MICHEL FOURCADE
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MICHEL FOURCADE
MICHEL FOURCADE painting, photography, video, installation «Claritas» Jean-Paul Chavent «Saintetés clandestines» Mehdi Belhaj Kacem 1 MICHEL FOURCADE painting, photography, video, installation «Claritas» Jean-Paul Chavent’s text «Saintetés clandestines» Mehdi Belhaj Kacem’s text «untitled» photograph on Dibond 100 x100 cm 2011 2 painting page 7 photography page 31 video, installation page 43 «Claritas» Jean-Paul Chavent’s text en Français page 3 In English page 10 Translation : Graham Long «Saintetés clandestines» «Secret saintliness» Mehdi Belhaj Kacem’s text en Français page 19 In English page 35 Translation : Pierre Besses 3 Claritas par Jean-Paul Chavent « Le monde est cruel à l'intérieur et cinglé en surface. » David Lynch Lorsque Frances A. Yates, dans cette œuvre essentielle qu’est «L’art de la mémoire», propose une nouvelle compréhension de Shakespeare en étudiant le plan du Globe Theater qui accueillait ses pièces, elle montre comment cube et cercle participent de la « structure harmonique » de l’univers. De la scène carrée du monde dont elle est le socle à la scène circulaire céleste, les actions prennent une autre signification spirituelle. À l’artiste de souffler le chaud et le froid - la vie et la mort - en jouant avec les atomes enfermés dans le cadre (le lieu, l’époque) comme autant de globules rouges ou blancs (les visions, les paroles) enfermés dans les corps. Ce lien entre art et géométrie, pressenti depuis l’Antiquité, devient éclatant à la Renaissance avec l’invention de la perspective. On connaît la suite. Rubens disait que la structure de base de la figure humaine « pouvait » se réduire au cube, au cercle et au triangle ; Odilon Redon perpétuait une longue tradition de sphères métaphysiques ; Cézanne admettait que l’on ne saurait peindre sans avoir préalablement étudié le cube et la sphère, et on sait la place du Cubisme dans l’art moderne. L’art contemporain n’est pas en reste, depuis l’inoxydable et aquatique Pol Bury jusqu’aux Open cubes de Sol Lewitt, en passant par le Ice cube de Jeppe Hein et les termesphères de Dick Termes, pour ne citer que quelques noms (et oublier l’impasse cinétique ou vasarelyenne) parmi ceux qui ont eu recours à l’évidente séduction visuelle de la sphère et du cube, toutes formes élémentaires (n’oublions pas le cône et le cylindre) qui sont aussi à l’origine des images de synthèse dans l’explosion de l’art numérique. Survivant dans les plis d’une époque en perte de repères - non par manque de sens mais par prolifération orgiaque de significations, au contraire, Michel Fourcade se confronte à son tour à ces formes « simples », souvent violemment colorées, et c’est dans son œuvre aussi comme un retour aux sources. Passé de la brillante figuration hyperréaliste de ses débuts à une abstraction tourbillonnante de formes (entre réalisme et onirisme) et d’affects enchevêtrés (entre mythe et traces intimes) dans laquelle pyramides et obélisques poursuivaient déjà la quadrature du cercle, il redécouvrit voici sept ans ce cube tout droit revenu de ses études aux Beaux-Arts. «untitled» oil and acrylic on canvas 23 x 23 inches / 60 x 60 cm 2011 L’inclusion de boules rouges et blanches lui apparut alors comme l’acte évident d’une indispensable transfusion de sens. Sans abandonner la peinture et le dessin (je situe Michel Fourcade à la hauteur et dans la suite d’un Joseph Sima), sa maîtrise de la technique numérique, muée en dialectique féconde entre le monde ancien et les visions nouvelles, produit une avancée dans sa recherche où se retrouve son propre lexique pictural. Car ce nouveau langage plastique est moins fait de formes impersonnelles que de figures symboliques riches de couleurs et de luminosité. 4 À la lisière du beau et du menaçant (ces images sont à la fois délectablement pleines et désespérément vides) se produit un avivement cruel de la transparence, un effet paradoxal en somme, comme si le diaphane, l’indécis, l’âpreté frêle et dense des œuvres de pinceau et de crayon, certain mysticisme même, venaient buter ou aboutir ici sur cette apparente réduction formelle de l’intériorité : splendeur géométrique de cubes de cristal dont les atomes éblouis (ou les globules) qui nous constituent sont irrémédiablement prisonniers. Naufrage de l’être devenu objet ? Sous ce simplisme d’image trop nette, il suffit de regarder les toiles et les dessins de Michel Fourcade pour deviner qu’il n’en a pas fini d’explorer notre noyau ténébreux : Éros est toujours là, à la jointure de formes qu’il caresse de son pied ailé. Avec ses plus récentes peintures, la série qui entoure « Bob » et « Laura Palmer », Michel Fourcade plonge plus avant dans l’intimité de l’image: des corps et des visages qui affichent leur vulnérabilité pour mieux laisser explorer leurs propres frontières physiques. Des mains surnuméraires, trois jambes et des corps clivés ou dédoublés surgissent comme pour amener la sensibilité à s’ouvrir et éros à élargir ses mystères à tout l’espace psychique. Torturant maniérisme d’une fragmentation enchevêtrée des gestes et des attitudes qui provoque le même égarement dans ce qui est montré que chez celui qui regarde. Une distance ironique aussi, esthétisante comme pourrait être la gêne de qui ne ferait qu’assister à une séance sadomasochiste et choisirait froidement de focaliser sur l’éventail des formes et leur transformation plutôt que sur l’obtention de sa propre jouissance. Désir, plaisir, souffrance, émotion sont ici plastiquement questionnés. On pourrait nommer perversion de l’expressionnisme cet entêtement sur lequel l’œil bute et parler de figurable plus que de figuration. Refiguration ? À condition d’ajouter que ce qui nous trouble dans ces chimères d’un auto-engendrement des corps est la fragmentation de l’identité elle-même, la nôtre comme celle des sujets représentés. Que reste-til de l’identité (du peintre, du modèle) quand la subjectivité éclate ? Moins que jamais Fourcade ne peint l’univocité du réel mais son ambiguïté. Il peint la fin de l’illusion d’une continuité possible, non comme le firent les cubistes en multipliant le point de vue, mais en fixant sur un seul corps la multiplicité fantasmatique qui nous peuple, nous divise ou nous augmente parfois. Mais dans ce nouvel espace (commotion brève d’un constructivisme numérique contre révélation lente de la peinture), ce qui se joue entre l’ambiguïté de l’art ancien et l’idée pure (et courte) du nouveau, se dit peut-être là : claritas (Joyce dit, après saint Thomas, que la claritas correspond à la troisième qualité du Beau: « instant où la quiddité de l’objet, comme portée à l’incandescence, atteint le point d’ultime irradiation par où se révèle son essence. L’objet devient soudain la chose qu’il est »). 5 Il peint notre subjectivité qui déborde et se brise. Il peint autant l’imbrication du réel et de l’imaginaire que ce qui l’indétermine et le disloque. On est dans le temps, dans cette ressaisie propre à la peinture, plus que dans la successivité, privilège du cinéma dont il lui arrive de s’inspirer (fondus enchaînés). On est devant la recomposition de moments transfigurés et emportés par un geste lyrique, mais comme souvent chez Fourcade, lyrisme contrarié par quelque brutalité polymorphe, des couleurs trop pures, vives, brûlantes ou agressives qui cassent immédiatement la croyance figurative. En remodelant les structures de la représentation au profit de la seule peinture, en convertissant la dissonance en loi, en déconstruisant ces greffes insolites, le regardeur réinvente le sujet qui surgit alors vers nous de l’intérieur. Comme dans un film de Lynch les analogies initiales se déduisent des interprétations successives et font surgir un entredeux du rêve et du réel, bien différent de ceux que nous croyions connaître ou avions cru percevoir. Mais l’analogie s’arrête là : autant le cinéma de Lynch invite au déchiffrement, autant les toiles de Michel Fourcade s’offrent d’emblée, comme si l’enchevêtrement des gestes, leur connexion directe entre deux temporalités étaient l’aboutissement de ces déchirures du sens en un seul flash mental. Un monde séparé en deux espaces non raccordés chez le cinéaste, un seul bloc d’évidence sans reste chez le peintre. Dans les deux cas, écran ou toile, un lieu d’initiation érotique d’où surgissent en surface comme en profondeur, le visible et l’invisible qui sont, via la beauté toujours un peu monstrueuse, notre voie d’accès aux deux faces du monde. Aucune symbolique dans ces toiles ni de goût pour le bizarre