Alleretour - ArtFacts.Net

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Alleretour - ArtFacts.Net
GALERIE RX
6, Avenue Delcassé
75008 Paris, France
tél. (33-1) 45 63 18 78
fax (33-1) 45 63 16 88
[email protected]
http://www.galerierx.com/
mardi-samedi
12h > 19 h
Alleretour
Une proposition d’Emmanuel Régent
et de Catherine Macchi
Avec :
Julien Bouillon
Martin Caminiti
Marc Chevalier
Favret & Manez
exposition du 31 janvier au 29 février 2008
vernissage le jeudi 31 janvier 18h > 21h
Thierry Lagalla
Lemesle & Roubaud
Virginie Le Touze
Florent Mattei
Marie-Eve Mestre
Emilie Perotto
Stéphane Steiner
Cédric Teisseire
João Vilhena
Galerie RX (espace 2) du 31 janvier au 29 février 2008
ALLERETOUR
Une proposition d’Emmanuel Régent et de Catherine Macchi.
Avec : Julien Bouillon, Martin Caminiti, Marc Chevalier, Favret/Manez, Thierry Lagalla, Lemesle & Roubaud,
Virginie Le Touze, Florent Mattei, Marie-Eve Mestre, Emilie Perotto, Stéphane Steiner, Cédric Teisseire et
João Vilhena.
Cette exposition réunit un ensemble d’artistes qui ont en commun de vivre et de travailler à Nice. Que ces artistes aient
fait le choix de résider sur la Côte d’Azur importe peu, il se pourrait bien d’ailleurs que le fantasme de la Riviera ne
transparaisse nullement dans la mise en espace de leurs travaux. « Alleretour » est avant tout une proposition nomade
fondée sur un choix précis de pièces, les dessins, peintures, sculptures, installations et photographies, présentées pour
cette carte blanche, s’intègrant toutes aux dimensions de deux bagages à main transportables par train. Deux valises
donc pour deux commissaires, contenant des œuvres de dimensions modestes ou des pièces pliables et démontables,
capables de se développer pleinement dans le cadre de l’accrochage.
Il s’agit autant d’une réponse pratique et économique aux questions posées par le stockage, le transport et l’exposition
d’une œuvre d’art, qu’un écho aux solutions de mobilité générées par les besoins de notre société contemporaine : miniaturisation des technologies, transfert de l’information en temps réel, augmentation et accélération des déplacements
des individus, redéfinition des territoires et des identités, nomadisme, etc.
Il ne s’agit pourtant pas à travers cette exposition d’échantillonner un artiste ou une pratique, mais de miser sur les
modes de déploiement et l’aura propre à chacune des œuvres pour investir l’espace de la galerie RX le temps de cet
aller-retour.
Remerciements : Le Lab0, L’Espace à Vendre, L’Atelier Soardi, La galerie Norbert Pastor.
Julien Bouillon
né en 1971
Surnaturel
Julien Bouillon est un observateur attentif des problématiques qui animent les débats
de l’art contemporain. L’intérêt qu’il porte aux signes à travers lesquels l’art se manifeste, est mu par une curiosité naturelle en même temps que par un souci éthique.
Ce regard inquiet, parfois critique, qu’il pose sur le présent de l’art détermine dans sa
pratique un détachement du faire. L’artiste dit fréquenter l’atelier avec inconstance,
on l’y trouve pourtant assez régulièrement. Sans doute préférerait-il produire en réponse à une situation d’exposition. En attendant que vienne l’opportunité, il réalise
des pièces sporadiquement. Il s’agit de ne pas céder à la compulsion, de substituer
au plaisir de faire un principe d’économie qui permettrait au discours de se constituer
dans une dimension intellectuelle et poétique. L’hétérogénéité des propositions de
Julien Bouillon, leur raréfaction aussi, viennent de la volonté de prévenir le travail de
toute réification. Dans sa stratégie touche à tout, Julien Bouillon adopte une attitude
faussement désaffectée qui pourrait bien faire écho à cette réplique de Carpenter,
un personnage de Laura (1944) d’Otto Preminger qui déclarait : “Je suis très calé en
rien, mais j’ai des idées sur tout, je crois que c’est très pratique en fin de compte.”
