Le succès de la radiologie numérique
Transcription
Le succès de la radiologie numérique
Entretiens Louis le Grand 2005 Enseignants de Sciences Economiques et Sociales – Entreprises Lundi et mardi 29 et 30 Août 2005 « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Le succès de la radiologie numérique THALES TRIXELL Préambule Ont participé à ce travail : B. Malandrin, Enseignant en Sciences Economiques - Joué lesTours ; J.P. Huignard, Thales Research & Technology France *; J.P. Duchemin, Thales Research & Technology France *; P De Groot, Président de Trixell **; D. Vernay, Directeur Technique de Thales ***. ** TRT - RD 128, 91767 Palaiseau Cedex ***Trixell - 460 rue du Pommarin, 38430 Moirans ****Thales - 45 rue de Villiers, 92526 Neuilly sur Seine Cedex « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 2 1. RECHERCHE ET TECHNOLOGIE 1.1 THALES : Les métiers Dans les métiers de Thales, l’électronique pour la Défense, l’Aéronautique et la Sécurité, les évolutions technologiques sont rapides. L’excellence technologique de Thales est, à ce titre, une composante essentielle de sa stratégie et de son identité et l’innovation un facteur clé de succès de ses systèmes présents et futurs. Le contenu technologique des activités de Thales s’est considérablement accru ces dernières années. Le développement de technologies transverses bénéficiant des compétences et de l’expertise de l’ensemble des divisions a permis de constituer au cours du temps un socle technologique de solutions et de produits sur lequel le groupe peut aujourd’hui s’appuyer pour progresser, échanger, construire de façon fiable et durable ses solutions futures. Le développement des coopérations technologiques avec des équipes de recherche amont comme avec les fournisseurs et les clients du groupe a permis l’accroissement des compétences et un positionnement performant sur les futurs marchés. Thales est une entreprise d’environ 60 000 personnes qui déploie son activité au niveau international dans 50 pays et dont l’ensemble des ventes en 2004 est de 10.3 Milliards d’Euros. L’organisation de l’entreprise vise en priorité à développer ses compétences et favoriser la coopération entre les équipes de tous ses pays d’implantation afin de déployer sa stratégie de croissance et de compétitivité à travers le monde. Dans cette perspective de développement, les activités sont actuellement réparties en six divisions dont les chiffres d’affaires et résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous : Effectifs Chiffres d’affaires Md € Aéronautique 13 000 2.1 Systèmes aériens 7 300 1.4 Systèmes Interarmées Terre et 15 000 2.4 Naval 6 100 2 Sécurité 6 000 1.1 Services 11 000 1.1 1.2 Recherche et Innovation Dans ce contexte, l’effort de R&D doit être soutenu de façon continue. Le maintien des dépenses de Recherche et Développement à un niveau élevé dans un environnement économique parfois difficile, souligne l’importance de cette activité pour le groupe. En effet, Thales y consacre environ près de 1.9milliards d’Euros par an sur la période récente. « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 3 En millions d’Euros 2004 2003 2002 2001 2000 Dépenses totales 1850 1850 1900 1900 1800 Montants autofinancés 436 419 460 453 410 R&D autofinancés en % du total 24% 23% 24% 24% 22% Les dépenses de Recherche & Développement autofinancées par le groupe ont représenté en 2004, 4,2% du chiffre d’affaires consolidé, les dépenses totales de R&D, 17,9%. L’efficacité du dispositif de R&D est largement due à sa décentralisation, puisque les 20 000 personnes engagées dans ces activités, dont plus de 70% d’ingénieurs, sont réparties dans plus de cinquante unités dans les dix principaux pays d’implantation du groupe. Ces ingénieurs partagent, informations, conseils et pratiques efficaces, grâce à des réseaux d’échanges qui maillent le groupe dans le monde entier. L’innovation technique et technologique implique de nombreuses fonctions de l’entreprise : équipes de recherche et de développement qui conçoivent les nouveaux produits, équipes de marketing qui prévoient les besoins futurs des clients, équipes de stratégie qui définissent le positionnement de l’entreprise et préparent les accords technologiques. Plus récemment entrés dans la boucle, les clients du groupe sont de plus en plus nombreux à s’impliquer dans les choix d’innovation pour leurs futurs produits. Pour