Concours Heidi Kabangu

Transcription

Concours Heidi Kabangu
«Prix Heidi Kabangu 2015»
Centre d’Enseignement Mboloko « Les Gazelles »
La croisée des ados
C.E.G. 2015
«Prix Heidi Kabangu 2015»
Centre d’Enseignement Mboloko « Les Gazelles »
24 bis, Av. Kimpese / Quartier Yolo-Nord
Commune de Kalamu – Kinshasa
Courriel : [email protected]
Site Internet : http://cegazelles.net
La croisée des ados
Editions du
Centre d’Enseignement «Les Gazelles»
Kinshasa, 2015
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
ISBN papier : .............................
ISBN pdf : .............................
Dépôt légal : avril 2015
Editions du C.E.G.
Imprimé à Kinshasa, R.D.C. 2015
Avant-propos
Qui aurait pensé qu’à l’heure des SMS, des messages laconiques,
insipides et très souvent incompréhensibles, il coulerait de la plume
de nos jeunes talents une écriture limpide et fascinante, quoique
naïve ?
Qui aurait pensé qu’à l’heure des réseaux sociaux Facebook,
WhatsApp, Twitter et autres, qui absorbent le précieux temps des
jeunes, où l’on avance le visage masqué par toutes sortes de subterfuges, que les jeunes «gazelles» nous présenteraient dans la pureté, des récits qui mettent à nu l’intimité de leur vie ?
Soixante-neuf élèves du Centre d’Enseignement Mboloko «Les Gazelles» ont donné la preuve que la littérature demeure encore un art
auquel ils restent attachés malgré le mode de communication lapidaire que leur imposent les nouvelles technologies de l’information
et de la communication.
Des soixante-neuf textes, douze ont retenu l’attention du jury et
constituent le contenu du présent opuscule. Le parcours de ces douze
récits permet d’explorer les méandres des intimités exprimées par
ces courageux auteurs. Ils étalent à travers ces lignes, non seulement l’analyse, bien que naïve du vécu des Kinois en particulier,
leur situation d’adolescent, mais aussi la perception qu’ils ont des
problèmes politiques et sociaux de l’heure.
Nous vous recommandons vivement la lecture de cet opuscule.
Plein succès au Prix Littéraire Heidi Kabangu !
A la prochaine édition !
03.04.2015
BOYI KIZITO,
Préfet des Etudes
Préface
L’histoire se présente comme un ensemble d’événements réellement
vécus par une communauté ou un individu. Elle se conte facilement
au passé. Cependant, certaines personnes choisissent délibérément
d’entrer dans l’histoire en concevant des projets et en les réalisant.
Tant que cela demeure dans leurs cerveaux, l’on ne peut deviner à
quoi ils rêvent. C’est à la réalisation ou à la matérialisation de ces
projets que bon nombre d’autres personnes en prennent connaissance et, humilité oblige, reconnaissent par ci par là des actions
susceptibles de figurer dans les pages destinées à la progéniture.
Nous voici aujourd’hui, à un tournant décisif du Centre d’Enseignement Mboloko «Les Gazelles». Nous terminons la quatrième décennie de l’Institution. Celle qui avait pensé l’oeuvre se retire tout doucement des arcanes de sa direction. Que des réalisations n’ont
marqué cette longue marche vers l’inconnu devenu histoire pour
nous ! Oui, l’aventure de la petite gazelle dans la savane kinoise
ressemble à celle de toutes les gazelles à travers le pays. Elle court
au gré des vagues et des vents, sautant les obstacles, évitant les
buissons dangereux et les fauves affamés. Elle cherche où mettre
bas et se rassure de l’avenir de ses petits avant de les larguer dans
la vie.
Arrive un temps où la mère abandonne tout souci du petit devenu
grand. Elle s’en va quérir ailleurs et les petits se doivent de poursuivre leur chemin sans les soins de la mère gazelle, perdue dans
la nature. Certains petits refusent de rompre totalement. Comme
des petits d’homme, ils vouent leur reconnaissance à celle qui les a
engendrés et maintiennent les rapports francs, en dépit de la rupture du cordon ombilical. Il n’existe pas d’âge propice pour devenir
orphelin. On s’accroche à la mère jusqu’au jour où le ventre de la
terre la récupère paisiblement criblée de lunes et de soleils, plutôt
qu’elle finisse sa course dans le ventre d’un fauve ou d’un chasseur impitoyable.
Pour ne pas laisser la sienne dans les oubliettes, le C.E. Mboloko
«Les Gazelles» a entamé le cycle de l’immortalisation. Une salle, celle
qui accueille personnel et visiteurs de passage pour les récréations
et formation en travaux manuels, a été dénommée «Salle Heidi ».
Un simple baptême. Mais symboliquement, c’était déjà un premier pas vers la conservation de la mémoire maternelle.
Le deuxième grand événement est ce concours d’écriture assorti
d’une récompense aux auteurs : «Prix Littéraire Heidi
Kabangu». Les thèmes exploités par les auteurs révèlent la face
la plus illustrante de Heidi Kabangu : une femme à la vie ordinaire. Personne n’a pensé qu’en décrivant sa vie de tous les jours
dans sa famille, dans son école ou dans sa classe, décrivait la
vie quotidienne de Heidi Kabangu.
Heidi aimait régulièrement demander aux élèves d’établir une
relation avec soi-même : se regarder en face de la réalité et la
décrire du mieux que l’on peut, sans crainte et en toute franchise.
Elle avait une fois proposé que chacun dessine et décrive son
ciel. Et une autre fois, c’était l’avenir ou la R.D. Congo dans les
cinquante prochaines années qu’elle avait proposé aux élèves.
La revue scolaire Mondo avait fait écho de ces productions. Et
aujourd’hui, c’est la composition familiale et l’histoire récente de
chaque famille qui est contée sans détour et qui confirme l’école
«Les Gazelles» comme une école des familles.
Avec l’instauration de ce prix littéraire «Heidi Kabangu», quel
que minime qu’il soit, le Centre d’Enseignement Mboloko «Les
Gazelles» démontre que l’esprit «Gazelles» demeurera inchangé
tant que les initiés qui pilotent la barque tiennent le gouvernail de
la bonne façon. Nous les en congratulons et souhaitons la poursuite de cette manifestation de la fécondité de la jeunesse, malgré le contexte austère de l’invasion du numérique.
Gazelles, mars 2015
Pour la Rédaction
Alphonse-Marie Bitulu
Professeur
Sommaire
page
Avant-propos par le Préfet des Etudes Boyi Kizito
5
Préface par le Rédacteur en Chef Alphonse-Marie Bitulu
6
Sommaire
8
01. «Hommage à Keren» par Bamba Matondo Tracy (6e Primaire)
9
02. «Ma vie de tous les jours» par Wenga Epanda David (6e Primaire)
23
03. «Les jeux vidéo, une passion» par Mundele N’Kosi Azgad (6e Primaire)
33
04. «La tourmente» par Olangi Di’Handju Keren (1ère Secondaire)
45
05. «La petite Véronique» par Banewa Marie-Jaëlle (1ère Secondaire)
61
06. «Formidable Grand-père» par Ntanga M. Béni-Scholas (1ère Secondaire)
73
07. «En route vers Luozi» par Makembo Matondo Mfumu Ruth (2e Secondaire)
119
08. «Escapade en Angola» par Mvemba Cunga Jonathan (2e Secondaire)
133
09. «Mes premières amours» par Tshimanga Nkongolo Théod. (2e Secondaire) 145
10. «Qui suis-je ?» par Mulanga Kalaala Celia (4e Humanités Pédagogiques)
83
11. «Un poème pour la vie» par Katompa Tshitenge Yoshua (4e Hum. Péda.) 95
12. «Callystia» par Kiangani Ndonga Callystia (4e Humanités Pédagogiques)
8
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La croisée des Ados
01.
Hommage à Keren
BAMBA MATONDO
Tracy
6e Primaire
2014 - 2015
Hommage à Keren
Tous les jours, je vais à l’école, sauf le dimanche, le jour de
détente et de vacances. Hier, 08 novembre 2014, c’était le
jour de l’anniversaire de ma tante Divine. Chaque jour, nous
avons des devoirs que je fais à la maison. Lorsqu’on nous
donne le devoir samedi, je le fais directement le même jour
pour être libre dimanche. Car dimanche, ma grand-mère me
réveille très tôt le matin pour faire la vaisselle. Je trouve
toujours une montagne d’assiettes et je les lave toutes. Comme
je pars à l’église avec mon père, avec ma montagne d’assiettes,
il m’arrive de ne pas terminer à temps, et je manque le culte.
Mais je suis alors triste de manquer l’église.
Samedi et dimanche, je vais souvent chez Pierrette, ma bellemère. Elle est très gentille. Elle habite avec son père, sa mère
et ses trois sœurs. Les trois sœurs ont toutes des enfants.
Nous jouons avec eux, c’est la joie. Chez eux, on rigole, on
est heureux : on ne s’ennuie pas là-bas. C’est trop bien ! Mais
chez nous, je m’ennuie car je n’ai personne avec qui jouer.
Très souvent, nous connaissons des coupures d’électricité;
c’est devenu régulier, le courant s’en va vers quinze heures
et ne revient que tard la nuit. Chez nous, nous sommes
abonnés à Canal plus. Chaque jour, quand je rentre de l’école,
après avoir fait mes devoirs et pris le repas, je regarde la
télévision. Des fois, je fais la sieste ; puis le soir, je n’arrive
pas à dormir. Ma mère m’appelle alors, avec mes frères pour
nous demander comment nous allons. Nous en profitons pour
lui dire que nous l’aimons et nous lui demandons aussi quand
elle viendra chez nous. Une fois, elle m’a répondu qu’elle
viendra au mois de décembre. Je ne sais pas si c’est la vérité
qu’elle viendra.
Prix Heidi Kabangu 2015
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Chaque fois quand je pars à l’école, le maître nous dit : vous
devez être meilleurs élèves, vous de l’actuelle 6e primaire,
que ceux qui sont présentement en 1ère année secondaire. Il
nous rappelle souvent le TENAFEP (Test National de Fin
d’Ecole Primaire) qu’on a changé en ENAFEP (Examen
National de Fin d’Ecole Primaire) et il nous y prépare. Notre
maître n’est pas méchant, mais il est très sévère. Il aime
beaucoup chanter la musique chrétienne.
Souvent, on parle de ma sœur Keren, je me souviens d’elle et
je pleure. Parce qu’elle est décédée à l’âge de quatorze ans.
Cela m’avait fait très mal. Je ne cesse de penser à elle. On
était très proche l’une de l’autre. On jouait avec elle au battle,
Stone, son frère, mon frère et moi. On chantait, on dansait ;
c’était la joie. Mais maintenant, comme elle n’est plus là, ce
n’est plus comme avant.
Elle devrait être là, quand ils ont déménagé. On devait lui
acheter le Canal Sat, mais comme elle n’est plus là, on l’a
acheté pour le reste de la maison. C’était son père qui devait
le lui acheter. Elle devrait être là le jour anniversaire de sa
mère Antho. Nous pensons beaucoup à elle. Puis est survenu
le décès de la mère de ma grand-mère, mon arrière-grandmère.
A l’école, j’ai un voisin qui m’énerve. Il me provoque sans
arrêt. Et je le tape tout le temps. Ce garçon s’appelle Ifanza.
Lorsqu’on présente une interrogation, il est plutôt calme,
gentil ; mais avec les autres travaux, c’est là qu’il commence
à me provoquer. J’essaie de faire comme si je ne l’écoutais
pas. Il me gâche tout le temps mon humeur et ma vie. Je
suis fatiguée de lui.
Je voudrais qu’il ne s’asseye plus sur le même banc que moi.
C’est difficile de voir une personne que vous détestez s’installer
à côté de vous. Cela fait péter les plombs. C’est ce qui m’arrive
maintenant. Quand je suis en vacances, j’ai envie d’aller à
l’école ; mais quand je suis à l’école, j’ai envie de rentrer en
vacances.
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La croisée des Ados
Le Directeur Musu Karassa nous pose des interrogations
difficiles. Mais on se débat, et on finit par réussir ou parfois,
par échouer. Le maître nous dit toujours qu’il faut lire le
grand cahier - des Sciences : Géographie et Histoire - tous
les jours; mais nous ne respectons que parfois son conseil,
et nous faisons la tête. Des fois, j’ai peur de me présenter
pour le Tenafep. Je ne sais pas pourquoi. Les autres qui sont
passés par là prétendent que c’est facile, qu’il ne faut pas
avoir peur. Mais j’ai foi que je vais réussir et passer de classe.
Papa sera fier de moi. J’aime beaucoup mes parents. Ils font
beaucoup de sacrifices pour mes frères et moi. C’est grâce à
eux que je suis venue au monde. C’est aussi grâce à Dieu. Je
suis la cadette de notre famille. Je vis avec mes frères, mon
père, mon grand-père et ma grand-mère. Mon père fait tout
pour que mes frères et moi puissions étudier. Moi aussi, je
dois lui montrer que je veux réussir, pour qu’il ne puisse pas
dépenser son argent pour rien.
A l’école, on nous a dit que nos parents font des sacrifices
pour nous, même si c’est difficile. Ma mère aussi fait beaucoup
de choses pour mes frères et moi. Car elle nous aime
beaucoup.
En classe, on nous a parlé des démunis, des pauvres et des
orphelins. On nous a dit qu’on doit offrir des dons, surtout
en ce moment. Ils ont aussi besoin de fêter Noel comme tout
le monde. Ils doivent aussi être heureux ce jour-là. Alors, il
faut les aider. Moi, j’ai promis au maitre que je ferai un don.
Ces gens me font tous pitié. Nous devons les aider. Quand tu
donnes aux pauvres et orphelins, Dieu te bénit et te donne
encore plus que ce que tu as donné.
Il y a beaucoup de gens qui souffrent. Mon frère ainé, quand
il était parti au village, il avait trouvé des enfants dans une
école où il manquait des crayons. C’était une sortie de classe.
Il avait apporté pour ces enfants-là des crayons, des cahiers,
des stylos à billes, des crayons de couleur, des feutres, etc.
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pour que ces enfants ne soient pas trop en difficulté. Parce
que ces enfants souffrent terriblement. Alors, il les a aidés.
Le maître nous a dit que donner est un sacrifice et que Dieu
nous aime. C’est pour cela qu’il nous a donné son Fils unique.
Il l’a même sacrifié pour nos péchés. J’aime beaucoup prier
Dieu, car c’est lui mon créateur. Je l’aime beaucoup.
Quand le maitre a parlé de cette compétition, j’ai voulu la
gagner. Mais, j’ai un gros problème. Je dois me battre : les
élèves volontaires de la première année secondaire, de la
troisième jusqu’en sixième année secondaire sont tous invités,
ainsi que nous de la sixième primaire. Peut-être que je
gagnerai le prix Heidi Kabangu.
Quand je passe une mauvaise journée, je rentre très triste à
la maison. Mon père nous dit qu’il ne faut pas trop regarder
la télévision. Et il dit vrai, il a raison. Il dit aussi que la
télévision est une distraction, qu’on leur avait dit à la réunion
des parents de ne pas laisser les enfants regarder la télévision
tard le soir. Je pense qu’ils n’ont pas tout à fait raison. Parce
que l’enfant peut s’ennuyer et les parents n’aiment pas cela.
Les parents ne supportent pas de voir leurs enfants tristes
ou ennuyés. C’est pour cela qu’ils les laissent suivre la
télévision même si c’est une distraction.
Le jour où mon grand-frère Rudy a menti qu’il n’avait pas fait
ses devoirs, ma grand-mère, comme elle aime beaucoup
accuser, est allée le dire à mon père. Cela m’avait énervée.
Papa ne voulait plus qu’on puisse toucher à l’ordinateur
samedi et dimanche.
Le jour de Noel, je n’étais pas avec mon grand-frère Rudy
puisqu’il était allé en vacances chez mes cousins. Pour moi,
c’était une mauvaise fête. Je n’étais pas sortie, je ne m’étais
pas amusée et ma grand-mère n’a fait que m’envoyer. Je
n’avais même pas eu le temps de me reposer. On avait eu des
invités, ce n’était pas trop bien parce que je ne parlais pas du
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La croisée des Ados
tout et je m’ennuyais. Je n’avais pas allumé des pétards, ni
des feux d’artifice, ni des canons.
Le soir, mon grand-frère ainé (Randy) m’a offert un sucré à
boire. Puis, je suis allée chez ma belle-mère, maman Pierrette.
Je me suis bien amusée parce que quand je suis là, je joue
avec ses nièces et neveux. Ils sont tous très gentils avec moi.
Puis, à zéro heure, ma grand-mère a appelé papa et lui a dit
qu’il vienne rétablir le courant électrique. Nous sommes
rentrés à la maison et nous avons trouvé le courant déjà
rétabli. Je me suis dit que ma grand-mère nous avait menti.
Papa m’a raccompagnée avec maman Pierrette. Puis, eux deux
sont rentrés à Yolo-Sud. Moi, j’étais allée dormir.
Lorsqu’on partait chez mes cousins sur l’avenue Nyemba,
mon frère Rudy et moi, on ne s’ennuyait jamais. C’était très
bien également. On jouait au lego, au ballon, à libérer ou au
cache-cache. Ou encore à « maman que je vienne », un-deuxtrois soleils, Adam et Eve ; ou l’on suivait un film. Le soir,
des fois, quand les parents partaient à un deuil, on allumait
la télévision puis, on éteignait les lumières, puis on faisait
comme si c’était dans une salle de cinéma. Avec nos cousins,
on rigolait, on s’amusait et des fois, de petites disputes
éclataient. Mais on se disputait rarement. On jouait beaucoup
plus. Nous faisions aussi des batailles de coussins : chacun
poursuit les autres … ils sont vraiment très gentils avec nous.
Puis, ils ont quitté Nyemba pour aller habiter Bandalungwa.
Un jour, nous sommes partis là-bas en vacances. C’était bien.
On s’est amusé comme des fous. On sortait et allait à côté de
la rivière. Il y avait de grandes flaques d’eau le long de la
rivière. Dans ces flaques nageaient des têtards. On avait aussi
vu un oiseau bizarre qui ressemblait à un toucan. Il était
très beau et avait plein de couleurs. Après, nous avons pris
une autre route pour rentrer. Ils ont profité pour nous faire
visiter le quartier où ils habitaient. Ce séjour était inoubliable.
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Un soir, nous sommes sortis avec mes cousins, ma cousine,
notre oncle (leur père). Nous sommes allés chez l’ami de mon
oncle (Tonton Etienne) avec qui on avait fait des émissions à
la radio Okapi. Ma cousine Kiriya et moi, faisions toujours
des aller-retours aux toilettes. On avait tous pris de la bouillie
puis nous sommes rentrés. On dormait en retard pour se
réveiller à l’heure qu’on voulait. C’était très cool !
Le jour de la «Bonne Année» (Nouvel An 2015), ce n’était pas
si mal. Même si nous n’étions pas sortis, je l’ai passé avec
mes deux grands frères, ma grand-mère, mon père, la femme
de mon père, mon cousin, mon grand-père, mon oncle et une
parenté que je ne connaissais pas très bien. La nuit, nous
sommes allés chez maman Pierrette. Nous nous sommes
amusés, nous avons pris des photos avec l’appareil photo de
mon père.
Le jour de Noel et de la Bonne Année, ma mère n’avait pas
appelé. Mais le jour de mon anniversaire, elle avait appelé.
Cela m’avait fait du bien d’entendre encore une fois sa voix.
Elle me manque beaucoup. Je l’aime tellement. Je sais qu’elle
va rentrer à Kinshasa.
Quand j’ai repris l’école, le maitre nous a dit qu’il avait passé
trois jours à Boma dans le Bas-Congo. Il avait visité la maison
de Stanley. Il nous a parlé de beaucoup de choses et il nous
a même dit que Stanley habitait dans un arbre appelé baobab,
qu’il était entré dedans et qu’il l’avait même filmé. Il nous a
montré quelques photos de ce voyage mais nous voulions
surtout voir ce qu’il avait filmé. Nous lui avons posé beaucoup
de questions.
Aujourd’hui, il n’y avait pas de courant. Je m’ennuyais. Je
suis fatiguée et j’ai envie de dormir. Le maitre nous a dit qu’il
fallait qu’on remette normalement la rédaction de vingt-quatre
pages aujourd’hui. Je n’ai pas encore fini cela. Ça me prend
beaucoup de temps. Mon grand-frère Rudy me rappelle
souvent de me souvenir quand j’étais encore petite. On m’a
dit que je n’aimais pas parler français. Je n’aimais que le
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La croisée des Ados
lingala. C’est ainsi que mon grand-frère m’imite en faisant
zin-zin, juste pour me faire rire. On se dispute parfois à cause
de cela car ça m’énerve de me rappeler ces étapes déjà
passées.
Demain, je ne sais pas ce qui m’attend après l’école. J’ai fêté
Noel et Bonne Année 2015 souffrant de grippe jusqu’à ce
moment. J’ai pris des médicaments qui n’ont pas réussi à
me soigner.
Je me rappelle qu’un jour, quand j’avais cinq ans, je n’étais
pas allée à l’école. Des garçons sont venus avec trois chiots
qu’ils vendaient et nous les avions appelés. C’était ma tante
Divine qui est maintenant en Angola qui nous les avait
achetés. Pendant qu’elle négociait, moi, je jouais avec les trois
chiots.
Notre chatte qui est déjà morte, en était jalouse. Elle venait
pour les griffer. Je suis intervenue à temps pour sauver les
chiots et les défendre. J’ai donné une baffe à la chatte et elle
a pris fuite. Quand ma tante avait terminé de négocier, nous
avons acheté uniquement deux au lieu de trois. Le chiot
restant pleurait de ne plus jamais revoir ses frères ni moi
non plus. Cela m’avait donné aussi l’envie de pleurer avec
lui. Le premier chiot, nous l’avions appelé Rox et le deuxième
Déaleur.
Je me rappelle qu’un jour, l’eau chaude s’était déversée et
avait brûlé les coussinets. Ils avaient rapidement guéri. Quand
le premier chiot mangeait, si l’on servait le deuxième, le
premier abandonnait son plat pour profiter de celui du second.
Ce dernier grognait mais l’autre n’arrêtait pas de chercher à
se disputer la nourriture de son frère. Je me fâchais et tapait
sur la tête du premier pour qu’il arrête d’envier le plat d’autrui
et reprenne le sien. Puis, un matin, nous n’avons pas retrouvé
Rox. Nous l’avons cherché partout, mais il avait disparu pour
de bon. Nous sommes restés avec Déaleur qui, entre-temps
a grandi puis est mort. Nous l’avons enterré à côté de la
poubelle de notre maison dans la parcelle. Ma grand-mère
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veut acheter encore un autre chien pour que les voleurs ne
reviennent plus nous embêter.
Papa m’avait inscrite à la catéchèse de la paroisse. J’ai
rencontré d’autres enfants de cinquième primaire là-bas. A
la catéchèse, si tu as un âge avancé, tu peux suivre la
catéchèse avec des grands ou plus jeunes que toi. On n’y
parle que de Dieu. C’est plutôt une bonne chose.
A l’école, on nous apprend des tas de choses. En maternelle
quatre ans, les enfants apprennent des chansons, ils font
des marches en file indienne en chantant. Ils dessinent et
font des coloriages. La maîtresse leur raconte des histoires,
ils jouent à plein de choses.
En maternelle cinq ans, on pratique des jeux différents, des
dessins, des coloriages. On apprend des chansons et les
maîtresses racontent des histoires plus intéressantes que
celles de la première année de maternelle.
En première année primaire, les enfants apprennent les
chiffres, ils calculent, ils apprennent les sons et lisent. Ils
font quelques bricolages et chantent. En deuxième année, ils
apprennent d’autres calculs plus difficiles, dessinent, lisent,
chantent et récitent à la fin du trimestre, des textes mémorisés
sous forme de théâtre.
En troisième primaire, c’est la grammaire, les récitations,
etc. En quatrième, on fait beaucoup d’exercices de français
et de calcul. On étudie aussi des cours de sciences, histoire,
géographie, etc. En cinquième année, on reprend ce que l’on
avait vu en deuxième et dans les autres classes intermédiaires,
puis, on ajoute quelques petites nouvelles notions.
Enfin, en sixième primaire, c’est la classe où je me trouve.
On reprend tout ce qu’on a appris dans les classes
précédentes. Puis, on ajoute quelques nouvelles notions. A
la fin, c’est le test national de fin d’études primaires.
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La croisée des Ados
Le maître nous a demandé de faire des efforts pour que nos
parents soient fiers de nous à la fin. Il rajoute aussi que l’on
doit faire mieux que ceux de l’année passée qui se retrouvent
en première secondaire. Pour eux, les autorités de la Sousdivision étaient venues proclamer les résultats à l’école même
parce que c’était un exploit dans l’histoire de l’école. Je me
suis mise alors au travail. Au premier trimestre, j’ai obtenu
72,2 % et je voudrais mieux faire. Je travaillerai beaucoup
pour obtenir 80 % mais, c’est quand même difficile. Des fois,
on m’accuse à tort de paresse.
Avec mes cousins, on aime rire, mais non se disputer. Quand
je pense à ma sœur défunte, cela me fait pleurer. Je vais
vous raconter l’histoire de la mort de ma cousine Kerren.
C’était une fille gentille. Elle et son frère (Stone) ne
s’entendaient pas quelques fois. Un jour, quand elle était
malade, elle souffrait des yeux, elle est allée en Inde pour le
traitement. On a découvert qu’elle souffrait d’un cancer de
cerveau.
A son retour, la maladie n’était pas guérie. Elle est rentrée en
Inde pour la deuxième fois. Cette fois encore, elle en est
revenue sans grand changement. Elle a été acheminée à
l’Hôpital Mama Yemo de Kinshasa. Elle était devenue aveugle
et handicapée. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’est de sentir la
présence des personnes qu’elle connaissait. Elle ne parlait
plus beaucoup.
Un jour, sa grand-sœur Stéphanie est venue lui rendre visite.
Elle avait senti sa présence et l’avait reconnue et appelée par
son prénom. Comme sa grande-sœur lui caressait le visage,
elle avait attrapé sa main, l’avait serré très fort. Elle
commençait déjà à voir ce que nous les hommes ne pouvons
voir avec nos yeux. Elle disait : « Ya Stéphanie, ferme la porte,
le chien va entrer dans la maison ». Puis, un soir, la même
sœur rentre de sa visite à l’hôpital. Je ne sais pas ce qui
s’était passé. Nous étions en vacances. Mon grand-frère et
moi jouions : je peignais les cheveux de mon jouet. Tout d’un
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coup, on appelle ma grand-mère au téléphone et on lui annonce
que Ya-Keren est décédée. Elle était avec tantine Brigitte. Toutes
les deux commencèrent à pleurer. Je demandais à ma tante
ce qui se passait. Elle me répondra que ma cousine Keren était
décédée. Mon grand-frère Randy et le second, Rudy, me
demandèrent pourquoi notre grand-mère pleurait. Je leur ai
répondu que c’est parce que Ya Keren est morte.
Ils croyaient que je plaisantais et ont préféré continuer à jouer.
J’ai reposé la question à ma tante et elle m’a répondu la même
chose. Mes frères m’interrogèrent à leur tour et de nouveau,
je leur donnais la même réponse. Ils éteignirent alors
l’ordinateur puis entrèrent en chambre pour commencer à
pleurer. Nous avons ensuite appelé la sœur aînée de Keren
la défunte, qui nous a demandé ce qui se passait. Nous lui
avons annoncé la nouvelle et elle aussi a commencé à pleurer.
Nous avons ensuite appelé la maman de Keren, puis son papa
qui était en voyage. A son retour de voyage, nous lui avons
annoncé la mauvaise nouvelle et il a commencé à pleurer. Et
pourtant, il était fort ; mais c’était sa fille préférée.
Les jours passèrent, puis vint le jour de l’enterrement. Le
père de la défunte a tenu une brève allocution, puis, il a
éclaté en sanglots. Ce jour-là, j’étais inconsolable avec mes
autres cousins et cousines. Il ne servirait à rien de vouloir
les consoler. J’étais abattue puis, à un moment, j’ai cessé de
pleurer et me suis calmée. Quand j’ai vu le corps partir pour
le cimetière, j’ai recommencé à pleurer. Chaque fois que je
pense à elle, je pleure toujours : elle me manque tellement.
Mais elle ne reviendra plus jamais. Je ne pourrai jamais
l’oublier. On prétend qu’elle est au ciel et qu’elle nous voit.
C’était les plus mauvaises vacances de ma vie. Elle était morte
le jour de l’anniversaire de sa sœur Stéphanie. Quand elle
est morte, elle avait pipi et caca en même temps. Elle est
morte d’une manière cruelle. J’ai encore des souvenirs frais.
