Le Web 2.0
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Le Web 2.0
Département Télécommunications, Services et Usages – INSA de Lyon Culture Générale des Télécoms Le Web 2.0 Andra Filip Ibrahim Gharbi Julien Honnart Sylvain Gizard Carmen Indrecan Novembre 2008 1 INTRODUCTION ................................................................................................................................................. 3 1 CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES ET TECHNOLOGIQUES ............................................................. 4 1.1HISTORIQUE DU WEB ...................................................................................................................................... 4 1.2 COMPARATIF WEB 1.X / WEB 2.0 ................................................................................................................... 5 1.3 DEFINITIONS DU WEB 2.0 ............................................................................................................................... 5 1.3.1 Définition de Tim O’Reilly ..................................................................................................................... 6 1.3.2 Définition marketing .............................................................................................................................. 7 1.3.3 Définition technologique ........................................................................................................................ 7 1.3.4 L’identification par le design ................................................................................................................. 7 1.4 LES TECHNOLOGIES ASSOCIEES ...................................................................................................................... 7 1.5 DES PLATEFORMES EN CONSTANTE EVOLUTION ............................................................................................. 9 2 WEB 2.0 - SOCIOLOGIE, COMMUNICATION ET USAGES ................................................................. 12 2.1 LES UTILISATEURS PRENNENT LE CONTROLE… ............................................................................................ 12 2.2 USAGES DU WEB 2.0 .................................................................................................................................... 14 2.2.1 Des outils de création de contenus ....................................................................................................... 14 2.2.2 Des outils de cartographie ................................................................................................................... 17 2.2.3 Des outils d’échange de contenus ........................................................................................................ 18 2.2.4 Les réseaux sociaux.............................................................................................................................. 21 2.2.5 Les réseaux éducatifs ........................................................................................................................... 22 2.3 LE WEB DE DEMAIN ..................................................................................................................................... 24 3 L’ÉCONOMIE DU WEB 2.0 .......................................................................................................................... 26 3.1 QUELS MODELES ECONOMIQUES POUR LE WEB 2.0 ? ................................................................................... 26 3.1.1 Les fondamentaux économiques du Web 2.0 ........................................................................................ 26 3.1.2 Le développement économique des sites Web 2.0 ................................................................................ 27 3.1.3 Bulle 2.0 ou réel potentiel économique ? ............................................................................................. 32 3.2 COMMENT LE WEB 2.0 REDEFINIT LES PROCESSUS D‟INVENTION, DE PRODUCTION, DE MARKETING ET DE DISTRIBUTION DES BIENS ET DES SERVICES ?...................................................................................................... 33 3.2.1 De l’exploitation des outils Web 2.0 à l’émergence d’une nouvelle forme de marketing .................... 34 3.2.2 La Wikinomie ou le monde de la production collaborative .................................................................. 35 3.3 LES QUESTIONS MORALES, ETHIQUES, JURIDIQUES ET POLITIQUES ............................................................... 37 CONCLUSION.................................................................................................................................................... 40 BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................................. 41 2 Introduction Elue personne de l‟année 2006 par le magasine Time, l‟internaute a connu récemment une modification radicale dans son rapport avec la toile. Grâce à la banalisation des connexions haut-débit, à l‟apparition de nouvelles technologies de programmations, d‟informations, le web devient plus accessible et compte aujourd‟hui plus de 1,46 milliard d‟adeptes dans le monde. De la lecture de contenus vidéos, aux créations de blogs en passant par la création de communautés, l‟utilisateur sort de sa passivité et utilise pleinement les technologies qui s‟offrent à lui. Ce fabuleux renouveau du web est ainsi communément appelé web 2.0. Qu‟est que le web 2.0 et qu‟engendre-t-il ? Dans une première partie, nous définirons le web 2.0 ainsi que ses implications technologiques. La seconde partie traitera du phénomène social qu‟engendre le nouveau web ainsi que de ses usages. Enfin la dernière partie exposera la nouvelle économie du web ainsi que la place des entreprises dans cette dynamique. 3 1 Caractéristiques générales et technologiques 1.1 Historique du Web Web 0.x Web 1.5 2005 1994 Web 1.0 Web 2.0 Le Web 0.x <1994 Réservé aux informaticiens, spécialistes. Les prémisses du web sont de simples fichiers textes, page web statiques ou seul l‟échange d‟informations simples est réalisable. Il existait peut de producteurs de contenus pour quelques utilisateurs. Le Web 1.x : 1995 - 2005 Cette période connait une croissance rapide où se développe de nombreuses activités de services tel que l‟E-Commerce, l‟e-médias, etc. Cependant l‟internaute reste passif. Web 1.0 Web statique : HTML,GIF Les pages Web sont des documents statiques rarement mis à jour Web 1.5 Web dynamique : DHTML, ASP, PHP, CSS Les pages Web sont construites à la volée à partir d‟une ou plusieurs bases de données (MySQL, SQL server, Oracle…). Le Web 2.0 : 2005 – Web collaboratif – Ajax, DHTML, XML, CSS2 … Cette période s‟associe à l‟apparition des blogs, des wikis … On y observe une modification des comportements, aussi bien de la part de l‟utilisateur, qui sort de sa passivité, que de la part des entreprises qui y voient un tout nouveau marché. L‟utilisateur devient le producteur, le contributeur. 4 1.2 Comparatif Web 1.x / Web 2.0 Ce tableau résume les évolutions du web avec sa version estampillée 2.0 qui se veut vecteur d‟un contenu plus dynamique (flux RSS, Ajax) et où l‟utilisateur prend de plus en plus sa place. Les pages web sont de véritables puzzles qui emboitent une multitude de fonctions, d‟APIs toujours plus innovantes. Les nouveaux outils de développement facilitent toujours plus la navigation sur la toile, la rendant plus intuitive. 1.3 Définitions du Web 2.0 Le terme « Web 2.0 » fut inventé en 2004 par Dale Dougherty de la société O'Reilly Media lors d‟une conférence sur le devenir du web puis sera définie plus tard par Tim O'Reilly (photo à droite) dans What is Web 2.0, Sept. 2005. Cependant le terme Web 2.0 reste encore sujet à controverses, et sa définition est en constamment remise à jour. Le « Web 2.0 » est une notion floue car ce n'est pas une norme établie par un organisme agréé et il est utilisé parfois de manière abusive (comme stratégie marketing par exemple). Il existe à peu près 4 définitions sérieuses mais incompatibles du terme Web 2.0. 5 1.3.1 Définition de Tim O’Reilly « Je définis le web 2.0 comme étant la conception de systèmes qui mettent à profit les effets des réseaux sociaux pour tirer le meilleur de ceux qui les utilisent, ou pour parler plus simplement, mettre à profit “l‟intelligence collective” ». (Définition de 2008, traduction Bertrand Duperrin). Cette définition s‟accompagne de 5 caractéristiques principales : 1 – L’intelligence collective Lorsqu‟une multitude de personnes parviennent à contribuer ensemble, le résultat n‟en peut être que meilleur. Un parfait exemple est l‟encyclopédie Wikipedia qui à su se baser sur ce principe, et est parvenu à agréger de ses utilisateurs une base d‟articles riche et complète. 2 – Le contenu généré par l’utilisateur (User Generated Content1) Comme cela a été montré dans l‟historique, l‟internaute est passé du rôle de simple lecteur à celui de créateur, de producteur, de ses propres contenus, qu‟il met ensuite à disposition des autres internautes. 3 – La personnalisation d’Internet L‟avènement des flux RSS prouve l‟envie de l‟internaute d‟accéder au contenu qu‟il veut de la façon dont il le souhaite, avec par exemple une page d‟accueil personnalisable. Le contenu ainsi récupéré est présenté d‟une façon propre à l‟internaute, et peut même se permettre de mélanger différentes sources pour créer un nouveau contenu. 1 User Generated Content signifie que le contenu n'est pas un contenu push réalisé par un producteur différent de l'utilisateur, mais bien l'utilisateur lui-même qui est producteur du contenu. 6 4 – Les applications riches en ligne Le principe qu‟une application un tant soit peu complexe soit nécessairement installée sur son PC est révolue. Grace à l‟évolution et à la combinaison de certaines technologies (AJAX principalement), un nouveau type d‟application en ligne est apparue. Ces applications sont de plus en plus complexes et peuvent ainsi remplacer certaines applications locales. On peut citer Google Documents où encore Photoshop Express comme bons exemples de ce renouveau. 5– Mash-ups et « widgets » Les mash-ups donnent la possibilité à tout un chacun de créer sa propre application en ligne sans toutefois demander beaucoup de connaissances techniques. C‟est ainsi que l‟on a vu apparaître beaucoup de dérivés de Google Maps, où encore les « widgets », des petites extensions paramétrables pouvant afficher toutes sortes de contenus (jeux, informations…) dans un site. 1.3.2 Définition marketing Une autre vision du Web 2.0 vient de la Silicon Valley et est purement marketing. Une tactique 2.0 est le financement d‟un site où le contenu sera généré par les utilisateurs euxmêmes. Un tel site ne demande pas d‟investissements lourds dans la mesure où sa mise en place et sa maintenance ne demande pas de grandes ressources. 1.3.3 Définition technologique Enfin les développeurs ont une vue du Web 2.0 qui diffère encore, qui est cette fois purement technologique. Cette mouvance s'est accompagnée de nombreux changements et prises en considération au niveau technologique. Ceci a amené les sites de cette période du Web à avoir de nombreux points communs techniques. De plus en plus de standard sont définies par des organismes toujours plus sérieux. Ainsi, de plus en plus de sites se réfèrent à des formalismes de développement tel que W3C. 1.3.4 L’identification par le design Nous ajouterons que la plupart des sites de cette époque sont aisément identifiables grâce à différentes caractéristiques graphiques. Des effets de transparence, des couleurs vives en passant par une ergonomie repensée, le web 2.0 propose une refonte complète des vieilles interfaces web statiques. 