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Jacques NGUYEN THAI SON
Diplomate et Président d’Interface Francophone.
LA MER DE CHINE DU SUD - BIENDONG :
LA MÈRE DES CONFLITS DU FUTUR OU DES
OPPORTUNITÉS DE COOPÉRATION DANS LA PAIX ?
■ Depuis quelques années, surtout depuis 2008, la mer de chine du sud, en Vietnamien Biendong
(MCS-BD) connaît des troubles sérieux, opposant la RPC montante et plutôt agressive d’un côté
et les pays membres de l’ASEAN- Association des Nations de l’Asie du Sud-est et les États-Unis,
l’Inde, Le Japon et l’Australie entre autres. D’aucuns prédisent un affrontement inéluctable entre
ces deux blocs avec la MCS – BD transformée en mère des conflits du futur (cf Robert.D Kaplan,
Foreign Policy, Oct 2011 et Hillary Clinton : Asia-Pacific : America’s Pacific Century, op cit Nov
2011).
Apparemment ; les risques sont réels et la tension palpable. Cependant, je persiste à penser que
la Pax Americana, bien que quelque peu malmenée, durera et sera ajustée au rapport des forces
sur place pour y englober la Chine, devenue entre-temps un partenaire plus mature, confiant,
sage et responsable d’un système de sécurité collective encore manquant à ce jour mais dont
les bases ont été jetées par les pays membres de l’ASEAN. Ainsi, les riverains de la MCS-BD et
même de l’espace indo-pacifique pourraient s’épanouir sous la haute protection d’une sorte de
Pax Indo-Pacifica et la MCS–BD pourrait devenir la Mère de toutes les opportunités de coopération fructueuse.
Since some years but especially since 2008, the South China Sea – Biendong ( SCS – BD) in Viet
language, has been troubled by serious conflicts opposing a rising and rather aggressive People’s Republic
of China (PRC) on one side against ASEAN (Association of South East Asian Nations) and the USA,
India, Japan and Australia inter alia. Many specialists venture that these two blocks would become
unavoidably confronted, with MCS-BD becoming the Mother of future conflicts (cf Robert D. Kaplan:
The South China Sea is the future of Conflicts, Foreign Policy N° Oct 2011 and Hillary Clinton: AsiaPacific: America’s Pacific Century, op cit Nov 2011).
