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Théâtre / CRéATION
Scènes de la vie ordinaire
Texte Hervé Blutsch
Mise en scène et marionnettes Catherine Hugot, Compagnie Ka
Durée à préciser
à partir de 15 ans
Catégorie B
Contact secteur éducatif : Sonia Pérez / 03 84 58 67 56 / [email protected]
Réservations : Caroline Diet / 03 84 58 67 67 / [email protected]
Jeudi 8 novembre à 19h30
vendredi 9 à 20h30, samedi 10 à 19h30
Représentations scolaires :
vendredi 9 à 14h30, lundi 12 à 10h et 14h30
à la Coopérative rue Parisot, Belfort
Sommaire
La Compagnie KA
p.2
Catherine Hugot – Metteur en scène
p.3
Hervé Blutsch – Auteur
p.4
Note d’intention de Catherine Hugot
p.5
L’équipe
p.9
Extraits du texte
p.11
1
La compagnie KA
Créée en novembre 2000 à Besançon, la compagnie est dirigée par Catherine Hugot, comédiennemarionnettiste formée, entre autre, au Conservatoire d'Art Dramatique de Besançon.
Au sein de la compagnie Ka, Catherine Hugot travaille sur la marionnette contemporaine tout public et
principalement sur sa confrontation au texte contemporain et au jeu d’acteur, tout en gardant une volonté
esthétique et plastique exigeante et originale.
Le travail de la compagnie s’est orienté vers une réflexion sur le monde, politique et humain, au travers
du double prisme de l'humour et de la marionnette.
Mars 2000 Anatole Felde et Cie d’après la pièce d’Hervé Blutsch, Anatole Felde
Novembre 2000 Là-Bas, adaptation libre du roman Là-Bas de Huysmans
Juin 2002 Gzion de Hervé Blutsch
Décembre 2003 Contes A Rebours, d’après les Contes Détournés de Roald Dahl
Juin 2005 Marie des Grenouilles, de Jean-Claude Grumberg
Mars 2009 La Vie burale d’Hervé Blutsch, commande à l’auteur
Juillet 2009 L’Araignée dans la plaie de Matéi Visniec
Septembre 2010 Une Baignoire révolutionnaire de Matéi Visniec
Une Baignoire révolutionnaire (2010)
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La metteur en scène- Catherine Hugot
Catherine Hugot est née en 1973.
Après ses études de Théâtre à l’Université et au Conservatoire d’Art Dramatique de Besançon, Catherine
Hugot se spécialise dans l’Art de la marionnette et devient directrice artistique de « Ka » en novembre 2000.
Au sein de cette compagnie bisontine, Catherine Hugot oriente ses recherches sur la marionnette qu’elle
confronte à la fois au texte contemporain et au jeu d’acteur, tout en gardant une volonté esthétique et
plastique très exigeante et originale.
Ainsi elle conçoit, fabrique les marionnettes et met en scène les spectacles : Là Bas (d’après Huysmans
2000), Anatole Felde et Cie (d’après Hervé Blutsch 2001), Gzion (d’Hervé Blutsch 2002), Contes à Rebours
(d’après Roald Dahl 2003), Marie des Grenouilles (de Jean Paul Grumberg 2005), L’Araignée dans la Plaie
(de Matéi Visniec 2009) et Une Baignoire révolutionnaire (de Matéi Visniec, 2010 ; NB : L’Araignée dans la
Plaie et Une Baignoire révolutionnaire forment le diptyque Désillusions marionnettiques).
La Vie burale (2009) marque le début d’une collaboration plus étroite avec l’écrivain Hervé Blutsch qui
accepte sa commande d’écriture marionnettique. En 2012, sera monté une seconde commande : Scènes de
la Vie ordinaire.
Parallèlement à ce travail personnel, Catherine Hugot collabore, en tant qu’interprète ou plasticienne, avec
d’autres artistes : David Girondin Moab de la compagnie rémoise Pseudonymo, Hélène Arnaud du Théâtre
de l’Esquif de Parthenay, Angélique Friant de la compagnie rémoise Succursale 101 et François Rodinson de
la compagnie des Transports de Nancy.
Catherine Hugot a développé également une activité de formation artistique dans plusieurs disciplines (le
théâtre, la marionnette et les arts plastiques) avec des publics très variés allant des collégiens dolois aux
étudiants de l’IRTS de Reims. Elle a également participé à la mise en place de deux projets semiprofessionnels destinés à créer des liens entre la compagnie Ka et les lieux de formation de la Région : en
2008 avec le Conservatoire d'Art Dramatique, les DMA Lumières et DMA Costumes et en 2009 avec le DEUST
Théâtre de Besançon.
Depuis 2010, elle se concentre plus spécialement sur son activité de metteur en scène et sur des
collaborations essentiellement plastiques avec des artistes amis de longue date.
3
L’auteur Hervé BLUTSCH
Hervé Blutsch est auteur associé à la Comédie de Caen depuis 2011.
