Alleretour - ArtFacts.Net
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GALERIE RX 6, Avenue Delcassé 75008 Paris, France tél. (33-1) 45 63 18 78 fax (33-1) 45 63 16 88 [email protected] http://www.galerierx.com/ mardi-samedi 12h > 19 h Alleretour Une proposition d’Emmanuel Régent et de Catherine Macchi Avec : Julien Bouillon Martin Caminiti Marc Chevalier Favret & Manez exposition du 31 janvier au 29 février 2008 vernissage le jeudi 31 janvier 18h > 21h Thierry Lagalla Lemesle & Roubaud Virginie Le Touze Florent Mattei Marie-Eve Mestre Emilie Perotto Stéphane Steiner Cédric Teisseire João Vilhena Galerie RX (espace 2) du 31 janvier au 29 février 2008 ALLERETOUR Une proposition d’Emmanuel Régent et de Catherine Macchi. Avec : Julien Bouillon, Martin Caminiti, Marc Chevalier, Favret/Manez, Thierry Lagalla, Lemesle & Roubaud, Virginie Le Touze, Florent Mattei, Marie-Eve Mestre, Emilie Perotto, Stéphane Steiner, Cédric Teisseire et João Vilhena. Cette exposition réunit un ensemble d’artistes qui ont en commun de vivre et de travailler à Nice. Que ces artistes aient fait le choix de résider sur la Côte d’Azur importe peu, il se pourrait bien d’ailleurs que le fantasme de la Riviera ne transparaisse nullement dans la mise en espace de leurs travaux. « Alleretour » est avant tout une proposition nomade fondée sur un choix précis de pièces, les dessins, peintures, sculptures, installations et photographies, présentées pour cette carte blanche, s’intègrant toutes aux dimensions de deux bagages à main transportables par train. Deux valises donc pour deux commissaires, contenant des œuvres de dimensions modestes ou des pièces pliables et démontables, capables de se développer pleinement dans le cadre de l’accrochage. Il s’agit autant d’une réponse pratique et économique aux questions posées par le stockage, le transport et l’exposition d’une œuvre d’art, qu’un écho aux solutions de mobilité générées par les besoins de notre société contemporaine : miniaturisation des technologies, transfert de l’information en temps réel, augmentation et accélération des déplacements des individus, redéfinition des territoires et des identités, nomadisme, etc. Il ne s’agit pourtant pas à travers cette exposition d’échantillonner un artiste ou une pratique, mais de miser sur les modes de déploiement et l’aura propre à chacune des œuvres pour investir l’espace de la galerie RX le temps de cet aller-retour. Remerciements : Le Lab0, L’Espace à Vendre, L’Atelier Soardi, La galerie Norbert Pastor. Julien Bouillon né en 1971 Surnaturel Julien Bouillon est un observateur attentif des problématiques qui animent les débats de l’art contemporain. L’intérêt qu’il porte aux signes à travers lesquels l’art se manifeste, est mu par une curiosité naturelle en même temps que par un souci éthique. Ce regard inquiet, parfois critique, qu’il pose sur le présent de l’art détermine dans sa pratique un détachement du faire. L’artiste dit fréquenter l’atelier avec inconstance, on l’y trouve pourtant assez régulièrement. Sans doute préférerait-il produire en réponse à une situation d’exposition. En attendant que vienne l’opportunité, il réalise des pièces sporadiquement. Il s’agit de ne pas céder à la compulsion, de substituer au plaisir de faire un principe d’économie qui permettrait au discours de se constituer dans une dimension intellectuelle et poétique. L’hétérogénéité des propositions de Julien Bouillon, leur raréfaction aussi, viennent de la volonté de prévenir le travail de toute réification. Dans sa stratégie touche à tout, Julien Bouillon adopte une attitude faussement désaffectée qui pourrait bien faire écho à cette réplique de Carpenter, un personnage de Laura (1944) d’Otto Preminger qui déclarait : “Je suis très calé en rien, mais j’ai des idées sur tout, je crois que c’est très pratique en fin de compte.” L’artiste met en avant deux points dans son attitude : la suppression du style et la non-spécialisation. Il n’entend