semble subsistée
entre les termes et leur sens.
Afin de palier à une possible fantasmatique angoissante (dénégation : « pas
prévenir dans le sens d’un danger », Mr. D semble persévérer dans la notion
de communication.
Il semble apparaître plusieurs allers-retours entre un système défensif plutôt
stable et la vie fantasmatique. Le mouvement de cette séquence semble
osciller entre une entrée dans une fantasmatique peut-être inquiétante et
plusieurs remontées en processus défensifs relativement étayants.
D’autre part, il semble que Mr. D puisse anticiper les pleurs et les situations de
dépendance du bébé de manière souple. L’entrée dans l’écoute de cette
63
première séquence paraît relativement bien envisagée et contenue, et la
lisibilité du discours paraît aisée. Affects et défenses seraient mobilisés et
assez “organisés“.
La seconde séquence sonore semble plus difficile à aborder par Mr. D. Le
temps de latence initiale viendrait marquer la difficulté des affects éveillés.
Cependant, Mr.D semble mettre en contraste ce début où l’on pouvait sentir
une certaine inquiétude « Ouhh ; c’est pas évident (répété deux fois) », et le
discours qu’il en retire « c’est plus calme ; c’est plus doux ».
Mr. D semble exprimer des difficultés à élaborer autour de cette séquence.
Les sons semblent réactiver la possible angoisse relativement bien contenue
de la première séquence ; ces angoisses semblent émerger de façon plus
lisible : « ça fait moins peur quelque part, ça fait moins paniqué ». Cela
voudrait-il signifier que Mr. D a eu « peur ou a paniqué » ?
La lisibilité semble moins évidente. Le discours semble légèrement plus flou,
plus hésitant « une espèce ». En fin de discours, Mr. D semble éloigner les
pleurs du bébé, les « bruits », par le rêve. L’éloignement permettrait un
meilleur contrôle de l’afflux d’affects.
Le contraste de cette seconde séquence serait également signifié par une
possible annulation : en début de discours, Mr. D nous dit « ça reste un peu
sur le même ton », puis plus tard « l’intonation est différente ». L’annulation et
les différentes ruminations viendraient souligner la difficulté de Mr. D à
s’exprimer sur cette séquence. Il semble que les capacités d’anticipation
postnatale soient mises à l’épreuve.
A la troisième séquence sonore, Mr.D semble nous décrire une situation plus
précise concernant le bébé, « c’est de la colère ; ça s’affirme plus ». Il semble
placer le bébé entendu dans une phase de demande : « dans le sens d’avoir
faim », « c’est presque un ordre ». A la différence des autres séquences plus
ciblées sur l’expression et plus inscrites dans l’hésitation, celle-ci nous paraît
plus claire. La lisibilité est bonne.
Les ressentis sont nommés dès le début, cette situation de cris et de pleurs
semblent pousser Mr. D vers une anticipation des ressentis plus précise et
mieux contenue que dans les premières séquences. On pourrait sentir Mr. D
64
plus à l’aise dans cette séquence, malgré le caractère « urgent » donné à la
situation.
La quatrième séquence semble plus difficile à entendre pour Mr. D, le plaçant
dans un certain mal-être « je n’ai pas trop envie d’entendre ça souvent ». Les
représentations fantasmatiques de Mr. D semblent anticiper une situation
angoissante qui pourrait évoquer (sans le nommer) un risque vital : « un peu
plus souffrance ; on dirait quelque chose qui le gêne un peu ; il a mal ; c’est un
mal-être ».
Malgré les précautions verbales employées (verbe au conditionnel, “un
peu“…), on pourrait percevoir chez Mr. D une véritable inquiétude lors de cette
anticipation fantasmatique, où le bébé serait impuissant : « sans chercher à
appeler ou à prévenir, c’est comme ça ». Les défenses mobilisées tentent de
contenir les affects éveillés, néanmoins elles peuvent paraître fragiles.
D’autre part, les commentaires de Mr. D au cours de la séquence « ouh la
la », pourrait souligner la lourdeur des représentations qui affluent.
La cinquième séquence débute par un temps de latence relativement long. Mr.
D vient mettre en contraste cette séquence et la précédente, en ruminant « la
souffrance et la douleur ». Ici, le discours de Mr. D semble s’apaiser.
Néanmoins, « souffrance et douleur » laissent rapidement place
représentations
à des
“mouvementées“ : « un réveil brutal, où on le réveille
vraiment d’un seul coup ». Les représentations d’une possible violence
seraient écartées par le rêve : ce n’est plus « on » mais « un cauchemar » qui
est à l’origine d’un « réveil brutal ». Le terme de « souffrance » réapparaît
ensuite à minima « il ne souffre pas forcément ». Le discours est abrégé et
ponctué par « voilà » puis par différentes défenses comme le rire et les
commentaires ironiques (critique de soi) : « je suis torturé hein quand même ».
Cette dernière phrase pourrait témoigner d’une véritable difficulté de Mr.D due
à l’afflux des représentations fantasmatiques gênantes.
Nous devons cependant, nuancer nos propos, car le système défensif instauré
semble de bonne qualité et la lisibilité de cette séquence reste bonne. Les
différents mouvements traduiraient des allers et retours entre l’expression
fantasmatique et la défense.
65
La sixième séquence est de nouveau marquée par l’indécision entre
l’expression, la communication et la « douleur ». Une conflictualité serait
abordée, mais ses motifs ne seraient pas précisés. Les mouvements
oscilleraient
entre
des
procédés
défensifs
et
des
représentations
fantasmatiques angoissantes : « des sons violents,plus de la douleur ». Mr. D
semble submergé « il y a un mélange ».
Mr. D hésite entre différentes interprétations : « c’est plus mitigé ; je n’arrive
pas à voir ; j’ai du mal à faire la distinction, je n’arriverais pas à analyser ; je
n’arrive pas à cerner ». La problématique semble être posée en terme
d’incapacité. Ce thème est remâché.
Mr. D ne nomme plus le bébé « il » comme dans les autres séquences, il nous
dit « ça parle ; ça crie ; ça a mal ». L’objet bébé deviendrait inanimé, comme
pour mettre à distance les représentations et leur sens “douloureux“.
Les précautions verbales pourraient souligner cette distanciation.
Cette séquence semble réellement être source de difficultés pour Mr. D. Les
différentes tentatives de défense ne semblent pas suffire à étayer Mr. D :
« dur, dur ». La fin du discours remâche la tonalité des différents
mouvements : « je n’arrive pas à cerner » ; Mr. D ne semble pas se dégager
de ces représentations.
La septième et dernière séquence semble soutenir Mr. D et lui donner la
possibilité de rassembler ses représentations et de construire une histoire plus
solide. Mr. D n’hésite pas et semble se laisser aller à imaginer une scène
d’interaction avec le bébé. Cette dernière séquence solliciterait des procédés
secondaires de bonne qualité. La lisibilité du discours paraît bonne et le thème
général tourne autour de la « joie, du rire », des représentations anticipatrices
étayantes et “agréables“. L’élaboration semble plus aisée et plus profitable à
Mr. D.
In fine, nous pouvons noter que la passation de cette bande sonore aurait
réveillé des représentations fantasmatiques et des affects plutôt difficiles et
inquiétants pour Mr. D. Néanmoins, le système défensif de notre sujet paraît
être satisfaisant pour contrebalancer ces représentations et amener Mr. D à
66
l’élaboration. Les capacités anticipatrices de Mr. D seraient mises à l’épreuve,
mais paraissent assez solides au regard de cette transparence psychique.
Suite de l’entretien :
L’analyse de la suite de l’entretien clinique pourrait-elle nous confirmer les
différents éléments vus précédemment à l’aide de la bande sonore ?
Mr. D semble exprimer de nouveau les notions de capacité et incapacité à
“comprendre le bébé et ses besoins“. Ce thème semble être privilégié dans la
problématique de Mr. D.
Mr. D paraît expliquer les difficultés posées par l’auto-questionnaire, à
anticiper
les
interactions
post-natales.
Les
mises
en
scène,
les
représentations anticipatrices seraient peut-être encore inquiétantes pour
Mr.D, qui devrait s’imaginer dans son rôle paternel. Il est intéressant de
remarquer que Mr. D met en parallèle deux difficultés rencontrées dans l’autoquestionnaire : les souvenirs d’enfance et imaginer le bébé (le passé réactivé
et le futur anticipé).