mais une véritable et inquiétante étrangeté dans l’apparition d’un éros sauvage en train de s’engendrer lui-même et, littéralement, sous nos yeux. S’il est encore un art dans la trans ou la post humanité qui vient, il devra quelque chose aux épiphanies provoquées ici par Michel Fourcade. Jean-Paul Chavent, Novembre 2012 «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 6 «I want love» Installation gallery «Le Garage» photograph, drawings and text 2006 «Tu recueilles ce qui reste au bout du désir, une échappée de lumière qui aurait croisé la détresse”. «You collect what stays at the end of desire, a breakaway of light which would have crossed distress” 7 painting «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2013 8 painting «Chelsealdorléans» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2013 9 painting «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2013 10 Claritas by Jean-Paul Chavent “The world is cruel inside and cracked on the surface” David Lynch When Frances A. Yates, in that essential work From the brilliant hyperrealistic figuration , when that is “L’art de la mémoire», proposes a new he started , to a swirling abstraction of forms understanding of Shakespeare in studying the plan (between realism and dreams ) and muddled of the Globe Theater which welcomed his plays, feelings (between myth and private traces) in she shows how cube and circle are included in which pyramids and obelisks already pursued the the “harmonic structure”of the universe. From the squaring of the circle, he rediscovered , seven square stage of the world which is its base to the years ago , that cube directly issued from his studies celestial circular stage , acts have another spiritual at the Beaux- Arts. The inclusion of red and white signification. It is up to the artist to blow hot and balls appeared to him as the evident act of an cold - life and death- by playing with the atoms indispensable transfusion of sense. Without leaving locked in the area (the place, the time) like as many the painting and the drawing (I place Michel red or white cells (visions, words) closed in bodies. Fourcade at the level and in the continuation of This link between art and geometry, known since Joseph Sima), his mastery of the digital technology, Antiquity, becomes dazzling in the Renaissance transformed into a fruitful dialectic between the with the invention of perspective. We know what ancient world and the new visions, is a step forward followed. Rubens said that the structure of the in his research where his own pictorial glossary sits. human face ”could” be reduced to a cube, a circle and a triangle ; Odilon Redon perpetuated a long tradition of metaphysical spheres; Cezanne admitted that one couldn’t paint without having first studied the cube and the sphere, and we know the place of Cubism in modern art. This idea is still present in Contemporary Art, from the non-oxidizing and aquatic Pol Bury up to The Open Cubes of Sol Lewitt, passing the Ice Cube of Jeppe Hein and the termespheres of Dick Termes, to name a few artists (and to forget the Kinetic or vasarelyenne dead-end) among those ones who had recourse to the clear visual seduction of the sphere or the cube, all elementary forms (let us not forget the cone and the cylinder) that are also the origin of synthetic images in the explosion of the digital art. Surviving in the folds of an era losing points of reference - not by proliferation orgiastic Michel Fourcade for want of sense but confronts of significations- himself to these “simple” forms, often violently coloured, and this is in his work like a return to its origins. «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 For this new plastic language is made less of impersonal forms than of symbolic figures rich in colours and light. 11 At the verge of the beauty and threat ( these may be said there: claritas (Joyce says, after Saint images are both delightfully full and desperately Thomas, that claritas is linked to the third quality of empty), it produces a cruel increase of transparency, beauty: “ instant when the quiddity of the object, a paradoxical effect in fact, as if the translucent, like brought up to incandescence, reaches the the indecisive, the frail and concentrated bitterness final radiation point where its essence is revealed. of brush and pencil works , even some mysticism, The object suddenly becomes the thing it is”). came to bump into or lead to that apparent reduction of the interiority: geometrical splendor With his most recent paintings, the series of of crystal cubes the dazzled atoms (or balls) of “Bob” and “Laura Palmer”, Michel Fourcade which we are made of are irretrievably prisoners. plunges more into the intimacy of the image: bodies and faces which show their vulnerability for a better exploration of their own physical limits. Too many hands, three legs and split bodies or divided in two appear suddenly as if to bring the sensibility to open and eros to enlarge his mysteries to the psychic space. Tormenting mannerism of an entangled fragmentation of gestures and attitudes which provokes the same distraction in what is shown and in the one who watches. An as ironical could be distance the also, aesthetically embarrassment of the one who just sees a sadomasochist session and would choose to concentrate on the range of forms more than on and their gaining transformation pleasure from it. Desire, pleasure, suffering, emotion are here plastically questioned. One could name perversion of expressionism that stubbornness on which the eye stumbles and speaks of represention more «untitled» drawing on paper 40 x 29 inches / 100 x75 cm 2011 than figuration. Re-figuration? Provided we can say also that what disturbs in these chimeras of a selfgeneration of bodies is the fragmentation of the identity itself, ours like the ones of the represented The wreck of the human who became an object ? subjects. What remains of the identity (of the painter, Under this simplicity of too neat an image, it is of the model) when the subjectivity explodes? Less sufficient to watch the paintings and the drawings than ever does Fourcade paint the univocity of of Michel Fourcade, to guess that he has not finished reality but its ambiguity. He paints the end of the exploring our dark nucleus: Eros is still there, at illusion of a possible continuity, not as the cubists the joint of forms he caresses with his winged foot. did in multiplying the points of view, but in fixing on But in this new space (brief concussion of a digital a sole body the fantastical multiplicity that inhabits constructivism against the slow revelation of the painting), what plays between the ambiguity of ancient art and the pure (and brief) idea of the new, us, that divides us or sometimes increases us. 12 He paints our subjectivity that overflows and breaks. He paints as much the implication of the reality and the imagination as what If there is still an art in the trans or post-humanity that comes , it will owe something to the epiphanies caused here by Michel Fourcade. undetermines it and breaks. We are in the time, in this self-control special to the painting, more Jean-Paul Chavent November 2012 than in a succession, privilege of the cinema which he gets inspiration from, sometimes (fade in - fade out). We are facing the recomposition of transfigured instants and moved by a lyrical gesture, but as often with Fourcade, lyricism is impeded by some polymorphous brutality , some colours too pure, vivacious, hot or aggressive which immediately break the figurative belief. By remodeling the structures of the representation to the benefit of the sole painting, converting the dissymmetry into law, breaking the unusual transplants, the observer re-invents the subject which appears suddenly to us from the inside. Like a movie from Lynch the initial analogies are deduced from the successive interpretations and make something between dream and reality appear, very different from what we believed to know or had believed to see. But the analogy stops there: the cinema of Lynch invites to decipher, while the paintings of Michel Fourcade offer immediately, as if the tangle of gestures , their direct connexion between two instants were the outcome of these tearings of sense in an only mental flash. A world separated into two spaces not joined with the movie maker, one block of evidence with nothing left , with the painter. In both cases, screen or canvas, a place of erotic initiation where in surface as in depth, the visible and the invisible appear which