pas élaborer un corpus d’œuvres cohérent qui miserait sur des principes de répétition plastique. Ce qui fonderait son travail se situerait plutôt du côté de l’autonomie du discours dont naissent les travaux. Les approches les plus différentes (photographie, vidéo, installation, sculpture) sont envisagées dans le seul but de servir le propos. Le discours qui lie les pièces est souterrain, souvent insaisissable. Investi d’une forte charge irrationnelle, il fonctionne à retardement à la manière d’un virus qui viendrait désorganiser un système vivant. Catherine Macchi Julien Bouillon Collection (détail), 2006-2007 os taillé détail : dimensions de la taille d’une montre ensemble : dimensions variables Extrait du texte publié dans le catalogue d’exposition « La Réserve », Galerie des Ponchettes, Nice, 2005. http://www.documentsdartistes.org/artistes/bouillon/page1.html Martin Caminiti né en 1959 Pièces montées Martin Caminiti Dessin à la chaîne, 2005 chaînes de vélo dimensions variables Dans le bric à brac du siècle, Martin Caminiti travaille donc avec les restes, ceux de la modernité mais aussi ceux de la société de consommation. On aurait donc, d’un côté, une relecture amusée de l’héritage historique récent, sorte de “ready remake 2” pour reprendre une expression fine de Christian Bernard et, de l’autre, un travail de recyclage à partir de l’objet, véritable conception écologique de la sculpture. Dans les deux cas, le travail de Caminiti est sous-tendu par une formidable pratique du bricolage capable de transformer littéralement l’objet de rebut en une créature mécanique d’un genre nouveau et de le promettre à une nouvelle vie. Au cours de ce processus de travestissement, les objets perdent leur aspect utilitaire au profit d’un usage imaginaire passant ainsi du vélo ou du tricycle à un devenir insecte ou en tout cas chimérique avec leurs excroissances en canne à pêche. Clouées au mur comme une collection de papillons rares ou développées comme autant de lignes pures dans l’espace, ces sculptures mutantes rejouent les tensions des contrereliefs de Tatlin, esquissent des mouvements de danse drolatiques qui évoquent le Cirque de Calder, rappellent à la mémoire les projets utopiques du Letatlin, ce vélocipède de l’air projeté par Tatlin, des engins silencieux de Gianni Piacentino ou ceux plus bruyants de Panamarenko, tandis que leur passage du mécanique au biologique fait écho au travail de Rebecca Horn. Ici la sculpture apparaît comme désossée, structure jouant du vide, rendue à l’état de projet mental, proche en tous points du dessin. Dans ce travail d’une grande agilité graphique, Caminiti dessine dans l’espace des arabesques aux lignes épurées qui font oublier la ferraille dont sont faits les objets. Catherine Macchi Extrait du texte publié dans le catalogue du CIAC de Carros, 2003. http://www.documentsdartistes.org/artistes/caminiti/page1.html Marc Chevalier né en 1967 Subpictural : Publiatrucs Marc Chevalier Sans titre, 2006-2007 Ruban adhésif sur châssis entoilé 20 x 20 x 4 cm Les tableaux de Marc Chevalier se présentent comme d’immenses écrans lisses sur lesquels viennent se déposer des images froides et fascinantes qui évoquent les exploits de la haute technologie : fenêtres de dialogue d’ordinateur, images numériques sur écran plasma, photographies prises par satellite, ébauches d’une architecture du futur, imagerie médicale et scientifique, jeu vidéo en trois dimensions, etc. S’il était possible de les définir ou d’identifier leur référent il y a encore quelques années, ces images tendent aujourd’hui à se dérober à tout exercice d’imitation pour n’apparaître qu’à la manière de fragments de l’image technologique. Une image technologique générique qui proviendrait de la mémoire visuelle de l’artiste et qui resurgirait en tant qu’essence mentale et non pas en tant qu’indice tangible de cette forme de représentation de pointe. L’œil glisse à la surface de ces fragments d’images mécanisées à la