Le côté noir du viaduc St-Jacques
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Le côté noir du viaduc St-Jacques
MARDI U OCTOBRE 2011 13, Suicides IDÉES REÇUES Incitation Parler du suicide dans les médias peut-il donner des idées ? Pour le docteur Brousse, « évoquer le suicide en général n'est pas incitatif et permet même d'expliquer. En revanche, évoquer le cas d'une personne qui s'est suicidée, ce n'est pas la même chose. Les raisons qui conduisent au suicide sont plurifactorielles, autant de facteurs qui vont permettre une identification ». Une solution dramatique Pourquoi un suicide peut entraîner d'autre suicide ? « le suicide est une solution dramatique à l'absence de solution face à des problèmes complexes. Chez des personnes fragiles, cette solution va s'imposer. L'idée du suicide est comme une gangrène qui envahit tout le cerveau à tel point qu'il n'y a plus d'autres portes de sorties visibles » décrit le docteur Brousse. Mourir « Pourquoi vouiez-vous vous suicider ? » questionne Dominique Ouvert (ARAMIS). « Pour aller mieux ». Une personne suicidaire ne veut pas mourir, elle veut juste que sa souffrance s'arrête. Le corps Le suicide donne la parole au corps pour extérioriser une souffrance que l'on ne parvient plus à dire. C'est pourquoi toute idée de suicide doit être traitée, même si la personne a utilisé un moyen létal inoffensif. Les suicides avaient quasi tous fait des tentatives de suicides avant de parvenir à leur fin. Lâche ou courageux Ni l'un ni l'autre, c'est juste une histoire de souffrance. Dépression Dans 80 % des cas de personnes décédées par suicide, une Dépression a été retrouvée. Addictologie Les personnes suicidaires présentent souvent des addicticns, notamment à l'alcool, qui est un facteur de risque de plus de passage à l'acte. Prévention Jean-Pierre Garcia, SOS Suicide Phénix : « Nous intervenons dans le cadre de la prévention du suicide. Nous avons un rôle d'écoute. Nous ne sommes pas des professionnels, et parfois cela libère la parole, notamment sur tout ce qui concerne la solitude ». DOSSIER CLERMONT-FD • Même si les suicides à partir de lieux en hauteur ne sont pas les plus fréquents Le côté noir du viaduc St-Jacques Combien de candidats au suicide ont fait le grand saut du viaduc Saint-Jacques ? Difficile à dire. Mais les témoignages entretiennent la triste réputation du pont. EN CHIFFRE Auvergne 268 personnes sont décédées par suicide en 2008, dont 207 hommes. En 2008,106 personnes sont mortes sur la route. cédle Bergougnoux [email protected] Puy-de-Dôme 109 décès par suicide, deux par semaine. e dernier suicide du viaduc Saint-Jacques L Surmortalité L'Auvergne compte 16 % de morts par suicide en plus que la moyenne nationale. +19 % dans le Puy-de-Dôme et +27 % dans l'Allier. Mais la tendance est à la baisse. daison, les médicaments et les armes a feu, le saut d'un lieu en hauteur est le quatrième moyen létal le plus utilisé pour attenter à ses jours. Depuis 1967, le pont Saint-Jacques, avec ses 14 mètres de haut par endroits, a ainsi acquis une morbide réputation. Les suicides y seraient de l'ordre d'un à trois par an, les sins de l'ouvrage d'art ont appris à vivre au chevet de la mort. Paroles de riverains. „; « On ne peut pas ,!^ oublier ce bruit sourd, ces râles ». < Le rapport à la mort est si particulier et si violent qu'une fois que l'on a été témoin d'un seul suicide, on ne l'oublie jamais » décrypte Dominique Ouvert, responsable du service prévention suicide à l'association ARAMIS. « Un corps qui chute du viaduc fait vraiment un bruit particulier, un son sourd et puis, ensuite, il y a les râles. Car ces mal- ' heureux ne meurent pas i tout de Suite... ». Hélène a j passé toute son adoles- j cence'sous le viaduc. Elle n'y vit plus mais tout est gravé dans sa mémoire, j plus de quinze ans après. -. i Ontesvolt hésiter sur £ le trottoir ». Chacun des j suicides est ainsi en- j tendu, vu ou su par plu- ! Homme Trois suicides sur quatre concernent les hommes. Tentatives Près de 5.000 tentatives de suicide, en 2008, en Auvergne. (*) Sources CépiDc, de l'Inserm et observatoire régional de la santé Auvergne. sieurs dizaines de personnes. La réputation du pont s'ancre ainsi dans la cité, « incitant encore d'avantage les désespérés à venir faire les cent pas sur le viaduc » décrit le docteur Brousse, responsable des urgences psychiatriques (lire par ailleurs}. « On les voit hésiter sur le trottoir. 