Discours de Bernard Patureau, Ibuka Chalette le
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Discours de Bernard Patureau, Ibuka Chalette le
Monsieur le Maire de Chalette, Monsieur le Président d'Ibuka France, mesdames et messieurs les élus du Conseil Municipal, ..... mesdames et messieurs les membres d'Ibuka France et de sa Cellule Locale à Chalette, mesdames et messieurs les représentants d'associations (MRAP, Autrement autre mots, Femmes Solidaires, AFPS etc ), chers amis ici présents, merci à tous d'être avec nous ce matin pour ces 22èmes commémorations du génocide des Tutsi au Rwanda. Je remercie aussi le groupe de jeunes qui vient de se joindre à nous, interrompant leurs travaux de leur séminaire En effet, le 7 avril 1994, après que de nombreuses alertes et signes extérieurs appelaient la Communauté Internationale à la vigilance, et ce dés janvier 1993, démarrait sous les yeux de celle ci, devant les ONG et les médias présentes au Rwanda, ce qui devint le génocide des Tutsi; la première réaction de cette Communauté fut de protéger et d'évacuer ses ressortissants, d'ordonner le retrait des Casques Bleus; les ONG et associations humanitaires se retirèrent toutes également, laissant ainsi la population tutsie seule à la merci des interahamwe, de l'armée rwandaise, de la gendarmerie et de la garde présidentielle, de la population hutue et de leur frénésie exterminatrice . Savamment organisés depuis des mois, des témoignages attestent les préparatifs : entraînements de miliciens, armes cachées, réunions secrètes chez des bourgmestres, préparations de listes, provocations, et "simulations" ont permis de mobiliser la population hutue qui s'est fait actrice et complice du massacre de plus d'un million de tutsi; les quelques personnes, des opposants politiques, qui avaient tenté de s'élever contre ce forfait furent immédiatement supprimées. La « colère populaire » était donc programmée en vue du « travail », mot désignant habituellement des tâches collectives et dont l’emploi pour signifier « tuer les Tutsi » avait déjà été rodé lors des massacres antérieurs, depuis les années 1960. Ceci dura 3 mois, prés de 100 jours, où les images défilaient lors des journaux télévisés de France et du monde, dans le flot des actualités au quotidien, entre l'accident du coureur automobile Ayrton Senna et la naissance de la fille de Stéphanie de Monaco. En fin juin 1994, soient 77 longs jours après le début du génocide (mot susurré en mai de cette année là par les Etats Unis qui évoquent seulement des actes de génocide, pas encore par la France - prononcer le mot aurait conduit à une intervention des USA-), 77 jours donc après, l'Opération Turquoise, aux objectifs ambiguës, mais qualifiée d'humanitaire - des militaires dans l'humanitaire, avec un arsenal et du matériel d'envergure, il y avait de quoi se poser des questions - permit la fuite des responsables du génocide, des soldats de l'armée rwandaise, des miliciens interahamwe et de la population complice qui tous fuyaient devant le FPR, lequel arrivait, seul, à stopper ces massacres organisés, là où les soldats français ne se trouvaient pas! L'Opération Turquoise réussissait aussi le tour de force de faire montrer, dans les médias, des colonnes de personnes se dirigeant vers le Congo, fuyant la justice, à une distance et dans des conditions incompatibles avec les règles en usage pour les réfugiés, provoquant ainsi la compassion des téléspectateurs et des lecteurs alors qu'ils avaient tous été si indifférents au massacre des tutsi d'avril à juin, et provoquant ainsi le transfert de l'émotion ......... les tutsi étaient oubliés une seconde fois, en si peu de temps, par la communauté internationale! Aujourd'hui encore, en 2016, l'ambiguïté est orchestrée avec la présence des interahamwe et des soldats génocidaires à l'est du Congo, présence qui sert maintenant le gouvernement burundais lancé dans un processus similaire 22 ans après et toujours dans l'indifférence générale. Il y a encore 5 jours, quand je commençais à préparer ces mots, je pensais terminer sur une note d'espoir avec l'engagement de plus en plus affirmé de quelques parlementaires français et européens qui venaient de déclarer, à l'intention du ministre des Affaires Etrangères: "... Nous, Parlementaires de tous bords politiques, estimons que la France doit aller plus loin et souhaitons nous unir aux Rwandais lors de la commémoration du génocide qui aura lieu le 7 avril 2016" lit-on dans deux Déclarations signées par 43 parlementaires français et par 43 député(e)s du Parlement européen et membres de parlements d’Europe de 17 pays, afin d'envoyer une délégation française à Kigali. Hélas, M. Ayrault a refusé de rencontrer ces parlementaires. L’Exécutif a rejeté leur proposition, refusant même de prendre langue avec les autorités rwandaises à ce propos. Malgré tout cette note d'espoir est bel et bien là: le courage et la dignité des élus et des parlementaires qui ont bien voulu que soient érigés des stèles, monuments et espaces de Mémoire, avant hier encore au Parc de Choisy, qui écrivent au gouvernement pour que la vérité soit faite sur les responsabilité de la France, et aussi, j'allais dire surtout ces jeunes, élèves ou étudiants qui prennent conscience que cela fut, grâce au rôle de l'éducation, rôle où nous pourrions être acteur, qui doit s'affirmer, se développer pour nos générations futures; là aussi, avant hier, une belle et émouvante leçon nous a été donnée par des enfants de CM1 et CM2. Nous, ici et partout, témoignons aujourd'hui, et ne cesseront de le faire comme depuis 22 ans, afin que l'on puisse prendre conscience que la haine des uns des autres, la recherche de boucs émissaires, ne mènent à rien, et provoquent plus de malheurs que de solutions, que le travail de mémoire, l'éducation et la lutte contre l'impunité ne doivent être que les seules armes pour défendre un mieux de vivre ensemble. Du Rwanda 1994 à Bruxelles 2016, les victimes sont toujours innocentes, les tueurs sont toujours sans âme, le rejet de l'autre est leur seul moteur. Enfin, permettez moi aussi rendre hommage aux Justes, qui n'ont pas hésité, au risque de leur vie et de celles de leurs famille, à cacher et sauver des tutsi et je ne veux pas ne pas terminer sans une pensée pour Naasson Munyandamutsa, docteur psychiatre qui a tant fait pour les rescapés et les traumatismes post génocide, et qui vient de décéder de longue maladie. Je vous remercie,