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Flâner Lyon Le ventre de la France Plusieurs douzaines de restaurants étoilés opèrent dans le centre et les faubourgs de Lyon, mais pas seulement. D’innombrables brasseries mariant tous les styles, exotiques ou avant-gardistes, font des heureux. Si la soif vous tenaille, inutile de chercher bien loin, il suffit d’un bon vin du pays. Chez Hugon, un légendaire bouchon lyonnais. V I N U M décembre/janvier/février 2008/2009 93 Flâner 1 2 Texte : Barbara Schroeder Photos : Rolf Bichsel On trouve le restaurant Chez Hugon dans une petite rue secondaire, à deux pas de l’Opéra. À peine Henry Hugon voit-il le client entrer qu’il dégaine sa bouteille de vin rouge sauf... pour le touriste lambda. Vous «Et ce morceau, là ? Vous le verrez alors ranger vite fait n’allez quand même pas sa bouteille sous le comptoir, me le laisser dans l’assiette ! seuls les habitués ont droit à ses petites gâteries. En guise de bienvenue, il leur sert un verre de mâcon blanc ou de beaujolais dans une ambiance à la bonne franquette : chaises en bois et bancs de cuir rouge éli- 94 4 3 més complètent un décor de tables couvertes de nappes et serviettes vichy rouges et blanches. À midi, le restaurant est vite rempli. Les clients attendent qu’on leur remette les menus soigneusement écrits à la main, et quelquefois cela peut prendre un peu de temps, car Arlette Hugon raye un plat en dernière minute, vite remplacé par un autre. Mais pas de soucis, un petit verre venu du bar sait faire patienter les plus pressés. Henry Hugon ne dévisse pas de son comptoir. C’est Arlette, sa femme, le véritable chef. Elle a appris son métier auprès d’une authentique «mère lyonnaise», l’une de ces cuisinières au caractère bien trempé qui travaillaient pour la riche bourgeoisie V I N U M décembre/janvier/février 2008/2009 5 Laurent Rigal Gourmand & joueur 1. Vue sur la presqu’île et le vieux Lyon depuis la Saône. 2. À gauche, Arlette Hugon, patronne du bouchon Chez Hugon, met la main à la pâte dans la cuisine. 3. Paul Bocuse fait aussi dans le moderne, il a récemment ouvert un restaurant fastfood à la française. 4. On peut assister à un tableau typique des marchés de Lyon avec du vin à côté des légumes et des fruits frais. 5. La basilique de Fourvière, tel un château fort, domine la ville. de la soie au début du 20ème siècle, au temps où Lyon était un haut lieu de l’industrie de la soie. En 1984, les Hugon ont repris le restaurant de la rue Pizay, depuis, chacun opère dans son secteur privilégié. Arlette ne vient jamais se hasarder derrière le comptoir, mais c’est elle qui tient les commandes en cuisine, épaulée par son fils Éric, apprenti attentif, tout comme la jeune commis de cuisine Noli, qui, peutêtre, à son tour, deviendra «mère». On nettoie le gras double, coupe les oignons en dés pour le bœuf bourguignon, décortique la chair des écrevisses avec ardeur. Pendant ce temps, Arlette pèle les pommes de terre, supervise l’ensemble sans perdre des yeux la salle de restaurant. V I N U M décembre/janvier/février 2008/2009 Soirée football à Lyon : la deuxième plus grande ville de France est vide. L’Olympique de Lyon joue contre le Paris Saint-Germain, l’adversaire venu de la capitale. Au restaurant de Laurent Rigal, il n’y a que peu de tables occupées, pourtant, en cuisine, ça tourne à plein régime. Perfectionniste, Laurent Rigal contrôle personnellement chaque assiette. Et gare si une feuille est de travers ou une goutte de sauce pas exactement à la bonne place. Sa minutie s’avère payante. Il y a deux ans que Laurent Rigal a repris L’Alexandrin à son précédent propriétaire et le voilà qui fête sa première étoile Michelin. Pourtant, ce n’est pas si facile dans cette métropole de gourmets où la concurrence est rude. Car Lyon, capitale mondiale de la bonne bouffe, n’est pas seulement le royaume de «Monsieur Paul», le phénoménal Paul Bocuse avec son temple trois étoiles, ses cinq brasseries et son «French Fast Food». Ici, il y a aussi un Christian Têtedoie, un Nicolas Le Bec et des institutions telles que la «Mère Brazier», ainsi qu’une armée de cuisiniers talentueux peu connus mais en devenir. Laurent Rigal, lui, y est parvenu sans World cuisine ou tour de passe-passe à l’azote. Son credo ? Partout où c’est possible, remplacer le sel et le poivre par des épices et prêter une attention particulière aux légumes qui constituent parfois tout un menu de L’Alexandrin. Mais Laurent Rigal n’oublie pas de rendre hommage à la couleur locale en proposant un ou deux plats traditionnels comme les quenelles au brochet sauce à l’écrevisse : «C’est ce que tout le monde attend, les gens du coin comme les touristes. Ces plats-là font partie de notre histoire !» Au menu du jour ? Une assiette de rosette, jésus et saucisson de Lyon en entrée. Mais Arlette propose aussi des paquets de couennes, de la salade de pieds de mouton ou un saladier lyonnais. En plat principal, elle conseille avec conviction de l’andouillette au vin de Mâcon, un gâteau de foie de volailles façon Hugon, c’est-à-dire chaud, sauce béchamel, ou un tablier de sapeur, du gras double de bœuf pané. Lorsqu’elle remarque l’hésitation de convives anglais, elle en