Botanic, la jardinerie qui ne rien comme les autres

Transcription

Botanic, la jardinerie qui ne rien comme les autres
Les stratégies
Très tournée vers l'environnement,
avec un actionnariat familial
depuis sa création, Botanic est
une enseigne à part dans le milieu
de la jardinerie en pleine
recomposition. Rencontre
avec Luc Blanchet, son président.
Botanic, la jardinerie qui ne
rien comme les autres
UNE ENSEIGNE QUI CULTIVE SES DIFFÉRENCES
• Un parti pris très affirmé envers
l'écologie et la naturalité (refus
des pesticides, mise en avant
du bio, omniprésence de bois issu
de filières responsables, absence
de meubles de jardin en PVC,
pas de vente de chiens et chats).
o
(M
a
22
C
• Un actionnariat familial
et stable depuis la création
de l'entreprise.
• Un fonds commun de placement
est destiné aux salariés, par
ailleurs détenteurs d'environ 5%
du capital.
'est t o u t u n s y m b o l e . A u m o m e n t
même ou Gamm vert met la main sur
son concurrent Nalod's, et alors que
Jardiland vient d'être racheté p o u r
une bouchée de p a i n par u n fonds
d'investissement luxembourgeois,
Botanic a - u n e nouvelle fois- effectué
un mouvement à contre-courant. L'enseigne a repris
il y a quelques semaines les 7,5 % de son capital
détenus par Siparex. Histoire de ne rien devoir à
personne et d'être totalement maître chez soi. Une
indépendance q u i n'est pas superflue, tant Botanic
trace un sillon q u i s'écarte souvent des standards
observés. À l'origine de l'entreprise, trois familles
d'horticulteurs savoyards (les Verdonnet, les Bouchet
et les Blanchet). Pour sécuriser leurs débouchés, ils
ouvrent une première jardinerie à Annemasse (74),
en 1977. Le réseau s'étend, adhère à Jardiland. Mais,
en 1995, pour des raisons idéologiques, une scission
s'opère: les trois familles quittent Jardiland avec leurs
douze magasins, et fondent Botanic, q u i a fait d u
c h e m i n depuis. L'arrêt de la vente de pesticides
chimiques, décidée dès 2008 pour être en cohérence
avec le respect de la nature prôné par l'enseigne, est
souvent mis en avant pour illustrer sa spécificité.
Grandir en gardant son identité
Mais ce n'est qu'un des éléments du virage environnemental pris dans les années 2000, avec l'utilisation
de bois uniquement s'il est certifié, la vente de plantes
cultivées selon des critères environnementaux exigeants
(label hollandais MPS imposé aux fournisseurs dès
2007), ou encore le développement d'une offre bio.
Bref, ce positionnement milieu-haut de gamme plaît
à une clientèle soucieuse de ce qu'elle achète, mais
tranche dans le milieu d u jardin. Patron de l'entreprise
depuis la disparition de son père Claude en 2002, Luc
Blanchet ne s'attarde pas sur les avis extérieurs, tant
sa feuille de route suffit à l'occuper. Son ambition est
de continuer à grandir, « en gardant notre identité
d'entreprise familiale et responsable. Dans notre secteur,
INTERVIEW
En dates et en chiffres
1977 Ouverture
d'une première
jardinerie «Les
Serres du Salève»,
à Annemasse
(Haute-Savoie),
par les familles
Verdonnet,
Bouchet et
Blanchet.
fait
de la franchise
Jardiland
et développement
du réseau.
1995 Les trois
familles quittent
Jardiland pour créer
l'enseigne Botanic.
1982 Intégration
2008 Arrêt de la
vente de pesticides
de synthèse.