concrétiser les idées innovantes et en évaluer la pertinence, Thales a mis en place une politique et des outils destinés à développer l’interactivité entre ces différents acteurs de l’innovation. Ainsi, chaque année, une planification stratégique des technologies est élaborée au sein de chaque unité et division, avant d’être consolidée au niveau du groupe. Ce plan permet d’identifier les technologies critiques, les actions prioritaires de développement, les problématiques et les technologies communes nécessaires au développement à long terme des produits et services. Thales consacre environ 20% de ses dépenses de R&D à la préparation de l’amont des produits et systèmes futurs. Les domaines abordés sont choisis pour leur intérêt spécifique ou leur potentiel en termes de différentiation par rapport à la concurrence. Ces travaux concernent la réalisation de démonstrateurs de systèmes, d’équipements et de produits menés par les équipes des divisions et des recherches technologiques plus transverses. Les grands domaines de recherche transverse sont les suivants : Ingénierie de systèmes complexes ; Composants hyperfréquences, optique et optronique ; Architecture de calcul et outils pour la conception de logiciels ; Traitement de l’information et fusion des données ; Technologies et applications de l’Internet sécurisé : Technologies et applications pour la sécurité. Les produits et systèmes de Thales sont ensuite composés à partir de ces technologies de base et d’autres produits disponibles sur le marché. En cohérence avec les demandes de nos clients et afin de bénéficier des efforts de recherche et d’innovation de nos partenaires et fournisseurs de technologies, Thales a investi un effort important dans le cadre d’actions de normalisation internationale. Ces actions se situent soit au niveau des technologies ou au niveau des métiers, comme celui de l’avionique en particulier. Enfin, il est important pour Thales de protéger ses innovations issues de la recherche, ou son savoir-faire technologique « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 4 au travers de son service de propriété industrielle. Aujourd’hui, Thales dispose d’un portefeuille de 15 000 brevets et dépose en moyenne 250 inventions par an couvrant une grande diversité de domaines technologiques ou logiciels. Le portefeuille de brevets est utilisé pour défendre les marchés où le groupe opère lors de contentieux avec un tiers ou comme source de revenus complémentaires par cession de licences pour des applications situés lors des activités du groupe. 1.3 La coopération en matière de recherche La coopération technologique est devenue en quelques années un impératif de compétitivité pour les entreprises. Afin de bénéficier au plus vite des recherches menées en Europe et d’en accélérer le transfert vers le groupe, Thales a mis en œuvre une politique de partenariat et de mise en réseau avec les centres de recherche et d’enseignement supérieur les plus prestigieux, avec ses fournisseurs de technologies et avec certains de ses clients. Dans le cadre de coopération avec les établissements publics de recherche, des relations très privilégiées ont ainsi été nouées en France avec le CNRS, l’INRIA, le CEA, l’ONERA ou encore l’Ecole Polytechnique. Cette politique de partenariat se concrétise par le mise en commun de moyens humains et matériels dans un projet ou une plate-forme commune. Ces programmes de coopération se font en interne au groupe entre divisions ou à plus long terme avec des partenaires académiques ou dans le cadre de programmes de recherche européen. 1.4 La recherche centrale Au cœur du dispositif de recherche du groupe se trouve Thales Research & Technology (TRT), constitué de quatre entités situées en France, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et à Singapour, de laboratoires communs avec les filiales du groupe et d’un réseau de laboratoires situés dans les divisions du groupe au plus proche des activités opérationnelles. En France, l’établissement de Palaiseau (au cœur du Plateau scientifique et technologique de Saclay) accueille 340 personnes et en permanence, une quarantaine d’étudiants en thèse et une cinquantaine de chercheurs d’organismes extérieurs. Cette activité est installée depuis mai 2005 dans de nouveaux locaux situés sur le campus de l’Ecole Polytechnique. Au Royaume-Uni, l’établissement de Reading, directement lié aux