Impact de la sophrologie sur la tolérance des séances de ventilation

Transcription

Impact de la sophrologie sur la tolérance des séances de ventilation
Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 28 (2009) 215–221
Article original
Impact de la sophrologie sur la tolérance des séances de ventilation
non invasive chez des patients en insuffisance respiratoire aiguë
Impact of sophrology on non-invasive ventilation tolerance for patients
with acute respiratory failure
J.-M. Constantin *, S. Perbet, E. Futier, S. Cayot-Constantin, V. Gignac,
F. Bannier, H. Fabrègue, C. Chartier, R. Guerin, J.-E. Bazin
Service de réanimation adulte, pôle anesthésie-réanimation, hôpital Hôtel-Dieu,
CHU de Clermont-Ferrand, boulevard Léon-Malfreyt,
63058 Clermont-Ferrand cedex 01, France
Reçu le 22 mai 2008 ; accepté le 18 décembre 2008
Disponible sur Internet le 10 mars 2009
Résumé
Objectifs. – La prise en charge par ventilation non invasive (VNI) des patients en insuffisance respiratoire aiguë (IRA) est grevée d’un grand
nombre d’échecs dus à l’inconfort de la technique, à la sensation de gêne respiratoire et à la douleur. L’objet de cette étude était d’évaluer
l’efficacité de la sophrologie, pour améliorer les conditions de réalisation de la VNI.
Patients et méthodes. – Il s’agit d’une étude prospective, randomisée et contrôlée, incluant des patients en IRA hypoxémiante. Dès la première
séance de VNI, ils bénéficiaient soit de la réalisation d’une séance de sophrologie pendant les 30 premières minutes de ventilation (groupe S), soit
de la présence de la même infirmière qui réalisait un accompagnement « standard » pendant 30 minutes (groupe T). Les données hémodynamiques
et ventilatoires étaient enregistrées en continu, la douleur, la sensation de gêne respiratoire et l’inconfort étaient mesurés sur une échelle numérique
visuelle.
Résultats. – Trente patients ont été inclus dans l’étude, 27 ont pu être analysés. Chaque patient a bénéficié en moyenne de quatre séances de VNI. Il
n’existait pas de différence significative dans les deux groupes en termes d’amélioration des échanges gazeux. Il existait une différence
significative en termes de réduction de la gêne respiratoire ( 76 %), de l’inconfort ( 60 %) et de diminution de la douleur ( 40 %) en faveur de la
sophrologie ( p < 0,001). La fréquence cardiaque, la pression artérielle systolique et la fréquence respiratoire étaient également diminuées
significativement par la sophrologie.
Conclusion. – La sophrologie constitue une aide pour la réalisation des séances de VNI chez les patients en IRA.
# 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Ventilation non invasive ; Sophrologie ; Réanimation ; Insuffisance respiratoire aiguë ; Sédation
Abstract
Objectives. – Non-invasive ventilation (NIV) in patients with acute respiratory failure (ARF) is subject to a large number of failures due to
discomfort of the art, the feeling of difficulty breathing and pain. The purpose of this study was to evaluate the efficiency of sophrology to improve
conditions for the realization of NIV in patients with ARF.
Patients and methods. – In this prospective randomized and controlled study, consecutive patients with ARF were included. From the very first
NIV session, they received either sophrology during the first 30 min of NIV (S group), or standard care by the same nurse during 30 min (T group).
The hemodynamic and ventilatory data were recorded continuously; pain, respiratory difficulty and discomfort were measured with a numeric
scale at the end of the session.
Results. – Thirty patients were included in the study, 27 have been analysed. Each patient received an average of four sessions NIV during the
protocol. There was no significant difference between the two groups in terms of improvement in gas exchange. In contrast, there was a significant
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (J.M. Constantin).