A la reprise de l’auto-questionnaire dans l’entretien, Mr.D semble confirmer ce
que nous avions pré senti à l’analyse ; cet auto-questionnaire solliciterait des
affects et des fantasmes très sensibles et plutôt envahissants : « ça remue et
parfois on n’arrive plus à cadrer le truc ». Plusieurs éléments jusqu’alors non
connus arriveraient à la conscience, passant la barrière du pré-conscient : « il
y a plein de questions que l’on ne se pose pas, donc on tombe un peu de
haut ».
En questionnant les rêves de Mr. D, on pourrait noter une certaine résistance,
Mr. D semble soucieux de préciser l’absence de « cauchemar, de réveil en
sursaut, et de panique ». La question semble interprétée fantasmatiquement
par notre sujet, dans un sens plus inquiétant. Après relance, Mr. D reprend le
sujet puis semble le détourner sur quelque chose de plus concret. Ainsi, Mr. D
décrit les différentes étapes qu’il a traversé en tant que futur père et semble
expliquer combien il est difficile de « réaliser ». Dans cette description, on
pourrait également voir une certaine frustration de Mr. D à ne pas porter
l’enfant : « tu ne ressens pas comme une femme qui l’a à l’intérieur », « la
mère, elle l’a 9 mois et moi j’ai des passages ».
67
On remarque que Mr. D précise un peu plus le rêve évoqué : le prénom du
bébé ; il semble que ce rêve ait été vécu comme révélateur d’une proche
paternité : « je me suis dit , Ouh ça y est, tu y es ». Des représentations
anticipatrices semblent émerger, Mr. D semble imaginer l’actualisation du
bébé virtuel ; cependant, celle-ci serait génératrice de certaines angoisses et
le thème des cauchemars réapparaît. La réassurance semble donnée par
l’épouse de Mr. D « je trouve qu’elle est au top, ça met en confiance ; à
travers elle, tu arrives à l’accepter ».
D’autre part, nous apprenons que l’image échographique semble avoir été
utilisée comme une « preuve » de la présence virtuelle du fœtus/bébé et de
son humanisation : « même si tu le sais, ça te donne la preuve ».
Mr. D
semble appuyer ce devenir humain par un souvenir lors d’une
échographie « il s’est mis à bailler » ; ce souvenir viendrait comme vitaliser le
bébé virtuel : « on s’aperçoit que c’est un être vivant ». Le champ sensoriel de
Mr. D semble avoir été particulièrement activé, notamment au niveau visuel et
auditif (« le son du cœur ») lors de l’échographie.
Le thème de la frustration semble de nouveau abordé et ponctuer assez
régulièrement l’entretien.Cela concerne la place de Mr. D lors de
l’accouchement : « il n’y a pas grand chose pour participer, c’est un peu
frustrant ».
La question de l’accouchement paraît plus contenue lors de l’entretien que
dans l’auto-questionnaire. Mr. D semble anticiper la scène où il aurait une
place de soutien. L’aspect difficile et douloureux de l’accouchement est
envisagé et relativement bien élaboré : « je pense que ça va être dur, dur ; si
je tombe dans les pommes… ». L’inquiétante étrangeté réapparaîtrait « drôle
d’expérience ». Néanmoins, la mise en récit de l’accouchement semble
montrer des capacités anticipatrices de l’angoisse, de bonne qualité. Le
système défensif semble opérant ( dénégation, précautions verbales,
intellectualisation…).Le signal de l’angoisse serait donné et bien intégré.
Mr. D ne semble pas avoir de difficulté à imaginer l’après naissance, les
moments de bonheur et les moments d’angoisse, lorsque le couple parental
sera élargi, “à trois“ pour la première fois. Il semble que devenir père soit
source d’inquiétudes, toujours relativement bien contenues « il faut se
lancer ». Ces inquiétudes tourneraient encore autour du thème de la capacité
68
à devenir parent, de “bons“ parents. Le discours de Mr. D semble être clair sur
cette nouvelle paternité : « un peu stressant ». La narrativité indiquerait de
réelles capacités à se représenter le devenir père.
L’arbre de vie :
L’arbre généalogique de Mr.D paraît assez sommaire. L’explication donnée
par notre sujet de cet arbre de vie, paraît se faire au regard de deux strates
générationnelles : parents et grands-parents de Mr. D. Toute l’importance
semble donnée à la lignée maternelle, et notamment aux femmes de cette
lignée, les hommes étant « en retrait », « assisté ».
Mr. D semble clore le récit “généalogique“ sur la mort de ses grands-parents :
« il n’y en a plus du tout, donc comme ça c’est réglé.Mais c’est tout ». La
dénégation pourrait indiquer que “tout n’est pas réglé“. Certains conflits
générationnels seraient peut-être prégnants, notamment en cette période de
transparence psychique.
Le dessin :
Mr. D refuse de dessiner son bébé tel qu’il se l’imagine par « peur de le
louper ». Le refus pourrait signaler un certain choc à la demande. Le dessin
semble interprété comme une mise en scène du bébé virtuel et de ses
qualités. Tout le questionnement se situerait autour de l’incapacité à donner
une bonne image du bébé virtuel. Mr. D précise bien qu’il se le représente
(« j’ai une image », image échographique), mais ne souhaite pas poser cette
représentation au regard de tous, pensant faire « un truc horrible , en disant
“regardez c’est mon bébé“ ». L’objet virtuel idéalisé ne devrait pas être « raté,
loupé, caricaturé ». Serait-il possible de concevoir le bébé virtuel de Mr. D
comme un continuum narcissique ?
Mr. D conclut librement l’entretien sur ses impressions après sa participation à
la recherche. Il semble y avoir confirmation d’un passage de certains éléments
refoulés à un niveau plus conscient : « se remettre en question, voir ce que tu
n’avais pas vu ; tu fais des associations ».
69
5.2 : Monsieur J
AUTO-QUESTIONNAIRE
Description :
Mr. J est un futur père de 27 ans et est d’origine française. Il est professeur
d’éducation physique et sportive. Il vit avec son épouse depuis plus de deux
ans. Mme J est enceinte depuis un peu plus de 7 mois, au moment où Mr. J
remplit le questionnaire. Mr. J est le dernier né d’une fratrie de cinq. Nous
allons analyser le protocole de Mr. J en suivant les mêmes points que
précédemment.
Analyse clinique :
Réactualisation des fantasmes de scène des origines et réédition de la
conflictualité oedipienne.
Dans
la
première
partie
de
l’auto-questionnaire
(“grossesse
et
accouchement“), nous relevons particulièrement les questions 15, 16, 17 et
18, concernant l’accouchement. Elles sont les plus proches de notre
hypothèse des origines. Ainsi, on apprend que Mr. J souhaite y participer pour
être un soutien. Il semble insister sur le terme « assister » (15), qui est
souligné deux fois.On pourrait noter ici une dimension scopique de la scène
de la naissance. A la différence de Mr. D qui nous précisait être « du côté
maman », Mr. J paraît hésiter et s’installer « du côté bébé ».
L’accouchement semble perçu par Mr. J comme « une épreuve à surmonter »
(répété et souligné deux fois) ; la difficulté imaginée semble réactualiser des
fantasmes de scène des origines. Ces fantasmes seraient à peine évoqués.
On note ainsi, les mots « beauté de l’acte ; force ; accomplir l’acte » (16),
« sueurs » (17) : le symbolisme pourrait paraître relativement transparent.
70
La narrativité semble placer Mr. J comme un témoin de la scène. Spectateur,
MR. J semble osciller entre deux mouvements : « surmonter l’épreuve » (16),
aller au-delà du traumatisme suscité par la scène ou succomber à l’effroi,
« pas comme dans la pub caisse d’épargne, Léo, Léon, Léa, ou si peutêtre !!? » (16). L’effroi donné par la scène serait mis en récit dans un système
défensif ironique, humoristique. Les commentaires mis entre parenthèses
pourraient être révélateur de certaines angoisses latentes concernant
l’accouchement.
Mr. J paraît hésiter entre deux types de représentations : l’anticipation de
l’angoisse
(« des
sueurs ;
évanoui
par
terre »
17)
et
des
scènes
représentationnelles de contrôle (« Non, je serai son COACH ! » 17). On
pourrait donc relever des allers et retours entre l’expression pulsionnelle de
l’angoisse et la défense.
On remarque ici que les mouvements semblent prendre fin sur des tentatives
de réassurance et de contrôle peut-être encore fragiles. Mr. J paraît conclure
son discours sur la scène de l’accouchement, comme une fin magique « tout
se passera très bien ; sans aucune complication » (18). Cette réalisation
magique pourrait être interprétée comme défensive « Voilà, je dis ça pour me
rassurer ! » (18).
In fine, nous pourrions dire que les fantasmes de scène des origines seraient
réactivés, notamment dans une dimension visuelle.
