Philippe Grollet: la laïcité, une utopie nécessaire

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Philippe Grollet: la laïcité, une utopie nécessaire
Editrice responsable: Eliane Deproost - CP 236 Campus de la Plaine ULB - Av. Arnaud Fraiteur 1050 Bruxelles - Bureau de dépôt: Bruxelles X - P 204036
SUPPLÉMENT NOVEMBRE 2011
Philippe Grollet:
la laïcité, une utopie nécessaire
espace de libertés
Philippe Grollet
L’homme de débats
Avant-propos
Le 21 septembre dernier, l’annonce du décès inopiné de Philippe Grollet
a laissé tous ceux qui l’ont connu abasourdis, sous le choc.
Il est une évidence, Philippe Grollet n’aimait rien
tant que débattre. La confrontation des idées le
stimulait. Parfois vif, piquant même, volontiers
provocateur, toujours déterminé, notamment
lors de ses rencontres avec les représentants
des cultes sur les plateaux de télévision ou lors
de multiples conférences.
Il laissera beaucoup plus que des souvenirs: une construction, un outil
de défense des droits de l’homme, de la liberté. Il a dessiné pour nous,
pour beaucoup, un superbe espace de libertés.
Lui consacrer ce supplément du magazine Espace de Libertés, à la
naissance duquel il participa, était une évidence.
Au fil des pages, les grandes lignes de son parcours en laïcité seront
évoquées au travers d’extraits de textes, d’illustrations ainsi que
de témoignages et hommages de ses proches et de ceux qui l’ont
côtoyé durant ses longues années d’engagement. Engagement dont il
déterminait lui-même le début en 1973, quand éclata l’affaire Peers,
alors qu’il était étudiant à l’Université libre de Bruxelles.
Et, bien sûr, la part belle sera faite aux thèmes qui lui étaient chers et
qu’il avait largement exposés dans ses écrits. C’est essentiellement lui
qui aura la parole dans les pages qui suivent.
Garder un souvenir, concentrer les témoignages, rendre hommage à cet
homme d’idées, friand de débats, ce bâtisseur d’une structure et tout
simplement à l’homme, tel est ici notre désir.
La vie est brève.
Tu n’en as qu’une.
Il n’y a rien après.
Au diable les chimères.
Philippe Grollet
1950-2011
Sommaire
3
L’homme de débat
4Laïcité: il ne suffit pas de rêver - Philippe Grollet
6
L’homme d’idées
8
Qui sommes-nous, laïques? - Philippe Grollet
10
Le bâtisseur d’une structure
13
Structurer pour progresser - Philippe Grollet
14
Philippe: l’homme
© J. Jottard
Bien sûr, point question ici d’hagiographie, il aurait détesté cela. Il
n’aurait pas aimé qu’on le statufie en «saint laïque», mais plutôt que
l’on se souvienne qu’il avait l’étoffe de «l’honnête homme» avec ses
nombreuses qualités mais aussi ses défauts.
Rappelons par exemple son premier face-à-face
historique avec Godfried Danneels, lors du débat de
«Mise au point» sur la RTBF (13/11/1994), à l’occasion de la réédition de l’ouvrage Histoire de la laïcité
en Belgique aux éditions Espace de Libertés. Dans
son compte rendu de l’émission, Jean Schouters
remarquait ainsi: «Reconnaissons qu’avec beaucoup
d’expérience, le cardinal resta serein, souriant et sûr
de lui pendant la plus grande partie du débat; vers la
fin, il perdit toutefois p eu à peu de son impassibilité
devant les critiques directes, dépourvues d’agressivité mais non de détermination dont ses prises de
position étaient l’objet.» (Jean Schouters, «Face-à-face
Danneels-Grollet», dans Espace de Libertés n°227, janvier
1995, p. 16)
© sonuma
Celui qui présida 19 ans durant aux destinées du Centre d’Action
Laïque n’était plus. À seulement 60 ans, il nous quittait en cet équinoxe
d’automne sous un ciel ensoleillé qui tout à coup s’est obscurci.
Émission «Noms de dieux» d'Edmond Blattchen, 2005.
Ce fut là la première d’une longue liste de confrontations avec
l’ancien primat de Belgique, auquel il sera encore invité par
RTL TVI à poser «la question vache» à l’occasion de l’émission de
Noël 2003: «Monsieur le Cardinal, on ne vous entend jamais formuler
la moindre critique ou la moindre réserve à l’égard des positions du
Vatican, même les plus choquantes… Cela veut-il dire que vous êtes
d’accord avec toutes… ou qu’il y a certaines vérités qu’il n’est pas bon
de dire en public?»
Le président du CAL ne faisait pas toujours l’unanimité sur le ton
de son discours, son franc-parler dérangeait parfois. Mais l’homme
avait néanmoins noué des amitiés solides par-delà les chapelles.
Il pensait en effet qu’«il ne faut en tous cas pas se tromper d’ennemi. L’adversaire n’est ni catholique, ni protestant, ni musulman,
ni religieux. L’ennemi c’est celui qui se sert de la foi des autres pour
asseoir son pouvoir. Les ennemis, ce sont ceux qui instrumentalisent
Dieu, ceux qui en font commerce, qui s’en prétendent les porte-parole
et interprètes et ce sont les intégristes de tous bords qui ne peuvent
accepter le pluralisme des convictions et la diversité des conceptions
de vie.» (Philippe Grollet, Laïcité: utopie et nécessité, coll. «Liberté, j’écris
ton nom», Labor/EDL, 2005, p. 9)
Tiré à part - Supplément gratuit
au magazine Espace de Libertés n°402,
novembre 2011
Si, malgré tous nos efforts, certains droits n’ont pu
être acquittés auprès des auteurs ou ayant droit,
nous les prions de prendre contact avec l’éditeur.
Conception: Anne Cugnon avec la collaboration de
Pierre Schonbrodt
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Éric De Beukelaer
«Nous étions en accord sur le fait que ni le catholicisme, ni la laïcité
ne devaient devenir une religion d’État et que la laïcité politique, dont
nous étions les défenseurs, voulait dire que l’État devait avoir une
neutralité. Bien sûr, nous n’étions pas toujours d’accord sur l’expression de cette neutralité. À partir de l’espace réservé alors aux citoyens,
il était tout à fait normal que les laïques aient droit d’expression
publique, tout comme il était tout à fait normal que les catholiques
disposent du même droit à condition que ce soit dans le respect de la
séparation de l’Église et de l’État.
J’ai toujours défendu l’idée que, pour peu que ce soit respectueux de la
raison, tant le croyant que l’athée ou l’agnostique apportaient à la société
une part positive de réflexion. Philippe Grollet était plutôt d’avis –quand
bien même il y avait des croyants avec lesquels il s’entendait bien– que la
croyance était toujours sur la pente glissante de ce qui était… (hésitations)
peu respectueux de la raison humaine. En revanche, cela ne nous empêchait
pas d’avoir des réflexions communes sur cette raison humaine et donc un
combat contre tout ce qui confond sciences et croyances, par exemple.»
1re Convention laïque - Gembloux, 30 novembre 1996.
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3
Philippe Grollet
Philippe Grollet
Foire du livre avec Jean Schouters et Lucette Schouters-Decroly.
Il en a parcouru des kilomètres, sillonné des routes pour donner
des conférences, participer à des débats, dans les régionales du
CAL, les Maisons de la Laïcité, les associations locales, partant
ainsi à la rencontre des laïques mais pas exclusivement.
