Le combat non-violent pour la défense du Larzac

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Le combat non-violent pour la défense du Larzac
Le combat non-violent pour
la défense du Larzac
Étienne Godinot
- 05.12.2013
Pourquoi ce diaporama ?
Ce diaporama figure parmi les autres diaporamas consacrés à
la stratégie de l’action non-violente parce que la lutte nonviolente du Larzac est exemplaire à plusieurs titres :
- par ses enjeux (la militarisation des terres ou l’agriculture, la
raison d’État ou le respect des populations locales, la spéculation ou l’intérêt commun, etc.)
- par sa durée (plus de 10 ans de luttes)
- par la variété des moyens d’action utilisés :
■ manifestations, rassemblements, marche Millau-La Cavalerie,
■ montée en tracteurs sur Paris, puis marche à pied sur Paris,
moutons à Paris ou au tribunal, camping sur le Champ de Mars,
■ concerts, journal, radio, site Internet, portes ouvertes,
référendums, jumelages de villages du plateau avec des villes,
■ obstructions, jeûnes, plantation d’arbres, adduction d’eau,
Pourquoi ce diaporama ?
bataille juridique (création de GFA, recours),
■ désobéissance civile (occupation de fermes et culture des
terres achetées pour l’armée, renvois de livrets militaires,
redistribution de l’impôt, "emprunt" de documents dans
l’antenne Génie-Domaines du camp à La Cavalerie)
■
- par l’originalité des modes de gestion foncière collective
inventés pendant la lutte et au-delà (GFA, SCTL)
- par la poursuite de l’engagement des paysans et de leurs
amis, après 1981, dans les luttes écologiques et
altermondialistes
Précisions
Ces informations sont tirées, pour l’essentiel, du livre de
Pierre-Marie Terral Larzac. De la lutte paysanne à
l’altermondialisme, Toulouse, éd. Privat, 2011, 460
pages.
_____________
Les images présentées dans ces diaporamas nous ont
été fournies par des sources diverses.
Ne pouvant nous assurer qu’elles ne sont pas soumises
au régime des droits d’auteur, nous prions leurs
ayants-droit éventuels de nous préciser s’ils souhaitent
que nous les retirions.
Les premières décennies
du camp militaire du Larzac
- 1902 : Création du camp militaire sur 3 050 hectares situés au
Nord du plateau du Larzac.
- 1938 : Regroupement de réfugiés espagnols à la suite de la
guerre civile en Espagne.
- 1959 : 5 000 Algériens sont assignés à résidence dans le camp
pendant la guerre d’Algérie. Jeûne à La Cavalerie à l’initiative
de Joseph Pyronnet, leader de L’Action Civique NonViolente, mouvement créé par des Compagnons de l’Arche
de Lanza del Vasto pour protester contre l’internement de
suspects algériens, la guerre, la torture et les atteintes aux
libertés.
- 1962 : À la fin de la guerre d’Algérie, regroupement de 12 000
harkis dans le camp.
Spéculation foncière ?
- 1966 : Christian de la Malène, député UDR de Paris, proche de
Michel Debré, achète sur le plateau du Larzac un domaine de
270 hectares. 179 ha seront inclus en 1970 dans le périmètre
d’extension du camp.
-
Octobre 1970 : Congrès de l’UDR (Union pour la Défense de
la République, parti de droite) en présence d’André Fanton,
secrétaire d’État à la Défense nationale sous la présidence
de Georges Pompidou. André Fanton confirme à Pierre Laur,
industriel du roquefort et à Guy Tarlier, agriculteur sur la
plateau, qu’un projet d’agrandissement du camp militaire est
en cours. Les deux hommes parviennent à se procurer les
plans de l’agrandissement.
Le député de la circonscription, Louis-Alexis Delmas (UDR),
ancien chargé de mission au cabinet du Premier Ministre
Michel Debré de 1959 à 1963, est un des initiateurs du projet.
Photos : Louis-Alexis Delmas (1911-1973) et André Fanton (né en 1928)
Un enjeu politique
- Fin 1970 : À l’initiative de Guy Tarlier, une brochure,
Quelques paysans du Larzac, montre la vitalité de
l’agriculture sur le plateau
- 21 janvier 1971 : création de l’Association de sauvegarde
du Larzac et de son environnement. Henri Ramade,
instituteur en retraite, en est élu président.
- 26 février 1971 : Envahissement de la cour de la souspréfecture de Millau et accrochage avec le député
Delmas à la permanence de l’UDR.
- Mars 1971 : La liste d’union de la gauche à Millau fait du
Larzac un de ses chevaux de bataille aux élections
municipales
Les premières actions
- 9 mai 1971 : À l’initiative de Robert Siméon,
membre du MDPL (Mouvement pour le
Désarmement, la Paix et la Liberté),
plusieurs centaines de personnes,
principalement des militants de gauche, marchent de Millau
à La Cavalerie (village au milieu du plateau).
- 23 septembre 1971 : Du fumier et des pierres sont déversés
devant le domicile du maire de La Cavalerie, partisan de
l’extension du camp.
-
28 octobre 1971 : Les informations télévisées régionales
annoncent la décision de Michel Debré, ministre de la
Défense nationale, d’étendre le camp militaire et de porter sa
surface à 17 000 hectares.
Photo : Michel Debré (1912-1996)
Église, FDSEA et Conseil Général s’en mêlent
- 5 novembre 1971 : À l’initiative de Pierre Laur, publication dans le
quotidien Le Monde d’un appel sur une page complète : "Aideznous à sauver le Sud-Aveyron !"
- Au terme d’une réunion entre curés du Millavois et l’évêque de
Rodez, le P. Jean Ménard, un communiqué et rédigé et lu aux
paroissiens, qui conteste le projet d’extension. Le successeur
du Père Ménard en juin 1973, le P. Roger Bourrat, soutiendra
également les paysans.
- 6 novembre 1971 : À l’appel de la FDSEA (Fédération
Départementale des Syndicats d’exploitants Agricoles) et de
l’Association de sauvegarde, 6 000 personnes manifestent sur
la place centrale du Mandarous à Millau contre le projet
d’extension.
- 6 décembre 1971 : Le Conseil général de l’Aveyron, présidé par
le docteur Raymond Bonnefous, centriste, vote à l’unanimité
une motion demandant le report de la décision ministérielle.