are, via the beauty, always a little monstrous, our road to the two faces of the world. Neither symbolism in these paintings nor taste for the strange, but a real and worrying strangeness in the appearance of a wild eros generating himself and literally under our eyes. «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 13 painting «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2013 14 painting «SawMill» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2013 15 painting «Laura Palmer» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 16 painting «untitled» oil and acrylic on canvas 24 x24 inches / 60 x 60 cm 2012 «untitled» oil and acrylic on canvas 24 x24 inches / 60 x 60 cm 2012 17 painting «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 18 painting «ChelseaBalls» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2013 «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 19 Saintetés clandestines Michel Fourcade est, avant tout, un coloriste d’exception. Très arbitrairement, c’est-à-dire selon ma seule expérience subjective de spectateur, je placerais son travail sous l’invocation de trois artistes : Francis Bacon, Edward Hopper, et Yayoi Kusama. Le choix n’étant d’ailleurs pas seulement fait en vertu du caprice dilettante, ni pour rendre l’hommage dû à Michel en le plaçant aux côtés d’artistes de son rang, ni même pour réellement le comparer à aucun de ces trois artistes pris isolément. C’est par l’entrecroisement des trois références que je voudrais que nous arrivions à toucher du doigt, non ce que Michel devrait à ces trois-là, ou aussi bien à d’autres, mais l’absolu de sa singularité d’artiste. C’est donc par commodité critique et discursive ; qu’on veuille bien me le pardonner. Bacon, pour l’intensité du travail coloriste. Hopper, pour l’hyperréalisme. Kusama, pour l’omniprésence troublante des « pois ». Ou des billes. Ou des boules. par Mehdi Belhaj Kacem Disons, pour dissiper toute accusation de complaisance amicale, qu’il y a une incontestable vulgarité dans le panel motivique de Michel, du moins une moitié de ce panel. C’est pourquoi, et ce n’est pas davantage pour complaire, il faut mettre le mot entre guillemets : cette « vulgarité » est, justement, le motif de la bonne moitié de ces toiles, non leur traitement. Et encore : celui-ci utilise tout de même des couleurs particulièrement violentes, bien plus que chez Bacon. En elles-mêmes, ces couleurs ont souvent quelque chose de criard, quand chez Bacon elles étaient « simplement » criantes. Pourtant, le résultat atteint à quelque chose de l’harmonie convulsive de Bacon. Mais par de tout autres détours. Quelle est cette « logique de la sensation », comme disait Deleuze au sujet justement de Bacon, qui en différencie Michel tout en le faisant rejoindre l’irlandais alcoolique ? Oui, Michel est un des rares peintres (d’aucuns diraient, sarcastiquement : des rares peintres, tout court, ha-ha-ha) à soutenir la comparaison, dès le premier coup d’œil, avec Bacon. Même si sa thématique paraît se rapprocher davantage de celle de l’ennemi le plus intime de Bacon, Lucian Freud (pour l’hyperréalisme, nous y venons), le fait est que cette thématique soit attaquée par les moyens, comme disait Artaud, de la pure « peinture peinte » (au sujet non fortuit de cet autre immense coloriste qu’était Van Gogh : « peintre qui n’est rien que peintre », ce sont les mots exacts et évidemment transposables à Michel), c’est-à-dire de la couleur pure. L’embarras pourtant m’a immédiatement saisi à cette évocation, pourtant irrésistible, quand je fus à l’appartement de Michel, entouré de toutes ces toiles. L’embarras ne tenait pas tant, comme on le croit sur le moment, à la psychologie de la comparaison (« quand même, comment peux-tu comparer ton ami Michel au grraaand Bacon ? ») ; immergé dans la puissance immédiate de sa peinture, il me fallait du recul pour dégager la raison profonde de l’embarras. «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 20 Je n’ai pas placé ce dernier adjectif par frivolité anecdotique. Je tiens à dire en passant que Michel ne boit pas une goutte d’alcool, ni ne consomme de drogues. Il n’en a pas, il n’en a plus besoin. L’effet quasi psychédélique de ses toiles, sa violence hallucinatoire, nous disent quelque chose de précis sur le glissement d’époque qui s’est opéré, de Bacon à lui. Pour tout dire, ces toiles créent quelque chose comme un psychédélisme de la quotidienneté. Et ce n’est pas Michel qui, par afféterie d’artiste, «psychédéliserait» le quotidien. La vérité qu’atteignent ses peintures, c’est que c’est le quotidien lui-même qui est devenu, depuis… depuis combien, au fait ? vingt, trente ans ? Psychédélique. Si les couleurs sont si violentes, évoquant justement le registre criard du psychédélisme des années soixante et soixante-dix, c’est qu’il n’est absolument plus besoin de consommer des drogues pour que la réalité explose, à tout instant, d’une violence émotive, d’un viol nerveux perpétuel, dont les couleurs sont celles du vieux « psychédélisme ». Celui-ci, nous le savons à travers Huxley, Leary et surtout Burroughs, n’était pas une échappée dans quelque arrière-monde. Chez Burroughs plus que chez quiconque, les expériences psychotropiques des années de la « libération » eurent la lucidité de diagnostiquer, -nous dirons plus loin pourquoi et surtout comment-, que ces drogues ne nous donnaient pas accès à un monde « meilleur », ni même « autre », mais bien au nôtre, tel qu’en lui-même, simplement intensifié, jusqu’aux limites du supportable. Pour ceux, et quoique la plupart de ceux qui en ont fait l’expérience ne voudraient pour rien au… monde ne pas l’avoir faite, ils savent aussi bien que cette intensification n’est pas forcément un gain. Elle était une installation définitive dans une violence perceptuelle constante. Or, ce monde, ce n’était pas le monde « de la drogue », c’était le monde qui venait. Ce que Burroughs a compris. Et ce dont, aujourd’hui, la peinture de Fourcade, Michel du prénom, nous tient quitte : le malentendu « contemporain » (disons, pour aller d’un seul adjectif et éluder « l’art contemporain » : « houellebecquien ») consiste à dire que la réalité est devenue sordide, sinistre, dépressivement terne et monocordement ennuyeuse, etc. Mais on prend ici le résultat (la dépression démocratisée, l’évidement affectuel) pour ce qui la cause : la réalité elle-même. Et celleci n’a rien de terne, d’ennuyeux, d’immédiatement dépressif en elle-même. Elle est au contraire constamment agitée, convulsive, obligatoirement « passionnante » : psychédélique objectivement. Voilà ce que la peinture de Michel, et c’est le trait « hopperien », nous fait quasi littéralement toucher du doigt. Tout, des expériences « élitistes » des artistes d’antan, s’est banalisé. « La beauté sera convulsive ou ne sera pas » : le bon Breton avait prophétisé un peu trop juste. Comme toute prophétie exaucée, le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur du fantasme qui en ouatait les contours. Et cela, une fois de plus, non en mode « houellebecquien » : les traits vaporeux du rêve se dissipant pour faire place à des contours crus ; les couleurs éclatantes par un délavé généralisé de réveil chargé. Non : les contours, après coup, sont en excès, définitivement perdus et brouillés ; les couleurs, encore plus agressives que dans le trip, assignées à résidence flashy. «Anthony Braxton» drawing on paper 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2011 21 Que faire après l’orgie ? demandait Baudrillard au sortir de la grande période de « libération » sixties-seventies. C’était la période de transition, les années quatre-vingt, qui fait place au monde qui s’est définitivement installé : le psychédélisme obligatoire, omniprésent, éternisé. La question étant bien plutôt, celle que la peinture de Michel, la seule à ce point, pose : que faire dans l’orgie perpétuelle ? Que faire dans la vitesse de libération permanente à quoi sont soumis les corps et leurs sensations ? Comme chez Freud et Bacon du reste, il y a une « christologie » évidente dans la peinture de Michel. Mais c’est une christologie démocratisée. L’épreuve de l’extrême que firent, pendant près de deux siècles, tous les artistes dignes de ce nom, désormais est le lot commun. D’où la « vulgarité » motivique, qui ne puise plus ses causes dans l’instinct contre-culturel qui en fit tant attaquer le bon goût de la culture bourgeoise par le mauvais, ni par le chantage déflationniste plus récent de la postmodernité (trafic de clins d’œil d’initiés d’un côté, apagogie cynique de la « transfiguration du banal », de l’autre). Mais par la nécessité de rendre raison de ce qu’est devenue cette épreuve de l’extrême. En d’autres termes, il n’est pas jusqu’à ce que Bataille désignait comme « expérience-limite », avec un héroïsme d’époque qui l’exceptait encore, et terrorisait le monde des lettres, qui ne soit devenue celle de tous. Cette expérience, anti-hégélienne, désignait la montée aux extrêmes de l’individu désœuvré, arrivé après l’accomplissement de l’Histoire par le travail et le progrès, et qui n’avait plus qu’à se prélasser jusqu’à la fin des temps dans le luxe, le plaisir et le jeu. Somme toute, nous y sommes, quand bien même la majorité de l’humanité, hors la muraille impitoyable que dresse contre elle l’occident, n’y accéderait pour l’instant pas. Elle demeure dans l’enfer hégélien, qui pourrait bien s’avérer, en notre regard, être un paradis de dignité ; et nous nous tenons dans le « paradis » de Bataille, qui n’eut jamais le manque de lucidité de le distinguer de l’enfer. Un jour, j’ai dit à un ami commun, Jean-Paul Chavent comme par hasard, au sujet du film Les valseuses de Blier, qu’il s’agissait de « mai 68, vu par les beaufs ». Le fait que Fourcade partage la thématique de Blier n’en fait pas moins qu’il n’y a rien de plus éloigné de son univers que sa peinture, quand on regarde au résultat. Car au bout du rendu intensif, par la couleur, de l’expérience des limites banalisée, et donc de ce que je n’appelais que par provision sa « vulgarité », se dégage de toutes ces peintures une certaine sainteté -non celle du peintre directement, mais celle de ses modèles, ce qui ne laisse pas, par discrétion et abnégation, de redoubler celle de l’artiste, mais comme clandestinement-. Des saintetés clandestines, voilà peut-être ce qu’il nous faut. «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 22 Quand ce sont les paysages urbains et non plus les corps qui sont enregistrés dans leur dislocation interne, subjective-objective, ce « convulsivisme » de la ville elle-même que l’image filmée ou photographiée ne capture jamais, alors, on dirait des églises et des abbayes modernes. Celles où nous célébrons chaque jour, sans rien faire qu’exister, le triomphe et de Bataille et de Breton, comme on célébra si longtemps Paul ou Augustin : partout la beauté est devenu convulsive, partout la religion est celle de l’excès. Le vingtième siècle spirituel et artistique a, en somme, triomphé à plates coutures. «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 Nous n’avons rien eu d’autre qu’une involution, qu’un court-circuit foireux du « sens de l’Histoire », et quant à la panacée bataillienne qui était censée nous en délivrer initiatiquement, elle s’est révélée au contraire être le seul antidote de l’homme et de la femme « moyens » (cela dit sans la moindre connotation péjorative), non pas à l’accomplissement du sens de l’Histoire, mais à sa banqueroute totale : son rétroactif n’avoirjamais-eu-sérieusement-lieu. L’expérience-limite est devenue la seule possibilité d’exister. Le résultat de sa saturation, c’est en effet un devenir-terne, dépressif : un évidement. Là-dessus le diagnostic de Houellebecq est implacable. Mais ce n’est qu’un diagnostic postfestum : quelque chose de hors-champ. De même qu’il n’y rien de tel, pour se guérir d’une bonne cuite, qu’une nouvelle cuite, de même, l’homme contemporain se guérit de l’excès par l’excès : sa dépression endémique n’est qu’un interstice entre deux convulsions routinières. Tout ceci était, bien entendu, déjà chez Baudelaire, qu’on aura nommé de moins en moins à tort le « créateur de la modernité » : s’installer dans l’excès de tous les sens comme dans une seconde nature (« littéralement et en tous sens », ajoutera son plus génial disciple) ; et, après, rêver du sommeil, de la dépression atone, de l’inertie, comme d’un inaccessible havre de paix, auquel ne donne accès de manière stable, fort logiquement, que la mort. Voilà ce que le talent de Houellebecq nous cache encore : il y a un confort, chez lui à peine dissimulé, mais déloyalement inavoué, du dépressif. Celui-ci n’est qu’une furtive oasis entre deux convulsions calcinantes : qui vit dans l’enfer permanent des sensations exacerbées, trouve au purgatoire des aires de paradis. Plutôt la mort que la vie, quand la vie devient en perpétuelle surabondance sensitive sur elle-même. C’est pourquoi, dans les toiles de l’autre Michel, il n’y a pas de mépris, de dérision, de rabaissement du pathétique que vivent ses personnages (comme chez le Houellebecq du nom). Pas non plus de glorification, d’hagiographie négative (comme on la devine encore, justement, chez Bacon). Une très paradoxale sobriété de la transe standardisée. Un simple enregistrement de ce qui se passe : l’expérience-limite à portée de tous. Il y a une justesse de ces tableaux quant à cette christologie du banal, ou cette banalisation de l’excès. Comme chez Bacon, et à vrai dire beaucoup plus que chez lui, les toiles enregistrent la dignité de la déchéance, quand elle est devenue, dans le sillage impronostique de Bataille, la seule façon d’être pour la femme et l’homme contemporains. 23 C’est pourquoi aussi Michel, l’autre que le romancier, fait constamment référence au plus « baconien » (avec Dario Argento), si l’on veut, de nos cinéastes : David Lynch. Celui-ci n’est pas, comme on le dit communément, un cinéaste de l’étrange, du fantastique, du paranormal, de l’arrière-monde, etc. Ou plutôt, il l’est, mais réalistement. Quand le déréglé est devenu la règle, les personnages surlignent tous les traits de leur normalité : les rites inamovibles de la cuisine ou du café, l’obsession de l’hygiène et de la ponctualité, l’âme constamment sommée de se montrer tirée à quatre épingles. Daney disait que tout cinéma était réaliste. Et ainsi en va-til de Lynch. Le monde convulsif, hallucinatoire, délirant, obscurément mystique, schizophrène, qu’il décrit, se trouve simplement être devenu le monde « normal » (attendu que, dans la piété puritaine comme dans l’excès orgiaque, il n’y a de norme que normative, « seconde nature », pour l’humain), banal, quotidien. Et le deviendra implacablement de plus en plus. «Bob from Twin Peaks» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 C’est pourquoi il est un cinéaste beaucoup plus réaliste que l’intégralité du misérabilisme « d’auteur » courant en France. Ces cinéastes, comme tant d’écrivains ou d’artistes du terroir, ne placent tout simplement pas la Misère assez haut, ou assez bas. Elle est infiniment plus terrifiante que ce qu’ils en disent. L’expérience intérieure de cette Misère ne ressemble à rien de ce qu’ils en décrivent –pour faire encore signe à Bataille-. Intérieurement comme extérieurement, ce monde n’est pas celui d’un purgatoire gris et ennuyeux. Il s’agit bien d’un enfer, et Lynch, pas plus que Fourcade, n’esthétisent de quelque façon cet enfer. Ils le montrent simplement tel qu’il est (et, esthétique, il l’est entre autres, héritant de toute l’histoire de l’art, sur le mode d’un grossissement outrancier, et parodique). On n’y devient pas si facilement dépressif parce qu’il ne se passe rien, mais bien parce qu’on n’a jamais le temps de s’y ennuyer : d’échapper à la convulsion sexuelle incessante, aux dédoublements baroques de personnalité, à l’effritement souffreteux de toute intériorité, que rendent les distorsions fourcadiennes de tous les traits « extérieurs » (comme, pour le coup, chez Bacon, bien au-delà de Picasso et Braque). Ce monde a un nom, désarmant de simplicité : la technologie. Celle-ci est toute proche de rendre toute drogue, toute « expérience limite » privée et initiatique, tout retranchement aristocratique de l’excès et de l’extase, caduques. Tout le monde aura très bientôt, a déjà dans une vaste mesure, accès à ce monde extatique, présenté toujours comme paradisiaque, et pavant l’enfer d’une beauté convulsive obligatoire. Baudrillard encore, que Fourcade ne se cache pas d’avoir lu, aura été le Baudelaire sardonique de ce tournant : il parlait nommément du monde de l’extase obligatoire. La pornographie comme extase du sexe, les stupéfiants comme dopants extatiques de l’émotif, le sport comme extase de l’effort physique, etc. C’est où la comparaison avec Bacon doit être encore poursuivie de quelques pas, pour la faire tourner court et qu’éclate la singularité de Fourcade dans son époque (« sa vie, son œuvre » disait un des grands critiques d’art de notre temps). 