Lors de son hommage, RENAUD VANBERGEN, ancien président du Librex,
a rappelé ainsi sa grande disponibilité: «Philippe, c’est l’ancien qui répond
TOUJOURS présent quand on a besoin de lui. Comme intervenant dans
un débat, pour un conseil, Philippe est toujours disponible pour le Cercle.
Attentif, il est aussi celui qui fait remarquer à ses successeurs, avec une petite
pique bien à lui, “qu’ils sont trop sages”, “qu’ils manquent d’impertinence”.
Il n’admet pas qu’on fasse les choses à moitié. Pour n’importe quel sujet, il a
toujours cet amour de la fronde. Cette énergie communicative. Cette force de
conviction. Cette soif d’action. Ce charisme qui force le respect!»
Passionné de communication, il prit une part essentielle à la modernisation des médias du mouvement laïque. Ainsi, c’est lui qui
trouva le nom empreint de poésie du magazine Espace de Libertés
lors de la mue du Bulletin du CAL.
Patrice Dartevelle:
1re publication
du Bulletin
du CAL sous le nom
Espace de Libertés
(n°151, juin 1987)
Couverture de
René Carcan.
«Au début, certains n’ont pas compris
pourquoi Philippe tenait tellement
à créer Espace de Libertés alors qu’il
existait déjà d’autres publications
laïques. Ces revues dans leur forme
graphique et rédactionnelle étaient
très loin de la presse généraliste et
leur philosophie ne pouvait que les
confiner dans un cercle restreint.
Philippe a donc défendu son projet
coûte que coûte pour le déléguer
ensuite à Jean Schouters et à
moi. Mais le mérite et l’idée de la
création d’Espace de Libertés lui
reviennent. Il tenait à ce que ce
nouveau magazine soit le plus professionnel possible
pour rivaliser avec les autres mensuels disponibles. Ce
qui est remarquable dans l’action de Philippe, c’est qu’il a
tout de suite intégré que la gestion de ce projet ne devait
pas se faire comme les autres. Il fallait à la fois –et c’est
ambigu, j’en conviens– imprimer une direction, contrôler
le contenu et avoir une responsabilité mais il fallait aussi
qu’il y ait une forme d’autonomie et de liberté. Philippe a,
en définitive, toujours veillé à ce que le CAL ne devienne
pas le Komintern.»
Plus récemment, en 1997, c’est encore lui qui présida à la création
du site internet du CAL. Ah, ce site internet, il le couvait et le voulait exhaustif, un véritable outil de références sur la laïcité.
Sa verve, sa rhétorique et son grand sens de la formule –les titres
de ses éditoriaux en sont un beau témoignage–, furent aussi largement mis au service de sa plume.
4 | Supplément au magazine Espace de Libertés 402 | novembre 2011
Laïcité:
il ne suffit pas
de rêver
Dans une carte blanche du journal Le Soir du
10 septembre 1994*, Marc Uyttendaele, professeur
de droit public à l'Université libre de Bruxelles,
fustige la modification de l'article 181 (ex-117)
de la Constitution.
Rappelons que cette disposition, qui fut votée en 1993 par la quasi
unanimité des chambres constituantes, étend le bénéfice de la
reconnaissance légale –et des subventions publiques– «aux organisations qui offrent une assistance morale selon une conception
philosophique non confessionnelle». L'auteur n'y va pas de main
morte puisqu'il qualifie cette réforme d'«erreur historique» et les
laïques qui y ont contribué sont, à peu de chose près, traités de
traîtres qui ont «crédibilisé et renforcé le principe même du financement des cultes par l'État».
La thèse gagnerait assurément en crédibilité si l'auteur avait précédemment brisé une lance en faveur de l'abrogation de la législation qui permet à l'Église dominante de percevoir bon an, mal an
quelques nonante-sept pour cent des quatorze milliards de francs
belges des deniers publics réservés aux cultes, indépendamment
des subsides sociaux, culturels et des budgets d'éducation.
Malheureusement nous n'avons rien lu de semblable et chacun sait
que la suppression pure et simple de l'article 181 de la Constitution, et
la cessation de toute subvention de tout culte et de toute communauté
philosophique en tant que tels, étaient et demeurent une belle utopie,
même si cette solution eut assurément rencontré l'assentiment général des laïques… et celui du Centre d'Action Laïque en particulier.
La séparation de l'Église et de l'État est et reste la première exigence de la laïcité. Ce principe implique l'abandon de toutes les
pratiques qui tendent à présenter de facto le culte majoritaire
comme religion d'État, la garantie par l'État de la sphère d'autonomie de chaque individu quant à ses conceptions philosophiques
ou religieuses, enfin l'équité et la transparence de tout système
de financement public des Églises ou des communautés philosophique, si ce financement existe.
En réalité nous sommes en Belgique très loin du compte. La place
que le protocole officiel réserve au cardinal, aussitôt après le roi,
avant les représentants de la nation, l'organisation systématique
d'offices religieux officiels, comme le Te Deum à l'occasion de la
Saint-Léopold ou de la fête nationale, les privilèges reconnus au
Vatican par notre diplomatie, les avantages financiers exorbitants et discriminatoires accordés à l'Église catholique
démontrent que si la laïcité a fait d'énormes progrès en une
ou deux générations, les mauvaises habitudes sont tenaces.
Sur le plan international la situation n'est pas meilleure, le
souvenir de la mascarade du Caire est encore dans toutes
les mémoires.
Non seulement soucieux d'une séparation effective de
l'Église et de l'État, le mouvement laïque défend également
le principe d'une société ouverte. C'est ainsi qu'il s'oppose
à la stratification de la société en «piliers» philosophiques
et politiques disposant chacun de leurs institutions, leurs
écoles, leurs banques. À une vision «libanaise» du pluralisme, génératrice de tensions, voire d'affrontements, la
laïcité oppose la défense de l'école de tous et de services
ouverts à tous.
Une AG du CAL.
C'est précisément pour illustrer cette conception de vie, pour développer le débat éthique sur les valeurs de libre examen, d'autonomie de la personne et de solidarité qui en constituent le fondement, c'est pour pouvoir offrir à tous ceux qui le souhaitent une
assistance morale qui s'inspire de ces idéaux –et non pour créer
un «pilier» supplémentaire!– et en définitive pour promouvoir une
société pleinement pluraliste, que les associations laïques revendiquent les mêmes moyens d'action que les pouvoirs publics attribuent aux cultes au nom de leur utilité sociale présumée.
L'assistance morale, selon une conception laïque, c'est une manière de répondre par le libre examen, c'est-à-dire dans le respect de l'autonomie de l'interlocuteur, sans prosélytisme, sans
préjugé et sans recours au magique ou au divin à la demande
individuelle ou collective de quiconque est à la recherche du sens
de ce qui lui arrive, à un moment quelconque de son existence.
Si nous pouvons souhaiter à nos proches et à nous-mêmes de
trouver toujours la force intérieure qui permette de nous passer
en toute circonstance de toute aide à cet égard, il serait assez
arrogant de ne pas apercevoir que cette aide peut être souhaitée
et utile dans bien des cas. L'existence d'une assistance morale
laïque, clairement identifiée, est la garantie que dans des circonstances par hypothèses délicates le demandeur sera reçu et
entendu précisément sans crainte d'embrigadement religieux ou
politique.