0750-7658/$ – see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.annfar.2008.12.028
216
J.-M. Constantin et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 28 (2009) 215–221
difference in terms of reduction of difficulty in breathing ( 76%), discomfort ( 60%) and decrease the pain ( 40%) in the sophrology group
( p < 0.001). Respiratory rate, heart rate and systolic arterial blood pressure were decrease during NIV.
Conclusion. – Sophrology constitutes aid for the achievement of the meetings of NIV in patients IRA.
# 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Non invasive ventilation; Sophrology; Critical care medicine; Acute respiratory failure; Sedation
1. Introduction
La ventilation non invasive (VNI) est une technique de plus
en plus souvent proposée pour la préoxygénation ou le
traitement des détresses respiratoires des patients médicaux ou
chirurgicaux [1–5]. Le traitement par VNI des patients en
insuffisance respiratoire aiguë (IRA) est grevé d’un grand
nombre d’échecs dus à l’inconfort de la technique, à la
sensation de gêne respiratoire et à l’anxiété générée [6]. Des
adaptations techniques, notamment sur l’interface et des
moyens pharmacologiques, ont montré leur intérêt pour
améliorer la tolérance des séances de VNI [7,8]. D’autres
thérapeutiques, non pharmacologiques, pourraient également
faciliter la réalisation des séances de VNI.
La sophrologie est une thérapie fondée sur l’étude de
l’harmonie de la conscience [9]. Elle est définie comme la
science de la conscience, de ses modifications et des moyens
physiques, chimiques ou psychologiques susceptibles de la
modifier dans un but prophylactique, thérapeutique ou
simplement pédagogique. Elle a montré son intérêt dans la
prise en charge de pathologies médicales psychosomatiques :
douleur, infertilité des couples, gestion d’anxiété [10–12].
L’objet de cette étude était d’évaluer l’effet de la sophrologie
sur le confort, la sensation de gêne respiratoire et la douleur lors
de séances de VNI chez des patients en IRA.
2. Patients et méthodes
2.1. Consentement
Après avis auprès de notre CPP, un simple consentement
écrit à été recueilli avant l’inclusion dans l’étude.
l’absence d’administration d’amines vasopressives et une
réponse cohérente aux ordres simples ;
une IRA avec hypoxémie nécessitant une oxygénothérapie à
haut débit ;
une polypnée et un tirage inspiratoire.
Les exacerbations de bronchopneumonie chronique obstructive et les œdèmes pulmonaires cardiogéniques étaient
exclus. Les patients ayant déjà bénéficié de séances de
sophrologie avant leur hospitalisation dans le service étaient
exclus. L’inclusion des patients dans cette étude a été réalisée
par un médecin du service qui s’assurait de la présence des
critères d’éligibilité.
2.3. Type d’étude
Il s’agissait d’une étude prospective randomisée contrôlée
en double insu (ni le patient, ni le médecin qui réalisait les
évaluations ne connaissaient le traitement). Tous les patients
recevaient après randomisation soit une séance de sophrologie
de 30 minutes, soit une séance d’accompagnement standard
(groupe T) de même durée.
2.4. Paramètres analysés
2.4.1. Données démographiques
L’âge, le sexe, le poids, le motif d’admission, la sévérité de
la pathologie évaluée par le score IGS 2 [13] et la durée de
séjour en réanimation au moment de l’inclusion dans l’étude
étaient analysés.