recherche de subtils détails pris dans leur trame pixélisée finalement très abstraite, un peu comme pour en démonter la logique, pour tenter de comprendre comment c’est fait. On peut avoir du mal à le croire, mais ces peintures qui rivalisent avec l’écran numérique sont faites à la main, une paire de ciseaux d’un côté et un rouleau de ruban adhésif de l’autre. Au fantasme d’une image high-tech répond donc un procédé low-tech. Ce tableau, dont il n’existe au départ que le châssis, réunit en un seul et même geste le support et la surface, le fond et la forme, la couleur et la ligne par l’intermédiaire d’un long tissage de bandes adhésives. Dans sa forme originale ou à travers ce substitut, la peinture s’affirme en tant qu’espace de sédimentation de différentes couches de matière et de gestes successifs. Le ruban adhésif utilisé est du scotch d’électricien de fine épaisseur mais également du scotch multiusage plus large. Tous deux sont disponibles dans une large gamme de couleurs. Mat, brillant, transparent, ils permettent d’obtenir les effets de la grande peinture : touche, empâtement, glacis. On notera que le fond du tableau est réalisé en général au scotch d’emballage classique dont la couleur marron clair n’est pas sans évoquer la toile brute. Il n’est pas exclu que le ruban adhésif qui remplace à la fois la toile et la palette du peintre, fonctionne à la manière d’un bricolage de fortune qui viendrait réparer provisoirement les avaries de la peinture, comme on répare son rétroviseur avec du scotch d’emballage. Catherine Macchi Extrait du texte publié dans le catalogue d’exposition « La Réserve », Galerie des Ponchettes, Nice, 2005. http://www.documentsdartistes.org/artistes/chevalier/page1.html Favret/Manez nés en 1964 « Metroplex » Favret/Manez Sans titre, 2007 digigraphie 60 x 75 cm Le titre « Metroplex » fait écho aux développements exponentiels du paysage urbain entre Dallas et Fort Worth, deux aires qui ont fini par se rejoindre en une seule mégapole de plus de 5 millions d’habitants sous l’effet de leur expansion mutuelle. À l’instar de cet immense territoire géographique que l’on désigne aussi du sigle DFW, Favret/Manez ont réuni un corpus de vues parfois étrangères les unes aux autres, effectuées dans différentes métropoles au fil de leurs voyages, qui forment une sorte de continuum urbain. On passe ainsi indifféremment de Nice, à Gênes, à Los Angeles et ainsi de suite, dans des cadrages diversifiés qui tentent de situer l’individu au cœur de l’architecture. Ces images de nature et d’échelle différentes, ne sont volontairement pas légendées pour échapper à la notion de photographie documentaire. En outre, elles sont mélangées, l’idée n’étant pas d’identifier les lieux, mais de donner plutôt à voir ces divers territoires comme un seul monde fermé sur lui-même. Les lieux choisis montrent que les photographes ont également cherché à évincer les stéréotypes de la photographie urbaine en intégrant fortement des reliquats d’espaces naturels qui ne sont pas sans évoquer la photographie de paysage : « Nous sommes définitivement sortis du modèle concentrique : centre - confins de la ville - banlieue - espaces naturels. Ici les frontières de la ville s’effacent, les espaces deviennent poreux, la ville se retrouve, par parcelles dans l’extra urbain et viceversa ». Ce corpus fonctionne sur un système d’emboîtement avec des vues qui comptent des structures paysagères très larges et des vues plus rapprochées qui amènent des détails précis, sortes de marqueurs signifiant que l’on se trouve bien dans un espace urbain. Le sentiment qui ressort de cet ensemble hétérogène de photographies est celui d’une ville générique qui serait partout et nulle part. Ce no man’s land à la fois étrange et familier apparaît tantôt comme un lieu de la précarité, tantôt comme un lieu de l’opulence ; tantôt comme un espace de conflits et comme un lieu d’aliénation de l’individu, tantôt comme un espace de survie où les