L`invention de la citoyenneté dans le monde antique

Transcription

L`invention de la citoyenneté dans le monde antique
Partie II
L’invention de la citoyenneté
dans le monde antique
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3 L’Empire romain au début du IIIe siècle après J.-C.
45
Chapitre
2
L’invention de la citoyenneté
dans le monde antique
Athènes, aux Ve et IVe siècles avant J.-C.,
et l’Empire romain, jusqu’au IIIe siècle après J.-C.,
offrent deux exemples de régimes politiques qui,
de manière différente, ont donné une place
centrale au citoyen.
Un citoyen romain et son esclave
(Fructus se faisant servir par son esclave Myro, mosaïque, musée Bardo, Tunis.)
Un soldat athénien
(Stèle funéraire d’Aristion, vers 510 av. J.-C.,
musée national d’Athènes.)
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46
Qui est citoyen à Athènes
et dans l'Empire romain ?
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La déesse Démocratie couronnant le peuple
L’empereur et ses sujets
(Stèle de marbre portant le décret contre la tyrannie
336 av. J.-C., musée de l'Agora, Athènes.)
(Haut-relief, musée des Conservateurs, Rome.)
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Quel rôle la démocratie athénienne
et le principat romain donnent-ils au citoyen ?
Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
47
Documents
La cité d'Athènes
Le fonctionnement des cités antiques repose sur une distinction fondamentale
d'une part entre les individus libres et non-libres, et d'autre part entre citoyens et non-citoyens.
A. Athènes, une société inégalitaire
1 L’opposition entre libre et non-libre
« Voulez-vous chercher la différence entre l’esclave et
l’homme libre ? La principale est celle-ci : pour l’esclave, le corps est responsable de toutes les fautes,
tandis que l’homme libre, à quelque extrémité qu’il soit
réduit, garde toujours son corps et sauve sa personne.
C’est sur ses biens, qu’il doit, en règle générale, payer
ses fautes. »
■ DÉMOSTHÈNE (384-322 av. J.-C.), discours Contre Androtion.
3 Une cité qui protège sa main-d’œuvre
« Quant aux esclaves et aux métèques1, ils jouissent à
Athènes d’une grande licence ; il n’y est pas permis de
les frapper et l’esclave ne se range pas sur ton passage.
Je vais te dire la raison de cette coutume nationale ; s’il
était d’usage que l’homme libre puisse frapper l’esclave,
le métèque ou l’affranchi, il prendrait très souvent
l’Athénien pour un esclave et le frapperait. En effet, par
ses vêtements, le peuple ne se distingue pas des esclaves
et des métèques et son apparence extérieure n’est pas
meilleure. […] Voilà pourquoi nous avons accordé la
liberté de parole (isègoria) aux esclaves à l’égard des
hommes libres et aux métèques à l’égard des citoyens,
car la cité a besoin des métèques pour une foule de
métiers et pour la marine. »
■ PSEUDO-XÉNOPHON (v. 430 - v. 355 av. J.-C.), La République
des Athéniens, IVe siècle avant J.-C.
1. Étranger qui n'est pas né de parents athéniens.
Doc. 1, 2 et 3
1. Quel est le statut des esclaves ? Celui des métèques ?
2. Quel rôle économique jouent-ils ?
4 La place des femmes
2 Un citoyen athénien et son esclave
(Coupe à figures rouges, 450-460 av. J.-C., céramique du musée
du Louvre, Paris.)
« Elle n’avait que quinze ans quand elle rentra chez
moi. Elle avait vécu jusqu’à cet âge, soumise à une
extrême surveillance, afin qu’elle ne vît, n’entendît et
ne demandât presque rien. Que pouvais-je souhaiter de
plus : trouver en elle une femme qui sut tisser, filer la
laine pour en faire un manteau, qui eût appris à distribuer leurs tâches aux fileuses servantes ? Quant à la
sobriété, on l’y avait très bien formée : excellente chose
n’est-ce pas ? »
■ XÉNOPHON, L’Économique.
1. Quelle est la place réservée aux femmes ?
2. Doc. 1, 3 et 4 De quels droits femmes, métèques
et esclaves disposent-ils néanmoins ?
48
B. Le citoyen athénien
5 Les conditions pour être citoyen
« Font partie de la cité ceux qui sont nés d’un père et
d’une mère athéniens. À l’âge de dix-huit ans, ils sont
inscrits et admis parmi les démotes1. Au moment où ils
se présentent, les démotes doivent déclarer par un vote
et sous la foi du serment, premièrement qu’ils ont l’âge
requis par la loi : si les démotes décident que non, le
jeune homme doit retourner parmi les enfants ; deuxièmement, qu’ils sont de condition libre et de naissance
légitime. Celui qui est repoussé par les démotes, comme
n’étant pas de condition libre, peut en appeler au
tribunal : le dème élit alors cinq de ses membres pour
soutenir l’accusation. Si le refus d’inscription est jugé
bien fondé, la cité vend l’appelant ; si, au contraire, il
gagne sa cause, les démotes sont tenus de l’inscrire et de
l’admettre parmi eux. Les inscrits sont ensuite soumis à
l’examen du Conseil, et dans les cas où le Conseil décide
que l’âge de dix-huit ans n’est pas atteint, il inflige une
amende aux démotes qui ont admis le jeune homme.
[…]
En considération du nombre croissant des citoyens et
sur la proposition de Périclès, il fut décidé que, nul ne
jouira des droits politiques, s’il n’est pas né de père et
de mère athéniens. »
■ ARISTOTE (384-322 av. J.-C.), Constitution d’Athènes, XLVI et 42.
1. Citoyen athénien membre du dème, circonscription
administrative de base.
1. Quelles sont les trois conditions nécessaires
pour être citoyen à Athènes ?
2. Qui joue un rôle essentiel dans la vérification
de la citoyenneté à Athènes ?
3. En quoi la réforme adoptée sur proposition du stratège
Périclès rend-elle difficile la condition d’accès
à la citoyenneté ? Dans quel but ?
6 Le serment des éphèbes
À 18 ans, les jeunes Athéniens prêtent serment avant
d’accomplir un service militaire obligatoire de deux ans.
« Je ne déshonorerai pas les armes sacrées, je n’abandonnerai pas mon compagnon là où je me trouverai
posté ; je combattrai pour les principes sacrés, ceux
des dieux comme ceux des hommes, je ne laisserai pas
la patrie amoindrie mais au contraire plus grande et
plus forte, de mon propre chef et avec le concours de
tous ; j’obéirai aussi à ceux qui se succèdent sagement
aux affaires, ainsi qu’aux lois établies et à toutes celles
qui pourront être établies avec sagesse. Si quiconque
cherche à les renverser, je ne le laisserai pas faire, de
mon propre chef ou avec le concours de tous ; j’honorerai les cultes de mes ancêtres. »
7 Hoplite en armes
(Détail d’une amphore, 520 av. J.-C., musée de Boulogne-sur-Mer.)
Ici, un hoplite regarde le foie tenu devant lui par un jeune garçon ;
un vieil homme désigne de la main les signes prophétiques.
■ Doc. 6 et 7 Pourquoi le service militaire est-il considéré
comme primordial à Athènes ?
8 L’accession à la citoyenneté
« Il y a d’abord une loi imposée au peuple : il lui est
interdit de faire Athénien quiconque n’aura pas mérité,
par d’éminents services envers Athènes, de devenir
citoyen ; en outre, une fois que le peuple a consenti et
octroyé ce privilège, il faut, pour que celui-ci ait force
de loi, qu’il soit confirmé à l’Assemblée suivante par six
mille Athéniens au moins votant au scrutin secret. »
■ PSEUDO-DÉMOSTHÈNE, Contre Neera, in M. Austin et P. VidalNaquet, Économies et Sociétés en Grèce ancienne, Armand Colin,
1974.
1. L’accession à la citoyenneté est-elle possible
pour un homme qui n'est pas né de parents athéniens ?
2. Qui en décide ?
■ Serment à l’origine gravé sur une stèle, repris par Lycurgue
(v. 390-v. 324 av. J.-C.), Contre Léocratès, IVe siècle av. J.-C.
Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
49
HISTOIRE DES ARTS
La frise des Panathénées : la cité en représentation
OBJECTIFS
DÉtudier la sculpture grecque
DComprendre la religion civique athénienne
Les Panathénées sont la principale fête civique
d’Athènes, censée avoir été fondée à l’époque
du roi légendaire de la cité, Thésée. Elles
rassemblent tous les habitants d’Athènes, y compris
les métèques et les esclaves, pour une procession
en l’honneur de la divinité protectrice de la cité,
Athéna. On distingue les grandes Panathénées
qui se tiennent tous les quatre ans, et les petites
Panathénées, célébrées les trois autres années.
La fête comprend des jeux, des courses de chevaux
et des concours de musique. Le dernier jour a lieu
la procession le long de la voie sacrée, au terme
de laquelle on apporte à la statue d’Athéna le peplos
tissé par de jeunes athéniennes, les ergastines.
La fête se termine par le sacrifice d'un grand nombre
de bêtes (hécatombe) en l’honneur de la déesse
nécessitant. La viande est ensuite distribuée
aux citoyens.
VOCABULAIRE
1 L’Acropole, centre religieux d’Athènes
Frise
Élément architectural d’un temple grec, situé entre les
colonnes et le toit. Dans le cas du Parthénon, elle est sculptée dans le marbre et peinte.
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1. Quelle est la scène représentée sur l’ensemble
de la frise ? (doc. 2 et introduction)
2. Quelle est la technique utilisée (aidez-vous
du vocabulaire) ?
3. Par quel procédé le sculpteur a-t-il rendu
le mouvement ?
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4. Quelle est l’objectif de la procession ? (introduction)
5. Qui y participe ? (schéma)
6. Recherchez, sur la carte p. 44, l'itinéraire emprunté
par cette procession et expliquez-le.
Bas-relief
Sculpture dont la taille est peu saillante.
7. Quelle hiérarchie entre les habitants d'Athènes est
Religion civique
Religion qui assure la cohésion des citoyens.
8. Comment cette frise, et la fête qu’elle représente,
50
représentée par la frise ?
illustrent-t-elles l’unité de la cité ?
A
B
2 Reconstitution de la frise des Panathénées
La frise en marbre mesure 160 m de long. Elle compte 360 personnages et 220 animaux.
A Les sacrificateurs
(École de Phidias, 440-435 av. J.-C., musée de l’Acropole, Athènes.)
B Les ergastines
(Ordonnateurs et ergastines, v. 445-438 av. J.-C.,
musée du Louvre, Paris.)
Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
51
Cours
1 La cité, le citoyen
uQuelles réalités recouvrent la cité-État athénienne
au Ve siècle avant J.-C. ?
uQuels sont les droits et les devoirs du citoyen ?
1
Mots-clés
Barbares
Populations étrangères
à la culture gréco-romaine.
Cité-État
Une communauté indépendante
composée d’une cité
et de son territoire, dont
la cité est le centre politique.
Citoyen
Celui qui participe aux affaires
de la cité.
Communauté civique
À Athènes, elle est composée
des citoyens, des Athéniennes
(qui transmettent la citoyenneté)
et de leurs enfants (futurs citoyens).
