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5. L’APPROPRIATION DE L’ÉCOLE PAR LA
COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE : ENJEUX ET
PERSPECTIVES
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INTRODUCTION
On peut commencer par se demander peut-être l’intérêt d’une
monographie sur les Comités de Gestion des Etablissements Scolaires
Publics de Côte d’Ivoire : des mémoires d’étudiants ressassent les mêmes
problèmes, les mêmes questions. Trois motifs nous ont poussés à cet
article.
D’abord, Coordonnateur National des Comités de Gestion des
Etablissements Scolaires Publics, nous avons pris la mesure des
problèmes que pose le processus d’appropriation de l’école par la
communauté éducative en Côte d’Ivoire : méconnaissance des textes,
résistance farouche au changement, conflits, besoins d’investissement
croissants, détournements de fonds publics…
Ensuite, on observe une très grande confusion dans les discours sur
les Comités de Gestion, confusion d’autant plus regrettable qu’elle repose
souvent sur des analyses erronées faits à dessein ou de bonne foi en
l’absence d’informations justes. Ainsi, on parvient à justifier les positions
et les expériences les plus démagogiques, notant et faisant oublier un
certain nombre d’acquis que les acteurs ont pu capitaliser.
Enfin, nous pensons que la présente monographie pourrait apporter
quelques informations permettant une meilleure connaissance du
processus, tant le climat qui règne parmi les partenaires du système
éducatif comme parmi ceux qui s’intéressent au changement social
au sens large du terme - climat qui est un mélange de culpabilité, de
démagogie, de pessimisme- tend à écarter tout ce qui ne va pas dans le
sens de la facilité, tout ce qui est rappel d’une rigueur, d’un travail.
Depuis 2001, avec l’avènement de la deuxième République, le
gouvernement a entrepris des réformes au sein du système éducatif en
s’appuyant sur les acquis du passé tout en les approfondissant.
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Coordonnateur du Service National d’Animation, de Promotion et de Suivides Comités
de Gestion des Etablissements Scolaires Publics (SNAPS-COGES)
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L’ensemble des innovations intervenues dans ce cadre vise en
particulier le renforcement de la politique de lutte contre la pauvreté par
l’introduction de la gratuité de l’école (1) et de l’obligation scolaire (2).
La gratuité de l’école est entendue ici comme la possibilité donnée à
tous les enfants d’accéder à l’éducation scolaire à moindre coût, grâce
à la réduction du coût de la scolarisation supporté par les familles, l’Etat
s’engageant à prendre à son compte une partie des frais d’inscription, à
généraliser le système de distribution des manuels scolaires à tous les
élèves et à doter chaque école d’une cantine scolaire.
I- CONTEXTE
La Côte d’Ivoire a toujours affirmé sa volonté de placer la valorisation
des ressources humaines au premier plan de ses préoccupations en
érigeant l’éducation et la formation au rang de priorité nationale. Cette
option politique s’est traduite par une allocation régulière de 43 %
du budget de l’Etat à l’éducation /formation. Cet effort particulier des
gouvernements successifs a permis au système éducatif de connaître
un développement appréciable.
En effet, entre 1963 et 1995, le nombre de classes dans l’enseignement
primaire a été multiplié par 5, passant de 7 325 à 38 325 ; dans le
secondaire, le nombre de classes a été multiplié par 15, passant de 587 à
9 113. Quant au nombre d’élèves, dans le primaire, il a été multiplié par 5,
passant de 330 551 à 1 609 929, tandis que dans le secondaire général,
il a été multiplié par 23, passant de 20 229 à 463 810.
Au cours de cette même période, un important dispositif d’enseignement
professionnel et technique s’est mis en place avec une capacité d’accueil
d’environ 12 000 élèves en formation initiale dans le secteur public,
permettant ainsi, de mettre à la disposition de l’économie nationale
de nombreux ouvriers et agents de maîtrises de qualité. Le dispositif
d’enseignement supérieur s’est également développé avec trois (3)
universités et deux Unités Régionales d’Enseignement Supérieur
(URES), quatre (4) Grandes Ecoles publiques dont un Institut National
Polytechnique et plus de 64 écoles privées d’enseignement supérieur qui
ont pu accueillir 57 000 étudiants en 1995-1996..