Les premiers comités Larzac
7 janvier 1972 : Michel Debré rejette la motion du Conseil
général de l’Aveyron : « Le principe même de l’extension ne
peut pas faire l’objet d’une concertation. (…) La décision
d’extension du camp est définitive ».
Aussitôt, l’Association de sauvegarde lance une pétition
nationale. Création des premiers Comités Larzac à travers
la France.
Début février 1972 : À l’invitation de Chrétiens en Monde Rural
(CMR), conférence à Millau de Jean Toulat, prêtre
catholique, journaliste et écrivain qui promeut le désarmement nucléaire et la stratégie non-violente.
Mars 1972 : Le bal des officiers à La Cavalerie est interrompu
par l’étrange irruption d’un essaim d’abeilles.
Photo : Jean Toulat (1915-1994)
La tension monte…
-
20 et 21 mars 1972 : les cocktails Molotov sont lancés
contre la préfecture de Rodez, provoquant un début
d’incendie.
-
À l’occasion du conseil régional de l’UDR, Alexandre
Sanguinetti, député de Toulouse-Nord, président de la
commission de la Défense nationale, déclare qu’au
Larzac « au besoin, les expulsions se feront par la
force ».
- Le Groupement local et régional pour le camp du Larzac,
favorable à l’extension et basé à La Cavalerie, publie la
brochure Le Larzac en question.
Photo : Alexandre Sanguinetti (1913-1980)
Le serment des 103 paysans
- 19 mars 1972 : Lanza del Vasto, disciple de Gandhi, commence
un jeûne de deux semaines à La Cavalerie. Les évêques de
Rodez et Montpellier se joignent au jeûne durant une journée
et célèbrent une messe à La Cavalerie.
- 28 mars 1972, au terme de ce jeûne : Serment de 103 paysans
(sur les 107 concernés) qui s’engagent à ne jamais vendre
leurs terres à l’armée et à s’opposer à l’extension du camp par
des formes d’action non-violente incluant la désobéissance
civile.
- 1er au 3 avril : opération "Fermes ouvertes", au grand retentissement médiatique.
1972 : grande manifestation à Rodez
- 17 mai 1972 : Un rapport secret du Service de documentation
extérieure et de contre-espionnage (SDECE) croit pouvoir
mettre en évidence de liens entre "des groupes présents sur
le causse" et le gouvernement cubain, par l’intermédiaire de
l’ambassade de Cuba…
- 14 juillet 1972 : Première grande manifestation à Rodez
ressemblant 20 000 personnes. Le discours remarqué de
Robert Gastal, paysan du Larzac, se termine par la phrase
« S’il le faut, nous monterons jusqu’à Paris le 11 novembre
avec nos tracteurs »
-
29 juillet : 3 000 personnes viennent écouter à la ferme des
Baumes Georges Moustaki et Paco Ibanez, ainsi que le bien
nommé Jackie Mouton.
Photo du bas : Robert Gastal en 2011
Les moutons sur le Champ de Mars
- Automne 1972 : début de l’opération de refus-redistribution de
l’impôt, initiée par la Communauté de recherche et d’action
non-violente d’Orléans.
- 16 octobre 1972 : 2 000 brebis sont lâchées sur la place
centrale de La Cavalerie en guise de protestation contre
l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité
publique.
- 25 octobre 1972 : 60 brebis du Causse, peinturlurées du slogan
"Nous sauverons le Larzac", sont lâchées sur le Champ de
Mars aux pieds de la Tour Eiffel. Grand écho médiatique,
notamment dans l’hebdomadaire Paris-Match.
103 arbres sont plantés
- 28 octobre 1972 : 103 arbres sont plantés en bordure de la route
nationale 9, avec l’aide de paysans du plateau et d’agriculteurs
s’opposant à l’extension du camp de Fontevraud, près de
Saumur. Un rocher est scellé dans le sol avec l’inscription "Un
arbre, c’est la vie".
- 10 novembre 1972 : Publication du rapport "Procès verbal et
conclusions de la commission d’enquête" pleinement favorable
à l’agrandissement du camp.
- 26 décembre : Le préfet Georges Badault signe le décret
déclarant l’extension du camp d’utilité publique. Le président
du Conseil général d’Aveyron en est informé par la presse…
Les tracteurs montent sur Paris
- 7 au 13 janvier 1973 : 25 tracteurs du Larzac montent
sur Paris en 6 étapes : Rodez, Saint Flour, ClermontFerrand, Nevers et Orléans. Des bons-kilomètrestracteurs de 5 francs sont vendus pour soutenir
l’action.
L’humour est de la partie sur les pancartes : "Faites labour,
pas la guerre", "Debré ou de force, nous garderons le Larzac",
"Il existe des traitements contre les chenilles", etc.
- Janvier 1973 : Création de l’Association pour la Promotion de
l’Agriculture sur le Larzac (APAL) destinée à recueillir et gérer
l’argent issu de l’opération refus-redistribution de l’impôt. Elle a
son siège à la ferme de l’Hospital du Larzac, et deviendra en
1981 l’Association Pour l’Aménagement du Larzac, en
conservant son sigle APAL.
Actions de désobéissance civile
- Avril 1973 : 60 paysans renvoient leur livret militaire au ministre de
la Défense en signe de protestation contre le projet d’extension
du camp.
- 15 mai 1973 : À l’initiative de l’actrice d’origine apache Petite
Plume, des Indiens d’Amérique du Nord viennent sur le
plateau pour soutenir les paysans et affirmer leur lien
sacralisé à la terre.
- 10 juin 1973 : 3 000 personnes assistent à la pose de la
première pierre de la bergerie illégale de la Blaquière,
hameau situé en plein cœur de la zone d’extension du
camp militaire. Récital sur place avec Mouloudji et Graeme
Allwright le 28 juillet. Robert Pirault, franciscain venu de la
Communauté non-violente d’Orléans, dirigera les travaux.
Plusieurs centaines de bénévoles participeront au chantier
pendant plus de 2 ans.
Photos : Bergerie de la Blaquière en construction, et achevée
Août 1973 : premier grand rassemblement
sur le plateau
•
- 25 et 26 août 1973 : À l’appel de Bernard Lambert, porte-parole
de Paysans Travailleurs (la future Confédération Paysanne),
60 000 personnes participent au premier rassemblement
sur le Larzac au lieu dit Rajal del Guorp ("rocher du
corbeau"). 200 salariés ou proches de l’entreprise
d’horlogerie Lip à Besançon-Palente sont présents
et vendent sur un stand les montres qu’ils ont
confisquées comme "trésor de guerre" ou fabriquées
dans un cadre "autogestionnaire".
