7 Rayess Bek : « À Samir et tous ceux qui sont morts pour le Liban

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7 Rayess Bek : « À Samir et tous ceux qui sont morts pour le Liban
mardi 8 juin 2010
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Rayess Bek : « À Samir et tous ceux
qui sont morts pour le Liban »
Concert À l’occasion du Festival du printemps de Beyrouth, dédié
à la mémoire de Samir Kassir, Rayess Bek a régalé le public d’une
performance intense et toujours aussi engagée.
Durant son concert au jardin Samir Kassir, Rayess Bek a dédié l’un de ses morceaux au journaliste assassiné et à tous ceux qui sont
morts pour le Liban.
(Sami Ayad)
Dalal MEDAWAR
Le public massé devant le jardin Samir Kassir, au centreville, avait visiblement peine
à se contenir dimanche soir.
Les spectateurs étaient venus
nombreux. En première partie, le set mélodieux, vibrant,
mais bien trop calme de Youmna Saba. À la décharge de
cette dernière, invitée à l’initiative de Rayess Bek, le choix
douteux des organisateurs de
démarrer la représentation
pile poil à l’heure de la prière
n’a pas vraiment joué en sa faveur. Armée de sa seule guitare acoustique et de sa voix
pour captiver un public impatient – face au muezzin voisin
surpuissant – l’interprète folk
s’en est tout de même tirée
avec honneur. Néanmoins,
les applaudissements récoltés
lors de sa prestation ont vite
succédé à un véritable raz-demarée à la seule apparition de
l’un des artistes préférés de
la scène musicale libanaise,
Rayess Bek.
« 3am bta3mol Rap ? »
Dès son entrée en scène,
Waël Kodeih, alias Rayess
Bek, accompagné de son
groupe, a démontré toute
l’étendue de son talent. Dépassant de loin les limites
du combo classique rap en
arabe/musique orientalisante,
l’auteur, compositeur, rappeur/slammeur et tireur professionnel de boulets rouges
a exploré une étendue beaucoup plus large de phrasé et
de sonorités. N’hésitant pas
par moments à donner dans
le Lord Kossity, voire le Dancehall, l’espace d’une seconde,
il n’est (heureusement) pas
tombé dans le piège de la reproduction à l’identique de la
formule qui marche. L’un de
ses titres-phares, Schizophrenia, est ainsi passé de sombre,
dans sa version originale, à
un chef-d’œuvre de malsain,
ponctué de coups de flûte
stridents accentuant à l’extrême le désespoir contenu dans
le texte.
Mais si Rayess Bek est
principalement reconnu pour
son action engagée, cela ne
l’a pas privé de son humour
caustique. Dédiant au passage
l’un de ses morceaux à Samir
Kassir « et à tous ceux qui sont
morts pour le Liban » devant
une audience surexcitée, il a
ensuite entrepris de dénoncer
les profonds dysfonctionnements de la société libanaise
sur fond d’électricité, de poulet frit et de thé. Mais l’artiste, qui se revendique « de
gauche, propalestinien », ne
s’est pas limité au contexte libanais. Abordant l’un des sujets lui tenant le plus à cœur,
il a également dépeint les
atrocités commises à Gaza,
sous le regard indifférent des
puissances occidentales, avec
« des armes de fabrication
américaine ». La dénonciation des injustices... Voilà
peut-être l’une des raisons
pour lesquelles Rayess Bek
rencontre aujourd’hui un succès qui a dépassé la sphère du
Moyen-Orient, loin devant la
pop arabe insipide, « superficielle », justement décrite
dans l’un de ses morceaux.