8- KOFFIKOUADIO (84-98).indd
Transcription
8- KOFFIKOUADIO (84-98).indd
84 KOFFI Kouadio François 5. L’APPROPRIATION DE L’ÉCOLE PAR LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE : ENJEUX ET PERSPECTIVES KOFFI Kouadio François1 INTRODUCTION On peut commencer par se demander peut-être l’intérêt d’une monographie sur les Comités de Gestion des Etablissements Scolaires Publics de Côte d’Ivoire : des mémoires d’étudiants ressassent les mêmes problèmes, les mêmes questions. Trois motifs nous ont poussés à cet article. D’abord, Coordonnateur National des Comités de Gestion des Etablissements Scolaires Publics, nous avons pris la mesure des problèmes que pose le processus d’appropriation de l’école par la communauté éducative en Côte d’Ivoire : méconnaissance des textes, résistance farouche au changement, conflits, besoins d’investissement croissants, détournements de fonds publics… Ensuite, on observe une très grande confusion dans les discours sur les Comités de Gestion, confusion d’autant plus regrettable qu’elle repose souvent sur des analyses erronées faits à dessein ou de bonne foi en l’absence d’informations justes. Ainsi, on parvient à justifier les positions et les expériences les plus démagogiques, notant et faisant oublier un certain nombre d’acquis que les acteurs ont pu capitaliser. Enfin, nous pensons que la présente monographie pourrait apporter quelques informations permettant une meilleure connaissance du processus, tant le climat qui règne parmi les partenaires du système éducatif comme parmi ceux qui s’intéressent au changement social au sens large du terme - climat qui est un mélange de culpabilité, de démagogie, de pessimisme- tend à écarter tout ce qui ne va pas dans le sens de la facilité, tout ce qui est rappel d’une rigueur, d’un travail. Depuis 2001, avec l’avènement de la deuxième République, le gouvernement a entrepris des réformes au sein du système éducatif en s’appuyant sur les acquis du passé tout en les approfondissant. 1 Coordonnateur du Service National d’Animation, de Promotion et de Suivides Comités de Gestion des Etablissements Scolaires Publics (SNAPS-COGES) © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 L’APPROPRIATION DE L’ÉCOLE PAR LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE... 85 L’ensemble des innovations intervenues dans ce cadre vise en particulier le renforcement de la politique de lutte contre la pauvreté par l’introduction de la gratuité de l’école (1) et de l’obligation scolaire (2). La gratuité de l’école est entendue ici comme la possibilité donnée à tous les enfants d’accéder à l’éducation scolaire à moindre coût, grâce à la réduction du coût de la scolarisation supporté par les familles, l’Etat s’engageant à prendre à son compte une partie des frais d’inscription, à généraliser le système de distribution des manuels scolaires à tous les élèves et à doter chaque école d’une cantine scolaire. I- CONTEXTE La Côte d’Ivoire a toujours affirmé sa volonté de placer la valorisation des ressources humaines au premier plan de ses préoccupations en érigeant l’éducation et la formation au rang de priorité nationale. Cette option politique s’est traduite par une allocation régulière de 43 % du budget de l’Etat à l’éducation /formation. Cet effort particulier des gouvernements successifs a permis au système éducatif de connaître un développement appréciable. En effet, entre 1963 et 1995, le nombre de classes dans l’enseignement primaire a été multiplié par 5, passant de 7 325 à 38 325 ; dans le secondaire, le nombre de classes a été multiplié par 15, passant de 587 à 9 113. Quant au nombre d’élèves, dans le primaire, il a été multiplié par 5, passant de 330 551 à 1 609 929, tandis que dans le secondaire général, il a été multiplié par 23, passant de 20 229 à 463 810. Au cours de cette même période, un important dispositif d’enseignement professionnel et technique s’est mis en place avec une capacité d’accueil d’environ 12 000 élèves en formation initiale dans le secteur public, permettant ainsi, de mettre à la disposition de l’économie nationale de nombreux ouvriers et agents de maîtrises de qualité. Le dispositif d’enseignement supérieur s’est également développé avec trois (3) universités et deux Unités Régionales d’Enseignement