La réédition de la problématique oedipienne pourrait être perçue à la question
22, partie concernant le bébé. Mr. J connaît le sexe de son bébé : masculin, et
nous apprend être satisfait. Néanmoins, il semble évoquer un léger “regret“ :
« on dit toujours qu’une petite fille est amoureuse de son papa (oedipe), ça
doit être une relation particulière que la relation père-fille ». Il semble que des
représentations
fantasmatiques
fassent
retour
dans
la
problématique
oedipienne. On pourrait percevoir ici un certain pôle conflictuel, où avoir une
fille serait moins dangereux en terme de rivalité physique, sociale et sexuelle.
Ce rapproché oedipien paraît ensuite écarté.
Dans la partie histoire familiale, Mr. J se décrit comme « un jeune homme
sportif, dynamique, calme, droit ».
71
Les détails donnés semblent avoir une valeur narcissique, où l’idéalisation de
soi au niveau individuel, moral, paraît primer. Il semble y avoir un hyperinvestissement narcissique. La polarité objectale semble difficilement être
intégrée au moment où Mr. J remplit le questionnaire. Le bébé imaginé
semble correspondre à un prolongement narcissique de Mr. J. Par exemple, à
la question 28a, concernant les ressemblances du futur enfant, Mr. J nous
répond qu’il pourrait ressembler « A moi ! (un peu égocentrique comme
réponse) bon je reformule… le corps athlétique de son père ». Cet hyperinvestissement semble perçu par Mr. J puisqu’il en fait une remarque
défensive, des commentaires transparents.
Il semble apparaître quelques identifications projectives au bébé imaginé ;
ainsi, Mr. J pense son enfant « beau, sportif, bien dans sa tête (il aura réussi à
faire ce qu’il veut de sa vie) » (29). « Très beau, très intelligent, éveillé,
calme » (25, 26, 27a, 29) sont les adjectifs les plus récurrents dans la
description du bébé virtuel. Il semble que ce bébé soit comme “parfait“. Cette
perfection pourrait faire écho à la possible idéalisation narcissique de Mr. J :
« Mon fils sera beau de toute façon » (26). Ce bébé idéal serait donc, peutêtre le fruit d’identifications projectives du bon objet.
Il semble ici que la filiation narcissique, qui suit la logique du même, de la
reduplication par identifications imaginaires, soit plus investie et tienne une
place centrale pour Mr. J, à ce moment-là. Ceci peut lui permettre de se situer
et d’être situé. (Bien que les autres types de filiation soient présents).
Ces différents éléments pourraient raisonner avec une certaine idéalisation à
valence positive de la mère de Mr. J. Ainsi, elle est qualifiée de « douce,
affectueuse, tendre, patiente, protectrice, calme » (48b). On pourrait
remarquer ici une identification entre générations où les objets transmis
seraient des images identiques. En effet, les différents adjectifs se retrouvent
dans la description de Mr. J à son sujet et à propos du bébé.
Les identifications paternelles semblent empreintes du même processus. De
nouveau, des adjectifs comme « calme, patient » réapparaissent. La logique
du même semble prévaloir (49b). Des relations parentales idéales seraient
décrites.
72
Il semble apparaître quelques contre-identifications paternelles très ténues.
Ainsi, on relèverait une filiation symbolique où la différence père-fils, futur
grand-père futur père, prendrait place. Exemple à la question 49b, “comment
était votre père avec vous en tant que petit garçon ?“, Mr. J répond « nous
n’avons jamais vraiment eu l’occasion de faire du sport ou de jouer
ensemble ». Les identifications paternelles semblent se coller : « mon père
était toujours très calme ; j’étais un enfant relativement calme ». Les adjectifs
illustrant les descriptions semblent tourner autour du bricolage père-fils,
préparant l’arrivée de la future génération, construisant le nid.
D’autre part, on note que Mr. J a trois frères et une sœur. Il est le cadet de la
fratrie et semble attacher beaucoup d’importance aux écarts d’âge ; ainsi, il
précise que s’il est « arrivé en dernier », 9 années après son frère, c’est parce
qu’il « n’était pas attendu ».
Les questions concernant la fratrie semblent particulièrement mobilisatrices
pour Mr. J. La mise en récit est longue, dépassant l’espace imparti. Mr. J
semble avoir besoin de se situer dans le temps et les générations. Les
relations fraternelles d’enfance décrites semblent être de l’ordre de la
protection. Celles d’aujourd’hui sont plus détaillées. Le discours de Mr. J
semble se recentrer sur ses références personnelles (« rugby le samedi,
match… » 51).
In fine, il semble bien y avoir une réactualisation de la conflictualité
oedipienne, le remaillage identitaire s’articulerait autour de certaines
identifications à valence positive au futur grand-père, c’est à dire dans une
logique du semblable. Les contre-identifications paternelles sur le versant
agressif semblent moins apparentes que celles observées avec Mr. D. La
question 60a paraît démontrer cette prévalence de la filiation narcissique où le
futur grand-père est valorisé moralement et semble tenir une place de modèle.
La famille et l’histoire générationnelle semblent occuper une place
prépondérante : « les grands-parents sont plus calmes, plus sereins, ont des
expériences, des histoires à raconter ; c’est la mémoire de la famille »(64b).
La conjointe de Mr. J serait également inscrite dans cette logique du même,
puisqu’elle pourrait ressembler à la mère de Mr. J (63), toutes deux ayant les
mêmes qualités : « douces, protectrices ».
73
On pourrait faire la métaphore d’un “copier coller“ familial, la transmission
générationnelle est perçue dans ses aspects valorisants. L’ambivalence y
serait très ténue.
Phénomène d’anticipation et variabilité.
Il semble que le projet d’enfant ait été pensé par Mr. J « depuis longtemps ».
Les
premières
réponses
semblent
marquées
par
une
certaine
intellectualisation de cette idée. Mr. J paraît mettre en récit ces premiers
éléments avec une possible banalisation ou en tout cas des références aux
valeurs morales « la plus belle preuve d’amour », « cela doit être réfléchi ».
Ces références peuvent également être sollicitées par le contexte social
actuel.
La réaction de Mr. J à la nouvelle de cette grossesse était pensée comme
prévisible, cependant, Mr. J exprime les difficultés à s’envisager dans cette
nouvelle place de futur père : « je crois que j’ai eu (et j’ai encore) du mal à
réaliser ce qui nous attend !!! ». La mise entre parenthèses des “émotions
actuelles“ tenterait de mettre de côté ces émotions. Néanmoins, cette mesure
défensive viendrait témoigner de la non élaboration totale de l’émergence de
ces affects. On remarque également certains éléments angoissants comme
« ne pas avoir de mauvaise surprise »(6), où les sous-entendus sont diffus ;
on peut se demander quelles sont les représentations fantasmatiques de notre
sujet à ce moment ? Le thème de la maladie est évoqué à plusieurs reprises :
« la peur d’une maladie, malformation ou autre (trisomie, autisme) » (32), « la
maladie de l’une de mes frères (qui est devenu schizophrène), la maladie
d’Alzheimer » (50).
Les premiers mouvements du bébé semblent avoir amenés Mr. J dans un
autre contexte, où le bébé virtuel devient de plus en plus actuel. Ainsi, il
souligne qu’il était déjà conscient de la présence vitale du bébé, cependant
ces mouvements le conduiraient vers une dimension de plus en plus palpable.
Les interactions proto-phasiques entre le futur père et le bébé virtuel se
seraient installées sur un mode sensoriel, où le toucher serait privilégié (11b) :
« par le toucher (la pression sur le ventre)…mes mains posés sur le ventre ».
74
L’image échographique semble également avoir été un événement marquant
dans le cheminement de Mr. J vers sa paternité (12) : « la première a été un
choc ». Selon Mr. J, cette première image aurait annihilé certaines angoisses
déjà pré senties en question 6, « un œuf blanc, grossesse sans bébé ou d’une
malformation ». Cette échographie aurait peut-être aidé à l’élaboration de
certains fantasmes de non grossesse (non paternité), maladie.
La seconde échographie aurait également choqué Mr. J, la présence de ce
bébé virtuel prend forme via une reconstitution en trois dimensions.
En ce qui concerne l’accouchement, il semble que la naissance soit anticipée
dans une forme d’angoisse plus proche de l’angoisse automatique dans notre
palette que de l’angoisse signal, par rapport à Mr. D. En effet, le discours de
Mr. J semble revenir à plusieurs reprises sur les notions d’épreuve. Cette
question n’est peut-être pas encore bien gérée par Mr. J.
