La chasse des sites fachos

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La chasse des sites fachos
[dossier paru dans Ras l’front n° 96 (octobre 2003) pp. 15-17]
La chasse des sites fachos
Alors que la multiplication des sites racistes, négationnistes et l'accès libre à leurs « informations » se
facilite, que des rapports soulignent le danger qu'ils représentent, Ras l’front, et sa commission
Internet, a voulu faire le point sur ce dossier. Des spécialistes répondent à nos questions et abordent
les questions de la censure, de la nature des moyens à mettre en œuvre, de leur efficacité pour lutter
contre ces sites racistes.
Une croissance inquiétante de l'expression raciste sur lnternet
Dans un rapport publié le 16 juillet 2003, le MRAP fait part de son inquiétude devant la « croissance
inquiétante de l'expression raciste sur Internet ». « Des milliers de sites ouvertement racistes sont à
disposition du public mais beaucoup plus nombreux encore les messages appelant à la haine raciale
s'échangent sur les forums ou groupes de discussion, accessibles à tous. » Suite à ce constat, invité
les 4 et 5 septembre 2003, à la conférence de l'OSCE (Organization for security and co-operation in
Europ), le MRAP avance diverses propositions.
Son représentant, Gérard Kerform, conclut son intervention en sollicitant l'OSCE pour la mise en place
d'une politique de régularisation. Lutter contre le racisme sur Internet implique, dit-il, « de produire des
évaluations précises concernant l'expression raciste sur lnternet ; de mettre en place les réponses
législatives et juridiques qui font encore défaut, j'ai évoqué la pénalisation de l'hébergement abusif ; de
préserver la jeunesse non seulement par des mesures techniques mais surtout par des informations
et formations adaptées ; de définir une politique volontariste de coopération avec les professions qui
doivent être des partenaires actifs dans les processus de régulation et je rappelle cette proposition de
procédure de notification pour aider à la décision ; d'aider à une valorisation des contenus dont la
labellisation pourrait être l'un des instruments. »
Juddith
Contre l'extrême droite... et contre le fichage
Au-delà de l'affaire de Sos-racaille, du rapport rendu public par le MRAP, de nombreux problèmes
subsistent autour de l'extrême droite et d'Internet Nous avons demandé à Jean Marc Manach,
journaliste à Transfert.net et coordinateur d'un dossier sur ce thème de faire le point.
Ras l’front : Vous avez coordonné un dossier concernant l'extrême droite et Internet.
Jean-Marc Manach : J'ai fait un dossier sur ce qu'on a appelé « l'affaire SOS-racaille » : les rapports
de l'extrême droite avec l'Internet sont beaucoup plus vastes, Sos-racaille n'étant qu'un volet de cette
question.
Rl’f : Début juillet vous faisiez le pont [sic] sur « la haine en ligne » (article repris dans Ras
l’front). Depuis, la « grosse artillerie » que vous évoquiez dans cet article a œuvré : le MRAP a
publié le rapport cité ci-dessus, Sambuis (responsable présumé du site Sos-racaille) a été
arrêté, l'OSCE a consacré une de ses sessions à cette question...
J.-M. M. : Le dossier a été publié à l'occasion de la publication du rapport du MRAP, l'arrestation de
Sambuis a eu lieu la veille de la conférence de presse du MRAP et de la médiatisation de son dossier
(pur hasard, de source policière), et la conférence de l'OSCE était prévue de longue date.
Quant à la « grosse artillerie », j'évoquais, en juillet, le fait qu'au moins cinq services centralisés
enquêtaient sur cette affaire (dont les RG, la DST, la DNAT et l'OCLCTIC). Le 27 août, le Canard
enchaîné avançait le chiffre de 150 (cyber-)flics engagés dans une vaste enquête chargée d'identifier
les « têtes brûlées » de l’extrême droite...
Rl'f : Depuis « l’affaire yahoo » les médias évoquent souvent Internet comme vecteur essentiel
des idées de haine. Plusieurs dossiers consacrés à cette problématique dans divers
magazines. [sic] Qu'en pensez-vous ?
J.-M. M. : Il s'agit généralement d'une instrumentalisation, celle des « pédo-nazis », par des
personnalités politiques, policières, commerciales ou médiatiques, au prétexte qu'il est possible
d'accéder à des contenus pédophiles ou nazis (et terroristes, depuis le 11 septembre) sur le web.
Ainsi, on cherche à nous vendre des logiciels de filtrage confiant à des programmes informatiques, et
à des sociétés généralement contrôlées par des conservateurs, le soin de censurer le web.