Éphébie
À Athènes, le service militaire
obligatoire, qui dure deux ans.
Hoplite
À Athènes, soldat de l’infanterie,
équipé d’une lance et d’un
bouclier, recruté parmi les citoyens
moyennement aisés.
Métèque
Étranger libre vivant et travaillant
en Attique contre le paiement
d’une taxe et ne disposant d’aucun
droit politique.
Misthos
À Athènes, indemnité distribuée
aux citoyens lorsqu’ils participent
à la gestion des affaires de la cité.
52
La cité athénienne et ses habitants
Le territoire de la cité est d’une taille restreinte.
Athènes est une cité (polis) parmi les 750 cités que compte la Grèce. Son
territoire, l’Attique (environ 2 600 km2), en fait la deuxième cité de Grèce pour
la superficie. Il est composé de la ville même d’Athènes (asty) et de son port du
Pirée, ainsi que de son terroir agricole alentour (chôra). Celui-ci comporte différents bourgs, des campagnes et le bord de mer. Les activités économiques de ces
différents espaces sont complémentaires et donnent à Athènes son autonomie. À
l’origine, le terme de polis désigne un territoire géographique, mais il devient peu
à peu synonyme d’État, d’où le nom de cité-État.
Chaque cité grecque constitue un État autonome. Cependant, les Grecs ont
le sentiment d’appartenir à la même communauté : ils parlent la même langue,
honorent les même dieux et peuvent se retrouver lors de grandes fêtes qui réunissent tous les habitants de la Grèce (panhélleniques), comme les Jeux olympiques.
Par ailleurs, les Grecs sont également appelés à s’allier pour lutter contre les
menaces extérieures émanant des barbares.
La cité est d’abord une communauté humaine.
Unité géographique limitée, la cité est également démographiquement restreinte. Cela permet une participation directe des citoyens à la gestion des
affaires publiques. Bien qu’étant la cité la plus peuplée de Grèce (autour de
400 000 habitants), Athènes vit dans l’idéal que chacun connaisse chacun. Un
nombre trop important d’habitants empêcherait le bon fonctionnement de la
communauté politique.
Dans les sources, Athènes est le plus souvent désignée par « les Athéniens ».
Pour autant, cette communauté n’englobe qu’une partie de la population : celle
participant à la gestion de la cité, dont les femmes, les métèques et les esclaves
sont exclus. (doc. 1, 2, 3 et 4 p. 48)
Une part importante de la population est composée
d’étrangers libres et d’esclaves.
La vie économique de la cité est assurée par la participation active des métèques et des esclaves à l’artisanat et au commerce. Pour avoir le droit de résidence,
les métèques, redevables du service militaire, paient une taxe. Les esclaves, considérés comme une propriété mobilière, sont protégés par la loi : on ne peut les tuer
impunément. Cette distinction de statut ne correspond pas à une différenciation
sociale : métèques et citoyens travaillent sur un pied d’égalité sur les grands
chantiers publics. La plus grande fabrique de boucliers d’Athènes, employant une
centaine d’esclaves, appartenait ainsi à deux métèques. (doc. 3 p. 48)
La cité est aussi une communauté religieuse.
Les habitants d’Athènes, toutes catégories confondues, se retrouvent lors de la
célébration des grandes fêtes religieuses. La fête des Panathénées, organisée en
l’honneur d’Athéna, déesse protectrice de la cité, illustre la puissance d’Athènes et
intègre les non-citoyens : femmes, métèques mais aussi esclaves. Elle permet néanmoins de souligner la prééminence des citoyens. Ceux-ci défilent en effet en tête du
cortège et reçoivent une part de la viande sacrifiée lors de banquets. À Athènes, la
vie religieuse n’est donc pas séparée de la vie politique. (p. 50-51)
2
Qui est citoyen ?
Dates-clés
L’accès à la citoyenneté est restreint.
Il s’acquiert par la naissance : seuls les fils de citoyens peuvent le devenir,
hormis quelques rares étrangers pour service exceptionnel rendu (doc. 8 p. 49).
Les conditions sont devenues plus sévères par le décret pris par Périclès• en 451
avant J.-C. Désormais, la mère doit également être elle-même fille de citoyen
(doc. 5 p. 49). Cela revient à limiter le nombre de citoyens et à refuser d’ouvrir
la démocratie aux étrangers. Ni les femmes, confinées à la sphère domestique,
ni les métèques, ni les esclaves, ne peuvent prétendre au statut de citoyens. Les
femmes appartiennent néanmoins à la communauté civique.
> – 451
Réforme de Périclès limitant
la citoyenneté aux enfants
de père et de mère athéniens.
Le statut de citoyen assure des privilèges.
L’exercice des droits politiques est lié à l’inscription aux dèmes*, chargés de
tenir la liste des citoyens et d’inscrire les nouveaux, ayant atteint 18 ans. Chaque
Athénien a un nom tripartite composé de son nom personnel, de son patronyme
et du nom de son dème. La participation au travail des assemblées et l’accès aux
différentes fonctions publiques est à la fois un droit et un devoir. Afin de favoriser
la présence des citoyens pauvres aux tribunaux, Périclès a institué une indemnité, le misthos, également distribué aux citoyens participant à l’assemblée du
peuple. Enfin, les citoyens sont les seuls à détenir le droit de propriété foncière
en Attique, à bénéficier des distributions de blé et des aides aux indigents.
Personnages-clés
Périclès (495-429 avant J.-C.)
Stratège athénien
descendant de
Clisthène, il est
l’auteur de grandes
réformes consolidant la démocratie, (le misthos). Il choisit par
contre de durcir l’accès
à la citoyenneté.
Le premier devoir du citoyen athénien, qui peut aller jusqu’au
sacrifice de sa vie pour la cité, est militaire.
Le futur citoyen athénien doit avoir effectué l’éphébie, qui le prépare à son premier devoir, la participation à la défense de la cité (doc. 6 p. 49). Depuis le VIIe siècle
avant J.-C., l’armée athénienne est organisée en phalanges d’hoplites (doc. 7
p. 49). Les professionnels de la guerre ont disparu, laissant place à des combattants à pied entraînés collectivement et devant faire preuve d’une grande
cohésion dans l’action. À la fin du Ve siècle avant J.-C., dans la marine, les équipages des trières* sont constitués des citoyens pauvres ne disposant que de la
force de leurs bras. Ces transformations militaires ont favorisé le passage à la
démocratie puisqu’égaux et solidaires dans le combat, les citoyens athéniens ont
exigé de l’être également dans le partage du pouvoir.
La population athénienne
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Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
53
Documents
Le pouvoir à Athènes
À Athènes, la gestion de la cité est assurée par les citoyens. Cela n’empêche
pas certains hommes politiques d’occuper une place prééminente parmi leurs concitoyens.
A. L’exercice de la citoyenneté dans une démocratie directe
1 La gestion de la cité
« 6. Le citoyen au sens strict, aucun caractère ne le définit
mieux que la participation à l’exercice des pouvoirs de
juge et de magistrat. Or, parmi les magistratures, les
unes sont limitées en durée, de sorte que certaines ne
peuvent absolument pas être exercées deux fois par la
même personne, ou du moins ne le sont qu’après un
intervalle de temps bien défini ; d’autres sont de durée
illimitée, comme celle de juge ou de membre de l’Assemblée.
7. Peut-être, il est vrai, pourrait-on dire que ce ne sont
pas là des magistrats et que ces fonctions ne les font
pas participer au pouvoir ; et pourtant il serait ridicule
de frustrer du pouvoir ceux qui détiennent l’autorité
suprême. Mais n’attachons pas d’importance à cela :
c’est une simple question de nom ; en effet, faute de
terme pour désigner ce qui est commun au juge et au
membre de l’Assemblée, on ne sait comment les appeler
tous les deux. Admettons, pour les définir, que c’est une
“magistrature à durée illimitée”.
8. Dès lors, nous posons le principe que sont citoyens
ceux qui participent ainsi au pouvoir. »
■ ARISTOTE, Politique, III, in M. Austin et P. Vidal-Naquet,
Économies et Sociétés en Grèce ancienne, Armand Colin, 1974.
1. Selon Aristote, de quelle manière le citoyen athénien
participe-t-il à la gestion des affaires de la cité ?
2. Qu’est-ce qui distingue les différentes magistratures ?
2 La participation à la justice
Le klêrotêrion servait à tirer au sort les membres du tribunal populaire
(l’Héliée). Le tirage au sort était placé sous les auspices d’une
divinité (musée de l’Agora, Athènes).
■
La justice est-elle une affaire de professionnels ?
54
3 La procédure de l’ostracisme
Ostrakon provenant de l’Agora sur lequel est gravé le nom du citoyen
à exclure de la cité, ici Thémistocle (musée de l’Agora, Athènes).
4 La révision des lois
La révision des lois a lieu à l’assemblée du peuple,
l’Ecclésia. Le Conseil, la Boulê, rédige la nouvelle
proposition de loi qui est affichée sur le monument des
héros éponymes (l’autel consacré aux ancêtres fictifs des
dix tribus athéniennes). La procédure prend l’aspect
d’un jugement des lois qui voit s’opposer les avocats de
la loi existante et ceux qui veulent l’abroger. À l’issue
du débat, des jurés tirés au sort, les nomothètes, votent
à la majorité simple.
« Le peuple assemblé, après les prières prononcées
par le héraut, on s’occupera des lois à établir concernant d’abord le Conseil, ensuite la Nation, puis les
neuf Archontes, enfin les autres magistrats. On écoutera, avant tous, ceux qui croient la législation sur le
Conseil suffisante, et second lieu, les orateurs de l’opinion contraire. Même ordre pour les lois concernant la
Nation.
Tout Athénien qui voudra porter des lois, les fera transcrire et afficher aux statues des Éponymes avant la
tenue de l’assemblée, afin que le Peuple décide, d’après
le nombre des propositions affichées, du temps qu’on
accordera aux nomothètes. L’auteur d’une loi nouvelle
la transcrira sur un tableau blanc, et l’affichera tous
les jours aux statues des Dix Héros jusqu’à ce que le
Peuple s’assemble. Le 11 du mois hécatombaeon, le
Peuple choisira, parmi tous les Athéniens, cinq orateurs
chargés de la défense des lois dont l’abrogation sera
demandée aux nomothètes. »
■ DÉMOSTHÈNE (384-322), Contre Timocratès.
■ Comment les citoyens prennent-ils part à l’élaboration
des lois ?