Ouvrages parus
Théâtre Incomplet I, Editions du Cardinal (1997)
Anatole Felde, in Petites Pièces d’Auteurs, Editions Théâtrales (1998)
La Gelée d’arbre, Théâtre Ouvert (1998)
Théâtre Incomplet II, Editions du Cardinal (1999)
Baumgrütze, in Scène 2, Im Verlag Der Autoren (2000)
Méhari et Adrien suivi de Gzion, Editions Théâtrales Jeunesse (2001)
Ervart ou les derniers jours de F. Nietzsche, Théâtre Ouvert (2002)
Gelatina de árbol, Edition Festival International de Buenos Aires (2003)
La Vie burale, Editions Voix navigables (2009)
Théâtre Incomplet III, Editions Voix navigables (2009)
Créations récentes
La Gelée d’arbre, compagnie La Tentative, mise en scène de Benoît Lambert
Espace des arts - Scène conventionnée de Chalon-sur-Saône, octobre 2004 + tournée 2005-06
Coup de cœur de l’ADAMI et nomination aux Molières 2005, meilleure compagnie avec le spectacle La Gelée
d’arbre
Ervart, ou les derniers jours de Frédéric Nietzsche, mise en espace de Christian Schiaretti
Théâtre National Populaire de Villeurbanne (TNP), mars 2006
Théâtre Ouvert, Paris, avril 2006
Méhari et Adrien, mise en scène d’Helène Gay et Christophe Gravouille
Centre Dramatique National d’Angers (NTA), octobre et novembre 2005 + tournée en région + reprise au
NTA novembre 2006
Gzion suivi d’Anatole Felde, le Rideau à sonnette, mise en scène de Nicolas Gaudart
Festival Archipel, MC93 Bobigny septembre 2006, Théâtre de Bagneux décembre 2007
La Vie burale, compagnie Ka, mise en scène de Catherine Hugot
Théâtre de l’espace, scène nationale de Besançon, mars 2009 + Mousson d’Hiver 2009, + tournée 2010,
2011, 2012.
La Vie burale (2009)
4
Note d’intention, par Catherine Hugot
J’ai entamé une collaboration avec Hervé Blutsch dès 2002 en mettant en scène son texte Gzion. En 2009,
je lui ai passé commande d’écriture d’une pièce pour la marionnette, qui s’est concrétisée par La Vie
burale, spectacle toujours en tournée en 2012.
Forte de ces expériences précédentes, je poursuis l’aventure avec cette seconde commande Scènes de la
vie ordinaire, qui aboutira à une création en novembre 2012 au Granit de Belfort.
La phase d’écriture a été rendue possible par l’Aide au Compagnonnage 2010 de la DGCA.
A- La commande d’écriture à Hervé Blutsch et son intérêt dans ma recherche autour de la relation
marionnette et texte contemporain.
Ma première commande d’écriture a été motivée par la particularité de son écriture. Celle-ci est épurée,
rapide, les scènes sont courtes, le registre est d’emblée comique, burlesque. Le récit est souvent étrange,
parfois improbable. Les références sont puisées dans une culture plus populaire que savante : les traditions
théâtrales sont supplantées par l’influence de la bande dessinée et du cinéma, ce qui rend le théâtre de
Blutsch très « moderne ».
Si cette écriture témoigne d'un refus de l’austérité et de l’esprit de sérieux, elle n’est pas pour autant une
écriture démagogique, gratuite ou mineure; une vraie vision de la vie y transparaît, la violence de notre
monde est interprétée et radicalement réinventée dans le monde très personnel de Blutsch.
Selon moi, Blutsch écrit à la manière de Kafka : il combine un réalisme total à une dimension fantastique,
tout en évitant d’imposer une explication réductrice et didactique. Cependant, la dimension comique de
son écriture contribue à ménager une distance de réflexion critique.
Ces considérations m’ont naturellement renvoyée à l’intérêt que pourrait avoir un traitement
marionnettique de cet univers : si la marionnette implique de même une distance et donc un espace de
réflexion, elle permet également une mise en lumière grâce à sa dimension visuelle et sensible. De même,
le Fantastique, thématique récurrente chez Blutsch, rend la mise en marionnette très pertinente.
Cette recherche originale autour de la marionnette a été expérimentée dans La Vie burale.
B - Rappel de la collaboration autour de La Vie burale
Dans le bureau où il travaille, Antoine s’aperçoit avec angoisse que d’étranges formes sont en train de
prendre corps dans le sien. Il ne lui faudra pas longtemps pour réaliser qu’il s’agit des figures déformées de
ses collègues qui se sont installées en lui. Un véritable supplice commence alors pour Antoine qui va devenir,
peu à peu, la scène de leur théâtre.
Hervé Blutsch a continué son exploration du monde bural mais cette fois au sein de l’entreprise. Le bureau
est un espace dans lequel on entretient des rapports très superficiels et à la fois très intimes avec des gens
que l’on ne connaît pas et avec qui l’on vit huit heures par jour, d’où l’idée d’un personnage se retrouvant
physiquement envahi par ses collègues.
