Rapport de mission n°1
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Rapport de mission n°1
Fleur et Mathieu Chargée de partenariat et comptable pour la Fondation ANAK-TNK Quezon City – Philippines 91 boulevard Auguste Blanqui 75013 Paris - France Tél.: +33 (0)1 58 10 74 80 Courriel : [email protected] www.fidesco.fr Date : Novembre 2014 Rapport de mission n°1 Cher parrains, Apres deux mois passés à Manille, voici venu le temps d’écrire notre premier rapport de mission ! Nous avons vécu un tel changement que ces quelques pages ne suffiront pas à tout raconter, mais nous espérons tout de même qu’à travers les rapports qui jalonneront nos deux ans passées ici en famille, vous pourrez cheminer avec nous. Nous tenons tout d’abord à vous exprimer toute notre gratitude ! Si nous sommes là aujourd’hui, c’est grâce à vous. Grâce à votre soutien financier bien sûr, mais aussi grâce à vos témoignages, aux discussions que nous avons eues avec vous, à votre aide lors de notre préparation au départ. Alors un immense MERCI ! Nous avons également été très touchés par les messages que nous avons reçus suite à l’envoi de notre lettre et par toutes vos marques d’affection. Avant même notre départ, ce fut le premier fruit de notre mission, et source d’une grande joie. Maligayang pagdating sa Pilipinas ! Nous sommes arrivés le 2 septembre dans cette immense ville de Manille, et notre quotidien français nous semble déjà bien loin… Il nous a néanmoins fallu plusieurs semaines pour nous habituer à la chaleur, aux odeurs, à la pollution, et au bruit permanent. Et nous qui nous étions imaginés il y a quelques mois perdus en pleine brousse africaine !! Heureusement, l’accueil par les autres volontaires de la fondation pour laquelle nous travaillons a été particulièrement chaleureux, et leur aide bien précieuse pour notre adaptation. Dès l’arrivée en avion au-dessus de Manille, nous avons été frappés par la grisaille des bidonvilles qui s’étalent le long de la mer, tellement loin des images de cartes postales que chacun peut avoir en tête à l’évocation de ce pays aux sept milles iles ! C’est pourtant bien ce visage des Philippines qui fera notre quotidien tout au long de ces deux ans. Et ce contraste entre Manille et le reste du pays est loin d’être le seul. Le long d’une même rue de la capitale, on observe des logements de fortune directement accolés à de luxueuses maisons : des familles vivant dans le plus grand dénuement côtoient ainsi quotidiennement des familles au luxe ostentatoire… La métropole de Manille (« Metro Manila »), composée de 17 villes formant un tissu urbain ininterrompu, regroupe plus de 15 millions d’habitants avec l’une des densités les plus fortes au monde. Entièrement détruite lors de la Seconde Guerre Mondiale, elle connait aujourd’hui un développement anarchique et souffre du manque d’infrastructures : les rues sont en permanence engorgées de véhicules en tous genres, dont les fameux « jeepneys » qui crachent à l’envie leur fumée noirâtre... Ces anciennes jeeps, abandonnées par l’armée américaine lorsqu’ils se sont retirés des Philippines à la fin de la 2nde Guerre Mondiale, ont été transformées pour accueillir des passagers. Pour emprunter un jeepney il faut l’attraper au passage car il n’y a pas d’arrêts définis. Et le prix de la course passe de main en main jusqu’au conducteur qui rend la monnaie en tentant de garder un œil sur la circulation agitée de Manille... c’est folklorique ! Installation dans notre quartier Notre logement est situé dans une rue calme de Quezon City, ancienne capitale du pays et plus grande ville de la métropole. Nous avons eu beaucoup de chance car nous avons pu récupérer un logement de précédents volontaires, déjà équipé, avec eau (froide) courante, et même l’électricité: grand luxe ! Il nous aura fallu cependant quelques travaux pour transformer cette ancienne colloc’ de célibataires en un logement familial : réparation des prises électriques, du plan de travail de la cuisine qui s’est écroulé à la première vaisselle, et surtout installation de moustiquaires sur toutes les fenêtres ! Assez typiquement, nous partageons une petite cour avec nos voisins, ce qui facilite les rencontres et nous procure le plaisir d’être régulièrement réveillés le matin… par des odeurs de cuisson à l’ail ! Nous avons appris