Les « pédo-nazis » servent aussi aux journalistes de la presse sensationnaliste à pisser de la copie,
d'autant que nombre de policiers, politiciens et ONG sont prêts à en parler.
Les gouvernements, essentiellement occidentaux, n'ont ainsi eu de cesse que de mettre les
internautes sous cyber-surveillance. Ainsi, au nom de la lutte anti-pédo-naziterroriste, nous sommes
fichés a priori, et au cas où.
Les pédo-nazis-terroristes ont pourtant, depuis toujours, utilisé la Poste pour communiquer : on n'a
pas pour autant systématiquement fiché tous les échanges de courrier postal. Quant aux policiers et
aux ONG, elles devraient, au contraire, être heureuses de pouvoir accéder à des contenus
répréhensibles : auparavant, il fallait infiltrer ces groupes, aujourd'hui, il suffit de savoir « surfer »...
Internet est un plus dans la lutte contre les « pédo-nazis », puisqu'ils se montrent, au lieu d'être
cantonné [sic] dans la clandestinité.
Je ne comprends pas ceux qui, au nom de la lutte contre les pédophiles et les racistes, sont prêts,
comme c'est le cas aujourd'hui, à abandonner leurs droits et libertés (notamment en matière de vie
privée).
Ce n'est pas en faisant de tout internaute – et citoyen – un suspect en puissance que l'on arrivera à
lutter contre ces fléaux. Le développement des NTIC (nouvelles technologies de l’information de la
communication) permet effectivement de faire de tout quidam un « présumé suspect » : il permet
aussi de traquer plus efficacement les délinquants, sans pour autant avoir à renier les droits et libertés
inhérents à toute démocratie.
Pour ce qui est de l’ « affaire Sos-racaille », on a laissé entendre que des dizaines, voire des
centaines de milliers de messages racistes avaient été publiés sur le Net. A ma connaissance, s'il y a
bien des dérives répréhensibles (comme c'est le cas dans n'importe quelle discussion de comptoir ou
réunion politique), le fond du problème tient au fait que, pour pouvoir s'exprimer en toute liberté, un
certain nombre de militants d'extrême droite ont fait le choix de l’anonymat afin d'éviter les risques de
poursuites, ce qui en a amené quelques-uns à usurper l’identité d'opposants (afin de les faire passer
pour pédophiles ou... racistes), à les harceler, voire à lancer des menaces de mort tout en instillant un
climat de guerre civile.
L'arrestation de Sambuis, quant à elle, tient à son passé de multirécidiviste de la fraude à la carte
bancaire, pas à son implication dans Sos-racaille. A ce jour, si cinq personnes ont été entendues dans
le cadre de cette affaire, aucune inculpation n'en a résulté. Mais le « bruit » médiatique occasionné
par le rapport du MRAP et les différents articles de presse à ce sujet ont contribué à faire connaître
cette nébuleuse, à la plus grande satisfaction des supporters de Sos-racaille.
Rl’f : Police et justice sortent-elles également la « grosse artillerie » ?
J.-M. M. : D'après le Canard enchaîné, on est passé de l’enquête préliminaire à une information
contre X lancée par un juge anti-terroriste, et 150 policiers et gendarmes auraient donc été mobilisés.
Rl'f : A votre avis, existe-t-il une coordination entre les services officiels et les associations de
lutte contre le racisme ? Plus précisément, l’enquête du MRAP s'avère-t-elle utile aux services
de police ?
J.-M. M. : Une « coordination », non, mais nombre d'antiracistes ont porté plainte, ou fait parvenir aux
forces de (ordre des éléments permettant d'identifier certains racistes.
De source policière, la focalisation du rapport du MRAP sur une alliance entre des représentants de
l’extrême droite juive et de l'extrême droite chrétienne (ou « blanche ») aurait contribué à fausser le
débat.
Si la nébuleuse Sos-racaille est effectivement pro-israélienne, on a ainsi vu Le Monde avancer le plus
sérieusement du monde que cette nébuleuse réunissait sionistes et... néo-nazis. La surmédiatisation
de son rapport, visant à faire pression sur les autorités, aurait, elle aussi, contribué à brouiller
l’enquête. Policiers et proches de Sos-racaille se rejoignent sur un plan : plus on en parle, plus ça leur
fait de la publicité.
Rl’f : Transfert est spécialiste de l'impact des nouvelles technologies. Dans ce cadre quel
regard portez-vous sur les propositions du MRAP ?