Apparently, the risk is real and the tension is tangible. However, I persist in thinking that the Pax
Americana, although somewhat poorly hampered, shall last and be adjusted to, aiming to include
China who has become in the meantime a more mature, confident, wise and responsible partner
towards a collective security system that to this day is being missed but whose bases have already been
set by the countries who are ASEAN members. Thus, the MCS-BD neighbors and even those of the
Indo-Pacific region could then become the Mother of fruitful cooperation opportunities.
■
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‫‪La mer de Chine du Sud - Biendong ‬‬
‫‪GÉOSTRATÉGIQUES N° 33 • 4e TRIMESTRE 2011‬‬
‫■ ﭼﻨﺪ ﺳﺎﻟﯽ ﺍﺳﺖ‪ ،‬ﻣﺨﺼﻮﺻ ًﺎ ﺍﺯ ﺳﺎﻝ ‪ ،2008‬ﺩﺭﻳﺎی ﺟﻨﻮﺑﯽ ﭼﻴﻦ‪ ،‬ﺑﻪ ﺯﺑﺎﻥ ﻭﻳﺘﻨﺎﻣﯽ ﺑﻴﻨﺪﻭﻧﮓ‬
‫)ﺩﺭﻳﺎی ﺟﻨﻮﺑﯽ ﭼﻴﻦ‪ -‬ﺑﻴﻨﺪﻭﻧﮓ(‪ ،‬ﺩﺭﮔﻴﺮ ﻣﺸﮑﻼﺕ ﺟﺪی ﺍﺳﺖ؛ ﺟﻤﻬﻮﺭی ﺧﻠﻖ ﭼﻴﻦ‪ ،‬ﮐﺸﻮﺭی ﺩﺭ ﺣﺎﻝ‬
‫ﺗﻮﺳﻌﻪ ﺭﺍ‪،‬ﺑﺎ ﺟﻨﺎﺣﯽ ﺑﻴﺸﺘﺮ ﺗﻬﺎﺟﻤﯽ‪ ،‬ﺩﺭ ﻣﻘﺎﺑﻞ ﮐﺸﻮﺭﻫﺎی ﻋﻀﻮ ﺁ‪.‬ﺳﻪ‪.‬ﺁﻥ‪ -‬ﺍﺗﺤﺎﺩﻳﻪ ﮐﺸﻮﺭﻫﺎی ﻣﻨﻄﻘﻪ‬
‫ﺟﻨﻮﺏ ﺷﺮﻗﯽ ﺁﺳﻴﺎ‪ -‬ﻭ ﺍﻳﺎﻻﺕ ﻣﺘﺤﺪﻩ ﺍﻣﺮﻳﮑﺎ‪ ،‬ﻫﻨﺪ‪ ،‬ژﺍﭘﻦ ﻭ ﺍﺳﺘﺮﺍﻟﻴﺎ ﻗﺮﺍﺭ ﺩﺍﺩﻩ ﺍﺳﺖ‪ .‬ﻫﻴﭻ ﻳﮏ‬
‫ﺭﻭﺩﺭﺭﻭﻳﯽ ﺍﺟﺘﻨﺎﺏ ﻧﺎﭘﺬﻳﺮ ﺑﻴﻦ ﺍﻳﻦ ﺩﻭ ﺑﻠﻮک ﺭﺍ ﺑﺮ ﺳﺮ ﺩﺭﻳﺎی ﺟﻨﻮﺑﯽ ﭼﻴﻦ‪ -‬ﺑﻴﻨﺪﻭﻧﮓ ﮐﻪ ﺑﻪ ﺩﺭﻳﺎی‬
‫ﮐﺸﻤﮑﺶ ﻫﺎی ﺁﻳﻨﺪﻩ ﺗﺒﺪﻳﻞ ﺷﺪﻩ ﺍﺳﺖ‪ ،‬ﭘﻴﺶ ﺑﻴﻨﯽ ﻧﻤﯽ ﮐﻨﻨﺪ ‪(cf Robert.D Kaplan, Foreign‬‬
‫‪Policy, Oct 2011 et Hillary Clinton : Asia-Pacific :America’s Pacific‬‬
‫)‪Century, op cit Nov 2011‬‬
‫ﻇﺎﻫﺮًﺍ ﺧﻄﺮ ﺟﺪی ﻭ ﺗﻨﺶ ﻫﺎ ﺁﺷﮑﺎﺭ ﺍﺳﺖ‪ .‬ﺑﺎ ﻭﺟﻮﺩ ﺍﻳﻦ‪ ،‬ﻣﻦ ﻫﻨﻮﺯ ﻓﮑﺮ ﻣﯽ ﮐﻨﻢ ﮐﻪ ﺻﻠﺢ ﺍﻣﺮﻳﮑﺎﻳﯽ‪،‬‬
‫ﮔﺮﭼﻪ ﺍﻧﺪﮐﯽ ﺑﺎ ﺁﻥ ﺑﺪ ﺭﻓﺘﺎﺭ ﺷﺪﻩ‪ ،‬ﺍﺩﺍﻣﻪ ﺧﻮﺍﻫﺪ ﻳﺎﻓﺖ ﻭ ﺑﺮﭘﺎﻳﮥ ﻧﻴﺮﻭﻫﺎی ﺩﺭ ﻣﺤﻞ ﺗﻨﻈﻴﻢ ﺧﻮﺍﻫﺪ ﺷﺪ؛ ﺍﺯ‬
‫ﺟﻤﻠﻪ ﺍﻳﻦ ﻧﻴﺮﻭﻫﺎ ﭼﻴﻦ ﺍﺳﺖ ﮐﻪ ﺩﺭ ﺍﻳﻦ ﻓﺎﺻﻠﻪ ﺷﺮﻳﮑﯽ ﭘﺨﺘﻪ ﺗﺮ‪ ،‬ﻣﻌﺘﻤﺪ‪ ،‬ﻋﺎﻗﻞ ﻭ ﻣﺴﺌﻮﻝ ﺳﻴﺴﺘﻢ ﺍﻣﻨﻴﺖ‬
‫ﺟﻤﻌﯽ ﺍﺳﺖ‪ ،‬ﺳﻴﺴﺘﻤﯽ ﮐﻪ ﻫﻨﻮﺯ ﻭﺟﻮﺩ ﺧﺎﺭﺟﯽ ﻧﺪﺍﺭﺩ ﺍﻣﺎ ﭘﺎﻳﻪ ﻫﺎی ﺁﻥ ﺭﺍ ﮐﺸﻮﺭﻫﺎی ﻋﻀﻮ ﺁ‪.‬ﺳﻪ‪.‬ﺁﻥ‬
‫ﭼﻴﺪﻩ ﺍﻧﺪ‪ .‬ﺑﻪ ﺍﻳﻦ ﺗﺮﺗﻴﺐ‪ ،‬ﮐﺸﻮﺭﻫﺎی ﺣﺎﺷﻴﻪ ﺩﺭﻳﺎی ﺟﻨﻮﺑﯽ ﭼﻴﻦ‪ -‬ﺑﻴﻨﺪﻭﻧﮓ ﻭ ﺣﺘﯽ ﻣﻨﻄﻘﮥ ﺑﻴﻦ‬
‫ﺩﻭﺍﻗﻴﺎﻧﻮﺱ »ﻫﻨﺪ ــ ﺁﺭﺍﻡ « ﻣﯽ ﺗﻮﺍﻧﻨﺪ ﺗﺤﺖ ﺣﻤﺎﻳﺖ ﻧﻮﻋﯽ »ﺻﻠﺢ ﻫﻨﺪ‪-‬ﺁﺭﺍﻡ «ﺷﮑﻮﻓﺎ ﺷﻮﻧﺪ ﻭ ﺩﺭﻳﺎی‬
‫ﺟﻨﻮﺑﯽ ﭼﻴﻦ‪ -‬ﺑﻴﻨﺪﻭﻧﮓ ﺁﻓﺮﻳﻨﻨﺪﻩ ﻓﺮﺻﺖ ﻫﺎی ﻫﻤﮑﺎﺭی ﺁﻳﻨﺪﻩ ﺷﻮﺩ‪.‬‬
‫■ ﻓﻲ ﺍﻟﺴﻨﻮﺍﺕ ﺍﻻﺧﻴﺮﺓ‪ ،‬ﺧﺼﻮﺻﺎ ﻣﻨﺪ ﻋﺎﻡ ‪ 2008‬ﻭ ﺑﺤﺮ ﺍﻟﺼﻴﻦ ﺍﻟﺠﻨﻮﺑﻲ ‪ ،‬ﺑﺎﻟﻔﻴﺘﻨﺎﻣﻲ ﺑﻴﻴﻦ ﺩﻭﻧﻎ‬
