nîmes - Regard du Vivant

Transcription

nîmes - Regard du Vivant
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AUTOUR DE
NÎMES
JEUDI 1 janvier 2009
TÊTES
DE PIAFS
Sortie en baie d’Aigues-Mortes
Goéland leucophée
Un bateau dans le ciel
L’espèce la plus largement
intéressée ce jour-là par les
fesses d’Aigue-Marine…
Robuste, arborant une tache
rouge vermillon caractéristique
sur le bec, le goéland raille. Et
de tous les oiseaux, il est celui
qui s’est le mieux adapté aux
activités humaines, voilà
pourquoi on aperçoit souvent
sa petite tête sournoise dans
les décharges ou encore sur
les plages à l’heure du
pique-nique.
Le goéland leucophée niche
en colonies par milliers sur les
falaises côtières et les îles
rocheuses du littoral
méditerranéen, parfois
atlantique, et également à
l'intérieur des terres, jusqu'aux
centres urbains.
Fou de Bassan
C’est un oiseau de mer qui a
de la gueule. Sa ligne
aérodynamique est fascinante,
son bec menaçant. Oiseau
pélagique de l’hémisphère
nord, il est visible chez nous
en haute mer où il épate par
ses plongeons incroyables.
Il peut s’élancer à 30 m de
hauteur dans un banc de
poisson.
Pingouin torda
Dites à quelqu’un que vous
avez vu un pingouin en
Camargue et observez sa
moue… On confond bien
souvent pingouin et manchot.
Rien à voir.
Ces petits pingouins viennent
hiverner sur nos côtes, à savoir
reprendre des forces et
profiter à la saison froide du
climat tempéré de la
Méditerranée avant de repartir
nicher au nord de l’Europe
(Islande…). Cette espèce est
l’oiseau marin le plus menacé
en France, les dégazages et
sombres marées noires lui
sont fatals !
Grand cormoran
ATN1쑿 Lumière matinale
Quatre heures durant, le soleil donne de l’éclat à la mer,
la caressant d’une lumière
variant selon l’angle de ses
rayons. Les oiseaux se détachent sur l’horizon, joli camaïeu en mouvement…
Quatre-vingts âmes emmitou-
flées ont embarqué, un dimanche matin, sur Aigue-Marine.
Galurins adaptés : bonnets de
laine et cache-nez pour affronter les embruns. À 10 heures,
la mer est calme mais les
oiseaux sont agités.
À l’initiative de l’association
Regard du vivant, ces matelots
du dimanche partent à la pêche aux piafs. En quête des
oiseaux marins qui montrent
leur bec à cette époque, dont
l’espèce hivernante la plus recherchée : le fameux pingouin
torda.
À la barre, Jean-François et
Lionel allument, respectivement, un énième clopiot et un
gros cigare, marquant sans
doute le top départ. Aigue-Marine quitte le port de La Grande-Motte sous les meilleurs
auspices. Au loin, un mirage
dans la brume : Sète est une
île, l’air goûte le sel.
Le navire chaloupe gentiment en direction de la baie
d’Aigues-Mortes.
Thomas,
chef de proue de l’association,
prend son poste, stratégique :
les hanches plaquées à l’arrière du bateau, les deux mains
dans des sardines qui ont sale
mine. Au premier lancer de
poissons, les goélands montrent leurs yeux jaunes : un,
deux, trois, dix, cent ! Une
nuée au derrière d’Aigue-Marine : les goélands battent des
ailes pour tenir la cadence,
dans l’espoir d’arracher une
demi- sardine. Comme un ressac vertical : ils se laissent
tomber avec le poisson et remontent aussi vite pour retenter leur chance. Leur cri strident de vierge effarouchée réveillerait un mort…
Puis le premier fou apparaît, l’œil comme souligné de
rimmel, un bec en forme de
poignard. Tous les photogra-
L’ARMATEUR
Aigue-Marine
Excités par l’odeur du poisson, les oiseaux se sont donné rendez-vous autour du bateau. Photos Samuel DUPLAIX
phes du bateau ont dégainé :
clac, clac, clac, clac, comme
des Chinois devant le concorde dont l’oiseau inspira justement la ligne aérodynamique.
Lors des plongeons insensés
des fous, les observateurs
sont aux premières loges.
Excités par l’odeur du poisson et en l’absence de chalutage le dimanche, on a l’impression que tous les oiseaux du
bassin se sont donné rendez-vous autour du bateau. Ils
tournoient, portés par les courants ascendants, volent en
rond avec une grâce insolente.
Chacun ici éprouve comme un
étrange sentiment : celui de ne
plus être l’observateur mais
bien l’observé, dans ce manège étourdissant. Tous devenus
la structure d’un mobile à plumes. Embarqués sur un ba-
쑼 Attraction
On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre ni les piafs avec
du foin. Pour voir des oiseaux de près, il faut les attirer et, à ce
jeu-là, la sardine sort son épingle. Thomas Roger est chargé d’asticoter goélands, fous et consorts à grands lancers de poiscaille !
teau dans le ciel, escorté par
les oiseaux.