1.4 Les technologies associées Le Web 2.0 se construit sur des technologies proposant une approche de développement fondée sur l‟association de différents formats, langages de programmation. Bien que la plupart de ces langages existant bien avant l‟apparition du web 2.0, le savant 7 mélange de ces technologies permet aux pages de fonctionner plus comme des applications de bureau que des comme vieilles pages de contenus statiques, que nous avions l‟habitude de trouver sur le web. CSS (Cascading Style Sheets) et XHTML L‟utilisation de ces deux formats de programmation, XHTML pour décrire la structure du site, et CSS pour la présentation, garantit une séparation totale entre le contenu et la forme. Ainsi les données peuvent être réutilisées dans d‟autres sites, et cela permet aussi la compréhension de la structure du site par une machine. On peut également changer la présentation du site en utilisant des feuilles de style CSS alternatives, pour changer la charte graphique, l‟organisation de l‟interface.... AJAX L‟Asynchronous JavaScript And XML n'est pas une technologie à part entière, mais une combinaison des technologies : XHTML, XML, CSS, JavaScript et DOM. L'AJAX permet de réaliser des échanges asynchrones entre le client et le serveur afin de dynamiser la navigation et alléger la charge du serveur. Grace à AJAX on se sépare des sites web monolithiques pour arriver à un résultat plus dynamique, prenant en compte la moindre interaction de l‟utilisateur et la répercutant de manière visible. Le site devient alors beaucoup plus dynamique, avec davantage d‟animation, tout en limitant au strict minimum le dialogue avec le server web. Syndication de contenu RSS (Rich Site Summary), ATOM Ces 2 formats basés sur XML, un langage de balisage générique, représentent le flux d‟information d‟un site, qu‟il soit textuel ou multimédia. Cela permet grâce à un lecteur de flux RSS d'être averti de tout nouvel article et de pouvoir le consulter sans pour autant se 8 rendre sur le site. Cependant l‟utilisateur doit au préalable posséder un agrégateur 2 RSS (maintenant disponible en natif sur tous les navigateurs web) qui permettra l‟affichage du flux XML. APIs publiques, Web services Ces technologies permettent de communiquer avec un site pour manipuler, consulter son contenu. Les APIs (Application Programming Interface) donnent alors l‟opportunité de créer ses propres applications, « mashups ». Une autre utilisation, cette fois plus basée sur les Web services, est faite par des entreprises directement en relation à d‟autres entreprises, pour proposer des services à valeur ajoutée. Le « tagging »3 Le tagging permet aux utilisateurs de catégoriser le contenu qu'ils souhaitent selon des mots-clés. Cela a pour but d‟améliorer la recherche sémantique et d‟avoir des données qualitatives sur un contenu (notes, commentaires…).Une application originale de ce système est le « tag-cloud », rassemblant tout les mots clés d‟un site sous la forme d‟un nuage de liens avec les mot-clef les plus importants mis en avant. 1.5 Des plateformes en constante évolution De la préparation d‟itinéraires en voiture à la création d‟un album photo public, le web 2.0 est très certainement un moteur dans l‟innovation et la création de nouvelles plateformes 2 Un agrégateur (ou agrégateur de contenu, ou lecteur de flux d'actualité) est un logiciel client ou un service en ligne qui se sert de fils ou flux d'actualité pour rechercher des contenus de sites Web (voir syndication de contenu Web) tels que les blogs, podcasts, vlogs et les sites de grands médias ou pour collecter un ensemble de résultats de recherche personnalisée. 3 Un tag est un mot-clé pertinent ou un terme descriptif (étiquette) associé à un élément d'information (image, photo, article, site Web ou clip vidéo). Généralement, un élément d'information peut être associé à plusieurs tags. 9 réseaux. Ainsi les sites web se rapprochent dorénavant des applications de bureau à l‟image d‟Outlook online, web Messenger jusqu‟à l‟apparition très récente d‟OS en ligne ! Le tableau ci-dessus présente chronologiquement les plateformes innovantes associées à leurs technologies qui ont permis l‟apparition du web sous sa forme actuelle. Toutes ces plateformes contribuent à l‟apparition de nouvelles formes de communications, de réseaux sociaux, d‟échanges d‟informations. La place de l‟utilisateur se modifie totalement afin d‟être au cœur de la dynamique. Le web 2.0 prend véritablement tout sont essor grâce l‟apparition de deux nouvelles plateformes courant 2001, Wikipédia et les Blogs (associés au flux RSS). Les blogs sont sûrement l‟une des plateformes les plus dynamiques, moteur de l‟évolution du web, avec des innovations constantes, les mashups, le suivi du fil du blog par flux RSS, la présentation utilisant des feuilles de style CSS personnalisables… Enfin la popularité grandissante des gestionnaires de contenu (CMS), permettant de facilement publier 10 tout article en le structurant automatiquement risque d‟accroître encore la popularité de ce moyen d‟expression. Wikipédia n‟est pas en reste et fait notamment une utilisation massive des CMS, avec un langage de balisage simplifié, qui permet à une grande majorité d‟internautes de contribuer au site. 11 2 Web 2.0 - Sociologie, Communication et Usages 2.1 Les utilisateurs prennent le contrôle… Au début, les rares personnes qui avaient accès à l‟Internet mettaient en ligne des documents statiques (du HTML pur). À l‟époque, le web était principalement utilisé par des scientifiques. Ils utilisaient ce support pour partager facilement leurs rapports avec la communauté. Petit à petit, le Net s'est démocratisé mais il ne servait toujours qu'à héberger des sites statiques. Les sites de la première génération délivrent un message standard à l‟ensemble des internautes, sans prendre en compte les besoins de chacun. Les internautes n‟avaient d‟autres alternatives que de se conformer aux lignes éditoriales des sites. Les seuls échanges possibles s‟effectuèrent entre internautes et les Webmasters. Ils répondent à une logique « top-down » et non « bottom-up » comme les sites 2.0 le permettent. La fréquence d‟actualisation des sites était par conséquent peu élevée, et ne pouvait coller précisément à l‟actualité. Ceci s‟explique très facilement : il n‟était pas possible de faire autre chose, car l‟utilisation était limitée. Evolution ou Révolution ? Les premières versions du HTML étaient très pauvres. Il n‟était pas possible de faire de la mise en page avancée. Ceci explique le design simpliste et pas vraiment esthétique des sites Web de l‟époque. Mais l‟informatique est un domaine en changement permanent, c‟est d‟ailleurs ce qui fait tout son charme et son intérêt. Le Web n‟est bien évidemment pas resté statique très longtemps. Ce qui a le plus changé, c‟est ce que nous faisons, en tant qu‟utilisateur, sur et avec l‟internet, dont nous sommes en train de devenir les vrais acteurs. Le nombre d‟utilisateurs de l‟internet croît si vite que bientôt, au début de l‟année 2009 peut-être, il devrait correspondre au quart de la population mondiale. Les premiers utilisateurs étaient d‟abord des voyageurs, passant grâce à ce réseau de site Web en site Web, sans être trop capables d‟y faire autre chose que d‟y recueillir les informations disponibles. Mais ces sites sont devenus de plus en plus ouverts aux utilisateurs, et de plus en plus simples à créer et à développer, même pour des néophytes. Ainsi, avec le temps, les utilisateurs sont-ils passés du statut de voyageurs de l’internet (internautes) au statut d’acteurs du web, façonnant tous ces sites à leur manière, proposant services et contenus qui leur sont propres, commentant ou discutant les informations disponibles et, surtout, communiquant. Ces premiers internautes s‟émerveillaient de toutes ces informations brusquement disponibles, de leur facilité d‟accès grâce aux premiers moteurs de recherche, et de la puissance de la communication par le courriel. Ils commençaient à acheter en ligne, à faire des rencontres, à chercher l‟âme soeur, à suivre des conversations de groupe. 12 Progressivement, par petites touches, ils se sont mis à participer. Les outils pour le faire sont devenus courants, simples à manier ce qui a impliqué une création des besoins par la suite. Les sites 2.0 se créent afin de répondre à des besoins partagés par les internautes : YouTube est né de la volonté de deux amis d‟échanger facilement leurs vidéos, Digg est né de la volonté d‟obtenir une information pertinente et difficile d‟accès, Del.icio.us provient du besoin d‟échange de favoris etc. Ces besoins sont partagés par une masse importante d‟internautes. La mise à disposition d‟un outil gratuit facilite son adoption. Plus le nombre d‟utilisateurs du service est important, plus celui-ci est en mesure de fournir un service de base gratuit, en se rémunérant par de la publicité et/ou des services premium. Les logiciels gratuits de création de blogs (ces fameux journaux personnels en ligne) leur permettent de créer leurs sites et de s‟exprimer aussi bien directement qu‟en laissant des commentaires sur les blogs des autres. Ils publient leurs photos sur Flickr.com ou Snapfish.com, par exemple, pour que leurs amis les voient. Les sites de réseaux sociaux – MySpace, Facebook, Bebo et les autres – comptent leurs utilisateurs en dizaines de millions. Leurs besoins de communication, de l‟expression libre, de partage avec les autres ont contribué à l‟évolution actuelle du web. Ils sont loin ces internautes un peu passifs, qui consommaient sans réagir l‟information qui leur était proposée sur des sites réalisés par des spécialistes. Les utilisateurs du web d‟aujourd‟hui proposent des services, échangent des informations, commentent, s‟impliquent, participent. Ils produisent l‟essentiel du contenu du web. Ces internautes en pleine mutation ne se contentent plus de naviguer, de surfer, ils s‟impliquent. Avec le Web 2.0, on sort de la logique « one to many », du Webmaster vers les lecteurs, pour entrer dans l‟ère du « many to many ». Chaque internaute est à la fois lecteur et contributeur, il est passé du statut de spectateur à celui d‟acteur. Les webacteurs s‟impliquent sur les sites qu‟ils visitent, quand ils ne les créent pas eux-mêmes. L‟attitude n‟est pas la même. Ils consultent l‟encyclopédie en ligne, Wikipedia.org, ils écrivent des articles ou corrigent ceux dans lesquels ils trouvent des erreurs (User Generated Content). La mutation est profonde, mais elle est arrivée comme par surprise, sans que nous nous en rendions bien compte. Ce changement relève plus d‟une évolution progressive, que d‟une révolution. "L'union fait la force" pourrait résumer le concept d'intelligence collective développé par Howard Rheingold. Lorsqu'un ensemble d'individus coopèrent ensemble, le résultat de leur travail est supérieur à la somme des contributions individuelles de chaque personne En d‟autres termes, plus il y a d‟utilisateurs et plus un site ou service en ligne est intéressant. Les utilisateurs du web 2.0 n‟ont qu‟une fonction : utiliser les sites… ou pas, en fonction de leurs besoins ! 