J.-M. M. : ...des nouvelles technologies sur la société, on n'est pas que technos, tout de même ! Je ne
peux m'exprimer au nom de Transfert, même si je partage un certain nombre de ses principes, à
commencer parla défense de la liberté d'expression qu'autorise Internet, qui permet à des centaines
de millions d'hommes et femmes de s'exprimer.
Rl’f : Contrairement à d'autres ONG antiracistes, le MRAP ne prône pas le filtrage du Net, mais
une labellisation des sites, un renforcement des lois anti-racistes et une responsabilisation
des intermédiaires techniques.
J. -M. M. : A titre personnel, et en tant que journaliste, je ne peux que déplorer toute vélléité [sic] de
filtrage, ou de criminalisation de la consultation, de contenus potentiellement répréhensibles.
Journalistes, ONG et militants seraient alors empêchés de faire leur travail correctement, voire,
comme c'est de plus en plus le cas, pourraient être inculpés pour avoir consulté un site
potentiellement répréhensible.
Ce qu'en d'autres termes, on appelle le retour de la censure. Aujourd'hui, la simple consultation –
quelqu'en soit la raison – d'un site pédophile peut vous amener en prison : comment feront les
antiracistes s'il leur est interdit de consulter les sites racistes ?
Propos de
Jean-Marc Manach
recueillis par Juddith
« Beaucoup de bruit pour pas grand chose »
A 39 ans, Laurent Chemla est l'un des fondateurs associés de la société d'enregistrement de noms de
domaine Gandi. Informaticien spécialiste des logiciels libres, il est également l'un des créateurs de
l’Association des utilisateurs d'Internet. En février 2002, il a publié aux éditions Denoël Les
Confessions d'un voleur, également disponible en ligne. Laurent Chemla est, enfin, le trésorier de
l'association Transfert2, qui édite le site transfert.net. Laurent Chemla a assisté à la conférence de
presse du MRAP, qui présentait son rapport sur l’islamophobie en ligne, la galaxie Liberty-web et
Sos-racaille. Il nous a adressé le texte que nous reproduisons ci-dessous. Pour l'informaticien militant,
Laurent Chemla, le MRAP fait fausse route en légitimant un Etat policier.
En écoutant Mouloud Aounit parler des résultats de deux ans d'enquête, lors de la conférence de
presse du MRAP d'hier matin, il était difficile de ne pas se demander : « Tout ça pour ça ? »
Selon les chiffres fournis par l'association, hélas sans plus de précision, deux ans de « nouvelle
extrême droite » sur Intemet représenteraient 150 000 intervenants (?), 400 000 articles publiés, 15
procédures pénales et 18 signalements auprès du procureur. Je n'irai pas détailler d'avantage ces
chiffres : sans autre information, ils diront de toute façon ce qu'on voudra leur faire dire (et le contraire
bien entendu).
Mais ce qui étonne, dans tout ce dossier, ce n'est pas le nombre de racistes qui se servent
d'Internet pour étaler leur haine de l'autre à la face du monde : la possibilité de parler, masqué derrière
un anonymat plus ou moins poussé, à travers une technologie sans visage, a toujours poussé certains
humains à oser afficher une bassesse quotidienne qu'ils n'auraient de cesse de cacher s'ils devaient
assumer leurs propos.
Le passage à l'acte est facilité par la technologie, même si cette dernière n'est évidemment pas
responsable de la pensée imbécile qui sous-tend le racisme.
Ce qui étonne, ce n'est pas non plus, n'en déplaise au MRAP, le fait que la justice soit lente et
inefficace sur Internet : elle ne l'est pas là plus qu'ailleurs, au contraire. Quand on les interroge, les
services spécialisés annoncent des taux d'élucidation des affaires supérieurs à ceux qu'affichent les
services de police en charge des enquêtes hors du réseau.
TECHNIQUE ET POLITIQUE
Non, vraiment : ce qui surprend d'abord c'est l'absence totale de proposition concrète, en dehors
de la sempiternelle « volonté politique » associée à son cortège de « il faut que la police dispose de
plus de moyens ». Je suis désolé de le dire, mais on touche là comme ailleurs au degré zéro du
discours social.
Ce qui étonne aussi, c'est le refus souvent répété de considérer les questions techniques et les
problèmes que pourraient poser aux libertés fondamentales une quelconque responsabilisation des
intermédiaires : « Ce débat-là n'a pas lieu d'être et, puisqu'il est technique, laissons-le aux
techniciens ».