Je l’aimais beaucoup et l’aimerai toujours. Dans le cercueil,
c’était comme une autre personne et pas elle. Je n’arrivais pas
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La croisée des Ados
à croire qu’elle était morte. Je ne lui ai même pas dit que je
l’aimais avant qu’elle ne meure.
Que Dieu la protège. Quand j’avais postulé pour être cheffe de
classe, on ne m’avait pas choisie. On avait retenu les
candidatures de Kaluma, Etoko, Kwanzambi et
Muntwambuka. Moi, j’avais voté pour Kalumba car Etoko
allait être trop fière, si on la choisissait. Pour la même raison,
même sa meilleure amie Mbombo n’a pas voté pour elle, ni
Kapinga. Etoko était cheffe de classe et Kwanzambi l’adjoint.
Kalumba a pleuré parce qu’elle tenait à être cheffe de classe ;
nous l’avons consolée mais elle a refusé et a continué à
pleurer. Nous lui avons dit : « Kalumba, ne pleure pas, nousmêmes ne sommes pas choisis, mais cela ne nous attriste pas.
Toi, tu pleures ! Tu sais qu’être cheffe de classe est une grande
responsabilité. Avec les dérangeurs de la classe, tu risques de
souffrir. Sois tout de même contente ». Elle a continué à faire
la tête et nous l’avons laissée tranquille. On avait élu Mbombo
présidente de Primaire au niveau de la Direction. Les gens
ont trouvé cela injuste parce que l’on n’a même pas fait un
débat sur le choix.
C’est difficile d’étudier. J’aime plutôt faire des bandes
dessinées. D’ailleurs, j’ai produis une en ce moment et j’ai
déjà terminé deux autres. J’en fabrique tout plein. Je n’ai
jamais voyagé en dehors de Kinshasa. Je vis toujours à
Kinshasa, capitale de mon pays. Je n’ai jamais emprunté ni
avion, ni bateau, ni train, ni pirogue, ni camion, ni moto pour
sortir de Kinshasa.
BAMBA MATONDO Tracy
6e Primaire
2014 - 2015.
Prix Heidi Kabangu 2015
21
02.
Ma vie de tous les jours
WENGA EPANDA
David
6e Primaire
2014 - 2015
Ma vie de tous les jours
Je m’appelle Wenga Epanda David, élève de la 6e année
primaire. J’ai onze ans.
Chaque matin, quand je me réveille, j’ai l’habitude de prier.
Mes parents m’ont appris que si tu ne pries pas, le diable
pourra facilement te détruire. Le matin, pendant mes prières,
je demande à Dieu de me protéger, de me donner la sagesse,
d’être avec moi pendant toute la journée. De donner à mes
parents de l’argent pour qu’on ne soit pas dans les difficultés.
Dès que je termine à prier, je sors de la chambre avec ma
brosse à dents.
Quand je sors, je dois saluer chaque personne que je
rencontre, raison pour laquelle, je dois brosser les dents avant
tout. Parfois, quand je sors avec la brosse à dents
accompagnés de mes petits frères, nous croisons notre père
qui nous demande de recommencer à brosser alors qu’on
avait déjà terminé. Tout cela, pour que nos dents soient
propres.
Après quelque temps, nous demandons à notre père de
l’argent pour acheter le pain et prendre le thé. Lorsque je
vais acheter le pain, je mets entre vingt et trente minutes.
Chez nous, pendant les vacances chacun prépare son
déjeuner. Dès qu’on a fini de déjeuner, on nettoie soi-même
son gobelet. Et nous avons un programme de dessin animé à
suivre, pendant les vacances, tous les matins et tous les soirs.
Vers vingt heures, papa rentre du service. Il se repose, il
mange. Après quelque temps, il va chercher Maman sur
l’avenue des Huileries où elle travaille.
Prix Heidi Kabangu 2015
25
Bamba Stone et moi habitons près l’un de l’autre. Parfois, je
vais chez eux, d’autres fois, c’est lui qui vient chez nous.
Quand je joue avec mes frères, c’est bien, mais souvent, nous
avons de petites disputes qui se terminent toujours bien. Mes
frères et moi jouons plus au football qu’aux autres jeux. Je
sors de la parcelle uniquement pour aller jouer au football
ou si je suis envoyé. Maman n’aime pas qu’on sorte de chez
nous.
Pendant les vacances, mes frères et moi sommes partis chez
notre grand-mère paternelle. C’est très bien là-bas. Il y a
beaucoup d’espace pour jouer. Notre grand-père était décédé
en 2009. Grand-mère vit seule. Chez elle, nous avons le droit
de jouer quand nous voulons. Un de nos cousins habite avec
grand-mère. Il exploite une cabine téléphonique et une playstation. On peut jouer le matin et le soir. La journée, les gens
payent pour utiliser la play-station.
Chaque soir, notre grand-mère nous achète le manioc frit.
Quand je joue au play-station contre mon petit-frère, Daddy,
c’est compliqué pour le battre. Une seule fois, j’ai réussi à le
battre cinq à deux. Mais tous les autres matchs avant, c’était
toujours soit match nul ou il gagnait. Mais le football est
mon jeu ou sport préféré, j’en suis fanatique. J’aime aussi
d’autres jeux : les constructions avec l’argile, le jeu de six,
les cartes (inter), le jeu de dames, le domino…
Quand je me dispute avec mes frères ou même si on joue,
personne n’aime perdre : l’un fait comme l’autre, on se donne
une petite tape que l’autre cherche à tout prix à venger. J’aime
provoquer mes frères pour qu’ils me poursuivent. Mais à un
moment, l’amour fraternel domine tout.
Parlons de la nourriture. Mes frères et moi aimons manger
des mets qui ont un bon goût. Parmi les fruits qu’on aime
manger, nous avons l’orange, l’ananas, l’avocat, la banane,
le mangoustan, la mangue, etc. Parmi les légumes : les feuilles
de patate, les feuilles de manioc, le mfumbwa si ma mère le
prépare.
26
La croisée des Ados
Parmi les viandes : la viande de vache, les sabots (makoso),
le poisson salé, les côtelettes, les chinchards, le poulet, les
queues de vache, …
A part ceci, j’aime manger le riz, le « nsaka-madesu » (ndlr :
les feuilles de manioc mélangées aux haricots), les frites, les
bananes plantains, le mosaka (pâte d’huile de palme), les
œufs, le pain, le gâteau. Quand je mange le pain, j’aime le
fourrer avec de la margarine, du beurre, du fromage, d’avocat.
Mais je n’aime pas utiliser la mayonnaise dans les gâteaux.
Ma mère sait préparer beaucoup de ces plats et d’autres : les
gaufres, le samossa, le gâteau, les chips de banane, les
pommes de terre sous toutes les sortes, les beignets. Quand
ma mère prépare, elle aime toujours varier les mets. C’est
pour cela que j’aime toujours manger ce qu’elle prépare.
Quand ma mère prépare le « mfumbwa », c’est toujours très
bon, mais quand grand-mère ou quelqu’un d’autre prépare
ce plat, c’est comme s’il y manque quelque chose.
Une fois, mes frères, notre cousin et moi avions demandé
qu’on nous prépare le « nsaka-madesu ». J’aime bien le
manger avec le poisson fumé et le riz. Si je trouve la nourriture
froide, je n’ai pas envie de prendre le repas, j’ai la nausée.
J’aime partager le repas avec mes frères. Des fois, ma mère
copie des recettes présentées sur une chaîne de télévision
qui parle de la cuisine. Maman aime beaucoup cette chaîne
pour apprendre des nouvelles recettes de cuisine.
Mon petit-frère Daddy aime m’énerver. Quand je lui reproche
quelque chose de mal qu’il a fait, il ne comprend pas. Si tu es
fâché contre lui, de son côté, il va aussi se fâcher contre toi,
sans savoir que c’est lui qui a mal agi. Mais après un petit
temps, nous nous remettons encore à jouer ensemble. Malgré
les disputes, c’est toujours lui qui est le premier à venir me
présenter son devoir pour que je l’aide. Ce sera encore lui qui
viendra m’appeler pour jouer. Encore lui qui viendra vers
Prix Heidi Kabangu 2015
27
moi pour tant d’autres petites choses. Je ne comprends pas
pourquoi, si je suis fâché contre Daddy, après un court
moment, on se réconcilie. « Parce que c’est mon frère ». On
n’arrive pas à garder la colère l’un contre l’autre. Quand on
joue au football, Daddy et Jacques forment équipe contre
moi. Parfois, ce sont des matchs équilibrés. Mais ils sont
jeunes par rapport à moi.
Quand je suis malade ou même un de mes frères, notre papa
obtient le bon pour se rendre à l’hôpital de leur société. Si
c’est moi qui suis malade, après que mon père ait pris le bon,
nous laissons passer quelques jours et puis nous irons à
l’hôpital Abraham. Avant d’aller, papa ou maman me
demandent de ne pas manger pour qu’on me fasse les
examens de laboratoire. Après les examens, je peux manger.
Parfois, cela me met en colère.
Pour commencer, à l’hôpital, il faut aller se présenter chez
l’agent chargé de recevoir les bons. Après, il faut qu’on fasse
sortir le dossier de la famille et ma fiche personnelle. Et puis,
on part chez le médecin pour la consultation et l’établissement
du diagnostic. Ensuite, on va au laboratoire pour les
prélèvements. Il faut attendre ou revenir à seize heures, pour
retirer les résultats. Après, on va se présenter à la pharmacie.
On remet le bon et l’on reçoit les médicaments. Ce n’est qu’à
la fin de tout cela que je peux manger.
Parfois, quand maman paie l’abonnement de la télévision, si
je suis présent, c’est rare que je mette une chaîne de dessin
animé. Je préfère suivre Discovery Sc ou Discovery Channel.
Je suis le dessin animé. Si je suis avec mes frères, ils aiment
suivre Télétoun Disney Channel, Manga. Ils n’aiment pas la
chaîne Piwi.
Lorsque je prends la télécommande, la première chaîne que
j’aime suivre, c’est « Trace Sport Star ». Mais j’aime aussi
suivre « Discovery Science et Channel, Disney Channel » et
tous les « Trace » : Trace Sport, Trace Urban, Trace Africa ».
28
La croisée des Ados
En plus, j’aime également des émissions des chaînes telles
que Syfy, TFI, RTL 9, EI, MTV, Mtv Idol, Cuisine, D8, action,
voyage, Canal Plus Centre, Canal Plus XJV, Familly, Canal
Plus Foot, Canal Plus Sport, etc.
Lors de l’émission Cuisine, par exemple, c’est seulement pour
admirer les plats, mais ma mère, elle, suit attentivement pour
reproduire quelques recettes qu’elle pourra préparer. Ma mère
ne prend plus d’abonnement pendant les vacances.
Pendant les vacances, j’ai l’habitude de rouler à vélo chaque
jour. Chaque matin, vers huit heures, je sors avec mon vélo
pour acheter le pain. Parfois, je fais exprès de prendre une
route détournée pour rouler longtemps sur une longue
distance. Pendant les vacances, également, j’aime qu’on
m’envoie plusieurs fois, juste pour rouler à vélo en dehors de
la parcelle. Quand je vais acheter quelque chose à vélo, je
dépose celui-ci près de la boutique pour bien le surveiller.
Parfois c’est dangereux : à Kasa-Vubu, on a beaucoup de gens
qui ont des vélos semblables. La journée, je roule à vélo dans
la parcelle. Ma mère n’aime pas que je roule dehors parce
que notre avenue sert de garage et l’on y trouve beaucoup de
véhicules en réparation. C’est seulement très tôt matin ou le
dimanche que je peux rouler calmement dehors.
Nous habitons près de notre tante. Quand nous allons chez
elle, j’y vais toujours à vélo. En conduisant, je peux lâcher
les mains du guidon ou encore relever la roue de devant
jusqu’à une hauteur de soixante centimètres du sol sans
perdre totalement l’équilibre. Mais c’est risqué.
Vers la fin des vacances, j’étais chez notre grand-mère avec
beaucoup d’espace pour jouer au football. Mais notre grandmère n’aime pas qu’on joue. Mais nous ne l’écoutons pas.
Parfois, nous allons jouer dehors de la parcelle. La dernière
semaine des vacances, nous sommes partis chez notre tante
qui habite à Yolo-Nord. Nous y avons passé deux jours.
Prix Heidi Kabangu 2015
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Le premier jour passé chez la tante avant la rentrée scolaire,
elle ne se sentait pas bien. Quand nous jouions, elle nous
demandait d’arrêter de faire du bruit. La nuit, nous sommes
allés nous laver avant de monter au lit pour dormir.
Le deuxième jour, vers la matinée, notre mère a appelé notre
tante pour lui demander de nous apprêter pour rentrer à la
maison vers dix-huit heures. Vers cette heure, notre tante
est partie se faire tresser les cheveux dans un salon. Quand
papa est venu nous chercher, il ne l’a pas trouvée. Nous
sommes repartis avec papa.
Le premier jour de la rentrée des classes, nous avons retrouvés
tous les vieux copains. Dans les classes, c’était les stagiaires
qui ont enseigné, avec le directeur lui-même. Nous avons fait
la grammaire. Le deuxième jour, le maître est revenu. On a
observé une grande différence avec la manière d’enseigner
des stagiaires. Avec eux, nous terminions les cours vers onze
heures. Nous commencions par faire des concours et vite,
c’était la fin des cours de la journée.
A la sortie, je rentre toujours avec les copains de classe,
Bamba, Ntoya, Mundele et son petit frère. Nous sommes de
petits aventuriers. Nous préférons souvent aller à pied. En
chemin, nous parlons de tout et de rien. Nous nous arrêtons
très souvent. Quand nous faisons cela, nous perdons
beaucoup de temps. C’est pour cela que parfois j’arrive à la
maison vers quatorze heures.
Après les cours, si nous prenons le transport en commun,
nous nous mettons l’un sur l’autre pour n’occuper que deux
places et payer quatre cents francs au lieu de huit cents,
pour aller de Bongolo jusqu’à Victoire. Ainsi, nous épargnons
un peu d’argent. Arrivés à Victoire, Mundele et son petit frère
ainsi que notre ami Ntoya partent vers Matonge ; Bamba et
moi continuons tout droit. Après, moi, je prends l’avenue
Shaba Mangai et Bamba continue dans la même direction.
30
La croisée des Ados
Pendant l’année scolaire, je fais des économies pour acheter
des CD. Une fois en cinquième, j’avais fait des économies et
j’ai totalisé six mille cinq cents francs congolais. Mais la
personne qui gardait pour moi, cet argent l’avait utilisé. Elle
a commencé à me rembourser petit à petit.
La deuxième fois, j’ai fait garder mon argent chez ma mère.
Jusqu’à cinq mille francs congolais. Après, ma mère m’a dit
d’arrêter parce qu’elle-même allait m’acheter le jouet que je
comptais m’offrir. Après quelque temps, c’est ma tante qui
m’a acheté ce jouet.
Au début du mois de septembre, j’étais malade. Je souffrais
de maux de tête. Je suis parti à l’hôpital avec maman. On
m’a examiné. Après, le docteur a prescrit les médicaments à
prendre à la maison. La deuxième fois, nous sommes repartis
pour qu’on m’extraie une dent qui avait la carie. Lorsqu’on
se présente chez le dentiste, il faut prendre patience et
attendre parce qu’il y a beaucoup de gens qui attendent
chacun son tour.
La première fois, le dentiste m’a fixé un rendez-vous. La
seconde fois, quand nous sommes arrivés, nous avons attendu
le dentiste pendant une heure de temps. Lorsqu’il est arrivé,
il m’a appelé et nous avons parlé. Quand il a commencé à
extraire la dent, je n’avais plus mal parce qu’on m’avait piqué
l’anesthésie.
Trois jours après la signature des bulletins et avant les
vacances de Noël, nous n’étudions pas comme d’habitude.
Nous travaillons sous forme de concours, des devinettes,
des dessins, des jeux, etc.
Le premier jour, on a fait le concours de mathématiques.
C’est notre équipe qui avait gagné. Le deuxième jour, nous
avons eu le concours de français. Notre équipe a, une fois de
plus, gagné. Le troisième et dernier jour, nous avons fait le
concours de devinettes. C’était l’autre équipe qui a gagné.
Prix Heidi Kabangu 2015
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Le samedi vingt décembre 2014, c’était la signature des
bulletins. Le matin, nous avons prié, chanté. Ensuite, nous
avons décoré la classe. Vers huit heures, le père de Siyangoli
est venu assister aux leçons : c’était la journée « portes
ouvertes ». Quand on a commencé les leçons, d’autres parents
sont venus et sont restés jusqu’à dix heures. Après la
récréation, l’école a organisé des manifestations devant les
parents, dans la cour. La signature des bulletins a commencé
à douze heures jusqu’à treize heures.
Moi, j’ai obtenu quatre-vingt-et-un pourcents. Mon ami
Bamba, soixante-dix-huit pourcents. J’étais premier de la
classe. Après la signature, maman et moi sommes allés au
Grand Marché. Maman m’a acheté un chapeau fermé, une
montre, un polo et deux singlets pour mes frères et moi.
Maman nous a acheté un ballon et une lampe-torche pour la
maison.
Après, nous sommes passés chez notre tante qui vend des
habits. Nous avons consacré au moins trente à quarante
minutes et puis, nous avons continué chez mon oncle, le
grand-frère à mon père. Après toutes ces visites, nous sommes
rentrés à la maison.
Le vingt-deux décembre 2014, j’ai passé trois jours d’activités
informatiques à l’école du vingt-deux au vingt-quatre. Le vingtcinq, nous avons fêté Noël chez notre grand-mère paternelle.
Le Nouvel An, nous l’avons passé chez notre grand-mère
maternelle. Après cela, le six janvier 2015, c’était la rentrée
des classes pour le deuxième trimestre.
WENGA EPANDA David
6e Primaire
2014 - 2015.
32
La croisée des Ados
03.
Les jeux vidéo, une passion
MUNDELE
Azgad
6e Primaire
2014 - 2015
N’KOSI
Les jeux vidéo, une passion
Bonjour. Je m’appelle Mundele N’Kosi Azgad. Chaque matin,
quand je me réveille, je prie. Je demande à Dieu de me
protéger durant la route, de donner à mes parents de l’argent
pour nous nourrir et de veiller sur ma famille partout où
nous serons. Après la prière, je pars brosser les dents avec
mon jeune frère. Quelques fois, c’est mon jeune frère qui me
réveille. Quand nous finissons de brosser, nous nous lavons.
Nous faisons au moins dix à quinze minutes dans la douche.
Quand nous finissons de nous laver, nous rentrons nous
habiller. Une fois que nous avons fini de nous habiller, nous
préparons la table pour le petit déjeuner. Je lui demande
d’aller chercher les tasses dans la cuisine. Je pars ensuite
acheter les pains pour prendre avec le thé. Nous prenons
ensuite l’argent déposé sur la table pour le transport et nous
allons à l’école.
Nous arrivons à l’école vers 06h45 ou 06h50. Nous nous
débarrassons de nos sacs, nos cahiers et nous sortons. Mais
avant de sortir de la classe, nous mettons nos sacs sur les
étagères. Nous causons dans la cour avec des amis et nous
jouons avant que le lokele ne rétentisse. Vers 07h25, on sonne
et tout élève rentre dans sa classe.
Chaque lundi, nous avons une leçon de thème. Nous formons
des phrases en rapport avec les mots du thème. A dix heures,
on sonne la récréation pour se reposer et se détendre. A dix
heures trente minutes, la récréation touche à sa fin, nous
retournons en classe et nous recommençons les activités.
Lundi à11h45, nous faisons la gymnastique. A 12h30, c’est
la fin des cours et nous rentrons à la maison.
Prix Heidi Kabangu 2015
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Arrivés à la maison, nous enlevons l’uniforme de l’école et
nous la remettons à la femme de ménage pour qu’elle le lave.
Nous portons les habits de la maison. Nous suivons la
télévision pendant un moment, mon petit frère et moi ; et
quelque fois, nous dormons quand il n’y rien d’intéressant à
suivre à la télévision ou lorsqu’il n’y a pas d’électricité.
A seize heures, nous faisons les devoirs avec notre oncle
paternel. Nous travaillons d’abord dans les cahiers à domicile,
ensuite, nous les recopions dans les cahiers de l’école. Après
les devoirs, nous jouons au ballon.
Quand je gagne, mon frère se fâche et joue à la provocation
mais notre bonne vient toujours nous séparer.
Souvent, mon frère aime se laver avec moi. Mais, moi, je
refuse. C’est quand je finis de me laver que c’est au tour de
Serezy, mon jeune frère. Nous attendons 18h30 pour suivre
notre série « Mon oncle Charlie » qui est une très bonne série.
Nous mettons aussi le dessin animé préféré dont le titre est
« Les Simpson ». C’est l’histoire d’une famille de dingues. Ce
dessin animé est l’un des meilleurs que je connaisse. Je suis
cela presque chaque jour. Mais ce qui m’énerve le plus, c’est
la coupure de l’électricité pendant que nous suivons le film.
A 19h45, nous nous mettons de nouveau à table pour prendre
un peu de lait et nous allons au lit. Le lendemain, à mon
réveil, je prie, je me brosse les dents, je me lave et m’habille,
puis je porte mes baskets. Je prépare le lait pour mon frère
et moi, je cours acheter du pain à prendre avec le lait. Après
le déjeuner, je débarrasse la table, et nous prenons le chemin
de l’école.
Lorsque nous arrivons à l’école, je me débarrasse de mon sac
comme d’habitude, je cause avec les copains filles et garçons
mêlés. Mais ces derniers temps, je m’étais disputé avec
quelques-uns de ces amis. Je déteste me disputer avec les
gens ; mais ce sont des choses qui arrivent dans la vie.
36
La croisée des Ados
En classe, la matière que je préfère, c’est l’anatomie. Cette
matière a pour but d’étudier et de connaître le corps humain
et son fonctionnement. A la fin des cours, je prends mon
petit frère et nous rentrons à la maison. Nous ne rentrons
pas seuls. Nous avons des amis avec lesquels nous faisons
route ensemble. Nous ne rentrons pas à pied. Nous prenons
le transport en commun et nous nous séparons à la maison
communale de Kalamu, chacun rentre chez soi.
Avant, nous rentrions à la maison vers 14h30 ou 15h00. Papa
n’était pas content du tout. Il nous avait demandé d’être
toujours à la maison avant 13h30 ; sinon, il allait nous
chicoter. Nous avons obéi à son ordre. Le seul jour où j’ai pu
rentrer à 14h00, c’était quand le père d’un ami était décédé.
Mais avant d’aller sur le lieu du deuil, j’avais prévenu à la
maison et mon père le savait.
Avant que ma mère ne voyage pour aller en Belgique, elle
nous avait recommandé de toujours bien nous comporter en
son absence. Il arrive que lorsque nous rentrons à la maison,
si nous avons faim et que j’ai un peu d’argent, j’achète du
pain et le jus pour calmer notre faim, en attendant le repas.
Le soir, j’achète soit les gâteaux soit le pain en tige appelé
« baguettes ». Après le souper, nous allons nous coucher
immédiatement. Il m’arrive parfois de dormir sans prier, sans
manger si je suis très fatigué. Le matin je regrette de n’avoir
pas mangé.
J’ai oublié de signaler que de 15h00 à 16h30, c’est alors que
le repas est prêt. C’est en ce moment-là que nous le prenons
en famille. Mais, il arrive aussi que certains jours, je dors
d’abord sans manger, puis, je me réveille au beau milieu de
la nuit, sans le vouloir et je ne me souviens de rien. On raconte
que quand tu te réveilles à ce moment-là, il faut boire de
l’eau, se soulager et se rendormir. Moi, quand cela m’arrive,
je ne me souviens de rien au réveil, le matin. Il arrive des
fois, quand je me réveille le matin, je me rappelle certaines
choses. Il s’agit des rêves drôles que je fais la nuit.
Prix Heidi Kabangu 2015
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Comme hier c’était l’anniversaire de mon frère, mon père nous
avait acheté des hamburgers et le jus pour fêter cet événement
de mon frère : il totalisait dix ans. Mais ce n’était que pour
nous calmer ; car la vraie fête devrait se dérouler le samedi
soir.
Pendant le week-end, les enfants de l’amie de ma mère
viennent jouer avec nous pour passer le temps. Elles ne
rentrent chez elles que le dimanche soir. Nous prions dans la
même église.
Dans ma vie de tous les jours, quand j’étais en cinquième
primaire, mon père venait nous chercher au sortir des
classes ; soit il envoyait le chauffeur. Je me rappelle même
que ma mère suivait des cours d’auto-école avec notre
chauffeur à cette époque. Mais elle avait arrêté.
Maintenant, chaque dimanche, quand je reviens de l’église,
mon frère et moi partons chez notre oncle pour leur rendre
visite, lui et son épouse. Comme je suis chrétien, avant de
prendre le repas chez eux ou chez nous à la maison, je
remercie toujours mon Dieu pour le repas. De même, quand
je finis de manger, je remercie ma mère ou la tante pour le
bon repas nous offert.
Chaque trimestre, mon grand-père voyage pour le village. Il
passe plus de trois mois au village et quand il revient, il nous
ramène toujours deux ou trois choses importantes. Je le
remercie infiniment pour cela. Chaque fois que mon père
voyage également – pour la France surtout – il nous ramène
deux ou trois jeux vidéo pour mon frère et pour moi. Nous
jouons ensemble parce que nous ne sommes que deux depuis
que ma mère a voyagé avec mes deux petites sœurs.
Le samedi soir, nous préparons les habits pour l’église le
dimanche matin. Quand nous finissons de repasser les habits,
je prépare les baskets que je porterai. Puis, je vais suivre la
télévision. Pour bien suivre, j’éteins les lumières de la maison
et celles de dehors. A la fin, j’éteins la télévision et le
38
La croisée des Ados
stabilisateur, puis je vais dormir. Mais avant de dormir, je
prie.
Le dimanche matin, je me réveille vers 06h30. Une fois le
bain fini, je porte les habits. Je demande de l’argent pour
acheter le pain et préparer le lait. En chemin, lorsque je vais
acheter le pain, il arrive qu’on ne trouve pas les vendeurs de
pain. Je prends une autre direction à la recherche du pain
frais. A mon retour, je continue à apprêter le lait. Je mélange
du sucre, du « Nesquick » et un peu de café. Je garde de l’eau
chaude et froide pour le lait ne soit pas très chaud.
Quand j’ai fini de prendre le lait, j’allume la télévision. Sinon,
je pars dans l’autre pièce de la maison pour jouer à ma « league
master » en attendant que tout le monde termine de se
préparer. Mon père m’appelle pour aller à l’église. En cours
de route, mon père nous donne un peu d’argent, à mon frère
et à moi, pour l’offrande à l’église « Vie Nouvelle », qui est
notre lieu de culte. Elle est située à Kasa-Vubu, sur l’avenue
Busu-Melo, n° 15.
Dans notre église, il y a le grand temple et l’Ecodim. L’Ecodim
se tient à quelques mètres de la grande église. Avant d’aller
là, je priais à l’église « Sang Précieux », l’une des grandes
églises que je connais.
Lorsque nous terminons le culte à l’église, mon père nous
envoie un de ses nombreux amis pour nous raccompagner à
la maison.
Je me mets de nouveau à suivre la télévision. Si le courant
électrique s’arrête, je pars dans la chambre me reposer. Quand
j’ai fini de me reposer, je me lève et je me lave le visage. Et si
le courant n’est toujours pas rétabli, je pars chez mes cousins.
Souvent, quand j’arrive chez eux, je les invite à aller avec moi
dans une salle de jeux pour livrer un match. Une fois le match
fini, nous rentrons chez eux pour rouler à la trottinette ou
suivre la télévision s’ils ont du courant électrique.
Prix Heidi Kabangu 2015
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Lorsque je suis chez mes cousins et que le courant est rétabli
chez nous, je les invite à venir jouer avec moi au football
dans le Playstation. Lorsque je suis fatigué de jouer, je leur
propose de jouer au vrai ballon, cette fois. Nous formons des
équipes de deux personnes chacune.
Quand je commence à jouer, je me mets toujours avec mon
cousin Christian. Mais pendant le jeu, il évolue en égoïste. Il
préfère jouer et conserver le ballon que former une équipe
pour un jeu d’équipe. Il transpire alors beaucoup.
C’est en ce moment que mon père revient de l’église, vers
13h00 ou 14h30. Quand il descend de la voiture avec sa veste,
il me demande toujours si j’ai pris du lait et pourquoi je ne
porte pas de babouches. Quand je finis de jouer au ballon,
mes cousins et moi, nous rentrons jouer au Playstation 3.
