Les Prairies vers 1905

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Les Prairies vers 1905
Les Prairies vers 1905
Territoire
Le sol, une grande richesse
On appelle le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta les Prairies canadiennes, car
leur territoire est possède principalement un paysage plat ou très peu ondulé,
recouvert d'herbe. Pas de montagne à l'horizon et peu d'arbres. La région des
Prairies est vaste, la plus vaste étendue de plaines au Canada. Ce territoire est divisé
en cantons. Enfin, les trois provinces sont parcourues de plusieurs cours d'eau, de
rivières ou de lacs.
Les trois provinces sont parcourues de cours d'eau, de rivières ou de lacs.
Cependant, ils sont peu nombreux. Ils sont cependant essentiels pour l’irrigation des
terres utilisées pour l’agriculture. On retrouve également une forêt-parc dans le Nord.
Cette zone est relativement petite et on y retrouve surtout des peupliers et des
trembles.
Sur la carte, tu peux constater qu'en plus des plaines, le territoire est aussi composé
de deux autres régions physiques :
Le Bouclier canadien :
Le Bouclier canadien est caractérisé par une terre rocheuse et boisée peu propice à
l'agriculture. Les montagnes Rocheuses : À la frontière de la Colombie-Britannique, la
province est bordée par les montagnes Rocheuses.
Le climat est caractérisé par des températures très chaudes en été et très froides en
hiver, c'est ce qu'on appelle un climat continental sec. Cependant, comme c'est un
territoire immense, le relief et le climat varient. Les chaînes de montagnes influence
le climat. Elles bloquent l’air humide qui provient du Pacifique. Ce vent, qu’on
appelle le Chinook, rend le climat plus doux et assèche les terres. Le climat favorise
la culture de céréales qui peuvent pousser avec peu d’eau (blé, avoine, orge).
Ressources naturelles
L'agriculture
On dit des Prairies qu'il s'agit d'une des plus importantes zones de culture de céréales
au monde, particulièrement le blé. Pour les fermiers, nul besoin de défricher la forêt
avant de cultiver, car les arbres sont rares dans les plaines. Par contre, le sol herbeux
est dur. La saison de culture est courte. Et, à certains endroits, il y a un problème
important : les précipitations sont faibles, c'est-à-dire que ces régions ne reçoivent
pas beaucoup de pluies.
L'énergie
Le sous-sol des Prairies, particulièrement en Alberta, est riche en charbon, utile pour
les chemins de fer.
Population
La plupart de la population habite le long de la frontière entre le Canada et les ÉtatsUnis et dans la région d’Edmonton et de Winnipeg. Le territoire des Prairies est
énorme. La population ne couvre donc qu’une petite partie de ce dernier. En 1901,
on compte environ 500 000 habitants. On y retrouve majoritairement des
Amérindiens et des Métis (40 000). Les Métis sont des personnes nées d’un parent
amérindien et d’un autre parent d’origine européenne. On y retrouve par ailleurs
des personnes originaires du Québec et de l’Ontario (130 000). Enfin, les immigrants
provenant des États-Unis et d’Europe sont très présents sur le territoire (170 000). Ils
sont venus au Canada avec l’intention d’obtenir une terre pour s’y établir.
En 1906, la population des Prairies est de 808 863 habitants. Le nombre d’habitants a
presque doublé en cinq ans à peine, car il n’y avait que 419 512 habitants en 1901.
La grande majorité des habitants vivent alors à la campagne. Un peu moins de la
moitié des habitants sont des immigrants, soit 364 497 personnes.
Une population très diversifié
Dans les Prairies, la population est beaucoup plus diversifiée que dans les provinces
de l'est du pays, qui sont principalement composées d'habitants d'origine française
et britannique. Ces deux groupes sont aussi présents dans les Prairies, mais leur
proportion est moindre, à cause de l'immigration.
Deux phénomènes expliquent l'augmentation de la population dans les Prairies :
1. Les migrations d'une province à l'autre
Les Canadiens les plus nombreux à s'établir dans les Prairies sont les Ontariens.