L’artiste met en avant deux points dans son attitude : la suppression du style et la
non-spécialisation. Il n’entend pas élaborer un corpus d’œuvres cohérent qui miserait
sur des principes de répétition plastique. Ce qui fonderait son travail se situerait plutôt du côté de l’autonomie du discours dont naissent les travaux. Les approches les
plus différentes (photographie, vidéo, installation, sculpture) sont envisagées dans
le seul but de servir le propos. Le discours qui lie les pièces est souterrain, souvent
insaisissable. Investi d’une forte charge irrationnelle, il fonctionne à retardement à la
manière d’un virus qui viendrait désorganiser un système vivant.
Catherine Macchi
Julien Bouillon
Collection (détail), 2006-2007
os taillé
détail : dimensions de la taille d’une montre
ensemble : dimensions variables
Extrait du texte publié dans le catalogue d’exposition « La Réserve », Galerie des
Ponchettes, Nice, 2005.
http://www.documentsdartistes.org/artistes/bouillon/page1.html
Martin Caminiti
né en 1959
Pièces montées
Martin Caminiti
Dessin à la chaîne, 2005
chaînes de vélo
dimensions variables
Dans le bric à brac du siècle, Martin Caminiti travaille donc avec les
restes, ceux de la modernité mais aussi ceux de la société de consommation. On aurait donc, d’un côté, une relecture amusée de l’héritage
historique récent, sorte de “ready remake 2” pour reprendre une expression fine de Christian Bernard et, de l’autre, un travail de recyclage
à partir de l’objet, véritable conception écologique de la sculpture. Dans
les deux cas, le travail de Caminiti est sous-tendu par une formidable
pratique du bricolage capable de transformer littéralement l’objet de
rebut en une créature mécanique d’un genre nouveau et de le promettre
à une nouvelle vie. Au cours de ce processus de travestissement, les objets perdent leur aspect utilitaire au profit d’un usage imaginaire passant
ainsi du vélo ou du tricycle à un devenir insecte ou en tout cas chimérique avec leurs excroissances en canne à pêche. Clouées au mur comme
une collection de papillons rares ou développées comme autant de lignes
pures dans l’espace, ces sculptures mutantes rejouent les tensions des
contrereliefs de Tatlin, esquissent des mouvements de danse drolatiques
qui évoquent le Cirque de Calder, rappellent à la mémoire les projets
utopiques du Letatlin, ce vélocipède de l’air projeté par Tatlin, des engins
silencieux de Gianni Piacentino ou ceux plus bruyants de Panamarenko,
tandis que leur passage du mécanique au biologique fait écho au travail
de Rebecca Horn. Ici la sculpture apparaît comme désossée, structure
jouant du vide, rendue à l’état de projet mental, proche en tous points
du dessin. Dans ce travail d’une grande agilité graphique, Caminiti dessine dans l’espace des arabesques aux lignes épurées qui font oublier la
ferraille dont sont faits les objets.
Catherine Macchi
Extrait du texte publié dans le catalogue du CIAC de Carros, 2003.
http://www.documentsdartistes.org/artistes/caminiti/page1.html
Marc Chevalier
né en 1967
Subpictural : Publiatrucs
Marc Chevalier
Sans titre, 2006-2007
Ruban adhésif sur châssis entoilé
20 x 20 x 4 cm
Les tableaux de Marc Chevalier se présentent comme d’immenses écrans lisses sur
lesquels viennent se déposer des images froides et fascinantes qui évoquent les
exploits de la haute technologie : fenêtres de dialogue d’ordinateur, images numériques sur écran plasma, photographies prises par satellite, ébauches d’une architecture du futur, imagerie médicale et scientifique, jeu vidéo en trois dimensions, etc.