Quand ils rentrent chez eux, je remets le ballon à sa place.
Je me lave les mains et je reviens jouer une fois de plus au
Playstation.
Dimanche, comme notre bonne ne travaille pas, c’est mon
oncle paternel qui prépare et dresse la table pour nous. S’il a
besoin d’aide, il m’appelle pour lui prêter main forte.
Dimanche, c’est le jour que je préfère parce que c’est le jour
où l’on prépare le riz aux haricots. C’est mon plat préféré.
Vers 18h30, mes cousins rentrent chez eux, moi je pars me
laver parce que je suis sale après les jeux. Après le bain, je
prends mon pyjama et je le porte, comme chaque dimanche,
avant de dormir.
Durant ces vacances de Noël, chaque jour, avant de me lever
du lit, je prie au moins cinq à dix minutes. Mais quand nous
sommes en vacances, mon père continue à travailler tous les
jours sauf le samedi. Ce jour-là, c’est son seul jour de la
semaine pour le repos. Je lui demande toujours que nous
puissions faire une petite promenade pour passer le temps.
Il me répond souvent qu’il est fatigué.
40
La croisée des Ados
On m’a toujours raconté, quand j’étais enfant, qu’il existait
un « Père Noël ». Je croyais à cette histoire comme une vérité.
Mais depuis que je suis grand, je n’y crois plus. Je sais que
ce sont les parents qui nous achètent quelque chose pour
nous faire plaisir et nous amuser en prétendant que c’est le
« Père Noël » qui est venu le déposer pour nous.
L’année passée, mon père m’avait offert un ballon. J’aime
beaucoup les vacances de Noël parce que nous voyageons et
nous partons chez ma tante à Brazzaville pour deux semaines.
La première chose que je fais quand j’arrive à Brazzaville,
c’est toujours d’aller visiter le stade nommé « 8 Mars ». On l’a
ainsi nommé parce qu’il était inauguré le 08 mars. Quand je
le visite, je pars derrière le stade pour voir si cela n’a pas
changé.
Mais quand nous arrivons à Brazzaville, mon cousin William
n’est pas souvent là. Il sort beaucoup. Il est âgé de treize ans.
Nous avons un écart d’une année. Nous partons à Brazzaville
deux jours avant Noël parce que nous devons fêter là-bas.
Chez ma tante, c’est bien parce que nous sortons presque
tous les jours pour aller jouer.
Nous nous lavons toujours en retard parce que nous jouons
beaucoup. Quand j’ai fini de me laver, je sors de la douche et
une autre personne me remplace. Si mes cousins âgés de 16
et 17 ans ne sont pas là, mes autres cousins plus jeunes et
moi, nous allons jouer au Playstation 3. Mais quand les grands
sont là, c’est difficile de nous laisser jouer tout le temps. Nous
allons alors seulement suivre la télévision si notre série
favorite passe. Toute la famille vient parfois suivre avec nous.
Même ceux qui étaient dans la chambre pour se reposer
sortent pour suivre.
Avant de revenir à Kinshasa, on appelle un papa de la famille
qui travaille à l’Onatra, plus précisément au Beach. Il est
capitaine du bateau et c’est lui qui nous aide pour les
démarches du voyage. Il remplit toutes les formalités pour
Prix Heidi Kabangu 2015
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nous et quand il a fini, il nous appelle pour nous informer
d’être prêts pour le voyage-retour. Mais, le dernier jour, je
choisis d’autres jeux comme ceux de mission. C’est pour me
détendre en attendant que le papa capitaine vienne nous
prendre pour rentrer à Kinshasa.
Des fois, si la séquence de jeu est difficile ou compliquée,
j’appelle mon petit frère pour m’aider. C’est en ce moment-là
que le papa capitaine vient pour que nous puissions rentrer
à Kinshasa. Je prépare vite mes bagages et je mets tout ce
qui m’appartient dans un sac. Quand tout est prêt, il va
chercher un taxi pour nous déposer au beach de Brazzaville.
Pour rentrer à Kinshasa, nous prenons le canoë rapide afin
d’arriver à temps. Nous arrivons à Kinshasa dans les aprèsmidis. Au Beach de Kinshasa, papa nous attend déjà dans sa
voiture. Mais avant cela, nous l’appelons pour lui signaler de
venir nous chercher. Il vient nous prendre et nous ramène à
la maison.
Chaque année, quand je voyage, à mon retour, ma mère me
prépare de bons plats qui me font vite oublier le voyage. Mais
elle n’est pas là pour l’instant, elle me manque. Maintenant,
c’est la femme de ménage qui prépare pour nous. Quand
mon père nous dépose, il nous donne à chacun un peu
d’argent pour que nous puissions acheter du pain avec un
jus.
Chaque année, avant d’aller en vacances, l’école organise trois
journées d’activités informatiques. On nous remet un
communiqué à remettre aux parents et des membres de
famille ou des amis proches qui voudraient venir assister à
la fête de Noël à l’école. Ces journées d’activités ne sont pas
gratuites. Il faut payer quelque chose pour les encadreurs.
Avant, on payait deux mille cinq cents francs. Aujourd’hui,
c’est trois mille par élève.
Parfois on attend quelques jours avant d’aller à ces activités.
42
La croisée des Ados
J’attends impatiemment le jour j. Une fois ce jour venu, je me
réveille à 07h00 parce que cela commence généralement à
08h00.
Dans tout ce que je viens de raconter, ma mère nous manque.
Si elle était à Kinshasa, elle allait être fière de nous.
MUNDELE N’KOSI Azgad
6e Primaire
2014 - 2015.
Prix Heidi Kabangu 2015
43
04.
La tourmente
OLANGI DI’HANDJU
Keren
1ère Secondaire
2014 - 2015
La tourmente
Je suis Olangi Di’Handju Keren, élève de la première année
secondaire aux « Gazelles ». Je suis aux Gazelles, cela fait
déjà 9 ans. Née un certain 17 janvier 2002, je suis la fille de
Lokale Olangi Nico et de Masengu Katana Anne. Je suis née
dans une famille de quatre enfants, un garçon et trois filles
dont je suis la troisième enfant. Nous habitons au n° 28 de
l’avenue Bananier du quartier Kauka, dans la commune de
Kalamu.
Je suis heureuse dans ma famille : la paix règne dans notre
maison et j’en suis ravie. Nous habitons Kauka, car il y avait
du bon courant électrique. Mais maintenant, il n’y a plus
rien. Il n’y a plus de courant : nous dormons dans le noir,
nous nous réveillons dans le noir. Pourquoi ?
Nous avons appris que la SNEL malgré ses gros ennuis depuis
la centrale du barrage d’Inga à cause des turbines qui ont
vieilli et sont débordées, nous envoie toujours du courant.
Mais c’est à partir de la cabine que ce courant est trafiqué
par les agents chargés du dispatching dans le quartier. Mais
quand la facture vient, c’est toujours à un niveau élevé, même
pour nous qui n’avons pas d’électricité. Et si vous refusez de
payer, ils viennent couper le peu de courant en question.
Comment les gens peuvent-ils bien vivre dans des conditions
pareilles et surtout, se développer sans électricité ?
Pour éviter les surcharges sur les transformateurs de basse
tension, la SNEL pratique ce que les gens appellent «le
délestage». Mais souvent, les agents se font corrompre et
trafiquent avec l’alimentation en privilégiant certains
quartiers. Ceci pousse certains ménages à pratiquer des
raccordements frauduleux avec des risques d’électrocution
qui arrivent souvent.
Prix Heidi Kabangu 2015
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Comme il n’y a pas de courant, les gens sont poussés à acheter
des groupes électrogènes, à défaut des raccordements
frauduleux. Les groupes électrogènes aussi sont dangereux.
Ils peuvent exploser et c’est la maison qui prend feu..
Parfois, faute de courant, nous achetons souvent des bougies.
Elles aussi créent des incendies dans les maisons. Finalement,
qu’allons-nous faire ? Tout ce que nous achetons nuit !
Pendant ce temps, les Chinois envahissent le pays. Peut-être
qu’il y a des gens qui achètent les lampes des Chinois mais
comme ces lampes ne durent pas longtemps, alors ils
préfèrent acheter les bougies. Les routes commencées par
les Chinois ne sont jamais achevés. Le pays est plein d’objets
fabriqués en Chine. Ces objets ne durent pas longtemps.
Parfois, je me demande si ce pays nous appartient ou il est à
eux. Car leurs magasins se multiplient de plus en plus, leurs
restaurants également. Et ils sont toujours pleins de monde,
comme eux-mêmes sont une multitude. Et alors, qu’est-ce
qui manque pour qu’un jour, ils se retournent contre nous ?
Je ne le souhaite pas mais, que manque-t-il pour que cela
arrive un jour ?
D’une part, nous leur faisons confiance, nous confions notre
pays entre leurs mains, et nous leur donnons le travail que
nous-mêmes nous devrions exécuter, comment pourrionsnous atteindre un avenir meilleur si ce sont des étrangers
qui doivent tout faire pour nous ? Le chômage règne. C’est
difficile de trouver de l’emploi. Et même si vous réussissez à
vous en procurer un, le salaire vous octroyé est pitoyable.
En disant ceci, je vois aussi les écoles. L’Etat ne paie pas
bien les fonctionnaires, dont les enseignants. Et pourtant,
ces derniers devraient être mieux payés car ils s’occupent de
la jeunesse. Les jeunes sont l’avenir de demain. Ce sont eux
qui défendront l’avenir. Ils ont l’avenir entre leurs mains.
Si les enseignants ne sont pas bien payés, comment peuventils bien enseigner ou inculquer les bonnes manières dans les
48
La croisée des Ados
têtes des enfants ? Ils prendront cela à la légère et pourtant
l’avenir du Congo en dépend.
Quant aux écoles d’aujourd’hui, n’en parlons même pas. Il
n’y a plus rien de bon. Les enfants ne vont plus à l’école pour
étudier mais pour s’amuser. L’enseignement est au point zéro.
On engage n’importe qui pour enseigner et aujourd’hui,
l’enseignement n’a plus sa place dans la vie des enfants. Car
ce qu’on leur apprend à l’école ne veut rien dire dans le milieu
où ils vivent, à la maison. Les parents ne renforcent pas ce
que les enfants apprennent à l’école. Qu’adviendrait-il si l’école
et les parents ne travaillent pas la main dans la main ? Quel
Congo aurons-nous demain ?
Vous, les parents, vous avez eu de bons parents qui vous ont
instruits, un bon Président de la République, un beau pays,
vous légué par les aînés depuis des années de votre jeunesse.
Maintenant, ne pouvez-vous pas en faire autant pour nous ?
C’est juste de l’égoïsme qui a atteint son comble dans les
« Congolais ». Pourquoi parler de Congolais et non seulement
de « Kinois » ? Parce que, c’est dans toutes les provinces de
la R.D. Congo où règne cet égoïsme. Les Kinois qui vont
travailler au Bas-Congo, à Lubumbashi, à Goma sont
emprisonnés, maltraités. Pourquoi ? Parce que les provinces
qui les reçoivent se considèrent comme propriétaires de la
terre et les originaires chôment pendant que les étrangers
viennent s’enrichir sur leur territoire. Qu’est-ce que tout cela
signifie ? L’égoïsme.
Le Congolais ne veut pas voir son frère, compatriote, s’enrichir
pendant que lui-même croupit dans la misère. Mais il n’en
est pas ainsi des Blancs ou des gens d’autres races. L’homme
blanc, lorsqu’il voit son ami travailler et s’enrichir, il est
heureux au contraire et cherche loyalement à l’égaler, voire
le dépasser ; car il sait que la compétition, c’est pour le bien
de son pays. Mais l’homme noir voit les choses autrement et
il fera tout pour que ce travail puisse tomber.
Prix Heidi Kabangu 2015
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Une plaisanterie que j’entends souvent : « Si vous demandez à
un Blanc, demande ce que tu veux qu’on fasse pour toi et cela
sera le double pour ton frère, il dira : donnez-moi une voiture,
pour que mon frère en ait deux. Mais si l’on pose cette même
question à un Congolais, il répondra : « Crevez-moi un œil,
comme cela, à mon frère, vous crèverez les deux ; lui deviendra
aveugle et moi je continuerai à voir mais borgne ».
Le manque d’amour dans le cœur des Congolais ! Le Congolais
veut toujours lui, lui et lui seul. Pas une autre personne.
Comment un pays peut avoir de tels citoyens et espérer se
développer ? Ceux qui sont prêts à tuer leurs frères pour
occuper leur poste. Mais arrivé à ce poste, ils n’arrivent pas à
faire mieux et conduisent l’entreprise à la faillite et c’en est
fini. Si c’était le cas dans toutes les entreprises, combien
seraient rescapées aujourd’hui ?
Il faut être rusé pour trouver du travail, souvent mal payé,
du reste. Le salaire réel, pour beaucoup de travailleurs, donne
à peine de quoi se nourrir. Il faut inventer des solutions pour
se loger, s’habiller, se soigner, envoyer ses enfants à l’école.
Que d’imagination ! Que d’astuces au quotidien, dans cette
ville !
Les bons parents se débattent pour faire le nécessaire, mais
d’autres croisent les bras et attendent jusqu’à ce que leurs
enfants atteignent juste l’âge de treize ans pour les envoyer
se débrouiller. C’est pourquoi nous pouvons voir les
« kuluna », petits bandits mendiants, les jeunes prostituées.
On trouve même de petits enfants qui vendent du pétrole, de
la caillasse ou autres choses, pour gagner leur vie.
C’est la raison pour laquelle, on peut trouver sur une avenue,
cinq ou six étalages devant chaque parcelle. On y vend de la
marchandise au détail. Cela pousse aussi au vol. Les jeunes
volent, les enfants volent, les parents de même. Mais
pourquoi ?
50
La croisée des Ados
Selon moi, il y a deux raisons. D’abord parce qu’il y a la misère.
On n’a rien à manger, pas de quoi se vêtir, en voyant l’autre
dans la joie ou ayant quelque chose, cela pousse à le lui ôter.
Je pense que parfois, ils n’ont pas tort, ces voleurs. Peut-être
qu’ils auraient pu demander, mais on ne les a pas aidés les
rares fois où ils ont osé. Alors ils se décident de voler, tout
simplement.
Deuxièmement, c’est la jalousie. Celle-ci est une mauvaise
chose. Le fait d’être jaloux des biens d’autrui le pousse à
envier, et après l’envie, c’est le vol ou le crime. Ce qui blesse
dans tout ceci, c’est que ce sont les parents qui laissent leurs
petits enfants de six à douze ans, se livrer à la vente de l’eau,
du pétrole, de la caillasse ou tout bonnement, mendier.
Pourtant ces enfants devraient aller à l’école. Pourquoi cette
misère congolaise ?
Quand le chômage domine, les gens sont prêts à tout faire
pour gagner de l’argent. C’est à cause de cela qu’il y a la
corruption. Il est maintenant difficile de trouver des gens
intègres. Tous sont devenus corruptibles. Pourquoi ? Parce
que l’on n’a rien à faire. Si l’on avait peut-être fait la technique,
appris un métier, et que quelqu’un pourrait vous proposer
quelque chose de mal à faire, on ne le ferait pas. Ceux qui
travaillent et qui ne sont pas bien payés, se laissent facilement
corrompre. Surtout les « Juges ».
On peut dire qu’il n’y a plus de juges intègres. Tous, tous
alors, sont corrompus. Les filles vendent leur corps à cause
de cette souffrance. Un petit garçon va lui promettre 20 dollars
et elle cède. Une fois elle se retrouve enceinte, le gars s’en va
et elle reste souffrir seule avec son gosse. Nous vivons cela
tous les jours. C’est pourquoi il y a maintenant des
avortements clandestins avec tous les risques d’hémorrhagie,
de contamination. Les filles jettent leurs enfants, les égorgent,
les tuent, les noient …
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Pourtant, on trouve des femmes qui n’ont pas d’enfants et en
recherchent par des jeûnes, des prières... Mais les jeunes
filles, elles, s’amusent et quand elles sont enceintes, elles
avortent, prennent des produits pour tuer leurs fœtus…
Pourquoi ? Parce qu’elles cherchent de l’argent jusqu’au point
de se prostituer. C’est pourquoi il y a des orphelins, des
enfants de la rue, des mendiants… Parce qu’ils n’ont pas de
parents responsables pour prendre soin d’eux.
Souvent, quand il y a le jeu DV Lotery, il faut voir la foule
qu’on trouve dans les cybercafés. Tout le monde veut voyager,
quitter son pays natal. Mais ce qu’ils ne savent pas c’est qu’on
n’est mieux que chez soi. Arrivés là-bas, c’est la misère qui
commence. Comme un jeune père qui a joué et gagné. Arrivé
sur place, il découvre qu’il n’y avait rien que la misère pour
les Congolais de là. Il est revenu témoigner qu’il n’y avait rien
de bon. Rien que la misère ! Les Congolais se laissent
facilement emporter quand il s’agit de sortir ou de voyager à
l’étranger.
A qui allez-vous laisser votre propre pays ? Qui travaillera
pour vous ? Qui développera votre pays ? N’est-ce pas vous ?
Mais vous, vous en allez tous !!! Des paresseux ! Ils
abandonnent leur pays pour aller donner leur talents,
travailler pour ceux qui ne le méritent pas. C’est vraiment de
l’ingratitude. Le Congo vous a reçus dès votre naissance. Le
Congo vous a protégés, vous a nourris, mais vous refusez de
travailler pour le remercier, pour le développer.
Parfois, je suis d’accord qu’on refoule les Congolais. Ils n’ont
aucun projet. Ce sont des gens sans objectif. Ce sont des
hommes qui aiment la facilité en tout. Mais, il reste encore
un espoir pour le Congo. Je le sais et le sens.
Depuis ma naissance, c’est Kinshasa que je vois tous les jours.
Parfois, j’ai envie de voyager, mais ce n’est pas encore le
moment. Car s’il faut que je voyage, ce sera pour apprendre
plus sur ce que je ferai dans la vie.
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La croisée des Ados
Si c’est possible, je ferai la médecine. La spécialisation en
pédiatrie. J’irai développer mes connaissances en Suisse.
J’aime bien la médecine. Surtout la pédiatrie. Toutes les
personnes qui me connaissent bien me disent toujours, « tu
dois faire la médecine ». Et je crois que c’est vrai. J’ai toujours
aimé ce travail.
Mais nos médecins d’aujourd’hui ne soignent plus bien. Ils
cherchent l’argent. C’est pourquoi, si tu es pauvre, tu mourras
sur ton lit d’hôpital, sans soins. C’est affreux. J’ai vu une
petite fille mourir entre les mains des médecins parce que
ses parents n’avaient pas d’argent pour les soins. Les pauvres,
ils ont perdu leur fille à cause du manque d’amour des
médecins. C’est pourquoi nous mourons comme des mouches.
Je pense changer les choses une fois devenue médecin. J’aurai
mon centre de santé. Je ferai tout pour que même si tu n’as
pas d’argent, tu puisses d’abord recevoir les soins d’urgence.
Je n’ai jamais pensé au mariage. Je ne sais pas pourquoi
mais cette pensée ne m’est jamais venue. D’ailleurs,
aujourd’hui, on ne parle plus du mariage. Il n’y a plus de
mariage. Les parents vendent leurs filles. Je dis cela parce
que je l’ai vécu. Mon oncle est allé dans la famille de sa femme
pour demander la facture, mais il faut voir la liste. Là, je me
demande si la fille se marie ou elle est vendue. On trouve
dans la liste, des boîtes de lait, du sucre, un bidon d’huile,
un réchaud, etc. Et en plus de tout cela, il y a l’argent en
espèce fixé à cinq mille dollars américains (5.000 US$).
Je comprends pourquoi les jeunes garçons préfèrent ce qu’on
appelle en lingala « yaka tovanda » (ndlr : viens qu’on se mette
ensemble - la cohabitation). Parce que s’ils veulent se marier,
ils se butent à une liste kilométrique, ils sont découragés et
abandonnent. Et là, ils vont seulement engrosser la fille et la
prendre chez eux à la maison. J’en conclus que les parents
n’aiment pas leurs enfants. Parce qu’en ce moment, le mariage
est très difficile.
Prix Heidi Kabangu 2015
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C’est une chance de voir un jeune homme venir demander la
main d’une fille. Au lieu de vous en réjouir et lui faciliter la
tâche, vous le coincez au contraire. Et si un jour ils arrivaient
à se marier, lorsqu’ils vont se disputer, la femme pourra dire
« je rentre chez mes parents », et le mari rétorquera : « tu es à
moi car je t’ai achetée chèrement des mains de tes parents ».
Non, là, trop, c’est trop ! Les parents veulent maintenant
s’enrichir à travers la dot. Et pourtant, la dot devrait être un
symbole pour permettre à tous les jeunes gens, garçons et
filles, de se marier.
Une autre chose que je remarque à Kinshasa : le phénomène
« sorcellerie » ou le « fétiche ». Les gens vont consulter un
féticheur puisqu’ils ont perdu de l’argent, des provisions. Ils
acceptent de sacrifier la vie des autres à cause de ces petites
choses. Ils pratiquent cela sans savoir que l’on peut racheter
tout ce qu’on a perdu, qu’on peut retrouver de l’argent ou un
emploi ; mais que la vie humaine ne peut jamais s’acheter à
prix d’argent.
Pour beaucoup de Congolais, leurs biens valent plus que la
vie humaine. Ils acceptent de perdre quelqu’un en le sacrifiant
lorsqu’ils courent chez les féticheurs. Le sort qui attend tous
ceux qui recourent à ces pratiques, c’est la mort subite ou la
maladie qui les conduira à la mort. Les féticheurs détruisent
la vie communautaire. Ils brisent des foyers, séparent des
couples, tuent des gens … le tout pour gagner leur propre
vie.
Même les jeunes filles, vont consulter les féticheurs pour que
les garçons tombent amoureux d’elles. Ou parce qu’elles sont
amoureuses d’un homme marié. Elles vont tout faire pour
séparer le couple et s’envoler avec l’homme. En faisant cela,
elles ne regardent pas les conséquences qui en découleront.
Quelquefois, quand les gens vont chez les féticheurs, le prix
qu’on leur demande, ils n’arrivent pas à le payer. C’est alors
le châtiment du sorcier ou féticheur qui devrait tomber sur
54
La croisée des Ados
leurs victimes qui les emporte eux-mêmes. La majorité d’entre
eux deviennent des fous sur la route. Pourquoi les gens ne
savent pas pardonner ? Que vont-ils alors faire à l’église ?
Je comprends maintenant que l’église n’est plus l’église. Elle
est devenue un endroit où les gens viennent entendre un
bon discours de bonnes aventures, ils viennent voir un faiseur
de miracles et c’est tout. Aujourd’hui, les pasteurs ne prêchent
plus sur le pardon. Dans leurs églises, c’est seulement des
prières du genre : « Mon frère, si tu me donnes ton argent, tu
iras aux Etats-Unis, ton argent augmentera, … ». A la fin, les
gens sortent tout cet argent. C’est pourquoi les gens ne
peuvent pas changer de conduite. L’église n’est plus l’église,
mais un moyen de gagner le pain pour le pasteur.
Une autre chose m’intrigue à Kinshasa : l’habillement immoral
des femmes. Nos bonnes dames de Kinshasa s’habillent très
très très mal. Elles laissent leurs seins dehors, leurs jambes
nues et dehors. Selon elles, c’est cela la mode. Non, surtout
si vous allez dans des fêtes, c’est vraiment pitoyable ! Elles
veulent tout copier de la civilisation occidentale. Même en
Europe, les dames ne s’habillent pas de cette façon.
Notre propre civilisation est en train de disparaitre (mourir).
C’est vrai, nous avons été colonisés par les Blancs, mais
depuis 1960, nous avons eu notre indépendance. Nous
sommes en 2014 (sic) et cela fait bien cinquante-quatre ans
d’indépendance. Nos propres cultures sont en train de
disparaître. Au contraire, elles se meurent toutes.
Notre professeur d’histoire nous a toujours enseigné que
chaque peuple a sa civilisation. Mais pourquoi copier les
autres ? Un Kinois, pour ne pas dire un « Congolais », est
comme un caméléon. Le caméléon prend la couleur de
l’endroit où il se trouve. C’est pareil avec le Kinois. Quand il
va peut-être aux Etats-Unis, il a honte de manger le fufu, le
riz, … Il va s’adapter au mode de vie de là-bas. Parfois même,
je les trouve drôles et maladroits dans leurs efforts
d’adaptation.
Prix Heidi Kabangu 2015
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Ce n’est pas bien : si tu es kinois, manifeste cela partout où
tu seras. Il faut être fier de ce l’on est et non de ce que tu as.
Sinon, tu seras comme un caméléon : quand tu es en France,
tu es français, en Belgique, tu deviens belge. Mais finalement,
quelle est ta nationalité ? Soyez fiers de la personne que vous
êtes, même si votre pays a une mauvaise réputation ; soyezen fiers.
Sachez que malgré le fait que vous changez tout le temps de
nationalité, vous demeurez toujours la personne que vous
étiez. Cela ne change pas votre sang ni votre nature.
La R.D. Congo a pour Président de la République, Joseph
Kabila Kabange. Les gens disent du mal de lui. Ce qu’ils ne
savent pas, c’est que tout ce qu’ils disent n’empêche pas le
Président d’accomplir son mandat. C’est pourquoi, tout ce
temps qu’ils perdent ne servira à rien. Car c’est lui qui dirige
le pays et les choses dans le pays. Les gens racontent qu’il
n’y a pas de changement véritable : la pauvreté croît, les
routes sont sales et pleines de nids de poules, il n’y a pas de
travail, … tout cela est vrai. Mais il ne faut pas arriver au
point d’insulter votre Président. Il faut au contraire le
respecter, l’encourager, le remercier pour ce qu’il réalise ou
a déjà réalisé pour son peuple. Au lieu de cela, on le déshonore
tout le temps. Qui sait si c’est cette attitude méchante du
peuple envers lui qui l’empêche d’agir autrement ? Vous parlez
et critiquez bien, mais quand vous arriverez au pouvoir, vous
ne ferez rien non plus, ni mieux.
Le peuple devrait travailler la main dans la main pour préparer
l’avenir du pays. Pour préparer le futur Président de la
République, les futurs Ministres, les futurs citoyens. Au lieu
de cela, c’est le désordre et l’égoïsme, «le chacun pour soi».
Ce n’est pas une bonne manière pour développer un pays. La
bonne manière pour développer un pays, c’est dans « l’union ».
Car un proverbe dit : « l’union fait la force » et la Belgique en
a fait sa devise.
56
La croisée des Ados
Il n’est jamais trop tard pour mieux faire. Si seulement nous
pouvons nous lever et prendre la décision de rebâtir notre
pays, je crois que ce sera un exploit. Le Congo est un pays
très riche. Comme mon oncle dit toujours : « quand Dieu créa
le monde, Il commençait à distribuer les richesses dans chaque
pays. Arrivé en Afrique, précisément en R.D. Congo, il était très
fatigué. Les richesses qui lui restaient entre les mains, il les a
déposées sur le sol de la R.D. Congo et il est reparti. » Tout
cela, pour dire que le Congo est très riche.
Une fois, Mme Kabangu nous racontait l’histoire d’un homme
pauvre qui était assis sur un coffre pour mendier. Un jour,
un Blanc passait par là. Le mendiant tendit sa main pour
recevoir quelque chose de la part du passant. Le Blanc se
regarda et lui dit : que veux-tu que je te donne encore ? Tu
es assis sur l’or et tu ne le sais pas. Le coffre lui-même qui lui
servait d’escabeau était une grande richesse et contenait
beaucoup de richesses. Cette histoire nous montre que nous
avons de grandes richesses mais nous comptons parmi les
pays les plus pauvres. Par contre, la Suisse, un petit pays
qui n’a presque rien dans son sous-sol, est parmi les plus
riches. Réveillons-nous !
Mme Kabangu nous disait aussi : si vous donnez la Suisse
aux Congolais et le Congo aux Suisses, les Congolais
détruiront la Suisse et les Suisses développeront le Congo. Il
y a encore de l’espoir pour le Congo. J’y crois et j’y croirai
toujours.
Parlons enfin de moi-même. J’habite avec ma famille. Ma
mère, est secrétaire au Centre d’Enseignement Mboloko « Les
Gazelles ». Mon père, je ne sais pas vraiment quel titre lui
donner mais je sais seulement qu’il va au Bas-Congo, après
deux ou une semaines et il revient. Il passe trois jours avec
nous et il repart. Ma petite sœur et moi, nous étudions aux
« Gazelles », mon grand-frère étudie à l’I.T.I. Gombe (Institut
Technique Industriel), ma grande-sœur à l’E.C.A.Mo.(Ecole
Chrétienne Arche de Moïse).