24 Et par le détour de nos deux autres évocations. Hopper, d’abord. L’évidence s’en impose dans l’autre moitié du panel motivique de ces toiles que la « baconienne » (l’orgie, la convulsion, le supplice : nous y venons). A savoir la « paysagéité » urbaine. Mais, là encore, avec une violence qui déplace celle de la glaciation hopperienne. On pourrait dire, cédant à la facilité facétieuse : Fourcade, c’est du Hopper décongelé ; Hopper, du Fourcade surgelé. Au-delà de la potacherie, là encore, il ne s’agit pas de l’inspiration idiosyncrasique sublime de l’artiste, mais de la nécessité à laquelle se soumet son époque : cela fait longtemps que, grâce au travail de Derrida sur la spectralité, où l’on puiserait plus d’une application au travail de Michel, nous savons avec Shakespeare que « the time is (definitely) out of joint ». Mais on y ajoutera un lemme aussi discret que secrètement ravageur : « the space(s) is (are) out of joint ». L’exacerbation méta-pornographique de tous les sens, devenue la norme, c’est les contours mêmes de l’urbanité et du domestique, dont l’inquiétante étrangeté, chez Hopper, ressortait encore de l’incongruité transitoire que constituait leur traditionnelle étanchéité. Elle, devient chez Fourcade une pure et simple dissolution : soit par la dissolution des contours, le cas échant dans la petite transe du subjectif, soit par l’exacerbation des couleurs, soit par les deux. Le brouillage du public et du privé, caractéristique de la civilisation de l’orgiaque à ciel ouvert, s’objective plus qu’à son tour. Hopper, pour préparer à Fourcade ? J’ose. Oui, ce que les tableaux de Hopper promettaient, Fourcade le donne. Et ce n’est pas un cadeau. Ni de l’un ni de l’autre. Ce sont deux enregistrements cliniques. Nous comprenons ce qu’avaient d’effarant, dans leur calme même, les tableaux de Hopper, grâce à ceux de Fourcade : nous nous disions, sans le savoir : comment tout cela peut-il encore demeurer aussi calme, aussi confiné, aussi inerte, aussi privé ? Comment ces scènes domestiques ineptes, ces paysages ruraux triviaux, ces maisons lambda, ces gares anonymes, etc., font-elles pour être aussi normales ? La légendaire atonie hopperienne se saisit d’un monde en voie de disparition, un glissement tectonique derrière l’immobilité de tout, où c’est tout ce qu’il y avait de plus normal qui est en train de devenir fantastique. Sur les tableaux de Hopper plane une apocalypse latente, qui les éclaire de leur vraie lumière, et dans le rétroviseur mental donne à son travail la valeur d’un immense déterrement archéologique anticipé : un monde bientôt enseveli, sous un cataclysme banal. C’est de ce dernier, et peut-être de manière, elle aussi, anticipativement commémorative, que la peinture de Michel est le témoin capital. «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 C’est où nous croisons, pour finir, la troisième « comparaison » : l’une des plus grandes, et longtemps sous-estimée, de nos « artistes contemporaines » (cette expression si décidément horrible) : Yayoi Kusama. Pour la vision, le « convulsionnisme », l’hallucinatoire objectivé, bien sûr ; mais surtout pour ce « déplacement » que Michel fait subir à ce clin d’œil (conscient ou inconscient, peu importe : je redis que ces comparaisons sont là par commodité critique) à la japonaise, cette « signature » des tableaux de Michel, dont il fit aussi des performances étrangement proches de celles de Kusama. 25 On sait que celle-ci a eu, dès l’âge de huit ans, la vision permanente de petits pois omniprésents, au point de se voir elle-même comme un petit pois perdu dans un monde de petit pois, ce qui nous valut à la longue certaines des installations les plus puissantes de tout « l’art contemporain » (re-sic). Quand elle était jeune, elle participa (sans autorisation) à la biennale de Venise 1966 en déversant 1500 boules multicolores dans les légendaires canaux de la ville. installation of polyester cube 31 x 31 x 31 inches / 80 x 80 x 80 cm each 2011 In front of the Island of Berder, Gulf of Morbihan Or, Michel a fait de même (mais : au cylindre contenant les boules près) dans une rivière, elle, située en pleine nature (et on pressent que là est le sens de la question que je lui adresse, indirectement, ici). Et très précisément, la « signature » de ces cylindres transparents de petits pois dans tous ses tableaux (ou presque), souligne ce qui le différencie, et désormais d’un abîme, d’un Bacon : il y a encore chez ce dernier, au fond, une sorte de naturalisme du supplice. Bacon ne s’interroge pas encore sur ce qui fait de l’homme et lui seul le Sujet de la convulsion endogène. Lisons au hasard, sur Wikipédia, un commentaire typique de ceux qu’inspire l’irlandais : « Ces corps ramassés à l’extrême, tordus et écrabouillés, musculeux, disloqués, ravagés, ces distorsions crispées, ces contractures paroxystiques, ces poses quasi acrobatiques, sont d’abord signes de fulgurances nerveuses et d’un emportement furieux, presque athlétique, plus somatiques que psychologiques de la mystérieuse animalité d’anthropoïde solitaire et désolée qui est en chaque homme. » Fort juste, fort bien, -et du reste presque sans modification transposable à Fourcade-. J’ai bien dit : presque, un presque où tout se joue. Car la question qu’on ne se pose à ce sujet jamais, et que ne se posait pas encore Bacon, est simple : qu’est-ce qui dilacère le « Corps sans Organes » -le corps de l’affect- de l’animalité dite anthropologique ? L’époque de Bacon fut la dernière où la réponse pouvait encore ne pas s’imposer sans réplique, et c’est tout l’abîme qui sépare la peinture de Fourcade de la sienne. Les drogues, l’alcool, et bien évidemment la peinture, et aussi le clou qui plante un tableau ou un Christ, ne sont eux-mêmes autres que des productions technologiques. C’est pourquoi la technologie machinique finit toujours, je dis bien toujours, par objectiver les visions « subjectives » de la drogue : la chimie distorsionniste des drogues se convertit, quelques décennies plus tard, en mécanique disloquée de l’excès journalier. Toutes les boucles se bouclent, et c’est peut-être l’indice secret des omniprésents petits pois « kusamesques ». C’est la technologie et elle seule qui dilacère notre affectualité animale de l’intérieur : l’homme est l’animal traumatisé, et non pas seulement « suprématisé », par la Science. Tel est le sujet de ce modeste texte, et tel est l’unique sujet du « convulsivisme » de Fourcade, qui le différencie décisivement de ces trois arbitraires prédécesseurs. Last but not least, la « Nature morte » en découd avec le père de la peinture moderne, Cézanne, qui vaut preuve. L’habituel sac cubique de billes est là pour nous souligner –ou surlignerl’évidence : il ne s’agit pas ici de faire du militantisme « bio », mais la coloration des fruits nous montre que, si la production « transgénique » de l’alimentation végétale ne se peut peindre, dans une ascèse intérieure fidèle à Cézanne, qu’aux couleurs du psychédélisme, c’est que l’outrance technologique obligatoire qui nous met l’âme en charpie est un transgénisme psychique, tandis que le transgénique est un psychédélisme organique. 26 Pour finir, et tandis que j’achève ce texte, je reçois la dernière toile de Michel, Chelsealdorléans. Le courage se distingue de la témérité en ce qu’il touche à une vérité. L’embarras tout transitoire que d’avoir à écrire sur un ami ( même si nous ne nous sommes rencontrés que trois fois ! ) est effacé par la vérité qui s’impose à la fin. Je défie quiconque de dénier que ce tableau ne constitue un chef-d’œuvre absolu. La peinture est morte ? Vive la peinture. Mais, Michel, pourquoi cette disparition des billes phosphorescentes ?... Mehdi Belhaj Kacem Janvier 2013 «Through the Looking Glass» 2012 Video projection 18 mn (video capture) 27 painting «help! Marbles come back!» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2013 28 painting «This is not a bondage, it’s just a painting on canvas» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2013 29 painting «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 30 photography «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 31 photography «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 32 photography «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 «Woolworth» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 33 photography «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 34 photography «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 35 Secret saintliness by Mehdi Belhaj Kacem Michel Fourcade is, above all, an exceptional Even if his topics seem to be similar with those colourist. Arbitrarily, that is according to my personal of Bacon’s most intimate enemy, Lucian Freud experience as a spectator, I would call upon three (because of his hyperbolic realism, we come nearer artists : Francis Bacon, Edward Hopper and Yayoi to the fact ) the fact that these topics are criticized Kusama. Moreover such a choice is not only due through the biting view of the pure « painted to the passing whim of an amateur, or to pay a painting », as Artaud would say (concerning Van tribute to Michel by ranking him among other Gogh who was the other stupendous colourist artists with the same standing, or even to compare « him with any of these three artists taken separately. the true words which obviously can be easily I would like to reach, through the crossing of these transposed to Michel) that is of pure colour. a painter who is but a painter », these are three preferences, not Michel’s debt to them, or to many others, but his remarkable aesthetic touch. Yet I was immediately confused by this Therefore it is only through the convenience of my suggestion, nevertheless irresistible, when I visited critical discourse : please, forgive me for doing so. Michel’s flat, surrounded by all these paintings. I was not troubled because of the significance of Bacon because of the intensity of his colours. Hopper because of his hyperbolic the comparison, as it is assumed first, « honestly realism. how can you compare your friend Michel Kusama because of the disturbing presence with the GREAT Bacon ? » ; absorbed in the of the peas. Or of the marbles. Or of the bowls. immediate power of his paintings, I needed to step back to understand why I was embarrassed. To deny any charge of friendly connivance, let us say that no doubt there are common crude topics in Michel’s range of paintings at least in half of them. That is why, and even more it is not to please, the word must be quoted in inverted commas : this « crudeness » is indeed the motif of at least half of these paintings, not their treatment. And still Michel uses colours which are even particularly intense, much more than Bacon’s. Viewed separately, these colours look somewhat garish, whereas in Bacon they were « just » glaring. Even so, the outcome reaches something of Bacon’s convulsive harmony. But through quite different «untitled» video capture on Dibond 40 x 40 inches / 100 x 40 cm 2011 roundabouts. What is this « logic of perception » as Gilles Deleuze used to speak about Bacon precisely, which differentiates Michel although Indeed, at first glance, Michel is one of the few artists (sarcastically some would say : one of the few painters, that’s all) to stand comparison with Bacon. it makes him agree with the drunk Irishman ? 36 I did not use this previous adjective by way (let us say, to use one adjective and dodge of a frivolous anecdote. Incidentally I do mean « contemporary art that Michel is a teetotaller and not a drug addict. « houellebecquian He does not need them any longer. The quasi saying that reality has become squalid, bleak, psychedelic effect of his paintings, his violent depressingly dull, boring and monotonous hallucinations, tell us something accurate about But here the effect (the democratic depression, the changing age that took place from Bacon the emotional void) is mistaken for the cause ; to Michel. All in all, these paintings have a kind reality itself. And in itself, the latter has nothing of psychedelic effect, specific to everyday life. dull, or boring, or instantly depressing. On the Michel is not the artist who, out of his mannerisms, contrary would inevitably exciting make everyday life psychedelic. it keeps », the neological one ») the latter consists in being restless, etc. convulsive, : psychedelic, objectively. The truth reached by his paintings is that everyday life itself has become psychedelic for how many years in fact ? Twenty ? Thirty ? If his colours are so violent, rightly calling up the garish style of the psychedelism of the sixties and of the seventies, it is because there is no longer a need for drugs to make reality explode anytime in the outburst of an emotional violence, of a never-ending nervous rape, whose colours are those of the old « psychedelism ». We do know that this one, through Huxley, Leary and above all Burroughs, is not an escape into some daydreaming world. With Burroughs, more than with anyone, the psychotropic experiences of the age of « Women’s lib » were perspicuous enough to diagnose, we’ll see later on why and above all how, these drugs did not provide us with an access to a « better » or even «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 « another » world, but to our world, as it really exists, simply intensified, within the limits of what is tolerable. This is what Michel’s paintings with their Hopper typical feature, makes us touch almost literally. Since the elitist experiments of the artists of days For those who did experience this other world, gone by, everything has become common. although most of them would not have missed it at « Beauty shall be convulsive or it will not exist » good any price, they do know that this intensification is not old André Breton’s prophecy was a bit too short. inevitably an advantage. It meant to settle down for Like all fulfilled prophecies, the result is not quite good in the continuous violence of perception. Yet up to the phantasm that blanketed its outlines. this world was not that of « drug », it was the world And once more, this is not « the houellebecquian that was coming. This is what Burroughs understood. style » : the hazy features of the dream melting away to give way to garish outlines ; the faded Our debt of the contemporary misunderstanding is paid off by Fourcade’s paintings, named Michel global outlook of the world when waking up drunk. 37 Afterwards the outlines exceed not draw its origins from the counter cultural limits, permanently lost and blurred ; even more instinct which challenged the good taste of the aggressive than in the trip, under arrest, as it were, middle-class culture through the bad one, nor flashy. through the more recent deflationary blackmail Absolutely not. What is to be done after orgy ? Jean Baudrillard of postmodern art (the trading of winks between would ask at the end of the great age of initiates on the one hand, and the cynical « Women’s lib » in the sixties-seventies. It was an illustration transforming the commonplace on age of transition, the eighties, giving way to the the other hand). But through the necessary world that has set up permanently : the inevitable, account of what this trial of extremes has become. omnipresent, immortalized psychedelism. In other words, even what Georges Bataille named the « borderline experience » in a heroic age which still made him an exception, and which terrified the literary world, has become the practice of everyone. This anti-Hegel experience preferred to the rise to the extremes of the idle individual, successful after the accomplishment of history through work and progress, and who has nothing else to do but lounging in luxury, pleasures and gambling. When all is said and done, we have made it, even though the majority of humanity would not reach it at the moment, kept outside the merciless wall that the West puts up against this superior number of mankind. These people still remain in the hell of Hegel, which could prove to be a paradise of dignity from our point of view ; and we stand in Bataille’s « paradise », who was always perspicuous enough not to make it different from hell. One day I told Jean Paul Chavent, our common friend, quite by chance, about Bertrand Blier’s «Moe! Staiano» drawing on paper 40 x 29 inches / 100 x75 cm 2011 movie « the Balls » that it was about « May 68 seen by the French bastards”. The fact that Fourcade shares with Blier the same themes, Rather the point is the question asked by Michel’s nonetheless there is nothing more remote from his paintings, who is the only one to put forward : world than his paintings, when looking at the result. what is to be done in perpetual orgy ? What is to Because, at the end of the intensive depiction of be done in the speed of permanent liberation to the commonplace in the borderline experience which bodies and their sensations are subjected ? through colours and thus, of what is called, only Besides, as in Freud and Bacon, there is an obvious for the time being, his « coarseness », some kind of « christology » in Michel’s paintings. But it is a saintliness rises from all these paintings, not directly democratized christology. The trial of extremes, that the painter’s, but that of his