corps réinventent leur relation au monde. Si le travail mis en route ici se situe fortement dans la lignée de la Street Photography, Favret/Manez essaient néanmoins de sortir de l’image de reportage et d’évacuer l’anecdote pour se concentrer sur la présence du corps comme faisant partie intégrante de l’architecture. Catherine Macchi, 2007 http://www.documentsdartistes.org/artistes/favret-manez/page1.html Thierry Lagalla né en 1966 Thierry Lagalla est de ces artistes atypiques qui ne craignent pas de nous faire rire. Il distille en « nissar », le patois niçois, des petites histoires loufoques et franchement drôles sous forme de vidéos, tel un VRP à la démonstration impeccable, à la tchatche inépuisable et à l’imagination débordante. Il fredonne des comptines, déclame des slogans, use de petits cris, joue et dessine, cultive les jeux de langage humoristiques. Ces petits films burlesques et un rien irrévérencieux révèlent discrètement les travers et les excès d’une société de consommation que nous avons ordinairement guère le souci ou le temps de voir. S’il s’en prend sans détour aux pathologies contemporaines d’une société matérialiste en quête d’une idéalité lisse, il le fait avec les attributs propres aux artistes engagés de notre temps : ses petites scènettes sont des ponctuations qui viennent combler les interstices de petites histoires en creux que l’artiste improvise au jour le jour. À partir d’un fond qui tient dans une valise, l’artiste se met en scène avec l’habileté du clown et du mime pour nous révéler « ces vérités » sur le monde. À la manière d’un scientifique, il expérimente et appuie ses théories sur ce qu’il convient d’appeler des démonstrations faillibles. Lagalla ne se contente pas de la chute, de la fantaisie sémantique ou de l’onomatopée gratuite : Un fond critique sous-tend certaines allusions et probablement une volonté utopique de changer les choses : le rire guérit de tous les maux et l’absurdité est un remède à la fatalité. L’univers de Thierry Lagalla est l’occasion de questionner le sens du rire dans l’art, cette « idiotie » inventoriée par Jean-Yves Jouannais dans son ouvrage Art, vie, politique-méthode et toute la pertinence d’une histoire qui depuis la fin du XIX siècle s’est écrite en marge des grands récits. Alain-Jacques Lévrier-Mussat http://www.averse.com/thierry/ Thierry Lagalla Les choses ne bougent pas, 2006 dessin sur papier Cynthia Lesmesle & Jean-Philippe Roubaud née en 1974, né en 1973 Une petite entreprise qui ne connaît pas la crise Lemesle & Roubaud Comme un rond de flan III, 2007 Perruche taxidermée, résine, pigments, paillettes Longtemps Cynthia Lemesle & Jean-Philippe Roubaud ont échangé recettes de « cuisine » et propos théoriques sur leur pratique respective dans l’espace d’un atelier partagé. De cette proximité de la main et de l’esprit est née l’évidente nécessité de réunir leurs singularités en cosignant leur prolifique travail. Il serait vain de chercher à savoir qui fait quoi dans cette entreprise tant l’un est au fait des processus de travail et des mécanismes de la pensée de l’autre. Ainsi Cynthia Lemesle & JeanPhilippe Roubaud peignent à deux mains des tableaux somptueux qui recyclent sans vergogne, de long en large et du haut vers le bas, la longue et fructueuse histoire de la représentation : en gros, des primitifs flamands à nos modernes écrans d’ordinateurs. Nul ne s’étonnera de voir à travers cette débauche de moyens (aquarelle, huile, vernis, marqueterie, laque, résine, paillettes, etc.) les époques et les styles se téléscoper. Dans ce désordre festif, tous les coups sont permis : Peter Halley fait irruption chez Jan Van Eyck, les rinceaux du voile de Sainte-Véronique font autant motif que le wall paper délicieusement démodé des années 70, les grilles de l’op art criblent les planches d’oiseaux d’Audubon, and so on. La déraison et la vitalité de cette entreprise sont un pied de nez à ceux qui voudraient encore enterrer Dame Peinture. Mais