Prix Heidi Kabangu 2015
57
Je suis aux « Gazelles » depuis la deuxième année de
maternelle. Je compte quitter en deuxième, mais je ne sais
pas encore si cela sera réellement le cas. Je pense suivre la
section scientifique, ensuite faire la médecine. J’ai l’intention
d’avoir mon propre centre médical quand je serai grande.
J’ai beaucoup d’amis aux « Gazelles ». Ce sont de bons enfants
et je les aime bien. Mais y en avait une que j’aimais beaucoup
mais qui est maintenant en France. Ce voyage brusque m’avait
causé vraiment de la peine et brisé mon pauvre cœur d’enfant
car je l’aimais bien. Cette fille, c’est Teka. Je rentrais avec
elle, nous étions voisins. Leur avenue était en face de la nôtre.
Elle a laissé un grand vide dans mon cœur. Mais j’ai d’autres
bonnes amies qui ont réussi à me remonter le moral. C’est
cela la vie. Certains s’en vont et d’autres les remplacent. Sans
changement, il n’y a pas de vie !
Parmi les nouvelles amies, Banewa, je l’aime beaucoup. Je
trouve en elle quelque chose de spécial, je ne sais pas quoi.
J’aime beaucoup d’autres. Je fais de mon mieux pour vivre
correctement avec elles. Bien que parfois, nous ayons de petits
problèmes entre amies, dans l’ensemble, ça va. J’aime bien
les taquiner quelque fois. Parce que si je reste calme ou seule,
je pense à Teka et cela me donne l’envie de pleurer. Mais je
sais qu’un jour, je la reverrai. Cela me redonne espoir. Mais
tout se passe bien avec les nouvelles amies.
Tous les professeurs sont gentils avec nous en classe. Je les
aime tous. Car tous, ils contribuent à ma formation. Je les
aime et j’essaie de faire un effort pour qu’ils soient fiers de
moi. Comme moi aussi, je suis fière d’eux. Tous les jours, je
vais à l’école, sauf le dimanche, les jours fériés et pendant
les vacances.
S’il y a quelque chose que je poursuis ici sur terre, pour lequel
je me dépouille, c’est de devenir un grand médecin pédiatre
et ophtalmologue. C’est la fille Olangi Di’Handju Keren, fille
de Monsieur Nico Olangi Lokale et de Mme Anne Massengu
58
La croisée des Ados
Katana, élève de la première secondaire aux « Gazelles » dont
les titulaires sont Professeurs Kiyanze et Mpani.
OLANGI DI’HANDJU Keren
1ère Année Secondaire
2014 - 2015.
Prix Heidi Kabangu 2015
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La petite Véronique
BANEWA
Marie - Jaëlle
1ère Secondaire
2014 - 2015.
La petite Véronique
Un certain mercredi du mois d’octobre 2014, je me suis réveillée.
J’ai fait une petite prière dans laquelle j’ai demandé à Dieu de
me protéger ainsi que toute ma famille. J’ai ajouté qu’il guide
mes pas dès mon départ de la maison jusqu’à mon arrivée à
l’école, et qu’il me garde également au retour à la maison.
Après cela, j’ai pris ma douche et mon petit déjeuner. Puis, j’ai
emprunté le chemin de l’école.
Chaque mercredi, notre horaire est le suivant : les deux
premières heures : Algèbre, troisième heure : Biologie,
quatrième heure : Informatique, cinquième heure : Français
et enfin la sixième heure : Musique. A l’heure d’Algèbre, nous
avons présenté une interrogation. En Biologie, nous étions
en train de parler des fleurs. Pendant le cours, nous étions
surpris de voir le Professeur Kiyanze, le titulaire venir nous
annoncer que l’école organise un concours littéraire dénommé
«Prix Littéraire Heidi Kabangu». Il nous dicte quelques thèmes
proposés parmi lesquels nous devrions choisir un.
Quelques jours plus tard, le professeur Mpani nous a dit que
le programme avait changé et que nous devions exploiter un
seul thème tout le monde. Il s’agit de «Ma vie de tous les
jours». Il a ajouté que l’on devait remplir un cahier de vingtquatre pages pour figurer parmi les candidats retenus. Surle-champ, il nous a remis ledit cahier approprié à chacun.
J’étais étonnée car, ce que le professeur Kiyanze avait dit
avait l’air plus facile. J’ai des difficultés à commencer, mais
je réalise que le commencement, c’est moi-même. Je décide
alors de parler de moi-même.
Un certain deux juillet deux mil-deux, une très jolie petite
fille est née entre les mains d’une femme appelée Bernadette
et d’un homme appelé Jean-Paul Mosengo. Lorsqu’elle est
Prix Heidi Kabangu 2015
63
née, son père et sa famille ont voulu qu’elle s’appelle Mavé,
qui est le mélange du prénom de ses grands-mères maternelle
et paternelle. Mais sa mère ne veut pas. Elle propose qu’on
l’appelle Kethia. Ce que son père non plus ne veut pas.
Whaou ! Quel bouleversement ? Une tante maternelle propose
enfin le prénom de Jaëlle. Tous les deux parents tombent
d’accord. Mais la famille de son père affiche toujours de la
résistance contre ledit prénom. Les parents décident enfin
de lui donner le prénom de Marie Véronique. La famille de
son père persiste avec le nom de Mavé. Quel dommage ! Elle
s’appellera finalement Banewa Marie-Véronique.
Elle est issue d’une famille de sept enfants dont le premier
s’appelle Popaul. Il est avocat. La deuxième s’appelle Jasmine.
La troisième répond au nom de Tatyna. Elle est économiste
de formation. La quatrième s’appelle Vanessa. Elle est en
deuxième doctorat de médecine à l’Université Protestante au
Congo (U.P.C.). Le cinquième de la famille est un garçon, du
nom de Josué. Il fréquente l’Université Catholique du Congo
(U.C.C.) en économie et développement. Il compte devenir
docteur en économie. La sixième porte le prénom de Naomie.
Elle est en cinquième littéraire. Je suis la septième de la
famille, comme vous l’avez déjà appris. Voilà comment se
compose donc ma famille. Je vais alors vous raconter mon
histoire.
Lorsque j’ai totalisé trois ans, il fallait que je parte à l’école. A
cette époque, mes soeurs et mon frère étudiaient déjà aux
Gazelles, à l’exception de Vanessa qui allait au Lycée
Kabambare. Elle seule est allée ailleurs puisqu’elle voulait
suivre les humanités scientifiques. Moi, je ne pouvais pas
encore étudier aux Gazelles puisqu’il n’y avait pas de première
année de maternelle. Mes parents se décident de m’inscrire
à l’école Mont-Amba. Je commence là-bas. Je travaille bien,
je suis intelligente. Une fois en pleine session d’examen, je
suis tombée malade. Je ne partais plus à l’école. Lorsque
j’étais guérie, il fallait que je récupère tous mes travaux non
64
La croisée des Ados
effectués. Durant la récréation, lorsque les autres sortaient
jouer, moi, je restais en classe pour récupérer certains travaux
que je n’avais pas réalisés.
Je me rappelle des fois où ma mère venait me chercher exprès
en retard. Au Mont-Amba, si un parent vient chercher son
enfant, il doit présenter à la dame qui enseigne le jeton que
la Direction scolaire donne aux parents à l’inscription. Si par
hasard elle a oublié le jeton, elle était obligée de rentrer à la
maison pour le reprendre. Et si elle ne retrouve pas le jeton,
elle est obligée d’attendre que l’on vienne récupérer tous les
enfants. Alors seulement, elle pouvait m’amener. Les dames
qui nous enseignaient lui reprochaient cela.
Lorsque j’ai totalisé quatre ans, mes parents n’ont pas voulu
que je continue à étudier au Mont-Amba. Ils se sont décidés
que j’aille étudier avec mes sœurs et mon frère aux Gazelles.
Quand ils m’ont appris la nouvelle, j’étais très contente parce
que je ne voulais plus rester au Mont-Amba, toute seule.
Plus tard, ma mère et moi étions venues prendre l’inscription
aux Gazelles. J’étais retenue et je devais venir étudier aux
Gazelles. Chaque année, aux Gazelles, les élèves de cette
classe présentent un ballet et une pièce de théâtre à la fin de
leur cycle primaire. Cette année, c’est mon frère Josué qui
était l’acteur principal. Le jour de la présentation, ma mère
m’a proposé d’aller l’accompagner et assister au spectacle.
J’ai accepté. Nous sommes venues et nous étions très
contentes de la manifestation. Tout le monde qui était présent
également. A la fin, toute la classe de mon frère a dansé le
ballet. Tout s’était très bien passé.
Quand l’année scolaire 2006 - 2007 a commencé, j’étais
admise en deuxième année de la maternelle. Le matin du
jour de la rentrée, lorsque je suis arrivée, ma soeur Naomie
m’accompagnait pour m’indiquer la classe. A mon arrivée, je
suis entrée, il n’y avait qu’une seule personne. Je ne la
connaissais pas. Quelques minutes plus tard, une dame est
Prix Heidi Kabangu 2015
65
entrée et elle nous a salués. Elle nous a demandé de nous
présenter. Quand c’est mon tour je me présente : «Je suis
Jaëlle Banewa Marie-Véronique». La fille qui était assise près
de moi s’est présentée, elle aussi : «Je suis Keren Olangi
Di’Andju». Quelque temps après, d’autres élèves commencent
à arriver.
Lorsqu’on a sonné le début des activités, la dame qui était là
s’est présentée sous le prénom d’Edwige. Puis, chacun à son
tour s’est présenté à l’intention de tous. Après cela, la dame
nous a appris une prière que nous avons continué à réciter
toute l’année scolaire.
J’étais habituée à me réveiller tôt. Je m’adaptais donc
facilement aux exigences que l’on m’imposait à l’école. Je
trouvais Gazelles un peu bizarre. A l’école d’où je venais,
chaque classe a au moins deux dames. Et nous nous mettions
sur des chaises en plastique, tandis qu’ici, on est assis sur
des chaises en bois.
Lorsqu’approche la Noël, il faut que nous fassions une saynète
dans laquelle nous allons parler de la Nativité ou la Naissance
de Jésus. La maîtresse me propose de jouer le rôle de Marie,
la mère de Jésus et j’accepte. Les répétitions commencent et
vont bon train. Je joue bien mon rôle. Arrivé le jour du
spectacle, je tombe malade et ne peux aller à l’école. J’ai raté
de jouer mon spectacle et je ne sais même pas comment cela
s’était finalement déroulé. A part cette maladie, j’ai bien passé
cette année scolaire.
Quand l’année scolaire 2007 – 2008 a commencé, j’étais en
troisième année de Maternelle. C’était la classe de Mme
Tatiana et Mme Ntumba. Les deux dames étaient bien gentilles
avec moi. Mais il y avait un enfant qui s’appelait Hervé. Nous
nous disputions avec lui chaque jour. Si je fais un travail, il
venait toujours le détruire. Je me fâchais quand il agissait
ainsi. A mon tour, quand il terminait de réaliser quelque
chose, je l’abîmais pour me venger.
66
La croisée des Ados
Chaque année, les élèves qui arrivent à la fin de leur cycle
des humanités pédagogiques présentent un stage de fin
d’études dans les salles de classe. Dans ma classe, c’est ma
sœur Tatyna qui est affectée pour enseigner. J’étais contente.
Quelques semaines plus tard, c’est la fin de l’année et nous
devons prendre les grandes vacances.
Lorsque commence l’année scolaire 2008 – 2009, je suis en
première année primaire. Là, j’ai rencontré des amis avec
qui j’ai fait l’école maternelle. Lorsque le « lokele » a sonné la
rentrée, je suis allée en classe. Là, j’étais très surprise de
voir un homme m’enseigner. Il s’est présenté au nom de
Kabitshwa Eric. Nous sommes allés ensuite dans les salles
de classe où se trouvaient nos aînés et nous avons visité
toute l’école.
Quelques mois plus tard, c’était la signature des bulletins.
Mes parents sont venus signer, j’avais réussi. Mais je n’arrivais
pas tellement à bien m’adapter. J’avais quelques difficultés
en lecture et en calcul. Jusqu’à présent, je n’avais pas pris
des précautions utiles pour bien apprendre à lire et à calculer.
Plus tard, j’ai fini par décider de tenter quelques techniques :
chaque jour, je devais lire au moins deux pages du livre
« Baba » à haute voix. C’est ainsi que j’ai appris à très bien
lire.
Concernant le calcul, je m’exerçais chaque jour avec les
exercices résolus en classe ou non. C’est ainsi que j’ai évolué
avec l’apprentissage du calcul et je suis parvenu à bien
calculer. A part ces deux difficultés, je n’en avais pas d’autres
qui me bloquaient. Mon année scolaire s’était bien passée.
Quand je suis arrivée en deuxième année primaire, la dame
qui nous enseignait s’appelait Kembo Nsele. Elle était gentille
avec nous. La difficulté que j’ai rencontrée dans cette classe
est la suivante : je n’arrivais pas à retenir les tables de
multiplication. Je n’avais même pas envie de les retenir.
Prix Heidi Kabangu 2015
67
Un jour, Mme Kembo nous a donné le devoir d’aller réviser les
tables de multiplication puisque le lendemain, elle nous
interrogerait sur cela. Je suis rentrée à la maison avec
détermination de retenir cette table de multiplication pour
ne pas échouer. Puis, je l’avais retenue, effectivement. Et le
lendemain, à l’interrogation promise, j’avais réussi. Non pas
seulement, j’avais retenu la table pour l’interrogation, mais,
je l’ai fait pour la vie : je ne l’oublierai jamais.
Ce que j’ai remarqué durant mon année scolaire en deuxième
année primaire, Mme Kembo nous frappait. Quand il lui
arrivait de me frapper, je pleurais très fort, et cela à chaque
fois. A cause de ces pleurs abondants, elle m’avait surnommée
« Gros bébé ». Quand vint le moment de signer les bulletins,
mon père était venu. Il consulta mes résultats et il était très
fier de moi.
Mme Kembo lui a alors dévoilé que dans la classe, tout le
monde m’appelle « Gros bébé ». De retour à la maison, papa
a rapporté ce surnom à toute la famille, mes frères et sœurs
ensemble. Depuis ce jour, mes frères et sœurs m’appellent
de ce nouveau sobriquet. A part cela, mon année scolaire en
deuxième année, s’est bien passée.
Arrivée en troisième année primaire, c’est encore un homme
qui revient comme enseignant. Il s’appelle Makembo. Il était
très gentil. Mais s’il te voit déranger, il écrit dans ton journal
de classe à l’intention des parents. Le lendemain, les parents
doivent obligatoirement signer le communiqué avant que tu
n’entres en classe.
Au début de l’année, je m’asseyais avec Pauline. Lorsqu’on
nous a changé de places, je me suis retrouvée avec Kabeya
Tshimbombo. Avec lui, nous nous disputions trop. Une fois,
il avait insulté mon frère. Pour l’énerver, j’avais insulté sa
mère et nous étions tous deux fâchés l’un contre l’autre.
La situation a perduré jusqu’à ce que nous sommes allés
nous expliquer devant le maître. Pour éviter les problèmes, il
68
La croisée des Ados
nous a changés de places. Il m’avait placée à côté de Kabamba.
Une fois de plus, nous nous disputions tout le temps avec ce
dernier.
J’ai été placée à côté de Bomele, avec la permission du maître.
Mais, là encore, c’était pire. Je me rappelle qu’un jour, nous
en sommes venues à nous battre. Là, maître Makembo nous
avait punies sévèrement. Puis, après, il m’a changée de place
et je suis allée m’asseoir avec Mukendi. Enfin, je me sentais
à l’aise !
Si l’on me demandait les difficultés rencontrées en troisième
primaire, hormis celles du caractère belliqueux, je n’arrivais
pas à bien faire les calculs. Ces difficultés ont perduré jusqu’à
ce que le maître Makembo nous avait aidés à comprendre.
C’est alors que j’avais commencé à me sentir à l’aise. C’est de
cette façon que j’ai passé mon année scolaire en troisième.
Arrivée en quatrième année primaire, c’était le maître Patrick
Kabitshwa qui nous enseignait. Il était gentil avec nous. Il
nous aimait beaucoup. Un jour, il avait posé une question à
la classe et personne n’avait trouvé de réponse. Il s’était énervé
et voulait frapper toute la classe. Comme il avait commencé
au coin de la classe, les cinq premières étaient touchées plus
fortement que les autres. Le maître était plus sévère que ceux
des classes antérieures. Quand tu n’as pas fait le devoir à
domicile, tu reprendras au triple la tâche. Sinon, si tu t’entêtes
à ne pas le faire, tu auras deux ou trois jours de punition à
rester à la maison.
La quatrième était la seule classe où mes résultats n’étaient
pas fameux, la seule où j’ai vraiment mal travaillé. Comme
pour les années passées, ma difficulté résidait toujours en
calcul : je n’arrivais pas à faire la division. Lorsque le maître
enseignait, il avait remarqué que je ne suivais pas. A
l’interrogation, j’avais quelque fois des zéros et je pleurais
beaucoup puisque je ne comprenais pas que je puisse obtenir
zéro. En fin de compte, j’avais pris la décision de comprendre
Prix Heidi Kabangu 2015
69
le calcul. Cela avait bien marché et l’année s’était terminée
sur de bonnes notes partout.
Me voici en cinquième année primaire. C’est de nouveau
maître Erick Kabitshwa qui nous rejoint. Il est venu remplacer
maître Luntadila Nestor affecté en sixième année primaire
après le départ de maître Mulumba. C’est ainsi que Mme
Kabibi est restée seule en première année.
Maître Erick était très gentil avec nous. Il nous aimait. Il
nous aidait à comprendre toutes les leçons. Il ne frappait pas
mais il punissait seulement. Au premier trimestre, toute la
classe avait réussi. Malheureusement pour nous, au retour
des vacances de Noël, on nous apprend qu’il a quitté. Nous
étions tous très tristes. Un si bon maître était parti !
Pendant que l’école cherchait encore un enseignant pour le
remplacer, Mme Françoise, la secrétaire de l’école, nous
enseignait. Elle faisait l’effort de nous aider à comprendre.
Mais quand elle enseignait, elle avait l’air de quelqu’un qui
ne sait pas enseigner mais se dépense pour que les élèves
parviennent à comprendre.
Le jour où les candidats maîtres étaient venus passer leur
test, ils étaient à quatre. A la fin, l’école n’avait retenu que
deux candidats : Jean-Christophe et Modeste. C’est ainsi que
les deux ont commencé à enseigner jusqu’à la fin de l’année
scolaire. L’année s’est bien terminée et j’ai réussi.
J’arrive en sixième année primaire. C’est maître Modeste qui
nous enseigne. Il était bien gentil avec nous. Il nous aimait
beaucoup. Il enseignait de tout son cœur. Il nous
encourageait, nous fortifiait pour ce grand projet que nous
avions à accomplir dans notre vie. Grâce à lui, nous avons
récolté les meilleurs résultats de l’école primaire. La sixième
année primaire nous a paru la classe la plus facile de l’école
primaire. Durant toute l’année, il ne s’est rien passé de grave.
70
La croisée des Ados
Maintenant, je suis en première année secondaire. Tout se
passe plutôt bien. Je remercie Dieu de m’avoir protégée. Je
remercie Madame Heidi Kabangu pour la belle initiative qu’elle
a prise de créer cette école, pour l’avenir des jeunes qu’elle a
forgés.
Je remercie tou(te)s ceux et celles qui ont contribué à mon
éducation jusqu’à ce jour.
BANEWA Marie - Jaëlle
1ère Secondaire
2014 - 2015.
Prix Heidi Kabangu 2015
71
06.
Formidable Grand-père
NTANGA MUKENDI
Béni-Scholas
1ère Secondaire
2014 - 2015
Formidable Grand-père
Je suis Béni-Scholas Ntanga Mukendi. Je suis née le 03 avril
2002, à Kinshasa, à l’hôpital « Clinique Ngaliema ». Mon père
travaille à la Banque Commerciale du Congo (B.C.D.C.). Ma
mère également. Je suis de la tribu luba.
En 2002, nous habitions Ngiri-Ngiri. A l’âge de quatre ans,
mon père a été muté à Lubumbashi. Nous étions restés seules,
ma mère et moi. Puis, en 2008, ma mère a quitté le pays
pour le Maroc pour des raisons de soins médicaux. Elle
souffrait du cancer de kavounc. Là-bas, elle a suivi le
traitement de chimiothérapie et radiothérapie. Elle est rentrée
au pays en 2009. En 2010, elle a effectué un autre voyage
pour son contrôle. Pendant toutes ces absences de ma mère,
j’habitais avec mes grands-parents. Lors des réunions
convoquées à l’école ou la signature des bulletins, c’est mon
grand-père qui s’y rendait.
Un jour, je me suis réveillée un peu triste, je ne sais pourquoi.
En regardant la montre, je me suis aperçu qu’il n’était que
04 heures 45 minutes. J’ai commencé à réfléchir. Alors, j’ai
pensé qu’une courte prière serait nécessaire. Dans ma prière,
j’ai demandé à Dieu de guider nos pas et que la journée soit
sans incident troublant.
Depuis ma naissance, je n’ai jamais quitté ma ville natale,
Kinshasa. Ni non plus mon cher pays, la République
Démocratique du Congo. Mon père, profite de ses vacances
annuelles pour nous rejoindre à Kinshasa. Il nous apprend
que les habitants de Lubumbashi ont un esprit travailleur.
Pour eux, la pluie n’est pas un argument valable pour
manquer soit le travail, soit l’école. Mais à Kinshasa, il suffit
qu’il pleuve pour que les employés et les élèves trouvent une
bonne raison de s’absenter du service.
Prix Heidi Kabangu 2015
75
Mon père est resté avec nous pendant deux semaines, puis,
il a pris un vol à destination de Mbuji-Mayi. Il voulait rendre
visite à des membres de famille. Tout au fond de moi, je
regrettais que ma mère ne puisse effectuer ce voyage avec
lui.
Mon pays, que je n’ai jamais quitté, est indépendant depuis
le 30 juin 1960. Son premier Président fut M. Joseph KasaVubu qui est mort le 24 mars 1969 dans sa ville natale, au
Bas-Congo.
Le deuxième Président fut Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko
Kuku Ngbendu wa Zabanga. Sous son règne, le Congo fut
appelé République du Zaïre. Il est décédé le 07 septembre
1997. La même année, Laurent-Désiré Kabila a pris le pouvoir
soit le 17 mai 1997. Notre actuel Président, Joseph Kabila
Kabange fut élu président en 2006. Il est au pouvoir
jusqu’aujourd’hui après la réélection en 2011.
Ce jour-là, après avoir quitté la maison dans une atmosphère
joviale, j’arrive à l’école et trouve le professeur qui avait le
visage renfrogné. J’ai deviné qu’il n’était pas de bonne humeur.
Je ne sais pas trop pourquoi, mais je me suis sentie aussi
triste que tout le monde. J’ai toujours eu peur du regard
foudroyant du Préfet et du Professeur Okitol. Ce dernier, est
très exigeant mais il est en même temps gentil avec nous.
Je déteste la tricherie comme de la peste. Pendant la
récréation, nous nous sommes régalés en mangeant quelques
quignons de pain et du fromage. Normalement, le lundi, nous
avons deux gongs, mais je n’avais pas envie de rester à l’école.
Alors, il fallait trouver un prétexte ou un motif valable pour
quitter l’école. J’ai prétendu avoir mal à la tête. Le professeur
a deviné que je ne voulais pas faire la gymnastique. Il m’a dit
d’une voix blanche que si je lui avais dit la vérité, cela allait
être normal ; mais comme j’avais prétendu avoir coute que
coute mal, je dois rester faire la gymnastique. Avec
consternation, je suis rentré à ma place.
76
La croisée des Ados
Je me suis demandé ce qui m’a pris de mentir. Ma ferme
résolution est que le mensonge n’est pas bon. Il faut toujours
dire la vérité quelles que soient les circonstances.
Etre en mauvais termes avec les amis est une circonstance
inattendue qui fait souvent trahir. Ce lundi-là, c’était
l’anniversaire de maman. Elle a totalisé quarante-cinq ans
d’âge. Elle avait préparé seulement un peu de nourriture,
des frites, des bananes plantains, des poulets, du riz, des
petits pois, et par-dessus tout, une très appétissante soupe
aux quetsches et aux prunes. Un vrai régal !
Lors de la proclamation des résultats de la première période,
tout au fond de moi, je savais que je n’avais pas bien travaillé
en classe. Car mes résultats des devoirs et interrogations ne
pouvaient que confirmer mes craintes. Le matin du jour de
la proclamation, le professeur Mpani nous conseilla et nous
dit qu’il a été titulaire de première année secondaire depuis
plus de cinq ans et c’est la première promotion où l’on
rencontre un nombre aussi élevé d’échecs.
Dès ce moment, j’ai commencé à avoir peur car je craignais
d’être parmi ces élèves qui ont échoué. Quelle sera la réaction
de maman, papa, grand-père et celle de tous les autres s’ils
apprennent que j’ai mal travaillé à l’école.
Cette journée se passa dans un calme inhabituel, tellement
j’étais préoccupé par l’événement qui m’attendait. Même mes
amis s’en rendirent compte et eux, à leur tour, ne firent que
m’enfoncer dans le découragement en me taquinant de temps
en temps. A la fin des cours, je me suis rendu directement à
la maison parce que je n’avais pas envie que grand-père me
gronde devant tout le monde.
Après près de quarante-cinq minutes, grand-père arrive à la
maison, l’air mécontent. Je m’attendais à un sérieux blâme,
mais il s’assit calmement et me demande d’approcher. Arrivée
près de lui, il me parle en ces termes : ce n’est pas fameux
comme résultat en classe. Normalement, il a raison parce
Prix Heidi Kabangu 2015
77
que la seule classe dont je me souviens des résultats de 71 %
fut la cinquième primaire. En sixième primaire, au premier
trimestre, j’ai obtenu 74 %, au second trimestre, j’ai atteint
76 %. Au troisième trimestre, c’est de nouveau 74 % que j’ai
réalisé.
Me voici en première année secondaire avec 71 %. Pour me
punir, mon grand-père m’informe que je n’aurai plus qu’une
heure pour suivre la télévision ; puis je dormirai désormais à
vingt heures parce qu’avant, je dormais à vingt-et-une heures
trente minutes.
Quand ma mère est rentrée à la maison, c’est tout un discours
et des tas de reproches. Pour ne pas entendre ces flots de
paroles ennuyeuses, j’ai commencé à lire une bande dessinée
qui m’a beaucoup émerveillée. Pendant ce temps, mon grandpère a commencé à me raconter une partie de sa vie au village.
Après toutes ces histoires, je commençais à m’ennuyer. Je
suis allé me placer devant le téléviseur et c’est à partir de là
que j’ai vu sur la table un livre parlant des rats-trompettes.
Pour moi, c’était la première fois que j’entendais ce nom et ce
qui m’a beaucoup étonné. Le livre note qu’il est connu sous
le nom scientifique de Galemys Pyrenaicus. L’auteur précise
que cette espèce ne peut vivre que dans une eau pure. Pendant
ces dernières années, la majorité des eaux sont polluées. C’est
cela qui rend l’espèce de plus en plus rare. Car ils ne font
que monter en altitude, à la recherche d’une eau pure. Les
recherches se font dans la vallée de Turange.
Par manque de temps, je n’ai pas pu finir mon livre. Le lundi
matin, tout s’est déroulé normalement en classe, malgré que
de temps en temps, l’on s’attire la colère du professeur.
Souvent, en classe, tu peux entendre deux élèves se disputer
ou encore se raconter des histoires pas agréables, mais que
faire ? Après cela, ils ne se présentent même pas des excuses,
et la vie continue.
78
La croisée des Ados
Après cela, ma grand-mère est revenue de chez le médecin
avec des nouvelles, pas très bonnes du tout, à en juger par
les traits du visage de grand-père. Depuis plus de deux ans,
ma grand-mère souffre d’hypertension artérielle. Elle appelle
souvent cette maladie : « tueuse silencieuse ». je lui demande
de m’en parler un peu puisque j’en entends parler souvent
sans comprendre exactement de il s’agit.
Elle m’apprend que plus de trente pour cents d’adultes
africains souffrent d’hypertension artérielle. La majorité qui
ne sait pas en détecter les symptômes peut être surprise par
un accident cérébrovasculaire (avc), un infarctus, des
maladies rénales, pour ne citer que ces quelques cas.
L’hypertension est une maladie qui se manifeste par la
présence d’une forte pression du sang dans les artères. Le
cœur, qui est appelé à fournir de grands efforts pour véhiculer
le sang à travers le corps, s’épuise rapidement. Aussi, les
parois des vaisseaux sanguins sont endommagés.