grandes universités anglaises, dont Cambridge, Surrey et London Imperial College, dispose d’un potentiel de 120 personnes et d’une quinzaine de doctorants. A Singapour, une antenne de TRT comprenant 15 personnes fin 2004 a été mise en place en 2003, en collaboration étroite avec l’université technologique de Nanyang, l’agence scientifique et technologique de Défense (DSTA) et plusieurs instituts technologiques de Singapour. Les activités de TRT sont réparties suivant les axes suivants : La recherche en systèmes et composants matériels, menée essentiellement au sein de TRT France, s’intéresse à trois principaux domaines d’application : les systèmes hyperfréquences pour les radars terrestres, navals et aéroportés et les systèmes de guerre électronique, les systèmes optroniques, les systèmes pour la « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 5 sécurité des biens et des personnes tels que cartes d’identité, détection de gaz et explosifs, systèmes biométriques, sécurisation de sites, … La recherche en technologies logicielles vise, d’une part, à accroître la productivité des ingénieurs logiciels et d’autre part, à apporter des différentiateurs technologiques pour les systèmes proposés par Thales : traitement à haute performance des données et du signal ; systèmes logiciels intelligents et autonomes pour la gestion des situations critiques. 2. LE DEBUT DE L’IMAGERIE X, QUELQUES RAPPELS HISTORIQUES C’est le Professeur W. Roentgen qui observe pour la première fois, en Novembre 1895, une nouvelle radiation pénétrante produite lors d’expériences qu’il mène dans son laboratoire sur les décharges électriques dans un tube électronique à vide. Il observe le squelette de sa main sur un écran fluorescent et enregistre cette image sur une plaque photographique. Pour cette découverte fondamentale pour la médecine, il reçoit le Prix Nobel en 1901. Dès l’année suivante, des entreprises vendent des sources de rayons X, des écrans de visualisation et des générateurs électriques de haute tension. En particulier, l’une d’elles fondée par le Pr. E. Thomson est devenue Thomson-CSF puis Thales. Si l’on découvre très rapidement l’intérêt des rayons X pour le diagnostic médical, il n’existe aucune protection pour le patient et le médecin qui observe l’intérieur du corps humain puisque seuls les matériaux denses comme les os absorbent les rayons X. Cependant, on se rend compte assez rapidement que l’exposition prolongée aux rayons X conduit à des brûlures irréversibles sur le corps et à l’apparition de cancers. Les rayons X à forte dose sont donc dangereux et pour les utiliser à des fins médicales, il faut impérativement diminuer les doses reçues par le patient par des facteurs 102 à 103. Il apparaît donc très tôt le besoin de disposer d’un détecteur de rayons X de haute sensibilité et permettant d’améliorer de façon très significative, la résolution spatiale de l’image (c’est-à-dire le nombre de pixels) ainsi que son contraste. Il faut dès les débuts de la radiologie inventer de nouveaux concepts de détecteurs adaptés aux deux grands domaines suivants : La radiographie : l’image radiologique est enregistrée sur un film photographique ; La fluoroscopie : l’image est observée en temps réel sur écran scintillateur permettant de convertir le rayonnement X en rayonnement visible. Notons d’ailleurs que W. Roentgen lui-même, avait déjà identifié ces deux domaines dès ses premières expériences avec les rayons X effectuées dans son laboratoire ! « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 6 3. LES AVANCEES TECHNOLOGIQUES MAJEURES 3.1 Année 1960 : 1er saut technologique Des innovations technologiques de premier plan vont être réalisées dès le début des années 1960 grâce à l’invention par THOMSON de l’intensificateur d’images : c’est un tube électronique qui fournit un gain important sur la brillance de l’image radiologique permettant ainsi de réduire les doses reçues par le facteur 102 à 103 recherché. L’introduction du tube intensificateur constitue à cette époque un progrès déterminant pour le développement de la radiologie appliquée au domaine médical. THOMSON puis THALES devient un « leader » mondial du marché dès 1975, position qu’il conserve aujourd’hui avec 40% du marché grâce à un effort constant d’innovation. D’ailleurs, General Electric concurrent de TH-TRIXELL continue à se fournir en tubes intensificateurs chez THALES, compte-tenu de la maîtrise technologique remarquable acquise dans ce domaine. 