Les patients inclus étaient hospitalisés dans le service de
réanimation adulte de l’Hôtel-Dieu (16 lits), département
d’anesthésie et de réanimation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand. Trente patients consécutifs nécessitant des séances de VNI ont été inclus dans l’étude et
randomisés en deux groupes sophrologie (S) et témoins (T). Les
patients du groupe S bénéficiaient de 30 minutes de sophrologie
dispensée par une infirmière DE titulaire du DU de sophrologie
et le second groupe T recevaient 30 minutes d’accompagnement « standard » par la même infirmière. Les critères
d’inclusion communs aux deux groupes étaient :
2.4.2. Paramètres hémodynamiques et respiratoires
Tous les patients étaient surveillés par un scope cardiorespiratoire (AS3, Datex-Ohmeda Division, I.C., Helsinki,
Finlande). La fréquence cardiaque (FC) et les pressions
artérielles (PA), systolique (PAS), diastolique (PAD) et
moyenne (PAM) étaient mesurées au début, pendant et à la
fin de chaque séance (T et S). Les PA étaient mesurées à partir
d’un cathéter artériel radial ou fémoral. La fréquence
respiratoire (FR) était également mesurée au début, pendant
et à la fin de chaque séance pour l’ensemble des patients. Une
analyse des gaz du sang artériel était réalisée avant et
immédiatement après la séance de VNI selon le protocole du
service. Le recours éventuel à l’intubation, selon les critères
prédéfinis, était systématiquement colligé. Les critères
d’intubation au décours d’une séance de VNI étaient :
un âge supérieur à 18 ans ;
l’absence de sédation médicamenteuse ;
impossibilité
85 mmHg ;
2.2. Population étudiée
de
maintenir
un
rapport
PaO2/FiO2 >
J.-M. Constantin et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 28 (2009) 215–221
apparition de conditions nécessitant l’intubation pour
protéger les voies aériennes (convulsions, vomissements) ;
développement de sécrétions très abondantes imposant une
aspiration trachéale ;
majoration de l’hypercapnie avec acidose respiratoire
pH < 7,30 (hors BPCO), ischémie myocardique ou apparition de troubles du rythme ventriculaire[7].
2.4.3. Sensation de gêne respiratoire, confort et intensité de
la douleur
La sensation de gêne respiratoire, d’inconfort et l’intensité
de la douleur étaient évaluées par l’échelle visuelle numérique
(EVN variant de 0 à 10) après chaque séance [14–16] avec 0
pour aucune gêne ou inconfort et 10 pour gêne douleur et
inconfort maximal. Chaque paramètre était évalué sur une
« réglette » différente afin de faciliter la différenciation des
sensations évaluées. Les mesures étaient réalisées immédiatement après la fin de la séance de VNI par un médecin du service
n’étant pas informé des résultats de la randomisation.
2.5. Intervention expérimentale de sophrologie
La séance individuelle de sophrologie avait lieu au cours de
la journée entre 8 et 20 h à distance d’au moins 180 minutes des
soins nécessitant une analgésie morphinique ou des séances de
kinésithérapie. Le patient était en position demi-assise. Dès le
début de la séance, le patient restait avec l’infirmière dans la
chambre au calme et le silence était de rigueur en évitant toute
stimulation du patient. La phase d’accompagnement était
réalisée dans les mêmes conditions en dehors de la sophrologie.
La séance était débutée au moins deux heures après toute
injection de médicaments.
La séance de sophrologie débutait immédiatement après la
mise en place de la VNI. Elle était composée d’exercices
spécifiques du premier degré (sophrorespiration synchronique,
progression respiratoire, sophrodéplacement du négatif, sophroprésence du positif), du deuxième degré (sophroprogrammation
du futur, sophroacceptation progressive, activation des structures
de la spatialisation du corps, activation de la structure du sens de
l’odorat, du goût, de l’ouı̈e, de la vue et du toucher), du troisième
degré (sophromnésie libre, sophromnésie sensoroperceptive,
futuromnésie, conseiller en humour, sophroactivation des
qualités, entraı̂nement sophrologique de la mémoire, sophrosubstitution mnésique) et du quatrième degré (sophroprésence
des valeurs). Elle comprend ainsi un état de relaxation pendant
dix minutes selon la méthode décrite par Schultz [17], une
sophronisation simple, une respiration abdominale (adaptée sur
le dépassement de soi) et une imagerie mentale (passé–présent–
futur) pendant 30 minutes au total.