La médecine énumère des facteurs favorisant l’apparition de
l’hypertension artérielle. Il s’agit entre autres d’une
consommation excessive d’alcool, de boissons à base de
caféine, de sel, … Par ailleurs, une trop faible consommation
de fruits et légumes peut également être à l’origine de ce type
d’hypertension.
Outre une hygiène alimentaire insatisfaisante, le manque
d’exercice physique, l’obésité et la cigarette constituent aussi
des facteurs de risque. Passé la trentaine, il est conseillé de
faire mesurer régulièrement sa tension artérielle. Aux
premiers symptômes, le médecin pourrait prendre des
mesures préventives combinant généralement régime
alimentaire adapté et des exercices physiques.
Je ne sais même pas de quoi parlait ma sœur, j’interviens :
j’aimerais tellement aller sur Mars. Ma sœur répond :
justement, aller sur Mars est une de ses chimères. Je lui
demande alors ce que c’est qu’une chimère. Elle me répond
qu’il s’agit d’un rêve impossible à réaliser.
Prix Heidi Kabangu 2015
79
C’est alors que mon grand-père prend la parole et nous instruit
que dans la mythologie grecque, la chimère était un monstre
à tête et poitrail d’un lion, ventre de chèvre et queue de dragon.
Il crachait des flammes. Je m’exclame : quel vilain être même
s’il ne s’agit que du fruit de l’imagination de ne sais qui ! Se le
représenter donne la chair de poule !
Ma mère me dit : l’école porte l’avenir. C’est pourquoi nos
parents tiennent à ce que nous puissions étudier dans de
bonnes écoles. Et c’est chaque jour qu’ils nous répètent que
l’avenir appartient à ceux qui étudient. Ils insistent même
que nous ne devons pas étudier pour l’école mais pour notre
propre vie. Dès que j’ai fini mon récit, Molowayi Gaël, une
amie de ma classe me rappelle que ces conseils que me
prodiguent mes parents sont les mêmes que ceux de ses
parents.
Après l’école, je passe la plus grande partie de mon temps, à
aider mes grands-parents à la vente dans la boutique. Bon,
personne ne m’oblige à rester vendre, mais cela me plait
beaucoup d’y rester. Pour dire vrai, les travaux ménagers ne
m’arrangent pas vraiment. Pour moi, si l’on m’y oblige, je les
traiterai de corvée. Laver la vaisselle, le plus souvent,
m’ennuie. La lessive, c’est encore pire.
Pour parler de mon pays, sur le plan économique, la R.D.
Congo est membre de la CEAC (Communauté Economique
des Etats de l’Afrique Centrale) et du groupe des Etats de la
Région Africaine des Grands Lacs. Mon pays a été victime de
plusieurs maladies et épidémies, dont la fièvre hémorragique
d’Ebola.
Ce virus a encore sévi pour la troisième fois à l’Equateur,
cette année. Je me suis alors demandé : « Congo, Congo, mon
beau pays, pourquoi seulement toi ? » En guise de réponse, je
me suis dit : Par manque d’hygiène, nous nous attirons toutes
les maladies et épidémies. Bien que certains prennent
considérablement des précautions, d’autres s’en foutent
complètement.
80
La croisée des Ados
En classe, le professeur de religion nous demande toujours
d’être honnête et humble, car l’homme humble ne se vante
point de ce qu’il possède, ne se gonfle pas d’orgueil et n’agit
pas de façon inconvenable, ne cherche pas ses propres
intérêts, ne s’irrite pas. Il ne tient pas compte du mal subi, il
supporte tout, endure tout et l’amour dans son cœur ne
disparait jamais.
Mon école ne comporte que deux sections : la pédagogie
générale et la technique Coupe et couture. Moi, j’aimerais
bien faire la biologie-chimie et plus tard, à l’université,
j’aimerais faire la médecine. Mais les gens me conseillent de
faire la section littéraire. Ils disent que je parle beaucoup,
vite et bien.
Mes amis m’encouragent que je fasse vraiment la section
littéraire et plus tard, à l’université, je pourrais étudier le
droit pour devenir avocate.
Tout au fond de moi, j’aimerais bien le journalisme. Quand je
parle de journalisme, ce n’est pas pour passer à la télévision
et donnes les bulletins d’information.
En devenant médecin selon les conseils de mon père, je dois
devenir un juste médecin. Je n’ai pas compris ce qu’il voulait
dire. Mais l’idée me vient de vouloir être dans une clinique et
devenir spécialiste en chirurgie. Je ne suis pas de nature à
avoir peur d’une intervention chirurgicale ; si c’est le seul
moyen de sauver des vies humaines. Il existe des maladies
comme des myomes, des fibromes, qui ne peuvent être
soignées que par opération chirurgicale. Alors, que faire, à
moins d’un miracle ?
Mes professeurs de mon école sont les meilleurs qui soient.
Ils s’époumonent chaque jour et viennent pour nous
enseigner. Pour moi, il faut les respecter comme nous le
faisons avec nos parents à la maison. En respectant les
professeurs et les autorités, vous serez respectés aussi par
Prix Heidi Kabangu 2015
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vos amis et connaissances. Car le respect commence par soimême et qui aime bien châtie bien. Je trouve aussi que le
Préfet est un homme juste, intègre et surtout, il est bon.
NTANGA MUKENDI Béni-Scholas
1ère Secondaire
2014 - 2015.
82
La croisée des Ados
07.
Qui suis-je ?
MULANGA KALAALA
Celia
4e Humanités Pédagogiques
2014 - 2015
Qui suis-je ?
Ma vie ? Pour avoir une vie, il faut être quelqu’un. Oui, le
suis-je ? Ai-je réellement le droit de parler de moi avec un
grand « JE » ? Je préférerai être anonyme dans mes récits.
Mais, hélas ! Rester inconnue à mes lecteurs, hum ! Ecrire,
c’est une de mes passions. L’écrit, c’est ma vie, c’est un de
mes rêves. Mes écrits arriveront à se tailler un chemin.
Quand il s’agit de moi, je baisse le ton et je deviens timide.
Mes proches riront s’ils entendaient ce que je viens de dire.
Ils s’écrieront sûrement : « c’est faux, elle fait la modeste ». je
me lance, j’espère juste que vous ne vous fatiguerez pas en
chemin. Et que vous aimerez cette balade.
Avant de répondre à la question « qui suis-je ? », je devrai
commencer par celle d’où je viens. Une personne sans origine
n’existe pas.
Mon père Kalaala Kadima Constantin est un luba. Il est de la
province du Kasaï Oriental, du district de Tshilenge, du village
de Luamwela. Il est de la tribu des Bakwa-Mukendi. Il est né
le 12/10/1965 à Katanda. Mon grand-père paternel, qui était
alors couturier, avait quitté son village pour s’installer à
Katanda.
Il avait épousé quatre femmes et à la naissance de mon père,
il totalisait vingt-huit enfants. Il en a eu d’autres après pour
totaliser trente-trois, à en croire les dires de mon père.
Tout ce que je sais de mon grand-père, c’est que c’était un
homme bon, qui accueillait chez lui tout le monde à bras
ouverts. Qu’il comptait parmi les premiers hommes à avoir
travaillé avec les Blancs dans la province. Il avait épousé ma
grand-mère comme troisième femme alors que celle-ci n’avait
Prix Heidi Kabangu 2015
85
que seize ans. Mon grand-père est mort suit à une maladie.
Paix à son âme !
Revenons à mon père. Il a grandi et étudié à Katanda. A l’âge
de huit ans, il est entré au couvent. Il a passé toujours sa
jeunesse à l’église. Il grandit comme acolyte et élève en section
littéraire au Petit Séminaire.
Un jour, il a manqué une messe pour assister à un tournoi
de football comme il aimait ce sport. Quand il est revenu, on
lui signifié qu’il ne serait plus autorisé à continuer pour
devenir prêtre. Après cette communication, mon père a
effectivement plié ses bagages à destination de Kinshasa. Il
est venu s’inscrire à l’Université de Kinshasa (UNIKIN, en
sigles). Et le temps a passé.
Faisons un recul dans le temps. Que le présent fasse une
pause. Je ne vais quand même pas suivre mon père sur le
banc des études sans parler de maman.
Irène Meta Lubika, tout comme mon père est une Luba. Même
province, même district, mais elle fait partie de la tribu des
Bena-Kalala. Irène Meta est née le 02/04/1970 à Kinshasa.
Elle est deuxième de sa famille, sur un total de onze enfants.
Mon grand-père maternel était pilote de ligne et a travaillé à
la Gécamines, à Lubumbashi. Ma grand-mère, quant à elle,
était une ménagère et très bonne couturière. Maman a donc
vécu entre deux grandes villes du pays : Kinshasa et
Lubumbashi.
Elle a fait des études commerciales. La vie ne lui a pas toujours
été rose, mais elle s’est bien battue pour réussir. Elle
commence les études supérieures à la faculté de Droit à
l’Université de Lubumbashi (UNILU, en sigles). A cette même
époque, Président Mobutu, suite à des troubles causés par
les étudiants, avait fermé l’Université. Mon grand-père ne
voulant pas que cela pèse sur les études de ses enfants dont
ma mère, l’avait envoyée poursuivre sa formation à Kinshasa.
86
La croisée des Ados
L’histoire peut à nouveau repartir avec mon père.
UNIKIN avait connu des années de fermeture, des « années
blanches ». et papa, depuis lors, n’avait pas encore terminé
ses études. Maman, elle, de son côté, s’était inscrite dans la
même faculté. Mais elle manquait des notes, vu qu’elle était
venue au milieu de l’année académique.
Papa était en période d’examens. Il passait dehors, sous un
arbre. Maman était en ce moment-là au campus et cherchait
à qui s’adresser pour demander les notes. Elle a remarqué
un jeune homme assis sous un arbre et s’est avancée vers
lui. Quand elle est arrivée à sa hauteur, elle l’a abordé pour
poser son problème. Et le jeune homme de répondre :
« Attends-moi, j’arrive ». Il était allé remettre son travail
pratique (T.P.) puis est revenu. Ils ont fait route ensemble, et
le jeune homme avait accepté de lui donner les notes qu’elle
demandait. Il lui a proposé en plus son aide pour le reste.
Les notes se sont transformées en amitié. L’amitié a engendré
l’amour et ce dernier s’est concrétisé en mariage le 05 avril
1998. C’est de cette union qu’est née Celia Mulanga Kalaala.
C’est moi. J’existe maintenant.
Je suis née, un certain 29 juin 1999. On m’a dit que ce devait
être un mardi. Je suis née à la Clinique Bondeko à 16h30. Je
suis l’aînée. Après moi vient un garçon : Daniel. Il est né le
12 avril 2001.
Avec mes parents, cela n’a pas toujours été la joie. Les disputes
étaient fréquentes et nos pleurs aussi. Mais que pourrionsnous y changer ?
Petite encore, j’étais très proche de mon père. Il m’emmenait
avec lui partout où il allait. On allait jouer. Chaque fois qu’il
revenait du service, il me rapportait quelque chose. Il me
gâtait comme pas possible.
Prix Heidi Kabangu 2015
87
A six ans déjà, j’avais déjà goûté à presque toutes les sucreries
et friandises ; j’avais déjà vu une grande partie de Kinshasa,
ma ville natale. Le temps est passé et j’ai grandi.
A l’époque, je considérai ma mère comme mon bourreau. Il
est vrai que je l’adorais, mais la peur dominait comme
sentiment, quand j’étais avec elle. J’ai toujours eu l’impression
que ma mère me voulait parfaite. Et à certains moments, je
me disais qu’elle aurait préféré un autre enfant que moi, à
cause de mes limites. Et que si le choix devait être effectué
par les mamans pour les enfants à mettre au monde, j’étais
convaincue qu’elle ne me prendrait aucunement avec elle.
Mis à part cela, Maman m’a aussi beaucoup gâtée. Mais pas
comme Papa. Avec Maman, il y avait trop de règles à suivre
et des travaux à effectuer. Elle avait commencé à travailler
avec moi dès mon plus jeune âge, pour m’initier au travail.
Chaque période des vacances, elle ressortait mes cahiers des
années précédentes pour m’obliger à étudier. A cette époque,
c’était un véritable calvaire. Elle ne demandait pas mon avis ;
elle disait : « travaille ! ». Et tu dois le faire immédiatement.
L’amour de l’école était précoce chez moi. Je n’ai jamais eu à
m’en plaindre. Et ma mère ne faisait que raviver cette flamme
qui brûlait en moi. En fait, elle me préparait de très bonne
façon. Et aujourd’hui, je la remercie du fond du cœur. Je
sais me défendre et me battre pour tout ce que j’entreprends.
J’ai également connu la lecture très tôt. Déjà avant que je ne
fréquente la bibliothèque de l’école, Papa nous rapportait
chaque mercredi et vendredi des revues qui variaient selon
notre âge, mon frère et moi. J’ai donc lu une grande partie de
Wapiti, Picsou Mag, Mickey. Et quand les numéros étaient
«spécial-filles», j’avais droit à un exemplaire; Manon, Julie,
Mimosa…
Après cela, je me jugeais assez grande pour débuter la lecture
des livres, j’avais alors neuf ans. Entre les heures de cours et
88
La croisée des Ados
à mes heures libres, j’ai lu une grande partie de la Bibliothèque
scolaire des Gazelles : toute la collection Alice (bibliothèque
verte) qui, en ce moment-là, était mon héroïne. Lisez plutôt :
j’adorais et j’adore encore.
La lecture était devenue un sérieux problème. Quand je lis,
je ne fais rien d’autre (et cela n’a pas changé malgré le temps
qui s’est écoulé). Je finissais par me cacher afin de lire. Il n’y
a que le sommeil qui m’arrêtait. Lire pour moi, c’est un moyen
d’évasion. Je laisse mon imagination m’emporter.
J’ai continué avec la bibliothèque verte jusqu’à ce que le
professeur Mukendi me dise qu’il était temps que je change
de rayon. C’est à partir de là que j’ai commencé avec les
romans. Je devais avoir dix ans. Il m’avait remis deux romans,
pour démarrer mon aventure : « Courage » de Danielle
Steele et « La fille au pagne vert ».
Si on me demandait de répondre à la question sur mon auteur
préféré, je crierai Danielle Steele. « Courage » est donc le
premier de ses romans que j’ai lus.
J’ai aussi participé, qu’est-ce que je dis ? Je rectifie, j’ai fait
partie d’une délégation qui a présenté l’émission « Excellence
enfant ». J’y étais très active. Les débats politiques étaient
ma préférence. Je n’ai jamais été pour la politique pratiquée
dans notre pays. C’est une politique qui, sur le plan
économique, empêche le pays d’aller de l’avant.
Mais hélas, dans un pays comme le nôtre, la politique est
considérée comme un sujet tabou. Pour en parler, il faut
baisser le ton sous peine d’être arrêté. Et malgré tout cela, le
pays s’appelle bien « République Démocratique ».
Je suis en train de lire l’autobiographie de Aayan Hirsl Magan.
Je trouve que son histoire a beaucoup de points communs
avec la mienne. Surtout là où elle évoque le traitement des
femmes à l’égard de la société.
Prix Heidi Kabangu 2015
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Dans la culture luba, les femmes ne sont pas traitées comme
il se doit. Les méthodes sont semblables à celles des
musulmans. La femme n’est en aucun cas considérée. C’est
toujours le mâle qui dirige tout. C’est à lui qu’il faut rendre
hommage et dont il faut chanter les louanges. A la femme, on
confie les tâches ménagères et l’éducation des enfants.
Pourtant, pour mettre au monde ces enfants, ils sont deux.
Mais pour s’occuper de leur éducation et de leur vie, c’est à
la mère qu’incombe le gros du travail, si pas tout le travail.
Mes parents sont deux avocats. J’ai des oncles et des tantes
avocats. Je vis donc dans un milieu de juristes, des personnes
qui connaissent bien le droit. Mon choix personnel vacille
entre le droit et le journalisme. Maman, elle, me verrait bien
dans le marketing. Mais une chose est sûre : dans mon futur,
je serai aussi célèbre par mes écrits. Mon rêve : arriver à la
hauteur de Danielle Steele.
La plupart des personnes que je fréquente me disent que
j’agis souvent sans douceur. J’ai passé une partie de ma petite
enfance avec des garçons. Sans oublier que j’ai un jeune frère.
Comment puis-je écrire et oublier mon petit monstre adoré ?
On s’adore mutuellement mais à notre manière. Les
chamailleries ne manquent pas. Me provoquer est un des
passe-temps favoris de Daniel, mon puiné.
Quand cela nous prend, on peut se mettre à chanter toutes
les chansons qui accompagnent les dessins animés qui
passent à la télévision.
Le rire est toujours près de nous. Nous partageons encore la
même chambre. Cela me gêne parce que l’âge que nous avons
tous deux, nous recherchons un peu d’intimité. Mais comme
nous ne pouvons faire autrement, nous la partageons. On
sait, quand l’un en a besoin, l’autre se retire momentanément.
Quand je suis malade, il veille sur moi et m’aide avec les
travaux. Le voir grandir me fait plaisir. Il s’épanouit et
commence à agir comme un vrai garçon.
90
La croisée des Ados
Son appétit s’est aiguisé et il mange beaucoup. C’est un
bonheur. J’en avais marre de préparer sans pour autant
qu’une personne ne mange de mes mets.
Lorsque Maman est partie de la maison, je devais avoir onze
ans. Il ne restait plus qu’un mois avant que je ne présente
mon TENAFEP (Test national de fin d’études primaires) et
que je totalise douze ans. Cela n’a pas été facile mais Dan
(c’est comme cela que j’abrège son prénom), Dan n’a pas
supporté et c’est pour lui que je ne me suis pas laissé abattre.
A cette époque, j’ai commencé à me poser un tas de questions.
Je ne dormais pas assez, je passais mon temps à travailler.
Je n’avais jamais été le genre de personnes qui tombent
souvent malade. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à
souffrir fréquemment, ma santé s’est quelque peu détériorée.
Je suis devenue fragile. Et je me suis mise à porter les
lunettes.
Evoquer d’ailleurs le mot lunettes devant mes parents
m’effraie. Les dernières, je les ai encore cassées. Mais cette
fois-ci encore, j’ai une bonne raison de me défendre, comme
toutes les fois d’ailleurs. Sans lunettes, j’ai facilement mal à
la tête. Mais bon, je l’ai bien voulu.
Depuis toute petite, j’ai appris que je ne devais compter sur
personne, si ce n’est sur moi-même. Maman me répétait
souvent : la vie ne fait de cadeaux à personne. Elle m’a donné
une éducation afin que je sois très vite indépendante.
Quand je vois la vie de ma mère, je comprends qu’il faut se
battre pour atteindre l’excellence, la bataille n’est pas facile
vu que beaucoup la font pour le même but : réussir, se faire
un nom, marquer l’histoire. Persévérer, avancer n’est pas
chose facile. La vie est tellement complexe que l’on ne peut
pas prévenir le lendemain. Et l’une des choses, les erreurs
que tu commets, tu ne pourras en aucun cas retourner en
arrière pour les effacer. Ce qui est fait est fait. Maman aime
Prix Heidi Kabangu 2015
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bien me dire : ne vis pas ta vie comme si c’était un brouillon ;
n’oublie pas que ton histoire, tu la fais au propre directement.
A des moments, je pense avoir raté de bons moments
d’enfance. Et je me console en disant que je me devais de le
faire pour affronter mon destin.
J’ai toujours aimé avoir des amis près de moi. Mais plus le
temps passe, plus je réalise qu’il est préférable d’être seule.
On ne connaît rien du cœur de l’homme. Mais ce que l’on
peut affirmer, c’est qu’il est mauvais. Les amitiés qu’on a
l’habitude de vanter sont celles qui nous poignardent dans le
dos.
Dans un des livres que j’ai lus intitulé : Lumière de femme,
on dit :
- Aime tes amis avec précaution parce qu’ils peuvent devenir
tes ennemis.
- Ne hais pas tes ennemis parce qu’ils peuvent devenir tes amis.
En lisant ceci, je me suis remise en question. Et aujourd’hui,
j’affirme que cela est vrai. Difficile de trouver un véritable
ami ; si ce n’est Jésus. Lorsque l’on se met à discuter religion,
les cœurs s’enflamment. Mais je suis chrétienne et je le crie
tout haut. Ta manière de prier ne m’intéresse pas. Et je ne
juge personne. Catholique, protestant ou membre d’une église
de réveil, on est tous pareils devant le Saint Père. J’espère
que je pourrai le voir et agir comme une vraie chrétienne.
Je prie à l’Eglise « Le Saint-Esprit » à Bandalungwa, avec le
Pasteur Elysée Bin Fota. La prière est quelque chose de sacré
pour moi. Je ne la prends pas comme une partie de plaisir.
J’ai certains principes auxquels je tiens absolument. Etre
vierge jusqu’au mariage par exemple. Je ne peux accepter de
donner mon être et ce que j’ai de plus précieux à une personne
qui ne serait peut-être pas le père de mes enfants. Il faut une
personne qui le mérite et pas une qui vient en profiter et
disparaît dans la nature.
92
La croisée des Ados
Le mariage ? Ça m’arrive d’y penser. Ses réalités ne sont pas
toujours heureuses. Je n’ai qu’à voir ce que Papa a fait à
Maman. Mais je crois que l’on peut tomber sur la bonne
personne et fonder une belle famille, vivre heureux. Trouver
le partenaire idéal est une quête difficile, mais l’on dit aussi :
« qui cherche, trouve ! ».
Mais le mariage ne fait pas partie de mes projets proches. Le
plus important, c’est de finir mes études secondaires,
commencer l’université et présenter le doctorat. Je compte
travailler. Je ne ferai pas les mêmes erreurs que Maman. J’ai
la vie devant moi et je compte bien en profiter. Chaque chose
en son temps ! c’est important.
La vie d’adolescente est une vie d’insouciance. On pense tout
savoir alors qu’on a tort sur toute la ligne. Se faire gronder
devient plus embêtant et honteux. Et on en veut toujours
aux aînés. Les gens disent souvent : « les conséquences
corrigent mieux que les conseils ». J’ai de la chance : Maman
est toujours là pour me guider. Elle m’appelle : ma copine à
moi. Elle me considère comme une grande fille. On passe du
temps à parler. On se promène toujours main dans la main
et vu qu’on se ressemble comme deux gouttes d’eau, on ne
se lasse pas l’une de l’autre. J’aime Maman. Elle représente
beaucoup pour moi. Les gens me reprochent de plus aimer
ma mère que mon père. Avec Maman, je suis à l’aise. Mais
avec Papa, je sens que ce qui nous reliait avant, s’est défait.
C’est regrettable. Mais je ne peux rien faire.
Ce n’est pas de notre faute si l’on est plus proche Maman et
moi. Maman est une femme extraordinaire. C’est un modèle
pour moi. Mais le point qui me fâche, c’est là où je vois qu’elle
réclame que je sois parfaite. La perfection est une chose dure.
A des moments, je veux juste être moi et échapper à toutes
les responsabilités. Mais je sais que je ne peux le faire. La
chose que je réclame de mes parents, c’est la confiance. Ils
me la donnent sans problème. Et je fais en sorte de ne jamais
la trahir. Papa et Maman ont difficile à me refuser quelque
Prix Heidi Kabangu 2015
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chose. Ils disent qu’ils sont fiers de moi. Et cela me suffit. Les
rendre également fiers de moi.
J’ai un petit problème. Quand j’ai une idée dans le crâne, il
m’est difficile de l’abandonner. Et quand j’ai un objectif, je
dois l’atteindre absolument. Je fais pareil en classe : même
si je réduis les doses. Je suis les conseils de mon médecin :
c’est triste, mais grâce à Dieu, je guérirai.
Je vais vous avouer un truc, j’ai eu du mal à écrire. J’avais
peur. Mais j’ai fini par le faire. J’espère que cela vous a plu
de me lire. Que vous ne vous êtes pas trop ennuyé. Je vous
ai ouvert la porte de ma vie sans me cacher. Maintenant,
vous savez à quelque dixième près qui est Celia Mulanga
Kalaala. Je n’ai pas évoqué tous les détails mais l’essentiel y
est. Vous décevoir serait pour moi un sacrilège à mes propres
yeux. Pour vous plaire, j’ai dû concentrer mon être.
L’histoire de ma vie ne serait jamais bien connue que de moi
seule. Je suis l’originale de mon autobiographie. J’ai une vie
qui m’attend et pleins d’autres aventures à écrire. Je n’écrirai
pas donc le mot fin parce que mon histoire ne fait que
commencer et elle continue. J’espère juste que je pourrai
partager avec vous la suite. Je ne vous dis donc pas au-revoir,
mais à très bientôt.
Big kiss à tous. A très bientôt !
MULANGA KALAALA Celia
4e Humanités Pédagogiques
2014 - 2015.
94
La croisée des Ados
08.
Un poème pour la vie
KATOMPA TSHITENGE
Joshua
4e Humanités Pédagogiques
2014 - 2015
Un poème pour la vie
Je suis à la quête de la vraie définition de la vie.
Mais chacun me l’a définie selon ce qu’il vit.
La vie sur terre.
N’est pas terre à terre
Car elle nécessite une prudence
Plus que celle des personnes qui clament
Le monde est vaste
Mais tous les hommes ne sont pas chastes
Le monde est plein de pièges
Voilà pourquoi toutes les femmes ne sont pas vierges
La terre est un satellite
Mais nous ne sommes pas tous des élites.
Garçon unique et aîné d’une famille chrétienne, j’ai quinze
ans d’âge. Tout au long de cette histoire, je vous donnerai ma
définition personnelle de la vie.
Né en 1999, le 2 juillet, j’étais un enfant, pas du tout turbulent.
Très timide en groupe ; on se serait demandé, si je savais
parler. Mais quelle était la raison pour laquelle cela
m’arrivait ? La première est que tous mes deux parents
m’initiaient à parler seulement français. Malheureusement
pour moi, mon entourage ne parlait que lingala. N’ayant
jamais appris à parler cette langue, je ne comprenais
absolument rien de ce qui se disait autour de moi. J’étais
comme devant des personnes qui parlaient le chinois. Voilà
pourquoi je donnais l’air d’être timide.
Ma grand-mère ainsi que mes parents l’ayant remarqué, s’en
sont inquiétés. Ma grand-mère la première, furieuse que mes
parents m’aient appris seulement le français, se décide de ne
me parler qu’en lingala. C’est de là que j’ai commencé, petit à
petit, à comprendre le lingala et à le parler mais avec beaucoup
de lacunes.
Prix Heidi Kabangu 2015
97
Je n’étais pas le seul dans le cas. Ma sœur Julia était dans la
même situation que moi. Laissez-moi vous dire à propos de
ma sœur que, lorsque nous étions encore petits, elle était
plus grande que moi. Actuellement, c’est encore le cas, mais
l’écart se fait moins remarquer.
Plus âgé qu’elle d’une année, dans notre tendre enfance, c’està-dire, entre deux et treize ans, ma sœur Julia était plus
élancée que moi. Cette situation ne me plaisait pas du tout.
Car elle était non seulement plus élancée, mais aussi plus
grasse que moi. Tous ces deux aspects pourraient faire croire
qu’elle était mon aînée. Alors, partout où j’allais avec elle, on
me traitait de petit frère et elle de grande sœur. Ce constat
m’énervait. Chaque fois, je faisais de mon mieux pour
expliquer et convaincre toutes les personnes qui ne nous
connaissaient pas que j’étais l’aîné et donc le grand-frère ;
mais en vain.
Je me rappelle même un jour, nous étions dans un taxi-bus :
mon père, ma sœur et moi. Malheureusement, il ne restait
plus que deux places assises alors que nous étions trois.
Nous étions obligés d’occuper ces deux places. Par
conséquent, une personne devait porter l’autre. Papa s’était
assis correctement. Après lui, j’ai immédiatement suivi, en
tant que grand-frère et je me suis assis pour porter ma sœur.
Les autres passagers à bord étaient étonnés que moi,
apparemment plus jeune, je porte ma sœur ; car ils estimaient
que j’étais le petit frère de celle que je portais. Alors l’un
d’entre eux, prenant son courage à deux mains m’interpelle
en disant : « mais, toi petit, lève-toi pour que ta grande-sœur te
porte ! ».
J’ai piqué une grande colère et lui ai répondu presque en
hurlant : « c’est moi le grand-frère ! ». Et tout le bus s’est mis
à rire. Enervé, j’ai essayé de me justifier mais personne ne
m’a pris au sérieux, personne n’a cru en ce que je disais.
Pour tout le monde, l’évidence sautait à l’œil. Heureusement
98
La croisée des Ados
pour moi que Papa était là. Il leur a tout expliqué pour les
convaincre.
On me disait que c’était parce que je ne mangeais pas assez.