2. L'immigration
Un tiers d'Américains Les colons qui viennent des États-Unis s'intègrent facilement au
mode de vie des Prairies, car ce sont des fermiers. Ils connaissent les méthodes de
culture nécessaires au climat des Prairies, ils possèdent l'équipement et ils ont plus
d'argent que les immigrants venus d'Europe. Ils s'installent surtout en Alberta et en
Saskatchewan.
Un tiers de Britanniques Les colons britanniques étaient souvent des ouvriers, c'est-àdire des citadins qui s'adaptent plus difficilement à la vie rude de pionniers et
d'agriculteurs dans les Prairies. Mais la plupart réussirent malgré tout à s'intégrer.
Un tiers d'Européens (surtout de l'Europe de l'Est) De qui est composé le dernier tiers
d'immigrants? Des Européens, particulièrement de l'Est, mais aussi d'autres régions. On
retrouve des Allemands, des Scandinaves, des Ukrainiens, des Doukhobors, des
Autrichiens, des Islandais, des Polonais, des Russes, etc. Ce sont des immigrants qui ne
parlent pas anglais à leur arrivée.
Souvent, les immigrants ayant les mêmes origines se regroupent dans un quartier ou
un village. Ils continuent ainsi à parler leur langue maternelle, à pratiquer leur religion
et à rencontrer des gens qui ont des points en communs avec eux.
Les relations entre les différents groupes sociaux ne sont pas toujours faciles. Chaque
groupe a sa propre culture, sa propre langue et sa propre religion. Les Amérindiens
perdent graduellement leurs droits acquis par leurs ancêtres avec l’arrivée des
immigrants. Ils habitent dorénavant dans des réserves.
Les Amérindiens, les premiers habitants
Pendant très longtemps, les peuples des Premières Nations ont été les seuls à habiter
cet immense territoire. Ils étaient peu nombreux, peut-être 33 000 au début du 19e
siècle. Les Pieds-Noirs, les Cris des Prairies, les Assiniboines et les Sarsis étaient
quelques-unes des nations qui se partageaient le territoire, vivant principalement de
la chasse aux bisons.
Dans les années 1870, le gouvernement fédéral signe des traités avec les Premières
Nations des Prairies afin de s’approprier leurs terres et les rendre disponibles pour la
construction du chemin de fer et la colonisation. Les Premières Nations sont alors
placées dans des réserves.
L’arrivée des premiers Européens dans les Prairies et la naissance des Métis
C’est le commerce des fourrures qui amène les premiers Européens à s’installer dans
les Prairies. Ils établissent des postes de traite et un établissement permanent, la
colonie de la rivière Rouge. On retrouve des anglophones venus de l’Ontario ainsi
que des francophones du Québec, qui épousent des Amérindiennes et donnent
naissance à la nation métisse. Le Métis le plus connu est Louis Riel.
La réussite du peuplement des Prairies
C’est à partir de 1896 que le peuplement de l’Ouest prend véritablement son envol
avec l’arrivée de nombreux immigrants des États-Unis, de Grande-Bretagne et de
différents pays d’Europe, comme l’Allemagne, la Russie, la Pologne et les pays
scandinaves.
Pourquoi une telle réussite? Il y a plusieurs raisons qui expliquent que le peuplement
de l’Ouest prenne autant d’ampleur entre 1896 et 1914. En voici deux : dans l’Ouest
américain, les bonnes terres cultivables sont maintenant toutes distribuées; les Prairies
sont alors vues comme les dernières bonnes terres disponibles. Ensuite, l’Europe est
surpeuplée, il y a donc beaucoup de gens qui quittent pour d’autres pays, comme le
Canada.
Personnages marquants
Louis Riel
16 novembre 1905. J’ai 61 ans aujourd’hui. D’une certaine façon, je suis chanceux :
plusieurs de mes enfants et petits-enfants vivent près de moi, en Saskatchewan. Mais
je n’ai pas le cœur à la fête et je vais te raconter pourquoi. Il y a vingt ans, le 16
novembre 1885, mourait Louis Riel, un grand patriote qui a défendu les droits des
Métis dans les Prairies. Il a été pendu parce qu’un tribunal a dit qu’il était un traître.