Supérieur (URES), quatre (4) Grandes Ecoles publiques dont un Institut National Polytechnique et plus de 64 écoles privées d’enseignement supérieur qui ont pu accueillir 57 000 étudiants en 1995-1996.. En dépit des performances enregistrées, le système a été soumis à des contraintes externes et internes, sources de nombreuses faiblesses. Force est de constater le niveau important du taux de croissance démographique de 3,3 % l’an, les disparités régionales, les restrictions budgétaires, le peu de débouchés et d’initiatives chez les jeunes, l’influence pernicieuse de l’environnement sociopolitique sur l’Ecole et la pauvreté grandissante des populations. © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 86 KOFFI Kouadio François On observe, par ailleurs, une forte demande sociale d’éducation, un déséquilibre des allocations budgétaires au détriment des inputs pédagogiques, l’absence de politique de formation continue et de perfectionnement des formateurs. L’effet conjugué de ces différentes contraintes se traduit, au niveau du système éducatif. (2) L’obligation scolaire est, quant à elle, admise comme le droit à l’éducation universelle, sans discrimination, et implique l’obligation pour l’Etat et les familles de fournir une éducation de base de qualité à tous les enfants âgés de 3 à 15 ans. Par l’insuffisance des capacités d’accueil, l’inadaptation de l’école aux mutations technologiques et au marché du travail, la persistance du déficit d’enseignants, avec pour corollaire un profond malaise social. Pour corriger ces faiblesses, le gouvernement a entrepris des réformes au nombre desquelles figure la création des Comités de Gestion dans les établissements scolaires publics. Le but visé est d’impliquer toute la communauté éducative, en particulier les parents d’élèves et les élèves, à la gestion de l’école. Jusqu’en 1995, année de création des premiers Comités de Gestion dans le secondaire, avant leur élargissement dans le primaire en 1999, un vide existait autour de l’école. L’éducation reposait principalement sur les pédagogues sans la participation de la population et sans le dialogue nécessaire entre éducateurs et parents d’élèves. Le Comité de Gestion de l’établissement scolaire (COGES) est donc né dans cette perspective de dynamique partenariale autour de l’école. 2. DÉFINITIONS Qu’est-ce qu’une communauté et qu’est-ce qu’une communauté éducative ? La communauté éducative constitue-t-elle la seule alternative possible à la gestion de l’institution scolaire aujourd’hui ? Sans doute ne représente-t-elle qu’une des réponses institutionnelles possibles en vue de résoudre les problèmes éducatifs et pallier toutes les missions traditionnelles impossibles à réaliser par l’Etat ? Pour le sens commun, ce mot recouvre les idées de « parité », d’ « identité ». On parlera facilement de « groupes de gens ayant des intérêts communs ». Sans vouloir pousser trop loin l’analyse, il est possible de reconnaître à la communauté éducative, une caractéristique principale qui en est à la fois comme une exigence : des hommes et des femmes, enfants, adultes, vieillards y nouent des relations d’intérêts, de travail, de lieu autour de l’éducation de l’enfant ou du jeune, tous portés par la conscience d’un « nous ». Cette conscience © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 L’APPROPRIATION DE L’ÉCOLE PAR LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE... 87 se fonde sur la conjugaison des trois pôles : similitude, solidarité, amour. Ainsi, il ressort de l’évidence qu’une communauté éducative aura peu de ressemblance avec une communauté militaire ou religieuse. Il y a communauté éducative quand toutes les personnes et les institutions d’une localité donnée prennent conscience de leurs responsabilités et s’entendent pour prendre en charge la vie de l’école. C’est ici qu’apparaît le sentiment que l’école est la chose de la communauté. Il y a comme un destin commun, un rapport propriétaire - propriété. Cette orientation concrète a pris volontiers la forme d’un slogan : « l’Ecole, propriété de la communauté ». Le concept d’« appropriation de l’école » par la communauté éducative doit être compris par rapport à la volonté de l’Etat d’impliquer les populations dans la conception et la mise en œuvre des projets de développement en rapport avec l’école. La communauté doit participer à la gestion de l’école aux côtés de l’Etat qui conserve, malgré tout, ses droits régaliens en matière d’éducation. L’Etat ne se dessaisit donc pas de l’école au profit de la population, il devient partenaire dans la gestion. 