3.2 Années 1970 : 2ème saut technologique THOMSON participe de nouveau à une innovation majeure en proposant l’écran scintillateur à Iodure de Césium (CsI). Il s’agit d’une couche mince (environ 100 µm) d’un matériau qui absorbe fortement les rayons X et que l’on sait déposer sur un substrat de verre de grande dimension sous la forme de microfibres parfaitement ordonnées dont le diamètre élémentaire est de l’ordre de 4 à 6 µm (figure 1). Cette technologie des microfibres va améliorer considérablement la résolution des images en radiographie et en fluoroscopie. Sur ce domaine, THALES possède un savoir-faire unique lui permettant de réaliser des plaques de très grande taille (43 x 43 cm) pour la radiologie du thorax et comportant quelques 10 milliards de microfibres. Cette technologie clé maîtrisée par THALES reste confidentielle et ne fait pas l’objet de publications dans les journaux spécialisés du domaine. Figure 1 :microfibre de iodure de césium. Chaque microfibre possède un diamètre de 4 à 6 micomètres. 3.3 Années 1980 : 3ème saut technologique Dès le début des années 1980, les ingénieurs de THOMSON-CSF de la Division Tubes Electroniques située à Grenoble anticipent l’évolution vers le numérique. Plus précisément, ils proposent, dès 1985, le remplacement du film photographique par une rétine électronique « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 7 état solide permettant de restituer l’image sur écran d’ordinateur après traitement numérique des signaux. Les ingénieurs de THOMSON proposent donc avant leurs principaux concurrents d’introduire l’appareil de radiologie rayons X numérique ; ce qui, il y a plus de vingt ans, est une vision en totale rupture avec la technologie existante. A partir de cet objectif très ambitieux, les équipes techniques de très haut niveau vont donc effectuer les recherches de base en laboratoire, identifier les principes physiques pour faire les bons choix technologiques conduisant à la démonstration des premières images cardiologiques en 1995. 4. LA RETINE D’IMAGERIE NUMERIQUE RAYONS X 4.1 Son principe de fonctionnement Le principe de l’imageur rayons X retenu par TH est schématisé sur la figure 2. On reconnaît sur cette figure la matrice de microfibres CsI qui absorbe les photons X incidents et génère au niveau de chaque microfibre des photons visibles qui sont guidés par la structure de la fibre. C’est ce principe qui est responsable de la très bonne résolution spatiale obtenue dans l’image. Les photons visibles sont canalisés par les parois de microfibre et de ce fait, la lumière visible ne s’étale sur les fibres voisines et l’on maintient une excellente résolution et un contraste élevé de l’image. Ces photons visibles sont ensuite détectés par une matrice de photorécepteurs constituée d’une matrice de N x N pixels photosensibles (matériau Siamorphe) générant des signaux électriques qui dépendent de la dose reçue sur les microfibres. C’est ce principe de détection indirect : rayons X, photons visibles, rétine de détection qui sera retenu par TH dans la mesure où il satisfait parfaitement aux critères recherchés : haute résolution, et très grande sensibilité. Au-delà du principe validé en laboratoire sur une dimension réduite, la mise au point des étapes technologiques pour la réalisation du détecteur est un enjeu majeur, compte-tenu des critères suivants : La taille du détecteur : 43 x 43 cm pour la radiologie du thorax ; Le nombre de pixels exigé ≥ 9 millions ; Le fonctionnement à la cadence vidéo pour la fluoroscopie en cardiologie (taille du détecteur 20 x 20 cm). « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 8 Rayons X convertis en lumière visible guidée par la microfibre Matrice de photo-détecteurs Éclairage aux rayons X Sortie électrique Enregistrement de l’Image Figure 2 : radiographie numérique. Le principe retenu 4.2 Sa technologie La structure du détecteur satisfaisant à ces exigences passe par la mise au point de procédés technologiques complexes issus de l’électronique grande surface. Comme indiqué sur la figure 3, on reconnaît les éléments de base du détecteur Pixium, à savoir la couche de CsI, la matrice de photodétecteurs Si-amorphe, (taille du pixel élémentaire 120 x 120 µm), les électrodes matricielles métalliques qui transfèrent les signaux aux circuits électroniques