Comme Louis Riel, je suis né dans la colonie de la rivière Rouge (dans la région de
Winnipeg aujourd’hui). Beaucoup de familles métisses y habitaient. Qu’est-ce qu’un
Métis? C’est quelqu’un qui a des ancêtres Amérindiens et Blancs. Mon grand-père
était un Blanc, francophone et catholique, qui faisait la traite des fourrures. Il a
épousé ma grand-mère, une Amérindienne. Les Métis étaient un peuple de chasseurs
de bisons. En 1905, il n’y a presque plus de bisons, ils ont été décimés.
À 14 ans, Louis Riel a été envoyé au Québec pour étudier. Il est revenu dans la
colonie au moment où le Canada a acheté les terres du Nord-Ouest de la
Compagnie de la Baie d’Hudson sans nous consulter. Riel est devenu notre chef pour
protéger nos terres et nos droits. J’ai pris part au mouvement de résistance qu’il a
dirigé et qui a mené en 1870 à la création du Manitoba en tant que province
canadienne. Nous étions contents de cette victoire.
Toutefois, avec l’arrivée de nouveaux colons blancs, beaucoup de Métis sont partis
plus loin dans l’Ouest. C’est ce que j’ai fait avec ma famille. Mais la colonisation nous
a rejoint. Et nous avons rappelé Riel, parti vivre aux États-Unis, pour qu’il nous aide à
nouveau. Sauf que cette fois, les choses ont mal fini. Riel a été fait prisonnier et il a
été condamné à mort par un tribunal hostile à notre cause. Et les Métis n’ont rien
obtenu.
Nellie McClung
Au début du 20e siècle, certains droits n’étaient pas reconnus aux femmes
canadiennes, comme le droit de voter. Des femmes vont lutter pour changer cette
situation. Nellie Letitia McClung est l’une de ces pionnières.
En 1905, Nellie a 32 ans, elle est mariée, mère de jeunes enfants et elle s’apprête à se
faire connaître des Canadiens par ses écrits, ses conférences et ses idées. C’est une «
suffragette », c’est-à-dire qu’elle lutte pour que les femmes obtiennent le droit de
voter aux élections (le « suffrage »).
Nellie est née en 1873, en Ontario. Elle déménage au Manitoba avec sa famille à
l’âge de sept ans. Elle commence à fréquenter l’école à dix ans seulement, ce qui
ne l’empêche pas de devenir enseignante à 16 ans. Lorsqu’elle épouse Robert
Wesley McClung en 1896, elle doit mettre fin à sa carrière d’enseignante.
Elle demeure cependant très active. Elle publie son premier roman en 1908 – elle en
publiera 16 au total. Et, partout où elle vit - au Manitoba, en Alberta ou sur l’île de
Vancouver - elle poursuit son implication dans une cause qui lui tient à cœur : le droit
de vote des femmes. Par exemple, elle fonde plusieurs organismes : une ligue pour
l’égalité politique à Winnipeg, la Fédération des instituts féminins au Canada et
l’Institut des femmes d’Edmonton. À partir de 1929, si les femmes peuvent désormais
être admissibles au Sénat, c’est en partie grâce à elle et à quatre autres femmes.
Jusqu’à sa mort en 1951, elle reste active comme écrivaine, conférencière (au
Canada, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne) et politicienne (elle est députée
provinciale d’Edmonton de 1921 à 1926).
Le savais-tu?
Le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta sont les premières provinces canadiennes
à octroyer le droit de vote aux femmes en 1916. Le Québec n’accordera ce droit
aux femmes qu’en 1940.
Clifford Sifton
Peu de temps après la Confédération, le gouvernement fédéral prépare un plan
pour faire du Canada un pays uni et fort. Selon lui, il faut :
1. Relier tout le Canada d’est en ouest par un chemin de fer.
2. Peupler l’Ouest grâce à ce chemin de fer.
3. Protéger les industries canadiennes de la concurrence étrangère.
Le chemin de fer est construit et une solution est trouvée pour protéger les industries,
mais le Canada ne réussit pas à attirer beaucoup d’immigrants ou de colons des
autres provinces pour aller s’établir dans les Prairies. Un homme contribue toutefois à
changer cette situation : Clifford Sifton.
