Art Paris Art Fair. Grand rendez-vous du printemps

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Art Paris Art Fair. Grand rendez-vous du printemps
PAR STÉPHANIE PERRIS-DELMAS
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RENCONTRE
Art Paris Art Fair. Grand rendez-vous du printemps parisien,
la foire pose sur la création contemporaine un regard plein de fraîcheur,
loin, très loin des sentiers battus. En guest star cette année : la Chine.
I
Feng Zhengjie, Chinese Portrait, 2006.
© Xin Dong Cheng gallery
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l est parfois difficile de se faire une place au
soleil… Ce constat douloureux est celui de
nombreuses foires qui ont fleuri ces dernières
années sur la scène internationale. La concurrence est rude, pour autant, exister sur un marché
où l’offre pléthorique brouille les cartes n’est pas
impossible, comme en témoigne la notoriété d’Art
Paris Art Fair. Créé en 1999, ce rendez-vous parisien a su trouver sa voie. « Aujourd’hui, les foires se
ressemblent toutes et présentent souvent les
mêmes artistes », observe Guillaume Piens.
Commissaire de l’événement depuis 2011, il a
donc joué le rôle de défricheur pour découvrir de
nouveaux talents, lui qui cite volontiers Victor
Segalen : « C’est par la différence et dans le divers
que s’exalte l’existence. » Depuis trois ans, il peaufine avec son équipe l’ADN de sa foire : résolument
européen qui regarde vers l’Est. Et là, comme
ailleurs, une formule bien rodée est gage de
succès. On compte très précisément 53 257 visiteurs ayant fait le déplacement au Grand Palais
pour l’édition 2013, soit 11 % de plus qu’en 2012.
Après la Russie, Art Paris s’intéresse cette année à
la scène chinoise. Le timing est parfait, profitant
des célébrations du cinquantenaire des relations
diplomatiques entre la République de Chine et la
France et leur cohorte de manifestations. Le printemps parisien sera chinois ou ne sera pas !
On pourra par exemple découvrir les œuvres
contemporaines de la collection du musée Cernuschi – celles de Ma Desheng, de Wang Keping, de
Zhou Gang ou de Ru Xiao Fan – dans un accro-
chage étudié à l’occasion de la foire et qui feront
écho aux toiles, photographies et sculptures des
quatre-vingt-dix artistes chinois réunies pour leur
part sous la verrière du Grand Palais. « Cela fait
longtemps qu’un tel ensemble n’a pas été
présenté », note Guillaume Piens, évoquant
l’amitié artistique que cultivent de longue date la
France et la Chine. Nombreux furent les peintres
en quête de modernité à quitter leur pays pour
Paris aux premières heures du XXe siècle. Depuis, le
regard porté sur cette scène asiatique a changé.
« Il est un peu daté », avoue le commissaire, « et on
l’associe trop souvent à des poncifs ; il était important de s’y intéresser à nouveau, de sentir les générations qui montent ». Pour cela, l’équipe a mené
sur place un long travail de prospection, agrégeant de grosses pointures comme de jeunes galeries. Venue de Shanghai, la Red Bridge Gallery
exposera pour la première fois hors de son continent. Elle présentera l’œuvre de Liu Wei, l’une des
stars de la scène nationale, dont les toiles miabstraites mi-figuratives se négocient à hauteur de
10-20 MHKD. Pour le public parisien, elle a choisi
deux œuvres de 2009 qui portent l’empreinte du
travail cézannien (à plus de 100 000 € chacune).
Enseigne importante de Pékin, la Xin Dong Cheng
Gallery apporte avec elle les photographies de
Wang Ningde (à moins de 5 000 €) et l’un des
fameux portraits réalisés par Feng Zhengjie, tandis
que la 10 Chancery Lane Gallery d’Hongkong
présente le travail de Pan Jian, un paysage
nocturne de grand format.
luo Dan, Simple Song no 5,
He Yujuan and Her Son He Shengjie,
laomudeng Village, détail, 2010,
(entre 5 000 et 10 000 €).
© M97 gallery
han Bing, Black Grove :
Urban Amber, détail, 2009
(entre 5 000 et 10 000 €).
© hua gallery
la GaZETTE DROUOT RENCONTRE
NOUVELLE GÉNÉRATION
Que disent finalement ces artistes, nés pour beaucoup dans les années 1960-1970 ? « Cette génération de l’enfant unique, de la culture urbaine, d’Internet, en rupture avec la précédente, donne
volontiers un souffle contemporain aux arts traditionnels », observe Guillaume Piens, qui note par
ailleurs « une expansion de la peinture à l’encre ».
Les artistes de l’Ifa Gallery interrogent ainsi le cadre
chinois en reprenant les techniques anciennes,
comme le fait Jiang Shanqing (né en 1961) dans
des œuvres abstraites aux accents biomorphiques.
Active à Shanghai et Bruxelles, cette enseigne a
choisi à Paris un accrochage en noir et blanc.
Il existe aussi une veine picturale et figurative forte
qui joue sur la notion du corps, de la performance.
On découvrira par exemple sur le stand de la Feizi
Gallery l’œuvre de Qin Ga, qui s’est fait tatouer sur
le dos une carte de la Chine évoquant la Longue
Marche, celles des communistes menée par Mao
d’octobre 1934 à octobre 1935. Parmi les grandes
tendances figure également la photographie,
omniprésente cette année sur la foire ; elle est en
Chine associée à la performance. La Blindspot
Gallery d’Hongkong et la M97 Gallery de Shanghai,
deux enseignes spécialisées, feront le déplacement. La première a notamment réuni les clichés
de Rong Rong, acteur majeur de cette scène en
Chine, dont une photo prise lors de la performance Twelve Square Meters (en 1994), durant
laquelle l’artiste Zhang Huan, nu dans des latrines
de l’East Village chinois, voit son corps recouvert
de miel investi par des insectes (entre 10 000 et
15 000 €). Le médium permet aussi aux artistes
d’enregistrer les mutations d’un pays où tout va
très vite : la désertion du monde rural, la disparition des minorités, les effets de l’urbanisation…
Ainsi Luo Dan, présenté par la M97 Gallery (entre
5 000/10 000 €), crée-t-il une tension entre le sujet
et la forme. En usant de techniques du XIXe siècle
comme le collodion pour photographier le monde
rural, la campagne, les minorités ethniques, ce
diplômé du Sichuan Fine Art Institute exprime une
forme de nostalgie, une certaine mélancolie à voir
un monde disparaître. La photographie devient
ainsi le témoin des bouleversements de la société
chinoise. Révéler, fixer… n’est-ce pas là finalement
le rôle d’une foire ?
•
ÀVOIR
art Paris art Fair, grand Palais, avenue WinstonChurchill, Paris Viiie, www.artparis.com - Du 27
au 30 mars, vernissage le 26 mars, 18 h - 22 h.
Catalogue.
huang yan, Chinese Shan Shui Tattoo no 10, détail, 1996 (entre 15 000 et 20 000 €).
© galerie loFt
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