Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives
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Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives
Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives 1 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives www.rac-f.org Publié le 22 novembre 2012 Rédaction Célia Gautier, RAC-F, Chargée des Politiques européennes, Chargée du volet « atténuation des émissions » dans le suivi des négociations internationales sur le climat [email protected] +33 1 48 58 89 76 +33 6 72 34 00 27 Mise en page Célia Gautier, Marc Mossalgue, RAC-F 2 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Sommaire Abréviations et acronymes Partie 1 Enjeux et contexte La planète parle aux gouvernements Le climat en mal d’ambition Définition du régime climatique international 2012, année charnière Un accord mondial à partir de 2020 ? Présentation de la publication 4 5 5 6 7 8 10 11 Partie 2. Le protocole de Kyoto : Charpente du régime climatique actuel 13 Le protocole de Kyoto : Quèsaco ? 13 Les grands acquis du protocole de Kyoto 14 L’approche réglementaire descendante et les objectifs quantifiés pour 2012 14 Le caractère juridiquement contraignant 16 La différentiation claire entre pays développés et pays en développement 17 Les mécanismes de flexibilité du Protocole 18 Un système de transparence 18 Des objectifs chiffrés pour 2012, et ensuite ? 20 La 2e période du protocole de Kyoto : une transition entre deux régimes climatiques (2012-2020) 21 Les pays ont-ils respecté leurs engagements de réduction d’émissions sous Kyoto ? 22 Le Protocole à l’origine de politiques publiques climat-énergie 25 Partie 3. Vers un nouveau régime climatique Un bilan GES mitigé… Le problème de l’excédent de quotas d’émission Un défaut de niveau de participation La réalité de la contrainte juridique sous Kyoto Un partage des émissions pas si « top down » que ça Un mode de différenciation des pays devenu anachronique Transparence : une comptabilisation partielle des émissions mondiales Les éléments du futur régime climatique international La question cruciale de la contrainte juridique dans le futur régime climatique - Revue bibliographique Les discussions entre pays sur la forme juridique de l’accord 2020 Une participation large des pays Une différenciation plus subtile et plus équitable entre les pays Privilégier une approche réglementaire (vraiment) descendante Se questionner sur le caractère dynamique du futur régime climatique Comptabiliser nos émissions liées à la consommation 31 31 33 33 34 35 36 37 41 Conclusion 51 41 44 46 46 48 49 50 3 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Abréviations et acronymes AME AWG-KP AWG-LCA CCNUCC CO2 COP EU ETS GES Giec LULUCF MDP Moc OMC ONG Onu PIB Pnue UE Accords multilatéraux sur l’environnement Groupe de travail spécial sur les engagements des pays sous le protocole de Kyoto Groupe de travail spécial sur l’action concertée à long terme sous la Convention Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques Dioxyde de carbone Conférence des Parties (« Conference of the Parties ») Système européen d’échange de quotas d’émissions de CO2 Gaz à effet de serre Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat Usage des sols, changement d’usage des sols et foresterie (« Land Use, Land Use Change and Forestry ») Mécanisme de développement propre Mise en œuvre conjointe Organisation mondiale du commerce Organisations non gouvernementales Organisation des Nations unies Produit intérieur brut Programme des Nations unies sur l’environnement Union européenne 4 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Partie 1. Enjeux et contexte Cette partie introductive effectue un panorama des enjeux alors que l’année 2012 se termine et que la Conférence annuelle des Nations unies sur le climat s’ouvre au Qatar (26 novembre-8 décembre 2012). La planète parle aux gouvernements La Conférence de Doha sur le changement climatique, ou 18e Conférence des Parties (COP) à la Convention cadre des Nations unies sur le climat (CCNUCC, également appelée « Convention Climat »), intervient au terme d’une année particulièrement chaotique pour le climat. Une année émaillée de désastres climatiques et de catastrophes naturelles. Les pays développés ne sont pas épargnés. Entre 1980 et 2011, les dégâts causés en Amérique du Nord par des aléas climatiques extrêmes et des catastrophes naturelles ont été évalués à 1600 milliards de dollars entre 1980 et 20111. Ils se sont multipliés par cinq sur la période. Les Etats-Unis, deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre (GES) et acteur très Munich Re, « Severe Weather in North America », 17 octobre 2012 : http://www.munichre.com/en/media_relations/pres s_releases/2012/2012_10_17_press_release.aspx 1 bloquant des négociations internationales sur le climat, ont particulièrement souffert. A l’été 2012, la plus grave sécheresse depuis plus d’un demi-siècle a frappé près de 40% de la zone continentale du pays, détruisant 88% de la récolte nationale de maïs. Des incendies de forêt, liés à cette sécheresse, ont ravagé le Colorado. Les conséquences de cet événement climatique extrême intervenu aux Etats-Unis ont été mondiales : les cours internationaux des denrées alimentaires ont flambé, notamment pour les produits de première nécessité comme le blé, le maïs ou le manioc, menaçant la sécurité alimentaire de centaines de milliers de personnes. Toujours à l’été 2012, la calotte glaciaire a connu sa plus forte fonte depuis le début des relevés exacts, soit 1958. Et en fin d’année, tel un symbole, c’est la côte Est des EtatsUnis et New York qui ont été frappées par l’ouragan Sandy. Cette méga-tempête a causé des centaines de morts dans plusieurs pays (notamment en Haïti) et plusieurs milliards de 5 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives dollars de dégâts. Les scientifiques estiment que la force de l’ouragan a été amplifiée de 5 à 10% par les effets du changement climatique. De fait, la planète ne cesse de nous alerter depuis plusieurs années sur le dérèglement du climat qui s’accélère. En juin 2010, la Russie a été frappée par une vague de chaleur torride, qui a causé d’immenses incendies de forêt, tué des dizaines de milliers de personnes et détruit 40% de la récolte de blé nationale. Cela a contribué à une augmentation prix alimentaires mondiaux. La même année, des inondations record au Pakistan ont causé le décès de près de 2 000 personnes, 9,5 milliards de dollars de pertes, avec des conséquences sanitaires, économiques et sociales pour 20 millions d’habitants. Ces inondations constituent la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire du pays. En 2010 et 2011, de très fortes pluies ont également provoqué