Évidemment, la laïcité reste un choix individuel. Individuel, mais
pas solitaire. Non Marc, tu n'es pas tout seul! La laïcité est assurément le choix de «l'indépendance de la pensée», celui du «miroir
de la conscience». Être laïque, c'est un état d'esprit. Assurément
la laïcité, c'est un choix personnel qui ne nécessite, en soi, aucune
reconnaissance institutionnelle, aucune confirmation solennelle,
aucune carte d'adhésion, ni rite ni formalité. Il y a des années que
nous le disons et l'écrivons.
tiser l'idéal laïque en actes, dans un service de solidarité, dans
un service d'assistance morale, dans une association locale ou un
cercle de réflexion, c'est le choix volontaire et spontané de celles
et ceux qui ont créé, animé et qui continuent à faire fonctionner les
associations laïques et qui ne peuvent se contenter de simplement
«rêver la laïcité» et d'«espérer le libre examen».
Le défi de la communauté laïque était de se doter d'une organisation qui n'aliène pas son essence anti‑autoritaire et sa tradition
libertaire. Les responsables sont élus à tous les nivaux du mouvement laïque. Ils n'ont pas de doctrine à imposer, ni d'instruction
à donner aux associations et aux membres qui les constituent.
Leur mandat est gratuit. Leur rôle, et celui des professionnels que
l'article 181 de la Constitution permettra de leur adjoindre, est
de proposer, d'impulser, de promouvoir, de coordonner l'action
des associations et de mettre en œuvre les projets définis collectivement… Jamais de «penser pour les autres». Il est singulier de constater qu'obsédés par le modèle totalitaire de l'Église
catholique certains éprouvent une réelle difficulté à imaginer qu'il
est possible de se structurer sans «perdre son âme». Comme
s'il n'était pas concevable qu'une organisation échappe au dogmatisme et au pouvoir personnel. C'est faire bien peu de cas de
l'ombrageuse indépendance d'esprit des laïques «de base». Tant
qu'à rêver, je préfère faire confiance à leur vigilance pour nous
préserver du risque de voir surgir demain un candidat «commandeur des incroyants».
Face à l'exclusion, à l'égoïsme, au repli sur soi, à l'abrutissement
mental, à tout ce qui menace ici et maintenant la dignité humaine,
face au formidable défi de construire une société qui demain
échappe à la barbarie, une chose est en tout cas certaine, seuls
nous ne pouvons rien. Ensemble, nous pouvons beaucoup. Et
beaucoup est à faire!
Mais se contenter d'une prise de conscience personnelle et s'en
tenir à une réflexion spéculative et de surcroît solitaire, c'est accepter que rien ne change. C'est se condamner à l'impuissance
absolue. Superbe et pure impuissance. Valoriser le libre examen,
la conquête de la citoyenneté, le respect de la diversité, c'est intéressant mais cela ne conduit pas à grand chose tant que cela
reste une belle envolée dans un article ou un discours. Concré-
Philippe Grollet
Président du Centre d'Action Laïque
Carte blanche dans le Soir du 26 septembre 1994
(*) «Une religion de trop», Le Soir, édition du 10 septembre 1994.
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Philippe Grollet
Philippe Grollet
L’homme d’idées
© sonuma
C’est aussi au cours de sa présidence que la loi dépénalisant partiellement l’euthanasie fut adoptée le 28 mai 2002 suite à de longs
débats dans le monde politique et dans la société. Elle plaçait enfin le
patient et sa volonté propre au centre du débat.
Émission «Noms de dieux» d'Edmond Blattchen, 2005.
L’esprit de cet ami de la philosophie foisonnait. Il a bien sur
abordé tous les thèmes traditionnellement laïques, mais pas
uniquement: point de frontières à la pensée, point de limites
à la réflexion, avec pour balise ultime le respect des droits de
l’homme.
«L’impartialité de l’État ne suffit pas… La laïcité politique implique
que les pouvoirs publics soient garants de la dignité de la personne et
de l’exercice effectif des droits humains.
La quête de l’autonomie comme la revendication des droits de
l’homme sont aujourd’hui le “programme commun” de tous les
démocrates, qu’ils se réfèrent à des conceptions athées ou religieuses. La quête de l’autonomie suggère évidemment un projet
de société où la personne, en tant qu’individu, occupe une place
centrale. Cette quête sans fin implique notamment une décléricalisation réelle de l’espace public.
Éliane Deproost
«Le plus important c’était la large place que Philippe réservait aux sujets
relativement tabous. Je pense à la façon dont il envisageait la question de
l’antiprohibitionnisme en matière d’assuétude et de drogue. Il défendait
également, tout comme le conseil d’administration du CAL, une alternative à
l’enfermement. Pour lui, c’était évident qu’il fallait commencer par sortir les
détenus qui n’ont pas leur place en prison avant de remplir celles-ci. C’était
un homme vraiment libre qui n’avait pas de tabou dans les débats que les
laïques devaient mener et ça, c’est le plus beau cadeau qu’il nous laisse.»
Mais les droits de l’homme ne peuvent être réduits à la seule
(essentielle) revendication d’autonomie. La liberté de chacun se
nourrit de la liberté de tous et la quête aveugle de l’autonomie
sans souci d’égalité et de solidarité est aussi liberticide à terme.
En d’autres termes, la revendication d’autonomie ne peut servir
de paravent à l’individualisme forcené, au repli sur soi, à l’égoïsme institutionnel et au matérialisme (non pas dans son noble
sens philosophique, mais dans son acception vulgaire de course
à l’avoir facile).» (Laïcité: utopie et nécessité, p. 42)
En matière éthique, il défendait des points de vue audacieux
notamment sur la question des drogues. La position du CAL en
la matière n’aurait sans doute pas été tout à fait la même sans
son implication dans ce dossier.
Comment ne pas évoquer aussi la bataille pour le droit à l’avortement, élément déclencheur de son engagement et qu’il a poursuivie durant ses différents mandats. Ainsi, en 1990, le CAL réagit très fermement suite au refus de Baudouin Ier de signer la
loi Lallemand, Herman-Michielsens dépénalisant partiellement
l’avortement. Cette autre «affaire royale» lui inspira un éditorial fougueux intitulé «Le cas de conscience du roi ou la liberté de
réprimer», dont voici un extrait: «Le roi qui plaide pour sa propre
liberté de conscience (qui jamais ne fut compromise) ne peut tolérer que les femmes et les médecins confrontés à des situations
parfois tragiques agissent aussi en conscience. Car la question est
bien là ! La loi Lallemand/Herman-Michielsens ne favorise l’avortement en aucune manière. Elle ne contraint personne à y recourir.
Elle n’oblige personne à modifier ses conceptions morales sur la
question. Simplement elle met fin à la répression des femmes et
des médecins qui ont pris leurs propres responsabilités face à une
situation de détresse.» (Espace de Libertés, n°181, mai 1990).
© Patrick Acken
«Ce qui a conduit (après combien d’années?!) à une loi de dépénalisation de l’avortement en France, puis en Belgique, est le constat
qu’il n’existait plus le moindre consensus social pour considérer
que le principe abstrait de la vie d’un embryon (une personne potentielle mais point encore une personne) était supérieur à la liberté de
la femme (au premier chef et du couple le cas échéant) de décider
de mettre un enfant au monde, avec toutes les responsabilités que
cela implique pour offrir à l’enfant à naître les meilleures conditions
d’épanouissement avec, pour commencer, la reconnaissance de son
statut d’enfant désiré.» (Laïcité: utopie et nécessité, pp. 72-73)
«La laïcité politique est l’alliée des religions, tant que celles-ci
restent respectueuses de la liberté de conscience des autres familles
de pensées et concourent à une recherche du sens et à la cohésion
sociale. Mais elle leur devient adversaire quand ces mêmes religions
versent dans le dogmatisme, l’intégrisme ou le fondamentalisme et
prétendent imposer à la société entière leurs doctrines et leurs interdits, portant atteinte à la liberté de pensée, d’expression ou à l’exercice de modes de vie différents des siens.