S’il était possible de les définir ou d’identifier leur référent il y a encore quelques
années, ces images tendent aujourd’hui à se dérober à tout exercice d’imitation
pour n’apparaître qu’à la manière de fragments de l’image technologique. Une image
technologique générique qui proviendrait de la mémoire visuelle de l’artiste et qui
resurgirait en tant qu’essence mentale et non pas en tant qu’indice tangible de cette
forme de représentation de pointe. L’œil glisse à la surface de ces fragments d’images mécanisées à la recherche de subtils détails pris dans leur trame pixélisée finalement très abstraite, un peu comme pour en démonter la logique, pour tenter de
comprendre comment c’est fait. On peut avoir du mal à le croire, mais ces peintures
qui rivalisent avec l’écran numérique sont faites à la main, une paire de ciseaux d’un
côté et un rouleau de ruban adhésif de l’autre. Au fantasme d’une image high-tech
répond donc un procédé low-tech. Ce tableau, dont il n’existe au départ que le châssis, réunit en un seul et même geste le support et la surface, le fond et la forme, la
couleur et la ligne par l’intermédiaire d’un long tissage de bandes adhésives. Dans
sa forme originale ou à travers ce substitut, la peinture s’affirme en tant qu’espace
de sédimentation de différentes couches de matière et de gestes successifs. Le ruban adhésif utilisé est du scotch d’électricien de fine épaisseur mais également du
scotch multiusage plus large. Tous deux sont disponibles dans une large gamme de
couleurs. Mat, brillant, transparent, ils permettent d’obtenir les effets de la grande
peinture : touche, empâtement, glacis. On notera que le fond du tableau est réalisé
en général au scotch d’emballage classique dont la couleur marron clair n’est pas
sans évoquer la toile brute. Il n’est pas exclu que le ruban adhésif qui remplace à la
fois la toile et la palette du peintre, fonctionne à la manière d’un bricolage de fortune
qui viendrait réparer provisoirement les avaries de la peinture, comme on répare son
rétroviseur avec du scotch d’emballage.
Catherine Macchi
Extrait du texte publié dans le catalogue d’exposition « La Réserve », Galerie des
Ponchettes, Nice, 2005.
http://www.documentsdartistes.org/artistes/chevalier/page1.html
Favret/Manez
nés en 1964
« Metroplex »
Favret/Manez
Sans titre, 2007
digigraphie
60 x 75 cm
Le titre « Metroplex » fait écho aux développements exponentiels du paysage urbain
entre Dallas et Fort Worth, deux aires qui ont fini par se rejoindre en une seule mégapole de plus de 5 millions d’habitants sous l’effet de leur expansion mutuelle. À
l’instar de cet immense territoire géographique que l’on désigne aussi du sigle DFW,
Favret/Manez ont réuni un corpus de vues parfois étrangères les unes aux autres,
effectuées dans différentes métropoles au fil de leurs voyages, qui forment une sorte
de continuum urbain. On passe ainsi indifféremment de Nice, à Gênes, à Los Angeles et ainsi de suite, dans des cadrages diversifiés qui tentent de situer l’individu au
cœur de l’architecture. Ces images de nature et d’échelle différentes, ne sont volontairement pas légendées pour échapper à la notion de photographie documentaire.
En outre, elles sont mélangées, l’idée n’étant pas d’identifier les lieux, mais de donner plutôt à voir ces divers territoires comme un seul monde fermé sur lui-même.
Les lieux choisis montrent que les photographes ont également cherché à évincer les
stéréotypes de la photographie urbaine en intégrant fortement des reliquats d’espaces naturels qui ne sont pas sans évoquer la photographie de paysage : « Nous
sommes définitivement sortis du modèle concentrique : centre - confins de la ville
- banlieue - espaces naturels. Ici les frontières de la ville s’effacent, les espaces
deviennent poreux, la ville se retrouve, par parcelles dans l’extra urbain et viceversa ». Ce corpus fonctionne sur un système d’emboîtement avec des vues qui
comptent des structures paysagères très larges et des vues plus rapprochées qui
amènent des détails précis, sortes de marqueurs signifiant que l’on se trouve bien
dans un espace urbain.
Le sentiment qui ressort de cet ensemble hétérogène de photographies est celui
d’une ville générique qui serait partout et nulle part. Ce no man’s land à la fois
étrange et familier apparaît tantôt comme un lieu de la précarité, tantôt comme un
lieu de l’opulence ; tantôt comme un espace de conflits et comme un lieu d’aliénation
de l’individu, tantôt comme un espace de survie où les corps réinventent leur relation
au monde. Si le travail mis en route ici se situe fortement dans la lignée de la Street
Photography, Favret/Manez essaient néanmoins de sortir de l’image de reportage
et d’évacuer l’anecdote pour se concentrer sur la présence du corps comme faisant
partie intégrante de l’architecture.