models, which all the all artists worthy of the name suffered during almost same does not prevent, repeating that of the artist, two centuries, has become the common fate. through simplicity and self-sacrifice, but as if secretly. Hence the motif of the commonplace that does A secret saintliness, this is maybe what we need. 38 When urban landscapes, and not bodies, This is what Houellebecq’s talent still keeps hidden are recorded, broken up, in their inner life, and from us : there is some comfort in depression, subjective-objective, the « convulsive » picture of which is hardly concealed but unconfessed the town itself which is never captured in movies and unfair. or photos, then looks like modern churches and The latter, which is but the glimpse of an abbeys. The temples where everyday we sing oasis between two burning spasms, living in praises, doing nothing but existing, Bataille’s the perpetual and Breton’s joint triumph, just as Saint Paul or in purgatory Saint Augustine were celebrated for so long : Rather dying than living, when life becomes everywhere beauty has self everywhere religion is the whole, the become that twentieth of convulsive, excess. century, sensitive hell of finds in its enhanced areas of perennial sensations, paradise. profusion. On either spiritual or artistic, has triumphed thoroughly. We were given nothing else but an involution, a failed short circuit of the « meaning of history », and as for « Bataille’s panacea » which was supposed to set us free from it, as his initiates, on the contrary it turned out to be the only antidote of « common » men and women (without the least derogatory hint), not against the achievement of the meaning of history, but against its full bankruptcy : its retrospective eventthat-never-took-place-actually. This borderline experience has become the only way to exist. The outcome of the fact that it is badly congested is a gradual depressive dullness : a sense of sewage. About that, Houellebecq’s diagnosis is merciless. «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 But it is a post-festum one : something off camera. That’s why in the paintings of the other Just as nothing is better than getting drunk again Michel, there is neither contempt, nor derision, to recover from being plastered, it is the same nor disparaging of the pathos suffered by his for the contemporary man, to recover from characters (as in the Houllebecq with is surname). excess through excess : his endemic depression is Nor any extolling, nor negative hagiography nothing but a chink between two routine spasms. (as it is still guessed rightly in Bacon). A very paradoxical restraint of the standardized trance. Of course, all this was already in Baudelaire, A mere recording of what is happening : the described less and less wrongly as « the creator of borderline experience within everyone’s reach. modernity » : to settle in the excess of all senses as in a second nature, (his greatest disciple will add There is a truth in these paintings, regarding the in its literal and figurative meaning ») ; and Christian ring of the commonplace or the making then, the dream of sleep, of pathetic depression, of excess into a commonplace. As in Bacon, and of depressive lethargy, of apathy, just like some in fact, even much more, in his work, his paintings inaccessible haven of peace, only reached record the dignity of decay, when it has become, through death, in a lasting way and very logically. in Bataille’s unpredictable wake, the only way of « being for the contemporary woman and man. 39 That is why also Michel, not the novelist, This world has a name, disarmingly simple : constantly refers to the most « Baconian » of technology. This system is about to outdate our film makers with Dario Argento, if you like, every David Lynch. The latter is not a moviemaker « of the abnormal, of the fantastic, of the odd, withdrawal of the strange, etc., as it is commonly said. Or Very soon, everybody will have access, and rather he is indeed, but in a realistic way. When already to a large extent, to this ecstatic world the unruly has become the rule, the characters shown as paradisiacal, and paving hell with a highlight all the features of their ordinary identity : convulsive compulsory beauty. Baudrillard again : the permanent rites of cooking or coffee, the he was probably the sarcastic Baudelaire of this obsession with hygiene and punctuality, the mind aesthetic turn ; Michel does not keep secret the constantly summoned to look dressed up to the fact that he was one of his readers : especially nines. Serge Daney used to say that any movie he used to speak of the world of the compulsory was realistic. And it is also the case for Lynch. The ecstasy. Porn as the ecstasy of sex, drugs as the world he describes, spasmodic, raving, mystical, ecstatic doping of the emotional experience, schizophrenic, nightmarish, has simply become the sport as the ecstasy of physical effort, etc. « normal » world (since, in the puritan devotion Michel Fourcade’s remarkable singularity flashes as in the orgy of excess, the rule can only be ruling out in his time (« his life and work » as one of as man’s « second nature »). And such a world the great art critics would say in our time), exactly will be bound to become so, more and more. where the comparison with Bacon must be carried drug, every private or initiate borderline experience », any aristocratic in excess and ecstasy. on further, to make it short. And through the cause That is why Lynch is a film maker much more of our two references. Hopper, first. Obviously it is realistic than the whole French school of « authors » essential in the other half of his paintings with its who sordid range of « Bacon’s motifs » (the orgy, convulsion, aspects of life. These film makers like so many torture, we get to the point) : namely « the native writers and artists do not simply put Poverty landscaped city ». But, again, with a violence high enough or low enough. It is much more that commonly concentrate on the is beyond Hopper’s ice-cold pictures. awful than what they tell about it. The inner experience of this Poverty is by no means similar to what they describe – again a nod to Bataille. Inwardly and outwardly, this world is not that of a dull, grey purgatory. Indeed it is a hell, and Lynch, no more than Fourcade, does not try to make it « aesthetic » in any way. They just show it as it is (and it is indeed aesthetic, among other things, inheriting the whole history of art, in the style of an extreme and parodical exaggeration). One does not so easily suffer from depression because nothing happens, but because one never has the leisure to be bored in it : to escape from the ceaseless sexual climax, the baroque split of the dual self, the sickly crumbling of any inward experience, conveyed by Michel Fourcade’s distortions of all the « outward » features ( and so, as in Bacon, far beyond Picasso’s and Braque’s). «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 40 One could say, going into a flash of wit : Hopper to prepare us to Michel Fourcade? If Fourcade means an unfrozen Hopper ; Hopper I may say so. Indeed, what Hopper’s paintings implies deep-frozen Fourcade. Beyond the teen- promised, Fourcade gives it. And it is not a gift. age joke, again, the joint is not the artist’s sublime Neither from the former nor from the latter. They are idiosyncrasy of his inspiration, but the inevitable two clinical records. Thanks to Fourcade’s paintings doom weighing on his times : we do know with we understand how Hopper’s were stunning, in Shakespeare that « the time is definitely out of their very stillness ; we felt, unwittingly : how can joint », a long time ago – thanks to Derrida’s all this remain so quiet, so shut up, so lifeless, so books on « the looming spectres » out of which private ? All these stupid domestic scenes, these could be drawn many ideas applied to Michel. crude rural landscapes, these common houses, But a clause will be added, as unassuming as secretly these anonymous railway stations, etc., what have devastating « the space(s) is (are) out of joint ». they got to be so ordinary ? Hopper’s legendary lifeless worldview seizes a vanishing world, a tectonic landslide behind a motionless global landscape, where all that was nothing more natural is becoming fantastic. A potential apocalypse hangs over Hopper’s paintings, and it clears them up in their true light, and, in our psychic driving mirror, they give his work the value of a forecast archeological boundless uprooting buried under