Né en 1861 en Ontario, Clifford Sifton vit au Manitoba depuis 1875. Nommé ministre
dans le gouvernement de Laurier en 1896, l’immigration et la colonisation des Prairies
font partie de ses responsabilités. Il croit à un peuplement agricole dans cette région
et il déploie beaucoup d’énergie jusqu’en 1905 pour faire venir des immigrants,
particulièrement des États-Unis, mais aussi de Grande-Bretagne et de pays d’Europe
de l’Est. Il souhaite attirer des fermiers et non des gens qui iront s’établir dans les villes.
« The last best West » ou le dernier meilleur endroit à l’Ouest
Que fait-il pour attirer des colons? Il lance une grande campagne de publicité qui
vante les terres agricoles de l’Ouest et qui offre des terres gratuites (les homesteads)
aux colons qui viennent s’y établir. Des brochures sont distribuées dans différents
pays, des annonces sont publiées dans les journaux, des conférences et des voyages
promotionnels sont organisés et, finalement, des agents sont engagés pour aller à
l’étranger faire la promotion de l’Ouest. On ne fait toutefois pas mention du froid et
de la neige, pour ne pas décourager les colons potentiels.
En 1905, lorsque Clifford Sifton quitte son poste de ministre, on peut affirmer qu’il a
réussi son pari de peupler les Prairies grâce à son énergie et à son talent
d’organisateur. Il a contribué à changer le visage du Canada.
Groupes sociaux
Ceux qui ne vivent pas de l'agriculture
Tous les habitants ne sont pas des agriculteurs dans les Prairies, bien que ce soit là le
groupe le plus nombreux. On retrouve aussi des éleveurs et des ouvriers en nombre
assez important.
Les éleveurs
Les propriétaires des ranchs sont en général des hommes d’affaires venus des
provinces de l’Est, comme l’Ontario, ou de Grande-Bretagne. Parfois, les terres leur
appartiennent, mais souvent elles sont louées. Les conditions de vie des éleveurs sont
généralement meilleures que celles des fermiers. Ils s’installent souvent près d’une
rivière, avec des arbres tout près. Leur maison est donc en bois. Avec leurs troupeaux,
ils peuvent toujours avoir de la viande pour les repas.
Les ouvriers
En 1905, les Prairies sont moins urbanisées et industrialisées que le Québec, mais on
compte tout de même plusieurs usines et manufactures. Les ouvriers représentent
donc un groupe important dans les villes des Prairies, particulièrement à Winnipeg.
Les compagnies de chemins de fer sont un des principaux employeurs, mais on
retrouve aussi des travailleurs et des travailleuses dans l’industrie du vêtement, dans
les métiers de la construction ou dans l’industrie métallurgique par exemple. Leur
situation est semblable à celle des ouvriers dans les villes du Québec.
Le savais-tu?
C’est à Winnipeg qu’il y a eu la plus grande grève générale au Canada au début du
20e siècle. En 1919, durant six semaines, plus de 30 000 travailleurs ont fait la grève,
paralysant du même coup toute la ville. Les employeurs de la ville refusaient de
négocier avec les syndicats. Il a fallu une intervention musclée de l’armée pour
mettre fin au conflit.
Les fermiers
Les fermiers constituent le groupe le plus nombreux dans les Prairies. La majorité des
fermes sont petites en 1905. Et comme la plupart des colons sont installés depuis peu
de temps, les maisons sont souvent modestes : la charpente en bois est recouverte
de mottes d’herbes – oui, tu as bien lu, des mottes d’herbes, car souviens-toi, les
arbres sont rares dans la prairie. Les mottes formaient un matériau résistant qui faisait
un peu comme des briques, sauf qu’elles attiraient les insectes et protégeaient mal
de la pluie.