Mais, j’ai essayé de beaucoup manger, sans résultat palpable.
Finalement, je me suis dit : « Ha, c’est sûrement Dieu qui a
voulu que je sois petit de taille ! ».
Tournons cette page, je voudrais revenir à l’essentiel, mes
études. Très jeune encore, je ne cessais de m’entendre dire
que si je créais une relation sérieuse avec les études, je
deviendrai une grande personne, utile à la société. Suite à
cela, mes parents ont décidé de m’inscrire dans une école
afin que j’entame mes études.
C’est en 2005, lors de mon premier jour de classe que ma
relation avec les études a commencé. Comme dans toute
relation, ce n’était pas facile au début. C’était plutôt timide
et fragile.
A cause de cette relation avec les études, j’étais dans
l’obligation de changer de milieu, d’adopter un comportement
autre que celui que j’avais à la maison, de respecter certains
principes et d’être encadré par une personne inconnue qui
semblait tout connaître : le maître.
Cette métamorphose avait bouleversé ma vie. Raison pour
laquelle il m’était difficile d’approfondir ma relation avec les
études. Avec le temps, j’ai fini par améliorer cette relation. Je
me suis habitué aux études et m’y suis attaché. Par
conséquent, je réalisais un bon pourcentage et j’apprenais
beaucoup de choses comme le dessin en particulier.
Ma relation avec les études devenait encore plus passionnante
juste à l’instant où, par elle, j’ai créé d’autres relations avec
des enfants de mon âge. C’était vraiment extraordinaire.
Cette relation s’était presque détruite à l’âge de huit ans, en
troisième année primaire, suite à la baisse de mes résultats.
Prix Heidi Kabangu 2015
99
Cela m’a interpelé, c’est ainsi que dès ce jour-là, j’avais repris
conscience. Je ne savais pas encore ce que j’allais devenir.
Je me suis mis à étudier sérieusement, espérant devenir une
personne utile à la société.
En quatrième primaire, j’ai vécu deux événements qui me
sont restés mémorables. L’un est positif et l’autre négatif. Je
commence par l’événement positif. Un bon jour, assis en
famille, mon père a reçu un coup de fil de la part de mon
oncle Michel. Celui-ci informe mon père qu’il y avait une
publicité que Vodacom organise et qu’ils avaient besoin de
moi pour rouler à vélo.
Mon père était d’accord, mais nous devrions d’abord passer
le casting. Heureusement, j’ai été retenu après le casting.
C’était pour moi une expérience particulière.
J’ai passé trois jours sans venir à l’école. Nous nous étions
réunis à la Gombe. J’étais au milieu de personnes que je ne
connaissais pas. Je me sentais gêné. Je me rappelle encore
l’instant où nous étions en train de prendre le petit déjeuner.
Pour la toute première fois, j’ai utilisé les cubes de sucre.
Après cela, nous avons débuté les séances de répétition.
C’était bien, sauf que je me voyais un simple figurant, sans
rôle précis. Car le jour avant le casting, nous étions invités,
mon père et moi, à un petit entretien. Mais mon père, épuisé,
a décliné l’invitation en disant qu’il lui était impossible de se
présenter. Par conséquent, j’ai raté de jouer mon rôle de rouler
à vélo.
Je n’étais qu’un figurant et cela ne me plaisait pas. Mais du
moins, à la fin, j’étais satisfait car, à ma grande surprise, on
m’avait remis 100 $ de récompense. Réflexion faite, je me
suis dit que j’aurais pu avoir plus mais à quoi bon regretter.
Le lendemain, je suis allé à l’école. A la première heure, Mme
Masengu, chargée de percevoir les frais scolaires, est venue
dans la classe munie d’une liste des élèves qui avaient des
100
La croisée des Ados
dettes. Mon nom y figurait. Je ne sais ce qui m’a pris, j’ai
décidé de payer ma dette avec mon propre argent. Donc, en
quelque sorte, les 100 $ reçus de Vodacom ont été utilisés
pour payer les frais scolaires. Et dire que je comptais acheter
un vélo en souvenir de ce concours raté !
Après cet événement heureux, vient un autre, triste. Un jour
après les cours, ma mère est venue nous chercher à l’école.
Je ne me sentais pas bien. En ce temps, nous habitions encore
à Kingabwa.
Arrivés au niveau de Yolo-Médical, après la station d’essence,
nous avons été renversés par un bus communément appelé
« 207 », mes sœurs, ma mère et moi. Heureusement pour
moi, cet accident n’était pas grave. Nous avons été transportés
à l’hôpital Yolo-Médical. Quelques instants après, mon grandpère médecin est venu nous prendre pour nous emmener
dans son hôpital. J’étais blessé à la tête, ma mère avait un
choc au front, ma jeune sœur Julia avait une bosse à la tête
et ma sœur Kethia était blessée au niveau des sourcils.
Chose étonnante, ce jour-là, nous avons dormi à l’hôpital.
Nous étions stupéfaits de ce qui venait de nous arriver ; mais
le lendemain, nous n’étions pas allés à l’école. Alors que je
me reposais sur mon lit, un rythme d’une chanson m’est
passé à la tête. Je me suis attelé à y joindre des paroles que
voici :
« Sans toi, je ne peux vivre
Sans toi, je n’ai plus rien
Tu m’épargnes de mauvaises choses
Même si j’ai péché
Tu m’épargnes des accidents
Même si j’ai péché
Et alors tu me prouves vraiment
Ton amour Seigneur
Tu me prouves vraiment ton amour. ».
Prix Heidi Kabangu 2015
101
C’était là ma première composition. Quelques jours plus tard,
nous avons repris les cours. J’étais un élève moyen, mais je
m’efforçais de me surpasser.
Arrivé en première année secondaire, j’ai donné le meilleur
de moi-même. Et comme par miracle, j’ai occupé la première
place. C’était fantastique, comme un rêve qui devient réalité.
Durant cette même période, un groupe de personnes est
venues solliciter la participation des élèves des Gazelles à
des émissions intitulées « Excellence enfant ». J’étais parmi
les sélectionnés et j’ai participé à ces émissions.
Comment se passaient ces dernières ? A chaque participant,
on donnait un sujet à développer lors de l’émission. On
choisissait la personne qui présenterait l’émission et celle
qui exposerait le sujet du jour.
Un jour, lors de l’audition, on m’a remis le sujet à développer :
l’autosuffisance alimentaire. Je ne comprenais rien de ce
sujet. Mais avec l’aide de certaines personnes, j’ai fini par le
pénétrer. Permettez-moi donc de vous parler de
l’autosuffisance alimentaire en R.D.C. Je souhaite expliquer
tous les mots-clés de mon sujet pour une bonne
compréhension.
Autosuffisance : un pays qui produit assez pour sa population
et qui n’a pas besoin d’importer.
Alimentaire : propre à servir d’aliment.
Le gouvernement congolais ne fait pas de l’autosuffisance
alimentaire sa priorité puisque son économie est extravertie.
Il dépense plus de quatre-vingts pourcents pour l’importation
des aliments à la place d’investir beaucoup d’argent à la
modernisation de l’agriculture, la pisciculture, l’élevage et la
pêche, afin de les rendre industriels et modernes, en vue
d’alimenter la population avec la production locale.
102
La croisée des Ados
Par exemple : le lac Albert est le plus poissonneux de la
République Démocratique du Congo, les poissons y meurent
de vieillesse; tout cela parce que la pêcherie est toujours
artisanale.
A mon avis, il serait mieux d’acheter des bateaux de pêche
pour la pêcherie au Congo. Cela nous permettra de nous
auto-suffire pour ne pas importer de la nourriture comme le
poisson et d’épargner des devises qui sont dépensées pour
l’importation des denrées alimentaires ;
Mais le gouvernement se contente de gaspiller de l’argent
pour importer des produits alimentaires qu’on peut produire
sur place. C’est vrai que l’autosuffisance est un niveau très
difficile à atteindre ; mais avec toute cette richesse dans mon
pays, nous pouvons quand même nous auto-suffire pour
certains aliments.
Ainsi, j’aime attirer l’attention sur les produits qui sont utilisés
pour la conservation de ces aliments. Le formol par exemple
est utilisé pour la conservation des cadavres humains et
autres. A force de le consommer régulièrement au travers
des vivres frais, nous ne savons pas à la longue quels dégâts
ceci peut causer dans notre organisme. Les conséquences
sont les suivants : cancer de peau, de sang, myome, cirrhose
de foie et tant d’autres maladies.
La République Démocratique du Congo est remplie de terres
fertiles et arables, mais qui hélas, ne sont pas exploitées.
Pourtant, nous pouvons cultiver des plantes de toutes sortes,
faire de grands champs modernes pour alimenter des villes
même étrangères.
A l’époque, la République Démocratique du Congo comptait
parmi les premiers pays exportateurs d’huile de palme et
beaucoup d’autres produits agricoles. Mais actuellement, le
pays importe même de l’huile de palme. C’est grave !
Prix Heidi Kabangu 2015
103
En guise de conclusion, importer de la nourriture fait courir
de graves risques aux pays importateurs comme la République
Démocratique du Congo, en cas de conflit par exemple. Etre
autosuffisant pour son alimentation doit être un credo de
chaque pays pour le rendre autonome sur le plan de la
nutrition.
Une des solutions pour notre pays est la suivante. La
République Démocratique du Congo est capable de s’autosuffire à au moins soixante-dix pourcents, si le gouvernement
modernisait l’agriculture, la pisciculture, l’élevage et la pêche.
Cette industrialisation permettrait également d’exporter le
surplus et construire des routes de desserte agricole qui
faciliteront l’évacuation et la distribution rapides des aliments
dans toute l’étendue du territoire national. Ceci permettrait
d’économiser de l’argent destiné aux importations.
Le jour où j’ai présenté cet article, tous étaient fiers de moi.
Les autres membres de l’équipe s’étonnaient qu’un enfant
comme moi tienne un tel raisonnement. J’étais devenu une
sorte de vedette. On me respectait pour mon savoir.
Je me rappelle encore un autre fait. En deuxième année
secondaire, le professeur Mpani est entré en classe à l’heure
de son cours de français. Il nous a posé cette question : « qui
veut faire partie du club de lecture ? » C’est toute la classe
qui est restée tranquille sans lever le doigt. Après un bref
moment, l’élève Mulanga Celia a levé le doigt, suivie de
Katamba. Puis, c’était mon tour de lever le doigt et d’autres
élèves ont imité mon exemple.
Finalement le Professeur Mpani n’avait besoin que de dix
élèves pour constituer son club, avec dix autres de première
secondaire. Il nous a réunis pour nous expliquer en quoi
consistait la mise en œuvre de ce club. Voici la liste des
membres : Katamba Grâce, Kamuleta, Bodi, Maleka,
Kalaseke, Nginadio, Mulanga, Mabidi, Ilunga, Kiangani,
Katamba Dorcas, Bosale, Lusanga, Banyama, Nganga,
Malosa, Iliko, Bobunda, Mudosa et Siku.
104
La croisée des Ados
Le Professeur Mpani nous a remis les livres qu’il fallait lire
en totalité. La lecture n’est pas mon fort, mais je me suis
efforcé de pouvoir parcourir toute la sélection. Je le faisais
très lentement par rapport aux autres.
Après les examens et les vacances de Noël, il nous informe
que nous devons concourir avec une autre école un certain
mercredi. J’ai eu peur car je savais que je ne m’étais pas bien
préparé. La veille de ce jour, mardi, je cherche à lire
rapidement quelques pages des livres non lus. A ce momentlà, le professeur Mpani vient nous informer que l’école adverse
a désisté et on a déclaré forfait en notre faveur. Je suis content
car je me disais que l’on pouvait perdre. Je profite alors de ce
temps pour lire encore plus.
Le mercredi de la semaine suivante, on nous annonce une
autre école avec laquelle nous allons concourir. Là, c’est notre
tour d’aller à leur encontre. Nous nous sommes déplacés,
accompagnés du professeur Nkosekela, titulaire de la classe
de deuxième secondaire. Il s’agissait du « Complexe Scolaire
Cardinal Malula ».
Arrivés là, on nous installe et l’on attend l’arbitre. Celui-ci
arrive mais à nouveau, l’école qui devrait nous accueillir
déclare forfait. Une fois de plus, nous sommes contents de
remporter sans avoir combattu. Mon cœur se demande si
l’on n’aurait pas perdu en les affrontant !
De retour à l’école, le professeur Mpani nous annonce la venue
d’une autre école sur notre territoire, le prochain mercredi.
A ma grande surprise, il me nomme chef du club avec comme
assistante Katamba Dorcas, de ma classe. Après avoir
concouru, nous réalisons un score égal, suite à un mauvais
arbitrage.
Le prochain match, nous nous déplaçons vers l’école
« Kuntwala » avec laquelle nous réalisons un score de seize à
trente-deux, en notre faveur. Nous passons à la demi-finale.
Nous devons croiser le fer avec « Maendeleo », une école
Prix Heidi Kabangu 2015
105
réputée très forte et de très bon niveau. Le score est serré. La
dernière chance de victoire repose entre mes mains : soit je
fais gagner mon équipe, soit je la fais perdre. Je siffle
expressément dans la précipitation pour faire gagner mon
équipe, selon le règlement du concours.
Nous sommes qualifiés pour la finale qui a lieu à la Halle de
la Gombe. Nous nous retrouvons là avec l’école qui avait
réalisé un match nul contre nous, lors des éliminatoires de
la compétition. Sans problème, nous les battons et remportons
en guise de victoire un dictionnaire et trois livres chacun,
dont deux bandes dessinées.
Tout cela ne serait guère arrivé sans l’aide du professeur
Mpani. Mais aussi, je réalisais que je n’avais pas été un
mauvais chef d’équipe. Mais après ces expériences, j’ai encore
une expérience particulière à l’église. Malgré mon jeune âge,
le pasteur de mon église m’avait donné l’opportunité de
prêcher lors d’une grande assemblée. Tout s’était très bien
passé.
Merci pour votre attention.
KATOMPA TSHITENGE Joshua
4e Humanités Pédagogiques
2014 - 2015.
106
La croisée des Ados
09.
Callystia
KIANGANI NDONGA
Callystia
4e Humanités Pédagogiques
2014 - 2015
Callystia
Tous les jours de mon existence ont été particuliers. Je ne
vais pas vous raconter combien de fois j’ai pleuré parce que
je regrettais. Ni combien de fois je suis tombée en essayant
de rouler à vélo. Mais je vais vous raconter qui j’étais, qui je
suis et qui j’espère devenir. Je vous montrerai aussi mes
origines et mes particularités. Précisément ce qui me
différencie des autres personnes. Je suis Callystia Kiangani
Ndonga et je vous invite à me connaître et à me comprendre.
Callystia, un prénom hors du commun. C’est une œuvre de
ma tante paternelle et de ma mère. Dans le calendrier ou
agenda catholique, les dates ont chacune une fête de saint.
Et le 14 octobre, c’est le jour où nous commémorons le Saint
Calliste. Il fut un pape au Moyen-Age. Son nom provient du
mot grec « kallistos » qui signifie le plus beau. Ma tante a
proposé le nom à ma mère. Et celle-ci a voulu le féminiser en
Callistia parce que je suis une fille. Et pour question de style,
elle modifié le « i » en « y » pour faire Callystia.
Ce n’est pas tout. Après est venu un pasteur que maman
avait connu qui m’a encore nommée Sephora. Cela
jusqu’aujourd’hui crée de la confusion à certaines personnes.
Mais Maman a dit qu’après mon diplôme, dans certains de
mes documents, en particulier, les documents à venir, nous
mixerons les deux prénoms pour n’en faire qu’un.
Kiangani vient de la langue de mes parents, le kikongo. C’est
une des langues nationales en République Démocratique du
Congo. « Kia » signifiant un bien, une chose, une richesse …
n’importe quoi en fait. Et « Ngani » signifie autrui. Donc,
lorsqu’on les mixte en « Kiangani », cela signifie « appartenant
à autrui ».
Prix Heidi Kabangu 2015
109
Le bon Dieu m’a donné une très belle famille. J’ai une mère
qui nous aime beaucoup parce nous sommes les plus beaux
êtres qu’elle n’ait jamais obtenus. Il s’agit de ma grande sœur
Rogmar et de mon frère Christian, ainsi que de moi Callystia.
Nous ne vivons plus avec notre père car il a divorcé d’avec
notre mère quand j’avais à peine cinq ans.
Ma mère s’appelle Fwansoni Malokele Marie-Georgine et mon
père Roger Kadiamosiko. Je ne suis pas la seule qui connaît
des problèmes avec les noms. Ma grande-sœur et mon grandfrère en ont aussi. Quelle famille bizarre !!!
Mon grand-père maternel est un portugais d’origine mais
résidant en Angola. Il est métis et est le seul de sa famille qui
a épousé une Noire. Il s’appelle Montiro Kiangani Garcia. Je
pense que c’est cela. Et ma grand-mère maternelle s’appelle
Kindu Gracia. De leur union sont nés mon oncle et ma mère.
Mon grand-père avait préféré rester en Angola. C’est pourquoi,
pendant les vacances, je vais souvent en Angola.
L’Angola, le Brésil africain. La première fois que je suis allée
en Angola, j’avais quatre ans. J’étais allée parce que maman
ne voulait pas que je puisse l’oublier dès qu’elle sera de retour
comme ce fut le cas une année avant. Ce dont je me souviens
durant le vol, c’est que le bracelet métallique que mon frère
m’avait offert m’avait blessée dans l’avion. Parce que je
n’arrêtais pas de le plier.
Et je me rappelle aussi que mon grand-père avait des
plantations de tomates dans la parcelle. Pendant cette période,
je n’étudiais pas encore aux Gazelles. J’étudiais à Bongwana
de Bandalungwa Moelart. Et je me souviens de notre
maîtresse, Mme Rose qui nous avait appris une chanson
concernant la tomate. J’espère que j’ai bien noté la partition :
110
La croisée des Ados
Mon frère et ma sœur étaient restés à Kinshasa. On devait
prendre le vol à dix-huit heures, le vingt-quatre décembre.
Mais lorsque nous sommes arrivées à l’aéroport, ma mère et
moi, on m’avait arrêtée parce qu’on n’avait pas une déclaration
écrite de mon père. Ils ont insinué que ma mère m’avait volée.
Et ils ont refusé de nous laisser partir. Ma mère leur a proposé
deux cents dollars d’amende, mais ils ont refusé. Et nous
avons raté le vol. Maman avait trouvé un de ses amis qui
nous avait aidées à rentrer à Kinshasa.
La deuxième fois, c’était durant les vacances de fin d’année
scolaire passée 2013 – 2014. Mes vacances ? Plutôt bien
passées. Au début, c’était un peu ennuyeux, mais vers la fin,
elles étaient devenues intéressantes.
Le premier jour de ma première communion, j’ai fait une fête
à laquelle la plupart de mes invités ne sont pas venus. Juste
deux amis étaient là. Mais ma fête s’était bien passée, très
bien déroulée même. Les autres jours de mes vacances se
sont aussi bien passés. Il y a eu des moments de tristesse et
de joie, mais plus de joie que de tristesse. La plupart du temps,
Prix Heidi Kabangu 2015
111
j’étais à la maison en train de regarder la télévision ou d’écrire
de la musique.
Parfois, j’allais rendre visite à mes amis et à certains membres
de ma famille. Le mois de juillet s’était bien passé. Mais le
mois d’août avait très mal commencé. Déjà le premier août,
on m’avait appris une mauvaise nouvelle, celle de la mort
d’une amie avec qui j’ai étudié depuis la maternelle. Lorsque
Célia m’a mise au courant, j’avais beaucoup pleuré jusqu’à
avoir mal à la tête. Parfois, les larmes sortaient de mes yeux,
juste en pensant aux moments passés ensemble. Le jour de
la sortie du corps, je n’étais pas là. Par contre, le jour de
l’enterrement, j’étais présente.
Le deuxième jour du deuil, j’étais là, on m’avait dit des choses
réelles qu’il fallait accepter telles qu’elles se présentaient.
Après cela, ma mère avait voulu que l’on voyage pendant les
deux semaines restantes des vacances. J’ai accepté parce
que j’avais envie de me dégourdir les jambes et cela faisait
longtemps que j’avais vu mon grand-père.
Lorsque nous sommes arrivées en Angola, ma mère et moi,
j’ai vu mes cousines mais elles ne parlent que portugais. Elles
balbutient quelque peu en lingala. Pendant ces vacances, j’ai
appris beaucoup de choses : un peu de leur pays et du
Royaume Kongo.
Entre autres, cet arbre mystérieux dont il est interdit de
toucher les feuilles ou les branches si elles ne sont pas
tombées d’elles-mêmes. On raconte que dans le temps du
Royaume Kongo, lorsqu’on voit une de ses parties tomber,
automatiquement un malheur va s’abattre sur le village : un
chef doit mourir. Et il est strictement interdit de couper une
branche de l’arbre parce que l’arbre ne vivrait pas de sève
mais du sang humain.
La ville de Mbanza-Kongo est très mystérieuse. Il y a encore
Kulumbimbi, une maison construite de soi, selon les
112
La croisée des Ados
autochtones. Près de la maison sont enterrés les rois et les
reines du Royaume Kongo.
Ma vie a ses particularités. J’ai une mère qui m’aime comme
personne au monde. Une sœur qui me dorlote malgré la
distance qui nous sépare. Parce qu’elle vit à Montréal. Elle
est partie quand j’avais douze ans et maintenant, j’en ai
quinze. J’ai un frère qui m’encourage à poursuivre mes rêves.
C’est une merveilleuse famille.
J’aime la musique. C’est la plus belle chose qui me rend
heureuse lorsque je me sens seule. Elle m’aide à comprendre
qui est Callystia. La première fois que j’ai composé une
chanson qui m’a dévoilée qui je suis, « Recto-verso », je n’avais
que douze ans. C’est là que j’ai compris que j’étais en rancune
avec moi-même. Je pouvais dire que rien ne ressemblait à la
chanson que j’avais écrite. J’ai exprimé ce que j’avais dans le
cœur d’une autre manière.
Je sentais comme s’il y avait deux personnes en moi. Je
n’arrivais pas à l’avouer à une personne en entièreté. J’en ai
parlé à ma sœur, à ma mère et à mon amie Celia, comme si
c’était une blague. Pourtant, c’était vrai. Mais Maman m’a
aidée à être la fille qu’il fallait que je sois. Et c’est bien vrai.
Lorsque j’ai commencé à composer, je n’avais pas assez de
connaissances. Mon frère m’a aidée à connaître les vers, les
rimes et autres. Comme tout le monde reconnaissait que
j’aimais chanter, pour mon treizième anniversaire de
naissance, on m’a offert une guitare et Maman m’a trouvé un
professeur pour me l’apprendre. Ce jour-là, j’étais aux anges.
J’étais très heureuse. Deux mois après, le professeur a
commencé à venir à la maison.
A l’école, je n’étais jamais aussi douée. J’ai commencé à faire
au maximum soixante-dix pourcents parce que je me sentais
aimée. Parce que je sentais que j’avais de l’importance aux
yeux de certaines personnes, notamment mes professeurs.
Prix Heidi Kabangu 2015
113
Pleurer, cela fait mal et le pire, c’est pleurer sans savoir pourquoi
on pleure. Entre autres, la peur, la tristesse, … et tout à la
fois. A cet instant, on a l’impression que l’on ne sert à rien, ni
à personne.
Déjà petite, j’avais de la trouille, j’avais peur d’attirer de
l’attention sur moi dans des lieux publics. Je me rappelle,
lorsque j’étais en maternelle, j’avais eu peur de lever le doigt
et de dire à Madame Ntumba que mon frère était juste en
face de moi. Vous connaissez la tradition aux Gazelles. Avant
de passer pour aller au grand bâtiment, les élèves de la
maternelle – cinq ans font le tour des classes supérieures.
C’est durant cette journée pour ma promotion que c’était
arrivé.
Que dire de mon pays de naissance ? La République
Démocratique du Congo est un pays de l’Afrique centrale.
C’est le deuxième pays de l’Afrique par sa grandeur qui est
de deux millions trois cent quarante-cinq mille quatre centdix kilomètres carrés, qu’on arrondit à deux millions trois
cent quarante-cinq mille kilomètres carrés, ce qui, en réalité,
n’est pas admis.
La République Démocratique du Congo est un vaste pays qui
a d’innombrables animaux. Nous avons même des espèces
particulières d’animaux, ce qui veut dire, des animaux que
l’on ne rencontre qu’en R.D. Congo. Il s’agit du rhinocéros
blanc, du bonobo et de l’okapi.
A l’Est du pays, nous avons des chutes et des montagnes, de
très beaux paysages. Ces paysages sont composés d’animaux,
d’arbres, de lacs, … Avec tout cela, le pays peut développer
l’industrie touristique et s’enrichir sur cette base.
Malheureusement, notre pays n’encaisse pas grand-chose en
provenance du tourisme. Si nous ouvrions nos portes aux
touristes pour leur montrer nos découvertes archéologiques,
cela serait parfait. Nous pourrons devenir comme l’Egypte
avec ses pyramides et autres. Nous, nous n’avons pas de
114
La croisée des Ados
pyramides, mais nous pouvons exposer le baobab de Stanley,
là où il a gravé son nom ; le bloc que chacun des anciens
combattants avait ramené après la deuxième Guerre
Mondiale. Tous ces blocs se trouvent à Faradje au Maniema.
Beaucoup d’autres lieux peuvent également être visités.
Au Katanga, on dit qu’il existe beaucoup de minerais. C’est
vrai puisqu’on sait le voir à la télévision. On trouve des métaux
rares comme le coltan et l’or dans la Province Orientale et
ailleurs.
Tout ce que je viens de citer n’existe qu’à l’Est, hormis le
baobab de Stanley. A l’Ouest, nous avons un panorama tout
aussi admirable. L’embouchure et le barrage d’Inga, l’île de
Mangrove, etc.
Mon pays est très riche mais ces richesses sont très mal
exploitées. Elles sont même à la base du manque de paix.
Qu’en est-il de la paix ?
Depuis ma naissance, j’ai toujours entendu parler de la guerre
à l’Est. Cette guerre n’a jamais pris fin. Parfois, les
informations nous rapportent que tel commandant de l’armée
nationale a aidé le pays en chassant les rebelles depuis la
frontière. Mais après quelques jours, nous apprenons de
nouveau qu’il y a eu des coups de feu et des morts à l’Est.
Quel pays ?
Je ne soutiens pas que le Président Mobutu était bon. Mais
je pense qu’il a aussi aidé le pays à se moderniser un tout
petit peu. Selon les informations nous transmises, il était
ami du Président Kadhafi. Lorsque ce dernier a introduit le
téléphone et la télévision en Afrique, Mobutu en a profité
pour notre pays. Il a construit un grand stade et un pont, qui
porte son dernier grade dans l’armée, et permet facilement
d’aller de Matadi à Moanda.
Malheureusement, vers la fin de son règne, la population ne
voulait plus de lui parce qu’il se croyait le président parfait.
Prix Heidi Kabangu 2015
115
Il avait supprimé le cours de civisme et de religion. Ces cours
sont pourtant nécessaires pour le développement du sens
civique dans une république. La conséquence actuelle : nous
avons dans nos quartiers des jeunes qui ne connaissent pas
leurs droits ni les droits de l’homme, en général.
Aujourd’hui, j’habite à Yolo Sud, et c’est très calme depuis
que le gouvernement a réprimé la majorité des jeunes qui
avaient créé le phénomène « kuluna ». Les quartiers de
Kalamu comptaient beaucoup de « kuluna ». Dès qu’il était
vingt heures, si tu croises un groupe de ces bandits, mieux
vaut pour toi entonner ta prière pour qu’ils ne te tuent pas.
Ils étaient sans cœur et tuaient en cascade et sans remord.
Le gouvernement en avait assez des plaintes de la population
et il avait décidé d’éliminer ces jeunes. Personne ne savait
que le gouvernement avait pris une telle décision, à l’exception
des soldats qui l’exécutaient. Je me rappelle qu’un ami de
maman qui est militaire lui avait communiqué que dans un
mois, soit un mois avant les fêtes de fin d’année, tous ces
jeunes dits « kuluna » allaient disparaître. Maman se
demandait bien comment.
Un jour, je revenais de l’école, j’ai vu une dame pleurer sur le
pont Mompono parce que la police était partie avec son fils.
Durant la journée, la police ramassait seulement ces jeunes,
mais durant la nuit, elle tuait ces délinquants à domicile.
C’est à cette époque que beaucoup de ces bandits avaient fui
à Bazzaville et dans d’autres provinces du pays. Lorsqu’on
les capturait la journée, il semble qu’on les exécutait la nuit
en plein air et on jetait les cadavres dans le fleuve.