B. La conduite de la cité : l’exemple de Périclès
5 Périclès en quelques dates
Vers – 495 Naissance dans une grande famille
de l’aristocratie descendant de Clisthène
– 472 Il finance en tant que chorège la représentation de la tragédie d’Eschyle, Les Perses
– 461 Il prend la direction du « parti »
démocratique
– 454 Il fait transporter le trésor de la ligue
de Délos à Athènes
– 451 Décret restreignant l’accès à la citoyenneté
aux enfants de deux parents athéniens
v. – 450 Misthophorie : octroi d’une indemnité (misthos)
aux membres des tribunaux populaires, puis à tous citoyens
pour leur participation aux institutions
– 443 Il est élu stratège et sera réélu 15 années
consécutives
– 442 Achèvement des Longs Murs, enceinte fortifiée
reliant Athènes au port du Pirée
– 440 Il est à la tête de l’expédition qui réprime
la révolte de la cité de Samos
6 Un homme d’État…
« C’est qu’il avait, lui, de l’autorité, grâce à la considération dont il jouissait et à ses qualités d’esprit et
que, de plus, pour l’argent, il montrait une éclatante
intégrité : aussi tenait-il la foule, quoique libre, bien en
main et, au lieu de se laisser diriger par elle, il la dirigeait ; en effet, comme il ne devait pas ses moyens à
des ressources illégitimes, il ne parlait jamais en vue du
plaisir, et il pouvait au contraire mettre à profit l’estime
des gens pour s’opposer même à leur colère. En tout
cas, chaque fois qu’il les voyait se livrer mal à propos
à une insolente confiance, il les frappait par ses paroles
en leur inspirant de la crainte ; et, s’ils éprouvaient une
frayeur déraisonnable, il les ramenait à la confiance.
Sous le nom de démocratie, c’était en fait le premier
des citoyens qui gouvernait. Au contraire, les hommes
qui suivirent étaient, par eux-mêmes, plus égaux entre
eux, et ils aspiraient chacun à cette première place : ils
cherchèrent donc le plaisir du peuple, dont ils firent
dépendre la conduite même des affaires. »
– 437 Début de l’aménagement de l’Acropole
■ THUCYDIDE (460-400 avant J.C.), Histoire de la guerre
du Péloponnèse, II, 8-11.
– 429 Il meurt de la peste 2 ans après le début
de la guerre du Péloponnèse
■ D’après Thucydide, quelles qualités ont permis
à Périclès de se maintenir à la tête de la cité ?
7 … attaché à la démocratie
Périclès, en 431 avant J.-C., fait l’éloge des institutions
d’Athènes lors d'un discours en l’honneur de guerriers
morts au combat.
« Notre régime politique ne se propose pas pour modèle
les lois d’autrui et nous sommes nous-mêmes des exemples plutôt que des imitateurs.
Pour le nom de ce régime, comme les choses dépendent
non pas du petit nombre mais de la majorité, c’est une
démocratie. En ce qui concerne nos différends privés,
la loi nous place tous à égalité. Quant à l’honneur
des magistratures, il revient à ceux qui ont le plus de
mérite dans le domaine concerné, l’appartenance a
telle ou telle catégorie sociale n’entre pas en ligne de
compte. D’ailleurs, la pauvreté n’empêche pas un
homme capable, d’être au service de l’État […]. Nous
pratiquons la liberté non seulement dans notre conduite
politique mais aussi dans la vie quotidienne où nous
restons ouverts aux autres […]. Malgré cette tolérance
qui règle nos relations privées, dans le domaine public,
nous craignons d’agir illégalement, car nous prêtons
attention aux magistrats qui se succèdent et aux lois
[…].»
■ THUCYDIDE, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 36-37.
1. Quelle définition Périclès donne-t-il de la démocratie ?
2. Doc 5 et 6 Quelle réforme Périclès a-t-il prise pour que
« la pauvreté n’empêche pas un homme capable, d’être au
service de l’État, quelle que soit […] sa condition » ?
8 Une politique impérialiste assumée
Après leurs victoires militaires sur les Perses, les Athéniens prennent la tête d’une alliance militaire défensive,
la ligue de Délos. Les cités qui y adhèrent paient un
tribut à Athènes. En 454 av. J.-C., Périclès décide de
transférer le trésor de la ligue sur l’Acropole.
« Ce qui flatta le plus Athènes, c’est la magnificence des
édifices publics dont Périclès décora cette ville […]. Le
peuple, disaient ceux qui le jalousaient, se déshonore et
s’attire les plus justes reproches en faisant transporter de
Délos à Athènes l’argent de toute la Grèce. La Grèce ne
peut se dissimuler que […] les sommes qu’elle a consignées pour les frais de la guerre sont employées à dorer,
à embellir notre ville, à ériger des statues magnifiques, à
construire des temples.
Périclès de son côté répondait aux Athéniens qu’ils
n’avaient pas à rendre compte à leurs alliés de l’argent
qu’ils avaient reçu d’eux.
Nous combattons, disait-il, pour leur défense et nous
éloignons les barbares de leurs frontières. Ils ne fournissent pour la guerre ni cavaliers, ni navires, ni soldats,
ils ne contribuent que de quelques sommes d’argent
qui, une fois payées n’appartiennent plus à ceux qui les
livrent mais à ceux qui les reçoivent. »
■ PLUTARQUE, Vie de Périclès.
1. À quelles fins Périclès fait-elle transporter le trésor
de la ligue de Délos sur l’Acropole ?
2. Comment le justifie-t-il ?
Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
55
Étude
S
La démocratie athénienne
en débat
uQuel regard les Athéniens portent-ils
sur leurs institutions ?
P
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Bni^aƒcZ
6i]ƒcZh
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R
Au Ve siècle, âge d’or d’Athènes, et au IVe siècle,
période de déclin, les débats qui ont lieu
dans la cité montrent que les Athéniens sont
conscients du fragile équilibre que constitue
la démocratie.
R
E
C79x:E?D;
A^\jZYZ9‚adh
• – 480 : Victoire de Salamine
sur les Perses
• – 478 : Création de la ligue
de Délos
• – 404 : Défaite
d'Athènes dans la guerre
du Péloponnèse
• – 338 : Défaite des Grecs
à Chéronée
3 La menace macédonienne
1 Athènes et ses alliés de la ligue de Délos
(Stèle du Ve siècle av. J.-C., musée de l’Acropole, Athènes.)
Les déesses Athéna et Héra ornent le traité d’alliance
passé entre Athènes et Samos.
Orateur athénien, Démosthène, dans ce discours
prononcé en – 341, prône la résistance contre
Philippe II de Macédoine.
« Souvent, Athéniens, presque dans chaque assemblée, on rappelle les attentats dont Philippe, depuis la
conclusion de la paix1, se rend coupable et envers vous,
et à l’égard des autres Grecs. Tous, je le sais, vous êtes
prêts à déclarer […] qu’il faut proposer et prendre des
mesures pour faire cesser ces outrages et en châtier
l’auteur ; mais […] ce qui nous perd surtout, c’est que,
à la tribune, on aime mieux vous plaire que d’ouvrir
les plus sages avis. De vos orateurs, les uns, tenant à
maintenir un état de choses auquel ils doivent renom
et puissance, se soucient fort peu de l’avenir, et croient,
par suite, que vous ne devez pas vous en soucier davantage ; les autres, poursuivant de leurs accusations et de
leurs calomnies ceux qui s’occupent des affaires publiques, n’ont qu’un but : c’est que les citoyens se châtient
entre eux, et, absorbés par ces querelles, laissent
Philippe parler et agir à sa guise. Une telle politique, qui
ne vous est que trop habituelle, est la cause de tous nos
maux. […] Philippe […] n’a pas triomphé d’Athènes ;
vous n’avez pas été vaincus, puisque vous n’avez pas
même essayé de lutter. »
■ DÉMOSTHÈNE (384-322), Troisième Philippique, 1-5.
1. Paix de Philocratès entre Athènes et la Macédoine signée
en 346 avant J.-C.
2 L’Empire athénien par la force ?
En 427 avant J.-C., après la révolte de Mytilène, cité alliée
d’Athènes au sein de la ligue de Délos, Cléon, un orateur
très populaire, prend la parole devant l’assemblée.
« Vous oubliez que l’empire constitue entre vos mains une
tyrannie qui s’exerce sur des peuples qui eux, intriguent
et subissent cet empire de mauvais gré. Leur soumission
ne résulte pas des faveurs que vous pouvez leur faire à
votre détriment mais de l’ascendant que vous pouvez
prendre sur eux par la force beaucoup plus que par leur
bon vouloir […]. Si vous pensez que les Mytiléniens ont
56
bien agi en faisant défection, alors vous devez renoncer
à exercer l’empire. En revanche, si vous prétendez, fut-ce
sans aucun titre, l’exercer quand même, il vous faut
aussi châtier Mytilène par intérêt, sans scrupules, ou
sinon abandonner l’empire et, loin du risque, vivre en
hommes vertueux. […] Châtiez les Mytiléniens comme
ils le méritent et montrez en même temps à vos autres
alliés, par un exemple indiscutable, que toute défection
sera punie de mort. »
■ THUCYDIDE (460-395 av. J.-C.), La Guerre du Péloponnèse, II, 37.
4 Le petit peuple est-il apte
à prendre les décisions ?
Dans cette scène, le héraut originaire de la cité de Thèbes répond
à Thésée qui vient de décrire la
démocratie athénienne.
« La ville d’où je viens obéit à un
seul, non à la multitude ; il n’est
point d’orateur qui l’exalte et la
flatte et l’entraîne en tous sens dans
son propre intérêt […]. D’ailleurs,
comment la masse incapable ellemême d’un raisonnement droit
pourrait-elle conduire la cité sur
le droit chemin ? Le temps, et non
l’improvisation, nous donne les
lumières nécessaires. Un pauvre
laboureur, même instruit, n’aura
point le loisir de vaquer aux affaires
publiques. Ah ! Les honnêtes gens
souffrent bien lorsqu’un gueux
s’empare du pouvoir en séduisant
la foule par sa faconde. »
5 Un démagogue
Dans cette pièce d'Aristophane, Démos (le peuple) est tombé sous l’influence d’un tanneur. Aristophane vise ici Cléon, riche tanneur dont les
discours belliqueux plaisent à l’Ecclésia. Un serviteur de Démos propose à
un charcutier de supplanter le tanneur.
« Le serviteur : “Mortel béni du sort ! Te voilà richement doué pour la
politique.”
Le charcutier : “Mais mon bon, je n’ai pas fait d’étude, je connais mes
lettres, et encore tant bien que mal.”
Le serviteur : “Voilà ton seul défaut, de les connaître tant bien que mal.
Pour gouverner le peuple, il ne faut pas un homme pourvu d’une bonne
culture et d’une bonne éducation. Il faut un ignorant doublé d’un coquin.
[…]”
Le charcutier : “Mais je ne vois pas comment je serais capable de gouverner
le peuple.”
Le serviteur : “Rien de plus bête. Ne cesse pas de faire ce que tu fais. Tu
n’as qu’à tripatouiller les affaires, les boudiner toutes ensemble, et quant
au peuple, pour te le concilier, il suffit que tu lui fasses une agréable petite
cuisine de mots. Pour le reste, tu as ce qu’il te faut pour le mener, à savoir :
une voix de canaille, une origine misérable, des manières de vagabond. Je te
dis que tu as tout ce qu’il faut pour la politique.” »
■ ARISTOPHANE (v. 445-386 av. J.-C.), Les Cavaliers, 424 avant J.-C.
■ EURIPIDE (480-406 av. J.-C.),
Les Suppliantes, 423 av. J.-C.