3- LE COMITÉ DE GESTION : ORGANISATION, FONCTIONNEMENT L’avènement des Comités de Gestion dans les établissements scolaires publics a fait l’objet de nombreuses réunions entre les décideurs, les acteurs et les partenaires au développement. Des séminaires de réflexion sur l’introduction des Comités de Gestion dans le système éducatif se sont déroulés à Yamoussoukro en 1994. Les acteurs impliqués sont issus de différentes couches socioprofessionnelles et politiques. Ce sont les ministères, les organisations associatives et syndicales, les parents d’élèves, les élus locaux (députés, maires, Conseillers Economiques et Sociaux), l’administration générale, les enseignants, les élèves et les partenaires au développement. Ces différents séminaires ont été sanctionnés par des actes et recommandations présentés lors d’une communication en Conseil des Ministres par le Ministre de l’Education Nationale. Cette communication a donné lieu à la définition d’un cadre institutionnel à travers le décret n° 95-26 du 20 janvier 1995 portant création, organisation et fonctionnement des Comités de Gestion dans les Etablissements Scolaires Publics du sous-secteur de l’enseignement secondaire général et technique, ainsi que les Centres d’Animation et de Formation Pédagogique (CAFOP). © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 88 KOFFI Kouadio François 3.1 Composition du bureau du Comité de Gestion Le bureau du Comité de Gestion est assimilable au conseil d’administration d’une entreprise privée dont il est invité à s’inspirer des modes de fonctionnement. Tous les membres du bureau sont élus par leurs pairs. Au niveau de l’enseignement primaire, par exemple, le bureau est composé de 11 membres répartis comme suit : 5 parents d’élèves, soit 45,5 % ; 3 enseignants y compris le chef d’établissement, soit 27,3 % ; 2 élèves, soit 18,2 % et le Maire ou le chef de village selon le milieu (urbain ou rural), soit 09 %. On constate que la représentativité des parents d’élèves est plus forte que les autres composantes. De plus, le Comité de Gestion peut être élargi à toutes structures extérieures pouvant, sans préjudice de la mission éducative de l’école, participer à la réalisation du projet d’école (ONG, entreprises privées, personnes morales, etc.). 3.2 Domaines d’intervention et ressources financières du comité de gestion Les actions du Comité de Gestion couvrent plusieurs domaines parmi lesquels figurent : a) l’entretien courant des bâtiments, des équipements et la gestion du patrimoine ; a) l’appui à l’encadrement civique et moral et à la gestion des activités socioéducatives ; b) l’appui à la promotion des activités pédagogiques ; c) le suivi de l’évolution des effectifs des élèves et du personnel ; d) la promotion de l’éducation des filles en milieux urbain et rural ; e) la promotion de l’hygiène et de la santé scolaire ; f) l’appui à la l’installation et au fonctionnement des cantines scolaires ; g) la gestion du système prêt/location des manuels scolaires (1); h) l’intégration de l’établissement scolaire à son milieu Pour la réalisation de ses activités, le Comité de Gestion dispose de ressources financières constituées par : (a) la contribution des parents d’élèves dans le cadre du système de prêt/location des manuels scolaires ; (b) les frais d’inscription pour ce qui concerne l’enseignement secondaire et les CAFOP ; © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 L’APPROPRIATION DE L’ÉCOLE PAR LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE... 89 (c) les cotisations exceptionnelles décidées par la communauté en assemblée générale ; (d) la subvention de l’Etat ; (e) les dons et legs et, (f) les ressources additionnelles à travers des activités saines, formatrices et génératrices de revenus. (1) Dans le cadre de la politique de gratuité de l’école annoncée par le Gouvernement, des manuels scolaires sont prêtés aux élèves de l’Enseignement primaire contre une contribution de 250 F.CFA par élève. La