Catherine Macchi, 2007
http://www.documentsdartistes.org/artistes/favret-manez/page1.html
Thierry Lagalla
né en 1966
Thierry Lagalla est de ces artistes atypiques qui ne craignent pas de nous faire rire. Il
distille en « nissar », le patois niçois, des petites histoires loufoques et franchement
drôles sous forme de vidéos, tel un VRP à la démonstration impeccable, à la tchatche
inépuisable et à l’imagination débordante. Il fredonne des comptines, déclame des
slogans, use de petits cris, joue et dessine, cultive les jeux de langage humoristiques. Ces petits films burlesques et un rien irrévérencieux révèlent discrètement les
travers et les excès d’une société de consommation que nous avons ordinairement
guère le souci ou le temps de voir. S’il s’en prend sans détour aux pathologies contemporaines d’une société matérialiste en quête d’une idéalité lisse, il le fait avec les
attributs propres aux artistes engagés de notre temps : ses petites scènettes sont
des ponctuations qui viennent combler les interstices de petites histoires en creux
que l’artiste improvise au jour le jour. À partir d’un fond qui tient dans une valise,
l’artiste se met en scène avec l’habileté du clown et du mime pour nous révéler « ces
vérités » sur le monde. À la manière d’un scientifique, il expérimente et appuie ses
théories sur ce qu’il convient d’appeler des démonstrations faillibles. Lagalla ne se
contente pas de la chute, de la fantaisie sémantique ou de l’onomatopée gratuite :
Un fond critique sous-tend certaines allusions et probablement une volonté utopique
de changer les choses : le rire guérit de tous les maux et l’absurdité est un remède
à la fatalité. L’univers de Thierry Lagalla est l’occasion de questionner le sens du rire
dans l’art, cette « idiotie » inventoriée par Jean-Yves Jouannais dans son ouvrage
Art, vie, politique-méthode et toute la pertinence d’une histoire qui depuis la fin du
XIX siècle s’est écrite en marge des grands récits.
Alain-Jacques Lévrier-Mussat
http://www.averse.com/thierry/
Thierry Lagalla
Les choses ne bougent pas, 2006
dessin sur papier
Cynthia Lesmesle & Jean-Philippe Roubaud
née en 1974, né en 1973
Une petite entreprise qui ne connaît pas la crise
Lemesle & Roubaud
Comme un rond de flan III, 2007
Perruche taxidermée, résine, pigments, paillettes
Longtemps Cynthia Lemesle & Jean-Philippe Roubaud ont échangé recettes de « cuisine » et propos théoriques sur leur pratique respective dans l’espace d’un atelier
partagé. De cette proximité de la main et de l’esprit est née l’évidente nécessité de
réunir leurs singularités en cosignant leur prolifique travail. Il serait vain de chercher
à savoir qui fait quoi dans cette entreprise tant l’un est au fait des processus de
travail et des mécanismes de la pensée de l’autre. Ainsi Cynthia Lemesle & JeanPhilippe Roubaud peignent à deux mains des tableaux somptueux qui recyclent sans
vergogne, de long en large et du haut vers le bas, la longue et fructueuse histoire
de la représentation : en gros, des primitifs flamands à nos modernes écrans d’ordinateurs. Nul ne s’étonnera de voir à travers cette débauche de moyens (aquarelle,
huile, vernis, marqueterie, laque, résine, paillettes, etc.) les époques et les styles
se téléscoper. Dans ce désordre festif, tous les coups sont permis : Peter Halley fait
irruption chez Jan Van Eyck, les rinceaux du voile de Sainte-Véronique font autant
motif que le wall paper délicieusement démodé des années 70, les grilles de l’op art
criblent les planches d’oiseaux d’Audubon, and so on. La déraison et la vitalité de
cette entreprise sont un pied de nez à ceux qui voudraient encore enterrer Dame
Peinture. Mais la multi-centenaire se porte à merveille, que Diable ! Elle continue de
se parer de mille atours comme une jeune femme convoitée et ne semble avoir rien
perdu de sa beauté : satin, velours, drapé, strass, plumes et mouches font d’elle le
plus désirable des objets. Jouant de la coexistence des divers systèmes de représentations de l’histoire de l’art occidental, Cynthia Lemesle & Jean-Philippe Roubaud
ne renoncent à rien. Confrontés au symptôme ambiant du désenchantement, ils
affirment avec humour et jubilation une culture qui arbore la toute-puissance de
l’image picturale et le plaisir de faire, dans la posture du saumon : définitivement à
contre-courant !