6 La fonction du théâtre
Questions
Athènes, une cité en guerre
1. Au Ve siècle, comment Athènes
tire-t-elle profit de sa puissance
militaire ? (doc. 1)
2. Qu’est-ce qui peut paraître contra-
« Ne vous fâchez pas contre moi Messieurs les spectateurs si, tout gueux
que je sois, je m’avise de parler des affaires de l’État dans une comédie
devant des citoyens d’Athènes. La comédie s’intéresse à ce qui est juste. Or
je vais vous dire des choses désagréables, sans doute, mais justes. »
■ ARISTOPHANE, Les Acharniens, 425 avant J.-C.
Le théâtre d’Épidaure
dictoire entre le fonctionnement
interne de la cité athénienne
et sa politique extérieure, telle que
la décrit Cléon ? (doc. 2)
3. D’après Démosthène, quel risque
court la cité ? Comment l’expliquet-il ? (doc. 3)
Le théâtre, reflet des débats
politiques
4. Quelle est la nature des documents
4 et 5 ?
5. Pourquoi l’envoyé de Thèbes est-il
hostile à la démocratie ? (doc. 4)
6. Quelle image Aristophane donne-
t-il des orateurs athéniens ? (doc. 5)
7. Qu’est-ce qu’un démagogue d’après
sa description ? (doc. 5)
8. Quelle est la fonction du théâtre
à Athènes ? (doc. 6)
Rédiger
En quoi ces documents témoignentils de l’existence d’un véritable débat
démocratique au sein de la cité ?
Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
57
Cours
2 La démocratie athénienne
uQui détient le pouvoir souverain à Athènes
au Ve siècle avant J.-C. ?
uQuel rôle leurs institutions assignent-elles aux citoyens ?
1
Le régime politique athénien est bien connu grâce
à une documentation abondante.
Introduit à Athènes à la fin du VIe siècle avant J.-C., le système démocratique athénien est l’un des rares exemples de démocratie directe dans l’histoire
(p. 54). D’autres cités grecques ont adopté des systèmes démocratiques. Athènes
est la seule pour laquelle les historiens disposent de sources abondantes sous la
forme de milliers d’inscriptions, de nombreux discours, de traités politiques, historiques, philosophiques et même de pièces de théâtre. L’ensemble témoigne de la
liberté du débat public à Athènes.
Mots-clés
Démocratie
Régime politique dans lequel
le pouvoir appartient au peuple.
Dans une démocratie directe,
chaque citoyen participe à la prise
de décision, sans intermédiaire.
Les affaires de la cité sont administrées par les citoyens entre lesquels
est établi un rapport d’égalité politique, base de la démocratie.
Après avoir connu différents régimes politiques – oligarchie, tyrannie – la
cité athénienne devient une démocratie, régime fondé sur l’égalité politique. Deux
réformes ont contribué à l’instauration de ce régime. Au milieu du VIe siècle avant
J.-C., Solon• établit le principe d’égalité devant la loi : l’isonomie. La loi doit être
écrite et contrôlable par tous les citoyens. En – 508, Clisthène réorganise le découpage administratif de la cité athénienne. Il mêle les citoyens venus des différentes
régions de l’Attique dans de nouvelles tribus. Ces réformes limitent le pouvoir des
aristocrates au profit de tous les citoyens, qu’ils soient pauvres ou riches.
Impérialisme
Politique d’un État visant
à soumettre d’autres États.
Isonomie
L’égalité politique, c’est-à-dire l’égal
droit des citoyens à exercer leurs
droits politiques.
Oligarchie
L’assemblée du peuple est au centre des institutions athéniennes.
Tous les citoyens ont le droit et le devoir de participer à l’Ecclésia, assemblée
souveraine réunissant l’ensemble des citoyens sur la colline de la Pnyx, environ
quarante fois par an. N’importe lequel d’entre eux peut y prendre la parole et faire
des propositions, et tous prennent part aux votes, le plus souvent à main levée.
Les décrets adoptés sont ensuite gravés dans la pierre.
L’Ecclésia prend les grandes décisions, tels l’entrée en guerre ou la conclusion
de la paix, l’octroi de la citoyenneté, ou encore l’ostracisme d’un citoyen. Elle
désigne aussi les magistrats*, chargés d’organiser la vie de la cité pour une durée
de un an. Le tribunal populaire, l’Héliée, est composé de 600 citoyens tirés au
sort parmi les dix tribus. La Boulê, composée de cinquante membres par tribu
tirés au sort (les prytanes), prépare les travaux de l’Ecclésia.
Tous les citoyens ont le droit d’exercer une des magistratures, qui sont en
principe collégiales, annuelles et non renouvelables. Chaque citoyen peut ainsi se
retrouver gouvernant et gouverné. À leur sortie de charge, les magistrats rendent
des comptes à l’Ecclésia.
À la tête de l’armée sont élus dix stratèges*. Au Ve siècle avant J.-C., ils deviennent, à l’image de Périclès, les vrais dirigeants politiques de la cité. (p. 55)
Régime politique dans lequel
le pouvoir est entre les mains
d’un petit nombre de personnes.
Ostracisme
L’exclusion d’un citoyen, coupable
de menacer la démocratie, votée
à l’assemblée du peuple.
Tyrannie
Régime politique dans lequel
le pouvoir est exercé par la force.
Personnages-clés
Philippe II de Macédoine
(382-336 avant J.-C.)
Fondateur d’un
État macédonien
puissant, il lance
une politique d’expansion
territoriale. En –338, à Chéronée,
les Grecs coalisés sont écrasés
par l'armée macédonienne
commandée par le fils
de Philippe, futur Alexandre
le Grand.
58
Athènes, une démocratie directe
2
Athènes, une cité en guerre
Fière du régime démocratique dont elle s’est dotée,
Athènes se montre pourtant tyrannique à l’extérieur.
Après la victoire des hoplites* sur les Perses à Marathon (– 490) et de la flotte
à Salamine (– 480), les Athéniens se posent en défenseurs des cités grecques.
Athènes réunit un grand nombre d'entre elles dans une alliance : la ligue de Délos
(doc. 1 p. 56). Mais l’hégémonie athénienne se transforme en domination. Sparte
et ses alliés tentent de mettre un frein à l’impérialisme athénien. En – 431,
commence la guerre du Péloponnèse, qui dure plus d’un quart de siècle et mine
la démocratie en divisant la population entre partisans de la guerre et partisans
de la paix. (doc. 2 p. 56)
Dates-clés
Vaincue par sa rivale en – 404, frappée par la peste,
Athènes est durablement affaiblie.
La cité réussit à mettre sur pied une nouvelle confédération maritime, mais
celle-ci est de courte durée. Athènes ne retrouve pas sa puissance à l’extérieur
et se heurte au roi Philippe II de Macédoine• (doc. 3 p. 56). En – 338, Athènes,
alliée à Thèbes, est vaincue par l’armée macédonienne, à Chéronée. Sur le plan
intérieur, la cité réussit à sauver son régime démocratique malgré plusieurs coups
d’état visant à instaurer un régime oligarchique* (en – 411 et – 404). Mais elle a
suivi des démagogues* qui, en flattant le peuple, l’ont entraînée dans des aventures désastreuses (expédition de Sicile en 415-413 avant J.-C.) et son système
politique est la cible de vives critiques.
> – 508
Réforme de Clisthène réorganisant
le découpage des tribus, structures
politiques et militaires en Attique
Les remises en cause du modèle athénien s’expliquent par la situation
de guerre et ses conséquences sur le fonctionnement de la cité.
La guerre ébranle la cité et, avec elle, les convictions de certains écrivains
athéniens. Le théâtre, les écrits des philosophes ou des historiens sont révélateurs
des interrogations des Athéniens sur la valeur de leur régime démocratique et sur
les décisions qu’ils prennent. Les auteurs de théâtre expriment une inquiétude
commune, celle de voir la cité menacée par des guerres incessantes (doc. 4, 5 et
6 p. 57). Aristophane (v. 458 - v. 385 avant J.-C.), auteur de comédies révélant les
dysfonctionnements de la démocratie, exprime son regret de l’âge d’or du Ve siècle. Euripide (480-406 avant J.-C.), quant à lui, continue d’affirmer la supériorité
du régime démocratique. Les remises en cause ne concernent pas uniquement
l’impérialisme athénien et son coût élevé. Les écrivains athéniens témoignent
des transformations à l’œuvre dans la cité. La guerre permet de s’enrichir et rend
difficilement compatible le maniement des armes loin de l’Attique et la participation à la vie de la cité. On constate une dissociation entre les chefs militaires
et les chefs politiques. Au IVe siècle, Démosthène• s’inquiète des dérives de la
démocratie. En – 322, la réforme imposée par les Macédoniens qui prive la moitié
des citoyens de leurs droits civiques, marque la fin de la démocratie athénienne.
> – 431/– 404
Guerre du Péloponnèse.
Athènes capitule.
> – 549
Réforme de Solon établissant
l’isonomie
> – 490
Victoire de Marathon
contre les Perses
> – 480
Victoire navale à Salamine
> – 478
Création de la Ligue de Délos
> – 403
Restauration de la démocratie
> – 322
Abolition de la démocratie
Personnages-clés
Démosthène (384-322 avant
J.-C.)
Orateur et homme
politique athénien,
il tente de prévenir
les Athéniens des menaces
que représente la Macédoine
sur la cité. Après la défaite
de Chéronée (–338), il se suicide.
La démocratie athénienne
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Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
59
Documents
L'Empire romain
1
À Rome, à partir du Ier siècle, le pouvoir est entre
les mains de l'empereur. Le statut de citoyen
est avant tout une dignité.
2
6
3
A. L'empereur,
le pouvoir d'un seul
11
8
1 Le pouvoir d’Auguste
« En fait César1, puisqu’il était maître
des finances […], et puisqu’il avait
l’autorité militaire, devait exercer en
tout et toujours un pouvoir souverain. […] Le nom d’Auguste lui fut
donné par le Sénat et par le peuple.
Car, comme il avait été décidé
de lui donner un titre en quelque
manière spécial, […] César […] se
fit appeler Auguste, ce qui signifiait
qu’il avait quelque chose de plus
que les hommes. […] Ce fut ainsi
que la puissance du peuple et du
Sénat passa toute entière à Auguste,
et qu’à partir de cette époque fut
établie une monarchie pure. »
■ DION CASSIUS (155-v. 235), Histoire
romaine, L III, 16-17, in Y. Le Bohec,
Histoire romaine : textes et documents,
PUF, 1998.
1. Auguste, appelé César après son
adoption par ce dernier.
1. Quelles fonctions Auguste
détient-il ? Comment Dion Cassius
qualifie-t-il le pouvoir d’Auguste ?
2. Par qui l’empereur est-il choisi ?
7
5
4
10
9
2 Un pouvoir
dynastique
12
(Camée en sardonyx à cinq
couches dit Grand camée de France,
réalisé vers 23-29 ap. J.-C. sous le règne de Tibère.)
Auguste, anciennement appelé Octave, est le petit-neveu de Jules César qui l’a adopté. Après
les guerres civiles et les luttes politiques qui suivent l’assassinat de ce dernier, Octave, ayant
vaincu ses rivaux, fonde le principat. Après sa mort en 14, Tibère, qu'il a adopté, lui succède.
