Lyon

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Flâner
Lyon
Le ventre
de la France
Plusieurs douzaines de restaurants étoilés opèrent dans le centre et les
faubourgs de Lyon, mais pas seulement. D’innombrables brasseries mariant
tous les styles, exotiques ou avant-gardistes, font des heureux. Si la soif vous
tenaille, inutile de chercher bien loin, il suffit d’un bon vin du pays.
Chez Hugon, un légendaire
bouchon lyonnais.
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Texte : Barbara Schroeder
Photos : Rolf Bichsel
On trouve le restaurant Chez Hugon
dans une petite rue secondaire, à deux
pas de l’Opéra. À peine Henry Hugon
voit-il le client entrer qu’il dégaine sa
bouteille de vin rouge sauf...
pour le touriste lambda. Vous
«Et ce morceau, là ? Vous
le verrez alors ranger vite fait
n’allez quand même pas
sa bouteille sous le comptoir,
me le laisser dans l’assiette !
seuls les habitués ont droit à
ses petites gâteries. En guise
de bienvenue, il leur sert un verre de
mâcon blanc ou de beaujolais dans
une ambiance à la bonne franquette :
chaises en bois et bancs de cuir rouge éli-
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més complètent un décor de tables couvertes de nappes et serviettes vichy rouges et blanches. À midi, le restaurant est
vite rempli. Les clients attendent qu’on
leur remette les menus soigneusement
écrits à la main, et quelquefois cela peut
prendre un peu de temps, car Arlette
Hugon raye un plat en dernière minute,
vite remplacé par un autre. Mais pas de
soucis, un petit verre venu du bar sait
faire patienter les plus pressés.
Henry Hugon ne dévisse pas de son comptoir. C’est Arlette, sa femme, le véritable
chef. Elle a appris son métier auprès d’une
authentique «mère lyonnaise», l’une de
ces cuisinières au caractère bien trempé
qui travaillaient pour la riche bourgeoisie
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Laurent Rigal
Gourmand & joueur
1. Vue sur la presqu’île et le vieux Lyon
depuis la Saône.
2. À gauche, Arlette Hugon, patronne du
bouchon Chez Hugon, met la main à la pâte
dans la cuisine.
3. Paul Bocuse fait aussi dans le moderne,
il a récemment ouvert un restaurant fastfood
à la française.
4. On peut assister à un tableau typique
des marchés de Lyon avec du vin à côté des
légumes et des fruits frais.
5. La basilique de Fourvière, tel un château
fort, domine la ville.
de la soie au début du 20ème siècle, au
temps où Lyon était un haut lieu de l’industrie de la soie. En 1984, les Hugon ont
repris le restaurant de la rue Pizay, depuis,
chacun opère dans son secteur privilégié.
Arlette ne vient jamais se hasarder derrière
le comptoir, mais c’est elle qui tient les
commandes en cuisine, épaulée par son
fils Éric, apprenti attentif, tout comme la
jeune commis de cuisine Noli, qui, peutêtre, à son tour, deviendra «mère». On
nettoie le gras double, coupe les oignons
en dés pour le bœuf bourguignon, décortique la chair des écrevisses avec ardeur.
Pendant ce temps, Arlette pèle les pommes de terre, supervise l’ensemble sans
perdre des yeux la salle de restaurant.
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Soirée football à Lyon : la deuxième plus grande ville de
France est vide. L’Olympique de Lyon joue contre le Paris
Saint-Germain, l’adversaire venu de la capitale. Au restaurant de Laurent Rigal, il n’y a que peu de tables occupées,
pourtant, en cuisine, ça tourne à plein régime. Perfectionniste, Laurent Rigal contrôle personnellement chaque assiette. Et gare si une feuille est de travers ou une goutte de
sauce pas exactement à la bonne place.
Sa minutie s’avère payante. Il y a deux ans que Laurent
Rigal a repris L’Alexandrin à son précédent propriétaire et
le voilà qui fête sa première étoile Michelin. Pourtant, ce
n’est pas si facile dans cette métropole de gourmets où la
concurrence est rude.