Catherine Macchi
http://www.documentsdartistes.org/artistes/lemesle-roubaud/page1.html
Virginie Le Touze
née en 1969
Introduction
Virginie Le Touze
Insomnie, 2005
Vidéo, 5mn
D’après une chanson de Serge Rezvani.
La première fois que j’ai vu des oeuvres de Virginie Le Touze, c’était des vidéos.
L’obscurité était totale, il n’y avait que l’image, le son, et je devinais la présence de
l’artiste à mes côtés. Conditions idéales. Après avoir visionné « Insomnie » et « Pantomime », j’ai déclaré que je n’avais jamais vu de vidéos comme celles-là. Ces deux
objets n’entraient dans aucun des repères que je me suis donnés, comme enseignant
de vidéo et comme amateur d’art. Pourquoi ? Je vais essayer de répondre à cette
question, sans me livrer au travail descriptif traditionnel dans ce genre d’exercice
des aperçus des oeuvres évoquées sont visibles ici-même.
Dans « Insomnie » et dans « Pantomime », les vidéos que j’ai vues ce jour-là, le
visage qui occupe tout l’écran n’est pas reconnaissable. Quand on est un peu initié
à la vidéo d’art, il est assez facile de reconnaître s’il s’agit d’un auto-filmage, ou si
l’artiste a demandé à quelqu’un d’autre de figurer sur sa bande, ou encore si c’est
un comédien qui s’y colle. Ici, ce que je venais de voir n’entrait dans aucune de ces
catégories. Cette sensation était renforcée par la bande son : l’appartenance de cette
voix à ce visage me paraissait trouble, à tout le moins, douteuse peut-être. Quand
nous avons quitté la salle de visionnage, j’ai demandé qui était à l’écran. Virginie Le
Touze m’a dit que c’était elle, mais que personne ne la reconnaissait. C’est là que
je lui ai dit que je n’avais jamais rien vu de semblable. J’ai réservé mon commentaire : j’étais émerveillé et donc j’avais besoin de réfléchir. Aujourd’hui, pour avoir
vu d’autres travaux de Virginie Le Touze, je crois comprendre un petit peu mieux ce
qu’elle fait.
La méthode ad hoc
D’une manière générale, quel que soit le médium adopté, le travail de Virginie Le
Touze est extrêmement minutieux et précis. Chaque entreprise implique l’invention
d’une méthode qui exige de l’adresse, de la concentration et de, cent fois, sur le
métier, remettre son ouvrage. Dans « Pantomime », par exemple, il fallait que le
mouvement des lèvres soit synchronisé à une bande son émise par un téléviseur qui
donne aussi l’éclairage du visage. (La voix qu’on entend est celle de Jeanne Moreau,
dans « Ascenseur pour l’échafaud ».) Il fallait aussi que l’artiste déclenche le magnétoscope qui lit le passage du film de Louis Malle, sans oublier d’envoyer l’enregistrement sur le caméscope ! C’est par ces méandres que l’artiste est passée pour nous
emmener dans un onirisme à la fois poignant et distancié.
Éric Duyckaerts, 2007
Extrait du texte publié sur www.documentsdartistes.org
http://www.documentsdartistes.org/artistes/letouze/page1.html
Florent Mattei
né en 1970
Le travail que construit Florent Mattei depuis une dizaine d’années invite à une réflexion sur l’idéal de perfection profondément humain et la séduction impossible et
dérisoire que traduisent les images de la publicité et de l’art. Florent Mattei piège
notre regard devenu stéréotypé et passif en introduisant dans ses photographies des
accidents, des parasites. Dans la série “Les Incontrôlables”, il détourne le sens initial
d’une image semblant hyper-maîtrisée par un détail qui la condamne au ridicule.