La séance d’accompagnement pour les sujets du groupe T
avait la même durée. Elle comportait systématiquement une
phase d’explication de la VNI, suivie d’une période d’encouragement du patient. Elle incitait le patient à une respiration
calme et ample, lui signifiait les progrès réalisés, entretenait une
discussion calme et apaisante mais sans exercices de
sophrologie. L’infirmière restait dans la chambre pendant la
même durée que pour les séances de sophrologie.
217
Durant la période d’inclusion dans l’étude, toutes les séances
de VNI étaient réalisées sous sophrologie ou accompagnement
standard en fonction du groupe. La durée des séances avait été
fixée a priori à deux heures si la tolérance le permettait.
2.6. Étude statistique
L’objectif principal était une diminution de l’inconfort. Un
échantillon de 12 personnes par groupe était nécessaire pour
montrer une réduction de la valeur de l’EVN de 20 % avec un
risque alpha de 5 % et un risque bêta de 10 %. Ayant fait
l’hypothèse que l’inconfort était responsable d’une part
importante des échecs de la VNI en cas d’IRA [7,18,19], nous
avons estimé qu’une réduction de 20 % de l’inconfort serait
cliniquement relevante en terme d’acceptation de la technique.
Les comparaisons statistiques ont été réalisées en utilisant
des ANOVA à mesures répétées avec correction de Bonferroni
pour les variables physiologiques. Les résultats obtenus avant
(prétest) et après (post-test) chaque séance pour chaque groupe
ont été comparés en utilisant des tests t de Student appariés pour
les variables quantitatives gaussiennes et par des tests de rang
de Wilcoxon appariés pour les variables quantitatives non
gaussiennes. Les comparaisons des EVN et des variables
physiologiques obtenues entre les deux groupes (S et T) ont été
faites par des tests non paramétriques de Mann-Whitney.
L’analyse statistique a été réalisée avec le logiciel StatView 5.0.
Une valeur de p < 0,05 était retenue comme significative. Les
résultats sont exprimés en moyenne déviation standard
(D.S.) dans le texte et les tableaux et en moyenne écart de
la moyenne dans les graphiques.
3. Résultats
3.1. Description des deux groupes
Après screening, 30 patients ont été inclus consécutivement
dans l’étude (Fig. 1). Un patient n’a pu bénéficier des séances de
sophrologie pour des raisons de surdité et de compréhension.
Deux autres patients ont été exclus dans le groupe T : l’un pour
refus secondaire de participation et l’autre pour problème de
compréhension. Chaque patient a bénéficié en moyenne de
quatre séances de VNI durant le protocole. Dans le groupe S,
58 séances ont été réalisées et 57 dans le groupe T. La durée
moyenne des séances était de deux heures plus ou moins
20 minutes dans les deux groupes. Les principales caractéristiques cliniques des patients sont rapportées dans le Tableau 1.
Tous les patients étaient ventilés en aide inspiratoire avec des
niveaux moyens d’AI de 11 2 cm H2O pour obtenir un objectif
de volume courant de 7 ml/kg. La pression expiratoire positive
moyenne était de 5 1 cmH2O et la FiO2 de 0,56 0,13.
3.2. Effet sur les paramètres hémodynamiques et
respiratoires
Les variations des paramètres hémodynamiques dans les
deux groupes de patients (S et T) sont représentées sur la Fig. 2.
La sophrologie a permis une diminution significative de la FC
218
J.-M. Constantin et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 28 (2009) 215–221
Fig. 1. Trente-quatre patients ont rempli les critères d’inclusion. Quatre ont refusé de participer, 30 ont été randomisés. Un patient a été exclu dans le groupe
sophrologie (S) pour des raisons de surdité. Deux patients ont été exclus du groupe témoins (T). Un pour mauvaise compréhension, l’autre pour refus de poursuite.
Quatorze patients ont été analysés dans le groupe S et 13 dans le groupe T.
de 10 % après 15 minutes et de 25 % en fin de séance. Il
n’existait pas de modifications significatives dans le groupe T.