1 César pontife 2 Auguste chevauchant Pégase 3 Aiôn, souverain de l’Univers 4 Livie,
veuve d’Auguste 5 Empereur Tibère, fils de Livie, adopté par Auguste 6 Drusus, frère
de Tibère 7 Germanicus, fils de Tibère 8 Agrippine, petite-fille d’Auguste et épouse de
Germanicus 9 Caligula, fils d’Agrippine et Germanicus 10 Livilla, sœur de Germanicus
11 Drusus II, époux de Livilla 12 Captifs liés aux campagnes militaires
■ Que révèle ce document du principe de succession au pouvoir à partir d’Auguste ?
Quelle est la fonction de cet objet ?
3 Le culte impérial en Gaule narbonnaise
« Bons, bénis et heureux soient l’empereur César Auguste,
fils de César divinisé, père de la Patrie, pontife suprême,
revêtu de la 34e puissance tribunicienne, son épouse, ses
enfants et sa lignée, le Sénat et le peuple romain. La plèbe
de Narbonne a placé sur le forum un autel, auprès duquel,
chaque année le neuvième jour avant les calendes d’octobre […], trois chevaliers romains recommandés par la
plèbe et trois affranchis immoleront individuellement des
victimes et à leurs frais, ce jour-là, assureront l’encens et le
vin aux colons et aux domiciliés pour adresser des prières
à sa puissance divine ; […] le septième jour avant les ides
60
de janvier, également, jour où il a inauguré son pouvoir sur
le monde habité, ils adresseront leurs prières par l’encens
et le vin, ils immoleront individuellement des victimes, et
ce jour ils assureront aux colons et aux domiciliés l’encens
et le vin. »
■ Inscription sur l’autel dédié par la plèbe de Narbonne
à l’empereur Auguste (27 av. J.-C.-14 ap. J.-C.).
1. Doc. 2 et 3 Quelles sont les formes prises par le culte
impérial ?
2. Pourquoi la famille impériale y est-elle associée ?
B. La citoyenneté romaine, une dignité
6 L'accession à la citoyenneté des élites locales
« Comment on obtient la citoyenneté romaine dans
ce municipe1 : ceux qui […] seront créés magistrats
du municipe flavien2 d’Irni selon les modalités de cette
loi, quand ils auront quitté cet honneur, qu’ils soient
citoyens romains ainsi que leurs parents, leurs femmes
et leurs enfants nés d’un mariage légitime et demeurés
sous la puissance paternelle, ainsi que leurs petitsenfants des deux sexes nés d’un fils et demeurés sous la
puissance paternelle, à condition qu’il n’y ait pas plus de
citoyens romains que de magistrats qu’on doit nommer
d’après cette loi. »
■ Loi municipale d’Irni en Bétique (Andalousie), 2e moitié
du Ier siècle ap. J.-C. (trad. F. Jacques in M. Christol et D. Non,
Rome et son Empire, Hachette, 2003).
1. Cité dans laquelle les habitants peuvent accéder
à la citoyenneté romaine sous certaines conditions.
2. Nom d’une dynastie impériale romaine de la deuxième
moitié du ier siècle après J.-C.
4 Des citoyens romains
(Marbre, deuxième moitié du Ier siècle ap. J.-C.
0,8 x 5,6 m, musée du Louvre, Paris.)
■
Quel est le signe vestimentaire distinctif du citoyen romain ?
5 Romains et non-Romains
Originaire d’Asie mineure, l'écrivain grec P. Aelius
Aristide devient citoyen romain sous l'empereur Hadrien.
Il a écrit un discours exaltant l'Empire romain.
« Ni la mer ni l’étendue d’un continent ne peuvent
faire obstacle à l’accession à la citoyenneté. Dans cet
empire, l’Asie n’est pas séparée de l’Europe. Tout est
ouvert à tous. Il n’est personne, qui, digne de pouvoir
ou de confiance, ne reste étranger. [...] Vous avez fait
que le nom Romain n’est pas celui d’une cité, mais
devenu celui d’un peuple unique ; non celui d’un peuple
parmi d’autres, mais celui d’un peuple en face de tous
les autres. Les peuples ne sont plus divisés en Grecs et
Barbares, et votre idée n’est pas absurde, selon laquelle
votre cité est plus riche en hommes que toute la race
grecque. La ligne de partage, vous l’avez établie entre
Romains et non-Romains ; vous avez étendu le nom
de votre cité jusqu’à cette limite. Depuis que ce partage
existe nombreux sont, dans chaque cité, ceux qui sont
autant vos concitoyens que ceux de leur propre race,
et ceci bien que plusieurs d’entre eux n’aient encore
jamais vu votre cité. Il n’est d’ailleurs pas besoin de
garnisons dans leurs acropoles ; en effet, partout, les
hommes les plus importants gardent pour vous leur
propre patrie. »
■ AÉLIUS ARISTIDE (117-180 ap. J.-C.), Éloge de Rome, LIX-LXVI,
trad. d’après J.-P. Martin, Le Siècle des Antonins, PUF, 1977.
■
D’après Aélius Aristide, à qui s’applique le statut
de citoyen dans l’Empire romain ?
7 L'accession à la citoyenneté par le service
dans l’armée
(Fragment de diplôme militaire datant de 160 et conférant la
citoyenneté à un ancien soldat de la cohorte V Bracaraugustanorum.
Inscription conservée au Museum Quintana, Künzing.)
À partir de l’empereur Claude (41-54), la citoyenneté romaine est
accordée aux soldats auxiliaires ayant effectué 25 ans de service.
■ Au Ier siècle, quels sont les moyens d’accession
à la citoyenneté romaine ?
Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
61
HISTOIRE DES ARTS
La diffusion du modèle urbain de Rome : Timgad
OBJECTIFS
DConnaître les caractéristiques
de l’urbanisme romain
DComprendre la diffusion d’un modèle
culturel
VOCABULAIRE
Curie
Sénat (assemblée municipale).
Trajan (53-117)
Adopté par l’empereur Nerva, il lui
succède en 98. Initiant une politique
de conquêtes, il amène l’Empire romain
à son extension maximale. Grand bâtisseur, il favorise le développement
des villes qui sont un moyen de créer des centres
de romanité. En 100, il fonde en Numidie (Algérie
actuelle) une colonie qui prend le nom de colonia
Marciana Traiana Thamugadi, Timgad.
Basilique
Édifice civil servant de tribunal et de lieu de rendez-vous des
gens d’affaires.
Cardo/decumanus
Dans le modèle urbain romain, le cardo, axe nord-sud, est une
des rues principales au cœur de la vie économique et sociale de
la ville. Le decumanus correspond à l’axe est-ouest. À la croisée
de ces deux axes se situe généralement le forum.
3
8
4
7
2
6
1
5
1 Rome impériale
(Maquette de Rome au IIe siècle, musée de la Civilisation romaine, Rome.)
1 Circus Maximus (cirque où avaient lieu les jeux publics)
2 Palatin (colline de Rome recouverte par des palais)
3 Forum romain (place centrale où se tenaient les affaires
publiques ou privées)
4 Capitole (colline de Rome où Romulus aurait été allaité par la louve,
devenue centre religieux et siège du Sénat – également appelé « curie »)
62
5 Mur de Servius Tullius (roi de Rome, VIe siècle av. J.-C.)
6 Temple de Claude (empereur romain, 10-54)
7 Colisée (amphithéâtre où se tenaient notamment les combats
de gladiateurs)
8 Thermes de Trajan
3
1
2
4
5
6
7
8
2 Les ruines de Timgad
Timgad est fondée en Numidie (Algérie actuelle) en 100 après J.-C.
par l’empereur Trajan pour les vétérans de la IIIe Légion, sur la longue
voie romaine qui longe les Aurès par le nord. Le pouvoir participe
financièrement à la fondation par des travaux effectués par l’armée.
Aux colons sont attribués un lot de terre ainsi que la citoyenneté
romaine.
La ville, initialement d’une superficie de 12 hectares, finit par en
occuper plus d’une cinquantaine.
1
2
3
4
Arc de Trajan
Le décumanus
Le cardo
Le Forum, entouré du
tribunal, de la curie pour le
Sénat local, d’un temple du
culte impérial, de boutiques
5 Le théâtre
6 Le marché de Sertius,
entouré de boutiques
7 Le temple de Jupiter
Capitolin
8 Les thermes
L ECT U R E D E L’ ŒU V R E
1. Décrivez le plan de Timgad. (doc. 2)
2. Quels éléments architecturaux sont encore visibles ?
3. Quelle est leur fonction ?
A N A LYS E D E L’ ŒU V R E
3. Par qui et pour qui cette colonie a-t-elle été fondée ?
(introduction)
4. Quelle a été l’influence du modèle urbain et du mode
de vie romains sur la construction de Timgad ? (doc. 1)
5. À Timgad, où sont placés les bâtiments
LIRE, ÉCOUTER, VOIR, VISITER…
• Arles, cité romaine dans le Sud de la France
• Trèves, cité romaine en Allemagne
les plus importants ?
6. Qu’est-ce que cette fondation révèle sur le rôle de Timgad
comme instrument de romanisation des populations environnantes ?
Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
63
Cours
3 Citoyenneté et Empire à Rome
uQui détient le pouvoir dans l'Empire romain ?
uQuels privilèges sont associés au statut de citoyen romain ?
Mots-clés
1
Empire
L’Empire romain naît de la crise de la République au Ier siècle avant notre ère.
D’abord cité monarchique (VIIIe-VIe siècles avant J.-C.), Rome se transforme
en une République au VIe siècle, puis en un empire au début de notre ère, sous
Auguste (– 27/14). Rome est le cœur d’un gigantesque État gagné par la force
des légions, qui s’étend depuis les îles Britanniques au nord jusqu’à l’Égypte au
sud et les bords de la Mésopotamie à l’est.
Régime politique dans lequel
le pouvoir est détenu
par un empereur.
Ordre équestre
Notables de la société romaine,
moins fortunés que les sénateurs,
ayant accès à certaines
magistratures.
Cet empire, bordé par le limes fortifié là où le danger extérieur
est le plus grand, est organisé en provinces.
Le limes marque la frontière entre le monde civilisé, celui sous domination
romaine, et les barbares*. Les provinces ont des statuts variés mais le gouvernement de toutes dépend de Rome, où se trouvent les organes centraux. Les villes,
souvent de fondation ancienne en Orient, plus récente en Occident, sont administrées par des magistrats municipaux (décurions). Parmi ces cités, on distingue
celles de droit romain, colonie comme Timgad (p. 62-63) ou municipe, et celles
dites pérégrines (étrangères) dont les habitants gardent leurs institutions et leur
droit. Dans les premiers temps de l’empire, la population est donc divisée entre
Romains et pérégrins.
Ordre sénatorial
Élite de la société romaine composée
de familles riches dont sont issus
les membres du Sénat.
Pérégrin
La société romaine est composée d’ordres fondés sur l’hérédité
et sur les statuts de l’individu.