La République Démocratique du Congo, un pays rempli de
richesses, un pays qui a tant souffert… C’est même le pays
qui paraît être à l’origine d’un virus mortel, celui du Sida et
Ebola. Mais il restera le pays de ces Congolais qui ont appris
à parler devant les gens après tant d’années. Il restera aussi
le pays de cette fille Kiangani. Son pays natal, le pays qui lui
116
La croisée des Ados
a donné la force d’affronter un public. L’intuition d’avoir
confiance en elle-même, s’il semble être tard, même si le
désespoir semble aussi figurer devant toi. Sois toi-même et
aie confiance. Vous savez pourquoi l’on commet des fautes.
C’est pour être sûr de soi qu’on a réussi après avoir trouvé la
bonne réponse.
Je vous confie quelque chose qui m’est cher :
a) les cinq secrets qui m’aident à m’endormir en paix :
1. Lire la Bible
2. Lire la biographie de Miley Cyrus
3. Chanter
4. Savoir qu’on s’aime beaucoup, ma famille et moi
5. Lire les beaux messages que ma sœur m’écrit.
b) les cinq projets que j’aimerais réaliser avant mes seize ans
:
1.
2.
3.
4.
5.
Réaliser mon rêve
Rejoindre ma sœur et vivre tous en famille
Avoir un animal de compagnie
Devenir une Professionnelle en guitare et en chant
Améliorer mes connaissances en Anglais
c) les cinq obstacles qui m’empêchent de dormir en paix :
1.
2.
3.
4.
5.
Ecrire une chanson
Jouer de la guitare
Penser à mon passé
Imaginer comment je vais réaliser mon projet
Chanter avec des dièses.
KIANGANI NDONGA Callystia
4e Humanités Pédagogiques
2014 - 2015.
Prix Heidi Kabangu 2015
117
10.
En route vers Luozi
M A K E M B O
MATONDO MFUMU
Ruth
2e Secondaire
2014 - 2015
En route vers Luozi
Bonjour. Je m’appelle Makembo Matondo Mfumu Ruth et j’ai
treize ans. Je suis née un certain mardi vingt-deux mai deux
mille un, à douze heures. J’ai deux amis qui sont aussi nés
le vingt-deux mai, mais d’une année différente. C’est Louison
et Gradi, ils sont dans ma classe.
J’étudie au Centre d’Enseignement Mboloko « Les Gazelles ».
c’est une école de six bâtiments et dix-neuf salles de classes
dont trois classes de maternelle, six de primaire, deux de
secondaire, quatre des Humanités Pédagogiques et quatre
de Technique Coupe et Couture.
Notre école « Les Gazelles » est située à Kinshasa dans la
commune aussi serrée et peuplée qu’est Kalamu, au numéro
vingt-quatre bis de la rue Kimpese dans le quartier Yolo-Nord.
« Les Gazelles » est une mignonne petite école. Elle a une
cour et beaucoup d’arbres. Elle possède également un jardin,
mais ce que j’aime le plus est sa bibliothèque. L’école a aussi
un musée. Actuellement, notre école a atteint l’âge de trentehuit ans ; mais permettez-moi de vous brosser succinctement
sa genèse.
Nous sommes en dix-neuf cent soixante-seize, année où elle
est créée par le couple Gilbert et Heidi Kabangu-Stahel. Elle
commence dans la véranda de leur domicile familial. Ne
fonctionnent que la première et la deuxième année primaire
d’abord.
En juin de cette année scolaire, dix-neuf cent soixante-sept,
les quinze enfants viennent de terminer leur première année.
Leurs parents sont contents du travail et veulent qu’on ouvre
la deuxième et la troisième année primaire.
Prix Heidi Kabangu 2015
121
Un enseignant est engagé et dans la même optique, la troisième,
la quatrième, la cinquième et la sixième se sont ajoutées.
En dix-neuf cent quatre-vingt-deux, « Les Gazelles » a ses
premiers certificats d’école primaire. N’oublions pas que l’école
quitte Limete pour Yolo en dix-neuf cent quatre-vingts. La
première année secondaire est ouverte en dix-neuf cent
quatre-vingt-deux. La deuxième année secondaire en dix-neuf
cent quatre-vingt-quatre. En dix-neuf cent quatre-vingt-sept,
l’école maternelle est ouverte. En dix-neuf cent quatre-vingtdix, l’école a ses premiers diplômes d’Etat des humanités
pédagogiques.
Pour revenir à moi, je suis troisième d’une famille de cinq
enfants dont un garçon et quatre filles. Mon père s’appelle
Makembo Mfumu Ansi. Il est professeur de dessin, esthétique
et psychopédagogie au Centre d’Enseignement Mboloko « Les
Gazelles ». Ma mère s’appelle Bazolele Mansiantima Claire.
Elle est aussi enseignante mais de maternelle, au Complexe
Scolaire la Brèche. J’aime beaucoup mes parents ainsi que
mes frère et sœurs.
L’aînée de la famille s’appelle Jenny Bavuidi. Elle étudie à
l’Université Simon Kimbangu dans la commune de Kalamu,
sur l’avenue Bongolo, au quartier Kauka. Elle est en premier
graduat en Médecine. Le second s’appelle Elie Makembo. Il
est élève aux Gazelles en cinquième des humanités
pédagogiques. La troisième, c’est moi-même. J’étudie aux
Gazelles en deuxième secondaire. Notre titulaire s’appelle
Jean-Willy N’Kosekela Ntenday. Les deux dernières sont Joëlle
et Daniela. Elles étudient aussi aux Gazelles, respectivement
en deuxième et première primaire.
Je vis à Kinshasa, capitale de la République Démocratique
du Congo, dans la Commune de Kalamu, au quartier YoloNord, sur l’avenue Mayidi, numéro dix-neuf.
Nous sommes originaires de la province du Bas-Congo, district
122
La croisée des Ados
des Cataractes, territoire de Luozi, village de Mbanza-Mwembe.
Nous sommes des Bakongo. Je dois beaucoup à la R.D. Congo.
J’y vis et y poursuis mes études.
Ma vie aux Gazelles
La première fois que je suis venue aux Gazelles en tant qu’élève,
c’était un lundi, quatre septembre, deux mille six. J’étais
admise en troisième maternelle. Le jour de la rentrée, Mme
Tatiana nous a raconté des histoires, nous avons chanté,
prié, découpé et colorié ; bref, nous avons fait plein de choses.
A trois ans, comme j’avais hâte d’aller à l’école et que les
Gazelles n’avait pas encore de classe pour mon âge, la
première et deuxième maternelle, ces deux classes, je les ai
faites au Complexe Scolaire Molongi « Les Champions ».
Mais à la deuxième année, un jour, les universitaires étaient
venus menacer les professeurs et on était venu me chercher
en retard. Depuis ce jour-là, je ne voulais plus aller à l’école.
C’est ainsi que j’avais arrêté.
L’année suivante, j’ai été inscrite aux Gazelles en troisième
maternelle. C’est cette année-là qu’on a ouvert la deuxième
année de maternelle. La première viendra beaucoup plus tard.
Maintenant, je suis en deuxième année secondaire. J’ai
beaucoup aimé la première année secondaire. Le titulaire en
était Adrien Mpani et l’adjoint, Jean-Baptiste Kiyanze. Le jour
de la rentrée, quelques élèves ont raconté leurs vacances.
On a étudié des leçons de français, algèbre, technologie et le
kikongo (Langues et Traditions Africaines). On enseigne déjà
dès le premier jour.
Comme c’est notre première année au secondaire, tous les
professeurs sont nouveaux. Chacun s’est présenté et ensuite,
le professeur Mpani a demandé aux élèves de se présenter à
leur tour.
Prix Heidi Kabangu 2015
123
Je ne connais pas tous les élèves. Il y a quelques nouveaux
comme Fataki et Botha qui viennent de Lisanga, Kabamba
Ruth qui vient de l’Emergence et enfin Ntieti qui vient
d’ailleurs. Il y a également les doubleurs comme Kunsi,
Ntumba, Luabeya, Kamulete et Ngbungbu.
Nous sommes bien aux Gazelles. Chaque élève a le droit de
s’exprimer comme il l’entend. Mais à présent, ce n’est plus
totalement possible. Quelque fois, il arrive que nous n’ayons
pas du tout le droit de contester le professeur, même s’il a
tort.
L’école a maintenant trente-huit ans et moi je suis au
secondaire. J’ai beaucoup grandi. Quand je vois mes photos
de la maternelle et celles d’aujourd’hui, je m’étonne beaucoup
en les comparant.
La vie à l’école n’est bonne que quelques jours. Après, on n’a
plus tellement envie de venir à l’école. C’est normal, parce
que nous n’avons plus le même élan que quand nous étions
au primaire. Au primaire, l’école était bonne, mais
maintenant, c’est nul. Nous devons quand même nous y faire
parce que la vie n’est pas faite que de bons moments.
Le plus mauvais jour de ma vie scolaire est arrivé quand
j’étais en quatrième primaire, avec maître Kabitshwa Patrick.
C’était pendant la gymnastique, quand une balle de tennis
m’a prise à l’œil. Le lendemain, maman m’a emmenée à
l’hôpital pour les soins appropriés. Tout s’est bien terminé
après le traitement.
Le plus beau jour vécu en première année secondaire, c’est
celui où nous sommes allés chez Maître Liyolo Alfred. C’est
un sculpteur congolais de grand renom. Chez lui, nous avions
visité l’atelier et les belles œuvres de sa sculpture.
Toujours en première année secondaire, nous avions effectué
une sortie vers l’Académie des Beaux-arts. C’était très bien.
124
La croisée des Ados
Nous avions vu beaucoup de chefs-d’œuvre des artistes parfois
inconnus.
Dans le cadre des excursions, en sixième primaire, nous étions
allés au jardin botanique de Kinshasa. C’était une belle sortie
également.
Cette année scolaire, le jeudi dix-huit décembre deux mille
quatorze, nous devons effectuer une sortie pour les musées
nationaux. J’espère que ce sera une aussi belle sortie que les
autres déjà effectuées avec la classe.
Mon voyage à Luozi
Mardi seize décembre deux mille quatorze. Je n’avais jamais
quitté Kinshasa depuis ma naissance. Cette fois-ci, papa nous
a annoncé que nous allions effectuer un déplacement vers
Luozi, une ville de la province du Bas-Congo, dans le district
des Cataractes. Papa ne nous a donné qu’une semaine pour
nous préparer. Nous avons acheté des chaussettes, des
couvertures (il semble qu’il fait très froid là-bas), des draps,
des habits chauds, des médicaments de secours, etc.
Samedi cinq juillet, deux mille quatorze, nous nous sommes
réveillés très tôt et nous avons commencé à nous apprêter.
Nous avons pris nos valises et papa a emmené un taxi-express
à la maison qui nous a conduits au rond point Ngaba. Arrivés
là-bas, nous avons pris place à bord d’un bus à destination
de Kimpese. Papa nous a dit au revoir et il est rentré à la
maison parce qu’il devait animer un séminaire pédagogique
à l’école. Le bus a démarré à neuf heures. La route, de
Kinshasa à Kimpese, est assez bonne puisque asphaltée. Mais
elle est très serpentée.
Quand nous sommes entrés dans la province du Bas-Congo,
la première ville que nous avons traversée est Kasangulu.
Nous sommes arrivés à Kimpese à treize heures, où nous
avons pris un camion à destination de Luozi.
Prix Heidi Kabangu 2015
125
C’est pour moi la première fois de monter dans un camion et
d’y rester dans de telles conditions.
Nous sommes montés dans le camion à treize heures, mais
nous n’avons pris la route qu’à dix-huit heures parce qu’ils
ont dû y charger des sacs de ciment et ceux de farine. Nous
étions assis, perchés sur ces sacs. C’était vraiment pénible !
La route de Kimpese à Luozi n’est pas asphaltée et elle est
très poussiéreuse. Nous sommes arrivés à Kimbemba à vingtdeux heures. C’est un village au bord du fleuve Congo, à la
rive gauche. Luozi se trouve sur la rive droite.
Nous avons passé la nuit à Kimbemba parce que nous
devrions attendre le bac pour traverser le fleuve. Le trafic du
bac s’arrête à seize heures. Le lendemain, je me suis réveillée
à six heures et je suis allée contempler le fleuve dans lequel
j’ai ramassé trois cailloux. Ma mère et mes sœurs ont rincé
les pieds dans l’eau, mais moi je n’ai pas voulu enlever mes
chaussures. Je me suis contentée de lancer au loin mes
cailloux sur l’eau et admirer le jeu que cela provoquait.
En attendant le bac, nous devions manger. Mais la nourriture
que nous avions apportée de la maison était épuisée. Alors
nous avons acheté des chikwangues et du poisson déjà
préparé. J’ai beaucoup mangé au point d’avoir mal au ventre
par la suite.
Quand le bac est arrivé, il était dix heures. Le temps qu’on le
décharge et ensuite, on le recharge ; nous montons à bord
vers onze heures trente-cinq et nous sommes arrivés à Luozi
à onze heures cinquante-et-une minutes. Donc, nous avons
traversé le fleuve Congo en seize minutes. Arrivés sur place,
nous sommes d’abord allés chez ma tante maternelle, puis
chez ma grand-mère, car c’est là-bas que nous allions loger.
J’ai passé beaucoup de moments agréables à Luozi avec ma
famille. Un jour nous sommes allées aux champs avec ma
tante et ma grande-sœur. Nous avons pris la route très tôt le
126
La croisée des Ados
matin. Nous avons marché longtemps puis traversé la rivière
Luozi. Ma tante me tenait la main lors de la traversée pour
éviter que je ne tombe, car c’est la première fois que je traverse
à pied une rivière qui m’arrive jusqu’à la hanche.
De l’autre côté de la rivière, nous avons encore parcouru une
bonne distance, le temps que ma tante cherche son champ
parmi les autres. Elle a traîné puisque tous les champs se
ressemblent et portent les mêmes cultures. Il est sept heures
passées quand elle reconnaît son champ. Nous commençons
à arracher quelques tubercules de manioc parce qu’il y en
avait tout plein. Malheureusement, nous n’avions rien prévu
pour en transporter une grande quantité.
Nous étions venues juste pour payer le renouvellement du
contrat de location terrienne. Nous sommes donc obligées de
n’emporter comme manioc que ce que nos mains pouvaient
contenir. Tous les trois ans, on doit payer le propriétaire des
champs pour renouveler le bail. Si on ne s’acquitte pas, le
lopin de terre est loué à quelqu’un d’autre.
Les propriétaires des terres sont arrivés à douze heures. Ils
commencent par prélever les dimensions des champs qui nous
précèdent avant d’en faire autant du nôtre. C’est après ce
mesurage que nous avons payé.
Au retour du champ, nous avons emprunté une autre route.
Nous sommes passées par le champ des cannes à sucre pour
en couper quelques-unes. Cette fois-ci, nous avons traversé
la rivière du côté qui n’est pas profond. Nous sommes aussi
passées par la source où nous avons goûté un peu d’eau.
Elle est bien bonne et plus limpide que l’eau de la Regideso.
Nous sommes arrivées à la maison à treize heures et nous
avons mangé du pain à la sardine. C’était bon !
Un matin, papa nous a téléphoné pour nous informer que
ma grande sœur Jenny a réussi aux examens d’Etat avec
soixante-neuf pourcents. Nous avons couru jusqu’au marché
de Séraphin jeter de la poudre (talc) à notre grand-mère. Elle
Prix Heidi Kabangu 2015
127
était tellement heureuse qu’elle s’est mise à danser devant
tout le monde.
En revenant de là, nous sommes passés chez le beau-frère
de ma grand-mère, Naja, qui nous a offert un coq. Ma tante
l’a tué et préparé. Quelqu’un d’autre – je ne me souviens
plus très bien qui il est par rapport à nous – nous a offert des
bananes plantains à cette même occasion.
Ma sœur lauréate était pourtant un peu triste parce qu’elle
avait prévu de sortir avec ses amies le jour où l’on proclamerait
les résultats des examens d’Etat. Maintenant que nous nous
retrouvons au fin fond du Bas-Congo, elle n’a aucune de ses
amies avec qui se réjouir. Cela la rend triste.
Le soir, nous avons démarré le groupe électrogène, et nous
avons allumé la télévision. Une grande foule est venue suivre
les émissions et nous étions obligés de sortir la télévision
dans la cour de la parcelle. Ce n’est pas étonnant vu que làbas, il manque l’énergie électrique (il paraît qu’il existe un
projet d’électrification) et les gens ne sont pas habitués à la
télévision.
Personne ne se rendait compte de l’heure qui passait.
Heureusement que le réservoir du groupe s’est vidé et le
groupe a coupé. Il était vingt-trois heures. C’est alors que les
gens sont rentrés chez eux. Ce qui est bien là-bas, c’est que
même dans la nuit profonde, on peut circuler dans la rue en
toute sécurité. On ne vole pas, on ne s’attaque pas à autrui.
A Luozi, j’ai appris à nourrir les chèvres, celles de ma grandmère. Chaque matin, nous devrions les conduire paître sur
un pré et retournions les reprendre le soir. Il n’y avait pas de
problème majeur, à part la puanteur. Cela nous amusait
beaucoup.
Chaque jour, après avoir conduit les chèvres, je rentrais
vendre dans la boutique de ma tante Angèle. On y exposait
des articles de première nécessité comme la pâte dentifrice,
128
La croisée des Ados
le savon, les allumettes, les piles, le sucre, l’huile d’arachides,
le sel, la margarine. La plupart de ces articles proviennent de
Lufu, un marché situé à la frontière de l’Angola et de la R.D.
Congo. D’autres articles proviennent de Kinshasa.
En fin de compte, j’ai appris tellement de choses pendant ce
voyage que je vais les appliquer progressivement. J’ai aussi
gardé beaucoup de souvenirs du Bas-Congo.
Les amis
Quand je suis entrée en maternelle, j’ai rencontré une amie
au nom de Boyi Ruth. C’est ma meilleure amie. J’en ai aussi
d’autres que je considère bien : Mutombo Daniel et Mpani
Tiskins. Ils sont gentils et aimables.
En classe, j’ai d’autres copains sympathiques : Makwala
Merveille, Mutiya Emmanuel, Matiti Ségolène, Mvemba Jo,
Ntumba Gradi, Biduaya Jessica, Ngbungbu Rapaël, Fataki
Emmanuel, Nzasa Salem et Mendes Angelo.
Un ami, c’est une personne à qui on fait confiance. Quelqu’un
à qui on fait part de ses idées, voire ses sentiments intimes,
sans être embarrassé. Il est celui qui peut nous écouter ou
nous aider lorsqu’on a besoin d’aide. Il doit être capable de
nous dire la vérité, même s’il sait que cela peut nous faire
mal. Il n’essaie pas de me changer, mais m’apprécie tel que
je suis, avec mes défauts et mes qualités. Il doit être indulgent
lorsque je commets des erreurs, me respecter et tenir compte
de mon opinion ainsi que de mes goûts lorsque je planifie
des activités avec lui.
Moi, je pense que c’est possible d’être une fille et d’avoir des
garçons pour amis car c’est aussi intéressant de parler avec
un garçon qu’avec une fille. Je compte moi-même des garçons
parmi mes amis avec qui je m’entends bien. Avec un garçon,
tu rigoles plus et n’as pas besoin de tourner autour du pot
pendant des heures.
Prix Heidi Kabangu 2015
129
Les filles sont plus vicieuses et moins franches que les garçons
qui me semblent moins hypocrites et plus décontractés. Je
préfère donc être au milieu des garçons sans pourtant
ressentir l’impression d’être un garçon manqué.
Au positif des filles, elles sont plus compréhensives et plus
douces que les garçons. Elles ont facilement pitié des gens
en problème. L’amitié entre filles est donc aussi une bonne
chose. On se raconte beaucoup de secrets. Mais attention :
pas de commérage ! Ce dernier fait partie des plus grands
vices des filles. Elles ont l’habitude de tout balancer après
qu’elles aient appris quelque chose sur vous. Beaucoup de
secrets ont été colportés par des « amies » à qui on les avait
confiés. Mais il existe d’autres filles qui ne sont pas comme
cela. Là alors, c’est bien d’avoir des amis de son sexe.
C’est aussi bien d’avoir des amis qui sont différents de nous.
Quand on a seulement des amis de même âge, même goût,
même sexe que soi, c’est comme si l’on portait uniquement
les mêmes vêtements de notre couleur préférée. Même si l’on
aime beaucoup cette couleur, au bout d’un temps, on finira
par s’en lasser.
Une vraie amitié n’a pas d’intérêt. Un ami téléphone pour
parler, échanger, venir vous voir parce qu’il en a envie. Et
non pour combler un vide. Si un ami rabaisse ou dénigre
toujours son ami, ou fait en sorte que son ami se sente mal à
l’aise, sans jamais lui dire un mot gentil quand celui-ci en a
besoin, cet ami n’en est plus un. Un ami doit encourager
l’autre et l’aider à réussir, peu importe ce qu’il entreprend.
Moi-même, je suis une vraie amie de mes amis. Je me soucie
vraiment d’eux et je les aime bien. Je suis prête à donner de
moi-même, de mon temps et de mes ressources pour mon
véritable ami. Et pour finir, il y a une chose dont il faudra
toujours se souvenir : pour avoir un vrai ami, il faut d’abord
en être un soi-même.
130
La croisée des Ados
Mardi 17 décembre 2014. Après l’école, si je n’ai rien à faire, je
vais souvent chez mes amis. Quand je vais chez Tiskins, c’est
pour jouer aux dames. Il joue très bien à ce jeu. Il bat même
les grandes personnes. Un jour, je suis allée et nous avons
beaucoup joué. Mais je n’ai pas su le battre une seule fois. J’ai
juste réussi à battre son petit-frère. Chez eux, ils savent tous
très bien jouer aux dames.
D’autres fois, je vais chez Jo, chez Daniel. On suit la télévision.
Mais je ne vais plus trop chez eux. Avant, j’allais chez mon
amie Boyi Ruth ; mais depuis qu’ils ont déménagé, je ne suis
pas encore allée la voir chez eux.
Quand mes amis viennent chez nous, c’est pour faire les
devoirs. S’ils ne comprennent pas une leçon, ils viennent chez
moi pour que je la leur explique et je le fais à cœur joie.
J’aime bien mes amis.
A la maison, je passe mon temps à étudier, lire et dessiner.
Dans notre famille, on sait dessiner. On le tient de notre
papa. Il s’y prend très bien.
MAKEMBO MATONDO MFUMU Ruth
2e Secondaire
2014 - 2015.
Prix Heidi Kabangu 2015
131
11.
Escapade en Angola
MVEMBA CUNGA
Jonathan,
2e Secondaire
2014 - 2015
Escapade en Angola
Je suis Mvemba Cunga Jonathan, fils de Raoûl Mvemba
Matondo et d’Isabelle Cunga Bençao. Je suis né en 2000, le
16 avril, à Luanda en Angola. Je vais vous parler de ma vie,
de mon histoire.
Mon grand-père paternel, José Raoûl Mvemba était fils d’un
chef en Angola, dans le territoire de Zaïre, Province de MbanzaKongo, à San Salvadore. Mon grand-père fit ses études au
Congo Belge et obtint son diplôme. Il décida de s’installer au
Congo pour poursuivre ses études universitaires à Kisantu.
Il épousa sa première femme du nom de Gracia. Il eut deux
enfants, Philippe et Makiese. Quand il arrive à Kinshasa
(Léopoldville), il travaille dans une entreprise de construction.
D’après ce que m’a dit grand-mère, il était brillant et c’est
pour cela qu’il est vite nommé conducteur des travaux. Mon
grand-père a eu vingt-quatre enfants avec six femmes
différentes.
Ma grand-mère se nomme Germaine Shemisi Betutua Nzako.
Elle est née à Inongo, village des ancêtres Bongobele dans la
province du Bandundu, le 06 juin 1948. Elle est fille d’un
menuisier. Son père fut arrêté pour avoir fabriqué un poussepousse avec le bois de son patron belge. Elle fait ses études
primaires au Bandundu, et secondaire à Kinshasa. Elle se
marie en 1965 et est mère de cinq enfants. Son premier enfant,
c’est mon père. Cela fait douze ans qu’elle s’occupe de moi.
Elle m’a toujours assisté. Elle aime beaucoup faire le ménage :
je n’ai jamais vu une aussi bonne ménagère ! Ma grand-mère
est une femme forte, sage, courageuse, chrétienne, charitable.
Elle est pleine d’amour.
Prix Heidi Kabangu 2015
135
A l’époque de Mobutu, pendant la guerre de 80 jours, tous les
hommes d’affaires angolais furent arrêtés et mis en prison.
Mon grand-père aussi fut du nombre. Grand-mère dût
s’occuper de tous les vingt-quatre enfants de mon grandpère. Après cette période, plus précisément en 1985, le 30
juin, grand-père mourut.
Mon grand-père maternel, comme je l’ai déjà dit, répond au
nom de Joâo Cunga Bençâo. Il est né à Moxico en Angola. A
seize ans, il commence le travail comme ouvrier dans un
champ de café. Il était le seul de son village à savoir parler et
lire le portugais. Il partit pour Luanda en 1954 où il se maria
et eut treize enfants avec une seule femme. Ma mère est son
cinquième enfant. Ma mère est donc angolaise. Je la vois
pendant les grandes vacances, soit trois mois, quand je rentre
en Angola. Elle est comptable et se débrouille aussi bien en
Angola. Elle est forte et s’occupe bien de moi.
Mon père se nomme Raoûl Mvemba Matondo. Fils de José
Raoül Mvemba et de Germaine Shemisi Nzako, il est né le 05
août 1996 à Kinshasa. Il fit ses études primaires et
secondaires à l’école Massamba. Ses études universitaires, il
les fit à l’Université Kimbanguiste, ce qui m’étonne puisqu’il
est chrétien et choisit d’étudier à cette Université.
A vingt-cinq ans, il va en Angola pour chercher du travail et
ses origines. Il rencontre sa famille paternelle et fait la
connaissance de ma mère. Ils se marient et ils ont cinq
enfants. Mon père est bon travailleur. Il se débrouille bien
comme gérant de Socofires en Angola. C’est un homme calme,
plein de passion, de bonté, de générosité. Il est tout ce qu’un
homme doit être et il possède tout ce qu’il faut pour un
homme. Il vit souvent en Angola, avec ma mère. Ils sont
précisément à Luanda depuis 1993.
Enfin, je vais vous parler de moi : Mvemba Cunga Jo, fils de
Raoûl Matondo et d’Isabelle Cunga. Je suis un rêveur
passionné de l’histoire antique. Je suis né à Luanda le 16
avril 2000. A deux ans, je quitte l’Angola pour la R.D. Congo.
136
La croisée des Ados
Je suis venu à Kinshasa en 2002. Quand nous sommes
arrivés, nous habitions à Limete, 9e Rue. Plus tard, quand
mes parents sont rentrés en Angola, je suis restée avec grandmère Germaine chez elle à Yolo-Nord. Cela fait aujourd’hui
douze ans que je vis à Kinshasa.
Kinshasa est une ville pleine de vivacité, pleine d’histoires et
de jeunes gens. J’aime Kinshasa pour ses qualités et ses
défauts. Je réalise que j’ai passé la plus grande partie de
mon enfance dans cette ville.
Quand j’étais tout petit, mon père était pour moi un dieu.
Après Dieu tout-puissant, c’était mon père. Pour moi, mon
père était imbattable, le plus fort des hommes, le plus
courageux, le plus grand.
Lorsque l’oncle de mon père mourut, j’ai vu mon père pleurer.
J’étais alors étonné de voir mon père verser des larmes. Moi
aussi, je me suis mis à pleurer. Quand je tombe malade,
mon père est toujours là pour m’assister. Un jour, c’est lui
qui tomba malade. J’ai fait comme lui pour l’assister.
A trois ans, j’étais un garçon plein d’imagination. Je jouais
avec le bâton et le fil en me représentant la bataille des Grecs
contre les Romains, dans les films que j’avais vus.
Des fois, j’observais ma grand-mère qui cuisinait de bons
plats. Je disais à cette époque à mon ami Rudy qui est encore
mon ami jusqu’aujourd’hui : si je devais avoir une femme,
elle sera comme ma grand-mère.
Mon ami est un brave garçon, bon parleur, bagarreur, mais
qui n’aime pas l’école. Aujourd’hui, par exemple, il n’est pas
allé à l’école. Je me rappelle un jour, alors que nous avions
deux ans, nous partions à l’école en voiture avec mon père.
Une fois entrés dans un embouteillage, il a ouvert la voiture
et s’est mis à courir. Un policier l’a rattrapé et ramené.