La pièce a été écrite pour des acteurs et des marionnettes : celles-ci, véritables petits monstres organiques,
sont les avatars des comédiens-collègues qu‘elles représentent.
Elles permettent de traiter le phénomène « d’excroissances » dont est atteint le personnage principal; elles
rendent possible la confrontation entre un réalisme total et un fantastique cauchemardesque.
Car dans La Vie burale, on assiste à une somatisation extrême; le personnage est soumis à de véritables
poussées de chair. Il vit son burn out de façon totalement hallucinatoire! Victime du travail fusionnel, son
corps devient le castelet de son propre psychodrame.
Les excroissances apparaissent alors comme un symptôme du vide existentiel d’Antoine qui le plonge dans
une angoisse sur laquelle il n’a pas de prise.
5
C
-
La
poursuite
et
l’approfondissement
de
la
recherche
autour
des
rapports
comédien/marionnette/fantastique : Scènes de la vie ordinaire
- Synopsis :
Un beau matin, Antoine découvre que sa femme Judith est en train de disparaître sous une couche de peau
visqueuse qui la recouvre complètement jusqu’à effacer son visage. A partir de là, elle va commencer à se
métamorphoser, passant par différents états, du plus incongru au plus inquiétant. Si, au début, le couple
parvient à communiquer par la parole, Judith va, au fur et à mesure de ses métamorphoses, perdre le
langage et s’isoler de plus en plus.
Antoine vivait avec Judith, il vit maintenant avec une Créature.
A l’origine de la commande d’écriture préexiste la volonté d’approfondir notre travail commun autour de
deux axes : la relation comédien-marionnette et la confrontation du burlesque et du fantastique.
La recherche autour de ce rapport particulier sur le plateau entre la Vie (le comédien) et l’Objet (la
marionnette) et toutes les interactions et significations qu’il engendre, est un axe important de mon travail,
rarement nourri par l’écriture théâtrale. Pour Hervé Blutsch, cette confrontation marionnette-comédien
offre un champ d’investigation particulièrement excitant dans son travail sur le burlesque. C’est un point
essentiel dans la rencontre de nos deux espaces de création.
Dans Scènes de la vie ordinaire, Hervé Blutsch part, comme pour La Vie burale, d’une situation banale, d’un
cadre naturaliste qui va permettre le surgissement du fantastique. Cet univers réaliste implique la présence
du comédien, du « théâtre traditionnel ». La marionnette intervient quand l’univers bascule, lorsque le
problème, le nœud dramatique, surgit. Cette fois il s’agit d’une métamorphose qui touche un des
protagonistes.
Le Fantastique est le contrepoint du burlesque ; il provoque un décalage, introduit un espace de sensations
(fortes !...), de réflexion et ainsi de sens. Cette dimension est pour moi l’occasion d’un important travail
plastique sur le masque, la prothèse corporelle et la marionnette ; travail exigeant et passionnant que j’ai
commencé sur mes spectacles précédents.
Les formes de l’évolution de Judith ne sont volontairement pas précisées dans le texte (l’auteur numérote
Judith de 1 à 8) pour permettre cette phase de recherche esthétique.
Le texte définitif sera réécrit ensuite, après la mise en relation au plateau entre les « formes », les visages
de Judith et le personnage d’Antoine.
-
Les thématiques du texte, points de départ du traitement marionnettique et scénique
Selon le De divinatione de Cicéron et le De civitate Dei d’Augustin, les monstres tirent leur nom du verbe
latin « monstrare » parce qu’ils nous montrent quelque chose, nous avertissent d’une signification à
déchiffrer.
Le monstre Judith est ainsi une invitation à réfléchir.
Selon moi, Judith, et par conséquence directe Antoine, même s’ils ne l’ont apparemment pas choisi, se
retrouvent subitement dans un processus de transformation et d’évasion d’avec le monde qui va consolider
leurs liens et leur bonheur. Scènes de la vie ordinaire aborde le thème de la relation à travers trois angles :
la relation à soi (à travers l’Image), la relation à l’autre (à travers le couple) et la relation au monde (à
travers la retraite, la coupure d’avec le monde).
Le texte se termine même sur une ouverture quasi métaphysique (voix-off « Plénitude »).
Cette lecture personnelle est le fil conducteur qui orientera la mise en scène et le travail plastique des
transformations.
6
-
Le rapport à soi : « l’Image »
La première dimension de l’écriture invite à une inévitable réflexion sur l’Image de soi au travers du corps.
Judith devient un monstre aux yeux de son mari et de son fils. En parallèle à cette transformation, il y a
celle plus grotesque de Claude, l’ami de la famille, parti à la reconquête de sa femme dans les salles de
sport.
Sujet connexe, la nourriture est omniprésente dans le texte comme plaisir, poison ou obsession.
La créature-Judith nous renvoie aussi aux constantes mutations de nos corps et donc de nos êtres au cours
de la vie, qu’elles soient prévisibles comme la vieillesse ou plus imprévisibles, comme la maladie physique
ou mentale, ou l’accident, et qui peuvent altérer notre personne physiquement et mentalement.