• 65 magasins
• 330 MC
en France
(principalement
sur la façade Est
du pays),
3 en Italie
• Plus de
2000 salariés
Le CA HT en 2011
• 348 M€
Le CA HT en 2012
• 332M€
Le CA HT en 2013
Source: Botanic
A l'image du secteur, frappé
par les mauvaises conditions météo,
le chiffre d'affaires de Botanic a chuté
l'an dernier.
nous sommes d'ailleurs les seuls à avoir un fonds
commun de placement pour les salariés», ne manquet-il pas d'ajouter lors de notre rencontre, au siège de
la société à Archamps (74). Installé au pied du Salève,
la montagne qui domine la frontière franco-suisse, le
siège est à quelques kilomètres seulement des établissements horticoles Verdonnet-Bouchet, et du magasin
de Gaillard, qui sert de zone de test pour les concepts.
L'environnement encore et toujours
Des tests, l'avenir en réserve d'ailleurs u n certain
nombre, des changements étant en cours pour se
renforcer commercialement parlant. Car avec quatre
métiers (végétal, animalerie, marché bio et maisondécoration), Botanic est en concurrence avec de
multiples univers de consommation. Et doit compter
avec les aléas de la météo, qui ont perturbé les deux
derniers exercices. «Notre concept a maintenant vingt
ans. Il doit rajeunir, évoluer. Nous devons exprimer la
naturalité plus fortement, plus avant. Notre défi, c'est
de rendre visible le bien-être dans notre
magasin»,
déclare Marc Rossat Mignod, le directeur opérationnel
de Botanic, l u i aussi Savoyard. Avec toujours le souci d'apporter u n petit plus environnemental, marque
de fabrique de l'entreprise aux côtés de son ancrage 1
familial. !»
MORGAN L E C L E R C , À A R C H A M P S 1
Luc Blanchet,
« Notre ambition,
continuer
à grandir »
Luc Blanchet
PDG DE BOTANIC
LSA - Votre enseigne a beaucoup de spécificités.
Cela modifie-t-il votre façon de fonctionner?
Luc Blanchet - Nous sommes une jardinerie naturelle
source de bien-être. Notre baseline actuelle, est
d'ailleurs : «Botanic, votre jardin vous le rendra. »
La stratégie, c'est d'être différent de la concurrence
avec une vision qualitative, via nos produits et nos
services. Et l'ambition, c'est de continuer à grandir,
et ce, de deux manières. Tout d'abord en accroissant
notre nombre de magasins, ce qui se fera plutôt par
le biais de rachats, plutôt que par créations. Ensuite,
nous voulons continuer à influencer le marché en
gardant notre identité d'entreprise familiale et responsable. Prenons le métier de l'animalerie. Nous
agissons en cohérence avec nos principes. Nous
refusons de vendre des chats et des chiens, et, pour
les autres a n i m a u x , nous ne proposons que des
bêtes issues de l'élevage, pour ne pas avoir recours
aux prélèvements dans la nature.
LSA - Vous avez banni les pesticides de synthèse
en 2008, et le gouvernement vient de prendre
une mesure similaire pour toute la distribution
grand public en 2020 (loi
Labbé). Avez-vous le
sentiment d'avoir pesé sur ce
débat?
L. B. - Ce sujet ne semblait pas
être la priorité des pouvoirs p u blics, mais le législateur a tranché. N o u s étions contents et
surpris à la fois d'une telle décision et, surtout, d'une telle rapidité. Vous savez, a u m o i s de
mars, nous avons monté l'opér a t i o n «pulvérisons les pesticides» [collecte en magasins de
pesticides chimiques, en échange
de bons d'achat, NDLR]. Elle a
été plutôt mal perçue au niveau
PDG de Botanic
de la Fédération nationale m m ni
INTERVIEW
m m m des métiers de la jardinerie, mais elle a permis
de récupérer 5 tonnes de pesticides en deux weekends seulement !
LSA - Comment réagissez-vous aux mouvements
qui agitent le monde des jardineries?
Et comment Botanic se porte-t-elle?
Luc Blanchet - Il y a une concentration q u i s'opère.