‫‪،‬ﻳﻌﺮﻑ ﺍﺿﻄﺮﺍﺑﺎﺕ ﺧﻄﻴﺮﺓ ﺑﻴﻦ ﺟﻤﻬﻮﺭﻳﺔ ﺍﻟﺼﻴﻦ ﺍﻟﺸﻌﺒﻴﺔ ﻋﺪﻭﺍﻧﻴﺔ ﻣﻦ ﺍﺟﺎﻧﺐ ﻭ ﺑﻠﺪﺍﻥ ﺭﺍﺑﻄﺔ ﺩﻭﻝ‬
‫ﺟﻨﻮﺏ ﺷﺮﻕ ﺁﺳﻴﺎ ‪ ،‬ﺍﻟﻮﻻﻳﺎﺕ ﺍﻟﻤﺘﺤﺪﺓ ‪ ،‬ﺍﻟﻬﻨﺪ ﻭ ﺍﻟﻴﺎﺑﺎﻥ ﻭ ﺃﺳﺘﺮﺍﻟﻴﺎ‪ .‬ﻳﺘﻮﻗﻊ ﺍﻟﺒﻌﺾ ﺻﺪﺍﻡ ﺣﺘﻤﻲ ﺑﻴﻦ‬
‫ﻫﺎﺗﻴﻦ ﺍﻟﻜﺘﻠﺘﻴﻦ ﺣﻴﺚ ﺗﺘﺤﻮﻝ ﺑﻴﻴﻦ ﺩﻭﻧﻎ ﺍﻟﻰ ﺍﻟﺒﺤﺮ ﺍﻟﻨﺰﻋﺎﺕ ﺍﻟﻤﺴﺘﻘﺒﻠﻴﺔ )ﺍﻧﻈﺮ ﺭﻭﺑﺮﺕ ﻛﺎﺑﻼﻥ ‪ ،‬ﺍﻟﺴﻴﺎﺳﺔ‬
‫ﺍﻟﺨﺎﺭﺟﻴﺔ‪ ،‬ﺃﻛﺘﻮﺑﺮ ‪ .2011‬ﻫﻴﻼﺭﻱ ﻛﻠﻴﻨﺘﻮﻥ‪ ،‬ﺁﺳﻴﺎ ﻭﺍﻟﻤﺤﻴﻂ ﺍﻟﻬﺎﺩﺉ ‪ :‬ﺃﻣﻴﺮﻛﺎ ﻭ ﻗﺮﻥ ﺍﻟﻤﺤﻴﻂ ﺍﻟﻬﺎﺩﺉ‪،‬‬
‫‪.(2011‬‬
‫ﻋﻠﻰ ﻣﺎ ﻳﺒﺪﻭ‪ ،‬ﻓﺄﻥ ﺍﻟﻤﺨﺎﻃﺮ ﺣﻘﻴﻘﻴﺔ ﻭ ﺍﻟﺘﻮﺗﺮ ﻭﺍﺿﺢ‪ .‬ﻭﻣﻊ ﺫﻟﻚ ‪ ،‬ﻣﺎ ﺯﻟﺖ ﺃﻋﺘﻘﺪ ﺃﻥ ﺑﺎﻛﺲ ﺃﻣﺮﻳﻜﺎﻧﺎ ﺳﻮﻑ‬
‫ﺗﺴﺘﻤﺮ ﻭﺳﻮﻑ ﻳﺘﻢ ﺗﻌﺪﻳﻠﻬﺎ ﻟﻤﻴﺰﺍﻥ ﺍﻟﻘﻮﻯ ﻟﺘﺸﻤﻞ ﺍﻟﺼﻴﻦ‪ ،‬ﻓﻲ ﻏﻀﻮﻥ ﺫﻟﻚ ﺗﺼﺒﺢ ﺷﺮﻳﻜﺎ ﺃﻛﺜﺮ ﻧﻀﺠﺎ‪،‬‬
‫ﻭﺍﺛﻖ ‪ ،‬ﺣﻜﻴﻢ ﻭﻣﺴﺆﻭﻝ ﺩﺍﺧﻞ ﻧﻈﺎﻡ ﺍﻷﻣﻦ ﺍﻟﺠﻤﺎﻋﻲ ﻏﻴﺮ ﻣﻮﺟﻮﺩ ﺣﺎﻟﻴﺎ ﻟﻜﻦ ﺍﺳﺴﻪ ﻗﺪ ﻭﺿﻌﺖ ﻣﻦ ﻃﺮﻑ‬
‫ﺭﺍﺑﻄﺔ ﺍﻻﺳﻴﺎﻥ‪ .‬ﻭﻳﻤﻜﻦ ﺑﺎﻟﺘﺎﻟﻲ‪ ،‬ﻣﻦ ﺳﻜﺎﻥ ﺍﻟﻤﻨﻄﻘﺔ ﻭﺣﺘﻰ ﺳﻜﺎﻥ ﻣﻨﻄﻘﺔ ﺍﻟﻤﺤﻴﻄﻴﻦ ﺍﻟﻬﻨﺪﻱ ﻭ ﺍﻟﻬﺎﺩﺉ ﺍﻥ‬
‫ﻳﺴﺘﻤﺘﻌﻮﺍ ﺑﺴﻠﻢ ﻫﻨﺪﻱ ﻫﺎﺩﺉ ﺣﻴﺚ ﺗﻤﻜﻦ ﻫﺪﻩ ﺍﻟﻤﻨﻄﻘﺔ ﻣﻦ ﺍﻥ ﺗﺼﺒﺢ ﺑﺤﺮ ﻣﺘﺎﺡ ﻟﻜﻞ ﻓﺮﺹ ﺍﻟﺘﻌﺎﻭﻥ‬
‫ﺍﻟﻨﺎﺟﺢ‪.‬‬
‫‪Mer de Chine du Sud-Biendong : importance stratégique majeure‬‬
‫‪Tout le monde s’accorde à reconnaître l’intérêt géostratégique primor‬‬‫‪dial de cette mer non seulement pour l’Asie du Sud Est mais pour tout le Pacifique‬‬
‫‪occidental et partant, pour le monde..‬‬
‫‪D’abord c’est est une mer semi close, presque le pendant asiatique de la‬‬
‫‪Méditerranée que bordent Taiwan, la Chine au Nord (Île de Hainan) et les pays‬‬
‫‪membres de l’ASEAN au sud jusqu’à l’océan Indien. C’est la plus grande artère‬‬
‫‪maritime du monde par laquelle transitent plus de 70 % des échanges, (dont 80 %‬‬
‫‪de l’énergie) de l’Afrique et l’Europe avec l’Asie du Sud Est et de l’Est.‬‬
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La Chine à la croisée des chemins
GÉOSTRATÉGIQUES N° 33 • 4e TRIMESTRE 2011
Carte de l’Asean
Sa surface totale se chiffre à 3 500 000 km2 de Taiwan au nord jusqu’à Singapore
au sud. De surcroît, elle est très poissonneuse et riche en ressources minérales et
surtout de pétrole dont les réserves prouvées sont évaluées à 7 milliards de barils
(réserves estimées : 28 milliards de barils) et de gaz naturel dont les réserves sont
estimées à 266 milliards de m3.