gestion du système prêt/location relève de la compétence du Comité de Gestion. Dans la mise en oeuvre des missions éminemment importantes dévolues au Comité de Gestion, plusieurs difficultés apparaissent, parmi lesquelles il convient de citer : (a) la faiblesse des capacités de gestion des acteurs ; (b) la faiblesse des ressources financières des COGES ; ici la communauté attend de l’Etat de faire plus qu’il ne peut ; (c) la focalisation des esprits sur le Comité de Gestion comme uniquement un organe de collecte de fonds à gérer, avec pour corollaire la lutte pour le contrôle du bureau. Cette façon d’appréhender le Comité de Gestion conduit nombre d’acteurs à s’engager dans des luttes épiques pour le contrôle du bureau. On prépare ses hommes. On mène de véritables campagnes électorales à la dimension des enjeux du scrutin imaginés par chaque protagoniste. On cherche des alliés à tous les niveaux. On n’hésite pas à faire intervenir des parents haut placés dans l’administration, dans la hiérarchie de la justice. Que de débauches d’énergies pour s’assurer le contrôle d’une institution communautaire qui est sensée fonctionner sur la base du bénévolat des membres ! La motivation dans cette mobilisation particulière autour de l’école n’est pas seulement l’argent à gérer, c’est également le tremplin politique que constitue le COGES aux yeux de certains acteurs de la communauté éducative (1). 3.3 Le fonctionnement du COGES Dans la nomenclature des postes du bureau du COGES, il faut noter l’existence de deux postes non électifs : ceux du Président et du Secrétaire Général. Ceci dit, il est bon de faire observer une nuance, dans le cas des groupes scolaires dans l’enseignement préscolaire et primaire. En effet, © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 90 KOFFI Kouadio François dans les groupes scolaires où il existe plusieurs directeurs, le principe de l’élection par les pairs s’impose. Le Secrétaire Général joue un rôle prépondérant au sein du bureau du COGES. Il organise les élections au niveau de chaque composante : parents d’élèves, enseignants, personnel de l’établissement, chefs de classe et stagiaires dans le cas des CAFOP. Il est responsable des archives. Il rédige les procès-verbaux, les correspondances du Comité de Gestion et prépare les convocations aux réunions du bureau. (1) L’arrêté n° 080/MEN/CAB du 08 août 2002 portant organisation et fonctionnement des Comités de Gestion des Etablissements Scolaires Publics précise en son article 2 : « Le Comité de Gestion est apolitique et ne peut s’affilier à aucune association ou aucun syndicat. » Et pourtant, le désir de travestir la mission des membres du COGES, notamment celle du Vice-président, est une tentation très grande. Nombre de confits au sein des bureaux des COGES traduisent l’utilisation du COGES comme espace d’affrontement politique. Dans les établissements préscolaires, primaires et secondaires, le Secrétaire Général élabore, en collaboration avec son personnel et les délégués d’élèves, le projet d’école avec son programme d’activité. Il prépare le budget annuel. Il a l’initiative des dépenses de fonctionnement. La présidence du Comité de Gestion de l’Enseignement secondaire et des CAFOP est assurée par le Gouverneur du District ou le Président du Conseil Général, pour les établissements de leur circonscription territoriale. Quant à la présidence du Comité de Gestion des écoles préscolaires et primaires, elle est assurée par le Maire et en dehors du périmètre communal, par le Chef du village représentant le Président du Conseil Général. Les membres du personnel exerçant dans l’établissement où siège le Comité de Gestion ne sont pas autorisés à briguer les postes réservés aux parents d’élèves. En effet, sont éligibles au bureau du Comité de Gestion, tout enseignant et tout éducateur de l’établissement, pour les postes qui leur sont réservés, à savoir : (a) pour les enseignants des CAFOP, les postes de Secrétaire Général ; (a) pour les éducateurs des CAFOP, le poste de Secrétaire Général Adjoint ; © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 L’APPROPRIATION DE L’ÉCOLE PAR LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE... 91 Pour les enseignants du préscolaire, du primaire ou du secondaire, les postes de Secrétaire