Cette première dimension induit de nombreuses pistes pour les apparences de Judith : corps de la
vieillesse, corps du handicap, corps du rêve, corps anorexique, corps obèse, corps mutant subi (pollutions),
corps mutant désiré (chirurgie esthétique) ; ainsi que des pistes scénographiques (voir plus loin).
- Le rapport à « l’autre » le couple
C’est la seconde dimension, inséparable de la première.
Ce n’est pas le couple le plus « normal » qui a la chance de survie la plus longue, Scènes de la vie ordinaire
propose une réflexion sur l’apprentissage de l’amour: apprendre la différence et la tolérance. En miroir au
couple « Judith-Antoine » nous assistons à la décomposition du couple « Claude-Maude », tandis que se
construit le jeune couple du fils d’Antoine.
Les transformations de Judith incarneront aussi les obsessions-projections d’Antoine sur elle, sur lui-même,
ou sur leur couple (désirs, phobies).
- Le rapport au monde : la retraite intérieure de Judith
Selon moi, Judith se coupe du monde pour tenter d’échapper à la pollution de la vie ordinaire qui est
représentée dans le texte par les intrusions incessantes de leurs problématiques professionnelles
(notamment l’intrigue secondaire du CDI).
Le burlesque dans le texte accentue et noircit la médiocrité, l’agressivité, la violence et la dangerosité de
l’ordinaire de la vie. La banalité devient toxique. Le rythme rapide du texte, parfois logorrhéique, agresse et
asphyxie.
La dernière transformation sera donc transcendance, échappée finale et salutaire pour le couple.
-
Orientations scénographiques de départ
Le texte implique une scénographie assez minimale et modulable très rapidement pour suivre son rythme.
Les changements de lieu (cuisine, chambre…) seront indiqués de façon très simple par des éléments de
décor (une chaise, une table…) signifiants et rapidement mis en place.
Dès le surgissement du fantastique, Judith évoluera au milieu de miroirs sans teint qui pourront renvoyer,
déformer l’image, ou fragmenter les corps.
L’effet « sans teint » permettra de jouer avec deux points de vue : un devant et un « de l’autre côté du
miroir », et créera des espaces idéals pour la manipulation de la marionnette.
L’autre piste scénographique de départ est de jouer sur les hauteurs du plateau : Judith s’extrait du monde
pour s’élever. Et même si cela contraint à ramper dans une de ses transformations, il y a de sa part une
volonté de transcendance, d’évolution « vers le haut ».
Ces idées de départ seront travaillées avec la scénographe Ana Kozelka, ancienne élève du TNS, à qui nous
devons déjà la scénographie de La Vie burale.
7
-
Le travail sonore
C’est un élément très important dans mon travail. Il sera réalisé par Uriel Barthélémi (Marie des grenouilles,
La Vie burale, Désillusions marionnettiques). Sa fonction ici sera principalement d’accompagner et
d’amplifier la dimension fantastique du texte et de soutenir les scènes visuelles, véritables développements
créatifs et signifiants.
Iconographie de référence : Corps fragmenté, peinture de Jenny Saville
8
L’Equipe
NB : Cette équipe est composée d’artistes qui collaborent, pour la plupart, sur les spectacles de la
compagnie Ka depuis 2005 ; cette volonté de réunir les mêmes personnes permet un travail de continuité,
de confiance, un approfondissement rigoureux et exigeant.
Guillaume Clausse, né en 1980 / comédien / Marseille
Après des études de Littérature, Guillaume Clausse est formé au théâtre dans "les Classes" de La Comédie de
Reims sous la direction de Christian Schiaretti, puis à l'Ecole d'Acteurs de Cannes de 2002 à 2005 (avec
Philippe Demarle, Alain Françon, Ludovic Lagarde, Georges Lavaudant...).
Il crée à Marseille en 2005 la Cie L'Individu, avec Charles-Eric Petit et Elisa Voisin (Le di@ble en bouche, Notre
Dallas, Le quadrille amoché). Depuis, il a travaillé notamment avec Romeo Castellucci (Tragedia Endogonidia
M #.10), Alain Fourneau, Catherine Marnas (Enfants d'Eve Enfants de Lilith, Sainte Jeanne des Abattoirs, Le
Dyscolos), Jean-Louis Benoit (Les enfances du Cid, La Nuit des Rois), Françoise Chatôt (Les Caprices de
Marianne, Romeo et Juliette), Albert Simond, Catherine Hugot (Marie des Grenouilles, la Vie burale), Thomas
Gonzalez (La Chouette Aveugle), Renaud-Marie Leblanc (Erich Von Stroheim), David Girondin-Moab, Nathalie
Demaretz (Les Chroniques du Bonheur), et La Maison de la Poésie à Montpellier.