Certains stratèges avancent l’idée que le pays qui maîtriserait cette mer contrôlerait le Pacifique occidental et l’Asie et partant le monde ! Un exemple récent
semble confirmer l’importance de cette mer : en 1940, pour maîtriser l’Asie et en
interdire l’accès à la marine américaine, le Japon a occupé Taiwan, l’Indochine, les
Philippines et Singapour et l’Indonésie, pays bordant la MCS-BD pour contrôler
celle-ci et ses matières premières abondantes.
L’origine de la tension et des hostilites en MCS-BD : la montée de la chine
et son expansionnisme
La MCS-BD était relativement calme jusqu’en 2008 quand la Pax Americana
semblait suffire à en assurer la sécurité, la stabilité et la paix, bénéfique au développement de toute la région y compris la RPC et l’Asean.
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La mer de Chine du Sud - Biendong GÉOSTRATÉGIQUES N° 33 • 4e TRIMESTRE 2011
La Chine semblait s’en accommoder plutôt bien. Par le passé, les dynasties
chinoises y attachaient peu d’importance et encore moins aux 2 archipels des Paracels
au large de Danang (ex Tourane) et des Spratlys, à l’est du centre Vietnam, au large
de Qui Nhon ; Nha Trang et Vung Tau (Cap Saint Jacques) à plus de 1200 kms au
sud de la RPC. Aucune carte officielle chinoise de cette époque ne les mentionnait
ni les portait sur le territoire de l’Empire du Milieu. A partir de 1949, Mao Tze
Toung commençait à en saisir leur grand intérêt stratégique mais n’en faisait pas
grand cas sur le plan diplomatique international faute de moyens. Néanmoins, en
1956, profitant du retrait de la France de l’Indochine ; Pékin occupa militairement
quelques îlots des Paracels orientaux et fit de même en Février 1974 pour occuper les
îlots des Paracels occidentaux suite à une bataille navale sanglante contre la marine
sud vietnamienne, profitant du désengagement américain du Viêtnam à partir de
1973. En 1988, profitant de l’isolement diplomatique du Vietnam et de la faiblesse
de sa marine, la Chine fit usage de la force brutale pour chasser les forces vietnamiennes de quelques îlots de l’archipel des Spratlys dont Hanoi réclame depuis le
xvie siècle la souveraineté, fort de ses droits historiques et de l’exploitation continue.
Or à partir de 2008, surtout en 2009 et jusqu’à présent la RPC varie, selon sa
technique « Da da, dam dam » bien connue (combat et pourparlers en alternance),
entre l’intimidation, voire la provocation et la menace et l’apaisement à l’encontre
de l’Asean, plus particulièrement des Philippines et du Vietnam, les 2 pays les plus
concernés et résistants.
La RPC, de son côté a réclamé en 2009 la souveraineté sur 80 % de la MCSBD en se prévalant des « droits historiques de découverte » remontant aux empires
centraux des Han (iie siècle avant J.C), Ming et Qing (du xve – xixe siècles) sans
aucun respect pour le droit international en la matière, notamment la Convention
de l’ONU UNCLOS de 1982 que Pékin lui même avait ratifié et la preuve de l’occupation et de l’exploitation continues. Elle cherche depuis à imposer son ambition
territoriale par la force de sa flotte grandissante et par des pratiques peu orthodoxes
telles la publicité tous azimuts donnée à la fameuse « langue de bœuf cartographique « composée de 9 neuf lignes discontinues formant un U descendant de
l’île Hainan jusqu’en Indonésie et occupant pratiquement 80% de la surface de la
MCS-BD !? C’est comme si un jour l’Italie (Rome) déciderait que la Méditerranée
redevienne sa Mare Nostrum -un lac italien- sous prétexte qu’il y a plus de 2000 ans
les Romains contrôlaient cette mer !
La tension monta crescendo en 2010 lorsque Pékin chercha à intimer aux nations de l’ASEAN et à la communauté internationale, en particulier les États-Unis,
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La Chine à la croisée des chemins
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le Japon, l’Inde et l’Australie que la MCS-BD et les 2 archipels qu’elle renferme
relèvent de son intérêt national (core interest) au même titre que le Tibet et Taiwan ?
Des réactions, plus ou moins violentes fusèrent de la part des pays membres
de l’ASEAN mais la réplique cinglante arriva vite de la part des États-Unis dans la
seconde moitié de 2010 par le truchement d’une déclaration claire et musclée de
la Secrétaire d’État pour les Affaires étrangères Hillary Clinton à Hanoi au cours
d’une conférence sur la sécurité régionale organisée par l’ASEAN à savoir que l’intérêt national des USA consiste à assurer la libre navigation et entreprise économiques
en MCS-BD, dans le respect du droit international et à veiller à ce que les conflits
y soient réglés par des négociations multilatérales, libres de toute utilisation et/ou
menace d’utilisation de la force.