la multi-centenaire se porte à merveille, que Diable ! Elle continue de se parer de mille atours comme une jeune femme convoitée et ne semble avoir rien perdu de sa beauté : satin, velours, drapé, strass, plumes et mouches font d’elle le plus désirable des objets. Jouant de la coexistence des divers systèmes de représentations de l’histoire de l’art occidental, Cynthia Lemesle & Jean-Philippe Roubaud ne renoncent à rien. Confrontés au symptôme ambiant du désenchantement, ils affirment avec humour et jubilation une culture qui arbore la toute-puissance de l’image picturale et le plaisir de faire, dans la posture du saumon : définitivement à contre-courant ! Catherine Macchi http://www.documentsdartistes.org/artistes/lemesle-roubaud/page1.html Virginie Le Touze née en 1969 Introduction Virginie Le Touze Insomnie, 2005 Vidéo, 5mn D’après une chanson de Serge Rezvani. La première fois que j’ai vu des oeuvres de Virginie Le Touze, c’était des vidéos. L’obscurité était totale, il n’y avait que l’image, le son, et je devinais la présence de l’artiste à mes côtés. Conditions idéales. Après avoir visionné « Insomnie » et « Pantomime », j’ai déclaré que je n’avais jamais vu de vidéos comme celles-là. Ces deux objets n’entraient dans aucun des repères que je me suis donnés, comme enseignant de vidéo et comme amateur d’art. Pourquoi ? Je vais essayer de répondre à cette question, sans me livrer au travail descriptif traditionnel dans ce genre d’exercice des aperçus des oeuvres évoquées sont visibles ici-même. Dans « Insomnie » et dans « Pantomime », les vidéos que j’ai vues ce jour-là, le visage qui occupe tout l’écran n’est pas reconnaissable. Quand on est un peu initié à la vidéo d’art, il est assez facile de reconnaître s’il s’agit d’un auto-filmage, ou si l’artiste a demandé à quelqu’un d’autre de figurer sur sa bande, ou encore si c’est un comédien qui s’y colle. Ici, ce que je venais de voir n’entrait dans aucune de ces catégories. Cette sensation était renforcée par la bande son : l’appartenance de cette voix à ce visage me paraissait trouble, à tout le moins, douteuse peut-être. Quand nous avons quitté la salle de visionnage, j’ai demandé qui était à l’écran. Virginie Le Touze m’a dit que c’était elle, mais que personne ne la reconnaissait. C’est là que je lui ai dit que je n’avais jamais rien vu de semblable. J’ai réservé mon commentaire : j’étais émerveillé et donc j’avais besoin de réfléchir. Aujourd’hui, pour avoir vu d’autres travaux de Virginie Le Touze, je crois comprendre un petit peu mieux ce qu’elle fait. La méthode ad hoc D’une manière générale, quel que soit le médium adopté, le travail de Virginie Le Touze est extrêmement minutieux et précis. Chaque entreprise implique l’invention d’une méthode qui exige de l’adresse, de la concentration et de, cent fois, sur le métier, remettre son ouvrage. Dans « Pantomime », par exemple, il fallait que le mouvement des lèvres soit synchronisé à une bande son émise par un téléviseur qui donne aussi l’éclairage du visage. (La voix qu’on entend est celle de Jeanne Moreau, dans « Ascenseur pour l’échafaud ».) Il fallait aussi que l’artiste déclenche le magnétoscope qui lit le passage du film de Louis Malle, sans oublier d’envoyer l’enregistrement sur le caméscope ! C’est par ces méandres que l’artiste est passée pour nous emmener dans un onirisme à la fois poignant et distancié. Éric Duyckaerts, 2007 Extrait du texte publié sur www.documentsdartistes.org http://www.documentsdartistes.org/artistes/letouze/page1.html Florent Mattei né en 1970 Le travail que construit Florent Mattei depuis une dizaine d’années invite à une réflexion sur l’idéal de perfection profondément humain et la séduction impossible et dérisoire que traduisent les images de la publicité et de l’art. Florent Mattei piège notre regard devenu stéréotypé et passif en introduisant dans ses photographies des accidents, des parasites. Dans la série “Les Incontrôlables”, il détourne