Mais voilà : en tant que technicien, je sais trop bien que toute réponse technique qui ne va pas
dans le sens espéré par les interlocuteurs politiques est tout simplement ignorée, repoussée au profit
d'avis incompétents fournis par quelques spécialistes autoproclamés qui n'ont d'autre objectif que de
s'assurer une place dans tel ou tel organisme de consultation.
Et bien sûr, comme on préfère botter en touche dès que les choix techniques deviennent des choix
politiques, on finit par se retrouver avec des décisions politiques qui n'ont strictement aucune portée
technique : « Il faut filtrer les sites illégaux », comme si c'était possible sans interdire l'utilisation du
téléphone en France. « Il faut responsabiliser les fournisseurs », comme si ça n'allait pas porter
atteinte aux libertés fondamentales.
Et ce qui gêne finalement bien davantage encore, à la réflexion, ce sont les projecteurs braqués
sur ces quelques anonymes qui n'en espéraient certainement pas tant (merci beaucoup pour la pub,
au revoir et à bientôt).
Car que veulent-ils en effet, ces racistes quotidiens qui n'osent leur médiocrité que planqués
derrière tel ou tel anonymiseur, sinon qu'on les remarque, sinon que d'apprendre qu'ils ont réussi par
leur discours à faire mal à ceux qu'ils haïssent ?
Quelle est leur existence en dehors de celle que les cibles de leurs diatribes veulent bien leur
accorder ? Sans pour autant les ignorer, que seraient-ils aujourd'hui si, plutôt que de médiatiser une
vente d'objet nazis, on se contentait de faire condamner, chaque jour qui passe, avec les moyens
existants déjà, le nouvel anonyme qui se croit à l'abri de toute poursuite parce qu'il insulte les valeurs
républicaines depuis son fauteuil ? Et quelle importance si les résultats n'atteignent pas 100 %, et
quelle importance si les procès sont peu médiatisés, du moment que les condamnations le sont et
qu'on affiche ainsi clairement que notre pays considère que la haine n'est pas une opinion ?
Mais non. Plutôt que de former la population en lui montrant ainsi, quotidiennement, que la haine
est un délit, on préfère semble-t-il faire quelques exemples tapageurs dont le résultat (que ce rapport
constate plus qu'il ne le dénonce) ne pourra être que de pousser encore davantage de ces
pas-grand-chose à oser afficher ce qui leur sert de pensée pour atteindre, enfin, le Nirvana de la
célébrité qu'ils espèrent. On préfère médiatiser encore davantage cette haine, pour se contenter de
demander ensuite plus de police. Comme si c'était la bonne solution, comme si ça allait servir le
débat, comme si ça pouvait, miraculeusement, changer la mentalité des racistes.
On mesure dès lors toute l'ironie de la réponse qui me fut faite hier, lorsque je demandais
pourquoi, au lieu de laisser des simples citoyens affronter seuls cette « armée de la haine » dénoncée
par le MRAP, les diverses organisations antiracistes ne venaient pas, elles aussi, défendre les idées
qui nous sont chères dans les forums qui reçoivent chaque jour ces torrents de boue. On m'a dit « par
manque de moyens », certes, et je ne peux que m'inquiéter moi aussi de la faiblesse de la
mobilisation antiraciste.
Mais on m'a dit aussi : « Pour ne pas légitimer leurs propos en leur répondant ». Mieux vaut, sans
doute, légitimer un état policier en médiatisant ces mêmes propos sans y répondre.
Laurent Chemla
Les Comités Canal Résistance ou l'art de la provocation
Le pseudo « bras armé » de Sos-racaille servait surtout à la publicité et au recrutement.
La galaxie de sites racistes et islamophobes hébergés par Liberty-web, sur laquelle le Mrap a
enquête (lire page précédente), s'est à plusieurs reprises fait (écho des agissements de « Comités
Canal Résistance ». Prônant l'action violente, ce groupuscule était surtout spécialiste de l'agit-prop.
En février 2003, la Division nationale anti-terroriste (Dnat) rejoint d'autres services de police dans
l'enquête concernant les activités de sites racistes et islamophobes hébergés par Liberty-web.
L'intérêt de la Dnat est mû par un appel au meurtre lancé à l'encontre de Jacques Chirac, posté le 21
février sur le forum de discussion français fr.soc.politique, le message a pour auteur un certain
JackyNice ([email protected]), qui signe son appel « CCR ».