La partie concernant le bébé est particulièrement riche en questions traitant de
l’anticipation parentale. Ainsi, Mr. J imagine son bébé comme « très beau, très
intelligent, éveillé, calme mais sportif à la fois » (25, 26). Les qualités du bébé
virtuel semblent décrire un bébé “parfait“ : ce serait le bébé des fantasmes et
des rêveries conscientes. Le processus anticipatoire semble s’installer et Mr. J
ne semble pas avoir de mal à s’imaginer dans des scènes d’interactions avec
lui. Ces scènes sont illustrées par les jeux et l’affection (27).
Les traits caractéristiques donnés au bébé seraient ceux du pôle narcissique
et du réseau identificatoire, comme nous l’avons vu précédemment.
Mr. J imaginerait son enfant quand il sera grand, toujours dans l’idéalisation
positive : « je le vois beau, sportif, bien dans sa tête (il aura réussi)… »(29).
Mr. J ne semble pas en difficulté pour nous livrer ses émotions les plus fortes
pour son bébé (30), « amour, tendresse, curiosité face à l’inconnu (peur) ».
Les premières émotions semblent s’inscrire dans une certaine logique, ces
éléments étant souvent retrouvés. La dernière émotion donnée « curiosité
face à l’inconnu » semble être d’un autre registre et la précision est donnée
entre parenthèses, comme souvent dans le protocole de Mr. J : « (peur) ». Mr.
J semble exprimer là de véritables affects angoissants l’amenant vers sa
paternité. Il semble anticiper l’après-naissance dans l’idéalisation, néanmoins,
celle-ci serait parsemée d’angoisses révélées “à demi-mots“.
75
C’est lorsque la question 32 évoque la peur, que Mr.J nous paraît donner ses
représentations anticipatrices de l’angoisse : la maladie, le handicap, la mort.
D’autre part, nous pouvons noter que le choix du prénom est fait, ce qui peut
indiquer aussi une certaine préparation à l’arrivée du bébé « c’est venu
spontanément » (33a, 34).
Mr.J s’imaginerait être un père « qui va aider son bébé à progresser pas à
pas », « l’emmener vers l’autonomie », « certaines valeurs morales » (56).
Ceci pourrait nous faire penser aux thèmes de la croissance de vie et de la
relation primaire, développés par D. Stern en 1995. Il s’agit du développement
physique et psychique. Le thème de la matrice de soutien semble être tourné
vers la future mère « plus protectrice envers son enfant » (57).
Mr. J paraît s’anticiper comme un père proche de son enfant, un père qui
« joue » avec son enfant (peut-être à la différence de son père, 49b). La
remarque de côté (58) « j’adorerai certainement jouer avec Kyllian » pourrait
apparaître comme une tentative de persuasion du lien père-enfant.
Mr. J se décrit comme un futur père « affectueux et stimulant » et nous donne
deux scènes illustrant ses adjectifs. Ces scènes commencent toutes par « Moi
en train de », ce qui pourrait rappeler la possible dimension narcissique de
notre sujet (47, 59b).
Mr. J semble s’anticiper comme un père “identique“ au sien ; là encore une
idéalisation,
notamment
morale
apparaîtrait :
« mon
père
m’a
bien
éduqué…réaliser les choix justes grâce aux valeurs morales qu’il m’a
transmises ».
Mr. J semble imaginer plutôt facilement sa conjointe en tant que mère,
donnant des caractéristiques maternelles (62a, 62b) : « donner le sein, le
tenant affectueusement ». La future mère est imaginée comme « aimante et
protectrice ». Le thème de la protection serait ici donné aux femmes, à la
différence des résultats obtenus par l’équipe de D. Cupa. Est-ce le signe de
quelques identifications partielles aux mères. Mr. J souhaiterait que sa
conjointe “ressemble“ à sa mère (63). Il semble s’en défendre dans un premier
temps, puis, après différentes précautions verbales, fait un rapprochement
entre les deux femmes : « ce côté doux et protecteur qu’avait la mienne ».
76
In fine, il semble que Mr. J anticipe la réorganisation de places dans la famille,
son rôle de futur père et celui de sa conjointe dans une certaine idéalisation
positive. Le pôle narcissique et de l’identique aurait été largement investi. Les
représentations anticipatrices de l’angoisse seraient présentes mais fortement
protégées par l’idéalisation et la centration sur soi. L’entretien clinique va nous
permettre de “zoomer“ sur ces représentations et leur devenir.
ENTRETIEN CLINIQUE
La bande sonore :
L’entrée dans l’écoute de la bande sonore semble être un peu confuse : on ne
sait pas de qui parle Mr. J : « il ». Les pleurs sont évoqués d’emblée et Mr. J
paraît en chercher le sens. Il semble placer cette première séquence dans une
certaine frustration : « il a faim », « exprimer son mécontentement ». Notre
sujet paraît hésiter entre différentes interprétations. A la fin de son récit, il
semble capable de nommer ce qu’il a entendu : « c’est des cris d’enfant ». La
lisibilité
du
discours
ne
paraît
pas
excellente
(pauses,
hésitations,
remâchage), mais l’histoire donnée semble compréhensible. Les conflits se
poseraient, mais ne semblent pas réellement précisés. Au fil du discours, les
« pleurs » semblent laisser place aux « cris ». Le contenu manifeste de la
bande sonore (cris et pleurs de bébé) est évoqué dans l’anonymat, puis par
l’éloignement : il ne s’agit pas de bébé mais d’enfant. Le contenu
fantasmatique semble avoir du mal à être exprimé clairement, ou est
rapidement réprimé : « des cris d’enfant, qui essaie d’exprimer quelque chose,
à mon avis il n’avait pas l’air très content. Voilà ».
La lisibilité de la seconde séquence semble relativement bonne. Mr. J paraît
nous dire sa difficulté à élaborer autour de ses représentations fantasmatiques
générées par la bande : imitant la séquence, puis remâchant « je ne sais pas
exactement », il nous dit « c’est étonnant d’entendre les bruits comme ça et de
s’imaginer comme ça ». Mr. J semble essayer de poser ses représentations
77
sur une interprétation, mais se positionnerait de nouveau dans l’hésitation :
« jeu…il sautait…son corps bougeait…il s’exprime ». Ici la dimension ludique
semble prévaloir dans l’interprétation de Mr. J et les pleurs seraient écartés.
Les ponctuations du récit : « Donc voilà », « Voilà, voilà », semblent
interrompre les mouvements pouvant faire émerger certains affects primaires.
Mr. J semble alors revenir sur la défense et la banalisation : « il s’exprime ».
Les représentations anticipatrices paraissent diffuses et peu encore
assemblées, construites. On note également l’anonymat du personnage sousjacent, le bébé.
La troisième séquence semble marquée par la restriction du discours. Les
conflits seraient évoqués : « il y a quelque chose qui ne va pas », mais leur
motif n’est pas précisé. Les pleurs seraient ruminés, répétés trois fois et Mr. J
paraît “encombré“ , ne pas pouvoir faire “quelque chose“ de ces pleurs. Les
représentations qui émergent semblent être trop angoissantes et dangereuses
pour pouvoir être mises en mots. Le récit est très rapidement clos et une
action de soin serait évoquée en dernier recours.
La quatrième séquence ne semble pas offrir une bonne lisibilité. L’histoire
donnée est assez courte. Un conflit serait exprimé : « il essayait de forcer pour
faire quelque chose », remâché, mais non explicité : « je ne sais pas
exactement ». (Nous
pourrions
éventuellement
parler
de
symbolisme
transparent autour de l’analité). L’anonymat persiste : « il ». La fin de l’histoire,
l’explication du conflit tendrait à être donnée mais serait de nouveau
réprimée : « donc il en résulterait, je ne sais pas ».
La cinquième séquence serait marquée par la restriction. Mr. J s’accrocherait
au contenu manifeste sonore : « des pleurs », cependant toujours de façon
anonyme. Il semble se trouver de nouveau dans l’incapacité à élaborer un
récit lisible, construit. « Le chagrin et la consolation » paraissent encore
fragiles face à l’incertitude de notre sujet. Il semble que l’écoute de la bande
sonore soit de plus en plus difficile dans l’activation de certaines
représentations fantasmatiques gênantes.
78
La sixième séquence est moins restrictive que la précédente. Des conflits
seraient évoqués : « je pense que c’était des pleurs là », puis annulés : « je
n’ai pas eu l’impression que c’était des pleurs ». Les motifs conflictuels
seraient donnés dans le jeu, non dangereux, et restent néanmoins assez
flous : « des choses », « des sons ».
La dernière séquence est un artéfact dont le contenu manifeste est le bruit
d’un bébé, ce ne sont ni des cris, ni des pleurs.