De même, la laïcité politique et les religions entrent en conflit quand
les religions entendent interférer dans le domaine scientifique en faisant, par exemple, obstacle à l’enseignement généralisé de l’évolution
ou en prétendant placer la vision créationniste sur un plan d’égalité
avec les démonstrations scientifiques portant sur l’origine de l’univers,
des espèces animales et leur évolution, jusqu’à l’apparition de l’espèce
humaine.» («Laïcité et religions», un éditorial pour la Revue Médicale de
Bruxelles, sept.-oct. 2006, volume 27 n°5, p. 417)
On ne peut évoquer Philippe Grollet, sans parler de certains thèmes
qui lui étaient chers et notamment celui de la réhabilitation du plaisir.
«Faut-il réhabiliter le plaisir dans une société où tout ne serait en
apparence que licence, permissivité, course effrénée aux plaisirs immédiats et factices? Il faut, je pense, trouver un équilibre entre deux
attitudes finalement aussi perverses l’une que l’autre: d’un côté la
vision chrétienne classique qui dévalorise le corps et le plaisir surtout sexuel (ce dernier n’étant licite que pour autant qu’il concoure à
la procréation), d’un autre côté la course aux sensations (trop longtemps condamnée au nom de Dieu et brutalement instrumentalisée
au nom du Fric)…
Avec Léo Ferré.
Le paradoxe étant que l’interdit bête et brutal, dont l’Église et la Mosquée ont été et resteront encore en grande partie les gardiens tartuffes, fait le lit de très graves dérives. C’est en refusant d’aborder la
vie sexuelle et affective avec simplicité et franchise et en entourant
le sexe d’une chape de secret qu’on favorise la pédophilie et les violences sexuelles. Tandis qu’à l’autre extrême, l’abolition des limites
et la surabondance des stimuli, la recherche débridée des sensations
plus fortes et plus intenses, encore épicées par tout l’arsenal pharmaceutique licite et illicite, finit par tuer le plaisir.
Or c’est bien le plaisir qui mérite réhabilitation, pas l’étouffement du
plaisir dans la malbaise. Comme chacun sait, la pornographie tue
l’érotisme et le désir par écœurement et overdose. On ne lutte ce-
Pierre Galand
«Ce qui caractérisait son combat, c’était son souci permanent de piloter un projet d’une laïcité qui reposait sur deux piliers: la séparation des Églises et de l’État
et surtout la façon dont on pouvait faire progresser ce débat dans ce pays grâce
à des lois ou des initiatives publiques. Il pensait aussi que le mouvement laïque
pouvait défendre une vraie conception de la vie, c’est le pilier philosophique de
la laïcité auquel il était fort attaché. Une conception à l’égard de laquelle l’État
doit adopter une neutralité sans failles. C’est le droit de croire ou de ne pas
croire, s’empressait-il souvent d’ajouter. C’est cela qui l’animait profondément
et qui le poussait à la confrontation avec les religieux.»
pendant pas contre la pornographie par l’interdit, pas plus d’ailleurs
qu’on n’apporte une solution à l’abus de substance psychotrope par la
prohibition. Dans l’un et l’autre cas l’éducation doit permettre d’agir
en adulte responsable et de trouver un équilibre qui épanouisse.»
(Laïcité: utopie et nécessité, pp. 53-54)
Philippe Grollet était de ceux qui regardent la mort en face. Il ne
s’interrogeait pas moins sur le sens à donner à l'existence.
«La mort d’un proche nous renvoie nécessairement à notre propre mort.
La mort nous renvoie à notre impuissance à la vaincre et à l’absurdité de
tout ce que nous pouvons dire, penser ou croire face à cette fin inéluctable, définitive et sans appel. Ceux qui n’ont pas la consolation d’imaginer
une improbable résurrection et que la perspective de retrouvailles dans
un autre monde laisse complètement incrédules, en sont à affronter cette
tragédie sans faux-fuyants. Mais quel sens a donc cette vie, toujours trop
courte, toujours si incomplète? Quel sens a donc cette vie promise à l’arrachement?
Pour un libre penseur, le sens de la vie n’est pas à rechercher dans une quelconque transcendance. Le sens de la vie n’est pas imposé. Il n’est pas donné
non plus. Le sens de la vie est celui que l’homme, que la femme, se choisit.
Le sens de la vie réside en ce que chacun peut donner et recevoir. Et particulièrement ce qu’il peut donner. Donner à ses proches, à la compagne ou au
compagnon de sa vie, à sa famille, à ses amis et, s’il le peut, à la cité. Et quand
la mort est là, pour ceux qui restent, il y a bien sûr la terrible déchirure, la blessure cruelle de la perte. La nécessité d’accepter qu’il faille poursuivre la route
sans la présence du disparu, sans son affection, sans son sourire, sans ses
avis, sans ses conseils, sans toutes ses qualités et même sans ses défauts qui,
à ce moment-là, paraissent évidemment dérisoires. C’est aussi le moment de
méditer sur le sens que le disparu
a voulu donner à son existence. Le
moment de prendre conscience de
tout ce qu’il a pu donner et qui restera. Tout ce qui restera, non pas
coulé dans le bronze ou gravé dans
le marbre. Tout ce qui restera bien
vivant dans nos pensées et dans nos
cœurs. Mais il n’est pas nécessaire
d’attendre la mort d’un proche ou
d’envisager la proximité de sa propre
mort pour se poser la question du
sens de sa propre existence. Se
poser la question et y répondre. Par
une réponse personnelle… .» (Laïcité:
utopie et nécessité, pp. 57-78)
Au creuset de toutes ses réflexions, Philippe Grollet avait
à cœur d’expliquer ce qu’était
la laïcité, outil, cheminement,
projet individuel et collectif, et
le faisait à loisir.
Avec Roger Lallemand - Résidence Palace, 2002.
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Philippe Grollet
Philippe Grollet
Qui sommes-nous, laïques?
dements non confessionnels sont étrangers à toute référence divine, surnaturelle ou transcendante.
Dans ce second sens, à la fois plus large (puisqu'il implique plus qu'une «simple» exigence de séparation de
l'État des Églises) et plus étroit (puisqu'il n'a pas vocation
à concerner la totalité des citoyens, à moins de considérer
stupidement que l'aphorisme nietzschéen «Dieu est mort»
serait en passe de conquérir à bref délai la généralité de
nos contemporains).
Manifestation contre l’extrême droite – Bruxelles, 2004.
La laïcité politique
L'État laïque est celui qui réalise une séparation effective entre
l'espace public et ses institutions (qui sont le patrimoine commun) et les Églises et convictions religieuses ou philosophiques
diverses (qui relèvent de la sphère privée des citoyens). Il est
le seul à garantir l'égalité des citoyens quelles que soient leur
conviction et l'impartialité du pouvoir en cette matière. Il est le
seul garant d'une entière liberté de conscience, d'une liberté
de pensée… et de religion. Il s'ensuit que la défense du principe
de laïcité de l'État et des pouvoirs publics n'est pas l'apanage
des agnostiques et des athées puisqu'à proprement parler, il
n'y a pas de liberté de religion en dehors de l'État laïque.