13 2.2 Usages du Web 2.0 Par souci de simplification, le Web 2.0 est souvent associé à l‟ensemble des applications collaboratives, et aux sites « communautaires ». Pourtant, avant de pouvoir partager du contenu, celui-ci doit être produit. Le Web 2.0 se définit d‟abord par la possibilité offerte à l‟internaute de créer lui-même du contenu. 2.2.1 Des outils de création de contenus Les outils du Web 2.0 permettent de créer, commenter, co-créer ou assembler du contenu, sur des espaces ouverts à tous. Les blogs, outils d’expression individuelle Le terme « Blog » est une abréviation de Weblog, qui peut se traduire par « journal sur Internet ». Défini souvent comme un site personnel, il s‟agit d‟un espace individuel d‟expression, créé pour donner la parole à tous les internautes (particuliers, entreprises, artistes, hommes politiques, associations…). Selon Technorati 4, il y avait plus de 184 millions de blogs en mars 2008 dans le monde, même si seulement environ 55% d‟entre eux sont actifs. Un blog permet d‟échanger avec d‟autres internautes, mais aussi de délivrer des informations. Ainsi, de nombreux blogueurs parlent de leurs passions, de l‟actualité, de ce qui les touche ou les intéresse. Un blog est un réel espace de communication. Les articles (ou billets) sont publiés de façon ante-chronologique (le dernier posté en avant sur l‟accueil) et permettent à tous les visiteurs de réagir sur le sujet évoqué, en postant leurs commentaires sur l‟article; créant ainsi une relation privilégiée entre l'auteur et ses lecteurs. 4 Moteur de recherche sur internet, spécialiste des blogs 14 Tout le monde peut créer un blog ! Même sans connaissances informatiques, la plateforme www.over-blog.com est par exemple conçue pour faciliter les accès simples aux blogs. Le forum d‟aide est également là pour orienter les internautes sur les modifications possibles. Eléments constitutifs d‟un blog : Titre du blog : FLE D'Artifice Première colonne : colonne principale constituée d‟articles (cadre rouge) - articles contenant du son (en haut) - article contenant une image (en bas). Deuxième colonne : barre de navigation (cadre noir) - liste des notes récentes - archives qui permettent de consulter des publications antérieures - catégories - hyperliens - flux RSS5 Spécificités du blog : Simplicité: Créer, administrer et mettre à jour un blog est à la portée de tous. Rapidité: Il ne faut pas plus de 5 minutes pour créer un blog. La publication de nouveaux articles est également immédiate. Interactivité : Le blog permet une interactivité entre le créateur du blog et ses lecteurs. Ceux-ci ont en effet la possibilité de réagir aux messages de l'auteur, d‟apporter leur avis sur le blog en général ou de lire les réactions des autres visiteurs. Les interactions peuvent alors prendre l‟aspect d‟une discussion entre l‟auteur et le lecteur. Interconnexion : Les blogs contiennent de multiples liens vers d‟autres sources d‟information sur la Toile: des sites Web, mais aussi d‟autres blogs. Il se crée ainsi une sorte de maillage entre blogs. 5 Il s’agit d’un fichier contenant les derniers articles publiés sur le blog. La lecture de ce fichier vous permet d’être informé dès que vos blogs favoris ont été mis à jour sans avoir à visiter chacun des sites. Ce procédé informatique vous offre également la possibilité de "syndiquer" le contenu publié : d'autres utilisateurs de blogs pourront publier à nouveau - simplement et de façon automatisée - tout ou partie de ce contenu. 15 Gratuité : De nombreux sites proposent de créer gratuitement un blog. Cela inclut la création du site, l‟édition et l‟hébergement du blog. Dynamique : Une des différences majeures entre un blog et une page web est la simplicité avec laquelle le blog peut être mis à jour. Les blogs sont ainsi fréquemment actualisés et leurs archives restent consultables. Accessibilité : Un blog peut-être ouvert à tous les lecteurs de l‟Internet ou réservé aux membres d‟une communauté. Auteurs : On distingue plusieurs niveaux dans la gestion d‟un blog : l‟administrateur (qui gère les paramètres de l‟outil), l‟auteur (qui publie des articles) et le visiteur (qui peut consulter le blog et ajouter des commentaires aux différents articles). Un blog peut avoir plusieurs auteurs. Différents types de blogs : Le carnet de voyage : Beaucoup d‟étudiants à l‟étranger ou d‟expatriés communiquent via leur blog, sur leur vie à l‟étranger. C‟est également un bon moyen de donner de ses nouvelles à ses proches ou de partager une passion de globe-trotter. Le blog-photo : Composés essentiellement de photos (amateurs ou professionnels), ce type de blog permet d‟affirmer concrètement un côté artistique passionné. Le blog politique : Outil de communication idéal pour être présent sur le média Internet, le blog permet une certaine proximité et accessibilité des politiques du « monde officiel ». Le blog d’actualité : Beaucoup d‟internautes se passionnent pour l‟actualité. Mis à part le côté pratique de référencer l‟information, cette catégorie de blog permet un espace d‟expression totalement dédié aux débats. Le journal de bord : Peut être un journal intime ou un espace d‟expression d‟idées libres. C‟est aussi l‟occasion pour certains journalistes en herbe, de se faire connaître et d‟avoir un retour sur leurs publications. Le blog passion: Il traite des passions des blogueurs. Le blog CV (interface de votre savoir) : Transformer votre blog en atout professionnel. Mettre son CV en ligne permet d‟exposer plus en détails, ses connaissances, son savoir-faire, ses expériences ainsi que sa formation pour définir clairement ses objectifs professionnels. Blog, outil de communication d’entreprise : A la fois pour rendre dynamique une interface d‟entreprise mais aussi pour publier des informations plus accessibles au grand public. Les wikis ou l’information collaborative La création de contenu sur Internet par tout internaute semble relever jusqu‟ici de la juxtaposition de contributions, sans réel dialogue. Le wiki, popularisé par Wikipedia à partir de 2001, permet la fusion des contributions. Constatant l‟échec de Nupedia, une encyclopédie en ligne à l‟approche hiérarchique classique, l‟idée fut d‟associer les internautes à la création 16 d‟articles. Chaque membre peut sur Wikipedia modifier les articles crées par d‟autres membres. L‟ouverture d‟une encyclopédie à l‟ensemble des internautes permet une exhaustivité et une universalité des contenus qu‟aucune encyclopédie traditionnelle ne peut obtenir. Il existe aujourd‟hui 400 000 articles en français et plus de 5 millions dans 250 langues, dont la croissance par mois est de 6 à 9%. Moins d‟un tiers de ces articles sont en anglais. Ce simple outil permet à chacun d‟accéder gratuitement dans sa langue à une somme de savoirs apportés spontanément par des personnes spécialistes et passionnées. Les nouveaux membres peuvent immédiatement, sans contrainte éditoriale autre que la recherche de l‟objectivité, participer à la construction d‟une « somme du savoir humain » (Jimmy Wales, fondateur de Wikipedia). La cohérence du projet, qui exclue la publicité et se rémunère grâce aux dons de la communauté, permet également que de plus en plus de contributeurs acceptent d‟y prendre part. Enfin, le principe d‟autocontrôle de la communauté est fascinant. En autorisant tout membre à modifier l‟article déposé par un autre membre, Wikipedia s‟assure de la fraîcheur des contenus. Les articles peuvent être modifiés à la volée, au rythme de l‟actualité. Le savoir figé des encyclopédies traditionnelles s‟efface au profit d‟un savoir vivant et actuel. Inversement, la liberté donnée aux internautes peut donner l‟impression de compromettre la technicité et l‟objectivité attendues. Chaque article n‟est pas contrôlé avant publication par un secrétaire de rédaction et un rédacteur en chef, mais par l‟ensemble des internautes lisant l‟article suite à une recherche et pouvant décider de l‟améliorer. C‟est pourquoi James Suriowecki parle de « Sagesse des foules ». L‟attention collective agit comme un filtre retenant les informations incorrectes et les informations biaisées. La qualité de l‟article n‟est pas arrêtée à un moment donné, comme pour une publication, mais ne cesse de s‟améliorer. 2.2.2 Des outils de cartographie Parmi les services de cartographie, le plus réputé reste Google Maps (http://maps.google.fr/), qui se présente comme un service gratuit offrant en temps réel l‟accès à ses bases cartographiques. L'utilisateur peut lancer une recherche sur un itinéraire, sur l'adresse d'un particulier ou bien d'une entreprise. Dans ce dernier cas, il suffit - par exemple - de mentionner « pizza » dans le champ « Vous cherchez » puis « boulevard Blanqui, Bordeaux » dans le champ « Où ? » pour voir s'afficher toutes les pizzerias installées à cet endroit. Différents types de plans sont disponibles : un plan classique, avec nom des rues ; un plan en image satellite, avec parfois une résolution très 17 impressionnante, et enfin, un plan mixte qui associe plan et satellite. Il est possible de se déplacer facilement dans le plan puis de zoomer sur une zone de son choix. Google Maps s‟inscrit dans la logique Web 2.0, permettant à ses utilisateurs de partager des itinéraires, des cartes personnalisées ou encore de référencer leur entreprise « géographiquement », afin que celle-ci apparaisse dans les résultats de recherche. 2.2.3 Des outils d’échange de contenus Les internautes, à la fois créateurs et lecteurs, sont dans un processus permanent de création (les blogs et avis), de co-création (les wikis) ou de recréation (les agrégateurs). Certains outils ont été spécifiquement conçus pour l‟échange. Cet échange repose sur le partage (de liens, de photos, de vidéos), la création de liens (amicaux, professionnels), et sur le travail en équipe. Afin de rassembler des contenus de même type, souvent éparpillés sur le Web, les plateformes mettent à profit les internautes afin de classer des contenus sans cesse plus nombreux, avec toujours la même précision de recherche. On distingue les plateformes : - de contenus multimédia (photos, vidéos); - de liens (articles, favoris). Ces deux types de plateformes ne se distinguent pas seulement par la nature du contenu qu‟elles abritent, mais également par la place qu‟occupe l‟internaute. Dans le premier cas, il est diffuseur. Dans le second, il joue le rôle d‟un relais. Le partage de contenu Les plateformes de partage de photos, comme Flickr, ou de partage de vidéos, comme YouTube (69 millions de visiteurs uniques en mai 2008) ou Dailymotion (38,8 millions de visiteurs uniques et 855 millions de vidéos en ligne, juin 2008) 6 , donnent la possibilité à chacun de créer gratuitement un espace sur lequel il peut déposer ses créations. Flickr, en plus d'être un site web populaire auprès des utilisateurs pour partager leurs photos personnelles, est aussi souvent utilisé par des photographes professionnels. Le site héberge plus de 2 milliards de photos. L'interface de Flickr permet de gérer ses photos de manière rapide et interactive : il est ainsi possible de saisir les tags, titre et descriptif de chaque image et de voir la page finale mise à jour immédiatement, sans avoir besoin de recharger quoi que ce soit. Une Application web interne à Flickr nommée Organizr (et qui permet de gérer ses photos par lots) imite d'ailleurs l'interface d'une application normale. 