Les Comités Canal Résistance sont apparus la première fois en août 2001, via un premier
communiqué publié par sos-racaille.org, le plus connu des sites hébergés par Liberty-web. Les CCR
étaient présentés comme une « organisation clandestine » créée « au cœur du dispositif d' Etat » par
des policiers et magistrats écœurés de l'impunité dont feraient l'objet les « racailles ».
DES INFORMATICIENS ET LE COLONEL X
Les CCR auraient également compté dans leurs rangs des informaticiens disposant « d'entrées
directes dans des fichiers "sensibles" » afin de « retrouver la racaille et la châtier comme elle le
mérite, sans passer par les circuits habituels officiels ».
Leur leader spirituel, un certain « Colonel X », affirmait, pour sa part, être un ancien militaire
disposant encore de solides relations dans l'armée.
Censés être le « bras armé » de la nébuleuse Liberty-web, les CCR visaient explicitement à
enrôler ceux qui, considérant l'islam et la communauté maghrébine comme un danger pour la société,
se disaient « prêts à "bouger" et à payer de [leur] personne pour renverser ce gouvernement de
pourris ».
« FRAPPER TRES DUREMENT BEN SHIRAK »
Quelques jours après la fermeture des sites hébergés par Liberty-web au début du mois de mars
2003, le « Point de chute » (un forum temporaire censé regrouper les membres du réseau) publiait un
autre communiqué. Le texte indiquait que les CCR se préparaient à « comme ils l'avaient annoncé,
frapper très durement Ben Shirak et une dizaine d'autres cibles vendant la France aux musulmans, ce
sera le 9 septembre de la vermine pro-musulmane de France. La meute de moutons francais [sic]
devra alors prendre ses responsabilités, soit en se terrant comme une bande de rats, soit en suivant
les appels des CCR et en prenant les armes ».
Finalement, le seul passage à l'acte revendiqué, reste le barbouillage « aux couleurs de la
République » de quinze mosquées le 27 janvier 2003. L'ampleur de ces « attentats » à la peinture a
néanmoins été minorée par les autorités – qui ne recensèrent que six lieux de culte peinturlurés – et
peu de média s'en sont fait l'écho.
Considérer seulement les CCR comme une bande de velléitaires frustrés en mal d'action violente
serait cependant une erreur. D'abord parce que le registre de ce pseudo-groupuscule, adepte de la
désinfomtation et de la manipulation, entremêlant son discours d'info et d'intox, était plutôt celui de la
« guerre psychologique ».
Ensuite, le dossier du MRAP révèle que l'un des membres actifs du réseau aurait déjà été impliqué
en 1982 dans le plastiquage de la mosquée de Romans-sur-Isère. Une provocation supposée
entraîner une réaction de la communauté maghrébine, qui elle-même aurait dû générer un sursaut de
la population « de souche »...
Pour le MRAP, qui a pu consulter des discussions privées entre les membres actifs de
sos-racaille.org, l'objectif poursuivi par ce réseau reste le même : imputer à la communauté d'origine
maghrébine des actions « terroristes » afin de créer les conditions d'une guerre civile en France.
C'est sans doute prêter beaucoup d'importance aux CCR. Plus prosaïquement, ces derniers
semblent surtout avoir eu un impact dans le domaine de la propagande interne à la galaxie
Sos-racaille. La radicalisation du discours servait un double enjeu : faire connaître le réseau et ses
idées auprès des grands média et attirer de nouvelles recrues.
« ÇA A SERVI DE DEFOULOIR A CERTAINS »
« Les CCR voulaient créer une prise de conscience, c'était du racolage pour se donner plus
d'importance et attirer du monde », confirme Denis Greslin, ancien candidat du Front national et du
Mouvement national républicain à diverses élections, l'un des rares protagonistes de l'affaire
Sos-racaille à avoir été placé en garde à vue.
On pourrait ajouter que le choix des mots plutôt que celui des armes permettait aussi d'éviter tout
dérapage grave. « Ça a servi de défouloir à certains », affirme Denis Greslin. « Mieux vaut qu'ils le
fassent sur Internet qu'en prenant un flingue ».
L'envoi de balles de 22 long rifle assorties d'une menace de mort à douze personnalités ne
cachant pas leurs sympathies palestiniennes avait cependant été applaudi par certains des
intervenants de Sos-racaille.
Jean-Marc Manach
[Suit une simple reprise de deux passages du rapport du MRAP : sur « les sites extrémistes juifs » et
un morceau de la conclusion de ce rapport.]