Carine Rousselot, née en 1977 / comédienne / Besançon
De 1999 à 2006, elle fait partie de la compagnie belfortaine Cafarnaüm et joue dans : Scènes de couple à la
moutarde, de Claire Béchet, Sur tout ce qui bouge, cabaret furieux de Christian Rullier, co-mise en scène avec
Alexandre Tournier, Projection Privée de Rémi De Vos, Les Pas Perdus de Denise Bonal, Débrayage de Rémi
De vos, Chambres de Philippe Minyana, La Femme comme champ de bataille de Matéi Visniec et
Andromaque de Jean Racine. Parallèlement elle suit des stages de formation à Montbéliard dans le cadre du
Théâtre de l’Unité (dirigé par Jacques Livchine), ainsi qu’à Vesoul, Besançon, Paris, Lyon et Liège (Belgique).
Elle a obtenu avec mention très bien un DEA études comparatives de théâtre (sujet: « Le théâtre pour son
double : Bernard Marie Koltès/ Patrice Chéreau », 2001, Université des Lettres de Franche-Comté). Elle
poursuit actuellement des recherches doctorales sur l’œuvre de Bernard-Marie Koltès (UFR de Besançon,
sujet : « Bernard-Marie Koltès : le pacte ironique »).
Dès 2003, elle est marionnettiste dans la compagnie Ka : Contes A Rebours, Marie des grenouilles, La Vie
burale, Désillusions marionnettiques.
Elle est également interprète pour la compagnie du Colibri de Besançon depuis 2006 dans des créations
collectives à destination du jeune public. En 2011, elle participe au projet en élaboration, Samuthéâtre,
théâtre de proximité, de la Cie Gakokoé, Montbéliard.
Arnaud Frémont, né en 1975 / comédien / Châtellerault
Arnaud Frémont entre dans les Classes de la Comédie de Reims en 1995.
Il joue ensuite sous la direction de Christian Schiaretti (Le jeu de don Cristobal, D’entre les morts et Le petit
ordinaire), de Pascal Adam compagnie C’est la Nuit (Le legs, de Marivaux, Léonie est en avance, de Feydeau,
In Cauda Venenum, Demi-dieux 7.0, Saturne, le touriste et son bébé, La Culutre), de Romain Bonnin (Vie et
mort du général Pitbull), de Françoise Roche (La dame aux jambes d’azur), de Odile Macchi, (3/6/1835, Une
allure d’escargot, Fausse piste), de David Girondin Moab, compagnie Pseudonymo (Le Golem), de Catherine
Hugot, compagnie Ka (Marie des grenouilles, La Vie burale, Désillusions marionnettiques), d’Hélène Arnaud
du Théâtre de l’Esquif (Bled) et de Dominique Terrier de la compagnie Métro Mouvance de Thouars (Dom
Juan, La Répétition).
David Van de Woestyne, né en 1974 / comédien / Paris
Formé au conservatoire de Nantes (CNR) et à l’école Jacques Lecoq, il voue une passion pour le jeu masqué.
Il parfait sa formation auprès de Philippe Hottier, Ariane Mnouchkine, Mario Gonzalès , Raphaël Biancciotto
et Benoit Lavigne en art dramatique, Xavier Cobo pour le saxophone et Min-jun Lee Léger pour le chant. Il
aborde également la danse-théâtre avec Anna Rodriguez et le Flamenco avec Yana Maizel.
9
Il crée en 1999 le Festival Les Possédés de l’Ile d’Yeu ainsi que différents spectacles alliant la musique et le
théâtre avec entre autres Isabelle Afonso da Silva, Jean-François Gascard, Emily Loizeau et Aurélie Samani.
Il travaille avec la compagnie TECEM sur le projet Amor mi amor à Sierre (Suisse), le trio Aumage pour
l’Histoire du soldat de Stravinsky et Ramuz et les metteurs en scènes Olivier Lopez, William Mingau-Darlin et
David Girondin Moab.
Depuis 3 ans, il est membre du "Comité 21", comité de lecture de la compagnie La Poursuite et du Théâtre
Ephéméride. Il joue à la télévision sous la direction de Christian Faure, Stéphane Bégoin ainsi que Jacques
Viallon pour lequel il incarne Jim Morrisson ; et au cinéma pour René Féret dans Il a suffit que maman s’en
aille et Une étoile dans la nuit.
Il réalise un documentaire « Teatro Mascarado na Bahia » sur une mission humanitaire effectuée en juillet
2007 au Brésil (il continue ce travail en 2008 et 2009).
Il chante pendant 4 ans dans le groupe vocal de Pierre-Michel Sivadier.
Après La Vie burale et Désillusions marionnettiques, il aborde avec confiance son 3ème spectacle avec la
compagnie Ka.
Enfin, il aimerait bien jouer du saxophone comme Charlie Parker mais cela semble un peu compliqué...
Uriel Barthélémi, né en 1980 / batteur, compositeur, électro-acousticien / Paris
Il a étudié aux conservatoires de Reims, La Courneuve et Montreuil. Développant ses propres logiciels avec
Max/MSP, il crée et interprète une musique dense et polymorphe, constituée de cassures, contrastes et
d’asymétries percussives.