Cette séquence viendrait comme un soulagement pour Mr. J : « un petit cri
d’émerveillement ». Mr. J semble revenir sur les difficultés rencontrées
précédemment, en comparaison : « un son plus agréable que les autres ».
Ceci pourrait confirmer les commentaires concernant la fragilité de Mr. J à
évoquer ses représentations fantasmatiques et à les construire dans un récit
clair.
In fine, la lisibilité des séquences nous semble être majoritairement confuse.
Bien que les conflits internes soient évoqués, ils seraient peu précisés ou
élaborés, voir parfois choquant (Séquences 3 et 4). La totalité du discours est
relativement restreinte en comparaison avec le protocole de Mr. D. Les
représentations anticipatrices semblent s’étirées plus vers le pôle angoisse
automatique que vers celui d’un signal d’alerte conduisant à l’élaboration. Les
processus défensifs mis en place (éloignement temporel, mise à distance,
anonymat, remâchage, persévération, précautions verbales…) semblent
opérants, toute fois assez fragiles face à l’intensité des affects réprimés à ce
moment.
Suite de l’entretien :
L’après-coup de l’auto-questionnaire est abordé et Mr. J nous dit que
certaines questions lui sont apparues plus difficiles : « auxquelles, j’ai eu un
peu plus de mal à répondre ». Selon lui, ce qui semble avoir posé le plus de
difficultés sont les questions concernant les relations parentales. En effet, ceci
pourrait faire écho à l’analyse faite dans notre première partie qui semblait
révéler un remaillage identitaire fragile pour Mr. J.
79
L’autre point difficile selon Mr. J, est « l’expression des sentiments…par
rapport à l’enfant ». Ceci viendrait peut-être confirmer la difficulté rencontrée
par notre sujet à anticiper l’après-naissance. Les représentations anticipatrices
seraient présentes mais pas encore organisées. Les questions auraient
amenées à la conscience, des représentations fantasmatiques du bébé virtuel,
qui étaient encore en suspend derrière la barrière pré-conscient/conscient. Mr.
J nous dit : « c’est pas forcément des questions qu’on se pose », « ça m’a fait
me poser des questions. Je réalisais pas ». La narrativité de Mr. J indiquerait
son état psychique actuel de devenant père : « c’est encore un peu flou, un
peu vague ». Il semble que l’auto-questionnaire ait conduit Mr. J vers une
relation d’objet virtuel de plus en plus actuel.
La construction du “nid familial“ semble être apparue lorsque le dialogue
proto-phasique sensoriel s’est installé : « où j’ai commencé à le ressentir, ça
c’était énorme », « on a tout déménagé ». Les changements matériels et
physiques seraient à mettre en parallèle avec les remaniements psychiques :
c’est une mouvance biopsychique.
La mise à l’épreuve des représentations psychiques indiquerait que le
cheminement parental n’est pas complet : « on sait toujours pas ce qui nous
attend…on n’est pas prêt », « je me sens pas…c’est encore l’inconnu ». Les
angoisses du futur père seraient encore très prégnantes, néanmoins pas
véritablement inquiétantes malgré une mise en récit confuse.
La question traitant de l’image échographique semble réactiver le thème de la
maladie et de la fausse-couche, abordé dans l’auto-questionnaire. Selon Mr.
J, l’image échographique l’aurait rassuré du point de vue de la faussecouche : « une fois qu’on l’a vu en pleine forme…c’était génial ». D’un autre
côté, l’échographie aurait généré une certaine angoisse chez notre sujet.
Brièvement, il nous dit « ça m’a un peu chamboulé ». Nous apprenons que le
thème de la fausse-couche serait réactivé par un contexte générationnel :
« ma sœur en a fait une, je sais que ma mère en a fait une ». Ces différents
éléments seraient peut-être à l’origine des angoisses « d’œuf blanc, de
malformation, de fausse-couche » (« problème » biologique ou non paternité).
Notre sujet semble se défendre de ses inquiétudes par la banalisation : « des
choses qui arrivent », « généralement ».
80
A l’évocation de ces éléments rapportés, il semble que la narrativité en soit
altérée et la lisibilité du discours deviendrait plus floue. La problématique se
situerait autour de révélation ou non de la grossesse. L’annonce, selon Mr. J,
ne pouvait se faire qu’après avoir écarté un risque de fausse-couche : « on a
préféré ne pas en parler » (répété plusieurs fois). Le thème de l’annonce de la
grossesse semble être particulièrement questionné ; il serait à de nombreuses
reprises, remâché, ruminé et critiqué : on se rend compte qu’on aurait pu en
parler…mais on a préféré ne pas en parler ».
La question interrogeant les rêves de Mr. J paraît mobiliser de nouveau des
éléments entendus dans le questionnaire. Mr. J nous dit que dans son rêve, il
n’a pas assisté à l’accouchement : « j’ai éclipsé l’accouchement ». Ceci
pourrait aller de paire avec l’hypothèse de la réédition de la scène des
origines : on se souvient dans le questionnaire d’une possible dimension
scopique de la scène, dans le rêve c’est l’inverse : « j’ai pas vu
l’accouchement du tout ».
Le second point du rêve serait l’idéalisation positive du bébé virtuel sur fond
d’investissement narcissique : « il y avait 4 bébés…un qui était super mignon
et tout… on me disait “oh, c’est votre bébé“…c’était génial…le rêve tout beau,
tout est beau, c’est un beau rêve ». La naissance bu bébé serait ici pensée
dans une réalisation à valeur magique.
Le dessin :
Le dessin de Mr. J semble particulièrement expressif et détaillé. De nouveau,
la dimension scopique semble apparaître : Mr. J dessine le bébé dans le
ventre de sa mère, « ses yeux ouverts » : il s’agirait ici de voir l’intérieur de la
mère et de l’intérieur. L’explication du dessin semble montrer des
représentations anticipatrices de la naissance. Mr. J dessine son bébé virtuel
“peu de temps avant son arrivée“ : « il se prépare à sortirlà…c’est le moment
bientôt ». Le fait que Mr. J dessine son bébé dans sa préparation à naître
pourrait
indiquer
une
anticipation
de
l’angoisse
de
l’accouchement,
anticipation qui serait relativement opérante. (Finalement, d’un point de vue
biopsychique, le bébé n’est pas loin de sa naissance : environ 8 mois de vie
intra-utérine, ce qui pourrait correspondre aux représentaions dessinées de
Mr. J)
81
L’arbre de vie :
L’arbre généalogique de Mr. J paraît relativement bien construit (après une
relance au départ). Les ramifications seraient complétées avec soin. Il est à
noter que Mr. J dessine son propre noyau familial, c’est à dire sa conjointe et
son bébé virtuel, ce qui pourrait souligner combien ce bébé est déjà ancré
dans l’histoire générationnelle. Mr. J explique sa position dans la lignée : « je
suis le dernier, dernier, dernier » et semble se situer de nouveau avec des
précisions chiffrées de la fratrie.
Il semble que sa naissance « pas tellement attendue » soit source de conflits
pour Mr. J ; son discours paraît faire des allers et retours entre le conflit et la
défense : « j’étais pas tellement attendu, mais bon très aimé, pas tellement
attendu ».
Le thème de la “maladie“ de l’un de ses frères est abordé. Il semble que Mr. J
tienne à expliciter la situation de son frère.
A la question libre concluant l’entretien, Mr. J reviendrait sur les
représentations véhiculées par la bande sonore et sa possible incapacité à les
élaborer totalement en ce moment : « on ressent des choses, mais pas faciles
à cerner ».
In fine, il semble que l’entretien clinique vienne appuyer nos hypothèses de
travail de réédition de la scène des origines et de la conflictualité oedipienne.
Plus particulièrement, l’hypothèse de représentations anticipatrices variables
semble également se valider. Ainsi, nous pourrions situer Mr. J à un degré
d’anticipation périnatale moins élaboré que Mr. D (du point de vue de la
lisibilité du discours, de la mise en récit, de l’évocation de conflits internes et
de leurs motifs). Néanmoins, le dessin de Mr. J et son explication paraissent
apporter quelques points positifs sur le chemin de la paternité.
Tout simplement, nous pourrions dire que nos deux sujets ne se situent pas
au même point dans leur cheminement, leurs remaniements psychiques sont
également d’une complexité singulière.
82
5.3 : Monsieur G
AUTO-QUESTIONNAIRE
Description :
Mr. G est un futur père de 27 ans, d’origine française, qui habite la région
parisienne. Il a suivi des études supérieures de droits et est juriste au sein
d’un grand groupe. Il vit en couple depuis trois ans. Mr et Mme G attendent
leur premier enfant depuis 7 mois. Mr. G est issu d’une fratrie de trois dont il
est le seul garçon et le dernier né.