des inondations et des glissements de terrain en Colombie, tuant plus de 600 personnes et causant près de 7 milliards de dollars de dégâts. C’est aussi la plus grande catastrophe naturelle de l'histoire du pays. L’Australie aussi a été frappée par de graves inondations en 2010 et 2011 qui ont coûté 30 milliards de dollars au pays, soit également la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire du pays. Dernier exemple alarmant, qui montre le risque des effets de seuils lorsque le climat se dérègle : en 2010, la forêt amazonienne, principal puits de carbone de la planète, a subi la deuxième « sécheresse du siècle » en cinq ans. Cette sécheresse a provoqué le rejet de 5 milliards de tonnes d’équivalent CO2 (nettes) dans l’atmosphère, ce qui représente environ un cinquième des émissions mondiales de CO2 produites cette année-là par la combustion des énergies fossiles ! On ne sait pas avec certitude si tel ouragan ou telle tempête a un rapport direct avec le changement climatique. Mais les scientifiques sont formels : les évènements climatiques extrêmes deviendront de plus en plus violents, de plus en plus variables et de plus en plus fréquents sous l’effet du changement climatique. Nous ne pouvons attendre pour agir, au risque de provoquer des conséquences désastreuses. Un monde avec un climat réchauffé de +6°C en moyenne serait radicalement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Le climat en mal d ambition Malgré cette réalité de plus en plus concrète du changement climatique, la communauté internationale ne semble pas acter l’urgence d’agir. Trop nombreux sont les pays qui ralentissent les négociations internationales sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (Onu) ou au sein de l’Union européenne (UE). En l’état actuel des négociations et des engagements volontaires ou contraignant des pays, notre climat a emprunté une trajectoire de réchauffement de 3 à 6°C. A ce rythme, les besoins financiers liés à l’adaptation aux impacts du changement climatique, mais aussi à transition énergétique, augmenteront rapidement. Ils se compteront en millions de milliards à l’horizon 2050. Les gouvernements réunis à Doha pour la conférence internationale annuelle sur le climat ne peuvent plus échapper à leurs responsabilités. L’espace atmosphérique n’est plus suffisamment extensible pour que les gouvernements s’autorisent encore à repousser éternellement l’action. 6 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Figure 1 - Trajectoire des températures en fonction des émissions mondiales de GES (hausse de température « probablement » évitée). La barre en 2020 indique les niveaux d’émissions prévus en fonction des hypothèses et conditions associées aux engagements actuels. Les pointillés représentent la trajectoire médiane pour chaque niveau de température. Source : Pnue, 2011, 2012. Définition du régime climatique international La réalité de la répartition des émissions au niveau mondial appelle à une coopération internationale afin de lutter contre le changement climatique. Même si 15 à 20 pays sont responsables d’environ 75% des émissions mondiales, il n’y a pas un seul pays qui représente à lui seul plus d’un quart des émissions totales du globe. Les efforts visant à réduire nos émissions de GES doivent donc être mondiaux. Sans coopération ni coordination internationales, certains Etats pourraient se conduire en « passagers clandestins » et réduire l’impact des efforts menés par d’autres pays. De même tous les pays devront s’adapter aux impacts du changement climatique. Le fait que cette concertation ait lieu sous l’égide de l’Onu garantit que tous les Etats aient une voix, même les plus vulnérable. Par « régime climatique », nous entendons, au sens large, l’ensemble des institutions et des acteurs internationaux, régionaux, nationaux et infranationaux impliqués dans la lutte contre le changement climatique. Au sens strict, il s’agit des institutions créées dans le cadre des Nations unies, et de leurs articulations avec d’autres instances : § § § La Convention Climat, adoptée à Rio de Janeiro en 1992 ; Le protocole de Kyoto, adopté en 1997 et entré en vigueur huit ans plus tard ; Les décisions prises chaque année par les pays sous l’égide de ces deux instruments de l’Onu. 7 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Encadré 1 – Les principales dates des négociations internationales sur le changement climatique 1992 1997 1997-2005 2005 2005 2007 2008 2009 2010 2011 Signature de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro Adoption du protocole de Kyoto Processus de ratification par les signataires du Protocole Entrée en vigueur du protocole de Kyoto Conférence de Montréal lançant les négociations sur une deuxième période d’engagement sous le protocole de Kyoto (après 2012) Plan d’action de Bali pour aboutir en 2009 à un accord mondial qui prendrait la suite du Protocole (après 2012) Entrée en vigueur de la première période d’engagement sous le protocole de Kyoto, d’une durée de cinq ans (2008-2012) Echec de la Conférence de Copenhague, signature d’une déclaration politique en dehors du système des Nations unies (l’Accord de Copenhague) Conférence de Cancun qui inscrit les acquis de l’Accord de Copenhague dans le système onusien Conférence de Durban qui lance un nouveau processus de négociation, d’ici 2015 et dans le cadre de la « Plateforme de Durban », d’un nouvel accord mondial qui doit entrer en vigueur au plus tard en 2020 ère 2012 Fin de la 1 2013 2013 2015 2015-2020 2020 Année présumée du début de la 2 période d’engagement sous le protocole de Kyoto COP19 en Pologne ? Année présumée de la signature de l’accord mondial (COP21 en France ?) Période de ratification de l’accord mondial par les Etats Echéance pour l’entrée en vigueur de l’accord mondial période d’engagement sous le protocole de Kyoto e 2012, année charnière 2012 est une année importante pour l’action internationale contre le changement climatique. Elle marque la fin de la première période de mise en œuvre du protocole de Kyoto (2005-2012), seul accord international sur le climat qui soit juridiquement contraignant. Les pays Parties à la Convention et Protocole se réunissent depuis nombreuses années pour négocier sur suite du protocole de Kyoto, après le décembre 2012 : § soit un nouvel accord qui regrouperait tous les pays, y compris au de la 31 les Etats-Unis, et remplacerait le protocole de Kyoto ; § soit une suite pour le protocole de Kyoto, à travers une nouvelle période d’engagement et de nouveaux objectifs chiffrés pour chaque pays. Gros bémol : les Etats-Unis, qui ont annoncé clairement qu’ils ne ratifieraient jamais le Protocole, n’en feront pas partie. Le Protocole prévoit l’éventualité d’autres périodes d’engagement après