En tant que compositeur il crée depuis 2002 des musiques pour le théâtre, la marionnette, la danse, le
multimédia, ainsi que pour des expositions / installations plastique et vidéos (Cie Pseudonymo, Cie Ka, Cie
PunchisnotDead, Cie Mobilis Immobilis, Cie Veronica Vallecillo, Cie La Strada, les plasticiennes Elise Boual et
Cécile Béthléem…).
Co fondateur d'Asa Djinnia, Il a crée récemment plusieurs projets personnels, régulièrement soutenus par
Césaré (centre national de création musicale) : "Yama's Path" (concert/dessins animés/installation, Scène
Nationale du Meylan), "Soul's landscapes" avec le danseur hip hop Entissar El Hamdany,
"Exhaustion"(performance solo batterie/ordi).
Il travaille régulièrement avec les studios Puce Muse en tant que musicien et/ou concepteur multimédia, et
est co-auteur de plusieurs créations multimédia avec Serge De Laubier.
Mélant intimement batterie et électronique, écriture souple et improvisation, il est compositeur associé à la
compagnie Soundtrack. Il collabore avec de nombreux artistes tels que Travis DiRuzza, Hélène Breschand,
Tarek Atoui, Eric Pailhé, Patricia Dallio, Joelle Khoury, Antoine Schmitt et a joué dans de nombreux festivals
tels que Villette numérique (Paris), Irtijal (Beirut), Exodos (Lubjana), Jazzmandu (Kathmandu), Scènes
ouvertes à l’insolite (Paris), The Jerusalem Show (Old city-Jerusalem Est), "Les détours de Babel" (Grenoble).
Ali Laouadi, né en 1974 / créateur lumière, régisseur lumière, régisseur général / Couthenans (70)
Il débute sa carrière en régie générale à L’Arche de Béthoncourt, Scène Conventionnée Jeune Public du
Doubs, tout en collaborant avec des compagnies théâtrales et des institutions régionales en musique, danse
et théâtre.
En 2006, il rencontre la compagnie Ka à l’occasion de son passage à L’Arche pour la reprise de la régie de
Marie des Grenouilles. Passionné par la marionnette et ses spécificités en matière de création lumière, il
continuera à créer les lumières des spectacles qui suivront : La Vie Burale et Désillusions marionnettiques.
En parallèle, il travaille avec : la compagnie Cafarnaum de Belfort (toutes les créations lumières depuis
2006), la compagnie de danse 9ZCREW de Belfort (L’Espace d’un temps), la compagnie de danse Aktuel force
de St Denis (Soleil noir, Babel) et avec Marc Toupence du Théâtre du Pilier (L’Histoire de l’Oie).
Ali Laouadi est aussi bassiste dans le groupe Le Cabinet des curiosités.
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Extraits de Scènes de la vie ordinaire, Version 1.2 de Hervé Blutsch
Note de Catherine Hugot :
Le texte est volontairement présenté sous forme d’extraits car il fera l’objet d’une réécriture après son
premier passage au plateau.
Note d’Hervé Blutsch sur la présente version du texte
Cette « Version 1 » de Scènes de la vie ordinaire est une première étape d’écriture. Il s’agit maintenant de
tester au plateau les différents aspects du dispositif : théâtre, son (voix off) et marionnettes, afin de voir
comment ils fonctionnent ensemble et de procéder aux ajustements nécessaires.
En ce sens, la marionnette va révéler une nouvelle dimension de la relation Judith / Antoine, une dimension
que le texte seul ne peut révéler, avec un impact important sur le sens général.
La voix-off, outre qu’elle nourrit la compréhension de la psyché d’Antoine et intervient comme un élément
ludique dans la dramaturgie, est un élément conçu pour servir aussi aux transitions. Certains passages sont
déplaçables, modifiables, étirables ou rétractables – voire effaçables s’ils sont redondants avec ce qui se
passe au plateau. C’est aussi, et c’est un point important, une toile de fond sonore pour une partition
visuelle qui reste à investir par la marionnette.
De cette première confrontation du texte au plateau naîtra la « Version 2 ».
Personnages :
Interprétés par des Comédiens :
ANTOINE, le Mari de Judith : Guillaume Clausse
JUDITH, la Femme d’Antoine : Carine Rousselot
CORENTIN, leur grand Fils : Arnaud Frémont
BERNARD ADAM, leur Médecin de famille : David Van de Woestyne
CLAUDE, un Collègue et Ami d’Antoine : David Van de Woestyne
FREDERIC LEMAIRE, le Maire : Arnaud Frémont
&, Interprétée par des Marionnettes :
JUDITH, dans toutes ses Métamorphoses
11
[In Vignette 1]
ANTOINE,
off : Je ne saurais pas dire précisément comment les choses ont commencé.
Je me souviens seulement que nous étions heureux, heureux et insouciants, souriant à la vie parce
que la vie nous souriait. Je vivais avec le sentiment profond qu’il y avait un certain ordre des
choses, que chaque chose avait une place, qu’il fallait simplement bien ordonner les choses, que le
secret de notre allégresse c’était avoir pris soin de bien ranger chaque chose.