Le ministre des Affaires chinois en fut furieux, sortit de la salle et n’y revint
qu’une heure après pour dénoncer l’attaque américaine contre son pays ! La RPC
s sur
aura donc été prévenue ! Et l’année 2010 fut sans doute son « annus horribilis »
le plan diplomatique. Tout le crédit soft powerr que Pékin avait réussi à engranger
patiemment en 20 ans auprès de ses voisins asiatiques grâce à sa politique de profil
bas « tao guang yang hui » s’envola en fumée, générant la suspicion et la méfiance
non seulement de ses voisins de l’ASEAN mais aussi et surtout des grands états tels
les États-Unis, le Japon, l’Inde, l’Australie voire la Russie, pourtant membre fondateur avec la RPC de l’alliance O.C.S (Organisation de Coopération de Shanghai,
le « NATO de l’Orient » ?)
Certains spécialistes de la Chine avancent l’explication de ce dysfonctionnement de la diplomatie chinoise par l’existence de 2 écoles 4: celle de l’expansion
vers l’ouest Sijin soutenue par le « prince rouge » le Général Liu Yazhou et celle de
l’ouverture forcée vers l’est proposée principalement par les généraux de l’aviation
et les amiraux et soutenue par les milieux d’affaires et ultra-nationalistes.
De surcroît, la diplomatie chinoise navigue péniblement parmi une multitude
de décideurs allant des apparatchikii du PCC jusqu’aux dirigeants de provinces importantes sur la côte orientale et sud-orientale en passant par les titulaires de ministères stratégiques comme ceux de l’énergie et du commerce extérieur.
Or s’agirait il tout simplement de cette fameuse pratique des dirigeants de Pékin
des règles plurimillénaires du Suntseu Bingfa (l’Art de la guerre, ve siècle avant J.C :
variations et camouflages pour semer la confusion et le trouble chez l’adversaire
pour mieux le battre par surprise) et du jeu de Go (souplesse et rapidité dans le
mouvement pour coller à l’adversaire) ?
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En dernière analyse, je suis enclin à penser que les dirigeants de Pékin sont divisés entre 2 tendances : les durs, soutenus par les dogmatiques du PCC et les ultranationalistes ainsi que par le complexe militaro industriel (l’Aviation et la Marine)
et les industries minières et pétrolières qui veulent profiter de l’avantage momentané de la RPC en MCS-BD pour tenter d’ en occuper le terrain avant que les
Américains ne réussissent à y redéployer leurs forces et mettre en place leur système
de défense et d’encerclement de concert avec leurs alliés (Japon, Australie, Corée,
Australie, Thaïlande) et leurs partenaires plus ou moins stratégiques tels que l’Inde,
l’Indonésie, Singapour et le Vietnam5.
L’instrument tactique de la stratégie chinoise est d’inventer de toutes pièces leur
souveraineté « historique » sur 80% de la MCS-BD, y/c les 2 archipels Paracels et
Spratleys sous la forme de cette « langue de bœuf » pour semer la confusion et le
trouble dans l’opinion et espérer de la sorte d’arriver à obtenir in fine un gros morceau du gâteau sous la menace de leur marine infiniment plus puissante que celles
des pays membres de l’ASEAN. C’est aussi leur argument massue à l’égard de l’opinion chinoise et des responsables de l’économie chinoise dévoreuse d’énergie et de
matières premières dont, proclament-ils, la MCS-BD recèle des quantités énormes.
La seconde tendance, composée grosso modo des modérés du PCC, des milieux diplomatiques, intellectuels et des affaires liés à l’Occident est plus sensée car
mieux informée soutient plutôt une politique de concertation et de coopération
avec l’Occident dans l’attente de l’achèvement des 4 modernisations. Les partisans
de la politique look west Sijin ((la marche vers l’ouest) en font partie naturellement.
Ces 2 tendances se sont livrées mi-octobre une lutte féroce dans les colonnes du
Global Times, l’édition en anglais du Journal du peuple, organe du PCC. Pékin a
laissé faire, soit par pure tactique soit par manque de leviers de contrôle contre les
durs, soutenus par l’opinion que la propagande patriotique avait intoxiquée à un
haut degré jugé dangereux pour la stabilité du pays et la paix.
Durant tout l’été de 2011, les durs ont mené en MCS-BD, surtout à l’encontre
des Philippines et du Vietnam, des démonstrations provocatrices de force navale,
des harcèlements répétés et planifiés contre les pêcheurs et les bateaux d’exploration
sismique pétrolière à tel point que les philippins ont réagi avec vigueur et appelé
aux secours leurs alliés américains tandis que les vietnamiens ont procédé à des
manœuvres navales au large des côtes du centre Vietnam à munitions réelles, à
quelques encablures des navires chinois et pas très loin des côtes chinoises !
S’ensuivirent des appels au calme de la part des États-Unis et toute une série
de rencontres géostratégiques entre les Philippins et Vietnamiens d’un côté et les
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américains, australiens, indiens et japonais de l’autre soit bilatéralement soit multilatéralement. Des rencontres de haut niveau ont eu lieu à une cadence peu connue
avant entre les responsables diplomatiques et militaires américains, Japonais, australiens et Indiens bilatéralement et multilatéralement, les uns et les autres déclarant
leur intention de renforcer leur défense et leur engagement en MCS-BD, les indiens
étant encouragés et soutenus publiquement par leurs partenaires à sortir de l’océan
Indien pour renforcer r leur engagement en Asean et MCS-BD. Dès mi octobre
2011, les indiens ont passé à l’action en invitant en visites d’état les Présidents du
Myanmar et du Vietnam au cour desquelles le premier Ministre Indien a confirmé
solennellement la grande détermination de son gouvernement de mettre en œuvre
avec vigueur sa politique Look Eastt (Regarder à l’Est) publiquement encouragée
et soutenue par les américains et leurs alliées australiens et japonais. Fait d’une
importance majeure : L’inde soutient fermement l’engagement de la Société d’industrie pétrolière d’état ONGC auprès de son partenaire Vietnamien PetroVietnam
malgré les protestations et menaces officielles du gouvernement de Pékin, relayées
largement par les organes de presse du PCC et du gouvernement (Le journal du
peuple et Global Times entre autres). Le Japon avait soutenu en Septembre 2011
la décision indienne.