à apprécier notre quartier populaire, dont les rues s’animent à la tombée de la nuit : les familles s’installent devant leur maison (les logements sont rarement très spacieux), les enfants jouent dans la rue pendant que les parents font griller quelques brochettes au barbecue ou s’entraînent au karaoké. En route pour la fondation. Rue de notre quartier. Pour aller travailler le matin, nous avons le choix entre une marche de 20 min (lorsqu’il fait beau et pas trop chaud), ou une course en « tricycle », taxi local composé d’une moto sur laquelle est soudée de manière assez archaïque une cabine exiguë. La fondation Nous avons été envoyés par FIDESCO à Manille pour nous mettre au service de la fondation TNK (Tulay Ng Kabataan, ‘Un pont pour les enfants’ en tagalog), qui vient en aide aux enfants les plus pauvres de la capitale philippine. Ils sont en effet plusieurs milliers à errer dans les rues de la ville, ayant souvent rompu tout lien avec leur famille, victimes de la violence, de la drogue ; ils survivent de mendicité, de vol ou de prostitution. L’objectif de la fondation est de favoriser leur réhabilitation sociale en leur offrant des structures d’accueil qui recréent l’atmosphère familiale, ainsi qu’un accompagnement global. Fondée en 1998, la fondation est aujourd’hui dirigée par un prêtre français ordonné à Manille, le père Matthieu Dauchez, dont nous aurons sûrement l’occasion de vous parler dans un prochain rapport. Elle gère 24 centres (repartis principalement à Quezon City), emploie 120 salariés philippins et 40 « community workers », et nous sommes 7 volontaires à y travailler actuellement. C’est donc une véritable « petite entreprise » ! Les actions de la fondation s’organisent autour de 4 programmes : 1. Enfants des rues 2. Jeunes handicapés 3. Enfants des bidonvilles 4. Enfants chiffonniers C’est le 1er programme qui emploie le plus de philippins : directeurs de centres, psychologues, assistantes sociales, éducateurs de rues, infirmiers, professeurs. Le premier maillon de la chaîne est formé par les éducateurs qui arpentent les rues de Manille à la rencontre des enfants. Leur objectif est de convaincre les enfants en danger de venir vivre dans la fondation. Deux centres spécialisés, le « Drop In Boys » et le « Drop in Girls » accueillent les enfants tout juste sortis de la rue, avec pour objectif de les stabiliser et leur offrir une remise à niveau scolaire dans les « bridge classes » (« classes passerelles ») du centre. Si l’objectif est atteint ils peuvent intégrer l’une des 10 maisons résidentielles de la fondation où les enfants sont logés, nourris et réintégrés dans le cursus scolaire classique. La récréation au Drop-in-boys Ce centre est situé juste à côté de l’administration, où nous travaillons tous les deux. Nous y allons tous les jours après le déjeuner, avec Augustin et Jean-Baptiste, pour jouer avec les enfants du Drop In Boys et du Drop In Girls réunis. C’est un des meilleurs moments de notre journée ! Au programme : basketball (sport national ici), billes, chats, et pokémons. Augustin et JeanBaptiste sont très sollicités, objets d’une grande attention de la part des enfants, et s’en donnent à cœur joie. Ce temps privilégié nous permet de faire connaissance avec les enfants nouvellement arrivés de la rue. Nous y découvrons l’immense besoin d’affection de ces enfants abandonnés : avant même de connaître notre prénom, ils se jettent dans nos bras ! Le 2ème programme est une émanation du premier. En effet, parmi les enfants des rues certains présentent un handicap qui nécessite une prise en charge particulière. Certains centres leur sont réservés. S’ils ne peuvent pas aller à l’école, on leur y propose une formation professionnelle ou un apprentissage. Le 3ème programme a été créé pour venir en aide aux personnes vivant au sein des bidonvilles de Manille dans des situations de précarité accablantes. Le programme agit pour améliorer les conditions de santé, de nutrition et d’éducation des enfants de 0 à 6 ans, grâce aux 8 centres implantés au cœur du bidonville de Navotas et au travail des « community workers », personnel issu du bidonville et formé professionnellement par la fondation. Le 4ème programme répond aux mêmes besoins et objectifs que le troisième, mais il était situé sur l’immense décharge de