Quand les fermiers s’installent sur leur homestead, ils doivent d’abord défricher. Au
nord, ils défrichent la forêt, mais dans la prairie, il n’y a pas d’arbres à couper. Il faut
quand même défricher la terre, et ne crois pas que c’est plus facile, même avec une
charrue d’acier, car le sol herbeux est très dur. Les fermiers se procurent aussi des
animaux : des chevaux, des bœufs, des vaches, des porcs, quelques moutons et des
poules.
Les premières années sont souvent difficiles, mais après, la situation s’améliore : les
fermiers se construisent des maisons plus solides, ils achètent de la machinerie
agricole, comme une charrue et une moissonneuse-lieuse. Ils peuvent aussi acheter
des terres voisines pour cultiver une plus grande surface. Les fermiers vivent toutefois
dans la crainte des catastrophes naturelles. Le feu, la sécheresse, les vents chinook –
en été ou en hiver –, le gel ou la grêle peuvent tous anéantir les récoltes.
Vie quotidienne
Winnipeg, une ville bien de son temps
Quand on pense aux Prairies, on pense surtout au paysage de plaine et à
l’agriculture. Pourtant, les villes s’y développent aussi. Une ville se distingue en 1905 :
Winnipeg. Le chemin de fer du Canadien Pacifique y compte beaucoup
d’installations (gares, ateliers, etc.) et contribue à son développement. À peu près
tous les immigrants qui s’installent dans les Prairies passent par Winnipeg. La ville
devient la porte d’entrée des Prairies.
En 1906, sa population est de 90 153 habitants (à peu près comparable à la ville de
Québec à la même époque). La majorité des habitants sont anglophones. La ville est
toutefois coupée en deux par le chemin de fer : au sud, habite la population
d’origine britannique, qui occupe des emplois mieux payés et, au nord, se trouvent
les immigrants venus d’Europe, plus pauvres.
Winnipeg est la métropole des Prairies. C’est une ville bien de son temps avec des
tramways électriques, des rues parcourues de poteaux et de fils de téléphone et
d’électricité, une université, des parcs, une bibliothèque publique, des commerces et
des industries. On peut y trouver des hôtels, des restaurants, des écoles et des
boutiques.
Winnipeg connaît donc des problèmes semblables à ceux d’autres grandes villes,
comme Montréal. Par exemple, les systèmes d’aqueduc et d’égout ne sont pas très
efficaces. L’eau et le lait contiennent souvent des bactéries, causant des maladies,
particulièrement chez les enfants.
D’autres villes se développent vers 1905 dans les Prairies, comme Edmonton, Calgary
et Regina, mais elles sont de moindre importance.
Vivre sur un grand territoire, en campagne
La majorité des immigrants s’installent en milieu rural puisque le climat est plus
favorable et que le chemin de fer est accessible facilement. Lorsque les immigrants
arrivent sur le territoire, ils ont peu de choses avec eux : des effets personnels et
quelques outils. Ils doivent tout construire. Les conditions de vie ne sont donc pas
idéales. Les voisins sont éloignés et le climat est difficile (été chaud et hiver froid). Les
gens s’entraident donc énormément et se regroupent en petites communautés.
Je m’appelle Edmond, je suis né au Québec, j’ai 42 ans et j’habite maintenant
Beaumont, en Alberta. Tu connais cet endroit? C’est à quelques kilomètres au sud
d’Edmonton. C’est une petite colonie francophone qui a à peine dix ans en 1905.
Comment fait-on pour vivre sur un si grand territoire? Il faut d’abord savoir qu’on ne
peut pas s’installer n’importe où dans les Prairies. Le territoire a été découpé comme
une grille : d’abord en grands carrés, appelés cantons – ces cantons sont différents
de ceux du Québec, plus rectangulaires –, puis chaque canton a été divisé en 36
sections et chaque section à nouveau coupée en quatre parties de 160 acres. La
terre qu’un colon reçoit équivaut à la plus petite partie, on l’appelle un homestead.
En général, les colons s’installent sur un homestead et se regroupent, souvent selon
leur origine ou leur langue, autour d’une église ou du magasin général par exemple.