En dépit des performances enregistrées, le système a été soumis à des
contraintes externes et internes, sources de nombreuses faiblesses. Force
est de constater le niveau important du taux de croissance démographique
de 3,3 % l’an, les disparités régionales, les restrictions budgétaires, le
peu de débouchés et d’initiatives chez les jeunes, l’influence pernicieuse
de l’environnement sociopolitique sur l’Ecole et la pauvreté grandissante
des populations.
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On observe, par ailleurs, une forte demande sociale d’éducation,
un déséquilibre des allocations budgétaires au détriment des inputs
pédagogiques, l’absence de politique de formation continue et de
perfectionnement des formateurs.
L’effet conjugué de ces différentes contraintes se traduit, au niveau
du système éducatif.
(2) L’obligation scolaire est, quant à elle, admise comme le droit à
l’éducation universelle, sans discrimination, et implique l’obligation pour
l’Etat et les familles de fournir une éducation de base de qualité à tous
les enfants âgés de 3 à 15 ans.
Par l’insuffisance des capacités d’accueil, l’inadaptation de l’école aux
mutations technologiques et au marché du travail, la persistance du déficit
d’enseignants, avec pour corollaire un profond malaise social.
Pour corriger ces faiblesses, le gouvernement a entrepris des réformes
au nombre desquelles figure la création des Comités de Gestion dans
les établissements scolaires publics. Le but visé est d’impliquer toute la
communauté éducative, en particulier les parents d’élèves et les élèves,
à la gestion de l’école.
Jusqu’en 1995, année de création des premiers Comités de Gestion
dans le secondaire, avant leur élargissement dans le primaire en 1999,
un vide existait autour de l’école. L’éducation reposait principalement sur
les pédagogues sans la participation de la population et sans le dialogue
nécessaire entre éducateurs et parents d’élèves. Le Comité de Gestion
de l’établissement scolaire (COGES) est donc né dans cette perspective
de dynamique partenariale autour de l’école.
2. DÉFINITIONS
Qu’est-ce qu’une communauté et qu’est-ce qu’une communauté
éducative ? La communauté éducative constitue-t-elle la seule alternative
possible à la gestion de l’institution scolaire aujourd’hui ? Sans doute
ne représente-t-elle qu’une des réponses institutionnelles possibles en
vue de résoudre les problèmes éducatifs et pallier toutes les missions
traditionnelles impossibles à réaliser par l’Etat ? Pour le sens commun, ce
mot recouvre les idées de « parité », d’ « identité ». On parlera facilement
de « groupes de gens ayant des intérêts communs ». Sans vouloir pousser
trop loin l’analyse, il est possible de reconnaître à la communauté éducative,
une caractéristique principale qui en est à la fois comme une exigence :
des hommes et des femmes, enfants, adultes, vieillards y nouent des
relations d’intérêts, de travail, de lieu autour de l’éducation de l’enfant ou
du jeune, tous portés par la conscience d’un « nous ». Cette conscience
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se fonde sur la conjugaison des trois pôles : similitude, solidarité, amour.
Ainsi, il ressort de l’évidence qu’une communauté éducative aura peu
de ressemblance avec une communauté militaire ou religieuse. Il y a
communauté éducative quand toutes les personnes et les institutions
d’une localité donnée prennent conscience de leurs responsabilités et
s’entendent pour prendre en charge la vie de l’école. C’est ici qu’apparaît
le sentiment que l’école est la chose de la communauté. Il y a comme un
destin commun, un rapport propriétaire - propriété.
Cette orientation concrète a pris volontiers la forme d’un slogan :
« l’Ecole, propriété de la communauté ».
Le concept d’« appropriation de l’école » par la communauté
éducative doit être compris par rapport à la volonté de l’Etat d’impliquer
les populations dans la conception et la mise en œuvre des projets de
développement en rapport avec l’école. La communauté doit participer
à la gestion de l’école aux côtés de l’Etat qui conserve, malgré tout, ses
droits régaliens en matière d’éducation. L’Etat ne se dessaisit donc pas de
l’école au profit de la population, il devient partenaire dans la gestion.
3- LE COMITÉ DE GESTION : ORGANISATION,
FONCTIONNEMENT
L’avènement des Comités de Gestion dans les établissements scolaires
publics a fait l’objet de nombreuses réunions entre les décideurs, les
acteurs et les partenaires au développement. Des séminaires de réflexion
sur l’introduction des Comités de Gestion dans le système éducatif se
sont déroulés à Yamoussoukro en 1994. Les acteurs impliqués sont
issus de différentes couches socioprofessionnelles et politiques. Ce sont
les ministères, les organisations associatives et syndicales, les parents
d’élèves, les élus locaux (députés, maires, Conseillers Economiques et
Sociaux), l’administration générale, les enseignants, les élèves et les
partenaires au développement.