6 Sources internes 18 La géolocalisation est l‟une des fonctionnalités les plus avancées de Flickr. Elle donne aux membres la possibilité de placer les photos sur un planisphère. Vous pouvez consulter la carte mondiale avec toutes les photos géolocalisées publiques. Une autre solution consiste à faire une recherche par ville ou pays pour consulter l'une des 100 000 fiches (ou lieux) mises à disposition des internautes. Une possibilité supplémentaire consiste à participer à des groupes thématiques précis, ceux-ci existant par milliers, il est ensuite facile de faire des recherches à l'intérieur des groupes ou de circuler visuellement d'une photo à une autre. L'interface affiche en permanence à quels groupes appartient une image, ainsi que les tags qui y sont associés. La plupart des utilisateurs rendent leurs photos publiques, pouvant donc être vues par tout le monde et formant une très grande base de données de photos rangées par catégorie. Par défaut, les autres utilisateurs peuvent laisser des commentaires sur toute image qu'ils ont le droit de voir et parfois peuvent ajouter des mots-clé pour cette image. YouTube a été créé en février 2005 et a comme slogan « Broadcast Yourself. (« diffusez vous-même ») ». Le site permet à l‟utilisateur d‟envoyer, de visualiser et de partager toutes sortes de vidéos : des extraits de films, d‟émissions de télé et des clips de musique, mais aussi des vidéos d‟amateur. Les fonctionnalités de YouTube reposent sur une publication simplifiée et une participation des internautes. YouTube convertit les fichiers mis en ligne par les internautes dans le format Flash Video. Plus besoin de télécharger un logiciel, il suffit de cliquer sur la vidéo pour la lire. Moins de dix minutes suffisent pour mettre une vidéo en ligne. Les autres fonctionnalités sont destinées aux internautes. Construire une liste de vidéos favorites, poster la vidéo sur son blog, envoyer à un ami, déclarer un contenu inapproprié sont quelques-unes des possibilités offertes. 19 Les conditions d‟utilisation de YouTube sont strictes : l‟utilisateur doit posséder des droits, y compris les droits musicaux, des vidéos qu‟il met en ligne. Pour protéger les internautes les plus sensibles, ce sont les utilisateurs de YouTube qui déterminent eux-mêmes quels sont les contenus interdits au mois de 18 ans, grâce à l‟étiquette « Inapproprié » présente en dessous de chaque clip. Evolution of dance est la vidéo la plus regardée dans l‟histoire de YouTube : 103 millions de spectateurs. Le comédien Jason Laipply reproduit avec talent en six minutes, dans une vidéo tous les mouvements de danse issus de hits musicaux universels. Les clés du succès de cette vidéo : la musique et la danse. En dehors des exploits physiques (dance, cascades…) ou musicaux, sur YouTube on trouve aussi des courts métrages d‟école de cinéma, films primés dans des festivals, des événements sportifs, des journaux télévisés. En conclusion, YouTube n‟est qu‟une étape vers une nouvelle forme à inventer, de production et diffusion de contenus audiovisuels créés par l‟utilisateur, reflets de la société et de la nature humaine. Le partage de liens Certains types de plateforme de partage sont entièrement voués à faciliter les recherches de contenus. Le site de partage de favoris del.icio.us, racheté par Yahoo!, en fait partie. Les favoris constituent un catalogue de liens privilégiés, classés par besoins d‟information. Si chaque internaute partage ses favoris avec l‟ensemble des internautes, en décrivant au préalable chacun des liens qu‟il répertorie, chacun a à sa disposition un répertoire de liens intelligents. L‟expression du besoin d‟information est formulée en terme de mots-clé. La réponse à la demande présente toutes les sources taguées des mêmes mots-clé. Si les recherches de moteurs ne suffisent parfois pas à obtenir le type de sources d‟informations recherchées, un annuaire collectif peut y parvenir. Celui-ci est d‟autant plus puissant que le nombre de membres est important. Lorsque les internautes souhaitent rechercher des sources d‟information d‟actualité, les pages d‟accueil des sites ont moins d‟utilité que les dépêches et articles de dernière minute. La récence des actualités est un paramètre indiscutable de classement. La popularité des informations est un second paramètre qui permet de ne pas confronter les visiteurs à une profusion d‟informations non hiérarchisées. D‟un clic, les membres votent pour un article qu‟ils trouvent satisfaisant. Les apporteurs de contenus taguent au préalable les articles, afin d‟apporter un tri supplémentaire. Digg fut le premier site de remontée d‟actualités évaluées par la communauté des membres. Chaque membre ne se contente pas de voter pour les actualités, il dépose sur le site les liens vers les articles, les tague et les commente brièvement. D‟autres sites conçus sur le même principe, les « digg-like », remontent automatiquement le contenu d‟un grand nombre de sources d‟information, couvrant de multiples domaines, afin d‟éviter la partialité de la sélection des sources. Le français Wikio a fait ce choix et utilise près de 15 000 sources, évaluées par les membres et remontées au côté des informations apportées par ceux-ci. 20 2.2.4 Les réseaux sociaux Les communautés ne servent pas forcément un objectif d‟information ou de divertissement, elles peuvent tout simplement répondre au besoin de connaissance de personnes partageant des points communs. La finalité peut être sentimentale, culturelle ou professionnelle. Les réseaux sociaux se distinguent des autres communautés du Web 2.0, par le fait que les outils à disposition d‟un membre servent d‟abord un besoin d‟élargissement de son réseau d‟influence. Les rencontres virtuelles gagnent de l‟intérêt lorsqu‟elles ne sont pas la simple duplication des contacts rencontrés par des voies traditionnelles. L‟internet, parce qu‟il permet de créer des liens, est un très puissant outil de réseau social. Les jeunes en sont friands et un premier éclairage s‟impose. Car c‟est d‟emblée vers les relations amicales que se sont créés les premiers sites de réseaux sociaux : le site d‟anciens camarades de classes Classmates.com dès 1995, puis le site d‟amis Friendster en 2002. Ils permettent aux jeunes de rester en contact avec leurs amis en ligne, et de faire de nouvelles connaissances. Mais c‟est MySpace, le site permettant aux jeunes de créer en ligne un espace personnel à leur image et de partager leurs passions avec leurs amis, qui a popularisé le système et connu le premier un succès de grande ampleur. Facebook, à l‟origine simple trombinoscope électronique pour étudiants d‟universités, s‟est largement ouvert fin 2006 et connaît lui aussi un grand succès. Dans le monde professionnel, LinkedIn est le plus connu. Ce site permet de publier en détail son profil professionnel et d‟entrer en relation avec des collègues, des amis, mais aussi de se créer un réseau professionnel, pour chercher un emploi, recruter ou monter un projet. Myspace est arrivé en France en juillet 2006. Les adolescents français sont restés fidèles aux blogs, et ce sont les jeunes adultes, les « adulescents » qui ont pris possession du Myspace français. Si la technologie n‟a rien d‟exceptionnel, son usage est propre à bouleverser les modes de développement personnel et de rapports sociaux des nouvelles générations. Très prisé par les adolescents américains, qu‟il séduit en leur offrant un espace inégalé d‟expression libre, MySpace est un des sites les plus visités au monde, en compétition directe avec les leaders de l‟internet : Yahoo!, Google et MSN. Lancé par des passionnés de musique indépendante de Los Angeles, MySpace compte fin 2007 plus de 100 millions de comptes. En février 2006, il a reçu 35 millions de visiteurs qui ont vu 22 milliards de pages. En 2008, il gagne 300 000 nouveaux inscrits chaque jour. L‟usager moyen regarde 500 pages par mois et 37 pages par visite. 21 Beaucoup de jeunes Américains s‟identifient très tôt avec MySpace. Originellement fixé à 18 ans, l‟âge limite est passé à 16 ans puis à 14 ans. La première chose que fait un nouveau membre de MySpace est de créer un « profil ». Sur cette page personnalisée, il fait part à la communauté de ses goûts, de ses envies, des musiciens qu‟il adore, des livres qu‟il a lus (ou qu‟il aimerait lire), des membres de MySpace qu‟il connaît (avec des liens renvoyant à leurs pages). Clips, vidéos, musique et photos rendent le tout sympa… ou « cool ». « Les profils sont comme des personnes digitales. Ils sont la représentation numérique publique de l‟identité », déclare Danah Boyd, anthropologue américaine qui se spécialise dans la recherche sur les communautés de jeunes en ligne. Elle ajoute: « Pour les adolescents, donner une image cool de soi-même est fondamental. MySpace leur permet de décrire leur propre identité au travers de ces pages personnelles incroyables. Et, ce faisant, cela leur permet de montrer une image d‟eux-mêmes et de recueillir des réactions. » Ils définissent virtuellement leur image par petites touches et ajustent en fonction des réactions de leurs copains. Il en résulte souvent une atmosphère spéciale qu‟on ne peut sentir qu‟en visitant les pages en question avec leurs collages sur fond le plus souvent sombre de photos, clips, vidéos, images et textes pas toujours faciles à lire. « Ça ressemble à une chambre d‟ado », suggère Danah Boyd, en référence à une forme plus traditionnelle de recherche et d‟affirmation d‟identité. Les commentaires laissés par les visiteurs transforment le site en un espace public virtuel. C‟est, avec la production d‟identité, l‟autre notion clé. À la différence de certains de ses prédécesseurs (Friendster notamment), MySpace a choisi de laisser les jeunes fixer les règles, définir la culture. C‟est bien pour cela qu‟ils aiment s‟y retrouver. 2.2.5 Les réseaux éducatifs L‟utilisation du Web 2.0 pour l‟éducation passe par l‟accès aux outils. Comme ceux par exemple que l‟on sait indissociables du web 2.0 : les blogs, les wikis, les fils RSS, les agrégateurs ou encore les pages d‟accueil personnalisables. Tous ces outils intègrent petit à petit les écoles, les centres de formation et les entreprises. Professeurs et formateurs expérimentent et intègrent de nouveaux modèles pédagogiques dans leurs pratiques. Ils constituent un espace de communication basé sur le partage de contenus, adapté aux nouveaux besoins et qui demeure à portée de mains de l‟apprenant. C‟est ce nouvel environnement qui assurera à l‟apprenant une flexibilité et une certaine autonomie d‟apprentissage. Utiliser le Web 2.0 en formation, c‟est découvrir de nouvelles orientations pour amener les connaissances et les savoir-faire dans notre quotidien. En regardant aujourd‟hui tout ce qui se passe sur le web dans le domaine de la formation et de l‟éducation, on remarquera combien il est évident que la sphère éducative joue un rôle significatif. Elle s‟organise de plus en plus distinctement, met à profit tous les services du Web 2.0 et impose de nouvelles tendances. 