Car Lyon, capitale mondiale de la bonne bouffe, n’est pas
seulement le royaume de «Monsieur Paul», le phénoménal
Paul Bocuse avec son temple trois étoiles, ses cinq brasseries et son «French Fast Food». Ici, il y a aussi un Christian
Têtedoie, un Nicolas Le Bec et des institutions telles que
la «Mère Brazier», ainsi qu’une armée
de cuisiniers talentueux peu connus
mais en devenir.
Laurent Rigal, lui, y est parvenu sans
World cuisine ou tour de passe-passe
à l’azote. Son credo ? Partout où
c’est possible, remplacer le sel et le
poivre par des épices et prêter une
attention particulière aux légumes
qui constituent parfois tout un menu
de L’Alexandrin. Mais Laurent Rigal
n’oublie pas de rendre hommage à
la couleur locale en proposant un ou
deux plats traditionnels comme les
quenelles au brochet sauce à l’écrevisse : «C’est ce que tout le monde
attend, les gens du coin comme les
touristes. Ces plats-là font partie de
notre histoire !»
Au menu du jour ? Une assiette de rosette,
jésus et saucisson de Lyon en entrée. Mais
Arlette propose aussi des paquets de couennes, de la salade de pieds de mouton ou
un saladier lyonnais. En plat principal, elle
conseille avec conviction de l’andouillette
au vin de Mâcon, un gâteau de foie de
volailles façon Hugon, c’est-à-dire chaud,
sauce béchamel, ou un tablier de sapeur,
du gras double de bœuf pané. Lorsqu’elle
remarque l’hésitation de convives anglais,
elle en rajoute : «Nous avons aussi du coq
au vin ou de la tête de veau sauce verte cuite
avec sa cervelle et sa langue dans du bon
beurre». Sceptiques, les Anglais se décident
finalement pour les classiques quenelles
de brochet sauce à l’écrevisse.
«Une carte des vins ? Henry, tu as entendu ?» Pour toute réponse, Henry pose sur
la table un Pot des Côtes, en décochant un
clin d’œil complice. Ce beaujolais rouge
est servi dans une bouteille de 46 centilitres avec un culot de plusieurs centimètres
d’épaisseur. «Elle reste toujours debout, explique Arlette, même quand les gens commencent à tituber.» En guise de fromage,
elle propose de la cervelle de canut, un
fromage blanc parfumé aux herbes et, en
dessert, une tarte aux pralines. «Et ce morceau, là ? Vous n’allez quand même pas me
le laisser dans l’assiette !» gronde Arlette
avec une sévérité feinte, puis elle rajoute
adoucie : «Allez, vous allez y arriver, vous
n’avez que la peau sur les os».
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Adresses
Hôtels
Hotel Globe et Cécil
21, rue Gasparin
F-69002 Lyon
Tél. : +33 (0)4 78 42 58 95
www.globeetcecilhotel.com
L’un des meilleurs hôtels trois étoiles dans
le quartier Bellecourt. Au 19ème siècle
déjà, c’était une bonne adresse.
Collège Hôtel
5, place Saint-Paul
F-69005 Lyon
Tél. : +33 (0)4 72 10 05 05
[email protected]
www.college-hotel.com
Notre coup de cœur. Hôtel original dans
une ancienne école dans la vieille ville. Le
décor aux vieux pupitres de bois, tableaux
et cartes nous renvoie à l’âge des culottes
courtes. Mais le plus beau, c’est la fibre
optique aux fenêtres qui, le soir venu,
habille la façade de couleurs différentes.
Restaurants
Restaurant Nicolas Le Bec
14, rue Grolée
F-69002 Lyon
Tél. : +33 (0)4 78 42 15 00
www.nicolaslebec.com
Chez Hugon .