La différence était significative entre les groupes en fin de
séance. La PAS était réduite significativement de 10 % dans le
groupe S en fin de séance. Il n’existait pas de variation dans le
groupe T. La différence était significative entre les deux
groupes en fin de séance.
La réalisation d’une séance de VNI a permis une amélioration
de l’oxygénation dans le groupe S de 32 % et de 11 % dans le
groupe T. Cette différence n’était pas significative (Fig. 3). La
PaCO2 n’était pas modifiée par la VNI et ce, quel que soit le
Tableau 1
Caractéristiques anthropométriques et cliniques des patients.
Âge (années)
Sexe (H/F)
Type d’admission (M/C)
Pneumopathie
IRA extrapulmonaire
IGS 2
Vasopresseurs
PaO2/FiO2 (mmHg)
PaCO2 (mmHg)
Durée de séjour (j)
Mortalité en réanimation
Sophrologie (n = 14)
Témoins (n = 13)
47 18
12/14
8/6
10
4
29 11
2/14
174 40
35 7
12 6
0/14
53 20
11/13
6/7
11
3
27 14
3/13
193 70
38 12
12 9
1/13
M/C : médical/chirurgical ; IRA extrapulmonaire : insuffisance respiratoire
aiguë extrapulmonaire ; IGS 2 : indice de gravité simplifié ; Vasopresseurs :
patients nécessitant l’administration de vasopresseurs au moment de l’étude ;
PaO2/FiO2 : rapport entre la PaO2 et la FiO2 mesurée lors de la mise sous VNI.
Aucune différence n’est significative.
Fig. 2. Évolution de la fréquence cardiaque (en haut) et de la pression artérielle
systolique (en bas) immédiatement avant le début de la séance, 15 minutes après
le début et immédiatement après la fin de la séance de VNI, pour les patients du
groupe T (trait plein) et du groupe S (pointillés). * p < 0,05 versus valeur
« Avant » ; $ p < 0,05 versus groupe T.
J.-M. Constantin et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 28 (2009) 215–221
219
Fig. 4. Valeurs individuelles des scores d’EVN pour l’inconfort, la gêne
respiratoire et la douleur. Mesures réalisées immédiatement après la séance
de VNI par un médecin en « insu ». La différence entre le groupe T et S était
statistiquement significative pour les trois items. Les barres noires représentent
les moyennes. * p < 0,05.
4. Discussion
Fig. 3. Évolution de la fréquence respiratoire (en haut) immédiatement avant le
début de la séance, 15 minutes après le début et immédiatement après la fin de la
séance de VNI, pour les patients du groupe T (trait plein) et du groupe S
(pointillés). * p < 0,05 versus valeur « Avant » ; $ p < 0,05 versus groupe T.
Rapport PaO2/FiO2 avant et immédiatement après la séance de VNI pour les
patients du groupe T (trait plein) et du groupe S (pointillés). Le rapport PaO2/
FiO2 a été augmenté dans les deux groupes sans différence significative entre les
groupes. * p < 0,05.
groupe (37 7 mmHg avant et 35 8 mmHg après dans le
groupe S versus 38 12 mmHg avant et 38 11 mmHg après
pour le groupe T). Le pH évoluait dans le même sens
(7,42 0,05 avant et 7,41 0,07 après pour le groupe S et
7,40 0,08 avant et 7,41 0,08 après pour e groupe T). Dans le
groupe S la FR, diminuait de 16 % après 15 minutes et de 20 % en
fin de séance et ne variait pas dans le groupe T. Cette diminution
en fin de séance était significative par rapport à la valeur initiale et
par rapport au groupe T ( p < 0,05). Il n’existait pas de différence
significative entre les groupes et quel que soit le temps en terme
de ventilation minute (10,5 4 l versus 11 4 l respectivement
pour les groupes S et T).
Un patient dans le groupe T a été intubé au décours d’une
séance de VNI (impossibilité d’améliorer les échanges gazeux,
anxiété, agitation) et aucun dans le groupe S.