1 Des personnes ont dû 3mortdéménager ». Côtoyer la au quotidien est, pour certains, insupportable. « Je me souviens de voisins, raconte Hélène, dont le fils de sept ou huit ans a été suivi par un psychologue à cause des suicides et ils ont fini par déménager ». « Chaque matin, je regarde là, vers ces voitures ». L'une des conseillères au centre d'information et d'orientation ClermontCentre, rue du Pont-SaintJacques, montre un coin du p a r k i n g . « C'est là qu'ils tombent. Un matin, les pompiers étaient là, il y avait le drap ». . leur parler. Alors, ,1s ne sautent Pas " raconte une volslne' ? oublle,r es sulcldes c,ar le P ont ' lm' est tou)ours la' « Je P°"^u°' °" Plus P"1"de se' ne sals / as n entend 15 millions d'euros pour mieux prévenir le suicide Le suicide est la première cause de mortalité chez les 25-34 ans. Un Programme national d'actions a été lancé. Il est doté d'un budget total de 15 millions d'€. Dans un rapport remis, fin septembre, à Jeannette Bougrab, secrétaire d'État à la Jeunesse, le psychiatre Boris Cyrulnik a attiré l'attention sur le suicide des jeunes. En 2009, 37 enfants et préadolescents de 5 à 14 ans se sont donné la mort, selon l'Institut na- tional de la santé et de la recherche médicale (l'Inserm). En Auvergne, entre 2005 et 2007, un garçon de moins de 15 ans s'est donné la mort par suicide, et sept jeunes entre 15 et 24 ans. • Docteur Brousse : « Nous n'avons pas de lieu de prise en charge » Lorsqu'une personne attente à sa vie, les médecins parlent de aise suicidaire. Après une tentative de suicide, c'est un peu comme avant : l'évaluation du risque de nouveau passage à l'acte est primordiale. « Simplement, le fait qu'il y a déjà eu une tentative est une indication de plus » résume le docteur Brousse. Avec Iulie Gesneste, U est responsable des urgences psychiatriques, psycho traumatiques et addictologies du CHU de ClermontFerrand. Soit cinq boxes spécialement dédiés depuis 2005, en plus de la prise en charge pluraliste des urgences, ouverts de « Nous ! "réparer" le corps, la prise en charge psychiatrique reste à améliorer » DOCTEUR BROUSSE Coresponsabie des urgences psychiatriques 8 heures à 16 heures. Ils reçoivent en moyenne une quinzaine de patients par jour, dont plus de 60 % en lien avec une tentative de suicide. « Cette prise en charge est insuffisante. À 16 heures, la personne est orientée vers un autre service ou rentre chez elle. Une surveillance de 72 heures serait plus, efficace, ainsi qu'un suivi long pendant le traitement de la dépression, retrouvée dans 80 % des suicides ». L'équipe d u d o c t e u r Brousse a déposé une dem a n d e en ce s e n s à l'Agence régionale de santé. L'amélioration de la prise en charge des endeuillés est aussi évoquée. « Avoir un proche décédé par suicide est un facteur de passage à l'acte ». Le psychiatre évoque peu les conséquences physiques d'une tentative de suicide : « L'aspect somatique est bien entendu traité en priorité. Et les médecins font un travail remarquable. Quelles que soient les séquelles physiques, la prise en charge psychiatrique s'imposera. Et la médecine doit s'améliorer. La grande majorité des suicidés ont fait au moins une tentative auparavant ». • curiser le pont » s'interroge un riverain du pont. * Je pense que ce serait opportun » plaide le docteur Brousse. « Les études montrent que si l'on met le moyen létal hors de portée, le projet de suicide est reporté, voir annulé ». « Nous avions réfléchi à deux moyens dissuasifs » répond Alain Martinet, le premier adjoint de Clermont-Ferrand. « Les filets de sécurité n'ont pas été retenus car ils auraient été plus dangereux que de ne rien mettre : les jeunes auraient été tentés de sauter dessus pour faire du trampoline... Quant à l'aménagement de protections de sécurité sur les côtés, la solution n'était techniquement pas possible : le viaduc, trop lourd, n'aurait pas supporté cette nouvelle charge ». • EN PARLER Médecin traitant II peut orienter vers un psychiatre. SOS amitié 04.73.37.37.37. SOS suicide Phénix SOS suidde Phénix de 21 à 23 heures au 04.73.29.15.15 (www.sos-suicide-phenix.org). Aramb :, service prévention Urgence Composer le 18 ou rendez-vous oux urgences.