À Beaumont, l’église Saint-Vital est au cœur de notre petite communauté. Nous
sommes plusieurs familles canadiennes-françaises à y vivre. Depuis peu, nous avons
un nouveau prêtre, il semble très dynamique et bien décidé à faire venir d’autres
familles dans la région. Une fois installés, nous oublions un peu ces immenses plaines
aperçues pendant le voyage. Qu’est-ce qui nous a attiré ici? Les terres fertiles. Mais
ne t’imagine pas que c’est facile tous les jours. La culture ici est différente du Québec
à cause des terres et du climat. En arrivant, j’ai dû construire une cabane pour ma
famille. Maintenant que ma terre commence à être très productive et que je pense
à vendre mes surplus au marché, je vais pouvoir me construire une maison plus
grande et plus solide.
Réalités culturelles
Une région multiculturelle
Ce qui fait la particularité de la colonisation dans les Prairies, c’est l’arrivée
d’immigrants de plusieurs origines ethniques, que l’on ne retrouve pas au Québec à
la même époque, sauf à Montréal. La population multiculturelle y est plus importante.
Alors qu’au Québec, en 1901, il n’y a que 2 % de la population qui n’est ni d’origine
française ni d’origine britannique, cette proportion est beaucoup plus importante
dans les Prairies : entre 20 et 25 %. Les colons d’origine britannique constituent
toutefois le groupe le plus nombreux, alors que les francophones ne sont qu’une
toute petite minorité.
Différentes raisons amènent les immigrants à quitter leur pays. Des mennonites se sont
installés au Manitoba dès 1874 pour protéger leur culture et leur religion menacées
par le gouvernement russe. En 1905, beaucoup d’entre eux vont vivre en
Saskatchewan et en Alberta. Les doukhobors ont aussi fui la Russie, car ils n’étaient
pas bien traités à cause de leurs croyances religieuses. Les Ukrainiens, eux, ont été
attirés par les terres gratuites. Dans leur pays, la situation était difficile à cause du
surpeuplement et des mauvaises récoltes. Ils sont 170 000, des paysans pour la
plupart, à s’installer au Canada entre 1891 et 1914.
Tous ces différents groupes ethniques ont toutefois tendance à ne pas se mélanger, à
former de petites communautés homogènes, contrairement à ce qui se passe aux
États-Unis. Par contre, l’anglais est la langue officielle des gouvernements des
provinces des Prairies. Dans certaines provinces, on permet pour un temps
l’éducation dans la langue des immigrants (français, ukrainien, allemand), mais on
impose peu à peu l’anglais. Au Manitoba par exemple, on adopte en 1916, une loi
qui fait de l’anglais la seule langue officielle de l’éducation. En imposant ainsi
l’anglais, on espère que les communautés culturelles s’intègrent plus facilement à la
société canadienne-anglaise.
Alors qu’au Québec le français et l’anglais sont les langues parlées par plus de 95%
de la population, dans les Prairies, la situation est tout à fait différente. En fait, il
faudrait parler plusieurs langues pour se faire comprendre peu importe où l’on se
trouve dans les Prairies.
En effet, bien qu’au début de la colonisation des Prairies le français était la langue la
plus parlée, son influence a diminué au fil des ans. Les nouveaux arrivants parlaient
anglais, puis d’autres langues comme le russe, l’allemand, le polonais, etc.
Puisque les communautés étaient isolées et souvent éloignées les unes des autres, il
n’était pas nécessaire d’apprendre une autre langue pour se faire comprendre dans
sa localité.
Divertissements
On retrouve des foires agricoles dans lesquelles il y a des rodéos, des manèges, de
concours d’habiletés de cow-boys…
Agriculture, commerce et industries
Le commerce et l'industrie
Tous ne travaillent pas sur une ferme ou un ranch dans les Prairies en 1905, bien que
ce soit là l’occupation d’une majorité. Certains colons trouvent aussi du travail dans
les camps de bûcherons ou les chantiers de construction ferroviaire pour se ramasser
un peu d’argent afin de mieux s’établir.