Ces différents séminaires ont été sanctionnés par des actes et
recommandations présentés lors d’une communication en Conseil des
Ministres par le Ministre de l’Education Nationale. Cette communication
a donné lieu à la définition d’un cadre institutionnel à travers le décret n°
95-26 du 20 janvier 1995 portant création, organisation et fonctionnement
des Comités de Gestion dans les Etablissements Scolaires Publics du
sous-secteur de l’enseignement secondaire général et technique, ainsi
que les Centres d’Animation et de Formation Pédagogique (CAFOP).
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3.1 Composition du bureau du Comité de Gestion
Le bureau du Comité de Gestion est assimilable au conseil
d’administration d’une entreprise privée dont il est invité à s’inspirer des
modes de fonctionnement. Tous les membres du bureau sont élus par
leurs pairs. Au niveau de l’enseignement primaire, par exemple, le bureau
est composé de 11 membres répartis comme suit : 5 parents d’élèves,
soit 45,5 % ; 3 enseignants y compris le chef d’établissement, soit 27,3
% ; 2 élèves, soit 18,2 % et le Maire ou le chef de village selon le milieu
(urbain ou rural), soit 09 %.
On constate que la représentativité des parents d’élèves est plus
forte que les autres composantes. De plus, le Comité de Gestion peut
être élargi à toutes structures extérieures pouvant, sans préjudice de la
mission éducative de l’école, participer à la réalisation du projet d’école
(ONG, entreprises privées, personnes morales, etc.).
3.2 Domaines d’intervention et ressources financières du comité
de gestion
Les actions du Comité de Gestion couvrent plusieurs domaines
parmi lesquels figurent :
a) l’entretien courant des bâtiments, des équipements et la gestion
du patrimoine ;
a) l’appui à l’encadrement civique et moral et à la gestion des
activités socioéducatives ;
b) l’appui à la promotion des activités pédagogiques ;
c) le suivi de l’évolution des effectifs des élèves et du personnel ;
d) la promotion de l’éducation des filles en milieux urbain et rural ;
e) la promotion de l’hygiène et de la santé scolaire ;
f) l’appui à la l’installation et au fonctionnement des cantines
scolaires ;
g) la gestion du système prêt/location des manuels scolaires (1);
h) l’intégration de l’établissement scolaire à son milieu
Pour la réalisation de ses activités, le Comité de Gestion dispose de
ressources financières constituées par :
(a) la contribution des parents d’élèves dans le cadre du système de
prêt/location des manuels scolaires ;
(b) les frais d’inscription pour ce qui concerne l’enseignement
secondaire et les CAFOP ;
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(c) les cotisations exceptionnelles décidées par la communauté en
assemblée générale ;
(d) la subvention de l’Etat ;
(e) les dons et legs et,
(f) les ressources additionnelles à travers des activités saines,
formatrices et génératrices de revenus.
(1) Dans le cadre de la politique de gratuité de l’école annoncée par
le Gouvernement, des manuels scolaires sont prêtés aux élèves de
l’Enseignement primaire contre une contribution de 250 F.CFA par élève.
La gestion du système prêt/location relève de la compétence du Comité
de Gestion.
Dans la mise en oeuvre des missions éminemment importantes
dévolues au Comité de Gestion, plusieurs difficultés apparaissent, parmi
lesquelles il convient de citer :
(a) la faiblesse des capacités de gestion des acteurs ;
(b) la faiblesse des ressources financières des COGES ; ici la
communauté attend de l’Etat de faire plus qu’il ne peut ;
(c) la focalisation des esprits sur le Comité de Gestion comme
uniquement un organe de collecte de fonds à gérer, avec pour corollaire
la lutte pour le contrôle du bureau.
Cette façon d’appréhender le Comité de Gestion conduit nombre
d’acteurs à s’engager dans des luttes épiques pour le contrôle du bureau.
On prépare ses hommes. On mène de véritables campagnes électorales à
la dimension des enjeux du scrutin imaginés par chaque protagoniste.