Dans “The world is perfect”, il se moque apparemment de lui-même en s’inventant
un univers “jet set”. A contrepied, dans la série “L’Ile fantastique” il transforme la
réalité en fiction, figeant des couples authentiques dans une attitude stéréotypée
d’idéal familial. L’artiste interroge ensuite l’identité malléable, parasitée par les codes
et finalement réduite à néant avec “Nobody”, série d’autoportraits où seul l’accessoire varie. ”My life” prolonge ce travail de dénaturation des codes visuels en proposant,
pourquoi pas, une réappropriation d’un objet trop fortement symbolisé : la cagoule ;
posant avec femme et enfant encagoulés, Florent Mattei s’invente un combat pour
libérer un objet de ses chaînes de signifiants.
Jolie proposition d’opposer le rire à la peur.
Top 48 : 4 juillet 2006, jour de canicule. Florent Mattei danse seul dans son salon
pendant deux heures quarante cinq. Devant : la caméra pour témoigner de l’effort ;
derrière: 48 morceaux retrouvés et compilés, de Tino Rossi à Philippe Katerine, inventaire plus ou moins méthodique des musiques qui ont marqué sa vie.
A chaque fois, le jeu et le rire parasitent les codes et conventions de l’image, laissant
le champ libre pour se raconter d’autres histoires. Ou quand le burlesque devient une
douce réappropriation du monde.
Extrait de « Bouge ! », Vitrine du MAMAC, Nice.
Florent Mattei
Sans Titre, 2006
Tricot en laine, cadre
45 x 53 cm
http://www.averse.com/mattei/index.html
Marie-Eve Mestre
née en 1967
Sous le titre de Ligatures magiques, Marie-Ève Mestre expose, depuis environ quatre ans, ses différentes recherches sur l’alchimie, l’histoire des poisons et autres
domaines obscurs. Le titre évoque d’emblée des connaissances à caractère secret et
des procédés occultes. Comme si elle constituait un grimoire, M.-È. Mestre élabore,
d’abord par l’écriture, des recettes de poisons divers. La formulation, souvent ironique, emprunte des procédés de bricolage verbal chers à Marcel Duchamp, qu’elle cite
par ailleurs directement dans le titre du projet au Mamco, Swiss side / «suicide».
Les oeuvres de M.-È. Mestre prennent parfois la forme de feuilles imprimées présentant différents menus concoctés par ses soins et promettant les affections les plus
diverses. Mais attention ! Si vous vous laissez prendre au charme, l’issue pourrait
être fatale. Le caractère occulte de ses recherches la mène également à imaginer
diverses expériences d’hybridation végétalo-humaine. Il en résulte une série de photomontages, créés à partir de livres d’images pour enfants, qui offrent un résultat
souvent monstrueux, et qui font penser à la fois à Frankenstein et aux phantasmes
suscités aujourd’hui par les manipulations génétiques.
Se situant à la limite de la science-fiction et de la réalité scientifique, M.-È. Mestre
souhaiterait collaborer avec des chercheurs pour réaliser de véritables expériences
d’hybridation. Allant plus loin dans la tentative de faire opérer le charme directement
sur le spectateur, elle travaille depuis plusieurs années sur un projet intitulé Flakes
Hunter. Il s’agit d’une structure entièrement réalisée en glace. Celle-ci intégrerait
du mobilier et des objets divers. On pourrait y séjourner et les parois aromatisées
seraient à lécher... pour autant qu’on ose y toucher.