Prix Heidi Kabangu 2015
137
A cette époque-là, j’avais des jouets préférés. Un d’entre eux
était « Chico ». Je l’aimais un peu trop. Je le promenais un
peu partout. Je dormais avec lui. Un jour, le chien l’a découpé.
J’ai pleuré comme si j’avais un deuil. On m’a offert par la
suite, un autre jouet appelé « Hercule ». Celui-là, je l’ai égaré.
Je me rappelle aussi le chien que nous avions, Darling, un
beau chien plein de poils. Mes sœurs, mon frère et moi l’avions
pris en passion. Nous passions notre temps à jouer avec lui,
tellement il était beau. Nous avions également une chienne
du nom de Bradoc. On ne l’approchait pas. Elle nous faisait
tous peur.
Un jour, elle était sortie de l’enclos, les gens l’ont lapidée et
blessée. Elle est rentrée nerveuse. Cela faisait pitié. Elle mit
bas et l’un de ses petits que nous avions nommé « Bouboule »
mourut après avoir bu de l’eau de javel.
Revenons à mes études. Je suis arrivé aux Gazelles en 2005.
J’avais cinq ans. A cette époque, j’aimais beaucoup l’école.
Je la comparais à un paradis. Quand je rentrais à la maison,
je parlais tout le temps de l’école. On chantait beaucoup et
on dansait aussi. Mon père aimait chanter avec moi. Nous
apprenions les noms des couleurs, les chiffres, …
A cette époque, nous avions Mme Ntumba comme éducatrice.
Un jour, elle nous avait demandé d’apporter un caleçon, une
serviette et un savon de toilette. Elle avait demandé un
volontaire pour se laver. Personne ne s’est présenté. Moi, j’ai
eu le courage de me laver. C’était bien. Les autres se
moquaient de moi et j’avais honte. Le lendemain, je ne voulais
plus revenir à l’école.
Mais, je me souviens bien du jour où on nous avait demandé
d’apporter des fruits. J’avais emmené des bananes, une
mangue, un avocat. Nous avons préparé la salade des fruits
et j’avais beaucoup aimé. J’en parlais tous les jours à la
maison.
138
La croisée des Ados
Chaque soir, quand on n’avait pas d’électricité, mes sœurs et
moi, chantons avec papa. J’aime mon père : il est un bon
musicien. Il lui arrive de jouer de la guitare. Il le fait bien.
J’aime le jazz et la rumba comme mon père. Je l’imitais en
tout : je marche comme lui. Mon père est mon meilleur ami.
A mon anniversaire, ma mère était venue d’Angola avec ma
sœur Tiniga.
Ce soir-là, il y avait toute ma famille, ma grande famille. Il y
avait aussi un invité spécial, le frère à mon grand-père, nommé
Nzakimuena, lui et ses fils. La nostalgie se lisait sur les
visages. Il y a longtemps que mon grand-père et ses frères
avaient quitté l’Angola pour le Congo. Grand-père Nzakimuena
était rentré en Angola avec des mauvais souvenirs du Zaïre
de l’époque.
Lorsque j’avais six ans, il y avait le phénomène « kata-kata ».
Personne à cette période ne sortait tard la nuit. Quand mon
père sortait, je l’attendais impatiemment. Il m’arrivait de
dormir sur le sofa en l’attendant. Et quand il revenait, je lui
demandais de prier avec moi.
Permettez-moi de vous parler maintenant de ma vision de
Kinshasa. C’est une ville pleine de vie et de personnes actives.
A Kinshasa, tout le monde est bricoleur. Les hommes savent
comment se débrouiller. Mais je dois vous avouer une chose,
Kinshasa comprend des gens qui cherchent du travail sans
en trouver et d’autres qui sont purement et simplement
paresseux.
Tout ceci plonge la ville dans la misère. Mais cela n’empêche
pas aux Kinois de s’amuser tout le temps, malgré qu’on ne
trouve pas assez de parcs d’attraction. Les enfants jouent
avec n’importe quoi qu’ils trouvent. C’est triste mais, c’est ça
la réalité. A Kinshasa, je ne suis jamais allé au cinéma.
On raconte que la ville a connu beaucoup de changements
depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours. Kinshasa était
l’une des plus grandes villes d’Afrique. Les gens quittaient
Prix Heidi Kabangu 2015
139
leurs pays pour venir passer des vacances à Kinshasa.
Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Kinshasa est polluée et
maltraitée par ses habitants. La ville est même insultée de
par le monde, parce que les Kinois ne prennent pas soin d’elle.
Pendant les grandes festivités à Kinshasa, le gouvernement
organise des travaux d’assainissement pour rendre la ville
propre. Malgré cela, elle reste toujours sale. Les Kinois
mangent avec difficulté. Cela fait de la peine d’en parler, mais
tellement la misère et le crime ont augmenté !
En 2013, je suis allé à Luanda, une petite belle ville en pleine
construction. Les Luandais construisent leur ville au jour le
jour. Ils agrandissent Luanda au point qu’elle est devenue
une ville fêtarde et pleine de travailleurs. Après des années
de souffrance causée par une longue guerre, Luanda et
l’Angola toute entière se reconstruisent. Mais ce n’est pas le
paradis sur terre. Les gens luttent pour survivre. Ils travaillent
beaucoup, mais cela ne les empêchent pas de fêter, danser,
se réjouir.
A Luanda, très peu de gens ont fait des études. Même ma
propre mère n’a pas fini ses études universitaires. Ce qui
m’étonne, c’est le progrès de l’économie de la ville. Avec un
petit boulot à Luanda, on gagne assez d’argent pour se nourrir.
Même un laveur de voitures dans une station-service gagne
mieux qu’un professeur à Kinshasa. Les enfants s’amusent
beaucoup. Il y a beaucoup de parcs d’attraction et plein de
salles de cinéma.
Comment sont les Luandais ? Très accueillants, fêtards. Les
gens sont toujours souriants. Les gens viennent de plusieurs
pays africains : Sénégalais et Congolais sont majoritaires.
Mais, à Luanda, on trouve beaucoup de soûlards. Les
Luandais organisent des fêtes d’une manière traditionnelle
et d’autres d’une manière moderne. Les mets sont souvent
traditionnels.
140
La croisée des Ados
Le gouvernement angolais est bien organisé. Il m’arrive d’aller
à leur poissonnerie en compagnie de mon père. On mange
près de la plage. Au bord de l’océan, on trouve de vilaines
constructions en bois. Mais le gouvernement les détruit
progressivement pour en construire d’autres. Les Luanda
aiment étudier. J’avais vraiment aimé mes vacances à Luanda.
Je voudrais maintenant, pour terminer, parler de mon histoire
à l’école. J’ai commencé le jardin d’enfant à George Simenon,
puis à l’Ecole Pilote. A cette époque, j’aimais l’école. Elle était
pour moi un paradis. Il y avait des moments où je voulais
rester à l’école. Puis, je suis arrivé aux Gazelles. J’ai déjà
parlé de mes débuts aux Gazelles en maternelle.
Je voudrais ajouter mon parcours au primaire. En première
année, j’ai eu maître Kabitshwa Erick. Il nous faisait rire tout
le temps. Il nous apprenait beaucoup de nouvelles choses
chaque jour. Avec lui, on ne s’ennuie pas. Il était cool. Il lui
arrivait de pincer les oreilles des élèves pour les corriger.
Mais moi, jamais il ne m’a fouetté comme il le faisait avec
tous les autres qui désobéissaient.
Arrivé en deuxième année primaire, Mme Kembo tenait la
classe. J’avais peur d’elle puisqu’elle était très sévère. Mais
je l’aimais bien. En troisième année primaire, j’ai eu le
professeur Makembo Mfumu Ansi comme enseignant.
Certains jours, il ne nous enseignait pas. Alors, nous restions
avec maître Constant Makembo. Ce dernier était un très bon
dessinateur, mais nous ne l’aimions pas parce qu’il frappait
les élèves à tout moment. Mais nous aimions bien ses dessins.
Je me souviens qu’il avait dessiné un centaure et nous avait
raconté son histoire. C’était pour la première fois qu’il nous
faisait rire en classe. Pour dire la vérité, maître Constant
racontait de belles histoires, des mythes et des légendes. Il
lui arrivait aussi de nous parler de son enfance.
En quatrième année primaire, mon maître, c’était Patrick
Kabitshwa, un homme très souriant et gentil. Il faisait de
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son mieux pour nous faire comprendre les leçons. Avec lui,
nous lisions beaucoup. Mais en réalité, j’avais des problèmes
en lecture et en orthographe. Le maître nous faisait rire,
chanter et danser avec lui. C’était une vraie joie de venir à
l’école.
Dans cette classe, nous apprenions la botanique et j’ai aimé
ce cours. Je me disais même que je serai botaniste ; mais,
plus maintenant. Nous étions allés un jour chez Madame
Kabangu, à Limete. C’était un beau matin. Nous étions allés
à pieds avec deux élèves stagiaires. En route, nous parlions
de tout et de rien. Nous avions traversé la grand-route, puis
les rues de Mombele.
Je ne me sentais pas en sécurité, car à cette époque, on disait
trop de mauvaises choses sur Mombele. On racontait entre
autres qu’il y avait des brigands partout. Alors, pour me sentir
en sécurité, je m’étais placé juste à côté du maître.
Arrivé chez Mme Kabangu, elle nous donna du jus et de la
tisane. Elle nous fit visiter la maison et nous montra son
bureau, son salon, sa salle à manger et son garage. C’était
ma première fois de voir aussi Mme Kabangu souriante et
pleine de bonne humeur.
Je voudrais dire un mot sur le trentième anniversaire de
l’école. J’étais en première année primaire cette année-là.
Nous avions porté l’uniforme un peu spécial en pagne. Toute
l’école s’était réunie dans la cour avec la même tenue. Le
matin, mes amis et moi courions dans la cour. Nous avions
fait quelques corrections avant de sortir dans la cour pour la
fête. Ce jour-là, c’était la première fois que je voyais les anciens
des Gazelles réunis avec les nouveaux.
La cérémonie a commencé à dix heures avec l’installation
des élèves sur les bancs. Les élèves du secondaire nous
intimidaient beaucoup. Moi, je n’avais pas peur d’eux. Je me
plaignais simplement chez le maître. Nous avons chanté,
142
La croisée des Ados
dansé, sauté. Je peux dire que nous étions tous en folie !
Mme Kabangu a prononcé un discours dans lequel elle racontait
comment elle avait construit sa vie et son école. Après, c’était
le Préfet Boyi qui avait parlé. Le professeur Mukendi faisait la
modération et intervenait tout le temps pour présenter ceux
qui allaient parler. Mais au début, il avait insisté que les études
étaient la clé de l’avenir pour tout le monde.
De tous ces discours, celui de Mme Kabangu ne m’avait pas
touché sur place. C’est maintenant quand j’y pense que je le
comprends. Je lui donne pleinement raison. C’est pour cela
que cette journée m’est restée inoubliable. J’ai observé les
anciens des Gazelles chanter, danser et je voulais être comme
eux, c’est-à-dire terminer mes études et avoir un bon travail.
Ce que je serai demain, seul Dieu le sait. Mais j’étudie et je
travaille. J’apprends de mon mieux pour que je sache ce que
je ferai, qui je serai et comment je serai. Je sais que le travail
sera mon bouclier et mon savoir, mon glaive. C’est pour cela
que j’étudie bien, malgré que je n’aie pas assez de pourcentage
favorable. Je continue à me battre. Je me souviens d’une
phrase du professeur Mukendi : on ne peut construire un
bâtiment sans briques, ni diriger sans savoir. Alors, je fabrique
mes briques et j’assoie en moi des connaissances pour
produire un fruit qui sera ma fierté.
MVEMBA CUNGA Jonathan,
2e Secondaire
2014 - 2015.
Prix Heidi Kabangu 2015
143
12.
Mes premières amours
TSHIMANGA NKONGOLO
Théodore
2e Secondaire
Mes premières amours
Bonjour, cher lecteur. On m’appelle Tshimanga Nkongolo
Théodore, élève de deuxième année secondaire aux Gazelles.
En voyant le nombre d’enfants que mon père a eu et la façon
dont, parmi tous ces vingt-six enfants, il prend soin de ses
deux derniers enfants, ma sœur et moi, je me réjouis d’une
pareille chance. Mes frères n’ont pas eu la même chance que
nous deux, d’aller à l’école en voiture.
Mes grands-frères et grandes-sœurs ont atteint la majorité
et certains sont déjà licenciés. Mon père a été dur avec eux et
maintenant, ils travaillent déjà. D’autres ont fondé une famille.
Actuellement, c’est ma sœur et moi seuls qui sommes encore
aux études. Je ne sais pas si nous aurons la chance de
terminer nos études après la mort de notre père ; car mes
autres frères et sœurs ont été poussés et rassurés par papa.
Maintenant, les voilà responsables. Est-ce que cela affectera
mon avenir ?
Celui qui me donne le courage de continuer, c’est le Seigneur
Jésus. Je sais qu’avec Jésus à mes côtés, malgré mes
innombrables péchés, il m’aidera à devenir l’homme que mon
père voyait en moi sans lui.
Cher journal, aujourd’hui a été une journée rude pour moi.
Car les professeurs étaient absents et pour la classe, c’était
une belle occasion de faire la foire. Un moment, de moi-même,
j’ai décidé de comprendre pourquoi mes amis dérangeaient.
Je n’ai pas eu de réponse. Puis, est arrivé le cours d’atelier
duquel le professeur m’a exclu et mis en garde pour l’heure
de gymnastique.
Ma grande préoccupation est celle de mon avenir. Est-ce que
le fait que je dérange influence mon avenir ? Je n’en sais
Prix Heidi Kabangu 2015
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rien, mais cette question me tourmente beaucoup alors qu’avec
ma conscience, je dois me jurer d’essayer de prendre le bon
caractère. Je sais que j’en suis capable.
Il y a aussi autre chose qui me dérange : c’est mes amis du
quartier. Ma mère ne les apprécie pas beaucoup, mais moi,
je suis contre ma mère. Je me demande, est-ce qu’elle voit
clair dans notre amitié ? Mes amis vont-ils me déconcentrer
pour que je ne sois plus capable de réfléchir à l’école et à la
maison ? Je n’en sais absolument rien. Mais toujours est-il
qu’avec ma conscience, je saurai réussir en classe et à la
maison.
Ma nouvelle école « Les Gazelles » a un horaire vraiment
différent de celui de mon ancienne école, vu que dans
l’ancienne école, le samedi, nous n’allions pas à l’école. Donc,
j’avais deux jours de repos, plus de temps pour m’amuser et
aussi plus d’énergie pour aller à l’école, à l’église. Mais
maintenant, c’est autre chose car nous finissons les cours, le
samedi y compris, tard. Le temps de rentrer à pieds quelque
fois, sous ce chaud soleil, et puis, la nourriture à consommer
si elle est prête, il faut se reposer un peu et reprendre le
travail vers 17 heures.
Quand tu termines, tu es cassé, fatigué. Tu t’étales sur le
fauteuil pour regarder la télévision et il n’y a souvent rien
d’important. Tu cherches quoi faire et si tu trouves une
activité, par exemple le dessin, tu te mets à dessiner de 20
heures à 22 heures. Puis tout à coup, les yeux deviennent
lourds ; tu récites une courte prière avec maman quand elle
a fini, et tu vas au lit. Et le dimanche, tu es tellement fatigué
que tu n’arrives pas à te réveiller tôt pour aller à l’église. Il
arrive qu’on se réveille à 12 heures. C’est trop tard pour aller
à l’église. Cela fait déjà deux dimanches que je ne vais pas à
l’église à cause de cette fatigue. Je ne sais pas quoi faire.
Devrais-je commencer à dormir à 18 heures le samedi pour
ne pas rater le culte et me lever plus tôt le dimanche ?
148
La croisée des Ados
Bientôt, c’est la proclamation des points de la première période.
Je suis conscient que j’ai des échecs. A cause de ces échecs,
avec le petit travail de ma mère et son maigre salaire, ce sera
amer de voir que dans certains cours je n’ai pas réussi, mais
malgré ma distraction et tout le reste, mon but numéro un est
de réussir. Donc, je ne baisse pas les bras car j’ai des capacités
pour réussir et peut-être, figurerai-je parmi les cinq premiers
de la classe. J’en ai la certitude et la volonté : je dois avoir un
bulletin impeccable à la fin de l’année et ferai la fierté de ma
mère et de mon père qui malheureusement n’est pas sur place.
Je suis appelé à devenir un homme, un homme fort,
respectable, courageux, honnête, franc, sympathique,
charismatique, intellectuel, propre, discipliné, ordonné,
débrouillard, compréhensif ; qui donne sans rien attendre
en retour. Voilà tous les attributs que j’aimerais faire ressortir
de ma personne.
Mon seul et unique défaut, c’est la distraction. Je vais changer,
je dois changer. Le mot changer, à présent, c’est ma devise
car avec le changement en moi, tous ceux qui disaient du
mal de moi changeront aussi à leur tour de langage. Mais ce
dont je suis sûr, c’est que mon avenir sera fabuleux.
Samedi 15 novembre 2014 a été pour moi un samedi très
différent des autres car ce fut la proclamation des résultats
de la première période. Ce fut catastrophique avec mes 54
% : « comportement médiocre », dit le professeur titulaire.
Réaction à la maison : déception. Moi aussi, très déçu.
Comme il est dit « dans une course, une chute ne t’oblige pas
à repartir au début ». De même la lutte contre l’échec n’annule
pas tes progrès. Déçu de ma conduite à l’école, cela ne m’a
pas rendu faible. Au contraire, mon but prend déjà sa forme
pour la deuxième période, lundi déjà, j’ai eu de bons résultats
en Zoologie et en Anglais.
A l’école, la classe de deuxième année secondaire est considérée
Prix Heidi Kabangu 2015
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comme la classe la plus mauvaise à cause du comportement
de certains de mes condisciples vis-à-vis de leurs études. Ceci
mène à leur échec et ce n’est pas bien ; car en ce moment de
l’année, on ne peut pas blaguer avec les études.
Hier mercredi 26 novembre 2014, des élèves de ma classe se
sont entendus pour bloquer la serrure de la porte et nous
avons passé toute la matinée à l’extérieur. Nous avons raté
les cours d’algèbre et de géométrie. Moi qui suis faible dans
ces matières, je n’ai pas pu poser mes problèmes au
Professeur. Donc, j’ai encore beaucoup de lacunes en
Mathématiques. Si l’on nous posait une interrogation en
Mathématiques, je serai encore en échec et cela affectera mes
points. Je n’aurai plus le temps d’assimiler la matière qui
reviendra peut-être à l’examen et je risque d’échouer encore.
Maintenant, je me prépare pour mon avenir. Il faut que je
dispose d’une base solide en Mathématiques et dans d’autres
branches. Mais le fait que j’ai raté deux heures de
Mathématiques, est-ce que j’aurai ma base solide dans ladite
branche ?
L’influence des choses que certains élèves des Gazelles font,
à mon avis, n’est pas bonne. Ils se montrent sans conscience.
Chaque fois qu’un élève répond aux questions du professeur,
si sa réponse n’est pas correcte, les amis se moquent de lui
et les points en sont influencés. A tour de rôle, celui qui a
donné une mauvaise réponse et dont les autres se sont
moqués, profitera aussi de la mauvaise réponse des autres
pour se venger en se moquant.
Nous les nouveaux, à force de vouloir nous intégrer dans le
groupe des dérangeurs et nous faire adopter, nous risquons
de prendre de mauvaises habitudes et l’on peut grandir avec
celles-ci. Je ne dois pas adopter ce mauvais exemple de me
moquer des autres, car on est tous venus pour apprendre.
Pour mon avenir, je décide de ne pas adopter ce comportement.
Car il pourrait influencer mon avenir.
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La croisée des Ados
Autre chose : le téléphone. Pourquoi est-il interdit aux
Gazelles ? La raison pour laquelle le téléphone est interdit
me semble incompréhensible car nous sommes déjà assez
responsables. Nous n’allons pas apporter le téléphone pour
regarder la pornographie. Moi, je dérange certes, je commets
beaucoup d’actes irresponsables, mais je ne serai pas si
ignorant pour regarder les vidéos pornographiques en classe
et encore moins avec ma voisine. Si j’apporte mon téléphone,
c’est pour contacter ma mère au cas où il y aurait un
problème ; pas pour n’importe quoi ! Ni n’importe qui,
n’importe quand !!!
Le 1er décembre 2014. Aujourd’hui, c’est la journée de lutte
contre le Sida. Je ne le savais pas. Maintenant que le Préfet
nous en a informés, je garde cela dans ma mémoire. Ce jour,
peut-être dans l’avenir, je participerai à cette lutte contre le
Sida. Mais réellement, ce qui m’importe en ce moment, c’est,
premièrement les vacances. Car, peut-être, j’irai en Belgique.
Si je reste à la maison, cela sera tout de même bien car mon
neveu viendra et nous nous amuserons bien ; on dormira
tard, on se réveillera tard, on fêtera Noël ensemble, une
meilleure fête qui marquera certainement mes vacances.
La première étape : reprendre ma télévision, récupérer ma
console de jeux, arranger une place dans ma chambre pour
recevoir mon neveu et enfin trouver 25 ou 30 $ nécessaires à
l’achat d’une nouvelle batterie au cas où l’on ne m’enverrait
pas celle que j’attends. De la sorte, je remettrai au réparateur
de téléphone 20 dollars afin qu’il m’arrange mon deuxième
appareil.
Nous ferons plein de sorties si possible. Nous effectuerons
même un déplacement à Kisangani pour une semaine avec
mon oncle. Naturellement, sans oublier de faire des achats.
Je vais payer des t-shirts, des culottes, des caleçons, des
baskets, des sockets, des casquettes, une montre, des bracelets
et un chapelet, pour que Dieu me protège contre tout mal.
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Cette année ne sera pas facile comme les autres années, car il
y aura un brevet pour attester nos capacités dans les matières
qu’on a étudiées. Après cela, nous aurons une sortie dans le
cadre de l’école. Il nous sera permis d’accéder au téléphone à
cette occasion. J’en profiterai pour noter le numéro de certains
copains de classe, prendre des photos et des vidéos souvenirs,
jouer à bon nombre de jeux, me connecter sur l’Internet. Grâce
au skype, je montrerai à ma mère les vidéos, je lui présenterai
mes amis et l’on pourra discuter avec elle en privé.
Cher lecteur, j’aimerais parler de mon arrivée aux « Gazelles ».
Au début, j’étais beaucoup isolé ; mais les personnes avec
qui j’ai eu le premier contact, ce fut des filles. Certains garçons
m’ont traité de gay et moi, à mon tour, je les ai traités
d’immatures car, à la récréation, si je parlais à une fille, ils
s’excitaient tous et moi j’appelle cela, avoir un comportement
de gamin.
Ce qui m’énervait le plus, c’est le fait que si tu ne réponds
pas bien à une question du professeur en classe ou carrément,
tu te trompes, les élèves te huent. Cela décourageait. Et des
fois, on n’a pas trop envie de poser des questions au professeur
ou de répondre aux siennes.
Ce que moi, je reproche aux professeurs : il est interdit de
taper un élève car il n’est pas ton fils ni ta fille. En plus, ils
punissent quelques fois injustement.
Une chose pour laquelle je m’en veux : je n’ai pas dit la vérité
au sujet de mon ancienne école. En fait, je ne viens pas
d’Eureka, mais du Lycée Prince de Liège (Ecole Belge). Je
l’avoue maintenant de peur que le Préfet ne puisse le découvrir
et me démasquer.
La raison pour laquelle je n’ai pas dit la vérité est que,
premièrement je suis luba. Et dans ma classe les baluba sont
traités de vantards. Si je disais que je venais de l’Ecole Belge,
cela allait en rajouter.
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La croisée des Ados
C’était dur pour moi de m’adapter au système congolais. Car
cette année est ma première dans une école congolaise. Tout
est différent. Mais je suis bel et bien luba. Mes copains
oublient ceci sur les baluba : nous sommes courageux. Voilà
pourquoi, après ma mauvaise note de la première période et
ma conduite jugée mauvaise également, j’ai pris tout mon
courage. Mon père me regarde de là-haut et me protège. Je
viens à l’école pour redonner le sourire à ma mère car malgré
les nombreuses fois où elle m’a insulté, puni, privé de dormir
dans la maison et de passer la nuit dehors, je l’aime et je
veux faire son honneur.
Ce qui me préoccupe encore, dans ma classe, c’est le fait que
mon voisin, Iyembela Ephraïm est absent depuis des
semaines. Avec près d’un mois de retard dans tous les cours,
comment va-t-il se rattraper ? Le système dans ma classe,
c’est la solidarité : ne jamais dénoncer quelqu’un qui agit
mal. Si tu oses, toute la classe te détestera, ne te parlera pas.
Au contraire, tout le monde te trahira, même les filles.
Imaginez un peut-être seul contre trente-neuf élèves !!!
Le professeur que je plains le plus, c’est celui de musique.
Personne n’aime suivre son cours. Il ne sait pas s’imposer.
Mais maintenant que j’en prends conscience, je conseille au
professeur de chasser ou punir les élèves. Mais il ne le fait
pas. Cela me pousse à avoir pitié, car il peut être comme
mon père et j’imagine mal les élèves qui ne l’écoutent pas. Je
n’aimerai pas cela.
Nous sommes le 09 décembre 2014.
Les Mathématiques, c’est dur mais je dois m’y faire. Car, c’est
l’une des matières les plus importantes du test que l’on devra
passer en mai prochain. Je vais changer mon horaire des
vacances en plaçant les programmes d’études en priorité et en
diminuant le nombre de sorties à réaliser.
Revoir quelques notes avec ma mère car elle est très forte en
Math. Je ne mâche pas les mots, ma mère est très forte en
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Math et je pense qu’elle est la personne la mieux placée pour
m’expliquer ce que je ne maîtrise pas. Avec ses explications,
premièrement, je retiendrai pour longtemps le cours et
deuxièmement, je saurai appliquer les principes afin de
réussir.
Toutefois, j’avoue que l’étude et l’école, cela prend du temps ;
mais comme on le dit, la patience est une vertu. Puisque je
dois étudier pendant quatorze ans, pourquoi ne pas me
donner davantage pour ces quelques six mois qui restent de
cette année ?
Mine de rien, le temps passe vite, en voyant les petits de
troisième année primaire, je me dis que moi aussi j’étais
comme cela et maintenant j’ai grandi assez, je suis presque
un adolescent, capable de rendre grosse une fille. Mais ce
n’est pas cela qui importe pour l’instant. C’est d’abord mon
Dieu et moi. Tout se joue sur la crainte que l’on doit avoir de
Dieu.
Comme le dit le quatrième commandement : honore ton père
et ta mère, si je réussis, les parents sont honorés ainsi que
les enseignants, le préfet et je crois, le directeur également.
Ma fierté a aussi sa place parmi les personnes qui seront
fières pour faire du bien autour de moi. Il faut mettre Dieu
devant tous les projets. Car il n’est pas dit que pour entrer
au paradis il faut être saint ; il faut poser des actes qui plaisent
à Dieu.
Pour oublier les souvenirs, ma mère désire vendre la maison
où l’on a vécu avec notre père. Si cela vous tente, vous pourrez
la visiter. Je vous indiquerai l’adresse. Voici d’ailleurs le
numéro de téléphone de maman : 0898934289. C’est un
numéro Tigo. Je vous en prie, venez visiter et vous vous
entendrez bien avec ma mère ; car cela fait une année que l’on
cherche des clients mais personne ne se présente ! Vous serez
d’accord avec moi que l’on puisse changer d’atmosphère et se
faire de nouveaux amis.
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La croisée des Ados
Que quiconque lira mon récit soit touché par le Saint-Esprit et
sauve ma mère afin qu’elle puisse jouir de nouveau de la vie
car elle est fatiguée de se battre ainsi. Même les sœurs
religieuses n’ont pu rien faire pour la sortir de là. Je compte
sur vous.
Le 09 décembre 2014. Je m’ennuie beaucoup ces derniers
temps vu que ma sœur est dame d’honneur au mariage d’une
cousine alors qu’elle n’a aucune connaissance en danse. Je
lui apprends à danser, surtout en ce qui concerne le jeu de
hanches. Et puis, quand on finit l’entraînement, on mange
un gros fufu avec le pondu préparé par ma sœur, cordon
bleu.
Maintenant que je suis arrivé à la fin de mon histoire,
j’aimerais vous parler de ma vie amoureuse. S’il vous plaît,
permettez-moi de citer le nom de celle que j’aime mais ne le
dites pas à mes copains ; mais j’insiste, gardez-le secret : je
l’aime et je suis tombé amoureux d’elle. Elle s’appelle Vicky.
TSHIMANGA NKONGOLO Théodore
2e Secondaire
2014 - 2015.
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