22 Vidéos apprentissage S‟il est un domaine où les services regorgent de ressources partagées, c‟est celui des plateformes d‟échanges de vidéo en ligne (YouTube, Dailymotion). Mais cela ne pourrait satisfaire complètement ceux qui ciblent leurs recherches dans un but éducatif. C‟est ainsi que les sites consacrés aux vidéos de cours, aux screencasts (enregistrement de ce qui se passe sur un écran d‟ordinateur) ou aux paroles d‟experts filmés connaissent un succès grandissant. Des fonctionnalités communautaires d‟intégration de vidéos sur des blogs, d‟ajouts de commentaires finalisent l‟offre et la rendent attractive. Les plus grands comme Google et Yahoo ne s‟y sont pas trompés et ils sont présents sur le créneau de la formation et de l‟éducation. « Google for educators » offre aux pédagogues des espaces où sont regroupées toutes les applications, outils et services de Google utilisables à des fins pédagogiques. « Yahoo teachers » se positionne par contre - le site n’est pas encore ouvert - plus sur la mise en réseaux et l‟échange des pratiques éducationnelles. Communautés linguistiques A l'intérieur même de la sphère éducative, le réseau social (social networking) s'organise en sous communautés focalisées autour d‟un thème central. Prenons les langues par exemple. Les sites d‟apprentissage des langues parient sur la communication et l‟échange entre internautes de toutes nationalités pour parfaire et faire pratiquer les langues. Lors de l‟inscription il suffit de dire de quel pays on est originaire, quelle langue on parle et dans quelle langue on souhaite avoir des contacts. On se retrouve entre internautes ayant un même besoin, une même envie. Celle de s‟aider des réseaux en ligne pour développer à la fois ses connaissances linguistiques mais aussi pour aller de manière directe à la rencontre des caractéristiques culturelles de chaque langue étudiée. Certains pédagogues utilisent les technologies d‟enseignement à distance pour offrir avec ou sans rétribution leurs services aux élèves en demande de soutien d‟apprentissage. On les retrouve alors sur des portails communautaires proposant une mise en relation tuteurs – élèves grâce en général à une « plateforme de téléformation » composée suivant la particularité du service d‟outils comme les blogs, la visioconférence, le tableau blanc. Les élèves créent leur réseau d‟apprentissage au travers de classes virtuelles en ayant l‟opportunité de nouer contact avec des élèves de leur niveau. En distribuant leurs cours au travers de services, les tuteurs ou professeurs pour leur part obtiennent une certaine visibilité et l‟occasion de proposer leur savoir-faire pédagogique au sein d‟une communauté d‟échange de savoirs. La plupart sont des sites anglo-saxons, toutefois le site « etoody » sort du lot en proposant une version francophone de partage de documents audio, vidéos ou textes aux étudiants. 23 2.3 Le Web de demain Le web 2.0 donne aux gens la possibilité de trouver, organiser, partager et créer de l‟information d‟une manière à la fois personnelle et globalement accessible. Il est alors entendu comme une « variation structurale dans l‟écoulement de l‟information ». Le web appartient maintenant à ceux qui l‟utilisent…dans les deux sens : pour recevoir et pour créer, pour accéder à l‟information et la partager, la faire circuler. Il est façonné par les webacteurs qui s‟en servent à leur tour pour changer le monde. Ce changement de pratique (pas d‟outil) est au coeur de l‟évolution en cours, de celle que nous devons tous comprendre. Il serait prétentieux de vouloir prédire l‟avenir du Web 2.0, car comme tout autre concept informatique qui évolue, il sera vite obsolète. Pour le moment, le Web 2.0 est bien là, il a dépassé le stade de la curiosité, le terme « 2.0 » n‟étant qu‟une manière de différencier le Web d‟aujourd‟hui de celui d‟hier. Un internaute qui arrive sur le Web aujourd‟hui utilise Myspace, Netvibes, Flickr ou Amazon sans se poser de questions. Pour lui il n‟y a pas de Web 2.0 il y a juste le Web. Son Web personnalisable est un espace privilégié de sa vie sociale. Il croise des amis, publie ses médias personnels et exprime ses opinions. Ni invention marketing, ni révolution technologique, le Web 2.0 est plutôt une étape en devenir permanente. Chacun de nous, depuis les acteurs incontournables jusqu‟à l‟internaute qui développe son propre mashup , en partage le destin. Nous devons nous précipiter pour apporter notre contribution, aussi modeste soit-elle. Avec les folksonomies 7 , l‟internaute, en ajoutant des « tags », est un apprenti documentaliste. C‟est encore une nouveauté, le public indexe ses documents sans rechigner à l‟effort supplémentaire car il a perçu le gain en retour. Et nous jouons le jeu ; c‟est la porte ouverte à des moteurs de recherche multimédias de nouvelle génération. La condition de l‟individu est totalement différente. Il est à la fois singulier et intégré dans la société avec les réseaux sociaux mais avec des nouveaux pouvoirs d‟expression basés sur l‟écrit, l‟image et la vidéo. Jean François Gervais, dans son ouvrage sur le Web 2.0, dit que le single « Express Yourself » de Madonna (1989) mériterait d‟être la bande-son originale du Web 2.0. « Exprimez-vous, à l‟écrit sur votre blog, en images sur Flickr, en vidéos sur YouTube. Exprimez vos opinions à travers des commentaires, devenez un citoyen média avec AgoraVox. » Bientôt le Web 3.0 ? Tout le monde se demande si nous allons avoir bientôt un web 3.0, quels sont les outils et les services qu‟il va mettre à notre disposition, en tant qu‟utilisateurs. A l‟image du Web 2.0, le web 3.0 ne sera pas une révolution technologique. Le Web 3.0 est qualifié de plus 7 Folksonomie et Taxonomie. Quand un internaute ajoute des photographies sur Flickr ou des vidéos sur YouTube, il doit y joindre des mots-clés (tags) qui les décrivent. Ce choix de mots est totalement libre : on n’a pas à respecter un ordre précis ni à utiliser une certaine terminologie. Ainsi, le classement du contenu ajouté dans Internet se fait au fur et à mesure, sans l’intermédiaire d’un spécialiste. Cette façon de faire se nomme folksonomy, néologisme combinant le mot folk (peuple) et taxonomy (taxinomie). Certains le traduisent en français par «taxinomie populaire», mais le Grand Dictionnaire terminologique a accepté récemment l’usage de «folksonomie» 24 individualisé (axé sur les besoins de l'internaute), mieux organisé (web sémantique) et mobile... Il sera une évolution de certaines technologies qui vont ouvrir de nouveaux horizons à des nouveaux usages révolutionnaires. L‟omniprésence de l‟internet dans l‟avenir va faciliter aux internautes la création de leurs besoins et, de cette façon, le web 3.0 promet une nouvelle révolution des usages. Pour le moment il faut que nous laissions le temps aux acteurs, aux internautes et aux entreprises de s‟approprier le Web 2.0. Au fur est à mesure de son utilisation, nous nous rendrons compte naturellement des évolutions à venir, peu importe l‟échéance. 25 3 L’économie du Web 2.0 Après avoir présenté le Web 2.0, ses principales technologies et l‟évolution de ses usages, nous allons maintenant nous intéresser à ses aspects économiques. Nous nous attacherons à différencier les entreprises du secteur Web 2.0, c'est-à-dire les sites web présentant les caractéristiques décrites précédemment et les autres entreprises, plus traditionnelles, mais néanmoins influencées par le phénomène 2.0. Nous classerons par exemple le commerce en ligne dans la deuxième catégorie, à l‟exception de sites de ventes « communautaires » comme Ebay, qui ne vendent pas directement des biens, mais des services permettant aux utilisateurs de leur réseau de commercer en ligne. Nous commencerons par décrire les modèles économiques des entreprises Web 2.0, puis nous analyserons en quoi le mouvement 2.0 influence les autres entreprises, tant dans leurs techniques marketing que dans leurs processus d‟invention, de production et de distribution de biens et services. Enfin, nous nous interrogerons sur les questions morales, éthiques, juridiques et politiques liées au « business 2.0 ». 3.1 Quels modèles économiques pour le Web 2.08 ? Le potentiel économique du Web 2.0 a été mis en lumière ces quatre dernières années par des mouvements financiers denses. En juillet 2005, News Corporation, 1er groupe de média du monde9, rachète MySpace pour 580 M$. S‟en suivent de nombreux rachats et levées de fonds 10 , le plus représentatif de cet engouement étant la participation de Microsoft à hauteur de 1,6% dans Facebook pour pas moins de 240 M$, valorisant ce dernier à 15 Md$ ! Mais quelle est et comment est créée la valeur de ces sites internet ? Quel est leur modèle de développement économique ? Ne sont-ils pas survalorisés ? 3.1.1 Les fondamentaux économiques du Web 2.0 La principale richesse économique d‟Internet réside dans ses possibilités de diffusion de l‟information à l‟échelle mondiale. Grâce à la numérisation, quatre types d‟information peuvent à présent transiter par le Web : le texte, l‟image, le son et la vidéo. Sous l‟angle économique, nous les qualifierons de « biens de contenu ». Par l‟intermédiaire des médias traditionnels (radio, télévision), la consommation de ces biens est non-rivale (leur consommation par un individu n‟empêche pas leur consommation par un autre) et en général non-exclusive (ne pas exclure des individus de la consommation de ces contenus). On parle 8 Lorsque nous parlerons de sites Web 2 .0 dans cette partie, nous excluons naturellement les projets non lucratifs tels que Wikipedia, hébergé par la Wikimedia Foundation, « organisation caritative américaine à but non lucratif ». 9 D’après The Hollywood Reporter, 22 octobre 2007 10 Historique de juillet 2005 à décembre 2007 par LeMondeInformatique.fr (http://www.lemondeinformatique.fr/dossiers/imprimer-la-web-2-economie-s-emballe-54-page-4.html) 26 alors de « biens publics ». Les médias diffusent ces biens de contenu, qui deviennent alors publics, et vendent des biens privés (minutes de publicité, abonnements, etc.)11. Ils jouent un rôle d‟interface entre bien public et privé. Internet permet en plus une diffusion « à la demande »12, et à très faibles coûts fixes13, offrant à tout individu techniquement compétent la possibilité de diffuser un bien de contenu, qui deviendra ainsi un bien public. Et c‟est ici que l‟évolution 2.0 intervient. Les nouvelles technologies du Web, ainsi que le déploiement des réseaux à hauts débits, entrainent la création d‟interfaces, non plus seulement entre biens publics et privés, mais également entre les diffusions décentralisées de contenus par les utilisateurs eux-mêmes (lorsqu‟ils « uploadent » des contenus) et la diffusion centralisée de ces contenus devenus des biens publics via le point d‟entrée unique que constitue le site Web 2.0. Nous parlerons de la double interface des sites Web 2.0 (figure 1). Afin de généraliser ce concept à tous les sites Web 2.0, nous considérons le mot « contenu » au sens large, incluant également les profils d‟utilisateurs sur les réseaux sociaux par exemple. Biens privés Créations d’espaces publicitaires, vente de services, abonnements, … Sites Web 2.0 Diffusion décentralisée Diffusion centralisée Contenu des utilisateurs Biens publics Figure 1 : La double interface des sites Web 2.0 3.1.2 Le développement économique des sites Web 2.0 Nous avons vu qu‟il existe plusieurs types de biens privés que les sites Web 2.0 monnayent afin de financer leurs services et faire des profits. Si la plupart ont choisi la gratuité financée par la publicité 14 , certains réseaux sociaux de professionnels comme l‟américain LinkedIn ou le français Viadeo proposent des abonnements donnant accès à de nouvelles fonctionnalités. En effet, selon Françoise Benhamou, économiste spécialiste des médias, « L‟attractivité du gratuit est immense, mais cela laisse aussi la place pour des 11 Le rapport public/privé signifie ici « bien diffusé » / « bien vendu » et non pas « propriété de tous » / « propriété individuelle » 12 Selon le principe du serveur/client, par rapport à celui de l’émetteur/récepteur de la radio ou de la télévision. 