qui vont les numériser. Ces signaux, après enregistrement dans des mémoires et traitement, vont permettre de restituer l’image radiologique sur écran haute résolution. Il faut noter sur cette planche la diversité des matériaux et des procédés innovants de réalisation qui doivent être maîtrisés pour présenter une qualité d’image compatible avec le diagnostic médical. Pour atteindre cet objectif, il faudra notamment mettre en œuvre des logiciels complexes de traitement du signal permettant de corriger les imperfections et les défauts locaux de l’image dans la mesure où une réalisation technologique à zéro défaut n’existe pas. C’est donc à la fois, la maîtrise de la technologie et du logiciel de traitement de l’image qui vont permettre de satisfaire aux contraintes de la qualité image pour le marché médical. Grâce à des équipes de très grande compétence, ce défi a été relevé avec succès, à la fois sur les plans scientifiques, techniques et logiciels informatiques. « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 9 Scintillateur CsI Ligne de drivers Matrice de photodiode en a-Si matrix (9 Million pixels) X-Rays Circuits de lecture Commutateur de lecture 43 Photodiode Figure 3 : structure et principe du détecteur Pixium 5. Le « Marché de la radiologie à l’aube du 21ème siècle » 5.1 Un marché oligopolistique dominé par 4 majors : Général Electric, depuis son rachat de CGR (à Thomson-CSF) en 1987, est devenu le premier constructeur mondial avec un quart du marché mondial. Très puissante, cette firme américaine est présente aussi bien dans l’imagerie rayons-X que dans la médecine nucléaire, IRM… Elle compte environ 15000 salariés dont la moitié aux USA. Siemens, premier constructeur européen avec près de 20 % du marché mondial, diversifié et particulièrement présent dans le traitement d’images, angiographie, mammographie... Philips, qui représente environ 15 % du marché mondial, leader de l’imagerie numérique ; l’entreprise est très présente dans le domaine de l’imagerie de diagnostic. Toshiba qui représente environ 10% du marché, surtout présente dans les rayons X. Il existe ensuite de nombreuses entreprises de taille plus modeste, spécialisées dans des applications précises. « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 10 5.2 Un marché porteur Il existe un réel potentiel de développement. Le vieillissement de la population conduit à une demande accrue de soins et l’amélioration de ceux-ci participe à la croissance de ce marché. Le coût très élevé des opérations cardiaques « lourdes » comme celles à cœur ouvert conduit de plus en plus souvent à privilégier d’autres formes de chirurgie interventionnelle, la radiologie a alors un rôle majeur et croissant à jouer (pose de cathéter, ballons, stens…). L’immobilisation du malade est plus brève ce qui est une source appréciable d’économie (arrêt de travail, temps d’hospitalisation très significativement réduit). De même, les gains élevés de productivité induits favorisent ce développement (résultats immédiats, développement de la télémédecine) et compensent le coût élevé de l’investissement initial (1 000 000 Euros environ pour un système complet). 5.3 Un marché rémunérateur Pour des entreprises comme Philips et Siemens, le marché médical est particulièrement rentable en raison de son caractère oligopolistique et donc de la moindre concurrence qui s’y exerce. Le niveau très élevé du « ticket d’entrée » sur un tel marché, l’importance des coûts fixes et donc des économies d’échelle qui en résultent sont autant d’obstacles à la venue de nouveaux concurrents. 5.4 Thales : un positionnement spécifique Thales possède la particularité d’être à la fois un acteur majeur et de ne pas apparaître comme une des entreprises de l’oligopole (cf. 5.1). En effet, depuis la cession en 1987 de la CGR (Compagnie Générale de Radiologie) à General Electric, Thales n’a plus de relation directe avec les utilisateurs et est essentiellement, dans ce domaine, le leader mondial de l’amplificateur de brillance avec 45% du marché ce qui correspond à 700 unités/an. Son absence de relation directe avec le client lui permet de mieux se positionner en terme de fournisseur des autres firmes y compris G.E. Si elle était en concurrence directe, les autres firmes pourraient avoir une forme de réticence à acheter sa production car elle obtiendrait une forme d’avantage comparatif lié, en