rajoute : «Nous avons aussi du coq au vin ou de la tête de veau sauce verte cuite avec sa cervelle et sa langue dans du bon beurre». Sceptiques, les Anglais se décident finalement pour les classiques quenelles de brochet sauce à l’écrevisse. «Une carte des vins ? Henry, tu as entendu ?» Pour toute réponse, Henry pose sur la table un Pot des Côtes, en décochant un clin d’œil complice. Ce beaujolais rouge est servi dans une bouteille de 46 centilitres avec un culot de plusieurs centimètres d’épaisseur. «Elle reste toujours debout, explique Arlette, même quand les gens commencent à tituber.» En guise de fromage, elle propose de la cervelle de canut, un fromage blanc parfumé aux herbes et, en dessert, une tarte aux pralines. «Et ce morceau, là ? Vous n’allez quand même pas me le laisser dans l’assiette !» gronde Arlette avec une sévérité feinte, puis elle rajoute adoucie : «Allez, vous allez y arriver, vous n’avez que la peau sur les os». 95 Flâner Adresses Hôtels Hotel Globe et Cécil 21, rue Gasparin F-69002 Lyon Tél. : +33 (0)4 78 42 58 95 www.globeetcecilhotel.com L’un des meilleurs hôtels trois étoiles dans le quartier Bellecourt. Au 19ème siècle déjà, c’était une bonne adresse. Collège Hôtel 5, place Saint-Paul F-69005 Lyon Tél. : +33 (0)4 72 10 05 05 [email protected] www.college-hotel.com Notre coup de cœur. Hôtel original dans une ancienne école dans la vieille ville. Le décor aux vieux pupitres de bois, tableaux et cartes nous renvoie à l’âge des culottes courtes. Mais le plus beau, c’est la fibre optique aux fenêtres qui, le soir venu, habille la façade de couleurs différentes. Restaurants Restaurant Nicolas Le Bec 14, rue Grolée F-69002 Lyon Tél. : +33 (0)4 78 42 15 00 www.nicolaslebec.com Chez Hugon . Christian Têtedoie 54, quai Pierre-Scize F-69005 Lyon Tél. : +33 (0)4 78 29 40 10 [email protected] www.tetedoie.com Christian Têtedoie figure parmi les valeurs sûres de la cuisine lyonnaise. Avec raffinement et précision, il réinvente des plats classiques. Juste à côté, il dirige une variante bistrot dans le style bouchon lyonnais où il propose aussi des cours de cuisine. Bouchon Lyonnais chez Hugon 12, rue Pizay F-69001 Lyon Tél. : +33 (0)4 78 28 10 94 Un authentique bouchon lyonnais. Pour les plats traditionnels d’Arlette Hugon, tout est fait maison. Grand Café des Négociants 1-2, place Francisque Régaud F-69002 Lyon Tél. : +33 (0)4 78 42 50 05 www.cafe-des-negociants.com Une institution à Lyon, un véritable joyau de la Belle Époque. Idéal pour une pause shopping ou pour boire un verre après le concert. Service assuré presque à toute heure. Divers Nicolas Le Bec Nicolas Le Bec a connu un succès fulgurant. Il vous sert des produits de base régionaux de première qualité, que ce soit la volaille, la viande, ou le poisson. Cuisine et présentation d’une exécution magistrale. L’Alexandrin 83, rue Moncey F-69003 Lyon Tél. : +33 (0)4 72 61 15 69 www.lalexandrin.com Laurent Rigal revisite la cuisine lyonnaise. Savoureux, osé, menu de légumes extravagant, pas vraiment bon marché mais raisonnable. 96 Office de Tourisme Place Bellecour F-69002 Lyon Tél. : +33 (0)4 72 77 69 69 www.lyon-france.com dates importantes Du 27 au 30 novembre Le Marché des Soies www.intersoie.org/marche2008.htm Du 5 au 8 décembre La fête des Lumières Octobre 2009 La Biennale de l’art international Au café, elle nous prévient : «Jeunes gens, attention ! Tout ce qui s’appelle bouchon, n’est pas pour autant bouchon. Les vrais bouchons lyonnais se trouvent tous sur la presqu’île entre le Rhône et la Saône. Les autres, dans le quartier de la vieille ville, sont des bistrots à touristes classiques». Pour l’authenticité et la qualité, il faut se fier au label «Authentique Bouchon Lyonnais». Il y en a à peine plus d’une demi-douzaine dans la ville. Pour la digestion, rien de mieux qu’une promenade. Après avoir fait le tour des rues commerçantes de la presqu’île, vous ne pourrez pas manquer de passer devant l’Opéra. Radicalement modernisé en 1993 par la star des architectes, Jean Nouvel. Pour avoir une vue somptueuse de la ville, il faut gravir la colline Fourvière. Le funiculaire amène les touristes presque jusqu’à la basilique. Une fois en haut, la ville se déroule tel un amphithéâtre, juste à vos pieds. La descente vers le quartier du vieux Lyon, par les roseraies, ressemble à un voyage dans le temps. On se croirait dans l’Italie du 16ème siècle avec les drapiers italiens qui transbordent leurs marchandises. En une petite heure, on peut visiter ce quartier Renaissance, et pourtant passer à côté du plus important. En effet, derrière les lourdes portes de bois, se dissimule l’étrange labyrinthe des Traboules, un réseau médiéval de ruelles et passages étroits qui relie 300 bâtiments. Les vieux quartiers de Lyon sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1989. L’entrepreneur Buti Saeed al-Ghandi a tellement aimé ce labyrinthe historique qu’il a décidé d’en bâtir une reproduction à Dubai. D’ici à 2012, des cafés, des passages et des places conformes aux originaux couvriront une surface de 300 hectares. Mais le Lyon du pays du Levant saura-t-il aussi copier la bonne cuisine lyonnaise ? V I N U M décembre/janvier/février 2008/2009