la première (20082012). La Conférence de Montréal, en 2005, a lancé le début des négociations sur une deuxième période 8 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives d’engagement après 2012. L’instauration d’une nouvelle période du protocole de Kyoto suppose l’adoption d’un amendement au protocole, notamment à son Annexe B qui contient les objectifs de réduction d’émissions de chaque pays. Sans ratification d’un amendement, le protocole de Kyoto continuera d’exister mais n’imposera plus aucune obligation aux Etats. Ce sera une coquille vide, en somme ; § soit un nouvel accord qui serait mis en œuvre en parallèle d’une nouvelle période d’engagement sous le protocole de Kyoto. Depuis 2007, la négociation internationale s’est entièrement organisée sur la préparation d’un nouveau régime climatique à partir de 2013. Lors de la COP de Bali, en 2007, les pays se sont mis d’accord sur un Plan d’action instaurant deux groupes de négociation opérant en parallèle : § un groupe de travail sous l’égide du protocole de Kyoto (AWG-KP), qui continue de négocier sur la mise en œuvre du protocole de Kyoto et de futurs objectifs chiffrés et règles sous le Protocole, laissant ainsi ouverte la possibilité d’une deuxième période d’engagement ; § un groupe de travail sur l’action concertée à long terme (AWGLCA), qui devait négocier un accord mondial regroupant tous les pays, y compris les Etats-Unis, dans un effort concerté de lutte contre le changement climatique. La Conférence de Copenhague de 2009 devait être l’aboutissement de ces négociations internationales empruntant deux processus parallèles. Cependant, elle n’a débouché sur aucun accord ambitieux, contraignant et équitable pour lutter collectivement contre le changement climatique. A la suite de l’échec de Copenhague, les années 2010 et 2011 ont été consacrées à reconstruire la confiance fortement ébranlée dans les négociations internationales, et à marquer quelques avancées techniques, dont la création d’un Fonds vert pour aider les pays en développement à mettre en place des actions de lutte contre le changement climatique. Pendant ces deux années, les approches flexibles et volontaires ont pris de l’ampleur, remettant en cause l’action internationale contre le réchauffement de la planète. Si les pays parviennent à se mettre d’accord, à Doha, sur les modalités d’application d’une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto, alors celle-ci constituera la base d’un régime climatique transitoire, avant l’entrée en vigueur d’un accord mondial en 2020. Le protocole de Kyoto ne suffit plus à lutter efficacement contre le changement climatique puisqu’il n’impose aucune réduction aux principaux pays émetteurs de GES (Etats-Unis, Chine, Inde etc.). C’est néanmoins un élément essentiel pour préserver un cadre juridiquement contraignant et des règles communes au niveau international. 2012, c’est aussi l’année où l’on évalue les efforts de réduction d’émissions réalisés entre 2008 et 2012 par les pays développés dans le cadre du protocole de Kyoto. Vontils respecter ces engagements, alors que la première période de mise en œuvre du Protocole se termine ? 9 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Conférence de Durban, décembre 2011 © UNFCCC, Flickr Un accord mondial à partir de 2020 ? Fin 2011, les Accords de Durban ont mis fin à l’éventualité d’un accord mondial en 2012. Ils repoussent l’entrée en vigueur d’un tel accord à 2020 et lancent pour cela un nouveau processus de négociation L’objectif est de réussir avant 2015 là où les pays ont échoué en 2009, à Copenhague. En attendant ce nouvel accord, une poignée de pays, Union européenne en tête, a décidé à Durban de poursuivre leur engagement dans le cadre du protocole de Kyoto. Le régime climatique actuel continuera donc de s’appliquer de manière transitoire. Les Accords de Durban comportent néanmoins un élément nouveau par rapport au processus de négociations qui a précédé l’échec de Copenhague. Ils décident qu’à partir de 2020, tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, participeront à l’effort mondial de lutte contre le changement climatique et prendront des engagements de réduction d’émissions « ayant force légale » (un terme flou qui reste à définir), dans le cadre d’un accord mondial. 10 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Les Accords de Durban créent aussi un espace de négociations internationales dédié à l’accélération des efforts des pays avant 2020. En effet, les pays, particulièrement développés, ne peuvent attendre l’entrée en vigueur d’un nouvel accord mondial en 2020 pour accroître leurs efforts de lutte contre le changement climatique. D’après les organisations non gouvernementales (ONG), qui se basent sur les travaux scientifiques du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) et du Programme des Nations unies sur l’environnement (Pnue), il faudrait que le niveau des émissions mondiales culminent en 2015 pour avoir une chance de maintenir le réchauffement climatique bien en deçà de 2°C. Si les Etats n’accélèrent pas leurs efforts dès aujourd’hui, il sera trop tard en 2020 pour éviter un emballement climatique catastrophique. En résumé, les gouvernements de la planète auront une triple responsabilité à Doha : § mener à bien les négociations sur l’application immédiate d’une seconde période d’engagement du protocole de Kyoto ; § enclencher les discussions sur un accord mondial équitable, ambitieux et juridiquement contraignant en 2015, en établissant pour cela un calendrier clair avec des échéances chaque année et jusqu’en 2015 ; § montrer par des décisions concrètes et applicables avant 2020 qu’ils on véritablement l’intention d’accroître leur niveau d’efforts à court terme, sans attendre le nouvel accord international. Ces décisions internationales sont essentielles pour l’avenir de notre planète. Doha n’est certainement pas une « conférence pour rien », détachée de tout enjeu réel. Présentation de la publication L’analyse proposée par le Réseau Action Climat-France (RAC-F) dans la présente publication s’inscrit dans ce contexte de transition du régime climatique de « l’avant 2012 », au régime climatique de « l’après 2020 ». Nous dessinons des voies, parfois existantes, parfois à construire, pour élaborer un régime climatique à la hauteur du défi climatique. Toutefois, ce document ne se veut pas exhaustif. L’efficacité et l’équité sont deux aspects essentiels du futur régime international, qu’il faudra à tout prix améliorer et garantir. Elles reposent sur un certain nombre de critères auxquels le futur régime climatique devra répondre : 1. le niveau de contrainte juridique, notamment les mécanismes de respect des engagements ; 2. l’approche règlementaire (descendante ou ascendante) 11 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives 3. la répartition de l’effort entre les pays (en lien avec l’approche règlementaire) ; 4. le niveau de participation des pays ; 5. le niveau d’ambition des pays ; 6. la transparence, c’est-à-dire le suivi et la vérification des actions réalisées par les Etats 7. l’articulation et la coordination avec d’autres instances de gouvernance internationale. Dans un premier temps, ce document s’efforce de retracer l’historique et les acquis du protocole de Kyoto, fondation du régime climatique actuel. Le rapport effectue un bilan des actions réalisées par les pays pendant la première période du Protocole. Il détaille les éléments du régime climatique actuel qu’il s’agit de préserver. Puis le document analyse les faiblesses du régime actuel, ancré dans le système Kyoto. Il s’attache à proposer des améliorations possibles pour le futur régime climatique de l’après 2020, en partant de l’existant. 