La marine Indienne avait auparavant ignoré avec le flegme britannique qu’on
lui reconnaît l’avertissement radio émis par un navire de guerre chinois enjoignant
à un de ses navires en visite dans les ports vietnamiens d’avoir à s’identifier et de
quitter les « eaux chinoises » ? Alors que ce navire se trouvait en eaux territoriales
vietnamiennes au retour du Vietnam !
Du côté birman, soutenu et encouragé par l’Inde, son partenaire traditionnel, le
nouveau Président (ex général) Thein Sein s’est permis de prendre ses distances avec
la RPC en arrêtant, sur recommandation des défenseurs de l’environnement mais
défiant la menace chinoise, un méga projet de construction de centrale hydraulique
de plusieurs USD milliards dont le contrat avait été remporté par une entreprise
chinoise. Il a déclaré que pour son pays l’Inde compte autant que la Chine !
Les Philippins sont les plus résistants face aux menaces chinoises, allant jusqu’à
appeler au secours l’allié américain tout en achetant des navires et armes de celui-ci
et d’ailleurs pour renforcer leur capacité de défense.
Une vraie course à l’armement avait été d’ailleurs déclenchée en Asie en général
et plus spécialement dans les pays de l’ASEAN face à la menace militaire chinoise de
plus en plus réelle et précise. Le Vietnam est devenu le plus gros client de l’industrie
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russe des armements en 209-2011, avec des livraisons accélérées de navires de
guerre, de sous-marins de la classe kilo, des chasseurs Su 27 et Su30, des systèmes
de missiles de défense côtière Bastion du dernier cri…L’Indonésie, la Malaisie et
Singapour ont fait pareil pour moderniser leurs forces armées.
La RPC, depuis l’été 2011 se trouve isolée et fortement fragilisée diplomatiquement en Asie du Sud Est face à une alliance de fait fondée à l’initiative des américains pour la contenir. Son agressivité et son ambition gourmande et injustifiée en
MSC-BD a poussé les pays de l’ASEAN dans les bras de l’oncle Sam, qui à grands
coups de proclamations et de visites de toutes sortes et tous azimuts réitère sa ferme
détermination de se réengager pour longtemps en Asie Pacifique devenue la priorité
des États-Unis. Ceux-ci y ont dépêché déjà 60 % de ses forces navales et y enverront
davantage de GI’s et de marines dans un proche avenir car le Président Obama va
retirer les troupes américaine d’Irak d’ici fin 2011 et d’Afghanistan un peu plus tard
selon ses promesses électorales sages et bien tenues.
Pour en convaincre l’opinion publique américaine les gros moyens sont utilisés
depuis le New York Times au Washington Post6. Dès le mois d’octobre la grande et
très influente Revue Foreign Policy sortit ses canons avec un long article spectaculaire : Mer de Chine Méridionale : le futur des conflits livré par un grand spécialiste
M. Robert D Kaplan. Le numéro de Novembre 2011 en est encore plus sensationnel avec un long article testament écrit par une grande Dame : Hillary Clinton,
Secrétaire d’État des États-Unis. Titre : Asia Pacific : America’s Pacific Centuryy7.
Mme Clinton y va de sa belle et patriotique plume : Les États-Unis ne sont nullement en déclin, au contraire ils ont toujours su rebondir plus haut et plus fort après
une crise car ils sont la plus grande démocratie au monde. L’Asie pacifique est le
centre de gravité de l’économie mondiale et l’Amérique y revient plus forte et plus
déterminée que jamais, grâce à sa volonté, son hard powerr doublé d’un formidable
soft powerr et grâce aussi à ses nombreux alliés, partenaires et amis asiatiques.
En un seul mot : L’Amérique est de retour en Asie, gare à ceux qui ont misé sur
le déclin des États-Unis ! La Chine est donc prévenue en clair contrairement aux
déclarations chinoises souvent sibyllines et confuses, permettant souvent le double
langage connu par les Aseaniens ! En ce moment même, 22 Octobre 2011 le nouveau Ministre de la défense américain Panetta discute avec ses collègues japonais,
coréen, indien, australien et aseanien des plans pour mieux coordonner leurs actions et moderniser leurs équipements afin d’assurer la sécurité, la stabilité et la
paix en Asie pour garantir le progrès dans la sphère indo pacifique où vivent plus
de 3 milliards d’habitants !
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Que fera la Chine ?
Son premier réflexe a été de faire venir à Pékin mi-octobre 2011 son voisin idéologique, le Parti communiste Vietnamien, jusqu’alors un allié faible et apparemment docile voire servile. Seulement, cette fois le parti frère est venu ; représenté par
un secrétaire général vieillissant et diminué, sans pouvoir réel car encadré par une
multitude de membres du Bureau politique, du Comité Central et de ministres.