-
4 octobre 1973 : Ouverture d’une école au Nord du plateau du
Larzac avec 30 élèves. Jusqu’ici, ils étaient scolarisés à La
Cavalerie ou à Millau.
- 18 octobre 1973 : les paysans délèguent Léon Maillé au procès à
Paris du pasteur René Cruse, accusé de provocation à
l’insoumission.
Création d’un GFA
-
6 décembre 1973 : Création du premier Groupement Foncier
Agricole (GFA) en vue d’acheter les terres disponibles. Il s’agit
de compliquer l’achat des terres par l’État pour l’armée
par une guerre juridique d’usure, en multipliant le nombre
de propriétaires que l’administration doit attraire devant
le juge. Les parts de GFA sont achetées par des paysans
et par des militants opposés à l’extension du camp.
De 1973 à 1981, 3 500 militants souscriront 6 180 parts de
GFA. La résistance aux expropriations prend parfois des
tournures de course contre la montre. Lors d’une instance
d’appel, les autorités font transporter les dossiers à la Cour par
hélicoptère militaire…
En 2011, 1 200 hectares de terres sont
gérés par les GFA sur le Larzac.
L’engagement de François Mitterrand
-
29 avril 1974 : Pendant la campagne électorale des élections
présidentielle, le candidat socialiste François Mitterrand
« trouve inopportune l’annexion de 14 000 hectares sur le
Larzac pour compléter un camp militaire. (…) Si c’était une
nécessité militaire adaptée à la protection de la patrie,
j’accepterais ce sacrifice à la fois de la beauté naturelle et de
l’exploitation agricole, mais tel n’est pas le cas. »
- 12 juin 1974 : Une délégation du journal satirique Le Canard
Enchaîné inaugure sa parcelle de GFA et sa "mare aux
canards".
Août 1974 : 2ème grande manifestation
sur le plateau
- 17 et 18 août 1974 : 100 000 personnes participent à la
"Moisson pour le tiers-monde" au Rajal del Guorp, sur
le thème Le blé fait vivre, les armes font mourir .
François Mitterrand, présent pendant deux heures,
reçoit des pierres lancées par des militants d’extrême
gauche. Il est protégé notamment par Guy Tarlier,
Jean-Marie Burguière, et José Bové.
La récolte d’un champ de blé contribue au financement d’un
projet de retenue d’eau en Haute-Volta, où se rendront, en
décembre, Philippe Fauchot et Raymond Laval. La manifestation se termine par le labour d’une parcelle récemment
acquise par l’armée.
- Pionnière des radios libres, Radio Larzac émet ponctuellement
à partir de cette date, sur Millau, dans l’illégalité.
Occupation de fermes
- Automne 1974 : Occupation militante des fermes achetées par
l’armée à Montredon, Cavaliès, etc.. Des soldats sont
parachutés sur les propriétés de la Boissière, des Aussédats et
du Devez-Nouvel. Des avions de chasse volent en rase-mottes
au dessus des troupeaux.
- 4 octobre 1974 : Un groupe de la communauté de l’Arche de
Lanza del Vasto occupe la ferme abandonnée des Truels dans le
périmètre d’extension du camp. Un de ses membres, Roger
Moreau, sera secrétaire des 103.
- 22 décembre 1974 : Création d’une coordination nationale des
Comités Larzac, établie à Millau.
- 1974 : Parution du livre des journalistes Yves Hardy et Emmanuel
Gabey, Dossier L comme Larzac.
Photo : la ferme des Truels
Un attentat contre la maison d’un paysan
- Nuit du 9 au 10 mars 1975 : une explosion souffle partiellement
la maison de la famille d’Auguste Guiraud pour laquelle est
construite la bergerie illégale de la Blaquière. Les Guiraud,
leurs 7 enfants et le berger sont fortement choqués, mais
indemnes. En réponse à cet attentat, une opération "ville
morte" réunit 3 000 personnes à Millau
- 15 mars 1975 : Journée nationale de défense du Larzac
organisée en réaction à l’attentat à la bombe contre la maison
Guiraud. À Paris, 10 000 personnes défilent avec un masque
de mouton en guise de protestation.
-
Mai 1975 : Des intellectuels et des artistes créent l’association
Larzac Université, implantée dans le hameau de Montredon.
Elle se donne pour objectif de favoriser les échanges de
savoirs.
- Photo du milieu : Auguste Guiraud
- Photo du bas : Le local de Larzac Université
La Larzac, symbole de la résistance
- Juin 1975 : Les paysans et les Comités Larzac lancent un mensuel
d’information animé et rédigé par des habitants du plateau,
Gardarem lo Larzac (en occitan, "Nous garderons le Larzac"). Le
journal aura jusqu’à 4 000 abonnés et deviendra bimestriel après
1981. Les abonnements baisseront à 1 500 abonnés dix ans plus
tard, et à 800 abonnés 5 ans après.
- 19 juin 1975 : le nouveau préfet de l’Aveyron, Julien Vincent, peu
après sa prise de fonction, reçoit une délégation de Larzaciens,
ce qui lui vaut de la part de la presse le surnom de « préfet du
dégel
- Été 1975 : Les Comités Larzac appellent à la convergence de luttes
diverses : extension de terrains militaires à Chateaulin et
Fontevraud, centrales nucléaires à Port-la-Nouvelle et Braud-StLouis, centre de rétention d’Arenc à Marseille, station de ski aux
Bouillouses, etc. Le Larzac devient le symbole de la résistance
contre les projets les plus contestables du pouvoir économique et
politique.
La création du centre de formation
du Cun du Larzac
- Août 1975 : Des comédiens de La Cartoucherie de Vincennes et
des militants créent une pièce de théâtre, Des moutons, pas de
dragons. La lutte donnera aussi lieu à de nombreuses
créations : livres, bandes dessinées, chansons, affiches,
poèmes.
- Septembre 1975 : La fermes de Homs est investie par des
militants.
- 4 octobre 1975 : 5 objecteurs de conscience squattent une ferme
acquise par les Domaines pour l’armée, sur la commune de La
Blaquèrerie, au lieu dit le Cun, dans le sud du périmètre
d’extension du camp militaire. Ils veulent en faire un centre de
rencontres, de recherches et de formation sur la non-violence et
la défense non-violente (en occitan, le cun est le coin de métal
que l’on frappe avec une masse pour fendre le bois).