On cherche des alliés à tous les niveaux. On n’hésite pas à faire
intervenir des parents haut placés dans l’administration, dans la hiérarchie
de la justice. Que de débauches d’énergies pour s’assurer le contrôle
d’une institution communautaire qui est sensée fonctionner sur la base du
bénévolat des membres ! La motivation dans cette mobilisation particulière
autour de l’école n’est pas seulement l’argent à gérer, c’est également le
tremplin politique que constitue le COGES aux yeux de certains acteurs
de la communauté éducative (1).
3.3 Le fonctionnement du COGES
Dans la nomenclature des postes du bureau du COGES, il faut noter
l’existence de deux postes non électifs : ceux du Président et du Secrétaire
Général. Ceci dit, il est bon de faire observer une nuance, dans le cas des
groupes scolaires dans l’enseignement préscolaire et primaire. En effet,
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dans les groupes scolaires où il existe plusieurs directeurs, le principe de
l’élection par les pairs s’impose.
Le Secrétaire Général joue un rôle prépondérant au sein du bureau
du COGES. Il organise les élections au niveau de chaque composante :
parents d’élèves, enseignants, personnel de l’établissement, chefs de
classe et stagiaires dans le cas des CAFOP. Il est responsable des
archives. Il rédige les procès-verbaux, les correspondances du Comité
de Gestion et prépare les convocations aux réunions du bureau.
(1) L’arrêté n° 080/MEN/CAB du 08 août 2002 portant organisation et
fonctionnement des Comités de Gestion des Etablissements Scolaires
Publics précise en son article 2 : « Le Comité de Gestion est apolitique et
ne peut s’affilier à aucune association ou aucun syndicat. » Et pourtant, le
désir de travestir la mission des membres du COGES, notamment celle
du Vice-président, est une tentation très grande. Nombre de confits au
sein des bureaux des COGES traduisent l’utilisation du COGES comme
espace d’affrontement politique.
Dans les établissements préscolaires, primaires et secondaires,
le Secrétaire Général élabore, en collaboration avec son personnel
et les délégués d’élèves, le projet d’école avec son programme
d’activité. Il prépare le budget annuel. Il a l’initiative des dépenses de
fonctionnement.
La présidence du Comité de Gestion de l’Enseignement secondaire
et des CAFOP est assurée par le Gouverneur du District ou le Président
du Conseil Général, pour les établissements de leur circonscription
territoriale. Quant à la présidence du Comité de Gestion des écoles
préscolaires et primaires, elle est assurée par le Maire et en dehors du
périmètre communal, par le Chef du village représentant le Président du
Conseil Général.
Les membres du personnel exerçant dans l’établissement où siège le
Comité de Gestion ne sont pas autorisés à briguer les postes réservés
aux parents d’élèves. En effet, sont éligibles au bureau du Comité de
Gestion, tout enseignant et tout éducateur de l’établissement, pour les
postes qui leur sont réservés, à savoir :
(a) pour les enseignants des CAFOP, les postes de Secrétaire
Général ;
(a) pour les éducateurs des CAFOP, le poste de Secrétaire Général
Adjoint ;
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Pour les enseignants du préscolaire, du primaire ou du secondaire, les
postes de Secrétaire Général Adjoint et de Trésorier Général Adjoint ;
(a) pour les éducateurs de l’établissement secondaire, le poste de
Trésorier Général Adjoint.
Sont également éligibles, les élèves chefs de classe de l’établissement,
pour les postes qui leur sont réservés (1).
Il convient de mentionner que, tout parent d’élève, à l’exclusion des
enseignants et du personnel de l’établissement, est éligible à condition
de prouver la responsabilité de parent ou de tuteur par un document
administratif légal.
Le Secrétaire Général du Comité de Gestion organise des élections
au niveau de chaque composante pour élire les représentants après
vérification des conditions d’éligibilité. Les membres élus ont un mandat
de deux ans renouvelable.
(1) Au niveau du COGES des écoles préscolaires, il n’y a pas de
représentation d’élèves, en raison de l’âge de ceux-ci.
3.4 La gestion de la subvention de l’Etat
Depuis 2OO2, l’Etat octroie une subvention directe à 3000 Comités
de Gestion de l’Enseignement préscolaire et primaire. Cette subvention
concerne autant les dépenses en capital que celles relatives au
fonctionnement et sont fonction de la taille du COGES. La dotation inscrite
au budget général de l’Etat est virée directement sur le compte bancaire
ouvert du Comité de Gestion par la Direction des Affaires Financières
du Ministère de l’Education Nationale par l’entremise de la Trésorerie
départementale.