Dès que l'État se qualifie explicitement ou implicitement de catholique, d'islamique, de chrétien, de juif ou de tout ce qu'on voudra
(cela vaut aussi pour l'appropriation athée de l'État qui est aussi
antilaïque que l'État théocratique), il réduit à la sous-citoyenneté
toutes les minorités qui ne professent pas la confession officielle…
et même ceux qui, tout en appartenant à la religion majoritaire,
prétendent y défendre un point de vue marginal ou dissident.
En réalité aucune démocratie n'est possible sans laïcité politique et cette exigence est commune à tous les démocrates
qu'ils soient libres penseurs, chrétiens, musulmans, israélites.
Dans ce sens-là, la laïcité n'est donc pas un sous-groupe de la
société qu'il conviendrait de «reconnaître» au même titre que les
autres sous-groupes que sont les catholiques, les protestants,
les musulmans… mais un principe d'organisation de la chose publique fondé sur une vision universelle de la société.
C'est dans cette acception-là que nous utilisons le terme
«laïque» quand nous nous définissons à titre individuel
ou lorsque nous nous reconnaissons en tant que «communauté philosophique non confessionnelle». Cette
conception de vie implique non seulement l'émancipation à l'égard de nos traditions religieuses et de leurs
archaïsmes, mais surtout l'adhésion à un ensemble de
valeur positives: humanisme, libre examen, altérité, conquête de
la citoyenneté, émancipation, autonomie, quête du bonheur, réhabilitation du plaisir, capacité de révolte, exigence de justice… avec
lesquelles nous tentons de construire une éthique étrangère à
toute référence transcendante.
Cette conception de vie n'est pas une «religion en creux», puisque,
loin de se limiter à une simple approche athée ou agnostique (à
laquelle pourraient aussi souscrire des nazis !), elle comporte essentiellement un impératif humaniste et une dimension éthique. En
un mot, une préoccupation sur le sens que nous pouvons donner à
notre existence et à notre action. Non pas une recherche d'un sens
prétendument préexistant et abstrait (divin ?) mais la construction
laborieuse de notre propre sens (jamais trop humain !).
Cette laïcité relève-t-elle d'une spiritualité humaniste consistant à
la limite en un «réaménagement idéaliste du religieux» fustigé par
Édouard Delruelle* ou d'une conception essentiellement matérialiste, le débat reste ouvert et fécond et je ne pense d'ailleurs pas
qu'il puisse être définitivement tranché.
Ce qui est en tout cas certain, c'est que la laïcité en tant que
conception philosophique non confessionnelle n'est pas susceptible d'«institutionnalisation», puisqu'à l'évidence des hommes et
des femmes qui partagent avec nous la même exigence de démocratie politique et de pluralisme ne partagent pas forcément
La laïcité philosophique
Mais dans un autre sens, le même mot «laïcité» vise non plus
seulement une exigence d'impartialité et de parfaite indépendance des pouvoirs publics à l'égard des convictions religieuses
ou philosophiques, mais aussi une conception de vie dont les fon-
8 | Supplément au magazine Espace de Libertés 402 | novembre 2011
toutes nos valeurs et en tout cas ont une vision différente
(confessionnelle) du fondement de ces valeurs. Mais
nous exigeons que cette conception de vie soit «reconnue» comme aussi légitime que des conceptions inspirées par telle ou telle foi religieuse et que les laïques
(athées, agnostiques, libres penseurs, matérialistes…)
bénéficient comme citoyens à part entière de la même
écoute et des mêmes droits que les concitoyens de
convictions confessionnelles.
© CAL
La laïcité que nous revendiquons comporte deux aspects: le premier concerne l'organisation de la cité,
c'est la laïcité politique, le second relève de la conception de la vie, c'est la laïcité philosophique.
40e anniversaire des FJL de Bruxelles - Réception chez le Roi, 4 mai 2004.
La revendication d'une société laïque et la défense
d'une éthique personnelle non confessionnelle sont
complémentaires
Il est donc important, sous peine de multiplier les malentendus,
de chaque fois discerner de quelle «laïcité» on parle, c'est-à-dire
d'une part la laïcité institutionnelle qui exige l'impartialité des
pouvoirs publics à l'égard des conceptions philosophiques et religieuses qui relèvent strictement de la sphère privée et d'autre
part, la laïcité de valeurs ou de convictions qui pose le droit des
libres penseurs, des athées, des agnostiques et des humanistes
matérialistes à s'affirmer en tant que tels et leur droit de faire
entendre haut et clair leurs points de vue philosophiques et
éthiques, ainsi que le sens qu'ils peuvent donner à leur existence
et leur conception de vie.
Mais cette distinction sémantique indispensable ne peut pas
dériver sur le raccourci falsificateur qu'il y aurait donc contradiction et opposition
d'école entre d'un
côté des «laïques» qui
réclament un espace
public aussi large que
possible et qui exigent
que cet espace public
reste
institutionnellement
indifférent
aux convictions philosophiques et religieuses de chacun,
et d'un autre côté des
«laïques» qui s'affirment libres penseurs,
athées ou matérialistes et qui exigent en
tant que tels le droit
de participer au débat
citoyen en se dotant de
Conférence pour un Liban laïque – CAL, 2006.
l'organisation requise
pour se faire entendre, au même titre que d'autres communautés ou groupes d'intérêts politiques, sociaux, philosophiques,
culturels ou religieux.
En réalité ces engagements sont tout à fait complémentaires.
Pour ce qui le concerne, le Centre d'Action Laïque les considère
même comme indissociables.
1re Convention laïque – Gembloux, 30 novembre 1996.
Laïcité «ouverte» ou communauté philosophique non
confessionnelle: un faux dilemme
L'idéal de laïcisation de la société est par définition un idéal d'universalité, puisqu'il s'agit de reconnaître à tous les citoyens les mêmes
droits et devoirs (universels), sans tenir compte de leurs singularités et des communautés philosophiques ou religieuses (notamment)
dont ils pourraient se réclamer. La laïcité politique est par définition
ouverte. Elle n'exclut personne sinon les tenants de l'exclusion.
C'est à la construction de cette laïcité politique que s'attellent un
certain nombre d'associations laïques.
C'est assurément le cas des associations qui défendent l'école publique: la Ligue de l'Enseignement, par exemple. C'est aussi le cas
(parmi bien d'autres exemples) des centres laïques de planning familial qui, loin d'être réservés aux libres penseurs, sont ouverts (dans un
esprit de réelle tolérance) à toute personne intéressée et qui d'ailleurs
sont largement fréquentés par des croyants de diverses confessions
qui y recherchent une approche non dogmatique de leurs difficultés.
Mais en même temps, d'autres associations laïques et parfois
les mêmes associations d'ailleurs, militent pour une «reconnaissance» ou pour une «affirmation» de la libre pensée en tant que
courant d'idées parmi d'autres. C'est assurément le cas des associations de promotion de la morale laïque ou des maisons de la
laïcité qui animent la vie communautaire locale des libres penseurs (le caractère communautaire de leur action ne signifie en
l'occurrence en rien un repli sur soi ou un refus d'ouverture, mais
témoigne au contraire d'un souci de construction identitaire pour
mieux appréhender la rencontre des autres).
En ce qui concerne particulièrement le CAL, on observera que sa
vocation le porte tout à la fois à l'institution et à la défense d'une
société laïque (séparation des Églises et de l'État, impartialité
des pouvoirs publics à l'égard des conceptions philosophiques et
religieuses, défense de l'école publique,…) et à la reconnaissance
d'une «communauté laïque», (communauté non confessionnelle
d'agnostiques et d'athées humanistes) pour une égalité totale de
droits entre les diverses communautés philosophiques. […]
Philippe Grollet
Président du Centre d'Action Laïque
introduction à l'annuaire du CAL 2005-2006
* Édouard Delruelle, «La Laïcité, humaine trop humaine» dans Questions sur la laïcité,
Outil de réflexion n°8, Bruxelles, Espace de Libertés, mars 1999.