Le Cun du Larzac
Après l’expulsion des militants de la ferme par l’armée en
octobre 1976, le centre de formation du Cun s’installe en
janvier 1977 dans une maison à la Blaquèrerie, puis en août
1977 sur un terrain acheté aux GFA du Larzac sur la route de
St Sauveur.
En septembre 1977 est créée la Société Civile du Cun pour
collecter les fonds nécessaires au financement des travaux de
construction du centre d’accueil.
L’arrêt des travaux est ordonné par la Justice en décembre
1977 pour défaut de permis de construire.
Une maison en bottes de pailles est construite en septembre
1979. Le chantier de construction en dur du nouveau centre
du Cun est repris en mars 1981 et continuera tout l’été. Le
permis de construire est obtenu au printemps 1982.
Une 2ème tranche de travaux est mise en chantier à l’automne
1983.
Le Cun du Larzac, un lieu de de formation, de rencontres,
d’expérimentation et de solidarité
Le centre de rencontres et de formation du Cun du Larzac
fonctionnera jusqu’en 2001 sous l’autorité de Hervé Ott.
Il deviendra
- le lieu de réunion des paysans du Larzac,
- un lieu de formation (action non-violente, syndicalisme,
écologie, théâtre, aïkido, médiation, etc.)
- un lieu d’expérimentation écologique (constructions en paille,
toilettes sèches, récupération des eaux de pluie, éolienne),
- et un pôle de solidarité internationale (avec les Kanaks de
Nouvelle Calédonie, les Palestiniens, les démocrates d’Europe de
l’Est, d’Amérique du Sud, d’Afrique, etc.).
Des rencontres et forums nombreux seront organisés par le Cun :
Forum du MAN (été 1976), rencontre Vie Nouvelle (été 1978),
"Paix, liberté, droits des peuples" (été 1985), "La non-violence
dans les luttes pour les droits de l’homme" (nov. 1989) , "Assises
de l’objection de conscience" (mai 1991),
../..
Le Cun du Larzac,
International Consciencious Objectors Meeting (juillet
1992), "Rencontre des mouvements non-violents"
(juillet 1993), "Agricultures paysannes et
modernité" (sept. 1993), "Résister et construire
aujourd’hui" (été 1995), "Médiation citoyenne " (été
1999), etc.
Après 2001, les bâtiments et le terrain seront loués à
des associations locales.
En juin 2012 est inauguré l’éco-camping du Cun du
Larzac ouvert par l’association Champs du monde.
Une petite extension du camp ?
-
26 novembre 1975 : les paysans réitèrent leur serment du 28
mars 1972. Ce serment est publié dans le journal Gardarem lo
Larzac.
-
22 décembre 1975 : le nouveau préfet de l’Aveyron, Julien
Vincent, déclare qu’il n’est plus question de prendre l’arrêté de
cessibilité et que la contrainte est levée".
-
1975 : Parution du livre de Michel Le Bris Les Fous du Larzac
-
5 mars 1976 : Rejet par le Conseil d’État du recours contre le
décret déclarant l’extension du camp d’utilité publique.
- 11 mai 1976 : Par vote à bulletin secret, la majorité des
agriculteurs se dit favorable à un dialogue avec le pouvoir quant
à une petite extension du camp, mais, disent-ils, "aucun paysan
ne doit être chassé". Les autorités garantissent qu’elles ne
poursuivront pas leurs achats durant les négociations.
Une action "musclée" réprimée
-
28 juin 1976 : Pour dénoncer la spéculation foncière et les
achats de terre à l’amiable par l’armée pendant une période
de concertation, 22 habitants du Larzac pénètrent dans
l’antenne "Génie Domaines" du camp militaire. Ils se
saisissent des documents compromettants et détruisent les
actes de ventes passés entre l’État et les propriétaires
terriens. Ils sont arrêtés par un bataillon de gardes mobiles.
Les documents enlevés établissent que les Domaines
achètent en secret pendant la phase de concertation pour une
mini-extension.
-
2 juillet 1976 : À Millau, 17 des 22 prévenus, dont des
femmes, inculpés dans le cadre de la loi "anti-casseurs", sont
condamnés 2 à 3 semaines de prison ferme. Les peines les
plus lourdes sont infligées aux non-agriculteurs. Le lendemain,
une ordonnance remet en liberté 7 agriculteurs afin qu’ils
puissent moissonner.
Photo : Guy et Marisette Tarlier au Tribunal Corerectionnel
Occupation de fermes, mise en culture
- 17 juillet 1976 : la ferme de Cap-d’Ase est détruite par l’armée,
soucieuse d’éviter une nouvelle intervention de squatters. Une
semaine plus tard, le 25 juillet, 2 000 manifestants vont
constater l’état des bâtiments et moissonnent les terres du
camp militaire à Montredon.
- 2 octobre 1976 : 2 bergers, Christian Roqueirol et François
Giacobbi, investissent la ferme de Cavaliès avec 40 brebis. Ils
sont expulsés par les gardes mobiles le 5 octobre. Alors que
l’armée occupe la bâtisse, les squatters investissent les terres
qui la jouxtent, propriété de la SAFALT. Avec l’aide des
paysans, ils ensemencent 10 hectares de terres militaires,
construisent une habitation et une bergerie en bois.
- 22 octobre 1976 : création du GFA Larzac II.
Expulsions, réactions…
- 24 octobre 1976 : expulsion par l’armée des militants installés
dans les fermes squattées de la Salvetat, le Tournet, et du Cun.
Le même jour, l’armée affirme sa présence dans la région en
organisant un défilé militaire à Millau, ce qui ne s’était pas
produit depuis de longues années. La parade est perturbée par
les paysans et militants du Larzac qui la détournent sur les
trottoirs.
- Novembre 1976 : Pendant une manœuvre militaire dans le camp,
un obus frappe le presbytère de La Cavalerie.
- 19 décembre 1976 : Pour réagir aux empiètements de l’armée
sur les terres non encore occupées par elle, les paysans
interrompent un exercice de tir hors du camp en plaçant des
véhicules devant les canons. Quelques mois plus tard, ils
retirent les balises installées par les militaires à l’extérieur du
camp pour les exercices de tir et les entassent devant l’entrée
du camp.