Général Adjoint et de Trésorier Général Adjoint ; (a) pour les éducateurs de l’établissement secondaire, le poste de Trésorier Général Adjoint. Sont également éligibles, les élèves chefs de classe de l’établissement, pour les postes qui leur sont réservés (1). Il convient de mentionner que, tout parent d’élève, à l’exclusion des enseignants et du personnel de l’établissement, est éligible à condition de prouver la responsabilité de parent ou de tuteur par un document administratif légal. Le Secrétaire Général du Comité de Gestion organise des élections au niveau de chaque composante pour élire les représentants après vérification des conditions d’éligibilité. Les membres élus ont un mandat de deux ans renouvelable. (1) Au niveau du COGES des écoles préscolaires, il n’y a pas de représentation d’élèves, en raison de l’âge de ceux-ci. 3.4 La gestion de la subvention de l’Etat Depuis 2OO2, l’Etat octroie une subvention directe à 3000 Comités de Gestion de l’Enseignement préscolaire et primaire. Cette subvention concerne autant les dépenses en capital que celles relatives au fonctionnement et sont fonction de la taille du COGES. La dotation inscrite au budget général de l’Etat est virée directement sur le compte bancaire ouvert du Comité de Gestion par la Direction des Affaires Financières du Ministère de l’Education Nationale par l’entremise de la Trésorerie départementale. Le transfert des fonds sur le compte bancaire du COGES se fait par la procédure simplifiée du Système Intégré de Gestion des Finances Publiques (SIGFIP) et par délégation de crédit. Dans ce cadre, le Directeur des Affaires Financières qui assure les fonctions d’ordonnateur délégué procède à l’engagement-ordonnancement des fonds. 3.5. Les délibérations du Comité de Gestion Le Comité de Gestion se réunit au moins une fois par trimestre sur convocation de son Président ou de son Vice-président au sein de l’établissement. Il peut également se réunir en session extraordinaire à la demande, soit du Président ou de la moitié de ses membres. Une fois par trimestre, le Vice-président présente un rapport d’activités aux membres de la communauté. Chaque trimestre, un bilan des activités du Comité de © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 92 KOFFI Kouadio François Gestion cosigné par le Vice-président et le Secrétaire Général est adressé au Directeur Régional de l’Education Nationale (DREN) et au Directeur Départemental de l’Education Nationale (DDEN), pour les Comités de Gestion de l’Enseignement secondaire et des CAFOP, ou au chef de circonscription préscolaire et primaire, pour les Comités de Gestion de l’Enseignement préscolaire et primaire. Une copie de ces rapports est adressée au Maire et au Cabinet du Ministre de l’Education Nationale. Le Comité de Gestion délibère sur toutes les questions qui lui sont soumises. Le quorum exigé pour la validité des délibérations est de plus de la moitié des membres du comité. Si ce quorum n’est pas atteint, le comité pourra valablement délibérer après une semaine avec les membres présents. Il prend ses décisions à l’issue d’un vote acquis à la majorité relative. Le suivi du Comité de Gestion est assuré au plan local et régional par les DREN pour les CAFOP, les lycées et collèges et, par les IEP, pour les écoles préscolaires et primaires. La coordination et le suivi au plan national sont assurés par le Service National d’Animation, de Promotion et de Suivi des COGES (SNAPS-COGES), structure rattachée au Cabinet du Ministre de l’Education Nationale. 4- BRÈVE ANALYSE DES RÉSULTATS OBTENUS Comme toute réforme, le chemin est semé d’embûches. La particularité de celle-ci est qu’elle remet en question de façon frontale les habitudes, les pratiques de plusieurs décennies, des pratiques qui ont très souvent été les facteurs d’éclosion de certaines vocations même enseignantes. On a quelquefois entendu dire, par exemple : « je préfère tel métier ou tel emplois parce qu’on a un budget à gérer, ou on peut avoir de temps en temps quelque chose pour arrondir les fins du mois… ». 