Mais il faut aussi d’autres activités économiques pour qu’une société fonctionne et se
développe. Les commerces, par exemple, fournissent les différents services
nécessaires aux colons et aux éleveurs. On retrouve d’abord le magasin général, un
incontournable pour se procurer ce que la terre ne peut produire. Puis, il y a le
bureau de poste qui permet aux habitants d’une communauté de rester en contact
avec l’extérieur, par exemple la famille restée au loin, ou de recevoir les achats
commandés par catalogue. Ensuite, une multitude de commerces et d’industries se
greffent à ce noyau : le moulin à scie, la forge ou la succursale bancaire par
exemple.
Puis, en lien avec l’agriculture et l’élevage, un lot d’industries se développe dans les
Prairies : les abattoirs et les tanneries, près des ranchs; les moulins à farine et les
élévateurs à grains, près des fermes.
Les Prairies sont moins industrialisées que le Québec et l’Ontario. Ces deux provinces
fournissent en effet beaucoup de biens de consommation aux colons des Prairies,
grâce au réseau de chemins de fer. Winnipeg est le centre manufacturier le plus
important des Prairies. L’industrie ferroviaire y emploie beaucoup de travailleurs.
L'élevage et les ranchs
Pendant très longtemps, dans les Prairies canadiennes, les bisons se trouvaient par
dizaine de millions. Presque toutes les parties de l’animal étaient utilisées, pour se
nourrir, se vêtir ou se fabriquer différents objets. Avec la colonisation et la construction
du chemin de fer dans les Prairies, les bisons ont pratiquement tous été éliminés.
L’élevage du bétail, comme le bœuf, est venu remplacer le bison à la fin du 19e
siècle, particulièrement en Alberta, mais aussi en Saskatchewan. L’endroit est propice
à l’élevage avec de bons pâturages pour le bétail. Des éleveurs possèdent des
ranchs avec des troupeaux de plusieurs centaines de bêtes. Ils sont nombreux à
réussir en exportant le bétail vivant ou la viande congelée, par bateaux frigorifiques,
en Grande-Bretagne ou aux États-Unis.
L'agriculture à la base de l'économie
Au début du 20e siècle, la région des Prairies se peuple et l’agriculture se développe.
En quelques années, le blé devient la base de l’économie des Prairies. En 1900, c’est
le plus important produit d’exportation du Canada, destiné surtout aux marchés de
la Grande-Bretagne et des États-Unis. De 1896 à 1911, le nombre de boisseaux de blé
exportés passe de 8 à 75 millions.
Le travail des agriculteurs est exigeant. Ils doivent labourer les champs et faire les
semences tôt au printemps, après la fonte des neiges. Dès la fin de l’été, ils
procèdent à la moisson : le blé est fauché et les épis attachés en gerbes. Ce travail
est facilité par les moissonneuses-lieuses mais demeure difficile. Les gerbes sont
ensuite apportées à la batteuse qui extrait le grain. Puis, les fermiers vont porter leurs
grains à l’élévateur le plus près. Des élévateurs à grains sont construits tout le long des
voies ferrées, car il faut acheminer les céréales vers les grands ports canadiens et
américains, dont Montréal.
L’agriculture des Prairies, pratiquée dans une région semi-aride recevant peu de
pluie, est différente de celle des provinces de l’Est. On préconise un labour léger pour
garder l’humidité des sols, puisqu’ils ne reçoivent pas beaucoup d’eau, ainsi que la
jachère, c’est-à-dire qu’une partie des terres est cultivée et l’autre partie est laissée
en repos pour qu’elle se régénère.
Gouvernement
Trois provinces qui s'organisent
Nous parlons souvent des Prairies comme s’il s’agissait d’un tout, mais elles sont en fait
constituées de trois provinces différentes : le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta.
Elles ont toutefois plusieurs points en commun. En voilà un : au moment de la
Confédération - lorsque l’Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse et le NouveauBrunswick se sont unis pour devenir un pays -, elles n’existaient pas encore. Les Prairies
étaient alors un territoire qui appartenait à la Compagnie de la Baie d’Hudson.