Août 1977 : 3ème grand rassemblement
sur le plateau
-
18 mai 1977 : Le Conseil municipal de Millau, mené par le
nouveau maire radical de gauche Manuel Diaz, se prononce
contre l’extension du camp militaire.
- 13 et 14 août 1977 : Troisième grand rassemblement au Rajal
del Guorp sur le thème Vivre et travailler au pays, symbolisé
sur les affiches par un sabot de bois s’enracinant dans la terre
du causse. Une colonne de 90 tracteurs suivie de 70 000
manifestants pénètre symboliquement dans le camp militaire.
Le cortège se dirige vers la ferme des Agastous pour dénoncer
son récent dynamitage par l’armée. La présence de Lanza del
Vasto, du général de Bollardière et de Jean-Marie Muller vient
confirmer le caractère non-violent de l’action.
Après la manifestation contre le surrégénérateur de CreysMalville en juillet, l’écologie politique se structure peu à peu :
Plogoff, Golfech et le Larzac en dessinent les premiers
contours.
Expulsions, procès…
- 12 octobre 1977 : expulsion par les gardes mobiles des squatters
de la ferme du Pinel. Cette ferme devient le 5ème "fortin" de
l’armée, après Cavaliès, le Tournet, la Salvetat et le Cun.
- 20 octobre : le nouveau préfet de l’Aveyron, Paul Bernard,
prolonge de 5 ans l’arrêté d’utilité publique arrivant à son terme.
- 21 octobre 1977 : Procès à Millau de trois objecteurs et d’un
"renvoyeur" de livret militaire. Le juge refusant d’entendre le
général de Bollardière, 30 brebis envahissent la salle
d’audience.
- 30 octobre 1977 : les paysans inaugurent la bergerie jouxtant les
bâtiments de Cavaliès occupés par l’armée. Le 17 décembre,
ils labourent 20 hectares de terre sur la ferme du Pinel.
- Février 1978 : Création du GFA Larzac III
Portes ouvertes, moissons et labours, jeûne…
- 18 juin 1978 : Deuxième journée "Larzac ouvert" : portes
ouvertes dans les fermes des exploitants en lutte.
- 26 août 1978 : Environ 100 personnes participent à la moisson
de 5 hectares labourés et ensemencés illégalement en avril à
la ferme du Pinel, propriété achetée par l’armée.
- 29 septembre 1978 : le préfet Paul Bernard annonce la prise
d’arrêtés de cessibilité pour les communes de La Cavalerie et
La Roque-Sainte-Marguerite.
12 paysans et une femme commencent un jeûne de 5 jours
dans la cathédrale de Rodez. Ils sont soutenus par l’évêque,
le Père Roger Bourrat.
- 8 octobre 1978 : 151 tracteurs et 5 000 sympathisants
participent aux labours des terres au Pinel, au Tournet et à
Montredon, afin d’affirmer leur vocation agricole.
Une journée nationale d’action
-
28 octobre 1978 : Journée nationale de soutien au Larzac.
Manifestations dans une centaine de villes à l’appel des
paysans et des Comités Larzac. 45 jeûnes sont organisés en
signe de protestation.
Le jeûne à Paris de 4 paysans accompagnés de Lanza del
Vasto, Jacques de Bollardière, Jean-Marie Muller, Jean Toulat
et Jean Goss reçoit le soutien d’intellectuels (dont Jean-Paul
Sartre, André Gluksmann) et d’hommes politiques (dont
François Mitterrand et Michel Rocard). 140 étudiants jeûnent à
l’École supérieure d’agronomie de Paris.
L’amiral Antoine Sanguinetti, l’archevêque de Paris François
Marty soutiennent les paysans.
- 6 novembre 1978 : le juge de Rodez fait notifier aux propriétaires
les ordonnances d’expropriation, signifiant ainsi la fin de la
procédure juridique.
Fin 1978 : la marche vers Paris
-
8 novembre au 2 décembre 1978 : 200 habitants du plateau
marchent de la Blaquière vers Paris (710 km en trois semaines,
avec 25 villes-étapes). Le Président de la République, Valéry
Giscard d’Estaing, déclare en conférence de presse que le
problème doit être réglé par les institutions compétentes.
Les marcheurs sont rejoints à l’arrivée à Paris par 100 000
personnes qui les accompagnent de la porte d’Ivry à la porte
d’Italie. François Mitterrand reçoit 5 paysans au terme de la
manifestation. 11 paysans, dont José Bové, sont reçus le 3
décembre par le directeur de cabinet du ministre de la
Défense.
Revenus de Paris, les agriculteurs sont stupéfaits par la fermeté
des déclarations du ministre de la Défense « Le camp de 17 000
hectares se fera ».
Référendum local, "ville morte"
- 17 février 1979 : Référendum sur le projet d’extension du camp
militaire organisés par la mairie de Millau : plus de 88 % des
votants (71 % de participation) sont opposés à l’extension du
camp.
- 6 avril 1979 : journée "ville morte" à Millau en soutien aux
paysans, route nationale n°9 coupée, manifestation de 2 000
personnes
- 15 mai 1979 : réunion au ministère de la Défense. Une
suspension de la procédure d’expropriation est annoncée pour
une durée de 2 mois. Malgré cela, la procédure continue le 16
mai par une visite du juge Grenet à l’Hospitalet-du-Larzac.
Chantiers, anicroches, jeûne
-
Été 1979 : chantiers illégaux d’adduction d’eau, de constructions, de restauration de chemins, d’installation de réseaux
téléphoniques. Édification d’un centre culturel intercommunal
à l’Hospitalet-du-Larzac sur le tracé de l’ancienne voie de
chemin de fer que les militaires reconstruisent pour
acheminer leurs convois sur le camp. Anicroches entre
Larzaciens et parachutistes à la Blaquière.
-
Octobre 1979 : Les organisations agricoles se voient
confirmer que l’intégralité du projet d’extension est
maintenue.
-
12 au 18 novembre 1979 : À l’occasion de la venue à Rodez
de Valéry Giscard d’Estaing, Président de la République, 14
personnes jeûnent 8 jours contre le projet d’extension du
camp.
-
17 novembre 1979 : Les lettres annonçant la venue sur leurs
terres du juge d’expropriation sont expédiées aux
propriétaires concernés.