3.3. Effets sur la sensation de gêne respiratoire, l’inconfort
et la douleur
L’évolution des scores d’EVN dans les deux groupes de
patients est représentée sur la Fig. 4. La sophrologie a permis
une diminution significative des valeurs d’EVN en termes de
réduction de l’inconfort ( 60 %), de la gêne respiratoire
( 76 %) et de diminution de la douleur ( 40 %) ( p < 0,001).
Ces différences étaient significatives entre les groupes.
L’objectif de cette étude était d’évaluer les effets d’une
séance de sophrologie en réanimation sur les principaux
paramètres physiologiques et psychiques (hémodynamiques,
respiratoires, gêne respiratoire, confort et douleur) par rapport à
un accompagnement standard chez des patients nécessitant des
séances de VNI. Les principaux résultats de ce travail montrent
qu’une séance de sophrologie de 30 minutes permet de
diminuer significativement la sensation de gêne respiratoire,
d’inconfort et l’intensité de la douleur. L’agitation et l’absence
de coopération qui résultent de la douleur, de l’anxiété et de
l’inconfort sont responsables d’une part importante des échecs
de VNI [18,20]. La sophrologie pourrait permettre de réduire
ces échecs chez les patients en IRA.
La mise en place d’une VNI nécessite une présence et une
surveillance proches pour évaluer l’efficacité et la tolérance de
la technique [21]. La présence de soignants ne permet pas tout
le temps une diminution de l’anxiété, nécessitant parfois
l’adjonction de substances pharmacoactives (anxiolytiques,
sédatifs) [7,19]. Un moyen non pharmacologique comme la
sophrologie pourrait permettre une meilleure tolérance en
réduisant l’anxiété. Bien qu’étant associée à une subjectivité, la
sophrologie permettrait une meilleure adhésion du patient aux
soins prodigués et en particulier la VNI.
La sophrologie (du grec « sos » : sain, équilibré,
harmonieux, « phren » : esprit, conscience et « logos » :
discours, étude) développée par Caycédo est une thérapie
fondée sur l’étude de l’harmonie de la conscience. Elle est
définie comme la science de la conscience, de ses modifications
et des moyens physiques, chimiques ou psychologiques
susceptibles de la modifier dans un but prophylactique,
thérapeutique ou simplement pédagogique [9]. Les résultats
obtenus dans notre étude sont en accord avec ceux rapportés par
les principaux travaux ayant étudié les effets de la sophrologie
chez des patients hospitalisés [10–12]. À ce jour, aucune étude
n’avait évalué sa faisabilité en réanimation. Basée sur des
exercices de relaxation, de travail sur la « respiration » et de
« détachement » par rapport à l’environnement extérieur, la
sophrologie semble indiquée pour accompagner les séances de
220
J.-M. Constantin et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 28 (2009) 215–221
VNI. D’autres études ont déjà évalué des moyens non
pharmacologiques et ont suggéré, par exemple, l’efficacité
de la musicothérapie en diminuant l’anxiété et la douleur
morale et/ou physique chez des patients de réanimation en
sevrage ventilatoire ou lors de séances de ventilation [22,23].
Deux patients n’ont pu bénéficier de sophrologie pour des
raisons de surdité et de compréhension, faisant interrompre la
séance de sophrologie au bout de quelques minutes. Cette
méthode nécessite en effet une adhésion du patient et reste grevée
d’un facteur subjectif d’adhésion. Elle ne peut être réalisée chez
des patients confus ou dont la coopération est altérée par des
dysfonctions d’organe. Les patients inclus dans cette étude
présentaient majoritairement une seule défaillance d’organe
(respiratoire). L’efficacité de la VNI dans cette étude, en terme
d’amélioration de l’oxygénation, est comparable à celle
rapportée dans des conditions similaires [24]. L’absence de
modification de la capnie s’explique par l’absence de patients
hypercapniques à l’inclusion, d’une part, et par la stabilité de la
ventilation minute durant les séances, d’autre part.