particulier, au volume de production. Par ailleurs, la réussite de Thales s’explique en grande partie par un réel savoir faire, en effet, la performance résulte du niveau de compétence technique, des modes de fabrication qui sont propriétés de Thales. De ce point de vue, la protection par des brevets n’est guère opératoire, en effet, breveter, c’est aussi dévoiler une idée ou une technologie. La radiologie ne peut ignorer les spectaculaires avancées de l’informatique, en particulier, dans ces applications relatives à la numérisation des images et à la transmission de l’information. En outre la puissance sans cesse croissante des ordinateurs ouvre de nouvelles perspectives pour l’élaboration de logiciels complexes et permet de traiter des images de grands formats avec une définition de 9 millions de pixels La pérennité de l’entreprise passe donc par l’innovation et la radiologie classique est dépassée : il faut développer l’imagerie numérique dans le secteur médical. « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 11 6. Les difficultés et obstacles Les obstacles sont essentiellement de 2 ordres, financiers d’une part, techniques d’autre part. 6.1 Obstacles financiers Au départ les premiers travaux furent réalisés en interne par un nombre limité de chercheurs ; mais une fois la décision prise, la complexité de mise en œuvre pour la fabrication des premiers produits a impliqué de lourds investissements, supérieurs à 100 000 000 Euros. Cela nécessitait une volonté et un engagement s’inscrivant dans le long terme. Contrairement à ce qui peut être souvent imaginé, l’espace-temps d’entreprises impliquées dans l’innovation est de 15-20 ans voire plus, nous sommes loin du court terme 6.2 Difficultés techniques La technologie des plaques est spécifique, elles nécessitent un double dopage que peu de fournisseurs peuvent proposer. En raison de la relative faiblesse (à l’échelle industrielle) des volumes demandés, les producteurs asiatiques ne sont pas intéressés ; seules deux firmes peuvent les réaliser et l’offre est donc limitée avec des coûts élevés. Il y a une forte prédominance des coûts fixes. Un doublement de la production conduit à presque diviser par deux les coûts unitaires D’autres difficultés peuvent être évoquées : La dimension inhabituelle des circuits imprimés (43 x 43 cm) Le multiplexage et le risque d’interférence entre signaux électriques La nécessité d’élaborer de puissants algorithmes d’interpolation entre pixels voisins capables de corriger les inévitables défauts sur les plaques (Pixels morts). 7. Le temps des alliances et des revirements Thales ne peut, ou ne veut, faire seul face aux investissements. L’entreprise a une position spécifique : acteur majeur mais pas de relation directe avec le marché de la radiologie d’où l’idée de travailler avec certains de ses clients 7.1 Une ébauche de collaboration avec G.E G.E veut développer une technologie visant à se substituer au plan film et à l’amplificateur de brillance (IR). La position de Thales est alors fragilisée, le risque est de tuer la « poule aux œufs d’or » (les IR). Des tensions entre les évolutions à long terme et la rentabilité actuelle apparaissent qui conduisent à la rupture de cette collaboration. « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 12 7.2 De nouveaux partenaires Siemens et Philips ⇒ Trixell (1997) Après l’échec de la collaboration avec G.E, Thales se tourne vers Siemens et Philips, ils créent ensemble une joint-venture où Thales est l’actionnaire majoritaire (figure 4). TRIXELL 24,5 Thales Philips 51 Siemens 24,5 Figure 4 : actionnariat de Trixell Les approches sont différentes, plus financières chez Siemens, plus techniques chez Philips qui fait valoir ses compétences technologiques. Les cultures diffèrent elles aussi (FranceAllemagne- Hollande), ce qui crée un environnement riche et stimulant. 