Je le vois comme une opportunité, car nous entendons être u n acteur de ce mouvement. Nous regardons ce q u ' i l est possible de faire, i l n ' y a pas de
barrières. En matière d'activité, l'année 2014 est
marquée par u n bon démarrage, avec cependant u n
coup d'arrêt depuis la m i - a v r i l . Mais Botanic est
rentable, gagne de l'argent. Nous devons continuer
à croître, car les frais et les salaires montent, le coût
de l'énergie augmente. Nous sommes contraints à
voir notre chiffre d'affaires grandir, avec une croissance qui doit être rentable. Concernant notre réseau,
i l va s'étendre en 2015, avec deux ouvertures prévues
à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) et Cagnes-surMer (Alpes-Maritimes).
Le bio représente 7 à 8% du chiffre d'affaires de Botanic, qui propose une cinquantaine
d'articles à prix fixe tout au long de l'année. Ici, au magasin de Saint-Maximin, dans l'Oise.
LSA - Quelle est la répartition de vos différentes
activités, qui n'ont cessé d'évoluer?
L. B. - Nous exerçons quatre métiers différents. Le
métier de base, c'est le végétal
et le jardin, qui représente plus
« Il y a une concentration
de la moitié de l'activité. I l faut
qui
s'opère. Je le vois
être fort sur ses bases si on veut
comme
une opportunité,
les consolider. Nous devons
car nous entendons être
rendre notre p o s i t i o n n e m e n t
un acteur de ce
«jardin au naturel» plus visible,
mouvement. [...]
notamment sur le bio. Ensuite,
Nous devons continuer
l'animalerie pèse 25 % de notre
à croître, caT les frais
chiffre d'affaires. C'est u n travail
et les salaires montent,
d'adaptation de l'offre. L'aquale coût de l'énergie
riophilie, par exemple, est u n
augmente. »
marché mature, alors que les
nouveaux animaux de compagnie (rongeurs, reptiles...) se développent. Nous
testons d'ailleurs u n concept de vente sur neuf de
nos magasins. Le marché de la maison représente
10 à 15 % des ventes, avec la décoration de Noël,
le mobilier de jardin, barbecues et parasols...
LSA - Parlez-nous plus en détail
de votre dernière activité, le marché bio...
L. B. - Elle a débuté en 2008 et représente entre 7 et
8 % de nos ventes. Aujourd'hui, cet espace est installé dans 27 de nos magasins et comporte environ
4000 références, avec tout ce que l ' o n peut trouver
dans un magasin bio spécialisé, en termes d'alimentation, de produits d'entretien ou de beauté. Nous
sommes très satisfaits de ce relais de croissance.
C'est u n nouveau métier pour nous. Nous avons
d'ailleurs recruté des spécialistes d u bio chez Naturalia ou Biocoop. Le marché bio propose les «prix
Éco Botanic», une sélection de 50 produits bio de
base au prix bloqué toute l'année, pour séduire de
nouveaux consommateurs.
LSA - Êtes-vous tentés par une diversification
de votre activité, pour diminuer le risque
de saisonnalité des ventes?
L. B. - N o n . En 1977, dans le magasin ancêtre de
Botanic, nous ne vendions que des plantes. Toute
l'histoire des jardineries repose ensuite sur l'ajout
de familles de produits pour lisser l'activité. Mais
notre métier de base, c'est le j a r d i n , les activités
complémentaires travaillant avec ce flux-là.
LSA - Comment Botanic et son concept
vont-ils évoluer?
L. B. - Notre modèle, c'est le magasin plaisir, avec
une visite en famille, de la pédagogie. Depuis quatre
ans, nous avons mis l'accent sur la théâtralisation.
Mais notre concept de magasin doit changer et mettre
plus en avant la naturalité. Cela peut prendre la
forme d'ateliers... En parallèle, nous retravaillons
totalement notre M D D en ce moment, pour apporter u n plus environnemental. Ce travail portera ses
fruits en 2015. L'e-commerce existe chez nous depuis
deux ans, et cette année, nous avons lancé la livraison en points relais sur quinze magasins. Le back¬
office a aussi été amélioré pour, à masse salariale
égale, être plus présent auprès du client. Nous devons
garder en tête que le client ne vient pas chercher
un produit, mais une solution... m
P R O P O S R E C U E I L L I S P A R M. L.