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Philippe Grollet
Philippe Grollet
Le bâtisseur d'une structure
Dix-neuf ans durant, Philippe Grollet a assumé la présidence du
Centre d'Action Laïque mais ses relations avec celui-ci étaient
bien antérieures.
Afin d'assurer le développement de valeurs laïques en Communauté
française, le CAL avait entrepris de créer des régionales mais rien
n'existait pour l'heure à Bruxelles.
C'est l'affaire Peers et l'arrestation du médecin namurois, alors
qu'il était étudiant à l'ULB, qui suscita son engagement et qui
le conduisit à devenir membre actif, puis président du Cercle du
Libre Examen de l'ULB de 1973 à 1975.
La régionale sera créée sous l'égide de Jacques Bernard, président de la Ligue de l'enseignement, de Philippe Grollet et de
quelques autres.
En 1979, pour fêter les
10 ans du CAL et ainsi
faire connaître la nouvelle régionale, ils montent la deuxième édition
des États généraux de la
laïcité (ÉGAL) dans l'auditoire Janson de l'ULB.
Jacqueline Herremans
Le Cercle du Libre Examen, fin des années 70.
«C'est de cette époque que date son premier contact avec le
CAL. S'indignant des propos tenus par un responsable d'une
association laïque au cours d'un colloque organisé par une association proche de l'extrême droite, il interpelle le CAL et lui
demande d'intervenir au nom du respect des valeurs de la laïcité.» (Georges C. Liénard)
Cet événement marque le début de sa collaboration avec
le CAL, et en 1977, il en sera élu administrateur, il a alors
26 ans. Il y restera plus de 30 ans.
De 1982 à 1987, Philippe
Grollet exerce la présidence de la régionale
Bruxelles Laïque qu'il
va organiser, avec son
équipe, dans une vaste
maison, rue du Méridien.
© Jean Guyaux
Avec la mise sur pied de la régionale de Bruxelles Laïque,
ce sont les étapes de structuration du mouvement qui
s'ébauchent.
En 1985, Les ÉGAL
prennent de l'ampleur et
sont organisés durant une
semaine au Botanique.
Ils coïncident partiellement avec le voyage de
Jean-Paul II en Belgique.
Lors de l'inauguration,
le ministre de la Justice,
Jean Gol, commence son
discours par une réplique,
longuement
applaudie,
aux propos tenus par le
pape à propos de l'avortement, quelques heures
auparavant devant les
corps constitués et le Roi.
«Le décès de Philippe rappelle à un certain nombre de militants laïques
de longue date, la période “héroïque” du Centre d’Action Laïque:
la modestie de ses débuts et l’énergie et la créativité qu’il a fallu à
certains, principalement à Philippe, pour passer du stade amateur au
stade professionnel atteint aujourd’hui. Jusqu’en 1986, Philippe est
président de Bruxelles Laïque dont les bureaux se trouvaient rue du
Méridien à Saint-Josse. À l’époque il y avait là-bas trois employés et
neuf administrateurs qui se réunissaient une fois par semaine. Dès
le début, il a mené des projets qui élargissaient le champ d’action du
Centre d’Action Laïque. Je pense notamment aux États généraux de
la laïcité qui ont eu un succès considérable. Pour la première fois, le
CAL organisait des grands débats publics menés dans un cadre festif
et culturel. L’idée d’un rassemblement autour de la laïcité et surtout
d’une extériorisation de ses valeurs étaient lancées. La seconde étape,
loin d’être évidente et qui a posé de sérieux problèmes idéologiques au
sein du mouvement, c’était l’action sociale. Philippe lance un resto du
cœur à la fin de son mandat à Bruxelles Laïque, au milieu des années
80 alors que la plupart des laïques étaient aux antipodes d’une telle
initiative: pour eux, ce type de projet devait être mené prioritairement
par les pouvoirs publics et non par le privé. Nous avons su convaincre
les plus réticents et nous sommes alors passés de l’analyse intellectuelle à l’action. Ces deux étapes ont été déterminantes dans l’histoire
de la laïcité et le mérite en revient incontestablement à Philippe.»
Manifestation de soutien au Dr Peers, 1973.
Extériorisation de la laïcité - Bruxelles Laïque, 31 mars 1984.
Georges C. Liénard
«Philippe est entré au conseil d’administration
du Centre d’Action Laïque au tout début de sa
carrière professionnelle. Nous étions alors à
la fin des années 70. Depuis cette époque, il a
participé à toutes les prises de décisions du CAL.
Dès lors, lorsqu’il a été élu président, il connaissait toutes les questions sur lesquelles travaillait
le mouvement laïque. Et en particulier celle
concernant la demande de reconnaissance des
associations philosophiques et non-confession-
nelles, un chantier entamé en 1973 avec un texte
rédigé par le vice-président Robert Hamaide, qu’il
a mené à terme. Autre exemple, la proposition
de loi concernant la légalisation de l’avortement coécrite, fin des années 70, par le groupe
de travail “éthique” du CAL. C’est toute cette
progression continue que Philippe a pris à bras
le corps. Il a aussi fallu engager des collaborateurs permanents et il a réussi à mettre en place,
avec l’aide de son équipe, une structure élargie
10 | Supplément au magazine Espace de Libertés 402 | novembre 2011
qui travaille harmonieusement. Il faut rappeler
qu’à l’époque, il n’y avait aucune expérience de
ce genre dans les milieux laïques. C’est lui, le
juriste, qui a doté le mouvement de bases stables,
de nouveaux statuts, et d’un règlement qu’il n’y
avait pas auparavant.
Il a su tirer parti des acquits du début qu’il a
développés avec beaucoup de volonté et de
sagesse de façon tout à fait considérable et il y a
vraiment imprimé sa marque.»
«À cette époque, le CAL
communautaire dispose de
19 permanents, son budget
annuel s'élève à 50 millions
de FB, soit 1,25 millions
d'Euros. Il est installé dans
un misérable chalet en bois,
dont les fondations sont ébranlées par les trous des lapins, et dans
lequel il pleut.» (Georges C. Liénard)
À partir de 1995, le
dossier de l'assistance morale ainsi
que celui relatif
à la construction
du nouveau siège
du CAL mobilisent
beaucoup d'énergie.
Avec «Des briques
pour abriter des
idées» comme slogan, le chantier est
mis en œuvre. Et,
en septembre 1997,
le nouveau bâtiment
est inauguré. Quelle
évolution!
© CLAV
«Notre première collaboration remonte aux années 70 lorsque j’étais la
vice-présidente du Librex dont Philippe assurait la présidence. Très vite, notre
quête du questionnement permanent nous a poussés à prendre position contre
l’influence grandissante de l’extrême droite sur le campus. Au Librex, nous nous
sommes par exemple opposés à ce que Jean-Marie Le Pen vienne s’exprimer
à l’université. Mais, nous étions engagés sur bien d’autres thèmes telle que la
question de la démocratie au Chili, l’impérialisme américain et en Belgique, la
revendication du droit à l’avortement qui n’en était qu’à ses prémisses. Lors de
l’arrestation de Willy Peers, Philippe a immédiatement démarré un mouvement
de protestation en diffusant une pétition sur le campus. Philippe ne voulait pas
particulièrement être le premier, il souhaitait surtout que les choses bougent,
c’est cela qui l’a propulsé à la tête du Librex et plus tard, de Bruxelles Laïque et
du CAL. Mais c’est aussi son côté “inclassable”, sans “étiquette” et indépendant
qui a fait de lui le candidat idéal pendant longtemps…»
En 1988, il est élu à la présidence du CAL par le conseil d'administration et devient également coprésident du Conseil Central
Laïque, prenant ainsi la succession de Jean Michot, qui fut président de 1982 à 1987 et recteur de l'ULB de 1978 à 1982.