…
[In Vignette 4]
ANTOINE,
off : Tu avais une tache sur le nez. J’étais allé dans la salle de bain et
j’avais humecté un gant de toilette avec de l’eau tiède. J’avais regagné la chambre et j’avais frotté
ton nez avec mon gant de toilette mouillé d’eau tiède. La tache n’est pas partie. Dans notre lit, ton
corps chaud près du mien, je pense à demain, aux réunions que je dois mener et à Corentin, c’est
quand même une drôle de bonne nouvelle. « Putain, merde ! Dix-huit ans et il est déjà tellement
dans la vie », et je pense à tout ces paumés, ces élèves que je me démène à orienter et qui sont
complètement immatures…. Et puis tout d’un coup, la douche froide. C’est comme ça, on n’est pas
préparé, on est pris par surprise. Peut-être que dans les écoles militaires on apprend ça, à être
confronté, bang, d’un coup à une situation totalement nouvelle, totalement inédite, complètement
folle, c’est des trucs pour préparer les gars à ne pas devenir dingue, on est dans des conflits de très
très haute volée, c’est de la haute voltige, les gars sont hyper-entraînés – moi pas.
…
[In Vignette 5]
Chambre : Judith1*, Antoine, puis Bernard Adam.
ANTOINE
JUDITH1
ANTOINE
: Non mais, Judith, est-ce que tu te rends compte ? Il faut faire quelque chose… Est-ce que tu as mal… ?
: Non.
: Rien ?
JUDITH1 : Je vais bien.
ANTOINE
: C’est incroyable, c’est complètement dément, c’est… c’est comme un voile sur ta peau…! Judith, est-ce que tu
réalises ce qui t’arrive ?
JUDITH1 : Oui, c’est curieux.
ANTOINE
: Bouger ? Tu peux bouger ?
JUDITH1 : Ben oui, évidemment.
ANTOINE
: Tu sais, mon biquet, je serai toujours là. Quoi qu’il arrive. Tu comprends ?
JUDITH1 : Il n’y a aucun problème, Antoine. Tu peux me passer mon téléphone ? Je crois que je ne vais pas aller travailler
ce matin.
ANTOINE
*
: Très bien, et moi j’appelle Adam. Il y a sûrement une explication.
Judith1 signifie : « Judith dans son état modifié numéro 1 ».
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ANTOINE,
off : La tache, la tache, la tache ! Quand Bernard Adam est arrivé j’étais
complètement obsédé par mon gant de toilette, je me disais : « Qu’est-ce qui m’a pris de vouloir te
nettoyer dans la nuit comme ça, comme si tu étais une théière ? ». J’étais très angoissé, et il a dit :
BERNARD ADAM : Eh
ANTOINE
bien tout ça m’a l’air parfait.
: Mais, quand-même…?
BERNARD ADAM : Quoi
ANTOINE
?
: Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qui se passe ?
BERNARD ADAM
: Rien. Il ne se passe rien. Tout est normal, la tension est bonne, le cœur est régulier, les examens sanguins
nous apprendront peut-être quelque chose, mais je ne crois pas …
ANTOINE
: Mais la physionomie de Judith….?
BERNARD ADAM
: Une pâleur… Un effet d’éclairage… Avec toutes ces ampoules économiques la lumière est tellement
blafarde, ça modifie les espaces, ça modifie les reliefs, ça joue sur nos perceptions, sur nos humeurs, il ne faut pas croire
que c’est sans dégât. Et c’est encore pire avec les modèles d’entrée de gamme, la lumière est vraiment insupportable,
c’est peut-être une question de sensibilité, mais moi ça m’agresse. L’époque est au hard discount, Antoine, je le vois bien
en consultation, c’est ça qui domine, c’est ça qui fait mouche …! L’intelligence bradée, les émotions bon marché, la
vulgarité comme unique point d’horizon… Si je vous disais que, parfois, en feuilletant mon VIDAL, j’envisage de me
tromper dans l’ordonnance ? Et puis je fais un peu de yoga et ça passe.
ANTOINE
: Elle avait une tache sur le nez… J’ai frotté un petit peu avec un gant de toilette, est-ce que … ?
BERNARD ADAM : Vous
ANTOINE
avez bien fait.
:…
BERNARD ADAM : C’est
comme ça. Et surtout ce n’est pas grave, Antoine. Je lui ai dit de se reposer quelques jours, le temps
de reprendre des couleurs. Je vous tiens au courant des résultats sanguins.
Plus tard.
JUDITH1
ANTOINE
JUDITH1
ANTOINE
: Je vais travailler un peu à la maison.
: Tu veux que je reste ?
: Mais non…
: S’il y a quoi que ce soit tu m’appelles. Je suis au lycée toute la journée.
Temps.
JUDITH1
ANTOINE
JUDITH1
ANTOINE
JUDITH1
ANTOINE
: Tu es triste ?
: Non…
: Tu es déçu ?
: De quoi ? Non… Mais tout ça est tellement curieux, tellement abrupt…
: Ça va passer.