Manille. « Etait », car le centre de la « Smokey Moutain » a été entièrement détruit en juin 2014 par le gouvernement, comme tout le reste du bidonville situé directement sur la décharge. Nous sommes donc en cours de création d’un nouveau centre à Aroma, un bidonville voisin également construit sur des détritus, où les habitants survivent en triant des déchets… Ici la précarité est encore plus hurlante. Dans ce nouveau centre, un repas est donné chaque jour à environ 200 enfants chiffonniers, suite à une demi-journée de préscolarisation. TNK profite donc à de nombreux enfants : 250 enfants des rues, plus de 1000 bénéficiaires (enfants et jeunes mères) du bidonville de Navotas et 200 enfants chiffonniers. La mission de Mathieu Mathieu reprend le poste d’un précédent volontaire FIDESCO, Javier, en tant que comptable et gestionnaire financier de la fondation. C’est un poste clé pour la fondation : tous les mouvements d’argent, de l’achat d’essence pour les véhicules aux salaires de tous les employés, transitent par lui ! Ce poste ne peut malheureusement pas être occupé par un Philippin car les sommes d’argent en jeu y sont très importantes par rapport au salaire local, et les tentations seraient trop grandes. Mathieu a été plongé très rapidement dans sa mission, le tuilage avec le précédent volontaire fut assez court et les enjeux importants. Son travail quotidien comporte deux dimensions : la réalisation de tâches quotidiennes liées à tous les questions d’argent au sein de la fondation (paiement des salaires 2 fois par mois, des dépenses de tous les centres, des factures d’électricité et d’eau, des loyers, des taxes…) l’analyse des finances de la fondation (notamment avec la réception des dons venant de nombreux pays), et la préparation et le suivi des audits financiers. C’est un poste très prenant. Mathieu espère que l’expérience acquise peu à peu dans la réalisation des tâches quotidiennes lui permettra de consacrer du temps à l’analyse financière pour accompagner au mieux l’évolution de la fondation, et idéalement de pouvoir passer plus de temps auprès des enfants des centres, sans oublier sa propre famille ! La mission de Fleur A l’opposé de celui de Mathieu, le démarrage de la mission de Fleur prend du temps ! Tout d’abord, parce que c’est une mission nouvellement créée, et donc à inventer… L’objectif principal étant de créer un réseau philippin de soutiens et de donateurs pour la fondation (l’essentiel des fonds de la fondation provenant aujourd’hui de l’étranger). Fleur va donc devoir se plonger dans la culture philippine afin d’être capable de se créer des réseaux locaux. Ensuite, parce qu’il faut trouver un équilibre dans notre organisation familiale quotidienne. Nos enfants Justement, et nos enfants dans tout ça ? Augustin et Jean-Baptiste ne sont pas encore scolarisés : la rentrée scolaire étant en juin aux Philippines, nous sommes donc arrivés en milieu d’année scolaire et nos enfants ne parlent ni anglais, ni tagalog…. A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous espérons qu’ils pourront intégrer une école proche de la fondation pour le 2ème semestre philippin. Quant à Constance, elle a définitivement adopté Nessa, une adorable jeune fille qui s’occupe d’elle pendant la journée. Nous attendons avec impatience ses premiers mots … en tagalog ! Constance et Nessa à la maison Retour à l’essentiel Nous arrivons au sein de cette belle fondation qu’est TNK dans un contexte porteur : de nouveaux projets, une structure en pleine évolution, les choses à faire ne manquent pas ! Mais cela ne doit pas nous faire passer à côté de l’essentiel : notre présence auprès de ces enfants blessés. Comme nous l’a dit le père : « nous ne sommes pas là pour faire des tableaux excel, mais pour sauver des âmes… ». Dis comme ça, nous nous sentons bien dépassés par une telle mission ! Elle commence plus simplement par aller à la rencontre du plus pauvre, en la personne des enfants des rues. C’est souvent dur, parfois désespérant car les besoins sont énormes. Mais les sourires des enfants, leur joie débordante, sont pour nous une source d’énergie et d’espoir, et nous montrent qu’à notre échelle nous pouvons agir, et qui sait, toucher leur cœur ? Et nous n’oublions pas que tout ceci est grâce à vous ! Nous vous donnons rendez- vous au prochain épisode…