Le vent a tourné ! De nombreuses manifestations patriotiques anti expansionnistes chinois avaient eu lieu à Hanoi et Saigon-Hô Chi Minh-ville tous les dimanches pendant les trois mois d’été 2011. Le parti frère vietnamien s’est vu obligé
de résister au grand frère chinois qui n’a réussi qu’à lui arracher une déclaration
de fidélité idéologique entre les 2 partis et pays plus un protocole d’accords de
principes et de discussions bilatérales pour régler les différends en MSC-BD dont
la RPC pense pouvoir se servir aux fins de diviser l’alliance naissante d’en face. Or
Hanoi a envoyé, le même jour le chef d’Etat du pays en Inde pour y sceller une
alliance débutante avec un pays qui a été son partenaire traditionnel et loyal depuis
1947 et qui, de surcroît est le rival de la Chine !
Après des fautes et échecs aussi graves, la diplomatie chinoise dispose de peu de
marge de manœuvre : pourrait-elle tenter de pousser la Corée du Nord à semer le
trouble en Asie du Nord Est ? Ses chances sont minces car la Corée du Sud et Le
Japon sont solidement soudés à côté des Etats Unis lesquels ont réussi, en plus, à
parler directement aux dirigeants coréens dont le pays souffre de la famine. La RPC
pourrait elle inciter l’Iran à perturber le Moyen Orient ? Peut être non car la Syrie,
son allié est dans une situation précaire et peu être pas très loin de l’effondrement,
la libération de la Libye et la mort du Colonel Mouammar Kadhafi aidant !
De surcroît, la RPC connait de très sérieux problèmes qui risquent de fragiliser
ce régime autoritaire dur à un moment délicat et dangereux de la passation de
témoins de l’équipe actuelle à la nouvelle d’ici 2013 : la baisse de la croissance,,
synonyme de l’augmentation du chômage , le risque d’une bulle immobilière qui
mettra à bas un secteur fort mal géré depuis toujours, le danger d’une forte crise
bancaire à cause de l’accumulation des créances douteuses, souvent des provinces,
municipalités et d’entreprises d’état mal gérées, la vive tension au Tibet et les provinces stratégiques de Gansu, Qinghai et Sichuan du Sud Ouest, habitées par de
fortes colonies tibétaines irrédentistes ; suite à une série d’immolations par le feu
des moines tibétains ; des troubles chroniques violents au Sinjiang et des émeutes
probables, non moins violentes en Mongolie intérieure…
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La RPC devra donc changer de politique et faire le gros dos pour laisser passer
les temps difficiles comme elle a en l’habitude depuis 1949. Pour mieux rebondir,
espère-t-elle ! Mais cette fois ci, les États-Unis, superpuissance résiliente car démocratique, sont de retour pour rester, avec de surcroît le soutien chaleureux de
ses alliés, partenaires, amis et clients ! Alors que la RPC n’est encore qu’une puissance régionale, jeune, peu expérimentée, maladroite et malhabile, encore instable
et contestée et rivalisée par ses voisins tels que le japon et l’Inde et probablement la
Russie qui attend son heure. Ses forces armées sont faibles et techniquement loin
derrière l’armée américaine, de l’aveu même de ses chefs militaires tels que l’amiral
Yang Yi8.
La Chine fera donc très vraisemblablement amende honorable en recherchant
l’apaisement avec notamment ses voisins aseaniens, ne serait ce que pour réduire la
tension en MCS-BD et éviter que l’Amérique ne profite des conflits pour revenir
vite et en force en Asie. Ce n’est donc que pure tactique comme le veulent le jeu
de Go chinois et la règle de la patience et du camouflage enseignée par le Général
Suntseu il y a plus de 2500 ans !
Il n’y aura donc à mon avis pas de risque de conflits majeurs en Asie dans les
années à venir et la MSCS-BD redeviendra relativement calme. D’autant plus que
l’Amérique a déclaré ne pas revenir en Asie Pacifique pour dominer en seul maître
à bord car ses moyens sont momentanément plutôt limités avec la crise actuelle et
son fort endettement et en plus ses alliés, partenaires et amis asiatiques le verraient
d’un très mauvais œil.
En réalité les dirigeants américains ont dit à maintes reprises aux dirigeants
chinois leur désir de partager les responsabilités des affaires du monde avec la RPC
en tant que partenaire fiable, responsable et respectueux des normes et droits internationaux reconnus9.Or les dirigeants chinois sont membres d’un parti communiste aux dogmes anachroniques et pratiquent souvent une politique trop sinocentrique, confuse et irresponsable et souvent illisible pour leurs amis et adversaires. Les américains essaieront donc, à la faveur de leur retour en force en Asie, de
convaincre les chinois d’accepter des règles du jeu claires et responsables et loyales
de l’organisation de la sécurité collective
Les États-Unis sont friands des systèmes collectifs de sécurité et cela depuis
longtemps, d’abord pour les Amériques, pour l’Europe et le Proche-Moyen Orient
(NATO, CENTO…) pour le monde (La Société des Nations après la 1ère Guerre
mondiale, et l’ONU après 1945). Pour L’Asie du Sud-est, les Américains ont guidé
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pendant la guerre froide leurs alliés dans la création de l’OTASE (Organisation du
Traité de l’Asie du Sud-est), lointain pendant aseanien de l’OTAN et qui regroupe
en 1967 La Thaïlande, l’Indonésie, la Malaisie, Singapour et les Philippines). Ils ont
armé cette alliance anti communiste et l’ont aidé sur tous les plans y/c économique,
culturel et diplomatique.
Cette alliance a bien rempli son rôle et a grandi en cohésion démocratique et
maturité diplomatique pour faire à Bangkok en 1971 une déclaration pour la paix,
la zone non nucléaire et la neutralité !