12 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Partie 2. Le protocole de Kyoto : Charpente du régime climatique actuel Le protocole de Kyoto a posé le cadre de la coopération internationale contre le changement climatique de 2005 à 2012, date à laquelle la première période d’engagement des pays au titre de ce protocole prend fin. Cette deuxième partie explique ce qu’est protocole de Kyoto, notamment son rôle par rapport à la Convention Climat. Elle détaille en quoi le Protocole a été considéré comme un traité international innovant et dresse un bilan des réductions d’émissions réalisées par les pays qui avaient souscrit, entre 2008 et 2012, à des engagements « Kyoto ». Ont-ils respecté leurs objectifs, alors que l’échéance est imminente ? Le protocole de Kyoto : Quèsaco ? Le protocole de Kyoto est un accord international qui vise à approfondir et à mettre en œuvre la Convention Climat. La Convention a été adoptée à Rio de Janeiro en 1992. Elle constitue le socle de la coopération internationale sur le climat. A ce jour, 194 pays l’ont ratifiée (dont les Etats-Unis). Elle reconnaît la responsabilité des pays industrialisés dans l’augmentation des émissions de GES, à l’origine du changement climatique. Elle reconnaît également le droit des pays les plus pauvres, qui ont peu émis de GES, à se développer. Elle exige des pays industrialisés qu’ils adoptent des politiques de réduction drastique de leurs émissions et appelle aussi les pays du Sud à limiter les leurs. 13 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives La Convention Climat fixe un objectif très général de stabilisation des émissions au niveau mondial, afin d’éviter toute perturbation dangereuse du système climatique de la planète. Mais elle ne donne pas plus de détail ou de précisions sur comment atteindre cet objectif. C’est pour cela que c’est une convention dite « cadre ». Le protocole de Kyoto a été adopté par les pays de la planète pour préciser les modalités de mise en œuvre de la Convention climat, renforcer les règles et le cadre d’action des pays contre le changement climatique. Il a été adopté par consensus en 1997 mais n’est entré en vigueur que huit ans plus tard, le 16 février 2005, à l’issue de longues années de négociations et après ratification par la Russie. En effet, les conditions de son entrée en vigueur étaient sévères. Comme tout traité international, il devait être ratifié par les parlements nationaux : § § Au moins 55 pays devaient le ratifier ; Ces pays devaient représenter au moins 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre de 1990. Le Protocole a été ratifié par 191 pays à ce jour. Son rôle a été très affaibli par le refus du Congrès des Etats-Unis de ratifier ce traité, malgré la signature initiale de ce pays. Les Etats-Unis représentent un quart des émissions mondiales. Le protocole couvre six GES émis par l’homme (le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote, les gaz HFC, les PFC et le SF6). Ils sont tous comptabilisés en tonnes d’équivalent CO2 (téqCO2), afin de pouvoir les comparer. Le Protocole couvre également les secteurs suivants : énergie, processus industriels, solvants et autres utilisations de produits, agricultures et déchets. Pour les autres secteurs (le transport international, par exemple) ou pour les autres gaz (le tri-fluorure d’azote – NF3), aucune contrainte internationale ne s’impose. Les gaz et les secteurs couverts par le protocole de Kyoto sont précisés dans l’Annexe A du traité. Les grands acquis du protocole de Kyoto En précisant les modalités de mise en œuvre de la Convention de l’ONU sur le climat, le protocole de Kyoto a posé les bases de l’action internationale en matière de lutte contre le changement climatique. L approche réglementaire descendante et les objectifs quantifiés pour 2012 Le protocole de Kyoto correspond, du moins en théorie, à une approche règlementaire descendante : d’abord un objectif mondial, qui est décliné en objectifs nationaux, dont le respect est contrôlé au niveau international. Alors que la Convention Climat ne fixe aucun objectif quantifié de réduction des émissions de GES au niveau mondial, le Protocole a établi un objectif précis et collectif pour les 35 pays industrialisés y ayant souscrit dans sa première période d’application (2008-2012) : une réduction de 5,2% des émissions de ces pays, à réaliser entre 2008 et 2012, par 14 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives rapport au niveau d’émissions de 1990. Cet objectif a ensuite été décliné en objectif chiffré pour chaque État ou groupe de pays (voir Encadré 2). Pour respecter leurs engagements, les pays de l’Annexe I doivent mettre en place des plans nationaux de réduction de leurs émissions de GES dans les secteurs principalement responsables du changement climatique : bâtiment, transports, agriculture, foresterie, énergie et déchets. Encadré 2 – Les engagements quantifiés souscrits par les pays industrialisés au titre de la première période du protocole de Kyoto (20082012) - Une réduction de 8% pour l’Union européenne des 15 par rapport à 1990 Autriche : -13% (réduction) Belgique : -7,5 % (réduction Danemark : -21%(réduction) Finlande : 0% (stabilisation) France : 0% (stabilisation) Allemagne : -21% Grèce : +25% (limitation de l’augmentation des émissions) Irlande : +13% (limitation de l’augmentation des émissions) Italie : -6,5% (réduction) - Une - Une - Une - Une - Une - Une Luxembourg : -28% (réduction) Pays-Bas : -6% (réduction) Portugal : +27% (limitation de l’augmentation des émissions) Espagne : +15% (limitation de l’augmentation des émissions) Suède : +4% (limitation de l’augmentation des émissions) Suisse : -8% (réduction) Royaume-Uni : -12,5% réduction de 7% pour les Etats-Unis (qui n’ont jamais ratifié et appliqué le protocole) ; réduction de 6% pour le Canada, le Japon, la Pologne, la Hongrie ; stabilisation des émissions de la Russie, de la Nouvelle-Zélande, de l’Ukraine ; augmentation de 8% des émissions de l’Australie ; augmentation de 1% des émissions de la Norvège ; augmentation de 10% des émissions de l’Islande. 