7.3 Collaboration et concurrence Deux des associés, Philips et Siemens sont en concurrence commerciale et technologique (ainsi chaque société a développé ses programmes spécifiques d’amélioration des images). Intérêts convergents : Le développement de Trixell avec la baisse des coûts ce qui passe par une augmentation des volumes. Il s’agit de s’inscrire dans un cercle vertueux. Augmentation des ventes ⇒ baisse des coûts (économie d’échelle) ⇒ baisse des prix de vente ⇒ augmentation des ventes (renforcement de position sur le marché) « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 13 Intérêts divergents : Philips et Siemens qui fabriquent des équipements complets cherchent à payer le moins cher possible les détecteurs numériques qu’ils intègrent dans des ensembles alors que Thales, actionnaire majoritaire a intérêt à ce que la société dégage des profits. Cependant les différentes entreprises, au-delà de leurs légitimes et inévitables divergences ont pleinement conscience de l’intérêt de cette collaboration car pour elles les économies sont réelles, en particulier en R-D, elle leur permet, à moindre coût, d’être présentes sur ce marché qu’elles convoitent 8. État des lieux et perspectives 8.1 Trixell est devenu une entreprise profitable à partir de 2001 Après sa création en 1997, on envisageait une entrée en production effective dès 1998, cependant certaines difficultés techniques n’ont pas permis de réaliser les objectifs initiaux en terme de lancement des produits, le démarrage étant effectif en 2000 seulement avec le Pixium 4600 (imagerie fixe, remplacement des films photo). Les Pixium 4800 (Images des vaisseaux du cœur) puis Pixium 4700 (Image des vaisseaux sanguins) devaient venir compléter la gamme, respectivement en 2002 et 2004 ; ces derniers relèvent de l’imagerie dynamique pour des interventions en temps réels et constituent une réelle avancée technologique. L’entreprise est finalement devenue profitable à partir de 2001, sa marge est désormais supérieure à 10%. Evolution du Business 4500 4000 3500 2500 Projet 1997 2000 Réalité 1500 1000 500 05 04 20 20 03 20 02 01 20 20 00 20 99 98 19 19 97 0 19 Volume 3000 Figure 5 : évolution du business depuis 1997 « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 14 Cette croissance de la production montrée sur la figure 5 s’est accompagnée d’une croissance concomitante des effectifs, partie d’une cinquantaine de salariés en 1997, l’entreprise a vu ses effectifs multipliés par 5 depuis (figure 6). Cette croissance devrait se poursuivre à un rythme moins soutenu sans doute ; les locaux sont en cours d’extension afin de permettre un accroissement significatif de la production. Evolution des effectifs 350 300 250 200 effectifs 150 100 50 0 1997199819992000200120022003200420052006 Figure 6 : évolution des effectifs depuis 1997 Cette croissance est sans doute appelée à perdurer, en effet l’imagerie numérique en radiologie reste encore dans sa phase d’innovation, elle ne représente qu’une faible part de marché, variable selon les spécialités ce qui lui ouvre de réelles perspectives de croissance lors de la phase de démocratisation. Trixell, avec 45% de ce marché, a donc de réelles potentialités de développement. Par ailleurs, Thales développe ses propres programmes de correction d’images ; ce qui ne peut que favoriser la croissance de ce marché. La technologie conventionnelle n’est pas « morte » cependant, les marchés émergents recherchent une technologie éprouvée à moindre coût. 8.2 Pourquoi Trixell est-il devenu un tel succès ? Thales est un leader du domaine des intensificateurs d’images X depuis 1970. Partenariat entre 3 acteurs majeurs du domaine avec une vision à long terme (> 10 ans). Trixell est au meilleur niveau en dépit de quelques premières années difficiles. « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 15 La taille de l’ensemble des marchés combinés de Philips, Siemens et Thales donne à Trixell un avantage décisif sur le coût par rapport à ses compétiteurs. Un environnement multiculturel Hollande, France et Allemagne pour une meilleure efficacité. Une équipe extrêmement motivée et performante. …. Et la très grande qualité de produits innovants ! 9 En guise de conclusion Cet exemple apparaît en définitive très riche et très pertinent dans son approche pédagogique, il illustre les concepts de Schumpeter autour de l’innovation en terme de produits, de procédés, d’évolution des marchés. La « joint-venture » reflète également une nouvelle forme d’organisation industrielle et elle met bien aussi en évidence le lien entre innovation et croissance. Le cas TH-Trixell constitue un exemple remarquable où l’ensemble des compétences de l’entreprise conduit à développer des produits se situant au tout premier plan des nouvelles technologies radiologiques et médicales. « Les entreprises, acteurs de la recherche et de l’innovation » Entretiens Louis le Grand – 29 et 30 Août 2005 16