Comme en Grèce, les individus sont divisés entre libres et non-libres. Parmi les
libres, les patriciens sont les plus fortunés et exercent le pouvoir. La plèbe constitue la grande majorité de la population. Plus bas dans l’échelle sociale se trouvent
les affranchis. Anciens esclaves libérés par leur maître dont ils adoptent les noms
et prénoms, quelques-uns parviennent à mener des carrières exemplaires jusqu'à
occuper des postes dans l’entourage de l’empereur. Les esclaves, dont les effectifs
sont fournis par les conquêtes, sont employés à grande échelle dans les mines et
dans l’agriculture. Les mieux traités sont les esclaves de la maison.
Au début de l’Empire romain,
homme libre habitant une province
récemment conquise, ne disposant
pas de la citoyenneté romaine.
Plèbe
Le petit peuple de Rome.
Principat
Le pouvoir personnel et dynastique
de l’empereur malgré le maintien
des apparences républicaines.
Il correspond à la période
qui s’étend de – 31 à 284.
République
Régime politique dans lequel
le pouvoir n’est pas détenu
par un seul et dans lequel le chef
de l’État n’est pas héréditaire.
Sénat
Conseil des Anciens à Rome, qui sous
la République disposait d’un pouvoir
souverain. Sous l’empire, il garde
le contrôle de certaines provinces et
des pouvoirs judiciaires importants.
Au sein de l’empire, les cités sont
gérées par des Sénats municipaux.
64
Rome, un immense empire organisé en provinces
2
L’empereur romain, le pouvoir d’un seul
L’empereur, chef militaire, domine les institutions et les hommes.
Le principat est instauré par Octave – premier des empereurs romains, sous
le nom d’Auguste• (doc. 1 p. 60) – qui reçoit le titre d’imperator (chef de guerre
et dépositaire de l’autorité) en – 38, le nom d’augustus (chargé d’une mission
divine) en – 27, puis la charge de pontife (chef religieux) en – 12. À partir
d'Auguste, la légitimité du nouvel empereur provient du principe dynastique : le
souverain en place le désigne comme son successeur et l’adopte dans le cas où il
n’est pas son père naturel. (doc. 2 p. 60) L’empereur est le chef de l’armée, institution majeure pour la protection de l’empire. Il a besoin de l’appui des légions
et c’est souvent sous leur pression que le prince est choisi, comme Trajan. Le
culte à l’empereur divinisé, pratique instituée dès Auguste, constitue un ciment
de l’empire (doc. 3 p. 60).
L’empereur est le pivot des institutions civiles héritées de la République
mais profondément transformées sous l’empire.
Les assemblées de citoyens – les comices – sont privées d’autorité et ne
peuvent qu’accepter les magistrats qu’on leur propose. L’empereur contrôle le
3
recrutement du Sénat, auquel on accède à l'issue des différentes magistratures
du cursus honorum (tribunat, questure, préture, consulat). L’ordre sénatorial
constitue toujours l’élite de la société romaine. Ce sont des hommes riches, qui se
distinguent par des insignes visibles comme le port d’une toge à large bande de
pourpre (laticlave). L’ordre équestre occupe le second rang dans l’État. Les chevaliers, porteurs d’une toge à bande pourpre moins large, issus des élites locales
et des meilleurs cadres militaires, aspirent à jouer un rôle important en occupant
les postes clés de l’administration.
Dates-clés
La citoyenneté romaine, une dignité
Auguste (63 av. J.-C. - 14 ap. J.-C.)
> – 27
Fondation du principat
par Auguste
> 14
Auguste est divinisé
Personnages-clés
Connu d’abord sous
le nom d’Octave,
petit-neveu de César,
qui l’adopte en – 45,
il se pose à la mort de César
comme son héritier face
à son rival, Antoine. Il instaure
le principat en – 27 et réorganise
les provinces de l’Empire romain
dont il fixe durablement
les limites.
Davantage qu’un droit et un devoir politique, la citoyenneté est un privilège.
Le citoyen romain est d’abord un homme libre, reconnaissable au port de la
toge (doc. 4 p. 61) et à son nom composé généralement du prénom, du nom et du
surnom. Il parle le latin et parfois le grec. Il bénéficie de garanties légales devant
la justice pénale, comme la possibilité d’échapper à la torture et celle de faire
appel à l’empereur. De plus, il dispose d’avantages dans le domaine civil, qu’il
s’agisse de questions familiales ou d’acquisition de biens. L’attrait de la citoyenneté romaine est aussi dû à des avantages fiscaux comme l’exemption de l’impôt
par tête, bien que le citoyen soit soumis à d’autres droits (impôt de succession
spécial). Ses autres obligations sont d’ordre militaire et religieux.
Sous le principat, le peuple perd la faculté d’accéder à la plupart des magistratures et de contribuer à la loi. Néanmoins, seuls les citoyens romains peuvent
se lancer dans une carrière de magistrat.
L’octroi de la citoyenneté romaine est plus facile qu'à Athènes.
Au début du Ier siècle, le nombre de citoyens avoisine les 4 millions, dont
environ 320 000 (sur plus d’1 million) vivent à Rome (doc. 5 p. 61). Sous l’empereur Claude• (41-54), 6 millions de citoyens sont recensés. Cette progression
s'explique par l’attribution de la citoyenneté par l’empereur ou encore par l’application de mécanismes automatiques. Les enfants d’affranchis accèdent par
exemple à la citoyenneté, ainsi que les étrangers ayant fait partie des troupes
auxiliaires ou exercé une magistrature dans certaines cités. La citoyenneté est
ensuite transmise par le père. (doc. 6 et 7 p. 61).
Un empire centralisé dirigé par un seul homme
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Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
65
Étude
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• – 50 : César transforme la Gaule
chevelue en province romaine
• – 43 : Fondation de Lugdunum
(Lyon)
• – 22 : La Narbonnaise devient
province sénatoriale
• 48 : Tables claudiennes
R
uEn quoi les tables claudiennes montrent-elles une adaptation
constante du statut de citoyen ?
E
Conquise au Ier siècle avant J.-C., la Gaule est intégrée à l’Empire romain.
Les notables romanisés de la Gaule chevelue sollicitent le droit de cité
complet et l’accès au Sénat de Rome. La réponse que leur fait l’empereur
Claude en 48 est gravée sur une plaque de bronze, retrouvée à Lyon :
les tables claudiennes.
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La Gaule romaine et les tables
claudiennes
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1 La Gaule romaine
3 Un notable gaulois
2 La Maison carrée de Nîmes
Temple dédié à Lucius et Gaïus, petits-fils d’Auguste (au début du Ier siècle).
66
(Bronze, Vienne, musée des Beaux-Arts
et d’Archéologie.)
Un notable gaulois, dit Pacatianus, portant
la toge romaine.
4 L'hostilité du Sénat romain
« Les principaux habitants de la
Gaule chevelue, qui depuis longtemps avaient obtenu des traités et
le titre de citoyens, désiraient avoir
dans Rome le droit de parvenir aux
honneurs1. Cette demande excita
de vives discussions et fut débattue
avec chaleur devant le prince. […]
Était-ce donc peu que des Vénètes
et des Insubriens eussent fait irruption dans le Sénat ; et fallait-il y
faire entrer en quelque sorte la
captivité elle-même avec cette foule
d’étrangers ? […] Ils allaient tout
envahir, ces riches dont les aïeuls
[…], à la tête des nations ennemies, avaient massacré nos légions,
assiégé le grand César auprès
d’Alise. […] Qu’ils jouissent, après
cela, du nom de citoyens ; mais les
décorations sénatoriales, mais les
ornements des magistratures, qu’ils
ne fussent pas ainsi prostitués. »
■ TACITE (v. 55- v. 120), Annales,
Livre XI-23.
1. C'est-à-dire au cursus honorum,
réservé aux fils de sénateurs, et qui mène
au Sénat.
5 La réponse de l’empereur Claude reproduite
sur les tables claudiennes…
(Lyon, musée gallo-romain de Fourvière.)
Plaque de bronze, retrouvée à Lyon, sur laquelle est gravée
la retranscription d’un discours de l’empereur Claude
tenu en 48 devant le Sénat romain.
(Marbre, musées du Capitole, Rome.)
6 … et rapportée par Tacite
« Le prince [Claude] fut peu touché de ces raisons. Il
y répondit sur-le-champ ; et, après avoir convoqué le
Sénat, il les combattit encore par ce discours […]. “Je
ne puis ignorer […] que l’Étrurie, la Lucanie, l’Italie
entière, ont fourni des Sénateurs. Enfin, en reculant
jusqu’aux Alpes les bornes de cette contrée, ce ne
sont plus seulement des hommes, mais des nations et
de vastes territoires que Rome a voulu associer à son
nom. La paix intérieure fut assurée, et notre puissance affermie au dehors, quand les peuples d’au-delà
du Pô firent partie de la cité, quand la distribution de
nos légions dans tout l’univers eut servi de prétexte
pour y admettre l’empire. […] Pourquoi Lacédémone
et Athènes, si puissantes par les armes, ont-elles péri,
si ce n’est pour avoir repoussé les vaincus comme des
étrangers ? […] Rappelons-nous toutes les guerres ;
aucune ne fut plus promptement terminée que celle
des Gaulois, et rien n’a depuis altéré la paix. Déjà les
mœurs, les arts, les alliances, les confondent avec nous :
qu’ils nous apportent aussi leurs richesses, et leur or,
plutôt que d’en jouir seuls.” »
Un Sénatus-consulte1 fut rendu sur le discours du
prince, et les Eduens reçurent les premiers le droit de
siéger dans le Sénat.
■ TACITE, Annales, Livre XI-24 et 25.
1. Décision du Sénat.
Né à Lyon en 10 av. J.-C., Claude est
le premier empereur romain né hors d’Italie.
Sénèque l’appelait l’empereur « gaulois ».
Questions
L’intégration culturelle de la Gaule
1. Qu’appelle-t-on la « Gaule chevelue » ? (doc. 1)
2. Quel est le statut des habitants de la Gaule chevelue
au début de l’Empire romain ? (doc. 1 et 4)
3. Quelle est l’influence culturelle de Rome sur la Gaule ?
(doc. 2 et 3)
L’accès des provinciaux à la citoyenneté romaine
4. Que demandent les notables de la Gaule chevelue ?
(doc. 4)
5. Comment réagit le Sénat romain et quels sont
ses arguments ? (doc. 6)
6. Que décide l’empereur Claude en 48 après J.-C. ? (doc. 5)
7. En quoi l’origine de l’empereur Claude a-t-elle pu
influencer sa décision ? (doc. 5)
8. Quels sont ses arguments d’après l’historien Tacite ?
(doc. 6)
Rédiger
Montrez comment la romanisation des provinces
facilite l’accès à la citoyenneté.
Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
67
È
R
E
• Vers 44 : L’empereur
Claude accorde le statut
de municipe à la cité
de Volubilis (Maroc actuel)
• Vers 60 : Construction
des thermes du Nord
de Volubilis
• 210-217 : Construction
de la basilique de Volubilis
• 212 : Édit de Caracalla
P
De la romanisation culturelle
à la romanisation juridique
S
Documents
R
E
Dans les cités de l’Empire, l’évolution des modes de vie témoigne
de la diffusion du modèle culturel romain. Elle favorise la généralisation
du droit de cité romain.