4.1. Difficultés et obstacles liés au processus d’appropriation de l’école (1) L’application des décrets antérieurs (décrets n° 95-26 du 20 janvier 1995, n° 99-604 du 13 octobre 1999) a connu quelques difficultés liées à l’inexistence d’un arrêté d’application d’une part, et à la réticence des bureaux exécutifs des deux (2) associations de parents d’élèves (UNAPEECI- APEECI) d’autre part. En 1999, après quatre années d’existence des COGES dans le secondaire, il est apparu nécessaire d’en évaluer le fonctionnement en vue de proposer les rémédiations. C’est ainsi que le bilan diagnostic établi par le cabinet CABICOR en 1999, permet les constats suivants : © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 L’APPROPRIATION DE L’ÉCOLE PAR LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE... 93 (a) la méconnaissance des textes régissant le fonctionnement du Comité de Gestion et l’ignorance du rôle des acteurs ; (b) le faible encrage de l’école dans son milieu, avec pour corollaire, une faible participation des communautés et en particulier des parents d’élèves à la gestion de l’école ; (c) le manque de formation de la majorité des trésoriers en gestion financière et comptable ; (a) la focalisation des esprits sur le Comité de Gestion comme organe de collecte de fonds à gérer ; (b) l’indisponibilité de certains Préfets de Région désignés comme Présidents des Comités de Gestion ; (c) les rapports conflictuels entre le chef de l’établissement et le Président du Comité de Gestion. Une campagne de sensibilisation et d’information menée à la suite des conclusions de l’étude a permis de corriger ou d’atténuer quelques distorsions. Mais le décret n° 2002-304 du 29 mai 2002 portant réorganisation des Comités de Gestion des établissements scolaires publics, a dû introduire des éléments nouveaux, notamment : 1°) le transfert des fonds directement dans les comptes bancaires de 3 000 COGES ciblés dans le cadre d’une expérimentation dans l’Enseignement primaire, 2°) le rôle prépondérant joué désormais par les parents d’élèves, et 3°) la prise en compte du contexte sociopolitique lié à la décentralisation en matière d’éducation. Les difficultés n’ont pas disparu pour autant. Le contexte de crise de ces dernières années ont quelque peu ralenti les actions en cours pour améliorer l’environnement des écoles et le renforcement des capacités des acteurs impliqués dans le processus. 4.2. Les aspects positifs Le comité de gestion a été institué pour créer une dynamique partenariale autour de l’école. La redynamisation du comité de gestion dans le secondaire, puis son extension en 2002 à l’enseignement préscolaire et primaire constituent des actions majeures entreprises pour contribuer à l’ancrage de l’école dans son milieu. On dénombre, en 2002, 7500 Comités de Gestion, tous cycles d’enseignement confondus. Certes, la dynamique partenariale n’a pas atteint pleinement les objectifs envisagés. Cependant, l’avènement des comités de gestion a eu un impact positif sur l’amélioration de l’accès à l’école, les activités pédagogiques et socioéducatives, et surtout, une meilleure lisibilité au niveau de la gestion financière et matérielle de l’établissement. © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 94 KOFFI Kouadio François 5. NOUVELLE VISION, NOUVEAUX DÉFIS La nouvelle vision en matière de gestion du système éducatif se résume dans ce slogan : « l’Ecole, Propriété de la communauté ». Les idées sousjacentes sont en rapport avec des projets socio-pédagogiques appelés à nourrir les plans d’actions des Comités de Gestion. En effet, trois idéesforces ou orientations des actions se dégagent de cette vision : 5.1. Le COGES, outil d’apprentissage du jeu démocratique et facilitateur du dialogue social Tous les membres du bureau du Comité de Gestion sont élus de façon démocratique au sein de chaque entité (les parents d’élèves, les élèves, les enseignants). Le Comité de Gestion a pour mission de prévenir les conflits au sein de l’école et d’assurer la mobilisation de tous les acteurs autour de problèmes de l’école. 5.2. Le COGES, outil d’amélioration et de renforcement de la qualité du système éducatif L’amélioration de l’accès à l’école, l’acquisition d’équipements didactiques, la promotion des activités socio-sanitaires et extrascolaires figurent au programme du Comité de Gestion. 