13 Prix d’un abonnement et d’un hébergement internet à comparer avec celui d’un réseau de diffusion hertzien. 14 MySpace, Facebook, Flickr, YouTube, Dailymotion, Deezer, LastFm, AgoraVox, … 27 stratégies de „niche‟, qui peuvent rapidement atteindre une taille considérable sur Internet »15. Ebay possède quand à lui un modèle mixte alliant publicité et vente de services. Modèle de services et abonnements Dans le modèle de la vente de services ou abonnements, deux stratégies s‟offrent à l‟entreprise : une stratégie de volume ou de focalisation. Maximiser le nombre d‟utilisateurs avec des prix attractifs ou focaliser ses activités sur une cible bien particulière, qui sera prête à payer un prix plus élevé. Dans les deux cas, il s‟agit de générer un « effet club » direct : l‟intérêt que chaque utilisateur trouve à consommer le service s‟accroit avec une augmentation du nombre d‟utilisateurs. La satisfaction d‟un utilisateur ne dépend pas uniquement de son choix d‟adhérer au réseau, mais aussi des décisions qui lui sont externes (celles des autres individus). On parle d‟externalité de réseau positive. En phase de démarrage, l‟effet club est un handicap : un club trop petit non seulement n‟est pas attractif, mais décourage également bien souvent ses premiers adhérents. A maturité, il est un avantage : un club déjà étendu attire de nouveaux membres et grossit donc encore, selon un phénomène de type boule de neige. L‟enjeu pour un site Web 2.0 est donc d‟atteindre une masse critique d‟utilisateurs à partir de laquelle l‟effet club jouera en sa faveur, créant une croissance autoentretenue. Masse critique atteinte 3 2 1 Figure 2 : Evolution du nombre de visiteurs uniques du site Facebook en France (en milliers de visiteurs par jour) Phase 1 : faible croissance due à la faible attractivité d‟un club restreint (effet club défavorable) Phase 2 : atteinte de la masse critique à environ 27 000 visiteurs uniques par jour Phase 3 : croissance linéaire autoentretenue (effet club favorable) 15 Propos recueillis par LeMonde.fr 28 Modèle publicitaire Dans le modèle publicitaire, dominant sur le Web 2.0, c‟est la stratégie de volume qui prime : plus le nombre d‟utilisateurs est grand, plus le prix que les annonceurs seront prêts à payer pour être présents sur le site sera important. Il faut donc dans ce cas considérer deux groupes : les utilisateurs et les annonceurs. Nous retrouvons dans ce modèle l‟effet club dû à l‟externalité de réseau positive du paragraphe précédent : l‟intérêt pour un internaute de s‟inscrire sur le site croît avec le nombre d‟internautes déjà inscrits (= utilisateurs). Mais l‟intérêt pour les annonceurs de faire leur publicité sur le site croît également avec le nombre d‟internautes déjà inscrits : il s‟agit d‟une externalité de réseau positive et croisée (car les acteurs associés appartiennent à deux groupes différents). Annonceurs Adhésion Externalité croisée Site Web 2.0 Adhésion Externalité non croisée Utilisateurs Figure 3 : Effet club pour un site Web 2.0 suivant un modèle publicitaire Dans ce contexte, l‟enjeu pour un site Web 2.0 est donc de tirer le meilleur parti de ces externalités en les magnifiant. Pour se faire, il peut adopter une stratégie de tarification différenciée par groupes, qui consiste à tarifer l‟utilisation du réseau à un prix très bas pour le groupe le plus sensible au prix, les utilisateurs, et à un prix plus élevé pour le groupe prêt à payer plus cher, les annonceurs. Le portail devient alors très attractif pour les internautes, qui s‟inscrivent, et rendent ainsi le site d‟autant plus désirable pour les annonceurs. Cette stratégie est à l‟origine de la gratuité des services Web 2.016. Un modèle publicitaire classique, comme celui des journaux gratuits par exemple, qui peut être vu comme un marché biface : le diffuseur propose via un seul et même support deux biens strictement complémentaires à destination de deux groupes différents. 16 Dans le cas de la gratuité, la stratégie de tarification différenciée est poussée à l’extrême. 29 Parmi les sites Web 2.0, les réseaux sociaux proposent une valeur ajoutée supplémentaire issue de leur capacité à cibler finement l‟audience. Ceux-ci possèdent en effet des bases de données d‟utilisateurs ayant rempli un profil personnel, dans lequel on trouve par exemple les intérêts, le lieu de résidence, la formation, etc. Ils peuvent ainsi proposer à leurs annonceurs une large audience ciblée qui augmentera l‟impact de leur message publicitaire. Rien de plus simple en effet pour un site comme Facebook de proposer17 à ses utilisateurs fans de voyages, étant attirés par les pays asiatiques et habitant en couple à Lyon, une petite escapade en amoureux à Pékin au départ de l‟aéroport Saint-Exupéry ! D‟autant plus simple, qu‟il est de l‟intérêt de l‟utilisateur de compléter son profil avec un maximum de précisions, puisque c‟est de cela que la qualité des interactions qu‟il pourra réaliser dépend directement. Mais qu‟en est-il dans les faits ? MySpace, le premier réseau social au monde (plus de 230 millions de membres en avril 2008) a lancé en 2007 un programme de publicités ciblées, qui range les internautes par catégories en fonction de leur profil et des messages qu‟ils échangent. Facebook, qui recense à l‟heure actuelle plus de 110 millions de membres actifs 18, a lancé en novembre 2007 sa plateforme FacebookAds 19 permettant aux annonceurs de « cibler leur public avec des publicités pertinentes ». Le service se décrit dès la page d‟accueil comme un outil de « ciblage avancé : par âge, sexe, lieu, intérêts, etc. ». Aujourd‟hui, le ciblage publicitaire des utilisateurs de réseaux sociaux est donc bel et bien une réalité. Concurrence sur le marché du Web 2.0 Après avoir abordé les fondamentaux et le développement économiques des sites Web 2.0, nous nous penchons sur l‟évolution concurrentielle de ceux-ci, en relation étroite avec les effets club, décrits précédemment. Le secteur du Web 2.0, mais aussi de l‟internet en général, est caractérisé, pour la plupart de ces projets, par de faibles coûts fixes (réalisation d‟une idée en site web, création du nom de domaine, …), de faibles coûts variables20 (augmentation de la capacité des serveurs d‟hébergement, protection des données, …), et donc des coûts de production moyens faibles et stables. Cette caractéristique est très favorable à l‟entrée de nouveaux acteurs sur un marché. De plus, le consommateur, c'est-à-dire l‟internaute, est ultramobile : il lui faut à peine 5 minutes pour fermer un site et aller s‟inscrire sur celui d‟un concurrent ! Ces deux aspects rendent le marché du Web 2.0 très concurrentiel et dynamique, l‟innovation et l‟évolution de la qualité des services jouant un rôle d‟arbitre. Aujourd‟hui, le marché du Web 2.0 apparaît segmenté, selon le type de service apporté (réseau social, partage de vidéos, média participatif), l‟âge (adolescent, étudiant, professionnel) et la langue des utilisateurs. Quelques grands acteurs se partagent ces segments avec une attraction forte pour ceux-ci lorsqu‟ils se lancent sur de nouveaux segments. La sortie de la version française de Facebook le 10 mars 2008 a eu pour conséquence une 17 Par l’intermédiaire de publicités affichées sur les pages du site lors de la déambulation de l’utilisateur (ayant visité le site au moins une fois pendant les 30 derniers jours) 19 http://www.facebook.com/advertising/ 20 Les coûts fixes sont indépendants de la quantité produite et les coûts variables sont fonction de ces volumes produits. Pour un site internet, il s’agit principalement du trafic généré par les utilisateurs, du volume de données stockées, etc. 18 30 augmentation bien visible de sa croissance sur le marché français dès le mois d‟avril, comme le montre la figure 4. Lancement de la version française Masse critique atteinte Figure 4 (identique à la figure 2) : Evolution du nombre de visiteurs uniques du site Facebook en France (en milliers de visiteurs par jour) Mais les leaders mondiaux peuvent ils réussir à s‟imposer sur des segments déjà conquis par des acteurs focalisés sur ces segments ? L‟exemple des réseaux sociaux en Allemagne est sur ce point tout à fait symbolique et éclairant. En octobre 2005, presque deux ans après les premiers pas d‟un certain Facebook à Harvard, est crée StudiVz21, une copie presque à l‟identique de celui-ci (voire figure 5). Ciblant le marché des étudiants germanophones d‟Allemagne, d‟Autriche et de Suisse, StudiVz connait une croissance rapide. Il étend son réseau à l‟enseignement secondaire (SchülerVz), puis aux jeunes actifs (MeinVz) pour recenser en juillet 2008 plus de 10 millions d‟utilisateurs. Facebook lance sa version allemande en mars 2008 – il possède alors 600 000 membres allemands – et totalise 1,2 millions de visiteurs allemands contre 6 millions pour StudiVz au premier trimestre 200822. Facebook se montre agressif et poursuit StudiVz en justice pour plagiat depuis l‟été 2008, mais sans augmentation significative du nombre d‟utilisateurs allemands sur son site. Figure 5 : A gauche StudiVz, à droite Facebook 21 22 StudiVz pour Studiverzeichnis , « l’annuaire étudiant ». http://www.studivz.net/ D’après Nielsen Online, société américaine d’étude de marchés sur le web (http://www.nielsen-online.com/) 31 Enfin, force est de constater que les différents réseaux des grands acteurs du Web 2.0 sont en fait « fermés », sans interopérabilité. Par exemple, une vidéo postée sur Dailymotion ne sera pas visionnable depuis Youtube. De même, si vous souhaitez faire du « social networking » avec vos amis dispersés sur plusieurs réseaux sociaux, vous devrez obligatoirement vous inscrire dans chacun d‟eux. Une idée qui pourrait bien bousculer ce modèle est la centralisation ou « aggregation » en anglais. Il s‟agit par exemple de moteur de recherche de vidéos vous permettant de visionner celles-ci directement sur la page de résultat. Vous profitez alors du contenu de plusieurs sites sans les visiter, et donc sans les financer par la publicité ! Google propose ce service23, mais vous n‟avez pas accès à toutes les fonctions, notamment communautaires, des sites originaux. De cette même idée, sont nées les « social aggregators », vous permettant de centraliser et unifier sur un seul site vos contacts dispersés sur différents réseaux sociaux et d‟interagir avec eux de manière transparente. Socialstream est un projet intéressant de « social aggregation » soutenu par Google et initié par l‟institut d‟interaction homme-machine de l‟université Carnegie Mellon en Pennsylvanie24. D‟autres « social aggregators » 25 ont déjà vu le jour mais leurs fonctionnalités s‟avèrent très limitées. Encore en gestation, ces nouveaux outils nous permettant d‟escalader les murs pourraient bien changer la donne… Source : The Economist 3.1.3 Bulle 2.0 ou réel potentiel économique ? Derrière les grands acteurs du Web 2.0 se cachent