Nous présenterons les réponses de l’auto-questionnaire et leur analyse. Mr. G
nous a fait parvenir par courrier le questionnaire après nous avoir informé de
sa non participation à la seconde partie de la recherche (l’entretien clinique)
pour « des raisons professionnelles et pratiques ». La présentation de ce
protocole incomplet nous a cependant semblé adéquate d’après les réponses
recueillies. Le matériel clinique nous a paru assez riche pour être analysé.
Néanmoins, nous ne pourrons apporter que des éléments partiels de réponse
étayant ou non nos hypothèses.
Analyse clinique :
Réactualisation des fantasmes de scène des origines et réédition de la
conflictualité oedipienne.
L’accouchement, susceptible de réactiver certains fantasmes de scène des
origines est interrogé dans la première partie, aux questions 15, 16, 17. Les
réponses de Mr. G semblent très restreintes et relativement défensives. Mr. G
paraît s’installer dans une certaine intellectualisation, où sa présence lors de
l’accouchement serait comme obligatoire : « il n’est pas imaginable que je ne
sois pas présent » (15). Mr. G imaginerait ce moment d’un point de vue peutêtre sensoriel : « une des plus fortes émotions » (16), cependant, il reste peu
expressif sur le type d’émotions, leur qualité ou autre.
83
Mr. G semble anticiper ce moment comme une “révélation“ de sa nouvelle
position de père“ : « être face à soi…être face au bébé » (17). Le « bonheur »
serait envisagé, et la possibilité de complication, d’aggravation serait anticipée
comme un signal de l’angoisse.
Il s’agirait pour Mr. G de contrôler la situation, de l’anticiper : « être prêt ». Il
semble s’imaginer sur plusieurs “fronts“ : le repli narcissique (« face à soi) », la
nouvelle paternité (« face au bébé »), la relation de couple et parentale
(« aider mon épouse »). Il semble que la naissance de ce premier bébé soit
anticipée comme l’accueil d’un nouveau membre dans “le nid familial“ : le
thème de l’accueil serait répété aux questions 15b et 17.
Il semble que la réactualisation des fantasmes de scène des origines ne
constitue pas une question très prégnante pour Mr. G. Du moins, nous
pourrions noter que la restriction des réponses pourrait indiquer un processus
défensif face aux éléments fantasmatiques. La mise en récit paraît être de
bonne qualité et l’anticipation serait équilibrée entre angoisse automatique et
angoisse signale. Ici, il semble que les affects soient exprimés à minima.
In fine, nous pourrions dire que les représentations anticipatrices ne semblent
pas être très nombreuses et paraissent assez contenues et contrôlées par la
restriction du discours et l’intellectualisation. Les défenses paraissent assez
stables.
La partie concernant l’histoire familiale et générationnelle semble plus
particulièrement marquée par la restriction que les premières parties de l’autoquestionnaire. Cette partie semble également faire l’objet d’une certaine
critique du matériel et de remarques ironiques : les questions, leur précision et
la grammaire sont “corrigées“ par notre sujet, ce qui semble lui permettre à de
nombreuses reprises l’évitement de la réponse et du conflit (46, 47, 48b, 49b,
56, 57, 62a, 62b, 64b, 66a). Les questions faisant l’objet de cet évitement
concerneraient particulièrement la description et la mise en scène.
Se décrire comme père et décrire la place et le rôle d’un père paraît être
difficile à élaborer pour Mr. G ; l’anticipation des interactions que l’on aurait pu
voir dans l’imagination de petites scènes père-enfant serait fortement réprimée
par le contrôle et l’intellectualisation :
84
« l’imagination ne sert à rien quand elle n’est comme ici que pure
spéculation » (59b). Il semble que Mr. G ne se laisse pas facilement aller à
imaginer son bébé et à anticiper les relations qu’ils pourraient avoir ensemble.
Il se décrit comme un « père en attente, enfin sur le point de le devenir » (45).
Le cheminement vers la paternité serait pensé, anticipé mais réprimé.
Il semble que l’histoire générationnelle de Mr. G tienne une place lourde de
sens dans ce “devenir père“. En effet, Mr. G nous dit se sentir comme « un
passeur de témoin trans-générationnel » (44). La filiation de type corps à
corps (Guyotat, 1980) semble prévaloir dans le récit de Mr. G. Ainsi, la logique
de la continuité et de la transmission au niveau génétique et interactionnel
serait plus particulièrement investi dans la paternité prénatale de Mr. G. Mr. G,
parlant de ses relations avec son père , nous dit « je sais qu’il attend un petitfils pour la perpétuation du nom de famille » (49b). Nous apprenons
également que le grand-père paternel de Mr. G a joué un rôle important dans
cette lignée (52a). Les relations générationnelles, celles de sa mère avec ses
parents et celles de son père avec ses parents, semblent plus précisément
décrites, ce qui pourrait confirmer un possible hyper-investissement du lien
générationnel. La lignée familiale et la nouvelle paternité placent le père de
Mr. G comme grand-père et Mr. G comme père. Le glissement des places
dans
la
constellation
paternelle
semble
démontrer
quelques
contre-
identifications paternelles de Mr. G. Un conflit ambivalenciel serait perceptible
à l’égard du futur grand-père. Ainsi, les quelques mots choisis pour décrire le
père de Mr. G seraient peu valorisants : « rigide » ; Mr. G nous dit avoir été
« en attente de signe d’affection » (49a). Les relations actuelles seraient présenties par Mr. G comme « plus proches et plus égalitaires », « il me regarde
autrement » (49b). Ces réponses pourraient signifier l’anticipation de la
nouvelle place de père de notre sujet. S’agirait-il d’être père comme le sien ?
Le
réseau
identificatoire
intergénérationnel
semble
être
en
pleins
remaniements et réorganisation. La réédition de la conflictualité oedipienne
seraient prégnantes dans la filiation du corps à corps. Le pôle ambivalenciel
pourrait également être perçu à la question 58, où Mr. G s’imaginerait être un
père « très attentif et démonstratif », ce qui contraste avec la question 49b où
Mr. G se décrivait « en attente de signe d’affection » de la part de son père.
85
D’autre part, Mr. G souhaiterait ressembler en tant que père, à un oncle
« parce qu’il embrassait ses fils » (60a, 60b). Ceci pourrait signifier que Mr. G
n’aurait pas connu un père « démonstratif ». Des contre-identifications
paternelles seraient donc présentes.
Ces différentes identifications et contre-identifications dans le réseau
générationnel pourraient permettre à Mr. G de cheminer vers sa paternité. Le
décès du grand-père paternel semble avoir été un événement très marquant
ce qui pourrait suggérer la place de la lignée paternelle et de la filiation transgénérationnelle dans le remaillage identitaire de Mr. G.
Phénomène d’anticipation et variabilité
La scène de l’accouchement semble relativement bien anticipée dans sa
paternalisation : « être face au bébé ». Néanmoins, Mr. G paraît rester sur ses
processus défensifs.
L’auto-questionnaire semble marqué par la restriction. Nous savons que ce
questionnaire est privilégié pour ses sollicitations de projections anticipatrices.
Or, il semble que pour Mr. G, plus que pour nos deux autres sujets, ces
projections anticipatrices soient placées sous le contrôle et l’intellectualisation.
Une certaine rigidité des procédés défensifs serait active. Les représentations
fantasmatiques auraient alors peu de place pour être exprimées. Ceci ne
faciliterait pas l’accès aux représentations anticipatrices paternelles, comme si
Mr. G “s’interdisait“ de faire appel à son imagination.
L’idéalisation positive du bébé virtuel semble très ténue en comparaison avec
Mr. J.
Le désir de ce bébé viendrait s’inscrire dans une logique plutôt banalisante du
mariage et des références sociales communes : « suite logique du mariage »
(1).
Le dialogue proto-phasique est évoqué dans les questions 10a à 12, dans la
sensorialité : « apposition de mes mains sur le ventre… écouter de la musique
grâce à un casque ».
86
Cette sensorialité, les mouvements du bébé semblent avoir révélés le début
de la paternalisation (influence positive exercée par le bébé sur le sentiment
d’être père) : « c’est la matérialisation de la vie et de l’échange déjà possible
avec lui ». Il semble que l’aspect vital par les sensations vienne également
marquer le chemin anticipatoire de la paternalité.