Deux limites doivent être prises en considération lors de la
mise en place de la sophrologie dans un service clinique. En
l’absence de sophrologue diplômé dans le service, la
sophrologie nécessite une formation spécifique qu’une infirmière doit réaliser avec un financement le plus souvent à la
charge du pôle. Lors de la réalisation des séances, le temps de
travail n’est pas valorisé et pose le problème d’un renforcement
de l’effectif.
Plusieurs limites à cette étude doivent être mises en avant. Il
s’agit d’une étude physiologique dont le but n’était pas de mettre
en évidence une différence en termes d’échecs de la VNI mais
une diminution de l’inconfort. Un effectif plus important aurait
été nécessaire. Par ces effets physiologiques, la sophrologie
pourrait permettre d’augmenter la durée des séances de VNI. Le
dessin de cette étude ne nous a pas permis de répondre à cette
question. En effet, nous avions choisi de standardiser la durée des
séances de VNI afin de faciliter la comparaison entre les groupes.
L’évaluation par EVN reste une méthode subjective mais ayant
été validé dans le management de la douleur et de l’anxiété
[15,16]. Une autre limite de l’étude est l’accompagnement des
séances de VNI par la même personne dans les deux groupes.
Cette infirmière étant la sophrologue, on aurait pu craindre un
manque d’objectivité. Deux éléments sont à prendre en
considération : d’une part, la séance « témoin » était standardisée
dans son déroulement. D’autre part, l’accompagnement des
séances de VNI dans le groupe témoins par une tierce personne
aurait induit un autre biais (âge, sexe. . .).
5. Conclusion
Les résultats obtenus dans cette étude suggèrent un intérêt de
la sophrologie chez les patients de réanimation requérant des
séances de VNI lors d’une IRA. La réduction de l’inconfort, de
l’anxiété et de la douleur sont un point clé dans l’acceptation de
la VNI. L’apport de la sophrologie en réanimation, par son
action psychophysiologique pourrait participer efficacement à
l’amélioration du vécu des patients et à une meilleure adhésion
aux traitements et soins.
Les résultats de cette étude devront être confirmés par de
futures études randomisées et contrôlées afin d’évaluer l’intérêt
de la sophrologie dans le but de diminuer la consommation
d’anxiolytiques et d’antalgiques et d’améliorer l’acceptation et
l’efficacité des thérapeutiques en réanimation ou en salle de
surveillance postinterventionnelle.
Conflit d’intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt avec le
sujet de l’étude.
Références
[1] Chanques G, Jaber S, Delay JM, Perrigault PF, Lefrant JY, Eledjam JJ.
Enquête téléphonique sur la pratique postopératoire de la ventilation non
invasive et ses modalités d’application. Ann Fr Anesth Reanim
2003;22:879–85.
[2] Baillard C, Fosse J, Sebbane M, Chanques G, Vincent F, Courouble P, et al.
Noninvasive ventilation improves preoxygenation before intubation of
hypoxic patients. Am J Respir Crit Care Med 2006;174:171–7.
[3] Solis A, Baillard C. Place de la position proclive et de la ventilation non
invasive pour la préoxygénation des patients à risque de désaturation
pendant l’intubation. Ann Fr Anesth Reanim 2008;27:490–4.
[4] Michelet P, Jaber S, Eledjam JJ, Auffray JP. Prise en charge anesthésique
de l’œsophagectomie : avancées et perspectives. Ann Fr Anesth Reanim
2007;26:229–41.
[5] Idabouk L, Minville V, Salau S, Castel A, Franchitto N, Pourrut JC.
¨dème pulmonaire après une arthroscopie du genou. Ann Fr Anesth
Reanim 2006;25:1007–10.
[6] Antonelli M, Conti G, Moro ML, Esquinas A, Gonzalez-Diaz G,
Confalonieri M, et al. Predictors of failure of noninvasive positive pressure
ventilation in patients with acute hypoxemic respiratory failure: a multicenter study. Intensive Care Med 2001;27:1718–28.