Le transfert des fonds sur le compte bancaire du COGES se fait par
la procédure simplifiée du Système Intégré de Gestion des Finances
Publiques (SIGFIP) et par délégation de crédit. Dans ce cadre, le Directeur
des Affaires Financières qui assure les fonctions d’ordonnateur délégué
procède à l’engagement-ordonnancement des fonds.
3.5. Les délibérations du Comité de Gestion
Le Comité de Gestion se réunit au moins une fois par trimestre sur
convocation de son Président ou de son Vice-président au sein de
l’établissement. Il peut également se réunir en session extraordinaire à la
demande, soit du Président ou de la moitié de ses membres. Une fois par
trimestre, le Vice-président présente un rapport d’activités aux membres
de la communauté. Chaque trimestre, un bilan des activités du Comité de
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Gestion cosigné par le Vice-président et le Secrétaire Général est adressé
au Directeur Régional de l’Education Nationale (DREN) et au Directeur
Départemental de l’Education Nationale (DDEN), pour les Comités de
Gestion de l’Enseignement secondaire et des CAFOP, ou au chef de
circonscription préscolaire et primaire, pour les Comités de Gestion de
l’Enseignement préscolaire et primaire. Une copie de ces rapports est
adressée au Maire et au Cabinet du Ministre de l’Education Nationale.
Le Comité de Gestion délibère sur toutes les questions qui lui sont
soumises. Le quorum exigé pour la validité des délibérations est de plus
de la moitié des membres du comité. Si ce quorum n’est pas atteint, le
comité pourra valablement délibérer après une semaine avec les membres
présents. Il prend ses décisions à l’issue d’un vote acquis à la majorité
relative.
Le suivi du Comité de Gestion est assuré au plan local et régional par
les DREN pour les CAFOP, les lycées et collèges et, par les IEP, pour
les écoles préscolaires et primaires. La coordination et le suivi au plan
national sont assurés par le Service National d’Animation, de Promotion
et de Suivi des COGES (SNAPS-COGES), structure rattachée au Cabinet
du Ministre de l’Education Nationale.
4- BRÈVE ANALYSE DES RÉSULTATS OBTENUS
Comme toute réforme, le chemin est semé d’embûches. La particularité
de celle-ci est qu’elle remet en question de façon frontale les habitudes,
les pratiques de plusieurs décennies, des pratiques qui ont très souvent
été les facteurs d’éclosion de certaines vocations même enseignantes.
On a quelquefois entendu dire, par exemple : « je préfère tel métier ou
tel emplois parce qu’on a un budget à gérer, ou on peut avoir de temps
en temps quelque chose pour arrondir les fins du mois… ».
4.1. Difficultés et obstacles liés au processus d’appropriation de
l’école (1)
L’application des décrets antérieurs (décrets n° 95-26 du 20 janvier
1995, n° 99-604 du 13 octobre 1999) a connu quelques difficultés liées
à l’inexistence d’un arrêté d’application d’une part, et à la réticence
des bureaux exécutifs des deux (2) associations de parents d’élèves
(UNAPEECI- APEECI) d’autre part.
En 1999, après quatre années d’existence des COGES dans le
secondaire, il est apparu nécessaire d’en évaluer le fonctionnement en
vue de proposer les rémédiations. C’est ainsi que le bilan diagnostic établi
par le cabinet CABICOR en 1999, permet les constats suivants :
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(a) la méconnaissance des textes régissant le fonctionnement du
Comité de Gestion et l’ignorance du rôle des acteurs ;
(b) le faible encrage de l’école dans son milieu, avec pour corollaire,
une faible participation des communautés et en particulier des parents
d’élèves à la gestion de l’école ;
(c) le manque de formation de la majorité des trésoriers en gestion
financière et comptable ;
(a) la focalisation des esprits sur le Comité de Gestion comme organe
de collecte de fonds à gérer ;
(b) l’indisponibilité de certains Préfets de Région désignés comme
Présidents des Comités de Gestion ;
(c) les rapports conflictuels entre le chef de l’établissement et le
Président du Comité de Gestion.