15 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Figure 2 – Objectifs souscrits par les Etats européens et leurs partenaires dans le cadre du protocole de Kyoto (2008-2012) Source : Agence européenne de l’environnement, 2012 UE-15 Allemagne Royaume-Uni Italie Danemark Pays-Bas Belgique Autriche Luxembourg Finlande France Suède Irlande Portugal Grèce Espagne UE-12 Pologne Roumanie Rép. Tchèque Bulgarie Hongrie Slovaquie Lituanie Estonie Lettonie Slovénie Chypre (N/A) Malte (N/A) Autres pays Suisse Croatie Liechtenstein Islande Norvège Turquie (N/A) ` Le caractère juridiquement contraignant applicable aux pays qui l’ont ratifié et qui ne respectent pas leurs obligations. Le protocole de Kyoto est le seul accord international sur le climat dit « juridiquement contraignant ». Cela signifie qu’il comporte un mécanisme d’incitation puis de sanction Ce mécanisme, appelé « Comité d’observance », a été mis en place en novembre 2005 et a été présenté comme étant le plus solide jamais adopté dans le cadre d’un 16 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives accord multilatéral sur l’environnement. Il fonctionne sur le principe de la « carotte et du bâton », avec deux branches distinctes : § § un organe de facilitation, qui fournit avis et assistance aux pays afin de les aider à respecter leurs obligations et de prévenir les défauts de conformité. Il sonne l’alerte lorsqu’un pays commence met en danger le respect de ses engagements. un organe d’exécution, plus coercitif, qui peut prendre des mesures de rétorsion contre les pays. Il décide de la nature des enfreintes aux obligations et aux règles établies sous le Protocole : elles peuvent être en lien avec les objectifs de réduction d’émissions, ou bien avec les exigences méthodologiques et de reporting, ou encore avec la participation des pays aux mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto. En fonction du type d’enfreinte, l’organe d’exécution peut exiger des pays qu’ils mettent en place certaines actions. Dans le cas d’un non-respect des objectifs de réduction d’émissions sur son territoire, un pays de l’Annexe 1 aurait cent jours après la revue de ses inventaires d’émissions nationaux pour acheter des crédits internationaux. S’il n’achète pas ces crédits, il devra alors rattraper, pendant la période suivante, l’écart entre son objectif initial et les réductions d’émissions effectivement réalisées majoré de 30%. En d’autres termes, pour chaque tonne de CO2 qu’un pays ne parvient pas à réduire, il lui faudra réduire 1,3 tonne pendant la période suivante. Le comité d’exécution peut également suspendre le droit d’un pays de vendre des permis d’émissions ou bien l’obliger à mettre en place un plan lui permettant de respecter son engagement. La différentiation claire entre pays développés et pays en développement La Convention Climat et le protocole de Kyoto ont établi une différenciation nette entre pays développés (pays dit « de l’Annexe I ») et pays en développement (dits « non Annexe I »), conformément au principe de Responsabilités communes mais différenciées et capacités respectives (RCDCR) de la Convention Climat. Dans le régime actuel, seuls les pays développés ont souscrit (et souscriront, dans le cadre d’une éventuelle deuxième période d’engagement) à des engagements de réduction de leurs émissions. Le Protocole établit des objectifs quantifiés pour les pays industrialisés qui l’ont ratifié (inscrits à l’Annexe B). Par cette différenciation, les pays industrialisés ont reconnu leur responsabilité première dans le réchauffement du climat. Dans le jargon des négociations internationales, on dit que la Convention Climat et le protocole de Kyoto établissent un « pare-feu » entre pays développés et pays en développement. Mais quid des pays développés qui n’ont jamais ratifiés le protocole de Kyoto, c’est-àdire les Etats-Unis, le plus gros pollueur de la planète (par habitant) ? Ce sont des décisions postérieures à l’adoption du protocole de Kyoto, prises par la Conférence des Parties à la Convention Climat, qui s’appliquent. Ces pays aussi 17 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives doivent soumettre des engagements internationaux de réduction de leurs émissions, qui d’après le Plan d’Action de Bali (2007), doivent être comparables à ceux des pays agissant sous Kyoto. Cependant, les décisions sous la Convention Climat n’ont pas une valeur juridique contraignante, alors ces engagements s’imposent moins aux Etats que ceux pris sous protocole de Kyoto. Les pays en développement ne sont soumis à aucun engagement chiffré et contraignant au titre du Protocole. Ce dernier entend, au contraire, favoriser leur développement et prévoit des ressources spécifiques pour leur permettre de s’adapter aux impacts du changement climatique. En particulier, un Fonds pour l’adaptation, rattaché au protocole de Kyoto, a été lancé en 2007. Il est alimenté par un prélèvement automatique sur les transactions de crédits d’émissions internationaux (MDP). En dehors du Protocole, la Convention demandent aux pays en développement de soumettre des actions volontaires de réduction de leurs émissions. Certaines sont entièrement volontaires et non contrôlées au niveau international : ce sont celles que les pays en développement financent euxmêmes. Celles qui sont ou seront rendues possibles grâce à un soutien technique et financier des pays développés devront être rapportées à la Convention Climat. Dans un monde qui a beaucoup changé depuis l’adoption la Convention Climat et du Protocole, le devenir de ce pare-feu est l’un des points d’achoppement dans les discussions internationales depuis Durban. Les mécanismes de flexibilité du Protocole Le protocole de Kyoto instaure trois mécanismes de flexibilité pour aider les Etats qui s’engagent à réduire le coût de leurs actions de lutte contre le changement climatique : § Un marché international de permis d’émissions que les Etats peuvent se vendre. Il est opérationnel depuis 2008 ; § Le Mécanisme de développement propre (MDP) : ce mécanisme permet à un pays industrialisé de financer des projets de réduction d’émissions dans un pays en développement et de recevoir en contrepartie des permis d’émissions qu’il pourra utiliser pour respecter son engagement ; § La Mise en œuvre conjointe (Moc) : c’est un mécanisme dont le fonctionnement est similaire au MDP, mais qui s’applique aux pays en transition (pays de l’ancien bloc soviétique). Un système de transparence L’efficacité du protocole de Kyoto en termes d’émissions de GES – du moins dans les pays qui y ont souscrit – réside à la fois dans le respect des engagements nationaux, des règles du Protocole et dans la fiabilité des données fournies par les pays sur leurs émissions et leurs transactions de crédits « Kyoto ». 