5.3. Le COGES, outil de création de richesses et de bonne gouvernance au cœur de l’école L’Etat a décidé de s’appuyer sur les populations pour qu’elles contribuent à financer l’éducation. Dans le cadre de la décentralisation, la construction des écoles et leur équipement reviennent aux collectivités décentralisées. Dans cette optique, le Comité de Gestion est appelé à jouer un rôle déterminant, en faisant preuve d’imagination et de créativité pour, d’abord identifier des projets novateurs et, ensuite nouer des accords de partenariat avec les opérateurs économiques locaux, les ONG, les partenaires au développement. Le but visé est de créer des activités susceptibles d’améliorer les ressources propres. La vision de l’Etat se justifie par des défis qu’il convient de relever à terme pour donner un souffle nouveau au système éducatif ivoirien dans sa sous composante enseignement de 1er degré. Notre école est agitée depuis plusieurs années par la violence. La réduction de cette violence à défaut de son éradication totale demeure une préoccupation de la gestion collégiale de l’école. On souligne dans certaines analyses d’administrateurs scolaires, de chercheurs et d’étudiants et d’hommes © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 L’APPROPRIATION DE L’ÉCOLE PAR LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE... 95 politiques que la violence dans notre système éducation est en partie liée aux conditions de travail devenues difficiles pour les élèves et leurs maîtres, en raison de l’obsolescence des infrastructures existantes et de leurs capacités limitées. Les difficultés d’accès, le niveau de délabrement des infrastructures et du sous-équipement des écoles peuvent certainement être atténués, si les Comités de Gestion étaient en mesure de réunir des moyens financiers conséquents pour faire face aux investissements complémentaires requis. C’est pourquoi l’amélioration de la gestion des COGES et l’accroissement de leur autonomie financière constituent un défi important que les mesures institutionnelles prises par les décideurs publics ne peuvent occulter. Au nombre de ces mesures, figurent en bonne place le renforcement des capacités des acteurs et l’encadrement de proximité par les Coordonnateurs régionaux et les Animateurs des COGES (1) exerçant dans les structures déconcentrées. Au regard des leçons tirées de l’expérience d’appropriation de l’école par la communauté éducative, un certain nombre de perspectives se dégagent pour l’avenir. Elles traduisent la foi dans un processus viable et incontournable pour la mutation d’un système éducatif portée par une vision et une rationalité nouvelles. 6. PERSPECTIVES Les perspectives au niveau de l’évolution des Comités de Gestion, nous paraissent claires et encourageantes, car en matière de réforme, le facteur temps joue un rôle déterminant. Tout processus de changement mérite qu’on accorde le temps nécessaire aux acteurs afin d’épouser les nouvelles habitudes, les nouvelles pratiques et développer les réflexes convenables. Ainsi, les perspectives de redynamisation concernent trois niveaux : le plan institutionnel, le plan du système d’information et de gestion, le plan des ressources humaines. Au plan institutionnel, il s’agit de l’amélioration de la communication en direction des acteurs, d’une part, et du renforcement des capacités du personnel, aussi bien au niveau central qu’au niveau déconcentré, avec un accent particulier sur les membres des bureaux de COGES, d’autre part. Au plan du système d’information et de gestion, deux priorités s’imposent : l’élaboration d’un système automatisé de gestion et d’un plan national de pérennisation des Comités de Gestion. © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 96 KOFFI Kouadio François L’automatisation du système de gestion devient une urgence au regard du grand nombre de COGES (7500), de la quantité et de la complexité des informations à traiter. Par ailleurs, le plan national de pérennisation des Comités de Gestion est une boussole indispensable pour envisager une gestion rationnelle du système éducatif, avec des objectifs clairs partagés par les populations. De plus, d’autres actions novatrices sont prévues. Elles visent toutes l’équité dans la distribution des richesses de la Nation, la promotion de la bonne gouvernance et la facilitation de l’autonomie financière des Comités de Gestion : • la généralisation de la subvention de l’Etat