Patrice Dartevelle
Éliane Deproost
«Si Philippe n’a pas été le seul, il a été, sans aucun doute, l’un des acteurs les plus importants de la construction du bâtiment du CAL, une
maison d’accueil pour nos réunions bien sûr, mais aussi pour toutes les
associations qui composent notre mouvement. Ce lieu est d’ailleurs à
l’image du personnage: une apparente rigueur dans l’architecture et
en même temps plein de fantaisie à découvrir dans les petits coins.»
Cette année-là, les
nouvelles
équipes
d'assistance morale
se mettent également en place,
constituant un bouleversement important et impliquant
une grande mobilisation au sein du CAL
et de ses régionales.
C'est sous sa présidence encore que sont instaurées les conventions laïques, un mode de consultation du mouvement laïque auquel est invité à participer tout laïque qui adhère à l'ensemble des
valeurs que défend le CAL. La première édition se déroule à Gembloux, le 30 novembre 1996, sur les thèmes suivants: «Laïcité, projet
de société - mouvement d'idées» et «L'assistance morale dans la cité ».
Avec son bagage de juriste, il prend à bras le corps, secondé
par son équipe, la rédaction des documents qui composeront
une base structurée pour le fonctionnement du CAL et de ses
régionales. Sous sa houlette, un nombre colossal de règlements
d'ordre intérieur, de règlement de travail, de protocoles et de
mémentos vont voir le jour.
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Philippe Grollet
Philippe Grollet
Structurer
pour progresser
Rédaction de l'article 4 des statuts du CAL
définissant les deux aspects de la laïcité,
politique et philosophie, réforme de l'élection du président par l'assemblée générale
et élargissement calculé de l'électorat, voici
quelques-unes des nombreuses modifications statutaires opérées également sous son
égide.
© Patrick Acken
Comme en témoignent les administrateurs
présents au cours des nombreux débats ou
se dessinèrent ces futures réformes, il sera
en permanence guidé par un souci de démocratie et un grand sens du pragmatisme.
La transparence et la participation sont –évidemment!–
les principes fondamentaux de toute entreprise laïque digne
de ce nom.
La loi dite de «reconnaissance de la laïcité» est enfin votée, 2002.
C'est encore sous sa présidence que seront
menées la bataille juridique et les longues négociations, pour
qu'enfin une loi, la loi du 21 juin 2002 et ses arrêtés d'application,
soit votée afin de mettre en œuvre l'article 181 de la Constitution.
Le vote de cette loi marquera ce qui sera appelé communément
«la reconnaissance de la laïcité».
Sans oublier, son implication totale dans la lutte pour l'instauration d'une véritable séparation des Églises et de l'État, pour
l'abandon des Te Deum organisés à l'invitation des pouvoirs
publics et pour une réforme du financement public des cultes.
Pour conclure, l'action du CAL pour le développement de la laïcité en Amérique latine est également à porter à son crédit.
En 1999, une convention de coopération est signée entre le CAL
et l'Instituto Laico de Estudios Contemporáneos (ILEC) du Chili
à Santiago. Une délégation CAL participe au premier séminaire
latino-américain à Santiago de Chili sur la laïcité avec des Argentins, Chiliens, Équatoriens, Uruguayens et Vénézuéliens pour
procéder à un état des lieux de la laïcité dans ces pays. Ce séminaire se conclut par la signature d'un protocole par les représentants des différentes délégations. Les bases d'une future
fédération laïque latino-américaine sont alors posées.
Le 17 mars 2007, après 19 années d'intense labeur, Philippe
Grollet passe le flambeau à Pierre Galand, nouveau président
élu du CAL.
«Il a su rassembler les compétences et les bonnes volontés au service d'un projet tout à fait remarquable qui consiste, ni plus ni moins,
à introduire ou à réintroduire les grandes options de la laïcité dans
un continent voué jusqu'il y a peu aux dictateurs, pour subir ensuite
les intégrismes religieux». (Georges C. Liénard)
ARIANE HASSID
Pierre Galand
«Cette aventure a démarré fin des années
90. Philippe a été contacté par la Grande
loge régulière du Chili car c’est surtout
parmi les francs-maçons qu’on trouve les
laïques en Amérique latine. Les Chiliens
voulaient s’inspirer du militantisme du
CAL et des stratégies mises en place pour
faire passer ses valeurs dans la société.
C’est ainsi qu’ils ont créé l’Institut Laïque
d’Études Contemporaines (ILEC) à l’image
du Centre d’Action Laïque. Enfin, en 2001,
nous avons eu le premier séminaire.
Aujourd’hui, dix ans après, la notoriété de
Philippe Grollet est toujours aussi grande
en Amérique latine et ils sont nombreux
à saluer le combat qu’il a mené là-bas.
Son livre, traduit en espagnol par l’ILEC
du Chili a d’ailleurs connu un succès
impressionnant.»
«Lorsque j’ai appris le
décès de Philippe, je me
suis senti orphelin. Bien
qu’il ait passé le flambeau,
il n’avait pas renoncé à
poursuivre son combat,
loin de là. Enfin, je songe
aussi à la gentillesse avec
laquelle il m’a accompagné tout au long de
ces quatre années de
présidence. Être privé tout
à coup de cet homme-là,
c’est un événement qui à
la fois marque mais désole
également! Et sa disparition va certainement me
compliquer la tâche…»
IV seminario latinoamericano sobre Laicismo – Mexico, 2007.
12 | Supplément au magazine Espace de Libertés 402 | novembre 2011
Philippe Grollet au CAL, 2003.
Quand il s’agit d’organiser la vie associative d’un petit groupe
de proches amis dont le seul avoir collectif est la bonne volonté
de chacun, quelques règles très simples et quelquefois non
écrites suffisent. Quand il s’agit d’organiser concrètement le
fonctionnement démocratique d’un mouvement aussi diversifié que le nôtre (diversité qui constitue l’une de ses richesses)
et assurer la participation effective de ses membres, répartis
sur le territoire de la Belgique francophone, il est nécessaire
d’imaginer des règles adaptées à la réalité complexe de notre
communauté.
Aucune de ces règles n’est burinée pour l’éternité. Il importe de
nous interroger régulièrement sur la nécessité des unes et l’adéquation des autres, en ne perdant pas de vue que la structure que
nous animons doit être au service de notre idéal commun et non
l’inverse.
La pusillanimité, l’absence de rigueur, le flou, conduisent nécessairement à l’arbitraire; à l’inverse un rigorisme tatillon, abscons
et bureaucratique produit le même
résultat. Cela implique de repenser
quelquefois la structure en fonction
de la finalité, de simplifier ce qui
peut l’être et de compléter ce qui est
nécessaire.
nous a conduits, au fil du temps, à préférer des règles écrites,
coordonnées et connues de tous, gages d’une meilleure sécurité,
ne peut conduire à une sacralisation des textes qui en dénaturerait l’esprit.