Les soucis du juge des expropriations
-
Décembre 1979 : 300 personnes bloquent la visite du
juge des expropriations à la Blaquèrerie, sur la commune
de la Couvertoirade. Des manifestations identiques se
répètent dans les autres communes concernées. Le juge
des expropriations se voit refuser l’accès des 6
communes sur lesquelles il souhaite visiter les terres en
question. Une pancarte proclame "Les paysans ne sont
pas à vendre !".
Les maires ferment leur mairie, obligeant le juge à fixer
les rendez-vous en rase campagne. Le 17 décembre,
barrages sur les hameaux de Potensac, la Blaquière et
St Martin, matraquages et tirs de grenades lacrymogènes
par les policiers. Sur 147 propriétaires concernés, trois
ont discuté avec le juge.
Photo du haut : Sit-in sur la RN 9
Renvois de livrets militaires, jumelages…
- Fin 1979 : À Bonneville (Haute-Savoie), procès d’Olivier Vial,
coordinateur national de l’opération de renvois de livrets
militaires. 1 030 livrets sont remis solennellement à la
présidence du Parlement Européen à Strasbourg. Par la suite,
près de 3 000 citoyens se joignent au mouvement.
-
1980 : La relance par l’État des enquêtes parcellaires
nécessaire à la réalisation des expropriations entraîne une
mobilisation de tous les acteurs de la lutte : paysans, élus,
comités Larzac.
De nombreuses manifestations de soutien réconfortent les
paysans, comme les jumelages de villes françaises avec des
fermes ou hameaux concerné par l’extension du camp (ex. :
jumelage Albi - la Blaquière, Nîmes - La Couvertoirade, etc.)
Bataille juridique, mobilisation…
-
7 mai 1980 : Suite au recours déposé par les avocats
des paysans, la Cour de Cassation annule 70
ordonnances d’expropriation, déclarant la procédure
irrégulière faute d’une signature du sous-préfet sur les
conclusions de la commission d’enquête.
-
Juin à septembre 1980 : 700 personnes travaillent sur 15
chantiers sur le plateau : réfection de routes et chemins,
entretien des réseaux téléphoniques, création de
panneaux de signalisation. 25 000 personnes sont
accueillies dans 5 lieux d’information.
Nouvelle action à Paris…
- 20 octobre : Début de l’enquête parcellaire. Les portes de la
mairie de La Couvertoirade, laissées closes par le maire,
Jacques Dupont, sont enfoncées par les gardes mobiles. Le
préfet suspend le maire pour la durée de l’enquête.
Le 22 octobre, paysans et conseillers municipaux le
restaurent dans ses fonctions et transforment le gîte d’étape
communal en "Mairie Larzac" abritant un "registre des
nuisances publiques".
- 27 novembre 1980 : 74 habitants du Larzac montent en bus à
Paris et campent sur les pelouses du Champ de Mars, au
pied de la Tour Eiffel. Ils installent un village de tentes avec
réfectoire et école. Le village de tentes est évacué par la
police 5 jours plus tard, mais les manifestants poursuivent
leur action de popularisation sur la Seine à Paris grâce au
prêt d’une péniche par la mairie de Conflans-Ste-Honorine,
dont le maire est Michel Rocard.
Enquête parcellaire,
redistribution de l’impôt…
- 22 août 1980 : le ministère de la Défense ordonne l’ouverture
d’une nouvelle enquête parcellaire. Le préfet en fait paraître
l’avis officiel le 29 septembre.
- 3 janvier 1891 : Assemblée générale de l’APAL. Le montant du
refus de 3 % de l’impôt est passé de 96 916 F en 1976 à
204 931 F en 1980.
- 17 février 1981 : Une consultation à bulletin secret des 103
paysans est organisée dans les locaux de la coopérative
agricole, rue de Glossop, à Millau. À une large majorité, ils
décident de ne pas participer à une réunion prévue au
ministère de la Défense le 24 février.
La bataille perdue ?
-
24 février 1981: Lors de cette réunion à Paris est signé avec
les élus de l’Aveyron un accord de règlement global :
maintien des activités agricoles, protection du hameau de la
Blaquière, respect des équilibres de la vie locale, invitation
au règlement de chacune des situations individuelles.
Les limites d’un camp porté à 17 000 hectares sont arrêtées.
Trois jours plus tard, le Conseil Général de l’Aveyron
entérine l’accord par un vote à l’unanimité
Juin 1981 : le respect de la promesse
de François Mitterrand
- 10 mai 1981 : François Mitterrand est élu Président de la
République. Explosion de joie des Larzaciens, car la
lassitude et la résignation gagnaient insidieusement du
terrain et car le front uni des paysans se craquelait de plus
en plus.
Pour rassurer l’état-major, le nouveau ministre de la
Défense, Charles Hernu, laisse entendre qu’il est favorable
à l’extension du camp.
- 26 mai 1981: le général Jeannou Lacaze, chef d’état-major
des armées, met en garde le ministre contre l’abandon du
projet, et demande à être reçu le 1er juin.
- 3 juin 1981 : suite à l’arbitrage du Président, la nouvelle de
l’annulation du projet d’extension du camp militaire est
rendue publique à l’issue du Conseil des ministres.
Les fermes rendues à la culture
-
7 juin 1981: L’armée quitte les fermes qu’elle
occupait depuis 1976 (Cavaliès, le Tournet, le
Cun, la Salvetat) et 1977 (Le Pinel).
8 juin : confirmation par le préfet aux paysans de
l’abandon du projet d’extension.
Amertume de l’armée et des commerçants de La
Cavalerie, et surtout du groupusculaire
Mouvement pour la paix et l’ordre sur le Larzac,
dissuadé par le maire, Jean Andrieu, et par les
gendarmes de faire une expédition punitive chez
les paysans.
Photo : - La ferme de La Salvetat
"La fin d’une guerre de dix ans"
- 17 au 23 août 1981: Rencontres internationales pour la paix sur le
plateau, dans la ferme du Pinel. 1 500 à 2 000 personnes
participent à ces rencontres, dont une délégation de Japonais
résistant au projet d’extension de l’aéroport de Sanrizuka (Tokyo).
Fête de la victoire au Rajal del Guorp le 23 août, avec 10 000
personnes.