à l’ensemble des Comités de Gestion et de l’audit de gestion; • le développement de la culture de gestion des projets dans le but de faciliter L’accroissement des ressources propres ; - la création d’un fonds d’appui aux Comités de Gestion. CONCLUSION L’expérience des Comités de Gestion menée par le Ministère de l’Education Nationale a été une réussite dans nombre d’établissements scolaires, dans la mesure où les objectifs assignés au COGES sont en grande partie atteints. Quoiqu’on dise, elle a été bénéfique à la transparence dans la gestion démocratique de l’école. L’existence des Comités de Gestion doit être comprise par tous, comme un moyen efficace pour l’amélioration du service public d’éducation. En effet, l’activité prioritaire d’un établissement est l’optimisation de la pédagogie, c’est-àdire, des services d’enseignement. Le Comité de Gestion, structure d’intervention palliative et complémentaire du budget normal de l’établissement devra respecter un certain nombre de règles de fonctionnement, de pratiques de bonne gouvernance, loin des débats politiques ou corporatistes. C’est un outil de mobilisation communautaire qui s’inscrit dans la logique du processus de décentralisation en cours. On n’est donc pas surpris, qu’à la faveur de la réorganisation des Comités de Gestion en 2002, des cadres de haut niveau siègent au sein des bureaux de COGES, contrairement au schéma conçu en 1995. L’expérience des Comités de Gestion a permis de tirer quelques leçons. Ainsi, il est donné de retenir que toute réforme touchant les communautés nécessite l’adhésion de celle-ci au risque de déboucher © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 L’APPROPRIATION DE L’ÉCOLE PAR LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE... 97 sur l’échec. La négociation et la concertation collective impliquant tous les partenaires constituent le gage du succès des réformes. De plus, parce que le système éducatif est un tout indissociable, il est indispensable de prendre en compte, dans toute réforme en milieu éducatif les spécificités de chaque sous-secteur. BIBLIOGRAPHIE CARRINO L., « Identité et Communauté thérapeutique », in Chrétiens en Psychiatrie, octobre 1972. LEVY A., « Le changement comme travail », in Connexions n° 7, pp.97-114, Paris, Editions de l’EPI, 1973. ENRIQUEZ E., « La problématique du changement », in Connexions, n° 4, Paris, Editions de l’EPI. BEAUVOIS J.-L., « Problématique des conduites sociales d’évaluation », in Connexions n° 19, pp.7-30, Paris, Editions de l’EPI, 1976. LEWIN K., « Le conflit dans les modes de pensée aristotélicien et galiléen dans la psychologie contemporaine », in Psychologie dynamique, PUF, Paris, 1953. ROUCHY J-C. , « Intervenir dans le fil de l’évènement », in Connexions n° 21, pp.81-100, Paris, Editions de l’EPI, 1977. Forum sur le financement de l’école : 7-10 avril 1999, Yamoussoukro. Bilan des activités et perspectives à moyen et long termes, Michel Amani N’GUESSAN, Ministre de l’Education Nationale, mars 2002. Actes du séminaire sur les Comités de Gestion, Yamoussoukro, 3-5 mars 1999 Participation des communautés à la vie de l’école, Yamoussoukro, novembre 1998. Evaluation des COGES de l’enseignement secondaire public et son extension à L’enseignement primaire public (Cabinet CABICOR) , Yamoussoukro, janvier 1999. Atelier national sur la décentralisation et la planification, Yamoussoukro, 5-9 juin 2001. Décret n° 95-26 du 20 janvier 1995 portant création, organisation et fonctionnement des Comités de Gestion dans les Etablissements Scolaires Publics. Décret n° 2002-304 du 29 mai 2002 portant réorganisation des Comités de Gestion des Etablissements Scolaires Publics. Arrêté n° 080 MEN/CAB du 08 mai 2002 portant organisation et fonctionnement des Comités de Gestion des Etablissements Scolaires Publics. © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98 98 KOFFI Kouadio François Arrêté n° 015 MEN/CAB du 17 février 2005 portant création, organisation et Fonctionnement du Service National d’Animation, de Promotion et de Suivi des COGES. Cérémonie de signature d’Accord cadre de partenariat MEN-ANADER, Michel Amani N’GUESSAN, Ministre de l’Education Nationale, 6 avril 2006 © EDUCI/ROCARE. Afr educ dev issues,N°2, 2010, Special JRECI 2006 & 2009, pp.84-98