Le gouvernement canadien achète cet immense territoire en 1869, sans consulter ses
habitants. Les Métis de la colonie de la rivière Rouge (dans la région de Winnipeg
aujourd’hui) se regroupent alors autour de Louis Riel pour faire valoir leurs droits
auprès du gouvernement fédéral. Après une résistance armée, ils obtiennent la
création de la province du Manitoba en 1870. Elle devient la cinquième province du
Canada, fonctionnant de la même façon que les quatre autres provinces, avec un
parlement provincial et des députés qui siègent au parlement fédéral à Ottawa. Mais
le Manitoba est alors une minuscule province. C’est en 1912 que son territoire est
agrandi avec les frontières qu’elle a encore aujourd’hui.
Lors de la création du Manitoba, c’est donc une toute petite portion des Prairies qui
devient une province, tout le reste du territoire continue d’être dirigé uniquement par
le gouvernement fédéral à Ottawa. Avec l’augmentation de la population, les
habitants estiment qu’ils ne sont pas toujours bien entendus du gouvernement
fédéral, car ils n’ont pas de députés qui les représentent. Ottawa est bien loin d’eux.
C’est en 1905 que le gouvernement de Wilfrid Laurier acquiesce au souhait de la
population et crée deux nouvelles provinces, la Saskatchewan et l’Alberta, 35 ans
après la création du Manitoba. Elles ont alors les mêmes frontières qu’aujourd’hui.
En 1905, les trois provinces des Prairies ont donc un fonctionnement politique
semblable à celui du Québec.
Transport et communication
Le chemin de fer transcontinental est essentiel à la colonisation des Prairies. On dit
transcontinental parce que le chemin de fer traverse le pays (et donc le continent)
d’est en ouest, de Montréal jusqu’à Vancouver. Avec ses connections jusque dans
les provinces maritimes, le chemin de fer relie l’Atlantique au Pacifique. Il parcourt
donc toutes les Prairies. C’est en 1886 que le Pacific Express effectue son premier
voyage transcontinental en six jours seulement.
Pourquoi est-il si important? Avant de répondre à cette question, rappelle-toi d’abord
qu’en 1905, les moyens de transport sont encore peu nombreux. Les automobiles sont
rares dans les Prairies. D’ailleurs, elles le sont aussi à Montréal, la ville la plus
importante du pays. Il n’y a pas encore de routes pavées : il s’agit plutôt de sentiers
dans la forêt ou la prairie. Il y a bien sûr les chevaux, effectivement indispensables
pour se déplacer dans les Prairies, mais ce n’est pas un moyen de transport très
rapide. De même, la circulation fluviale est lente et ne se rend pas partout.
Le chemin de fer maintenant. Tu devines pourquoi il permet la colonisation des
Prairies? Parce qu’il relie des régions très éloignées les unes des autres beaucoup plus
rapidement. Et il permet à un grand nombre de colons de venir s’installer dans les
Prairies. Le chemin de fer pouvait ensuite transporter le produit des récoltes des
fermiers vers les provinces de l’Est et le marché international. Les provinces de
l’Ontario et du Québec, de leur côté, pouvaient acheminer les produits fabriqués
dans leurs usines aux gens des Prairies. De nombreux embranchements ferroviaires
sont progressivement ajoutés au chemin de fer principal, qui passe par Winnipeg,
Régina et Calgary, pour rejoindre les régions plus au nord, comme Saskatoon et
Edmonton. Les gens qui habitent près d’une voie ferrée sont privilégiés : ils n’ont pas à
parcourir de longues distances pour le transport de leurs récoltes. Les autres doivent
effectuer leurs déplacements avec des attelages de bœufs ou de chevaux
nécessitant parfois plusieurs jours.
Document réalisé par Anick Bourbonnais
Références
Les textes (modifiés ou non) proviennent de RÉCITUS ou de la Vitrine pédagogique.
http://www.recitus.qc.ca/ressources/societes-et-territoires
http://vitrine.educationmonteregie.qc.ca

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