Une campagne de sensibilisation et d’information menée à la suite
des conclusions de l’étude a permis de corriger ou d’atténuer quelques
distorsions. Mais le décret n° 2002-304 du 29 mai 2002 portant réorganisation
des Comités de Gestion des établissements scolaires publics, a dû introduire
des éléments nouveaux, notamment : 1°) le transfert des fonds directement
dans les comptes bancaires de 3 000 COGES ciblés dans le cadre d’une
expérimentation dans l’Enseignement primaire, 2°) le rôle prépondérant joué
désormais par les parents d’élèves, et 3°) la prise en compte du contexte
sociopolitique lié à la décentralisation en matière d’éducation.
Les difficultés n’ont pas disparu pour autant. Le contexte de crise de
ces dernières années ont quelque peu ralenti les actions en cours pour
améliorer l’environnement des écoles et le renforcement des capacités
des acteurs impliqués dans le processus.
4.2. Les aspects positifs
Le comité de gestion a été institué pour créer une dynamique
partenariale autour de l’école. La redynamisation du comité de gestion
dans le secondaire, puis son extension en 2002 à l’enseignement
préscolaire et primaire constituent des actions majeures entreprises pour
contribuer à l’ancrage de l’école dans son milieu. On dénombre, en 2002,
7500 Comités de Gestion, tous cycles d’enseignement confondus.
Certes, la dynamique partenariale n’a pas atteint pleinement les
objectifs envisagés. Cependant, l’avènement des comités de gestion a
eu un impact positif sur l’amélioration de l’accès à l’école, les activités
pédagogiques et socioéducatives, et surtout, une meilleure lisibilité au
niveau de la gestion financière et matérielle de l’établissement.
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5. NOUVELLE VISION, NOUVEAUX DÉFIS
La nouvelle vision en matière de gestion du système éducatif se résume
dans ce slogan : « l’Ecole, Propriété de la communauté ». Les idées sousjacentes sont en rapport avec des projets socio-pédagogiques appelés à
nourrir les plans d’actions des Comités de Gestion. En effet, trois idéesforces ou orientations des actions se dégagent de cette vision :
5.1. Le COGES, outil d’apprentissage du jeu démocratique et
facilitateur du dialogue social
Tous les membres du bureau du Comité de Gestion sont élus de façon
démocratique au sein de chaque entité (les parents d’élèves, les élèves,
les enseignants). Le Comité de Gestion a pour mission de prévenir les
conflits au sein de l’école et d’assurer la mobilisation de tous les acteurs
autour de problèmes de l’école.
5.2. Le COGES, outil d’amélioration et de renforcement de la
qualité du système éducatif
L’amélioration de l’accès à l’école, l’acquisition d’équipements
didactiques, la promotion des activités socio-sanitaires et extrascolaires
figurent au programme du Comité de Gestion.
5.3. Le COGES, outil de création de richesses et de bonne
gouvernance au cœur de l’école
L’Etat a décidé de s’appuyer sur les populations pour qu’elles
contribuent à financer l’éducation. Dans le cadre de la décentralisation,
la construction des écoles et leur équipement reviennent aux collectivités
décentralisées. Dans cette optique, le Comité de Gestion est appelé à
jouer un rôle déterminant, en faisant preuve d’imagination et de créativité
pour, d’abord identifier des projets novateurs et, ensuite nouer des accords
de partenariat avec les opérateurs économiques locaux, les ONG, les
partenaires au développement. Le but visé est de créer des activités
susceptibles d’améliorer les ressources propres.
La vision de l’Etat se justifie par des défis qu’il convient de relever
à terme pour donner un souffle nouveau au système éducatif ivoirien
dans sa sous composante enseignement de 1er degré. Notre école est
agitée depuis plusieurs années par la violence. La réduction de cette
violence à défaut de son éradication totale demeure une préoccupation
de la gestion collégiale de l’école. On souligne dans certaines analyses
d’administrateurs scolaires, de chercheurs et d’étudiants et d’hommes
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politiques que la violence dans notre système éducation est en partie liée
aux conditions de travail devenues difficiles pour les élèves et leurs maîtres,
en raison de l’obsolescence des infrastructures existantes et de leurs
capacités limitées. Les difficultés d’accès, le niveau de délabrement des
infrastructures et du sous-équipement des écoles peuvent certainement
être atténués, si les Comités de Gestion étaient en mesure de réunir des
moyens financiers conséquents pour faire face aux investissements
complémentaires requis. C’est pourquoi l’amélioration de la gestion des
COGES et l’accroissement de leur autonomie financière constituent un
défi important que les mesures institutionnelles prises par les décideurs
publics ne peuvent occulter. Au nombre de ces mesures, figurent en
bonne place le renforcement des capacités des acteurs et l’encadrement
de proximité par les Coordonnateurs régionaux et les Animateurs des
COGES (1) exerçant dans les structures déconcentrées.