Le 21 août 1981, dans un article du quotidien Libération intitulé La
fin d’une guerre de dix ans, on peut lire : « Pour situer l’affaire du
Larzac dans l’histoire politique française, on peut rappeler que se
sont succédé durant ces 11 ans : 3 présidents de la République, 5
Premiers ministres, 6 ministres de la Défense, 6 préfets de
l’Aveyron ».
-
21 et 22 novembre : Dissolution symbolique des comités Larzac.
Photos : Le Rajal del Guorp
- Un représentant japonais de la Ligue contre l'extension de l'aéroport de Narita aux
Rencontres internationales pour la paix
Régler la question foncière
- Hiver 1981-82 : Louis Joinet, magistrat, ancien Président du
Syndicat de la Magistrature, proche de Bernard Lambert et
conseiller juridique au cabinet du Premier Ministre Pierre
Mauroy, est chargé de "désimbroglier" le dossier du Larzac
avec pour mission prioritaire de régler au mieux la délicate
question foncière.
-
11 juillet 1982 : création de l’association Fondation Larzac qui,
forte de "l’expérience acquise par les paysans du Larzac au
cours de leur lutte de 10 ans", se propose de "soutenir toute
initiative de paix" et de "mener une recherche sur les
alternatives au modèle dominant de développement", à la fois
sur le plateau et dans le Tiers-monde. Elle deviendra en 1999
l’association Larzac Solidarité.
Photo du haut : Louis Joinet
Le ministère de l’Agriculture prend le relais
-
24 juillet 1982 : Inauguration de l’écomusée Maison du
Larzac dans la bergerie de La Jasse (rénovée par des
travaux financés par le Fonds interministériel de
développement et d’aménagement rural (FIDAR) et de
l’exposition "Larzac, terre en marche".
Le Centre d’initiatives rurales (CIR) prend racine sur les
vestiges de Larzac-Université avec la volonté d’agir pour le
développement local en proposant animations et formations.
- Mai 1983 : la gestion des terres du Larzac (6 400 ha achetés
à l’amiable pour l’armée) est transférée du ministère de la
Défense à celui de l’Agriculture qui les donne en gestion à
une SAFER, la Société d’aménagement foncier Aveyron Lot
Tarn (SAFALT) pour une durée de 6 ans.
-
6 et 7 août 1983 : Journées internationales pour le gel
nucléaire au Rajal del Guorp : 15 000 personnes.
Une société civile
pour gérer les 6300 ha achetés par l’armée
- 29 novembre 1984 : Constitution de la Société Civile des
Terres du Larzac (SCTL) suite à une trentaine de réunions
entre Louis Joinet, et les représentants des paysans (Guy
Tarlier, José Bové, Jean-Jacques de Félice et François
Roux).
- 29 avril 1985 : l’État confie par bail de 99 ans à la SCTL la
gestion des 6 300 hectares achetés pour l’armée. La SCTL
s’engage à louer ou à prêter ce patrimoine (terres et bien
immobiliers) en garantissant aux bénéficiaires l’usage de ces
biens jusqu’à l’âge de leur retraite par des "baux de
carrière". Le bail entre l’État et la SCTL doit être renouvelé
en 2045.
- Septembre 1983 et février 1986 : saccage à 2 reprises de
l’écomusée de la Jasse par un commando d’extrême droite
nommé Crépuscule.
SCTL
Solidarité
- 19 juin 1988 : Un mois et demi après la tuerie de la grotte
d’Ouvéa (Nouvelle Calédonie), une parcelle du Larzac est
offerte à la Kanaky comme manifestation des relations
étroites nouées depuis 1985 entre ces deux terres. Un arbre
est planté par Jean-Marie Tjibaou, Jacqueline Deteix et Kevin
Alozio, membres du FLNKS.
- 1988 : La SOFRES sonde la mémoire d’un panel de Français
en leur proposant une liste d’évènements politiques survenus
depuis 20 ans pour connaître ceux qui les avaient les plus
marqués. "La marche pacifique du Larzac" arrive à la 15ème
place.
Des incendies malencontreux
- Été 1989 : Exposition à l’écomusée de la Jasse, sur le thème
« Les paysans du Larzac en 1789 ».
Le maire socialiste de Millau Gérard Deruy confie aux enfants
de la commune le soin de planter sur le Larzac 1789 arbres
devant former, vus du ciel, le nombre 1989. La mairie publie
l’ouvrage Millau, 2000 ans d’histoire qui relate avec force
détails l’opposition des paysans et Millavois à l’extension du
camp.
- 3 juillet 1989 : Incendie causé par les tirs de missiles dans le
camp militaire (3 ha brûlés). 2ème incendie le 8 août (120 ha
brûlés), manifestation des habitants sur le terrain de tir. Le
colonel ordonne l’arrêt des tirs en période sèche. 3ème incendie
le 7 septembre, arrêté par les Canadair alors qu’il franchissait
les limites du camp militaire. 120 personnes envahissent les
casernes à 22 h 30. Réunion à la sous-préfecture de Millau à
ce sujet le 29 septembre.
20 ans après le début de la lutte
- 15 au 18 août 1991 : Rencontres Larzac 71-91, qui fêtent le
20ème anniversaire du début de la lutte du Larzac. Exposition
"Le Larzac s’affiche" synthétisant "l’épopée larzacienne" à
partir des créations placardées pendant 20 ans sur les murs
de France.
Sur les 103 paysans signataires du serment de 1972, 42
sont retraités, 38 en activité, 18 décédés, et 5 sont partis
pour des problèmes professionnels ou relationnels. Une
relève générationnelle est à l’œuvre sur les terres et dans
les structures collectives.
- 18 août 1991 : inauguration de la cazelle kanak, magnifique
abri en pierre sèche construit sur le terrain de Kanaky, juste
derrière le terrain du Cun, en présence de Marie-Claude
Tjibaou et d’une délégation de l’Union Calédonienne.
Solidarité internationale
- 7 mai 1992 : Décès de Guy Tarlier, décrit par le quotidien
Le Monde comme "le préfet du Larzac". Ses obsèques
donnent lieu à de nombreux hommages jusque chez les
Kanaks de Nouvelle-Calédonie.
- 4 décembre 1993 : 7 paysans du Larzac pénètrent dans le siège
du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade, qui
deviendra en 1994 l’OMC, Organisation Mondiale du
Commerce) pour protester contre la mondialisation débridée
des échanges qui déstructure et ruine l’agriculture vivrière des
pays du Sud.