: Oui. Et puis il y a des choses tellement plus graves… Tu seras toujours mon biquet, même avec ton petit teint
blême…
JUDITH1
: J’espère.
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ANTOINE,
off : Tu étais étrangement calme et je ne savais pas quoi penser. Je te
distinguais à peine derrière ton nouveau visage, tu étais quelque part là derrière et je ne te trouvais
plus… Et pourtant, à ce moment-là, tu n’étais pas si différente d’avant, tu n’étais simplement plus
exactement comme avant, mais tu n’étais déjà plus ton visage, et ton visage était tellement une part
de toi que je m’escrimais à la chercher derrière le nouveau avec beaucoup de peine… C’était hyper
compliqué et je me disais que si j’avais été un peu meilleur en philo tout ça aurait sûrement été plus
simple, parce que c’est vrai, on imagine souvent les philosophes comme des mauviettes, n’empêche
que dans ce genre de situation ils ont des outils autrement mieux affûtés.
…
[In Vignette 7]
Judith est apparue dans un nouvel état : même si on la reconnaît encore, son visage a disparu encore un peu plus. *
ANTOINE,
off : J’avais été saisi d’effroi. C’était assez imperceptible, mais quelque
chose avait changé. La veille, j’avais pensé que tu allais vers un mieux, mais je réalisais à cet
instant que je m’étais simplement habitué, qu’à force de vivre avec ton nouveau visage il m’était
simplement devenu familier.
…
ANTOINE, off
: Puisque ni Claude ni Adam ne semblent y trouver à redire, est-ce qu’on
ne serait pas trop familier pour que je remarque le moindre petit changement qui t’affecte ?
…
[In Vignette 9]
ANTOINE,
off : Et tu avais opiné de la tête. Lemaire t’avais invité à le suivre, et avant
que vous ne passiez la porte il avait sorti de son cabas une barquette de blanc de poulet et tu avais
présenté ta petite pancarte rouge, et il avait sorti une boîte de petits pois et tu avais présenté ta
petite pancarte verte. On aurait dit une hôtesse de l’air, Lemaire sortait de son cabas des produits
et toi, avec une grâce nouvelle et totalement énigmatique, tu présentais tes petites pancartes. Tu
n’étais plus du tout, du tout, du tout « toi » et je me disais qu’il faudrait quand même en reparler à
Adam.
Le soir, dans le bus qui me ramenait du lycée, je me rappelais que l’année de mes
onze ans une petite copine de classe était morte, je n’étais pas spécialement lié avec elle mais
j’avais éprouvé le besoin de l’effacer de la photo de classe, en grattant avec la pointe d’un stylo. Du
coup, la photo était abîmée, et ensuite, à chaque fois que je retombais dessus au milieu des autres
photos de classe que j’avais conservées, le souvenir de ma mauvaise action me revenait et me
mettait mal à l’aise. Aujourd’hui, même si le mystère reste entier, je sais que je n’y suis pour rien,
même si un moment j’ai pensé que c’était moi, une part agressive de moi, qui avait voulu t’effacer.
…
*
Et devient Judith2.
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[in vignette 20]
Salon, Chambre, A table : Antoine, Judith8.
Antoine, off : Gagner la guerre, c’est contrôler l’espace. Ces mots n’ont jamais fait
autant sens pour moi maintenant que nous avons fermé les portes et quand je pense à notre vie
d’avant je n’éprouve pas de regret. Seulement peut-être de ne pouvoir partager un peu de notre
bonheur avec Corentin. Comment lui faire comprendre que derrière cette masse informe se cache
sa mère, aimante, bienveillante, qui veille sur lui comme une louve sur sa portée ?
Ta physionomie n’a plus changé, c’est comme si ta mue était arrivée à son terme et
tu m’es à nouveau familière. Il n’y a pas si longtemps, en procédant à ta toilette, j’ai découvert que
tu avais des yeux, et tu semblais tellement heureuse. Il y avait sûrement un rapport entre cette
découverte et un peu d’agressivité que tu avais pu manifester à mon égard car, depuis que je prends
soin de ne pas faire entrer trop de lumière dans certaines pièces tu es beaucoup plus douce avec
moi et tu sembles sourire.
Ton bien-être se situe dans une sorte de crépuscule que j'ordonnance soigneusement,
chaque heure de la journée, en ouvrant ou fermant des rideaux, en jouant de la lumière.
Il y a de belles journées et parfois de moins belles car je ne comprends pas encore
toutes tes demandes et alors la tristesse semble t’envahir et tu n’es plus qu’une boule de colère et de
pleurs.
L’énigme de ta disparition reste totale mais j’ai appris à chérir ce mystère parce que
je sais que tu es là. Mesurant les longues heures de plénitude dans lesquelles nous glissons
aujourd’hui, je me dis parfois que tu as voulu laisser le chaos au dehors, et ça me suffit pour
accepter ta retraite et ton silence.
Nous vivons en repli, un peu à l’écart du monde. Et, mise à part celle du facteur qui te
prend pour un chien, les visites se font rares et nous n’en souffrons pas.
Iconographie de référence : Aziz Cucher
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