le sens initial d’une image semblant hyper-maîtrisée par un détail qui la condamne au ridicule. Dans “The world is perfect”, il se moque apparemment de lui-même en s’inventant un univers “jet set”. A contrepied, dans la série “L’Ile fantastique” il transforme la réalité en fiction, figeant des couples authentiques dans une attitude stéréotypée d’idéal familial. L’artiste interroge ensuite l’identité malléable, parasitée par les codes et finalement réduite à néant avec “Nobody”, série d’autoportraits où seul l’accessoire varie. ”My life” prolonge ce travail de dénaturation des codes visuels en proposant, pourquoi pas, une réappropriation d’un objet trop fortement symbolisé : la cagoule ; posant avec femme et enfant encagoulés, Florent Mattei s’invente un combat pour libérer un objet de ses chaînes de signifiants. Jolie proposition d’opposer le rire à la peur. Top 48 : 4 juillet 2006, jour de canicule. Florent Mattei danse seul dans son salon pendant deux heures quarante cinq. Devant : la caméra pour témoigner de l’effort ; derrière: 48 morceaux retrouvés et compilés, de Tino Rossi à Philippe Katerine, inventaire plus ou moins méthodique des musiques qui ont marqué sa vie. A chaque fois, le jeu et le rire parasitent les codes et conventions de l’image, laissant le champ libre pour se raconter d’autres histoires. Ou quand le burlesque devient une douce réappropriation du monde. Extrait de « Bouge ! », Vitrine du MAMAC, Nice. Florent Mattei Sans Titre, 2006 Tricot en laine, cadre 45 x 53 cm http://www.averse.com/mattei/index.html Marie-Eve Mestre née en 1967 Sous le titre de Ligatures magiques, Marie-Ève Mestre expose, depuis environ quatre ans, ses différentes recherches sur l’alchimie, l’histoire des poisons et autres domaines obscurs. Le titre évoque d’emblée des connaissances à caractère secret et des procédés occultes. Comme si elle constituait un grimoire, M.-È. Mestre élabore, d’abord par l’écriture, des recettes de poisons divers. La formulation, souvent ironique, emprunte des procédés de bricolage verbal chers à Marcel Duchamp, qu’elle cite par ailleurs directement dans le titre du projet au Mamco, Swiss side / «suicide». Les oeuvres de M.-È. Mestre prennent parfois la forme de feuilles imprimées présentant différents menus concoctés par ses soins et promettant les affections les plus diverses. Mais attention ! Si vous vous laissez prendre au charme, l’issue pourrait être fatale. Le caractère occulte de ses recherches la mène également à imaginer diverses expériences d’hybridation végétalo-humaine. Il en résulte une série de photomontages, créés à partir de livres d’images pour enfants, qui offrent un résultat souvent monstrueux, et qui font penser à la fois à Frankenstein et aux phantasmes suscités aujourd’hui par les manipulations génétiques. Se situant à la limite de la science-fiction et de la réalité scientifique, M.-È. Mestre souhaiterait collaborer avec des chercheurs pour réaliser de véritables expériences d’hybridation. Allant plus loin dans la tentative de faire opérer le charme directement sur le spectateur, elle travaille depuis plusieurs années sur un projet intitulé Flakes Hunter. Il s’agit d’une structure entièrement réalisée en glace. Celle-ci intégrerait du mobilier et des objets divers. On pourrait y séjourner et les parois aromatisées seraient à lécher... pour autant qu’on ose y toucher. Catherine Pavlovic, Extrait du texte écrit à pour l’exposition Swiss side. Track list, 2000, Mamco, Genève http://www.documentsdartistes.org/artistes/mestre/page1.html Marie-Eve Mestre Sans Titre, 2000 Collage 19 x 12,5 cm Emilie Perotto née en 1980 Depuis sa sortie de la villa Arson en 2004, le travail d’Emilie Perotto s’axe autour d’un matériau principal : le bois. Les sculptures réalisées sont la traduction d’un assemblage d’objets en stratifié, en aggloméré, en contre plaqué, etc., choisi en fonction du sentiment que la matière induit. Pourtant la forme interprétée ne joue pas de