A. La romanisation de la cité de Volubilis
1 La carrière d’un citoyen
de Volubilis
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« À Lucius Pompeius Senior, de la
tribu Claudia, Volubilitain, tribun
militaire de la VIIIe légion Auguste,
préfet de la cohorte II Flavia
Afrorum, agrégé à l’ordre équestre
par le divin Pius [Antonin le Pieux,
empereur de 138 à 161], décurion
de son municipe, ses fils Pompeius
Antonianus et Pompeius Manlianus
ont érigé cette statue. »
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1. Quelle fonction municipale Lucius
Pompeius a-t-il occupée ?
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2. Comment est-il devenu chevalier ?
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2 Une domus d’un habitant de Volubilis
Le modèle de la maison aristocratique romaine, la domus, se diffuse à tout l’Empire.
4 La basilique
3 Les décors de mosaïque
(Orphée et les animaux, mosaïque du bain des
nymphes, parterre de mosaïque, Ier-IIIe siècles.)
68
Construite vers 210, la basilique est le lieu de réunion du conseil de la cité, elle a également
une fonction judiciaire.
■ Doc. 1, 2, 3 et 4. Que révèlent ces documents de la diffusion du modèle politique
et culturel de Rome dans les cités de l’Empire ?
B. L'édit de Caracalla
5 L’empereur Caracalla
(Portrait de Caracalla enfant, v. 200,
The Antikensammlung, Berlin.)
Derrière l'enfant Caracalla (188-217),
qui reçut le titre de César à l'âge de 8 ans,
son père l’empereur Septime Sévère
et sa mère l’impératrice Julia Domna.
À sa gauche, son frère et rival,
qu'il fît assassiner en 212.
6 L’édit de Caracalla, également appelé Constitution antonine
7 Les raisons de l'édit de Caracalla
« Voilà pourquoi j’estime pouvoir accomplir de manière si magnifique et
si digne des dieux un acte qui convienne à leur majesté, en ralliant à leur
culte, comme Romains, autant de fois de dizaines de milliers de fidèles
qu’il en viendra chaque fois se joindre à mes hommes. Je donne donc à
tous ceux qui habitent l’empire le droit de cité romaine, étant entendu que
personne ne se trouvera hors du cadre des cités, excepté les déditices1. Il
se doit en effet que la multitude soit non seulement associée aux charges
qui pèsent sur tous, mais qu’elle soit désormais aussi englobée dans la
victoire. Et le présent édit augmentera la majesté du peuple romain : il est
conforme à celle-ci que d’autres puissent être admis à cette même dignité
que celle dont les Romains bénéficient depuis toujours. »
1. Les populations exclues de la citoyenneté romaine car considérées
comme trop éloignées de la culture gréco-romaine.
« Il se fit une occupation de dépouiller,
spolier et pressurer tout le reste de l’humanité, les sénateurs pas moins que les
autres... Il abolit, en effet, le droit de
succession et l’immunité fiscale qui
avait été accordée aux proches du
défunt. Ce fut la raison pour laquelle
il attribua à tous les habitants de son
empire le droit de cité romaine, officiellement pour les honorer, en fait
dans le but d’augmenter par ce moyen
ses revenus, dans la mesure où les pérégrins ne paient pas la plupart de ces
impôts. »
1. À quelle échelle la citoyenneté est-elle accordée par l’édit de Caracalla ?
■ DION CASSIUS (historien), Histoire romaine,
Livre 68-9.
■ Constitution antonine, 212 ap. J.-C.
2. Quelles sont les conditions nécessaires à l’attribution de la citoyenneté ?
3. Comment Caracalla justifie-t-il sa décision ?
■ Quelle analyse Dion Cassius
propose-t-il de l’édit de Caracalla ?
Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
69
Cours
4 La diffusion
de la citoyenneté romaine
uComment assurer la cohésion d'un Empire en expansion ?
1
Le pouvoir de l’empereur s’impose à l’ensemble des provinces
en s’appuyant sur des fonctionnaires et des assemblées provinciales.
La paix romaine, pax romana, imposée aux provinces ainsi que la construction de nombreuses voies romaines favorisent les échanges au sein de l’empire
et la prospérité économique. De nombreuses cités se développent et adoptent le
modèle urbain de Rome, comme Timgad en Afrique du Nord (p. 62-63), et le mode
de vie des Romains. L’intégration des provinciaux, la romanisation, est d’abord
culturelle. La cité, cellule de base de l’administration provinciale, se charge de
la levée des impôts, du maintien de l’ordre… Ces responsabilités sont prises en
charge par des notables locaux qui, en outre, siègent au Sénat municipal. Cette
élite locale soutient le régime impérial qui peut lui assurer l’accès au Sénat
romain.
Dates-clés
> 48 Tables claudiennes
L’empereur Claude octroie le
droit de cité complet demandé
par des notables gaulois.
212
Édit de Caracalla
Personnages-clés
La romanisation passe par l’adoption du mode de vie romain.
La paix romaine, pax romana, imposée aux provinces ainsi que la construction
de nombreuses voies romaines favorisent les échanges au sein de l’empire et
la prospérité économique. Le modèle urbanistique et architectural de Rome est
copié dans toutes les cités de l’empire, assurant la popularisation du mode de vie
romain : bains, théâtres, jeux du cirque, etc. Les provinciaux fortunés adoptent la
domus aristocratique ; la richesse de leur décor témoigne du raffinement du mode
de vie de ces élites locales romanisées. (doc. 2, 3 et 4 p. 68)
Caracalla (188-217)
Fils de l’empereur
Septime Sévère,
il devient empereur
en 211 avec son
frère Géta, qu’il fait rapidement
assassiner. Il unifia l’Empire
romain en accordant à tous
les sujets libres la citoyenneté
romaine.
L’intégration culturelle favorise la diffusion progressive
du droit de cité romain.
Au Ier siècle après J.-C., la Gaule « chevelue » obtient que ses chefs soient
associés au pouvoir. En 48, les notables gallo-romains revendiquent l’accès au
Sénat de Rome. Une partie des habitants de la Gaule, contrée proche de l’Italie et
précocement romanisée, a certes accédé à la citoyenneté, mais une citoyenneté
incomplète qui ne lui ouvre pas les portes du Sénat. L'empereur Claude• se montre favorable à un élargissement du Sénat, qui tente, sans succès, de résister. La
décision de Claude est gravée sur des tables de bronze : les tables claudiennes.
Elles constituent une étape importante dans l’association des élites provinciales
au système impérial. (étude p. 66-67)
Claude (– 10/54)
Proclamé empereur
en 41 après la mort
de son neveu
Caligula. Souffrant
de divers maux comme l’épilepsie,
il réussit toutefois à consolider
les frontières de l’Empire romain.
Trajan (53-117)
Fils d’un soldat
et il fut nommé
gouverneur
de la Germanie
avant d’être adopté par
l’empereur Nerva en 97.
Premier empereur provincial
(en 98), il joua un rôle majeur
dans l’intégration des provinciaux
à l’empire. Il lança l’empire
dans une politique de conquêtes,
dont la Dacie et ses riches mines
d’or et entreprit de grands
travaux (forum de Trajan à Rome),
avant de mourir au retour
de ses campagnes d’Orient.
70
La romanisation culturelle
2
L'extension du droit de cité
À la fin du Ier siècle, le mouvement d'intégration des provinces se poursuit.
Le prince vient parfois de régions éloignées de la capitale. Trajan• inaugure
la dynastie des empereurs originaires d’Espagne, bien que d’ascendance italienne.
Parallèlement, un nombre croissant de provinciaux accèdent à la haute administration militaire et civile. Dans les provinces, la citoyenneté est plus généreusement
accordée, à des rythmes différents selon le degré de romanisation des régions.
Les habitants des cités de l’empire se retrouvent alors avec deux citoyennetés, la
citoyenneté locale et la citoyenneté romaine.
L’édit de Caracalla (212) unifie les habitants de l’empire
tout en préservant la diversité locale.
En février 212, l’empereur Caracalla• (doc. 5 p. 69), fils d’un Africain et d’une
Syrienne, décide de faire citoyens romains tous les hommes libres de l’Empire
romain, à l’exclusion d’une catégorie, les déditices* (doc. 6 p. 69).
Pour Dion Cassius (v. 155-229), Caracalla poursuit un but fiscal (doc. 7 p. 69).
En effet, la mesure permet d’augmenter les revenus impériaux, l’attribution de
la citoyenneté allant de paire avec le paiement de certaines taxes sur l’héritage.
Il est vraisemblable que des raisons religieuses animent également l’empereur :
étendre la citoyenneté, c’est renforcer les liens entre le prince et ses sujets, en
développant en particulier la participation au culte impérial. Accorder à tous le
même statut permet par ailleurs de simplifier les procédures juridiques.
Mots-clés
Romanisation
Processus politique et culturel
par lequel les populations
des pays vaincus par les Romains
sont intégrées à l’Empire romain.
L’édit de Caracalla, également appelé Constitution antonine (doc. 6 p. 69),
s’inscrit dans une politique amorcée dès le Ier siècle : l’extension de la citoyenneté
à un nombre toujours plus grand d’hommes vivant dans les provinces, afin de
favoriser leur intégration tout en maintenant la primauté de Rome. Dorénavant,
il y a coïncidence entre habitants et citoyens de l’Empire romain.
L’extension du statut de citoyen s’accompagne de son appauvrissement.
Toutefois, le statut de citoyen est vidé de ses droits politiques. Il s’agit surtout
de gagner des sujets à l’empereur. Néanmoins, la romanité s’impose et permet à
tous d’accéder au droit romain privé : la justice romaine reconnaît à presque tous
les habitants de l'empire leur mariage, leur descendance, leurs propriétés.
L’appartenance à l’empire romain se superpose aux identités variées des peuples composant l’empire. L’usage de porter trois noms se répand par exemple
jusqu’en Orient. De même, les cultes romains sont adoptés en se fondant dans
des rites anciens.
Mais ce qui inquiète davantage autorités et populations, c’est la multiplication aux frontières d’incursions barbares*, notamment sur le Rhin et le Danube.
L'extension du droit de cité
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Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
71
Exercices et méthodes
La démocratie athénienne
Le titre donné au document donne
une indication sur l’idée générale.
La démocratie athénienne selon Aristote
« Le principe fondamental du régime démocratique, c’est la liberté ; voilà
ce que l’on a coutume de dire, sous prétexte que dans ce régime seul on a
la liberté en partage : c’est là, dit-on, le but de toute démocratie. Une des
marques de la liberté, c’est d’être tour à tour gouverné et gouvernant.
La justice démocratique consiste dans l’égalité selon le nombre, mais non
selon le mérite : si la justice, c’est cela, le “souverain”, c’est forcément la
masse populaire […]. Chaque citoyen, dit-on, doit avoir une part égale ; et
la conséquence dans les démocraties, c’est que les pauvres sont plus puissants que les riches : ils sont plus nombreux et l’autorité souveraine, c’est la
décision de la majorité.