a : a world soon to be commonplace cataclysm. Michel’s paintings are the essential witness of the latter, and may be in the same prophetic, memorial way. Here, in the end, we come across a third « comparison », one of the greatest «contemporary «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 artists» : Yayoi Kusama, who had long been underestimated (this hack phrase so horrible, really). Because of the vision, the «convulsive», the The meta-porn exacerbation of all senses, once hallucination, made objective, of course ; but, it has become the rule, is to be found in the above all, because of the « transfer » that Michel very urban and home outlines, whose disturbing operates (consciously or unconsciously, again I say strangeness, in Hopper, still resulted from their that these comparisons are here out of a critic’s transient unseemly appearance made up with convenience), in the Japanese way, this « signature » their traditional watertight essence, becomes of in Fourcade a pure and simple disintegration : out achievements strangely close to Kusama’s. either through the dissolving of outlines, if need be, in the short trance of the subject, or through the exacerbation of colours, or through both. The blurring of private and public life, the characteristic of the open-air orgiastic civilization becomes objective rather unduly. Michel’s paintings, with which he carried 41 We know that when she was eight, she was Drugs, drinking, and of course, painting, and obsessed by the permanent vision of ubiquitous also the nail hammered into a canvass or a peas, so much so that she could see herself as a Christ, are only different from technical products. small pea lost in the world of peas, which eventually brought us some of the most powerful artefacts That is why engineering eventually, and I say of all the contemporary art (sic again). When almost always, makes the «subjective» visions of she was young, she took part in the 1966 biennal drug addicts objective : the disfeaturing alchemy event in Venice (unauthorized) by dumping 1500 of drugs is being converted into the broken up multicoloured balls into the legendary canals of mechanism of daily excess, a few decades later. the city. And Michel did the same (but apart Everything loops the loop, it may be the secret from the cylinder filled with the balls) into a river, sign of Kusama’s ubiquitous peas. It is technology, situated right in the middle of nature (and one and it is the only one, that tears to pieces our guesses that it is the meaning of the question beastly emotions from the inside : man is a beast I ask him, here, indirectly). And very precisely, traumatized and not only made « superior » by the signature of these transparent cylinders filled science. Such is the topic of this unpretentious with peas in about all his paintings, emphasizes account, and such is the only topic of Fourcade’s what makes him different from Bacon’s : from «convulsive art», which makes him decisively now on, different from his three peremptory predecessors. a chasm between them eventually, there is in the latter a kind of naturalism in torture. Bacon does not question what makes man only the subject of the endogenous convulsion. At random, let us read in Wikipedia a commentary typical of those inspired by the Irishman « these bodies extremely crouched, crooked, crushed, brawny, broken up, harrowed, strained and distorted, these paroxysms and spasms, these nearly acrobatic postures, are first signs of nervous flashes and of a furious anger, almost athletic, more somatic than psychic, of the mysterious beastly presence of the solitary distressed anthropoid animal which is in every man. » Quite right, quite well. Besides, almost without making an alteration it is quite transposable to Fourcade : I did say, almost, the whole point is in the almost. Because the question which is never asked, and which was not yet asked by Bacon, is simple : what is the fact that tears to pieces the « Body without organs » , the body of the emotional psyche, of the beast known as anthropological ? Bacon’s time was the last one when the answer could still be asserted without arguing, and it is the chasm between Fourcade’s paintings and his canvasses. «untitled» oil and acrylic on canvas 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 42 Last but not least, Cezanne is the very proof that the «Still Life » fights with the father of modern painting. The usual cubic bag of balls is there for us to emphasize, or to highlight, this obvious fact : the question is not whether to fight for the « organic » militancy, but the colour of the fruits shows us that, if the «transgenic » production of the organic food can only be painted, in an inward asceticism faithful to Cezanne, through the colours of the psychedelic experience, it is because the technical compulsory excess which tears our mind to pieces is a psychic transgenic condition, whereas the transgenic is but an organic psychedelic state. While I am reaching the end of this review, I receive Michel’s last painting, « Chelsealdorléans ». Courage can be distinguished from recklessness, because it concerns some truth. The fact that one has to write about a friend (even if we met only three times) makes you feel embarrassed a while, and it is indeed dispelled by the truth which eventually asserts itself. I defy anyone to deny that this painting is an absolute masterpiece. Is painting dead ? Long live painting. But, Michel, why have these luminous balls disappeared ?... Mehdi Belhaj Kacem January 2013 «untitled» photograph on Dibond 40 x 40 inches / 100 x100 cm 2012 43 installation «Ice cup ping-pong» video projection on the «Pont Valentré» Cahors 98 x 22 feet / 30m x 7m 2010 44 installation installation of polyester cube with table-tennis balls 31 x 31 x 31 inches / 80 x 80 x 80 cm each 2011 Marais de la Grande Brière towards Saint-Nazaire «Through the Looking Glass» 2012 Video projection 18 mn (video capture) 45 Institut Saint-Luc à Tournai, Belgique. Ecole des Beaux Arts Lille. 1981-1983, New York, 1989 Londres, 1991 Madrid Some exhibitions / Quelques expositions : Rencontres d’art contemporain Cahors 2007, 2010, 2012 “Grands Jeux” Grande Halle de la Villette, Paris, 2005 Galerie Le Garage / Art contemporain Toulouse 2004 Galerie Tiny Factory Toulouse 1998, 2000, 2005, 2011 L’Athanor Scène Nationale d’Albi 2004 “L’art sur place” Jardin Raymond IV Toulouse 2003, 2008 “Figures, Figures” Ministère des transports Paris 2002 Astrium / Matra Toulouse 2002 Le Salon Reçoit Toulouse 1994, 1998, 2005, 2010 Les Olivetains, Saint Bertrand de Comminges 1997 Galerie Agora Marseille 1996 Ecole des Beaux Arts de Paris, 1995 A. R. P. A. C. Fondation Henri-Michel Morat Montpellier 1988, 1993 A.B. Condon gallery West Broadway New York 1993 Musée Goya, Castres 1992 Galerie Pierre Lescot Paris 1992, 1998 Galerie Jacques Donguy Bordeaux, Paris, 1980, 1995 Palais des Arts Toulouse, 1991 La Tête d’Obsidienne La Seyne sur Mer 1991 Le Duc des Lombards et Le New Morning, Paris 1991 Espace Fortant De France, Sète, 1990, 1999 Galerie Beau Lézard Sète / Paris 1990, 1998 Galerie Impératif Présent Toulouse 1988 Galerie Solertis Toulouse 1988 Fondation Lila Acheson Wallace, New York, Paris 1986 Espace Croix Baragnon Toulouse 1987 Galerie Axe Actuel ( Axe Sud ) Toulouse, 1986 “A Corps écrits” Bonlieu Scène Nationale Annecy 1984 Musée d’Angoulême 1983 Musée de Lille 1983, 1993 Tours Narbonnaises Carcassonne 1983 «Lieu d’artistes» Biennale de Paris Centre G. Pompidou, 1982 Musée de Brive 1983 Galerie Le Mur Elastique, Toulouse 1983 Fond d’art contemporain du Limousin, 1982, 2000 Palais des Papes Avignon 1982, 1998 Le Parvis Tarbes, 1982 Galerie Alinéa Toulon 1980 La Mostra du Larzac 1980, 1987 Artwork Michel Fourcade O c 2013 Michel Fourcade Translation : «Claritas» : Graham Long «Secret saintliness» : Pierre Besses www.michel-fourcade.com / [email protected] Éditions «Les rencontres d’Art Contemporain » www.lesrencontresdartcontemporain.com Ce catalogue n’aurait pas pu exister en l’état sans l’amicale intervention de Jean-Paul Chavent, Mehdi Belhaj Kacem, Pierre Besses, Graham Long Thierry Balesdens, Jackie Pannetier, et Alain Munier, qu’ils soient ici chaleureusement remerciés. This catalog would not have existed as it is without the friendly participation of Jean-Paul Chavent, Mehdi Belhaj Kacem, Pierre Besses, Graham Long Thierry Balesdens, Jackie Pannetier, and Alain Munier, that’s why I send them my warmest thanks. «the torero of lounge» «le torero de salon» photograph on Dibond 100 x130 cm 2011