Au loin les silhouettes longilignes d’un escadron de cormorans et leur battement d’ailes
Chacun ici
éprouve comme
un étrange
sentiment :
celui d’être observé
caractéristique se détachent
dans le ciel. Puis les voilà : petits pingouins au ventre replet.
Des « ha ! » s’élèvent des cache-nez. « On dirait un petit
ballon de rugby » propulsé par
un canon. Au micro, Xavier
l’ornitho, guide l’observation.
Leur vol supersonique épous-
toufle tout le monde : « Pourtant, vous voyez, ils ont des
ailes atrophiées, peut-être que
dans 100 000 ans ils ne voleront plus… » A côté, le vol plané des puffins casse ce rythme
échevelé, ils profitent des micros courants d’air formés par
les vagues pour planer. Les
photographes mitraillent, les
enfants piquent des sardines
un doigt sur la bouche et Cyril
dessine, discrètement, des lignes fuselées.
A seulement quelques centimètres des visages, un fou bat
des ailes, sa tête blond cendré
et ses yeux maquillés se dévoilent de très très près. Ce matin-là, près de cinq cents piafs
ont
tournoyé
autour
d’Aigue-Marine. ●
Eve-Marie LOBRIAUT
C’est sur le bateau
Aigue-Marine que sont
organisées les sorties
oiseaux de mer dans le golf
du Lion.
Lionel, l’armateur, peut vous
abreuver d’histoires de
pêche pendant des heures
entières avec anecdotes et
sourires.
Cigare au bec, il se souvient
d’une pêche mémorable
arrêtée prématurément par
des fous de Bassan voraces
qui se jetaient directement
dans les filets : « Il fallait s’y
mettre à trois pour les en
sortir, un qui tenait le corps,
l’autre le bec et enfin un
dernier qui désentortillait le
filet. Ils étaient tellement
nombreux qu’on a dit
stop ! »
Le café chaud est servi en
bas, par Françoise, dans la
cuisine du bateau.
C’est elle qui rappelle que
l’aventure de l’association
Regard du vivant a
commencé ici, sur ce navire.
« Il y a presque huit ans
déjà, ils étaient étudiants et
la fille de Lionel était une de
leur copine de fac, alors ils
lui ont demandé si Lionel
serait d’accord qu’ils
organisent des sorties pour
voir des baleines et des
oiseaux avec son bateau…
Tout a commencé comme
cela, depuis, ils ont
beaucoup évolué ces
jeunes ! »
Egalement sur internet :
➚
bateau-caffarel-aiguemarine.
com
.
씰 Tactique
Choper la sardine au vol,
une tactique très bien maîtrisée par le fou de Bassan.
Une flèche en vol : noire,
longiligne… avec des ailes.
Un côté punk, avec une petite
crête de plumes et des
manières de barbares lorsqu’il
secoue le poisson hors de
l’eau avant de l’engloutir. Le
grand cormoran est même un
as de l’apnée : il est capable
de rester plus d’une minute
sous l’eau pour attraper sa
proie. Il hiverne le long des
côtes.
Puffin
Ses ailes immenses, rigides et
fines sont sa carte de visite.
Oiseau endémique de
Méditerranée, le puffin fait de
beaux vols planés au ras de
l’eau et peut se targuer aussi
d’avoir des glandes de
dessalage super pratiques
lorsqu'on passe sa vie en mer.
Il niche essentiellement sur
des îles et des îlots où son
principal prédateur est le rat.
En chiffres
Vu ce matin-là : goéland
leucophée, 400 ; goéland
cendré, 1 ; goéland brun, 1 ;
mouette rieuse, 3 ; mouette
mélanocéphale, 1 ; fou de
Bassan, 25 ; pingouin torda,
50 ; puffin de Méditerranée,
50 ; puffin des Baléares, 2 ;
grand cormoran, 50 ; grue
cendrée, 60 (en migration).
ORGANISATION
Regard du vivant
L’association montpelliéraine Regard du vivant organise des
rendez-vous naturalistes. De décembre à juin, elle propose de partir
dans le golf du Lion pour observer les oiseaux marins quatre heures
durant ; prochain embarquement dimanche 1er février de
La Grande-Motte à 9 heures (tarifs : entre 15 € et 10 €). De juin à
octobre, sur la côte varoise, l’association invite à découvrir dauphins
et baleines sur toute une journée (tarifs : entre 55 € et 72 €).
Photographes professionnels, les membres de Regard du Vivant
emmènent les amateurs par-delà les frontières également au cours
de voyages nature dédiés à la photo animalière. Contact : Thomas
Roger, tél. 06 10 57 17 11, internet : www.regard-du-vivant.fr.