Ces différents éléments pourraient contre-balancer cette répression de
l’anticipation. Il semble que l’image échographique ait été le lieu de
représentations anticipatrices plus ou moins angoissantes : Mr. G parle de
« soulagement » (12).
Mr. G n’a pas souhaité connaître le sexe de son enfant « pour avoir la
surprise » (21). Les prénoms masculin et féminin ont été choisis par tradition
familiale, ce qui viendrait souligner l’importance générationnelle.
Mr. G pense son bébé virtuel comme « rose et rond » (25), « souriant et
affectueux » (26) et nous donne deux exemples d’interactions (on doit préciser
que ces deux scènes sont les seules mises en mots).
Il semble que Mr. G ne puisse nous donner d’autres éléments fantasmatiques
concernant son bébé et s’attacherait alors à réécrire le matériel peut-être pour
éviter cette fantasmatique de la paternalité (26, 29). Néanmoins, Mr. G semble
anticiper son rôle paternel avec plus de facilité que de livrer les
représentations de son bébé virtuel.
Ainsi, « la joie, l’amour et l’inquiétude » seraient les émotions paternelles
anticipées. Le thème de la relation primaire, c’est à dire le développement
psychique,
semble
privilégié :
Mr.
G
désirerait
son
enfant
comme
« affectivement épanoui, honnête intellectuellement et moralement » (31), et
redouterait « l’influence d’esprits pernicieux » (32).
Les commentaires additifs concernant le bébé, viendraient montrer une
certaine impatience de Mr. G à être père : « 9 mois, c’est long » ; ceci pourrait
cependant contraster avec les quelques difficultés de Mr. G à mettre en mots
son bébé virtuel.
Ces difficultés apparaîtraient également dans la partie ou Mr. G doit s’imaginer
père : « l’imagination ne sert à rien quand elle n’est comme ici que pure
spéculation » (59 b). La fantasmatique et les projections anticipatrices seraient
assez inhibées et contrôlées.
87
Mr. G anticiperait le rôle de mère de son épouse comme «parfaite » et nous
livre ses représentations concernant la petite enfance. Il ne pourrait pas nous
livrer celles concernant l’âge adulte : « il est trop tôt pour le dire » (61). Là
encore, le rôle parental de mère semble peu accessible ; la fantasmatique
serait contrôlée par la restriction et la critique.
In fine, nous pourrions penser que les capacités de représentations
fantasmatiques seraient présentes mais ne pourraient être mis en mots que
très partiellement. Malgré les sollicitations du questionnaire, l’évitement, la
restriction et le contrôle viendraient fragiliser la souplesse de la vie
fantasmatique que l’on attendait plus transparente. Il semble que l’anticipation
de l’angoisse comme système défensif soit présente mais assez réprimée.
Néanmoins, la paternalité semble en marche.
La réactualisation des fantasmes des origines pourrait être sensiblement
perçue sous le thème de l’accouchement.
La réédition de la conflictualité oedipienne semble surtout démontrer un hyperinvestissement générationnel.
L’entretien clinique et notamment la passation de la bande sonore aurait pu
nous permettre d’aller plus loin dans l’analyse de la variabilité de l’anticipation.
Nous restons donc très prudent dans nos commentaires.
88
6 : DISCUSSION
Notre discussion va s’articuler autour de l’analyse très ciblée de nos trois
études de cas. Nous tenterons de faire la synthèse pour chaque sujet en
regard de nos trois hypothèses. Puis, nous essaierons d’élargir notre étude
(bien qu’elle ne soit pas représentative) vers de possibles recherches
ultérieures.
Monsieur D :
Face aux questions concernant l’accouchement, il nous a semblé apparaître
une réactualisation des fantasmes de scène des origines, pour Mr. D. Son
discours nous a paru s’installer dans une mouvance entre vie fantasmatique et
processus défensifs, mêlant l’angoisse et le plaisir. La scène des origines
nous a semblé donc prégnante mais relativement bien contenue.
Nous avons également pu constater que la thématique générationnelle était
sous-jacente. Il nous a semblé qu’une réédition de la conflictualité oedipienne
pouvait se valiser chez Mr. D. La fantasmatique nous a semblé
particulièrement transparente autour des relations entre Mr. D et son père. Le
remaillage identitaire serait constitué de remaniements psychiques intenses,
notamment dans le glissement des places père-fils.
Il nous a semblé apparaître des contre-identifications paternelles sur un
versant agressif. Nous avons également perçu des identifications projectives
partielles au bébé virtuel et à la mère. L’arbre de vie de Mr. D, qui nous a paru
assez sommaire, viendrait confirmer les contre-identifications paternelles,
puisque la lignée maternelle aurait été surinvestie. Une filiation de type
symbolique nous a semblé être particulièrement investie par Mr. D.
Ce bouillonnement psychique nous a néanmoins semblé constructif pour Mr.
D, qui s’en défendrait relativement bien.
Il semble être apparu dans l’auto-questionnaire de bonnes capacités
d’anticipation du rôle et de la fonction paternelle. Le bébé virtuel de Mr. D
serait quelque peu idéalisé positivement, mais non de façon démesurée.
89
Les projections anticipatrices nous ont semblé faciles d’accès par la mise en
scène des interactions fantasmatiques, émotionnelles et comportementales,
par le lien déjà établi dans le dialogue proto-phasique.
L’anticipation biopsychique paternelle nous a semblé relativement bien située
dans la variable angoisse automatique et angoisse signal d’alarme.
A la passation de la bande sonore, nous avons pu constater une narrativité de
bonne qualité et une lisibilité stable et étayante (parfois altérée par des
émergences fantasmatiques).
Le discours nous a semblé être marqué par des allers et retours entre la
fantasmatique et la défense. Les capacités anticipatrices seraient rudement
mises à l’épreuve, notamment par des représentations de situations de
danger, angoissantes. Au fur et à mesure des séquences sonores, il nous a
semblé apparaître un afflux fantasmatique de plus en plus lourd, qui aurait
fragilisé l’élaboration de l’anticipation. Néanmoins, la dernière séquence aurait
apporté un étayage réorganisant. Les sollicitations de la bande nous ont paru
vives et le système défensif de Mr. D nous a semblé mis au défit, mais
satisfaisant et solide.
D’autre part, le dessin du bébé virtuel nous a semblé constitué un choc pour
Mr. D. Refusant de le mettre en forme sur papier, il semble que les capacités
anticipatrices aient été peut-être trop actives et mises à l’écart dans un repli
narcissique.
A l’entretien, il nous a semblé que le “devenir père“ était source d’inquiétudes
toujours bien contenus et anticipées par la paternalisation que susciterait le
bébé virtuel (échographie, premiers mouvements…).
Au total, nous pourrions dire qu’au regard de l’analyse des réponses cliniques
et projectives de Mr. D, nos trois hypothèses nous ont semblé se confirmer. Le
processus de parentalité de Mr. D serait certes mouvementé mais pas
inquiétant. Les représentations anticipatrices paternelles nous ont semblé bien
s’organiser entre le pôle de l’angoisse automatique et le pôle de l’angoisse
signal d’alarme.
90
Monsieur J :
Les questions sollicitant des représentations fantasmatiques autour du thème
des origines nous ont semblé aller dans le sens d’une réactualisation des
fantasmes de scène primitive. Il nous a semblé que ces représentations ont
revêtu chez Mr. J, une forme particulièrement angoissante ; l’accouchement
serait vécu comme une « épreuve » et « éclipsé » dans le rêve. Il nous est
apparu une dimension scopique de la scène représentationnelle, oscillant
entre défenses et angoisses. Cette réédition nous a semblé sensible chez
Mr.J.
La narrativité de Mr. J a semblé avoir comme noyau central, un pôle
narcissique. Le remaillage identitaire se serait alors constitué sur une logique
du même. Une certaine idéalisation familiale à valence positive constituerait le
fil générationnel. Les identifications paternelles se feraient sur le plan de cette
idéalisation narcissique. Les contre-identifications paternelles nous ont paru
bien moindres par rapport à Mr. D. Les objets transmis à travers les
générations seraient de l’ordre d’images identiques. Le pôle ambivalenciel de
la conflictualité oedipienne ne nous a pas semblé être une caractéristique
prégnante dans cette réactualisation. Il nous a semblé percevoir une
réorganisation profonde de Mr. J autour des identifications, une véritable
construction de la paternalité.
L’arbre de vie, particulièrement soigné dans les ramifications, fait apparaître le
bébé virtuel de Mr. J dans l’histoire générationnelle.