Au regard des leçons tirées de l’expérience d’appropriation de l’école
par la communauté éducative, un certain nombre de perspectives se
dégagent pour l’avenir. Elles traduisent la foi dans un processus viable
et incontournable pour la mutation d’un système éducatif portée par une
vision et une rationalité nouvelles.
6. PERSPECTIVES
Les perspectives au niveau de l’évolution des Comités de Gestion,
nous paraissent claires et encourageantes, car en matière de réforme, le
facteur temps joue un rôle déterminant. Tout processus de changement
mérite qu’on accorde le temps nécessaire aux acteurs afin d’épouser les
nouvelles habitudes, les nouvelles pratiques et développer les réflexes
convenables.
Ainsi, les perspectives de redynamisation concernent trois niveaux :
le plan institutionnel, le plan du système d’information et de gestion, le
plan des ressources humaines.
Au plan institutionnel, il s’agit de l’amélioration de la communication
en direction des acteurs, d’une part, et du renforcement des capacités
du personnel, aussi bien au niveau central qu’au niveau déconcentré,
avec un accent particulier sur les membres des bureaux de COGES,
d’autre part.
Au plan du système d’information et de gestion, deux priorités
s’imposent : l’élaboration d’un système automatisé de gestion et d’un plan
national de pérennisation des Comités de Gestion.
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L’automatisation du système de gestion devient une urgence au regard
du grand nombre de COGES (7500), de la quantité et de la complexité
des informations à traiter. Par ailleurs, le plan national de pérennisation
des Comités de Gestion est une boussole indispensable pour envisager
une gestion rationnelle du système éducatif, avec des objectifs clairs
partagés par les populations.
De plus, d’autres actions novatrices sont prévues. Elles visent toutes
l’équité dans la distribution des richesses de la Nation, la promotion de
la bonne gouvernance et la facilitation de l’autonomie financière des
Comités de Gestion :
• la généralisation de la subvention de l’Etat à l’ensemble des
Comités de Gestion et de l’audit de gestion;
• le développement de la culture de gestion des projets dans le but
de faciliter
L’accroissement des ressources propres ;
- la création d’un fonds d’appui aux Comités de Gestion.
CONCLUSION
L’expérience des Comités de Gestion menée par le Ministère de
l’Education Nationale a été une réussite dans nombre d’établissements
scolaires, dans la mesure où les objectifs assignés au COGES sont
en grande partie atteints. Quoiqu’on dise, elle a été bénéfique à la
transparence dans la gestion démocratique de l’école. L’existence des
Comités de Gestion doit être comprise par tous, comme un moyen
efficace pour l’amélioration du service public d’éducation. En effet, l’activité
prioritaire d’un établissement est l’optimisation de la pédagogie, c’est-àdire, des services d’enseignement.
Le Comité de Gestion, structure d’intervention palliative et
complémentaire du budget normal de l’établissement devra respecter
un certain nombre de règles de fonctionnement, de pratiques de bonne
gouvernance, loin des débats politiques ou corporatistes. C’est un outil
de mobilisation communautaire qui s’inscrit dans la logique du processus
de décentralisation en cours. On n’est donc pas surpris, qu’à la faveur
de la réorganisation des Comités de Gestion en 2002, des cadres de
haut niveau siègent au sein des bureaux de COGES, contrairement au
schéma conçu en 1995.
L’expérience des Comités de Gestion a permis de tirer quelques
leçons. Ainsi, il est donné de retenir que toute réforme touchant les
communautés nécessite l’adhésion de celle-ci au risque de déboucher
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L’APPROPRIATION DE L’ÉCOLE PAR LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE...
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sur l’échec. La négociation et la concertation collective impliquant tous les
partenaires constituent le gage du succès des réformes. De plus, parce
que le système éducatif est un tout indissociable, il est indispensable de
prendre en compte, dans toute réforme en milieu éducatif les spécificités
de chaque sous-secteur.
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KOFFI Kouadio François
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