bien souvent les géants de l‟Internet… Après le rachat de Youtube par Google en octobre 2006, Microsoft, un an plus tard, par sa participation au capital de Facebook à hauteur de 1,6% pour 240 M$ et la signature d‟un contrat d‟exclusivité publicitaire, valorisait ce dernier à 15 Md$, soit 100 fois 23 http://video.google.fr/ Nous vous invitons à visionner leur vidéo de démonstration (http://www.hcii.cs.cmu.edu/MHCI/2006/SocialstreamProject/Socialstream_demo.mov) et à parcourir leur site pour plus d’informations 25 Vous trouverez une liste de 20 « social aggregators » sur ce blog : http://mashable.com/2007/07/17/socialnetwork-aggregators/ 24 32 son chiffre d‟affaire de 2007. Tout en estimant que les réseaux communautaires étaient une « mode passagère », Steve Ballmer, directeur général de Microsoft, justifiait cette acquisition par le fait que son entreprise se devait d‟être présente sur ces nouveaux marchés. Quelques jours plus tard, début novembre 2007, Google annonçait un partenariat avec MySpace, son objectif affiché étant de contrer le succès de Facebook et d‟entraver ainsi l‟expansion de Microsoft. Dans ce contexte de frappes de géants à grands coups de millions de dollars faisant monter les enchères, il est légitime de s‟interroger sur la valeur réelle des sites Web 2.0. S‟agit-il d‟une nouvelle bulle spéculative, à l‟image de la « bulle Internet » qui avait détruit la « nouvelle économie » au début des années 2000 ? Il est tentant de le penser, puisque les revenus espérés ne sont qu‟anticipés : les sociétés qui investissent parient uniquement sur le fait que l‟audience des sites rachetés vaudra rapidement davantage que le chiffre d‟affaire produit actuellement. Car les chiffres de croissance donnent le vertige. Selon l‟institut E-marketer, les recettes publicitaires des réseaux sociaux s‟élevaient à 480 M$ en 2006, à 1,225 Md$ en 2007 et leurs estimations pour 2011 dépassent les 4 Md$ !26 Le célèbre chroniqueur John Dvorak remarquait pendant la Web 2.0 – Expo d‟avril 2007 à San Francisco, que des sessions entières avaient été consacrées à des « exit strategies » : revendre l‟entreprise vite plutôt que de la développer. Signe inquiétant. De son côté, l‟analyste et prévisionniste Mark Anderson ne croit pas à une bulle 2.0. Selon lui, les fonds d‟investissement et les sociétés de capital-risque ont tiré les enseignements des erreurs du passés : elles diversifient leurs investissements et demandent de la part des sociétés Web 2.0 de répondre à des critères rigoureux avant d‟investir. « Entre la fin des années 90 et ce qu‟on observe aujourd‟hui, les sommes investies lors du premier tour de table ont été divisées par trois ou quatre » remarque Louis Naugès, consultant chez Revevol. De plus, l‟Internet haut débit s‟est généralisé dans les foyers et entreprises, sur des supports de plus en plus variés, et les internautes ont pris des habitudes de surf, ce qui garantirait la pérennité du Web 2.0. Toutefois, n‟est-il pas déraisonnable de ne parier que sur la manne publicitaire ? 80% environ de l‟argent mobilisé par la publicité revient aux dix sites les mieux placés (dont certains appartiennent à une même entreprise). Dans cette bataille, il n‟y aura donc pas de place pour tout le monde. Et comment prévoir comment la publicité en ligne se comportera en cas de crise ? Affaire à suivre donc, très prochainement… 3.2 Comment le Web 2.0 redéfinit les processus d’invention, de production, de marketing et de distribution des biens et des services ? Après nous être intéressés au modèle économique des entreprises Web 2.0, nous nous proposons maintenant d‟analyser l‟influence du Web 2.0 sur le fonctionnement des autres entreprises. En interne, certaines PME utilisent déjà les réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn, OpenBC ou Viadeo pour trouver des projets, fournisseurs, ou prospecter 26 D’après LeMonde.fr, « L’irrésistible extension des réseaux sociaux » (dossier réservé aux abonnés) 33 des clients. Des grands groupes comme Danone et son projet « Danone blogs », utilisent les blogs afin d‟organiser et d‟animer des réflexions stratégiques en prolongeant les discussions. 3.2.1 De l’exploitation des outils Web 2.0 à l’émergence d’une nouvelle forme de marketing L‟émergence du Web 2.0 et la démocratisation de ses usages change la manière dont nous communiquons et donc également la manière dont les entreprises communiquent avec leurs futurs clients. Le « marketing 2.0 » fait désormais partie du vocabulaire d‟une nouvelle génération d‟experts utilisant l‟Internet comme principal outil de travail. Le media Internet est vu comme un mécanisme ouvert de socialisation entre individus plutôt qu‟un médium unidirectionnel de communication de masse. La communication marketing devient alors un dialogue plutôt qu‟un monologue. Les marques utilisent de plus en plus le web participatif et communautaire afin de faire passer leurs messages publicitaires. Elles peuvent ainsi exploiter les sites Web 2.0 existants pour une cible marketing bien définie. Cela passe par des interventions subjectives d‟individus inscrits sur des blogs, wikis, réseaux sociaux ou encore comparateurs de prix (sous forme de commentaires par exemple), mais aussi par la création de propre profil et groupe sur Facebook ou MySpace, entraînant un processus fort d‟identification des utilisateurs de ces sites. Il devient en effet possible d‟adhérer à un groupe créé pour la publicité d‟un produit, de l‟Iphone d‟Apple par exemple, et d‟en devenir ainsi un « fan ». Ces informations seront communiquées automatiquement à tous vos contacts, favorisant la diffusion de l‟image de marque. Par l‟intermédiaire d‟interfaces de programmation (API)27 publiées en ligne, les entreprises peuvent même développer des applications à but marketing totalement intégrées dans le site Web 2.0, et leur autorisant, sur Facebook par exemple, la libre utilisation des données personnelles relatives aux utilisateurs l‟ayant installé. Il s‟agit le plus souvent de campagnes ayant pour but de lancer un nouveau produit, faisant intervenir le jeu. L‟application est conçue pour qu‟il soit de l‟intérêt de l‟utilisateur de la faire partager à ses amis. Il participe donc ici encore directement à la diffusion de la publicité. La campagne « Dooblebook » de VirginMobile (décembre 2007) et son offre Dooble (temps de parole doublé) en est un exemple. L‟application propose de « trouver son dooble et rentrer en contact avec lui ». Il s‟agit de répondre à un quizz pour ensuite connaître l‟utilisateur de Facebook qui vous ressemble le plus. Cette forme de publicité, à la diffusion de laquelle le consommateur contribue directement, est appelée « marketing viral ». Les consommateurs deviennent les principaux vecteurs de communication de la marque. Par intérêt, curiosité ou amusement, ils participent à la diffusion de l‟information à leur réseau de connaissances. Le « marketing viral » présente trois principaux avantages. D‟une part, son coût est bien plus faible que celui du marketing direct : créer un groupe ou publier une application est gratuit, hors coûts de développement. D‟autre part, la diffusion du message peut être très rapide et ciblée par un mécanisme d‟ « auto positionnement » à chaque passeur : vous inviterez à participer seulement vos amis potentiellement intéressés. Enfin, le message transmis bénéficie d‟une 27 Application Programing Interface 34 connotation positive liée à sa prescription par le biais d‟une connaissance. Il existe des ouvrages « pratiques » sur le marketing viral, notamment pour le site Facebook, qui offre de nombreuses possibilités dans ce domaine28. A noter que les marques peuvent également créer leurs propres espaces de socialisation sous forme d‟un blog ou d‟un site communautaire faisant intervenir le jeu. L‟Internet, par l‟intermédiaire des comparateurs de prix, des forums de discussion par exemple, et plus récemment le Web 2.0 avec les blogs ont profondément modifié la relation des consommateurs aux marques, appelant à une nouvelle forme de marketing, dépassant les frontières du web. Ce marketing se veut participatif : il associe le consommateur à l‟innovation et à la création de produits et services. Lego commercialise par exemple des constructions conçues par des enfants et Current TV 29 , la chaîne de télévision américaine nationale crée par Al Gore, remplit un tiers de ses programmes avec des contenus créer par les téléspectateurs eux-mêmes. Le consommateur est également fortement associé à la communication de la marque, celle-ci perdant son statut d‟émetteur privilégié pour devenir un acteur parmi d‟autres. Le fournisseur d‟accès à internet Free, a par exemple diffusé des spots réalisés par des téléspectateurs. Au-delà de la sphère du marketing, le Web 2.0 et ses usages ont révélé toute la puissance de l‟intelligence collaborative, qui appelle à des changements radicaux dans la structure et les modes opératoires des entreprises : bienvenue dans la Wikinomie ! 30 3.2.2 La Wikinomie ou le monde de la production collaborative Face à l‟émergence d‟un marché global hyperconcurrentiel et à des défis de plus en plus complexes à relever, l‟entreprise modèle du 20ème siècle, multinationale, hiérarchique, fermée et secrète apparaît de plus en plus inadaptée. Grâce aux nouveaux outils collaboratifs, des individus aux cultures et expériences différentes, dispersés géographiquement, qui mutualisent leurs talents, peuvent créer des produits gratuits capables de concurrencer les offres protégés par le droit de propriété intellectuelle. Les exemples les plus illustres sont les logiciels libres, dont le système d‟exploitation Linux, développés par des individus du monde entier qui collaborent par amusement, altruisme mais aussi désir utilitaire. L‟entreprise traditionnelle « fermée » décrite précédemment ne peut également prétendre répondre à des défis d‟une complexité croissante, tels que la découverte de nouvelles sources d‟énergie, la compréhension du génome humain, ou la lutte contre les maladies réfractaires. Ces problèmes complexes dépassent en effet les barrières entre disciplines et entre organisations. 