- 22 au 29 décembre 1994 : Des habitantes du Larzac, Osla Maillé
et Michèle Vincent, participent à une mission civile de paix en
Palestine avec d’anciens militants du comité Larzac de Lyon.
Photo : Guy Tarlier (1932-1992)
Contre les essais nucléaires français
- 6 août 1995, date anniversaire de l’explosion de la bombe
d’Hiroshima : 350 personnes protestent sur le Mandarous
(centre ville de Millau) contre la reprise des essais
nucléaires français décidée par le président Jacques Chirac.
José Bové est désigné pour embarquer à bord du Rainbow
Warrior II et peut pénétrer dans la zone de tir.
19 août au 12 septembre, présence de la délégation LarzacMillau Stop Essais à Tahiti.
- Été 1996 : Après d’importants travaux, l’écomusée de la
Jasse devient Office de tourisme, consacré à la restauration
et à la vente de produits locaux et vidé de sa mission
mémorielle.
Lutte contre les OGM
- Février 1997 : Les communes de La Cavalerie, La Couvertoirade, St-Jean-et-St-Paul, Ste-Eulalie-de- Cernon et Viala-duPas-de-Jaux signent avec l’État un "contrat de site majeur" en
vue de la restauration de leur patrimoine historique. En 1998
sont classés et restaurés les remparts de La Cavalerie, cité
templière.
-
Février 1998 : Deux éleveurs du plateau, Francis Roux et José
Bové, ainsi que le Lozérien René Riesel, membres de la
Confédération paysanne, sont condamnés par le Tribunal
d’Agen à des peines de prison avec sursis pour avoir mélangé
des semences génétiquement modifiées et des graines
classiques dans un entrepôt de la firme Novartis à Nérac (Lotet-Garonne).
Photo du haut : La Cavalerie, cité templière
Pour une autre mondialisation
- 12 août 1999 : Démontage symbolique de matériaux
(planches, cloisons, fenêtres) dans le futur restaurant Mac
Donald’s de Millau pour protester contre la "malbouffe" et
contre les sanctions commerciales imposées par les ÉtatsUnis qui surtaxent l’importation de roquefort. Les matériaux
détachés sont déversés devant la sous-préfecture. L’AFP
décrit l’action comme un "saccage".
-
30 novembre 1999 : participation de Larzaciens au contresommet de Seattle, à l'occasion d’un sommet de l'Organisation mondiale du commerce, distribution de roquefort,
harangue de José Bové devant un Mac Do en présence de
Danielle Mitterrand, Présidente de la Fondation France
Libertés.
Photo du bas: Danielle Mitterrand et José Bové à Seattle
Une autre mondialisation
- 29 Janvier 2000 : Dans la station de ski de Davos, en Suisse, où
se réunissent les grands décideurs économiques et politiques,
répression violente de la manifestation contre la mondialisation libérale. José Bové est arrosé de gaz lacrymogène par la
police helvétique.
Quelques semaines plus tard, le livre de José Bové et
François Dufour Le monde n’est pas une marchandise, Des
paysans contre la malbouffe se vend à 100 000 exemplaires.
Le président Jacques Chirac, pour la première fois, fait un
détour par le stand de la Confédération paysanne au Salon de
l’agriculture et y salue José Bové.
- 30 juin 2000 : Rassemblement de plusieurs dizaines de milliers
personnes à Millau à l’occasion du procès des 20 auteurs du
démontage du Mac Do, sur le thème "Le monde n’est pas
une marchandise". Grand concert gratuit de plein air avec
Philippe Val, Francis Cabrel, Zebda et Noir Désir avec près
de 100 000 personnes.
Le rassemblement d’août 2003
- La Fondation Larzac poursuit son travail de soutien à des
populations menant des combats pour la justice par des
collectes de fonds sous le titre Larzac Solidarité. En juillet
2000, elle finance une mission d’observation auprès de
paysans colombiens dépossédés de leur terre par une
société pétrolière. Gilles Gesson et José Bové sont arrêtés
par la police de ce pays.
- 8 au 10 août 2003 : Rassemblement de 300 000 personnes sur
le plateau sur le thème "Un autre monde est possible". Est
notamment dénoncée la politique de l’Organisation Mondiale
du Commerce (OMC).
Création du mouvement des Faucheurs volontaires de plants
OGM, animé par Jean-Baptiste Libouban, responsable de
l’Arche de Lanza del Vasto.
Moyens de communication, solidarité
- 10 janvier 2004 : Création d’une radio associative, Radio
Larzac. Après une phase de collaboration avec Radio SaintAffrique, la station obtiendra son autorisation d’émettre en
2008.
- Printemps 2004 : Lancement du site Internet www.larzac.org
- 26 juillet 2007 : À la recherche des lieux de mémoire
constitutifs de l’identité nationale, Le Nouvel Observateur
retient le Larzac parmi "les 100 lieux qui ont fait la France".
- 8 avril 2008 : Rajagopal P.V. est de passage au Larzac et fait
un intervention à La Jasse. Il est le fondateur et leader du
mouvement indien Ekta Parishad ("Forum de l’unité") qui
défend les petits paysans, les sans terre, les Intouchables,
les membres des populations tribales, et initiateur de la
marche Janadesh ("le verdict du peuple") de 25 000 exclus
entre Gwalior et Delhi en octobre 2007.
Les causes écologistes
- Septembre 2008 : Création du collectif D’un plateau à
l’autre, du Larzac à la Quebrada, l’uranium contre la
vie au coeur des Andes, en Argentine, à l’initiative du
Susana Moreau, originaire de Buenos Aires et de son
mari Roger, ancien secrétaire des 103, installés dans
ce pays depuis 2005.
- 20 décembre 2010 : Début de la mobilisation contre le
permis d’exploitation de gaz de schiste, permis dit "de
Nant", qui couvre 4 500 km² entre St-Affrique et le
Vigan, dont le plateau du Larzac.
Ce permis avait été accordé à une compagnie
pétrolière américaine dans la plus grande discrétion
le 1er mars 2010 par le ministre de l’Écologie, JeanLouis Borloo.
Un film à grande diffusion
- Après ses deux films consacrés à Bernard Lambert et Les Lip
- L’imagination au pouvoir (2007), le film du réalisateur
Christian Rouaud Tous au Larzac (1 h 58) en 2011 boucle
sa trilogie consacrée à l’histoire sociale de la décennie
1970.

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