Depuis cette date, a elle accepté l’adhésion de 5 autres membres moins démocratiques et développés excepté le Brunei à savoir Le Brunei, Le Vietnam, Le
Laos, le Cambodge et le Myanmar (ex Birmanie). Avec la fin de la guerre froide,
cette Association d’abord fragile car hétérogène s’est transformée en une collectivité
viable et assez dynamique et elle ambitionne de devenir une vraie Communauté
(visa commun ; marché commun, économie intégrée) d’ici 2015 ! et ensuite
d’évoluer vers le modèle de l’Union Européenne. Malgré ses lacunes et faiblesses ;
l’ASEAN a su développer lentement un système collectif de sécurité appréciable
entre ses membres.
Depuis plus de 10 ans, l’Organisation a réussi à élargir son système de sécurité
collective pour essayer d’impliquer la RPC, source de prospérité en même temps
que de troubles, de tension et de conflits en MCS-BD à cause de l’expansionnisme
chinois : Il s’agit de la DOC (Declaration of conduct of parties) signée en 2002
entre l’ASEAN d’un côté et la Chine de l’autre.
Depuis l’ASEAN tente difficilement de s’entendre avec la Chine montante
t plus contraignant afin d’éviter les
sur l’élaboration d’un COC (Code of Conduct)
conflits armés et de les résoudre le cas échéant avec la RPC menaçante en MCSBD. La Chine pour des raisons de tactique à courte vue traîne le pas et a accepté
seulement de signer l’été dernier à Bali après mult pressions de la part des américains inter alia, un texte contenant les directives pour l’application de la DOC ! On
espère à l’ASEAN que les chinois, à la faveur de la nouvelle situation consécutive
au retour en force des Etats Unis, acceptent d’avancer plus rapidement sur le COC.
Parallèlement, depuis quelques années, l’Association a mis en place d’autres structures collectives élargies telles que l’ARF (Asean Regional Forum initié en 1993
comprenant les 10 pays de l’Asean plus 16 autres pays dont la Chine, les États-Unis,
le Japon, la Russie), ASEAN + 3 (ASEAN + RPC, Japon, Corée du sud), EAS (East
Asia Summit (initié en 2005 et comprenant ASEAN+ 5 pays de l’Asie de l’Est +
Australie + USA +Russie = 18 pays).
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L’ARF et surtout depuis l’année dernière EAS avec les États-Unis comme nouveau membre semblent constituer les meilleurs forums pour que tous les pays de
l’Asie de l’Est et de l’ASEAN puissent discuter et régler, entre autres, des problèmes
de sécurité collective en concertation et avec la coopération et le soutien des grandes
puissances telles que la RPC, Les États-Unis, le japon, la Russie et l’Inde peut être
pour bientôt. Certes, ces structures, à peine rodées, ne peuvent pas encore produire
des résultats satisfaisants mais ont le mérite d’exister et de fournir l’occasion pour
apprendre à mieux s’occuper collectivement de, la sécurité commune.
On est en droit d’espérer que la présence forte et durable des États-Unis en Asie
Pacifique fournira une impulsion forte et salutaire à ces structures pour qu’enfin
avec une RPC mature, confiante, sage et donc plus responsable, un nouveau système collectif de sécurité régionale à la hauteur des enjeux soit crée avec les pays
membres de l’Asean, les États-Unis, la Chine, le Japon, la Russie, l’Inde et l’Australie… Une telle organisation sera en mesure de garantir l’équilibre, la stabilité et
la paix en MCS-BD, condition sine qua non de tout progrès. On pourrait appeler
cette organisation la Pax Pacifica qui se substituera à la Pax Americana pour le bien
des nations de l’ASEAN, de la Chine et du monde. La RPC serait rassuré d’avoir
une grande place dans la région, de par sa masse et ses performances économiques.
Cette vieille nation habituée à la centralité impériale et souvent impérialiste expansionniste devrait se contenter d’une place centrale parmi les autres nations de la
région grâce à cette organisation de la sécurité collective.
Je dirais qu’il n’y a pas de fatalité que la MCS-BD soit la mère des conflits du
futur entre la Chine et ses voisins au sud car le retour durable et en force des ÉtatsUnis en Asie Pacifique constituera un grand facteur équilibrant et donc stabilisateur
face au déséquilibre actuel engendré par l’expansionnisme incontrôlé de la RPC
grand état autoritaire montant.
A partir des structures actuelles de sécurité collective de l’ASEAN, certes encore
imparfaites car jeunes et peu rodées, un nouveau système pourra être construit
ensemble dans un contexte nouveau, plus équilibré et donc plus favorable et viable.
Les pays riverains de la MCS-BD pourront s’y épanouir pour le bonheur des nations qui sauront ainsi prospérer dans un contexte stable et sain qu’elles ont appelé
de leur vœux en 1971 à Bangkok, Thaïlande à savoir une région non nucléaire,
stable, neutre et indépendante.
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Notes
1. ASEAN est composée actuellement de 10 pays (Thaïlande, Vietnam, Myanmar, Laos,
Cambodge, Malaisie, Singapour, Indonésie, Brunei, Philippines) avec une population de plus
de 600, millions d’habitants sur une superficie de 3.5 millions de Km² et un PIB de USD
1 500 Milliards.
2. www.foreignpolicy.com/articles/2011/08/15.
3. Iris France.org
4. Jacques NGUYEN Thai Son Geo N°31 La Stratégie chinoise appliquée dans les Balkans,
pp. 223-235.
5. Richard N.Haas/WaPo Why Europe no longer matters. The Washiongton Post du 15/06/2011
www.washingtonpost.com/opinions/why-europe-no-longer-matters/2011/06/15/AG7e
CCZH_print.html
6. op. cit.
7. www.foreignpolicy.com/articles/2011/09/15.
8. Jacques NGUYEN Thai Son op.cit.
9. Conférence de presse des Présidents B.Obama et Hu Jintao à Washington 19-1-2011 Jacques
NGUYEN Thai Son, op.cit.
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