18 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Les Accords de Marrakech, adoptés en décembre 2005, ont reconnu cet enjeu essentiel pour l’efficacité du Protocole. Ils ont fixé un ensemble de procédures de suivi et de reporting visant au bon respect des règles du protocole de Kyoto, à la transparence internationale, et à la bonne comptabilisation des émissions des pays. Cette transparence est particulièrement importante pour garantir une certaine cohérence dans le cadre des mécanismes de flexibilité du Protocole, et pour effectuer un suivi des émissions liées à l’usage des sols qui sont complexes à mesurer. Le suivi des émissions sous le Protocole repose sur des procédures communes de suivi établies initialement sous la Convention climat. Néanmoins, le Protocole améliore ces règles, grâce à l’expérience accumulée entre 1992 (date d’adoption de la Convention) et 2005 (date d’entrée en vigueur du Protocole). Il crée aussi des procédures spécifiques visant à effectuer un suivi transparent des transactions de quotas d’émissions effectuées grâce aux mécanismes de flexibilité : entre les Etats membres, et les transactions de crédits internationaux issus du MDP et de la MOC. Le Protocole prévoit aussi des procédures pour le suivi des crédits issus des activités de séquestration d’émissions dans le secteur de l’usage des sols. Le Protocole établit en outre des règles précises de reporting que les pays de l’Annexe I doivent respecter, ainsi que des règles pour la revue des informations que les pays fournissent. Il établit des méthodologies pour la construction des inventaires nationaux d’émissions de GES. Ces inventaires nationaux ainsi que des communications nationales doivent être soumis par les pays à intervalles réguliers (article 7). Le Protocole exige des pays développés qu’ils aient mis en place un système national d’évaluation des émissions de GES par source et des GES séquestrés (article 5). Enfin, il prévoit que les inventaires nationaux de GES et les communications nationales soient revues par des équipes d’experts. Concernant les mécanismes de flexibilité, le Secrétariat de la Convention Climat est en charge de gérer le Registre du MDP sous le contrôle du Comité exécutif du MDP. Ce dernier émet des crédits MDP et les distribue aux registres nationaux. Le Secrétariat de la Convention vérifie en temps réel que chaque transaction de crédits effectuée dans le cadre du MDP est conforme aux règles du protocole de Kyoto. Le système de transparence établi sous le Protocole de Kyoto a contribué à la définition de mécanismes de transparence aux niveaux national ou régional. Par exemple, dans la législation européenne, les quotas d’émissions échangés dans le cadre du Système européen de permis négociables (EU ETS) sont conçus comme des unités Kyoto spécifiques, qui sont éligibles à des échanges sur l’EU ETS. Toutes les transactions enregistrées sur l’EU ETS le sont aussi dans le cadre du protocole de Kyoto. Toutefois, l’UE possède aussi son propre système de traçage et de vérification des transactions de quotas, car certaines règles européennes diffèrent de celles du Protocole (plus strictes). Le système de vérification européen et le système Kyoto opèrent un dialogue pour assurer une cohérence. 19 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Des objectifs chiffrés pour 2012, et ensuite ? L’existence d’une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto au 1er janvier 2013 n’est pas tout à fait acquise. Des règles et des modalités restent à préciser à Doha, notamment : § Les Parties au Protocole qui, à Durban, ont accepté de s’engager dans le cadre d’une deuxième période du protocole de Kyoto sont essentiellement les Etats membres de l’Union européenne, avec leurs partenaires traditionnels que sont la Suisse, la Norvège, etc. A quelques jours de la Conférence de Doha, l’Australie a également annoncé sa participation à la deuxième période d’engagement, cependant elle fixe des conditions : un objectif chiffré peu ambitieux (5% de réduction d’ici 2020 comme objectif minimum), une durée de 8 ans, un report de l’excédent de quotas accumulés par les pays et non utilisés pendant la première période d’engagement sous le Protocole. D’autres pays ont annoncé d’emblée qu’ils ne participeraient pas à cette deuxième période d’engagement, en particulier le Japon. Quant au Canada, il a pris la décision radicale de quitter le navire Kyoto à la fin de l’année 2011 (voir Encadré 2), fragilisant davantage le régime climatique. Il n’est plus membre du Protocole. Enfin, certains pays n’ont pas encore pris de décision définitive et doivent le faire d’ici la fin de la COP18 à Doha (notamment la Nouvelle-Zélande, la Russie et l’Ukraine). Il est cependant peu probable qu’ils rejoignent la deuxième période du Protocole2. Ce qui, dans le cas de la Russie et de l’Ukraine, n’est pas nécessairement une mauvaise chose, compte tenu de « l’air chaud » (quotas en surplus, accordés pour des réductions d’émissions La durée de la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto (5 ou 8 ans). L’Union européenne ou l’Australie demandent une durée de 8 ans, notamment compte tenu de leur législation. Les pays en développement, notamment les plus vulnérables (pays africains, petits Etats insulaires) demandent quant à eux une période d’une durée de 5 ans afin d’obliger les pays industrialisés à rehausser leurs objectifs avant 2020, si leurs actions s’avèrent être insuffisantes pour avoir une chance d’éviter un changement climatique dangereux. Une revue mondiale des efforts des pays est prévue en 2013-2014, qui pourrait renseigner ce débat. L’Union européenne propose d’adopter à Doha un amendement permettant la mise en place d’une procédure simplifiée de rehaussement des objectifs des pays développés en cours de période. Avec cette procédure, les pays n’auraient pas besoin de passer par un processus long et complexe de ratification de nouveaux objectifs. Cette procédure pourrait être automatique, voire contraignante si les efforts s’avéraient être vraiment insuffisants. § Les règles encadrant le report du surplus de quotas d’émissions (Unités quantitatives attribuées – UQA) détenu par les pays à l’issue de la première période du protocole de Kyoto. 2 factices), que ces pays possèdent et pourraient réintroduire dans le système Kyoto. 