Christian Têtedoie
54, quai Pierre-Scize
F-69005 Lyon
Tél. : +33 (0)4 78 29 40 10
[email protected]
www.tetedoie.com
Christian Têtedoie figure parmi les valeurs
sûres de la cuisine lyonnaise. Avec raffinement et précision, il réinvente des plats
classiques. Juste à côté, il dirige une variante bistrot dans le style bouchon lyonnais
où il propose aussi des cours de cuisine.
Bouchon Lyonnais chez Hugon
12, rue Pizay
F-69001 Lyon
Tél. : +33 (0)4 78 28 10 94
Un authentique bouchon lyonnais. Pour les
plats traditionnels d’Arlette Hugon, tout est
fait maison.
Grand Café des Négociants
1-2, place Francisque Régaud
F-69002 Lyon
Tél. : +33 (0)4 78 42 50 05
www.cafe-des-negociants.com
Une institution à Lyon, un véritable joyau de
la Belle Époque. Idéal pour une pause shopping ou pour boire un verre après le concert.
Service assuré presque à toute heure.
Divers
Nicolas Le Bec
Nicolas Le Bec a connu un succès fulgurant. Il vous sert des produits de base régionaux de première qualité, que ce soit la
volaille, la viande, ou le poisson. Cuisine et
présentation d’une exécution magistrale.
L’Alexandrin
83, rue Moncey
F-69003 Lyon
Tél. : +33 (0)4 72 61 15 69
www.lalexandrin.com
Laurent Rigal revisite la cuisine lyonnaise.
Savoureux, osé, menu de légumes extravagant, pas vraiment bon marché mais
raisonnable.
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Office de Tourisme
Place Bellecour
F-69002 Lyon
Tél. : +33 (0)4 72 77 69 69
www.lyon-france.com
dates importantes
Du 27 au 30 novembre
Le Marché des Soies
www.intersoie.org/marche2008.htm
Du 5 au 8 décembre
La fête des Lumières
Octobre 2009
La Biennale de l’art international
Au café, elle nous prévient : «Jeunes gens,
attention ! Tout ce qui s’appelle bouchon,
n’est pas pour autant bouchon. Les vrais
bouchons lyonnais se trouvent tous sur la
presqu’île entre le Rhône et la Saône. Les
autres, dans le quartier de la vieille ville,
sont des bistrots à touristes classiques».
Pour l’authenticité et la qualité, il faut
se fier au label «Authentique Bouchon
Lyonnais». Il y en a à peine plus d’une
demi-douzaine dans la ville.
Pour la digestion, rien de mieux qu’une
promenade. Après avoir fait le tour des
rues commerçantes de la presqu’île, vous
ne pourrez pas manquer de passer devant
l’Opéra. Radicalement modernisé en 1993
par la star des architectes, Jean Nouvel.
Pour avoir une vue somptueuse de la
ville, il faut gravir la colline Fourvière. Le
funiculaire amène les touristes presque
jusqu’à la basilique. Une fois en haut, la
ville se déroule tel un amphithéâtre, juste
à vos pieds. La descente vers le quartier du
vieux Lyon, par les roseraies, ressemble à
un voyage dans le temps. On se croirait
dans l’Italie du 16ème siècle avec les drapiers italiens qui transbordent leurs marchandises. En une petite heure, on peut
visiter ce quartier Renaissance, et pourtant passer à côté du plus important. En
effet, derrière les lourdes portes de bois,
se dissimule l’étrange labyrinthe des Traboules, un réseau médiéval de ruelles et
passages étroits qui relie 300 bâtiments.
Les vieux quartiers de Lyon sont classés
au patrimoine mondial de l’UNESCO
depuis 1989. L’entrepreneur Buti Saeed
al-Ghandi a tellement aimé ce labyrinthe
historique qu’il a décidé d’en bâtir une
reproduction à Dubai. D’ici à 2012, des
cafés, des passages et des places conformes aux originaux couvriront une surface de 300 hectares. Mais le Lyon du pays
du Levant saura-t-il aussi copier la bonne
cuisine lyonnaise ?
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