son évidence grâce aux variations de la surface des sculptures, et plus encore par l’obstacle qu’est la sculpture elle-même à son appropriation immédiate. Est emblématique de cette mise à distance «Comme le chat n’est pas là, les formes glissent» montrée au Confort Moderne (Poitiers), lors de l’exposition «L’Égosystème», où la taille de la pièce et la disposition du nombre de détails exige un temps de regard long. La notion de jeu se retrouve également dans les sujets traités, telle cette table échiquier de «Tout ce qu’il me reste de l’Île D’or (à Joseph)», présentée à la Villa Caméline (Nice) lors de «Cabinet Démocratique». La sculpture d’Emilie Perotto oscille entre froideur formelle et rêveries surréelles, l’une s’imbriquant dans l’autre, c’est-à-dire entre qualité du savoir-faire manuel et imaginaire partagé entre elle et le spectateur. «Wood World, condensé de pratique» répond à ces questionnements en proposant les outils métaphoriques d’une conquête du territoire de la sculpture. Suite à leur correspondance (http://e.perotto-s.tritz.over-blog.org) Emilie Perotto et Sarah Tritz seront à partir du mois de décembre en résidence à Berlin pour 3 mois, à Visite Ma tente, invitation de la galerie SMP (Marseille/Berlin). Anne Kawala, 02 n°43, oct nov dec 2007 http://emilieperotto.blogspot.com/ Emilie Perotto Sans Titre (Flashpoint 2), 2005 Bois contreplaqué, colle dimensions variables Stéphane Steiner né en 1963 Stéphane Steiner est l’auteur d’installations dont les modalités d’occupation de l’espace (horizontalité, adéquation avec le sol, répétition de modules) ne sont pas sans évoquer la sculpture minimale américaine des années 60 ainsi que ses développements dans le process art des années 70 (avec notamment le recours à des chutes matériaux industriels). Ces modèles historiques abstraits de la modernité sont néanmoins relus par l’artiste qui y injecte, d’une part, du figuratif et, d’autre part, une amorce de récit. Qu’elles soient réalisées avec des plaques de polystyrène extrudé, de la moquette, des bâches de plastique ou du sable, ces installations dressent un décor mental, celui de sites industriels, hypothétiques paysages d’après le désastre, déserts de toute présence humaine. Ces sculptures au ras du sol qui évoquent également des maquettes architecturales et paysagères jouent sur une grande économie de moyens. Dans l’étendue de ces espaces, des fragments de composants électroniques viennent suggérer des bâtiments industriels dans lesquels se projette quelque fantasme inquiétant de la technologie. La vision pessimiste du monde élaborée dans ces sites fantomatiques semble ici distanciée par la fiction, voire la science-fiction, à travers des scénarios ouverts qui sont donnés au regardeur comme autant de pistes pour rêver. Stéphane Steiner Site n° 206 (détail), 2006 Polystyrène extrudé, rebuts électroniques, plastique et métal 9x5m Catherine Macchi Extrait du texte de presse pour l’exposition « ExcentriCités », L’Atelier Soardi, 2006. http://www.documentsdartistes.org/artistes/steiner/page1.html Cédric Teisseire né en 1968 Cédric Teisseire Petit Blanc à 45°, 2006 Laque sur pvc souple 70 x 70 cm Il est dans l’ordre des choses que la peinture coule et sèche et se fige. Il est aussi normal que le plastique joue avec la transparence. De même qu’un monochrome se réfléchissant sur le mur y allume un halo lumineux… Les effets que produisent les œuvres découlent très exactement des qualités intrinsèques des matériaux, matières, utilisés. Une approche concrète. Les photographies étirées, les bandes de plastiques colorés convoquent la peinture au regard du vocabulaire formel déployé. Les bandes verticales construisent la peinture par allusion. Il s’agit moins ici d’une réduction de la pratique picturale à ses constituants minimaux que d’un questionnement de l’écart existant entre la préméditation et le résultat. Ce que l’on attend et ce qui advient. Une manière de faire affleurer cet écart par une