[7] Constantin JM, Schneider E, Cayot-Constantin S, Guerin R, Bannier F,
Futier E, et al. Remifentanil-based sedation to treat noninvasive ventilation failure: a preliminary study. Intensive Care Med 2007;33:82–7.
[8] Navalesi P, Costa R, Ceriana P, Carlucci A, Prinianakis G, Antonelli M,
et al. Non-invasive ventilation in chronic obstructive pulmonary disease
patients: helmet versus facial mask. Intensive Care Med 2007;33:
74–81.
[9] Caycedo A. Sophrology and psychosomatic medicine. Am J Clin Hypn
1964;7:103–6.
[10] Heymes O, Forges T, Guillet-May F, Zaccabri A, Dandachi N, Monnier P.
La sophrologie caycedienne : une autre approche du couple infertile.
J Gynecol Obstet Biol Reprod Paris 2006;35:790–6.
[11] Leophonte P, Delon S, Dalbies S, Fontes-Carrere M, de Carvalho EG,
Lepage S. Effets de la préparation sur l’anxiété avant la fibroscopie
bronchique. Rech Soins Infirm 2000;50–66.
[12] Guastella V, Mick G, Laurent B. Traitements non médicamenteux de la
douleur neuropathique. Presse Med 2008.
[13] Le Gall JR, Lemeshow S, Saulnier F. A new Simplified Acute Physiology
Score (SAPS II) based on a European/North American multicenter study.
JAMA 1993;270:2957–63.
[14] Chanques G, Jaber S, Barbotte E, Violet S, Sebbane M, Perrigault PF, et al.
Impact of systematic evaluation of pain and agitation in an intensive care
unit. Crit Care Med 2006;34:1691–9.
[15] Elkins G, Staniunas R, Rajab MH, Marcus J, Snyder T. Use of a numeric
visual analog anxiety scale among patients undergoing colorectal surgery.
Clin Nurs Res 2004;13:237–44.
[16] Crandall M, Lammers C, Senders C, Savedra M, Braun JV. Initial
validation of a numeric zero to ten scale to measure children’s state
anxiety. Anesth Analg 2007;105:1250–3.
[17] Schultz JH. Hypnosis and relaxation. Acta Psychother Psychosom
1960;8:424–36.
J.-M. Constantin et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 28 (2009) 215–221
[18] Akada S, Takeda S, Yoshida Y, Nakazato K, Mori M, Hongo T, et al. The
efficacy of dexmedetomidine in patients with noninvasive ventilation: a
preliminary study. Anesth Analg 2008;107:167–70.
[19] Devlin JW, Nava S, Fong JJ, Bahhady I, Hill NS. Survey of sedation
practices during noninvasive positive-pressure ventilation to treat acute
respiratory failure. Crit Care Med 2007.
[20] Devlin R, Horstman D, Becker S, Gerrity T, Madden M, Koren H.
Inflammatory response in humans exposed to 2.0 ppm NO2. Am Rev
Resp Dis Suppl 1992;145:A456.
[21] Garpestad E, Brennan J, Hill NS. Noninvasive ventilation for critical care.
Chest 2007;132:711–20.
221
[22] Chlan L. Effectiveness of a music therapy intervention on relaxation and
anxiety for patients receiving ventilatory assistance. Heart Lung
1998;27:169–76.
[23] Jaber S, Bahloul H, Guetin S, Chanques G, Sebbane M, Eledjam JJ. Effets
de la musicothérapie en réanimation hors sédation chez des patients en
cours de sevrage ventilatoire versus des patients non ventiles. Ann Fr
Anesth Reanim 2007;26:30–8.
[24] Girou E, Brun-Buisson C, Taille S, Lemaire F, Brochard L. Secular trends
in nosocomial infections and mortality associated with noninvasive ventilation in patients with exacerbation of COPD and pulmonary edema.
JAMA 2003;290:2985–91.