Il nous a semblé apparaître certaines capacités anticipatrices chez Mr. J,
marquées par les mouvements de paternalisation lors de l’image en 3 D et par
le dialogue proto-phasique sensoriel. Les représentations fantasmatiques
nous ont semblé mettre à l’épreuve les capacités d’élaboration de Mr. J ; le
système défensif nous est souvent apparu comme fragilisé. Face à ces
bouleversements psychiques, il nous a semblé que l’idéalisation positive ait
été un procédé défensif privilégié. Le pôle narcissique nous a paru prévaloir
sur un pôle plus objectal, en ce qui concerne les projections anticipatrices et le
thème de la filiation.
La passation de la bande sonore nous a semblé marquée par la restriction de
la narrativité et une lisibilité du discours assez moyenne.
91
Ceci pourrait souligner les difficultés de Mr. J
à mettre en mots ces
projections anticipatrices peut-être trop angoissantes, tirant du côté de
l’angoisse automatique.
Les conflits semblent pouvoir être exprimés mais leurs motifs seraient le plus
souvent réprimés. L’anonymat nous a semblé être révélateur d’une mise à
distance de la future paternité. Les projections anticipatrices ne nous ont pas
semblé de très bonne qualité puisque souvent non abouties et livrées soit
sous le thème de la maladie, soit sous celui de l’idéalisation. Néanmoins, Mr. J
a pu mettre en récit des interactions père-bébé.
Le dessin de Mr. J nous a semblé être un témoin de la possibilité
d’anticipation.
Au total, il semble que l’hypothèse d’une réactualisation des fantasmes de
scène des origines soit validée. Elle nous a été donnée à travers la
sensorialité visuelle de Mr. J. Le système défensif nous a paru ici mis à
l’épreuve mais soutenant.
L’hypothèse d’une réédition oedipienne semble avoir été confirmée par un
hyper-investissement narcissique du lien générationnel.
Enfin, la structure psychique de Mr. J nous a parfois semblé ébranlée par les
représentations fantasmatiques et anticipatrices non encore soupçonnées par
le conscient. L’ensemble du protocole de Mr. J nous a laissé penser que le
pôle de l’angoisse automatique de l’anticipation ait été plus sollicité.
Néanmoins, nous savons que la période prénatale est particulièrement
pesante en remaniements psychiques de tout ordre propres à chaque vécu.
Les possibles difficultés d’anticipation ponctuelles de Mr. J seraient donc très
relatives et, à certains moments constructives.
Monsieur G :
Nous avons choisi de présenter les réponses de Mr. G parce qu’elles nous ont
paru assez surprenantes, nous rappelant la singularité des histoires.
La réactualisation des fantasmes de scène des origines nous a semblé très
ténue dans le protocole de Mr. G.
92
En effet, la restriction des réponses ne nous permet pas d’aller dans le sens
de la validation de l’hypothèse formulée. Cependant, cela pourrait être le signe
de représentations trop équivoques pour être livrées.
La partie histoire générationnelle nous a semblé très empreinte de processus
défensifs de type contrôle, restriction, évitement et critique du matériel.
« Passeur de témoin trans-générationnel », Mr. G nous a semblé s’inscrire
dans une filiation du corps à corps, où la logique de la continuité serait
largement investie. Le réseau identificatoire nous a semblé en pleine
réorganisation, parsemé de quelques contre-identifications paternelles. Un
pôle ambivalenciel serait également perçu. La réédition de la conflictualité
oedipienne pourrait se confirmer.
Les capacités anticipatrices de Mr. G nous ont semblé apparaître mais très
réprimées par un contrôle presque rigide de la vie fantasmatique. La barrière
préconscient-conscient ne nous a pas semblé aussi perméable que nous
aurions pu le penser.
Une mise en récit de bonne qualité, mais plutôt banalisante et souvent dans la
critique
ou
l’évitement
viendrait
comme
suspendre
les
émergences
fantasmatiques.
Il nous a semblé y avoir une possibilité d’anticipation (dialogue protophasique, mise en scène d’interactions…), mais cela ne serait pas adéquat de
situer Mr. G dans notre variable de l’anticipation puisque le protocole n’est pas
complet. Beaucoup d’éléments nous manquent pour pouvoir confirmer
l’interprétation donnée.
Nous avons pu constater que nos trois sujets semblaient investir chacun un
type
de
filiation
plus
particulièrement :
respectivement
les
filiations
symbolique, narcissique et corps à corps.
Une réédition de la problématique oedipienne nous a semblé apparaître pour
nos deux principaux sujets mais aussi pour Mr. G.
Nous avons pu constater pour nos deux principaux sujets une véritable
réactualisation des fantasmes et notamment des fantasmes de scène des
origines.
93
Pour tous nos sujets et plus spécifiquement dans les protocoles complets, il
nous a semblé émerger des représentations anticipatrices paternelles
prégnantes. Néanmoins, leur qualité nous a semblé relativement variable sur
notre échantillon ; plus ou moins exprimées ou inhibées, oscillant entre le pôle
angoisse automatique et le pôle angoisse signal d’alarme, les projections
anticipatrices nous ont paru constructives et organisatrices.
Nous regrettons de ne pas avoir pu rencontrer Mr. G pour la passation de la
bande sonore afin de mieux définir la qualité de ses représentations.
Nous regrettons de ne pas avoir pu réaliser une recherche dont
l’échantillonnage ait été représentatif, néanmoins, nous nous réservons la
possibilité de le faire plus tard.
Bien que le matériel projectif ait été une source d’éléments cliniques
particulièrement intéressants, nous regrettons également de ne pas avoir eu
un étalonnage des outils. Si nous devions réaliser la recherche dans un laps
de temps plus élargi, nous pourrions éventuellement créer nous-même une
bande sonore comparative avec une image. Nous pourrions également
prévoir une rencontre postnatale pour démontrer d’une possible mise en
scène de certains fantasmes.
Nous nous sommes également demandé ce qu’il en était des représentations
anticipatrices paternelles de très jeunes adultes voir adolescents (peut-être
qu’un échantillon sur une tranche d’âge de 15 à 20 ans serait intéressant) ; de
même qu’en est-il des représentations anticipatrices des hommes déjà
pères ? Qu’en est-il de celles de futurs pères adoptifs ? Nous pourrions
décliner la question sur de nombreux niveaux.
94
7 : CONCLUSION
In fine, nous avons pu constater un processus de paternalité
complexe. La paternalisation et la paternification sont des éléments
constituants de la constellation paternelle. L’évolution de cette
constellation traverserait toutes les étapes de la vie et s’originerait
dans le vécu générationnel. La substance trans-générationnelle et
intergénérationnelle serait revisitée par la conflictualité oedipienne
dans une réorganisation intense des identifications.
Nous avons pu voir que la fonction paternelle représenterait non
seulement une loi, une triangulation mais également un objet de
relation et qui plus est, de relation d’objet virtuel pour le devenant
père. Il serait le pont qui relie future mère et bébé virtuel.
D’autre part, nous avons pu mettre en relief une variabilité des
représentations anticipatrices paternelles. Celles-ci nous ont
semblé nécessaires à l’élaboration parentale. « A consommer avec
modération », l’anticipation serait une fonction essentielle au
processus de paternalité, permettant de se préserver. Elle
s’articule entre un pôle d’angoisse automatique-traumatique et un
pôle d’angoisse signal d’alarme. D’un point de vue tridimensionnel,
l’anticipation
périnatale
est
comportementale,
affective
et
fantasmatique. Elle est le « nid » de la parentalité.
Si nous avions pu continuer notre recherche professionnellement,
nous
aurions
certainement
éprouvé
ces
représentations
anticipatrices paternelles avec un outil projectif étalonné comme le
TAT, puis par un entretien clinique postnatal, accompagné d’une
observation des interactions père-nourrisson. L’étude aurait pu être
une recherche comparative des périodes pré et postnatales.
95
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CUPA, D, 1996, Rêves d’accouchement, émergences de fantasmes
originaires, Champ Psychosomatique, 8, 37-47.
98
DENIS, P, 2002, Quel avenir pour les familles ? Inquiète paternité, Revue
Française de Psychanalyse, 2002, Janv-mars, PUF.
HOUZEL, D, 1997, Les dimensions de la parentalité. Journal de la
psychanalyse de l’enfant. Bayard, 21.
LEBOVICI, S, 1994, Les interactions précoces. Revue de Médecine
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MISSONNIER, S, 1998, Entre créativité et vulnérabilité, les métamorphoses
de la parentalité, Psychiatrie Française, 3, 98, Nov, 95-111.
MISSONNIER, S, 2004, Revue Adolescence.
MARTY, F,2003, La parentalité, un nouveau concept pour quelles réalités ?
Revue Carnetpsy, 81, mai 2003.
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99

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