L`irrévisabilité du principe du suffrage universel selon l`article 220 de
Transcription
L`irrévisabilité du principe du suffrage universel selon l`article 220 de
1 L'irrévisabilité du principe du suffrage universel selon l'article 220 de la Constitution congolaise Parmi les matières irrévisables, selon l'article 220 de la Constitution figure le principe du suffrage universel. Ce principe est garanti à l'article 5 alinéa 4 qui a la teneur suivante: "Le suffrage est universel, égal et secret. Il est direct ou indirect". Il s'applique à l'élection présidentielle (art.70 al. 4), à celle des députés nationaux (art. 101 al. 1) et des sénateurs (art.104 al. 5) ainsi qu'à l'élection des députés provinciaux (art.197 al. 4). La lecture de l'article 5 alinéa 4 peut générer plusieurs interprétations au regard de l'intangibilité du principe du suffrage universel garantie par l'article 220. La question qui se pose en amont est celle-ci: le caractère égal, secret, direct et indirect s'applique au suffrage ou au suffrage universel? La réponse à cette question permet d'induire ce qui est intangible. Estce tout l'alinéa ou tout simplement le suffrage universel? Au moins deux thèses sont possibles: la thèse de l'interprétation littérale et celle de l'interprétation intelligente. I. La thèse de l'interprétation littérale Une interprétation littérale des articles 220 et 5 al. 4 conduit à affirmer que universel, égal, secret, direct et indirect sont des attributs de "suffrage". D'après cette interprétation, seul le caractère universel du suffrage est intangible; les autres caractères sont révisables. Ainsi donc, le pouvoir constituant dérivé pourrait opter pour le suffrage inégal et non secret. Il pourrait pareillement transformer le suffrage direct en suffrage indirect et vice-versa, sans violer l'article 220. Concrètement, un projet, une proposition ou une pétition de révision constitutionnelle peut prévoir l'élection du président de la République et des députés nationaux et provinciaux au suffrage universel indirect et celle des sénateurs et des gouverneurs de provinces au suffrage universel direct, sans violer l'article 220. Il peut aussi être envisagé que telle catégorie de citoyens auront une voix qui compterait double et les autres une voix qui compterait pour une demie-voix. 2 Néanmoins, lorsqu'on considère que la République Démocratique du Congo est un État qui se veut démocratique, on peut considérer que, au-delà de la lettre, c'est le suffrage universel égal et secret qui peut être direct ou indirect. II. La thèse de l'interprétation intelligente Selon l'interprétation intelligente qui doit chercher à percevoir l'esprit du texte, le caractère direct ou indirect sont des variantes du même principe qui ne peut exister en dehors d'elles, sauf à demeurer une pure idée. Par conséquent, du moment qu'il est prévu dans la Constitution, le suffrage universel, qu'il soit direct ou indirect, ne peut être révisé. Le suffrage universel direct ne peut être commué en suffrage universel indirect ou vice-versa. Ce serait une violation de l'article 220 qui intangibilise le principe du suffrage universel, tel qu'il est voulu dans ses deux sortes par le pouvoir constituant originaire. En l'occurrence, aucune révision sous le régime de la Constitution en vigueur ne peut envisager l'élection présidentielle et celle des députés nationaux et provinciaux au suffrage universel indirect, ni l'élection des sénateurs, des gouverneurs et vice-gouverneurs au suffrage universel direct. Pour nous, le principe du suffrage universel ne peut être à l'état pur, ni direct, ni indirect. Il ne peut être envisagé, ni appliqué sans déterminatif "direct" ou indirect. Partant, lorsque la constitution prévoit le suffrage universel direct ou indirect, il est intangible. On ne peut donc pas changer le direct en indirect et vice versa sans violer l'article 220. Aussi, les articles 70 al.1 (élection du président de la République: direct); 101 al. 1 (élection des députés nationaux: direct), 104 al. 5 (élection des sénateurs: indirect) et 197 al. 4 (élection des députés provinciaux: direct), 198 al. 2 (élection des gouverneurs et vice-gouverneurs: indirect) sont irrévisables selon l'article 220 qui protège tout principe de suffrage universel prévu par la Constitution, qu'il soit direct ou indirect. Faut-il conclure notre propos et non le débat? Au sujet du suffrage, prétendre que l'article 220 de la Constitution intangibilise exclusivement son caractère universel et non les caractères direct et indirect serait une supercherie visant à ouvrir une brèche tendant à en finir avec l'irrévisabilité de certaines clauses. Plus que des simples attributs, ces caractères, dans un État qui se veut démocratique, sont des modes alternatifs du principe du suffrage universel sans lesquels il ne serait qu'une idée abstraite et 3 inapplicable. Ils lui sont essentiels tellement essentiels qu'ils le rendent possible son effectivité, contrairement au caractère secret, par exemple, qui n'est expressément concrétisé nulle part dans la Constitution. Le suffrage universel est direct ou indirect et ne pourrait être autrement. Il n'existe donc pas de suffrage direct qui ne soit suffrage universel, ni de suffrage indirect qui ne soit suffrage universel. Réviser l'un ou l'autre, c'est réviser le principe du suffrage universel. Des exigences de la démocratie et de la régulation de la révision constitutionnelle on ne peut inférer que cette opinion, en attendant la parution d'un arrêt motivé de la Cour constitutionnelle sur la question. Prof. Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE Docteur en droit