pratique de la contradiction. Le peintre se pose, comme d’autres de sa génération, en équilibre entre deux positions apparemment antagonistes : acteur et spectateur de son propre travail en train de se faire. L’objet conséquent des opérations effectuées procure chez celui qui le regarde, qui l’expérimente, et en premier lieu à l’artiste lui-même une véritable délectation visuelle, un plaisir sensuel sans commune mesure avec la modestie des procédures employées. Une surprise à proprement parler. Un dispositif général élémentaire est mis en place pour générer des tableaux avec comme corollaires un retrait de l’implication de l’artiste et une dépense de la peinture même qui permettent à l’expérimentation de se développer. Une mise en jeu de l’expérience qui établit chaque tableau, bien qu’élaboré comme tous les autres qui appartiennent à un même ensemble, comme entité singulière, unique. La singularité dans la multiplicité. L’unicité dans la série. Une production artisanalement mécanique. Le peintre comme une machine. Instaurer un système et le corrompre. Mettre à mal ce mécanisme en l’usant. L’abusant. Le tableau n’est pas un objet à clefs. Il ne recèle rien d’autre que ce que l’on y voit. Ou plutôt ce qu’il recèle est contenu dans ce que l’on voit. Il n’y a pas de mystère, tout est visible, le comment-s’est-fait s’impose au premier regard. La fabrique de tous ces objets est transparente. Toujours reconstituable, leur genèse technique. Tous les principes d’élaboration sont décelables, les mécanismes sont démontables, mais en aucun cas ne le sont pour légitimer le tableau. Frank Lamy, (Extrait). http://www.documentsdartistes.org/artistes/teisseire/page1.html João Vilhena né en 1973 Je ne cherche pas… João Vilhena, L’aimant parfait, 2004 Carte postale, bois, trombones, minium de plomb, teinte spectro, aimant 12,4 x 28,4 cm Je ne cherche pas, dans les titres de mes pièces, l’expression de quelque chose qui ne pourrait pas être dit en peinture. Ce qui m’intéresse est de travailler sur l’insaisissable relation entre un langage verbal et un langage pictural. Ce lien invisible est comme une chaise vide que l’on offre à l’entendement de celui qui contemple l’œuvre. Accepter cette chaise c’est accepter de prendre place dans l’oeuvre et dans le dialogue entre les divers éléments qui la composent. Le minium est plus que de la peinture orange. Derrière l’impact visuel de sa couleur, il y a avant tout une opération qui résulte de la calcination du plomb. Qu’il soit orange importe peu, cela pourrait même être un hasard. S’agissant d’une sous-couche d’anti-rouille, on pourrait finalement qualifier le minium de peinture achrome puisqu’il n’est pas fait pour être vu. Dans mon travail, le minium a pris un statut de méta-peinture dans le sens où il dépeint la peinture, mieux, il la déshabille. Tout en assumant les divers états de la matière picturale, le minium est d’abord un matériau doté d’une forte charge symbolique. Il a un rapport au corps qui est très marqué, c’est une peinture beaucoup plus lourde et toxique que n’importe quelle autre peinture. Du saturnisme à la melancolia, c’est au minium de plomb que j’essaie de tracer une psychographie imaginaire de la figure du peintre. Je vois dans le minium mon désir de la peinture et le travail de deuil d’une chose si ancienne que la langue a oublié son nom. Les boîtes sont de petites pièces, sortes d’études libres qui renvoient à la chambre noire. Le lien entre ces pièces et la camera obscura n’est pas rétinien mais de l’ordre de la pensée. Fermées ou ouvertes, elles gardent le souvenir des mécanismes de la boîte optique. Ces chambres noires symboliques sont le lieu de la stratification d’opérations qui évoquent sous une forme imaginaire la nature de la représentation. On prétend que des choses se cachent dans mes travaux. C’est faux. Je serais le premier à vous le dire si cela était le cas. João Vilhena http://www.documentsdartistes.org/artistes/vilhena/page1.html