Catherine Pavlovic, Extrait du texte écrit à pour l’exposition Swiss side. Track list,
2000, Mamco, Genève
http://www.documentsdartistes.org/artistes/mestre/page1.html
Marie-Eve Mestre
Sans Titre, 2000
Collage
19 x 12,5 cm
Emilie Perotto
née en 1980
Depuis sa sortie de la villa Arson en 2004, le travail d’Emilie Perotto s’axe autour d’un
matériau principal : le bois. Les sculptures réalisées sont la traduction d’un assemblage d’objets en stratifié, en aggloméré, en contre plaqué, etc., choisi en fonction
du sentiment que la matière induit. Pourtant la forme interprétée ne joue pas de
son évidence grâce aux variations de la surface des sculptures, et plus encore par
l’obstacle qu’est la sculpture elle-même à son appropriation immédiate. Est emblématique de cette mise à distance «Comme le chat n’est pas là, les formes glissent»
montrée au Confort Moderne (Poitiers), lors de l’exposition «L’Égosystème», où la
taille de la pièce et la disposition du nombre de détails exige un temps de regard
long. La notion de jeu se retrouve également dans les sujets traités, telle cette
table échiquier de «Tout ce qu’il me reste de l’Île D’or (à Joseph)», présentée à la
Villa Caméline (Nice) lors de «Cabinet Démocratique». La sculpture d’Emilie Perotto
oscille entre froideur formelle et rêveries surréelles, l’une s’imbriquant dans l’autre,
c’est-à-dire entre qualité du savoir-faire manuel et imaginaire partagé entre elle et
le spectateur. «Wood World, condensé de pratique» répond à ces questionnements
en proposant les outils métaphoriques d’une conquête du territoire de la sculpture.
Suite à leur correspondance (http://e.perotto-s.tritz.over-blog.org) Emilie Perotto et
Sarah Tritz seront à partir du mois de décembre en résidence à Berlin pour 3 mois, à
Visite Ma tente, invitation de la galerie SMP (Marseille/Berlin).
Anne Kawala, 02 n°43, oct nov dec 2007
http://emilieperotto.blogspot.com/
Emilie Perotto
Sans Titre (Flashpoint 2), 2005
Bois contreplaqué, colle
dimensions variables
Stéphane Steiner
né en 1963
Stéphane Steiner est l’auteur d’installations dont les modalités d’occupation de l’espace (horizontalité, adéquation avec le sol, répétition de modules) ne sont pas sans
évoquer la sculpture minimale américaine des années 60 ainsi que ses développements dans le process art des années 70 (avec notamment le recours à des chutes
matériaux industriels). Ces modèles historiques abstraits de la modernité sont néanmoins relus par l’artiste qui y injecte, d’une part, du figuratif et, d’autre part, une
amorce de récit. Qu’elles soient réalisées avec des plaques de polystyrène extrudé,
de la moquette, des bâches de plastique ou du sable, ces installations dressent un
décor mental, celui de sites industriels, hypothétiques paysages d’après le désastre,
déserts de toute présence humaine. Ces sculptures au ras du sol qui évoquent également des maquettes architecturales et paysagères jouent sur une grande économie
de moyens. Dans l’étendue de ces espaces, des fragments de composants électroniques viennent suggérer des bâtiments industriels dans lesquels se projette quelque
fantasme inquiétant de la technologie. La vision pessimiste du monde élaborée dans
ces sites fantomatiques semble ici distanciée par la fiction, voire la science-fiction, à
travers des scénarios ouverts qui sont donnés au regardeur comme autant de pistes
pour rêver.
Stéphane Steiner
Site n° 206 (détail), 2006
Polystyrène extrudé, rebuts électroniques, plastique et métal
9x5m
Catherine Macchi
Extrait du texte de presse pour l’exposition « ExcentriCités », L’Atelier Soardi,
2006.
http://www.documentsdartistes.org/artistes/steiner/page1.html
Cédric Teisseire
né en 1968
Cédric Teisseire
Petit Blanc à 45°, 2006
Laque sur pvc souple
70 x 70 cm
Il est dans l’ordre des choses que la peinture coule et sèche et se fige. Il est aussi
normal que le plastique joue avec la transparence. De même qu’un monochrome se
réfléchissant sur le mur y allume un halo lumineux…
Les effets que produisent les œuvres découlent très exactement des qualités intrinsèques des matériaux, matières, utilisés. Une approche concrète.
Les photographies étirées, les bandes de plastiques colorés convoquent la peinture
au regard du vocabulaire formel déployé. Les bandes verticales construisent la peinture par allusion.