20 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Les pays en développement veulent supprimer, ou fortement restreindre ce surplus pour qu’il ne vienne pas ajouter de l’ « air chaud » en deuxième période d’engagement. On appelle « air chaud » les quotas d’émissions qui ont été accordé à des pays pour de réductions d’émissions factices. Il concerne essentiellement les pays de l’ex bloc soviétique, qui se sont fortement désindustrialisés depuis 1988 mais dont les engagements n’ont pas pris en compte l’évolution économique et politique. L’Union européenne ne parvient pas à se mettre d’accord en interne sur une position unifiée. Certains Etats membres souhaitent une suppression totale, d’autre la suppression d’une partie et une restriction de l’utilisation de ce surplus en deuxième période, et d’autres enfin souhaitent pouvoir pleinement jouir de leur surplus de quotas, auquel ils estiment avoir droit. § Le processus de ratification des amendements au protocole de Kyoto Cette ratification semble difficile à réaliser en temps et en heure pour permettre à la deuxième période de s’appliquer dès le 1er janvier 2013. Les échéances sont très courtes. Afin d’assurer la continuité du régime climatique international d’ici la ratification par les Etats, les amendements décidés à Doha devraient contenir des dispositions sur l’application immédiate et provisoire de la deuxième période. En parallèle de la mise en œuvre éventuelle d’une deuxième période d’engagement du Protocole, un processus de négociation d’un nouvel accord mondial sur le climat est lancé dans le cadre d’un nouveau groupe de négociation, appelé la « Plateforme de Durban ». Il doit déboucher sur la signature d’un accord mondial en 2015, qui permette la ratification de l’accord et son entrée en vigueur au plus tard en 2020. La 2e période du protocole de Kyoto : une transition entre deux régimes climatiques (2012-2020) La deuxième période d’engagement sous le protocole de Kyoto constitue donc une transition entre le régime pré-2012 et le régime post-2020. Pendant cette période transitoire, il faudra préserver les acquis du Protocole de Kyoto issus de la première période d’engagement, construire sur ces acquis et les renforcer en vue du futur accord mondial. Pendant cette période transitoire, on trouvera, comme dans le régime actuel : § D’un côté, les pays acceptant de s’engager pour une deuxième période d’engagement sous le protocole de Kyoto, avec pour les pays de l’Annexe I, adoptent des objectifs chiffrés de réduction de leurs émissions pour 2017 ou 2020. § De l’autre, les pays n’ayant pas ratifié le protocole. Les pays de l’Annexe I doivent adopter des engagements comparables et les pays en développement doivent limiter leurs émissions en soumettant des objectifs 21 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives ou actions volontaires de lutte contre le changement climatique. Après 2020, un nouveau régime climatique international, qui reposera sur les acquis du précédent et les approfondira, devra être mis en œuvre. Dans cette transition d’un régime climatique à un autre se pose la question de la nature du futur régime climatique international. Depuis la signature de la Convention Climat et du protocole de Kyoto dans les années 1990, le monde a évolué. Les équilibres géopolitiques, économiques et énergétiques se sont modifiés. Le régime actuel a aussi montré ses limites. La limite plus évidente réside dans l’absence d’engagements souscrits par les Etats-Unis, deuxième plus gros émetteur mondial de GES, et longtemps le premier. Le futur régime climatique devra acter la nouvelle réalité dans lequel il s’insère et combler les failles du régime actuel. Pendant ces négociations sur l’accord mondial sur le climat, les pays partageront leurs visions du futur régime international sur le climat. A l’heure actuelle, ces visions divergent encore très fortement. Les pays ont-ils respecté leurs engagements de réduction d émissions sous Kyoto ? Les graphiques (voir Figures 3, 4 et 5) et le tableau ci-après (voir Tableau 1) compare les objectifs que les pays développés (dits de l’Annexe B) ont pris pour la première période du protocole de Kyoto (2008-2012), et leurs trajectoires effectives d’émissions. Le Tableau I ne se réfère qu’aux engagements souscrits au titre du protocole de Kyoto, bien que certains pays ou groupes de pays aient adopté, par la suite, des objectifs plus ambitieux dans le cadre de leur législation nationale ou régionale. L’Union européenne des 27 n’a pas d’objectif unique sous Kyoto (mais elle en a un pour 2020 dans le cadre du Paquet énergie-climat, voir Figure 4). Ouverture du Groupe de travail de la Plateforme de Durban pour une action renforcée, Bonn, 2012. © UNFCCC, Flickr, Licence Creative Commons 22 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Les 15 premiers Etats membres ont pris un engagement collectif (voir Figure 3), en 1997 lorsque le protocole de Kyoto a été adopté : réduire leurs émissions de 8% à l’horizon 2012 par rapport à 1990. Ils ont ensuite effectué une distribution de cet objectif entre eux, en le déclinant en objectifs nationaux. A travers ce mécanisme dit de « bulle », le protocole de Kyoto permet d’effectuer une agrégation d’objectifs nationaux pour fixer un objectif régional collectif contraignant. D’autres pays européens, qui n’étaient pas encore membres de l’UE à l’époque, ont pris des engagements individuels au niveau national, qu’ils gardent aujourd’hui. C’est le cas de la Pologne, par exemple (-6% en 2012 par rapport à 1988). notamment le Japon, la Suisse, la Norvège, le Luxembourg, ou l’Espagne. Aujourd’hui, compte tenu l’atteinte quasi-certaine des objectifs Kyoto pour 2012, ces unités Kyoto ne trouvent plus preneur. En 2010, les émissions de GES de l’Union européenne des 15 étaient de 10,6% inférieures aux niveaux de 19903, au lieu de 8%. En octobre 2012, l’Agence européenne de l’environnement (AEE) a même indiqué que l’Union européenne (UE) avait réduit ses émissions GES de 17,5% entre 1990 et 2011 dans le cadre de la législation européenne4. En tenant compte de l’utilisation de crédits internationaux grâce aux mécanismes établis sous le protocole de Kyoto, l’UE aurait même déjà dépassé son objectif de réduction d’émissions de -20% pour 2020. On peut constater à la lecture de ce tableau que la plupart des pays développés membres du protocole de Kyoto vont respecter leur objectif pour 2012. Ceci, à l’exclusion de l’exemple le plus emblématique qui est le Canada, qui a quitté le navire Kyoto (voir Encadré 3). Mais malgré cette mauvaise performance du Canada et la non participation des Etats-Unis, les émissions des pays industrialisés membres du Protocole se sont effectivement stabilisés à leur niveaux de 1990. Pour certains pays ou groupes de pays, les objectifs « Kyoto » pour 2012 pourraient même être dépassés. Les pays industrialisés sont en passe de respecter leurs objectifs contraignants grâce à une réduction ou une limitation de leurs émissions sur leur territoire et⁄ou à un usage des mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto, notamment l’achat ou la vente d’unités d’émissions attribuées aux Etats. Les principaux vendeurs d’unités « Kyoto » sont les pays d’Europe de l’Est et centrale en transition (notamment l’Ukraine, la Hongrie, etc.), tandis que les plus gros acheteurs sont Les inventaires nationaux d’émissions communiqués aux Nations unies ne sont disponibles que jusqu’à 2010 Etats les publient 15 mois après la date effective, afin d’avoir le temps de réunir les informations nécessaires. 