Ces principes de base une fois posés et telle étant la nature du pouvoir, voici
les règles caractéristiques de la démocratie : élection des magistrats faite par
tous et parmi tous, exercice du pouvoir par tous sur chacun, chacun à tour
de rôle commandant à tous ; tirage au sort de toutes les magistratures ou
du moins de toutes celles qui n’exigent ni expérience pratique ni connaissances techniques ; […] accès de tous aux fonctions judiciaires […]. Ensuite,
versement d’indemnités, de préférence pour toutes les fonctions, Assemblée,
tribunaux, magistratures […].
De plus, puisqu’une oligarchie se définit par la naissance, la richesse et l’éducation, les marques de la démocratie sont, de général, opposées à celles-ci :
basse naissance, pauvreté, vulgarité. »
■ ARISTOTE (384-322 av. J.-C.), Politique.
L’auteur du texte : certains
éléments de sa biographie
(sa fonction, son statut social,
son origine géographique,
etc.) permettent
de comprendre le document.
Le titre de l’ouvrage dont est tiré l’extrait.
Il nous indique la nature du document.
Les dates de l’auteur :
elles indiquent quand
l’auteur à vécu
et donc le contexte
de rédaction du texte.
Aide
Aristote (384-322 av. J.-C.)
Né à Stagire en Chalcidique, ce philosophe grec s’installe
à Athènes de 367 à 347 où il devient un disciple de
Platon. Après avoir été le précepteur d’Alexandre (futur
Alexandre le Grand), il revient à Athènes en 335, où il
fonde son école, le Lycée. Son œuvre est variée et estimée
à 400 ouvrages, dont le cinquième seulement est parvenu
jusqu’à nous. Elle est répartie en deux catégories :
72
philosophique, sous formes de dialogues ; catalogues
de faits historiques et scientifiques dont la plupart sont
perdus. Dans les huit livres de sa Politique, il prend comme
base la cité-État, classe les différentes Constitutions
et distingue trois formes de gouvernement : royauté,
aristocratie, démocratie qui peuvent se transformer en
tyrannie, oligarchie et démagogie.
Méthode Lire et comprendre un document
■ Présenter un texte
La présentation du document doit comporter les éléments suivants : nature, source, auteur, date et contexte.
En vous appuyant sur la méthode p. 10, rédigez la présentation.
■ Analyser un texte
Étape 1. Lire de manière approfondie le texte pour en comprendre tous les termes.
Étape 2. Surligner les mots ou expressions importants pour dégager les articulations du texte, tenir compte
des paragraphes qui montrent la manière dont l’auteur construit son argumentation.
Étape 3. Dégager l’idée générale. Le titre du document peut donner une indication.
Il s’agit ici d’une description de la démocratie athénienne.
Étape 4. Surligner les mots ou expressions clés de chaque paragraphe pour en dégager l’idée principale
en reformulant :
1er paragraphe : 1er principe de la démocratie athénienne = la liberté des citoyens
2e paragraphe : 2e principe = l’égalité des citoyens dont découle la règle de la majorité
3e paragraphe : le fonctionnement de la démocratie
4e paragraphe : les marques de la démocratie, c’est-à-dire ce qui distingue ce régime politique
Étape 5. S’interroger sur le ton de l’auteur : est-il neutre ou au contraire exprime-t-il un point de vue personnel ?
Ici, par exemple, quel est le registre des termes utilisés dans le dernier paragraphe : « basse naissance,
pauvreté, vulgarité » ? Donnent-ils une indication sur ce qu’Aristote pense du régime politique athénien ?
Étape 6. Résumer en quelques phrases le propos du texte sans le recopier.
Exercice d'applic
ati
on
Le gouvernement de la Bretagne par Agricola
Aide
Tacite (Publius Cornelius Tacitus,
55-120)
Historien romain issu d’une famille
de l’ordre équestre de la Gaule
transalpine, ses talents d’orateur
lui permettent de faire une brillante
carrière politique et d’entrer au
Sénat. Sa production littéraire est
appréciée du pouvoir et il devient
l’historien officieux du régime, qu’il
n’hésite pourtant pas à critiquer.
La Vie d’Agricola (98) est un éloge
funèbre de son beau-père. Il y décrit
notamment les mœurs et la culture
des Bretons (Anglais) vivant sous la
domination romaine.
Le général romain Gnaeus Julius Agricola (40-93), beau-père de Tacite, est
l’artisan de la conquête de la majeure partie de la Bretagne.
« XXI. 1. Vint l’hiver, qui fut entièrement consacré à la mise en œuvre d’initiatives très salutaires pour des gens disséminés et incultes et d’autant plus
portés à faire la guerre. Agricola voulait les habituer à vivre paisiblement
et à occuper agréablement le temps libre. Il les y invitait individuellement.
Il aidait des collectivités à édifier des temples, à aménager des places publiques, à construire de vraies maisons. Il félicitait les plus entreprenants et
s’en prenait aux récalcitrants. Ainsi le désir de se faire mieux voir que les
autres tint lieu de contrainte.
2. De plus, il faisait initier les enfants des notables aux arts libéraux et préférait aux acquis culturels des Gaulois les dispositions naturelles des Bretons :
eux qui naguère méprisaient notre langue, ne désiraient-ils pas maintenant,
à tout prix, la parler couramment ?
3. Par la suite, cela fit bien de s’habiller comme nous et beaucoup adoptèrent la toge. Peu à peu, les Bretons se laissèrent aller à l’attrait des vices à
découvrir sous les portiques, dans les thermes et le raffinement des festins.
L’inexpérience leur faisait appeler civilisation ce qui amputait leur liberté. »
■ TACITE, Vie d’Agricola, 98.
1. Rédigez la présentation du texte.
2. Résumez en quelques phrases le propos du texte.
Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
73
Réviser
Exercice 1
Exercice 3
Parmi les propositions suivantes, choisissez
la bonne réponse.
1. L’isonomie est :
– l’égalité devant la loi entre les citoyens athéniens
– l’égalité politique entre les citoyens athéniens
– la liberté dont disposent les citoyens
2. L’Ecclésia athénienne est :
– l’assemblée du peuple
– le tribunal populaire
– le conseil chargé de la préparation des lois
3. La plèbe est :
– l’ensemble des citoyens romains
– le petit peuple de Rome
– l’impôt payé par les citoyens romains
4. Un affranchi est :
– un esclave appartenant au domaine public
– un esclave en fuite
– un esclave libéré par son maître
Retrouvez les notions correspondant
aux définitions suivantes.
1. Communauté indépendante composée d’une cité
et de son territoire, dont la cité est le centre politique.
2. Au début de l’Empire romain, homme libre habitant
une province récemment conquise, ne disposant pas
de la citoyenneté romaine.
3. Processus politique et culturel par lequel les populations des pays vaincus par les Romains sont intégrées
à l’Empire romain.
4. À Athènes, l’exclusion d’un citoyen coupable de
menacer la démocratie, votée à l’assemblée du peuple.
5. Étranger libre vivant et travaillant en Attique contre
le paiement d’une taxe et ne disposant pas de droit
politique.
6. Régime politique dans lequel chaque citoyen participe à la prise de décision politique, sans intermédiaire.
Exercice 4
Exercice 2
Justifiez les affirmations suivantes en proposant
des arguments.
1. À Athènes et à Rome, le statut de citoyen assure des
privilèges.
2. À Athènes, l’accès à la citoyenneté est restreint, alors
qu’à Rome, il est plus ouvert.
3. La société romaine est composée d’ordres fondés sur
l’hérédité et sur les statuts de l’individu.
4. L’empereur romain, chef militaire, domine les institutions et les hommes.
Pour quelles réalisations ces personnages sont-ils
des figures politiques centrales du monde antique ?
Périclès
Auguste
@ PARCOURS SUR SITE
La maquette de Rome
Rendez-vous sur le site de l’université de Caen,
à l’adresse www.unicaen.fr/rome, pour découvrir
une maquette en plâtre de la Rome antique réalisée
par l’architecte Paul Bigot.
1. Quelle est la taille de la maquette ?
Cliquez sur l’onglet « Maquette » puis, dans
la rubrique « Visites à distance », sélectionnez
la visite historique et la période du Haut Empire.
Choisissez une réalisation architecturale d’Auguste.
2. Situez-la sur la maquette.
3. Présentez et décrivez-la rapidement en vous aidant
de la visite virtuelle.
4. Visualisez le bâtiment dans la Rome actuelle.
5. Faites le même exercice pour une réalisation
architecturale de Trajan.
74
Synthèse
Athènes, aux Ve et IVe siècles avant J.-C., et l’Empire romain, jusqu’au
IIIe siècle après J.-C., offrent deux exemples de régimes politiques qui,
de manière différente, ont donné une place centrale au citoyen.
1 Qui est citoyen à Athènes et dans l'Empire romain ?
! Les citoyens athéniens constituent une minorité des habitants de l’Attique : ce sont
les hommes libres, ayant effectué l’éphébie, nés d’un père et mère athéniens. Les femmes,
les métèques et les esclaves sont exclus de la citoyenneté. La citoyenneté est restreinte.
! Le citoyen romain est un homme libre, reconnaissable au port de la toge et à son nom
composé généralement du prénom, du nom et du surnom. Il parle le latin, parfois le grec.
L’affranchissement permet aux fils des anciens esclaves d’accéder à la citoyenneté.
2 Quel rôle la démocratie athénienne
et le principat romain donnent-ils au citoyen ?
! Le régime politique en vigueur à Athènes au Ve siècle avant J.-C. est une démocratie
directe fondée sur le principe de l’égalité politique. C’est l’ensemble des citoyens
qui décident des affaires de la cité au sein de l’Ecclésia. Chaque citoyen
est susceptible d’être désigné pour exercer des magistratures.
! Auguste instaure le principat en – 27 : l’empereur concentre tous les pouvoirs
entre ses mains. Dépositaire de l’autorité, il définit les limites d’un immense État,
divisé en provinces, où les citoyens jouissent de privilèges juridiques et fiscaux
mais ne disposent d’aucun droits politiques.
Ne pas confondre
Communauté politique / Communauté civique
À Athènes, la communauté politique réunit les citoyens qui
participent à la gestion des affaires de la cité. La communauté
civique, plus large, englobe les citoyens, les futurs citoyens
et les femmes qui transmettent la citoyenneté.
Oligarchie / Tyrannie / Principat
Dans une oligarchie, le pouvoir appartient à un petit nombre
d’individus. Dans une tyrannie, le pouvoir est détenu par la
force par une ou plusieurs personnes. Le principat est la forme
de pouvoir en vigueur à Rome à partir d’Auguste et jusqu’au
IIIe siècle : c'est le pouvoir personnel détenu par l’empereur.
Étranger / Métèque / Pérégrin / Barbare
Un étranger n’appartient pas à la communauté de la cité :
il est de passage et ne dispose d’aucun statut. À Athènes, le
métèque est un étranger résidant, redevable d’une taxe et du
service militaire.
Dans les provinces romaines, le pérégrin est un homme libre
ne disposant pas de la citoyenneté romaine mais pouvant
revendiquer une citoyenneté locale. Barbare est un terme
péjoratif pour désigner un individu n’appartenant pas à la
culture gréco-romaine.
Chapitre 2 • L’invention de la citoyenneté dans le monde antique
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