Il s’agit moins ici d’une réduction de la pratique picturale à ses constituants minimaux
que d’un questionnement de l’écart existant entre la préméditation et le résultat. Ce
que l’on attend et ce qui advient. Une manière de faire affleurer cet écart par une
pratique de la contradiction. Le peintre se pose, comme d’autres de sa génération,
en équilibre entre deux positions apparemment antagonistes : acteur et spectateur
de son propre travail en train de se faire.
L’objet conséquent des opérations effectuées procure chez celui qui le regarde, qui
l’expérimente, et en premier lieu à l’artiste lui-même une véritable délectation visuelle, un plaisir sensuel sans commune mesure avec la modestie des procédures
employées. Une surprise à proprement parler.
Un dispositif général élémentaire est mis en place pour générer des tableaux avec
comme corollaires un retrait de l’implication de l’artiste et une dépense de la peinture même qui permettent à l’expérimentation de se développer. Une mise en jeu de
l’expérience qui établit chaque tableau, bien qu’élaboré comme tous les autres qui
appartiennent à un même ensemble, comme entité singulière, unique. La singularité
dans la multiplicité.
L’unicité dans la série.
Une production artisanalement mécanique.
Le peintre comme une machine.
Instaurer un système et le corrompre.
Mettre à mal ce mécanisme en l’usant. L’abusant.
Le tableau n’est pas un objet à clefs. Il ne recèle rien d’autre que ce que l’on y voit.
Ou plutôt ce qu’il recèle est contenu dans ce que l’on voit.
Il n’y a pas de mystère, tout est visible, le comment-s’est-fait s’impose au premier
regard. La fabrique de tous ces objets est transparente. Toujours reconstituable, leur
genèse technique. Tous les principes d’élaboration sont décelables, les mécanismes
sont démontables, mais en aucun cas ne le sont pour légitimer le tableau.
Frank Lamy, (Extrait).
http://www.documentsdartistes.org/artistes/teisseire/page1.html
João Vilhena
né en 1973
Je ne cherche pas…
João Vilhena, L’aimant parfait, 2004
Carte postale, bois, trombones, minium de plomb, teinte spectro,
aimant
12,4 x 28,4 cm
Je ne cherche pas, dans les titres de mes pièces, l’expression de quelque chose qui
ne pourrait pas être dit en peinture. Ce qui m’intéresse est de travailler sur l’insaisissable relation entre un langage verbal et un langage pictural. Ce lien invisible est
comme une chaise vide que l’on offre à l’entendement de celui qui contemple l’œuvre. Accepter cette chaise c’est accepter de prendre place dans l’oeuvre et dans le
dialogue entre les divers éléments qui la composent.
Le minium est plus que de la peinture orange. Derrière l’impact visuel de sa couleur,
il y a avant tout une opération qui résulte de la calcination du plomb. Qu’il soit orange
importe peu, cela pourrait même être un hasard. S’agissant d’une sous-couche d’anti-rouille, on pourrait finalement qualifier le minium de peinture achrome puisqu’il
n’est pas fait pour être vu.
Dans mon travail, le minium a pris un statut de méta-peinture dans le sens où il
dépeint la peinture, mieux, il la déshabille. Tout en assumant les divers états de la
matière picturale, le minium est d’abord un matériau doté d’une forte charge symbolique. Il a un rapport au corps qui est très marqué, c’est une peinture beaucoup plus
lourde et toxique que n’importe quelle autre peinture.
Du saturnisme à la melancolia, c’est au minium de plomb que j’essaie de tracer une
psychographie imaginaire de la figure du peintre. Je vois dans le minium mon désir
de la peinture et le travail de deuil d’une chose si ancienne que la langue a oublié
son nom.
Les boîtes sont de petites pièces, sortes d’études libres qui renvoient à la chambre
noire. Le lien entre ces pièces et la camera obscura n’est pas rétinien mais de l’ordre
de la pensée. Fermées ou ouvertes, elles gardent le souvenir des mécanismes de la
boîte optique. Ces chambres noires symboliques sont le lieu de la stratification d’opérations qui évoquent sous une forme imaginaire la nature de la représentation.
On prétend que des choses se cachent dans mes travaux. C’est faux. Je serais le
premier à vous le dire si cela était le cas.
João Vilhena
http://www.documentsdartistes.org/artistes/vilhena/page1.html

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