D’un point de vue historique, la structuration de la laïcité
est un phénomène tout à fait récent. La fondation du Centre
d’Action Laïque constitue la première tentative de fédération
de l’ensemble de la communauté laïque en Belgique francophone et date en effet de 1969. Dès l’origine, le CAL regroupe
la totalité des associations laïques communautaires ainsi
que quelques associations locales.
Dix ans plus tard, il se régionalise par provinces ou subdivision
de provinces, en même temps qu’un grand nombre de cercles
locaux se constituent, tissant un réseau associatif de plus en plus
dense dans certaines contrées où la disparition de la plupart des
anciennes sociétés de libre pensée avait laissé un vide complet
pendant des décennies.
Notons à cet égard que la simplicité n’est pas nécessairement
une vertu! La monarchie absolue
est assurément un régime «plus
simple» que la république et il n’y
a aucun système plus simple que
la loi de la jungle. Par définition, le
centralisme est aussi plus simple
que le fédéralisme.
Et aucune entreprise participative
n’échappe à un certain degré de
complexité. Encore faut-il que la
complexité soit fonctionnelle et que
le bon sens reste la clé de lecture et
d’interprétation du règlement. Les
juristes savent bien que toute règle
poussée dans ses limites ultimes
devient absurde. La nécessité qui
Convention laïque de Mons, 1999.
| Supplément au magazine Espace de Libertés 402 | novembre 2011 |
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Philippe Grollet
Philippe Grollet
Philippe:
l’homme
© J. Jottard
Bribes d’hommages à l’homme que Philippe
fut et restera dans le souvenir de ses proches
et de ceux qui eurent la chance de le côtoyer.
«Sur le bord de sa piscine, dans un auditoire à débattre, au
milieu des montagnes peyrescanes entourés des siens, Philippe
Grollet, c’est bien sûr un esprit brillant, un homme engagé et
épris de liberté mais c’est aussi un modèle de camaraderie et de
gaité que nous sommes nombreux à apprécier.»
Renaud Vanbergen
Avocat, ancien président du LIBREX
Passage du flambeau - AG du CAL - Flagey, 17 mars 2007.
Progressivement, la structuration de l’action laïque s’est imposée
comme une nécessité incontournable. […]
Le défi de la communauté laïque était de se doter d’une organisation
qui n’aliène pas son essence antiautoritaire et sa tradition libertaire.
Être laïque, c’est un état d’esprit, c’est un choix personnel qui ne
nécessite aucune profession publique, aucune reconnaissance
institutionnelle, aucune confirmation solennelle, aucune carte
d’adhésion, ni rite, ni formalité. Est laïque celui qui fait sien les
valeurs de la laïcité, le libre examen, l’émancipation, le respect
des différences, la capacité de révolte.
Parmi les laïques, certains désirent s’unir, constituer un groupe
qui prenne concrètement en charge une action déterminée, qui
traduise, au plan opératif leur idéal commun et leur préoccupation
dans tel ou tel domaine… […]
Une fois que la loi entrera en vigueur, le mouvement amorcé depuis octobre 1997 s’intensifiera progressivement, à savoir l’augmentation du nombre de délégués (de travailleurs rémunérés
NDLR) et d’implantations.
Pour optimiser les potentialités liées au développement du mouvement laïque, les associations, les bénévoles et les permanents des
associations et des régionales devront non seulement intensifier leur
implication dans les instances décisionnelles et consultatives qui
préparent, orientent et arrêtent les politiques d’action du CAL sur le
terrain mais également poursuivre et développer leurs projets spécifiques liés à leur secteur d’activités, leur localisation et leur public.
C’est la conjonction de ces deux approches qui permettra d’assurer de manière significative une augmentation de l’offre de services aux personnes qui partagent les valeurs qui sous-tendent
notre action et à la population en général.
Philippe Grollet
Président du Centre d'Action Laïque
«Avancer, se donner un défi, faire ce que les autres
ne réalisent pas, apprécier nos décisions, aller au bout
de notre objectif. Telle est la montagne avec toi.
Telle est la vie avec toi, papa.
Papa, tu es un homme qui réalise ses rêves. Tout devient
possible avec toi. Tu as ce regard visionnaire positif
qui s’associe à cette âme d’enfant éternel.»
Gaëlle Grollet, sa fille
«Vivre à 100 à l’heure ! Ça c’est une autre qualité qui me
plaisait particulièrement quand j’étais avec lui.
On ne s’ennuie jamais ! On se marre même carrément,
on part sans préparatifs, on improvise, on se casse la gueule,
on se perd et, dans le pire des cas, ce sera une terrible
histoire à raconter…»
Bruno Grollet, son fils
«Disons simplement que, contestataire institutionnalisé –
quel oxymore! –, l’avocat est par nature un marginal, qui se
joue tant du conformisme que de l’indépendance; tant de la
contrainte que de la liberté; tant de l’intérêt que des principes.
C’est une manière de funambule et tant mieux si, comme le
faisait Philippe, il déambule avec grâce, élégance et fidélité absolue à ce qui est l’essentiel: le respect de soi et des autres… et
foin des prescriptions rigides des moralistes, “des jean-foutres
et des gens probes” ainsi que le disait Georges Brassens.»
«Jamais tu n’avais peur de l’outrance, mais toujours tu agissais pour le bien
commun. Celui de l’émancipation, la liberté, l’égalité de TOUS les citoyens
et citoyennes, quelles que soient leur convictions. Tu arrivais à merveilleusement jongler entre les revendications de notre institution, de la communauté
non confessionnelle et le destin que tu voulais choisi de tous et toutes.»
Marc Snoeck
Avocat
«On se souvient de Philippe comme un humaniste laïque combatif qui,
en tant que co-président du Conseil Central Laïque, se battait pour de
nombreux dossiers laïques. Il défendait avec ardeur le principe du libre
examen, la liberté et les droits de l’homme.»
«J’entends encore ta voix dire que la seule vie après la mort,
c’est celle qu’on trouve dans la perpétuation du souvenir. Si
c’est comme ça, te voilà immortel pour un bon bout de temps.
Les souvenirs que tu laisses sont riches, sont porteurs de valeurs
et d’enseignement. Mais mon bon Grollet, moi c’est l’écho de
ton rire que j’entendrai encore longtemps résonner dans les
murs de la rue Hydraulique…»
Sonja Eggerickx
Présidente de l’UVV (deMens.nu)
Christine Rygaert
Avocate, collaboratrice de Philippe Grollet
«Un soir, après un solide débat à l’ULB, nous avions été prendre
ensemble quelques verres de bière. Et là, à un moment donné,
j’ai vu Philippe changer de regard. Je ne l’avais pas converti,
non… mais il voyait désormais l’homme en moi et non plus
simplement l’adversaire idéologique. Tout naturellement, nous
nous sommes mis à nous tutoyer et depuis lors, notre relation
est devenue amicale – ce qui n’empêcha nullement la poursuite
vigoureuse de nos échanges publics.»
Pierre Galand
Président du CAL
«Prendre la vie à pleines mains, savoir rire et redevenir sérieux à la
seconde, mais en tout cas, ne pas lâcher le fil du plaisir, voilà ce que
je retiens de Philippe.»
Éliane Deproost
Secrétaire Générale du CAL
Hommage à Philippe Grollet, en images et en son, à voir sur Canal CAL
via www.laicite.be
Éric De Beukelaer
Abbé
dans l’annuaire du CAL, édition 2002-2003
14 | Supplément au magazine Espace de Libertés 402 | novembre 2011
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