28 Par exemple « The Facebook Marketing Bible » par Justin Smith dont vous trouverez des extraits sur son blog : http://www.insidefacebook.com/2007/12/09/inside-facebook-marketing-bible-24-ways-to-market-yourbrand-company-product-or-service-in-facebook/ Une synthèse en français est également disponible sur le blog de Jean-Marie Le Ray, post-faceur de « Le Monde selon Google » : http://adscriptum.blogspot.com/2007/12/facebook-et-marketingviral.html#2007/12/facebook-et-marketing-viral.html 29 http://current.com/ 30 Le développement suivant s’inspire du livre de Tapscott et Williams, « Wikinomics » (principalement du chapitre 1 « La Wikinomie »). Le titre fait référence au système de gestion de contenu en ligne Wiki. 35 Selon les auteurs de « Wikinomics », quatre principes définissent l‟entreprise du 21ème siècle qui s‟adapte à cette nouvelle économie : l‟ouverture, le travail collaboratif, le partage et l‟action globale. Etre ouvert, c‟est avant tout avoir compris que les talents exceptionnels susceptibles de faire de nouvelles découvertes ou de résoudre des problèmes complexes ne se trouvaient pas nécessairement dans sa propre entreprise. L‟ouverture signifie donc premièrement la perméabilité aux idées et au capital humain venus de l‟extérieur. Afin de maintenir son avance en terme d‟innovations, le groupe de chimie Procter & Gamble (P&G) s‟est par exemple fixé pour objectif d‟obtenir 50% des nouvelles idées de biens et de services hors de l‟entreprise, en participant activement à l‟aventure du site Internet InnoCentive31. Les scientifiques du monde entier peuvent ainsi aider P&G à résoudre des problèmes pour une contrepartie financière. Désormais, un tiers des produits lancés par le groupe ont été développés hors des murs de l‟entreprise. Deuxièmement, l‟ouverture gagne aussi du terrain dans le domaine des normes. Dans une économie complexe et en évolution rapide, les insuffisances et les obstacles nés du manque de standardisation apparaissent en effet plus vite. L‟ouverture, c‟est enfin la transparence, qui passe la communication d‟informations confidentielles aux partenaires, salariés, clients, actionnaires ou autres intéressés. Aujourd‟hui, tout citoyen éclairé a les moyens pour observer l‟entreprise au microscope. Divulguer des informations stratégiques à tous ces groupes, c‟est instaurer la confiance, synonyme de diminution des coûts, de meilleures innovations et une plus grande fidélisation. Le travail collaboratif, deuxième pilier de l‟entreprise pleinement intégrée dans la Wikinomie, et dont nous avons déjà parlé, est défini par les deux auteurs comme un « mode de coopération permettant d‟exploiter les compétences, l‟ingéniosité et l‟intelligence humaines plus efficacement et plus économiquement que tout ce que nous avons connu dans le passé ». Ce mode de fonctionnement implique nécessairement un nivellement de l‟organisation hiérarchique verticale classique au profit d‟une forme d‟organisation plus horizontale. La capacité de mutualiser les talents d‟individus et d‟entreprises dispersés pourrait donc bien devenir „la‟ compétence clé d‟un dirigeant et d‟une entreprise. Le partage signifie ne pas considérer la protection de la propriété intellectuelle, grâce à des brevets, des droits d‟auteur et des marques déposées, comme un dogme absolu. L‟entreprise de la Wikinomie traite la propriété intellectuelle comme un fond commun de placement : elle gère un porte feuille d‟actions de matière grise dont certaines sont brevetées et d‟autres pas. Depuis 1999, plus d‟une dizaine de firmes pharmaceutiques ont abandonné des projets de R&D propriétaires pour soutenir des collaborations ouvertes comme le SNP Consortium et l‟Alliance for Cellular Signaling. Des bases de données biomédicales accessibles au public et des infrastructures partagées permettent de faire plus rapidement des percées fondamentales en biologie moléculaire. Personne ne renonce à ses droits potentiels de brevet, et le partage d‟une partie de la propriété intellectuelle de base a pour effet d‟accélérer la commercialisation de certains produits. 31 http://www.innocentive.com/ 36 Pour réussir, il est devient aussi indispensable, non plus seulement de « penser globalement », mais d‟ « agir globalement » en ne considérant plus l‟international en zones géographiquement bien délimitées et autonomes, mais en traitant le monde comme s‟il s‟agissait d‟un seul et même pays. Cela est désormais possible techniquement. Steve Mills, responsable de la stratégie globale d‟IBM explique : « La puissance des ordinateurs et le haut débit rapprochent tout ce qui est éloigné. En fait, le monde entier me semble proche. Je n‟ai pas besoin d‟être présent dans une pièce pour participer. ». L‟entreprise gagnante évite ainsi les redondances et gaspillages mais gère également le capital humain et intellectuel par delà les limites culturelles, disciplinaires et organisationnelles, favorisant la collaboration, créatrice de richesses. Tout au long de ce chapitre, les auteurs de « Wikinomics » nous invitent plus globalement à penser l‟économie d‟une autre manière. Pour eux, l‟émergence de l‟intelligence collaborative est sur le point de bouleverser notre économie. « Le fossé est aussi grand entre ces règles de fonctionnement et celles de l‟entreprise hiérarchique [classique] qu‟entre les règles de cette dernière et celles de l‟atelier artisanal de l‟ère préindustrielle ». Ils ajoutent : « Le savoir, le pouvoir et les capacités productives seront plus éparpillés qu‟à aucun moment de l‟histoire humaine. […] La création de valeur sera rapide, fluide et caractérisée par des ruptures constantes. » Comme dans toute mutation, certains acteurs sauront profiter des nouvelles opportunités, et d‟autres, qui n‟auront pas su s‟adapter et suivre le rythme de ces changements incessants s‟effaceront. Mais les auteurs s‟avouent optimistes : « Nous croyons que l‟économie dans son ensemble gagnera en efficacité, en créativité et en innovation ». Nous pensons, à la lecture de cet ouvrage, qu‟une des clés pour réussir dans la nouvelle économie est d‟aborder celle-ci sans préjugés, l‟esprit très ouvert, en acceptant de remettre en cause des principes que l‟on considérait jusque là comme préalables. Il s‟agit enfin de considérer ces individus du monde entier qui collaborent, prennent la forme d‟une « masse informelle et auto-organisée », et qui représentent toute la valeur de la Wikinomie, à l‟échelle planétaire. En effet, avec plus d‟un milliard de personnes connectés à Internet, il suffit de se représenter qu‟une petite proportion d‟entre eux participent, à un moment de leur vie, à un projet collaboratif, pour apprécier la richesse considérable qu‟ils peuvent apporter. Cette dynamique, comprenant l‟augmentation du nombre d‟internautes et de la part de ceux qui participent à l‟économie collaborative, nous trace l‟avenir de la Wikinomie. 3.3 Les questions morales, éthiques, juridiques et politiques Vous avez sûrement été interpelés, à la lecture de ce dossier, par des aspects du Web 2.0 qui posent nécessairement des questions d‟ordre moral, éthique, juridique, ou encore politique. Liées aux problématiques économiques, la plupart font encore débat dans notre société. Nous vous proposons un petit inventaire de ces questions et vous invitons à venir prolonger le débat avec nous sur notre blog www.web2debat.blogspot.com ! 37 Vie privée, vie publique ? Voici un extrait choisi des conditions d‟utilisation de Facebook au 3 novembre 200832 : « En publiant un Contenu utilisateur sur tout ou partie du Site, vous concédez expressément à la Société […] une licence irrévocable, perpétuelle, non exclusive, transférable et pour le monde entier sans rétribution financière de sa part […], d'utiliser, copier, représenter, diffuser, reformater, traduire, extraire (en tout ou partie) et distribuer ce Contenu utilisateur, à des fins commerciales, publicitaires ou autres, […] [et] de créer des œuvres dérivées du Contenu utilisateur ou de l'incorporer à d'autres créations […]. À tout moment, vous pouvez supprimer votre Contenu utilisateur du Site. Si vous choisissez de supprimer votre Contenu utilisateur, la présente licence prendra fin automatiquement mais vous acceptez que la Société puisse conserver des copies archivées du Contenu utilisateur supprimé. » Outre le problème éthique de fond soulevé par ces conditions d‟utilisation, la légalité de celles-ci, par exemple en France, n‟est pas démontrée. En effet, la loi 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l‟informatique, aux fichiers et aux libertés fixe des règles strictes quant à l‟utilisation des données et informations personnelles. Par ailleurs, la langue de référence juridique sur la plupart des réseaux sociaux est l‟anglais uniquement, alors que la loi Toubon du 4 août 1994 relative à l‟emploi de la langue française impose l‟usage du français. Le législateur semble donc avoir un train de retard, au dépend des utilisateurs, souvent perdus et mal informés. Gratuité ? Comme nous l‟avons vu précédemment, les informations personnelles fournies par les utilisateurs sont d‟une grande valeur pour les plateformes pratiquant le ciblage publicitaire. L‟utilisateur qui s‟inscrit cède gratuitement ses informations à la plateforme, qui elle, les revendra aux annonceurs. Dans cette perspective, l‟accès aux services de la plateforme est bel et bien payant, dans la mesure où l‟utilisateur cède gratuitement une information qu‟il aurait pu vendre !33 Bêtise collective ? Jaron Lanier, chercheur en informatique, compositeur et écrivain, qualifie de cette expression les sites de productions collaboratives tels que Wikipedia qui étouffent selon lui des voix authentiques et expertes sous un déluge anonyme et confus de médiocrité de masse. 32 33 Version complète : http://www.facebook.com/home.php#/terms.php?ref=pf Article « No free lunch sur le Web 2.0 » (cf bibliographie) 38 Remise en cause du droit d’auteur ? La numérisation des contenus et le développement des outils de partage en ligne remettent parfois également en cause le modèle d‟affaire des industries de contenus, au détriment du droit d‟auteur. Fracture numérique ? Si la nouvelle économie, dont nous avons jeté les bases, offre aux entreprises et aux individus connectés de belles perspectives, elle laisse peu de place aux populations nonconnectées, souvent déjà les plus fragiles. Les auteurs de Wikinomics lancent même cette affirmation, décrivant la société de demain : « […] un monde où seuls les gens connectés survivront. » Espérons qu‟ils auront, sur ce point, été excessifs. 39 Conclusion A travers l‟analyse des technologies, des usages et de ses effets sur l‟utilisateur, ainsi que des modèles économiques, nous pouvons conclure que l‟expression « Web 2.0 » est associée à un terme générique pour un ensemble d‟évolutions, plus d‟usages que de techniques. Cette dernière a été le préalable à la prise de pouvoir des internautes sur le web, sans en être le principal moteur. Très éloigné de la thèse selon laquelle le Web 2.0 serait seulement un argument marketing, nous avons vu qu‟il servait de support à une aspiration profonde de la société à plus d‟échanges. Le Web 2.0, en ayant révélé toute la puissance de l‟intelligence collaborative est même amené à révolutionner notre manière de penser et d‟agir dans l‟économie mondialisée d‟aujourd‟hui. Le réseau Internet n‟est plus seulement un reflet de la société mais est bel et bien devenu une composante de celle-ci, informelle certes, mais qui fait partie de notre vie quotidienne. C‟est à nous, citoyens privilégiés et internautes actifs de décider de l‟avenir de notre réseau. Et les défis à relever sont de taille : assurer aux créateurs qui souhaitent vivre de leurs talents une juste rémunération, avoir une vision à long terme sur la protection de notre vie privée ou encore assurer que la voix la plus forte sur le réseau sera toujours celle de l‟information indépendante, de la démocratie et de la tolérance. Mais l‟enjeu principal est peut être bien de savoir si l‟accès à toutes les richesses du Web restera réservé à une population restreinte, ou si au contraire, ce nouvel espace de liberté s‟ouvrira également au reste du monde. 40 Bibliographie Par ordre chronologique d’utilisation dans le dossier. Ouvrages O‟REILLY Tim. What is web 2.0 [en ligne], sept. 2005. Disponible <http://www.oreillynet.com/pub/a/oreilly/tim/news/2005/09/30/what-is-web-20.html>. (consulté le 30.10.2008) sur : GERVAIS Jean-François. Web 2.0 Les Internautes au pouvoir. France : Dunod, 2007, impr. 2007, 1 vol. (VII-216 p.) PISANI Francis & PIOTET Dominique. 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