Morte-saison dans les stations balnéaires

Transcription

Morte-saison dans les stations balnéaires
Morte-saison dans les stations balnéaires
Fréquentées chaque été par des millions de touristes, les
stations balnéaires du pourtour méditerranéen se vident une fois la saison
estivale passée. Les commerces ferment les uns après les autres, obligeant
ceux qui habitent ces villes éphémères à modifier leur mode de vie. MarseillanPlage, station balnéaire de l’Hérault ne fait pas exception à la règle.
Rues désertes, magasins fermés, stores baissés, la station
balnéaire de Marseillan-Plage est comme assoupie dans un air frais et iodé.
L’avenue de la Méditerranée, bordée de palmiers, semble avoir été abandonnée.
Seuls quelques retraités se promènent en cette fin décembre. Ils sont souvent
accompagnés de leurs petits-enfants. Les vacances de Noël redonnent un peu de
vie au bord de mer.
Il ne reste plus qu’un seul restaurant ouvert : La Bodega. Cachée
derrière sa pancarte aux couleurs espagnoles, elle est devenue le repère des
habitants. Ici, tout le monde se connaît, tout le monde se retrouve. L’ambiance du
bar-restaurant est bon enfant, conviviale et multi-générationnelle. Ouvert tous les
jours de l’année et jusqu’à tard dans la nuit, il est devenu le centre névralgique de la
station.
Pour les habitants qui ne sont pas natifs de région, l’histoire est
souvent la même. Ils étaient venus travailler deux semaines, deux mois dans la
station et ils ne sont jamais repartis. Tous l’avouent la qualité de vie dans la station,
par son climat et sa tranquillité l’hiver, et les rencontres faites y sont pour beaucoup.
De fin octobre à la mi-avril, la vie se ralentit
Pourtant, vivre dans une station balnéaire hors saison n’est pas
simple. Le premier supermarché se trouve à une dizaine de kilomètres et les
transports en commun sont tout simplement inexistants. Seul Votre Point Chaud,
petite épicerie à l’entrée de Marseillan-Plage, permet de ravitailler les habitants. Mais
le commerce est trop petit pour pouvoir combler tous les besoins. Il dépanne en
proposant notamment du pain frais tous les jours.
Les habitants de la station aimeraient plus d’activités l’hiver et ils
déplorent que la mairie organise les évènements sur Marseillan-Ville (distant d’un
peu moins de 10 kilomètres) au détriment de Marseillan-Plage. Il y a bien le Star
Rock Café, ce bar à l’ambiance Rock & Blues, qui organise chaque week-end des
concerts. Mais il est le seul à essayer de briser l’ennui de la station.
« Marseillan-Plage, ça n’a jamais était aussi mort l’hiver », lâche
Frederick. Installé depuis plus de trente ans sur la commune, cet anglais d’une
soixantaine d’années au visage marqué vient passer une des longues soirées d’hiver
au bar-restaurant La Bodega. La cigarette à la main, il prend le temps de discuter
avec les employés et les habitués de la vie et des tracas du quotidien, s’inquiétant de
voir la vie se ralentir un peu plus chaque hiver sur la station.
Jean-François assis sur la terrasse de La Bodega en compagnie
d’autres habitués avoue que « Marseillan-Plage c’est un peu un cercle vicieux. Il faut
faire venir du monde pour que les magasins ouvrent, ce qui fait venir plus de monde
et qui fait ouvrir plus de magasins ».
En attendant, la solidarité s’organise dans la station. Avant de
partir sur Agde ou Marseillan-Ville, chacun fait attention à ce que personne ne
manque de rien. Les commerces Votre point chaud et La Bodega reconnaissent le
rôle social qu’ils jouent sur la station balnéaire l’hiver en créant des lieux de vie entre
les rues désertes.
« L’été c’est ma bouffée d’oxygène »
Au cabinet du Dr Régine Jaccuci, le seul ouvert sur la station, le roulement
semble s’exécuter parfaitement, un patient entre, l’autre part. Elle travaille sur la
station depuis trente-six ans. Les hivers, où elle signe principalement des
ordonnances, ne la passionnent pas. Elle préfère les étés où le flux de malade ne
s’arrête plus. « L’été, c’est ma bouffée d’oxygène, dit-elle. Les gens n’attendent pas
trois heures pour rien ».
Au détour d’une rue, Betty septuagénaire, qui vit sur la station depuis plus de
quinze ans, vient rompre la solitude d’une allée. Protégée du froid marin sous un
large manteau, la vieille dame regagne son domicile après avoir profité d’une
éclaircie. Elle avoue supporter de moins en moins le calme et la solitude du lieu horssaison. « Les mois d’hiver, c’est l’horreur, il n’y a personne ! » confesse-t-elle. Betty
regrette la période estivale où la station regorge de vie.
Au loin, le bruit d’une scie circulaire vient rompre le silence de la
rue. Au camping Le Beach Club le personnel s’active pour préparer la saison
prochaine signe, que la station balnéaire ne s’endort jamais complètement.
Théo Caubel