3 Agence européenne de l’environnement, « Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2012. Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets », octobre 2012 : http://www.eea.europa.eu/publications/ghgtrends-and-projections-2012/at_download/file 4 23 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Figure 3 – Tendances et projections pour le total des émissions de GES de l’UE-15 entre 1990 et 2020 (en millions de tonnes d’équivalent CO2) Emissions totales dont soutes maritimes et aériennes Emissions totales à l’exclusion des soutes maritimes et aériennes (comptabilisation Kyoto) Emissions de l’EU ETS Emissions de CO2 et séquestration de CO2 Année de référence Kyoto Objectif Kyoto La France aura baissé ses émissions de GES (total des 6 gaz du « panier Kyoto ») de 6% entre 1990 et 2010, voire de 8% si l’on prend en compte l’usage des sols. Et ces réductions d’émissions ont été encore plus rapides entre 2010 et 2011 : la France a annoncé avoir réduit ses émissions de 12% en 2011 par rapport à 1990 ; voire de 16% si l’on prend en compte le secteur de l’usage des sols ! La baisse est valable pour tous les GES, sauf pour les HFC, en nette augmentation. Figure 4 – Tendances et projections pour le total des émissions de GES de l’UE-27 entre 1990 et 2020 (en millions de tonnes d’équivalent CO2) Projections (avec mesures existantes) Projections (avec mesures additionnelles) Emissions totales (dont soutes maritimes et aériennes) Emissions totales (à l’exclusion des soutes maritimes et aériennes) Emissions couvertes par l’EU ETS Emissions de CO2 et séquestration du CO2 24 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Figure 5 – France - variation des émissions du potentiel de réchauffement global, hors secteur usage des sols, au cours de la période 1990-2010 (métropole et Outre-mer) en % par rapport à 1990 A l’inverse, les émissions des pays en développement (non-Annexe 1) ont doublé sur la période. Selon la méthode officielle de comptabilisation des émissions5, les pays en développement ont émis, en 2010, 40% de plus que les pays industrialisés ! Par conséquent, la mise en œuvre de la 1ère période d’engagement du protocole de Kyoto correspond à une période de ralentissement des émissions de GES dans les pays industrialisés qui en sont membres. La mise en œuvre du Protocole n’est pas indifférente à ce ralentissement, notamment parce qu’elle a permis l’élaboration et l’application de politiques publiques et de mesures de réductions climat-énergie dans les pays qui ont souscrit des engagements Kyoto. L’exemple phare d’une telle législation dans les pays est le Paquet Energie-climat de l’UE. Le Protocole à l origine de politiques publiques climaténergie L’adoption du Paquet énergieclimat, en 2008, par l’Union européenne découle du cadre établi par le protocole de Kyoto. C’est l’exemple par excellence des orientations que peuvent donner les politiques internationales aux actions des pays ou groupes de pays. Le Paquet énergie-climat instaure un cadre législatif pour une politique climatique et énergétique ambitieuse en Europe. Il inclut des mesures politiques qui visent à : § § § réduire les émissions de GES ; développer les énergies renouvelables ; améliorer l’efficacité énergétique. La méthode officielle pour la réalisation des inventaires nationaux comptabilise les émissions produites sur le territoire d’un pays. 5 25 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Les objectifs pour 2020 concernant ces trois dimensions sont : § § § une réduction de 20% des émissions de CO2 ; une part de 20% d’énergies renouvelables ; une diminution de 20% des consommations d’énergie par rapport au développement tendanciel. Ce dernier objectif n’est pas contraignant dans le Paquet Energie climat. La mise en œuvre, au niveau européen, d’un marché de quotas d’émission négociables, appelé « système d’échange des quotas d’émission » (EU-ETS en anglais), découle des mécanismes de flexibilité instauré par le protocole de Kyoto. L’Australie est en train de mettre en place un système d’échange de quotas similaire à celui de l’UE. Il sera opérationnel à partir de 2015. L’UE et l’Australie ont annoncé que leurs deux systèmes d’échange de quotas seraient connectés en 2018. Ce lien se fera d’abord en sens unique (des entreprises australiennes peuvent acheter des quotas à des entreprises européennes), puis dans les deux sens. Les modalités concrètes de cette connexion entre deux marchés domestiques découlant en partie du protocole de Kyoto doivent encore être précisées. 26 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Tableau 1. Objectifs initiaux sous Kyoto et réductions réalisées6 Pays Objectif de réduction d’émissions (réf. 19907) Réductions effectivement réalisées sur la période 20082012 § UE-27 n’a pas d’objectif unique sous Kyoto pour 20082012. Les estimations récentes de l’Agence européenne de l’environnement indiquent une baisse de 2,5% des émissions UE-27 en 2011 par rapport à 2010. UE-15 Bulgarie* République Tchèque Estonie Lettonie Liechtenstein, Lituanie Monaco Romanie* Slovaquie* Slovénie* Suisse 6 -8% § UE-15 va probablement dépasser son objectif Kyoto pour 2008-2012, l’ayant atteint fin 2011 : -10,6% entre 1990 et 20108. Les émissions moyennes de l’UE-15 entre 2008 et 2011 étaient de 11% inférieures aux niveaux de 1990, soit endeçà de l’objectif Kyoto de -8% sur la période 2008-2012. Dans les secteurs non couverts par le marché européen des quotas d’émissions (EU-ETS), les émissions ont été inférieures aux objectifs fixés pour ces secteurs, avec un écart de 1,7% des émissions de 1990. La prise en compte des activités liées à l’usage des sols (LULUCF) devrait réduire davantage les émissions nettes de l’UE-15 à hauteur de 1,4% du niveau de 1990. L’UE-15 a l’intention d’utiliser les mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto au niveau des Etats, en acquérant une quantité d’unités Kyoto équivalente à 2% des émissions de 1990 par an9. Ces chiffres ne sont pas définitifs. Les données disponibles ne vont pas jusqu’à novembre 2012. Pour l’Union européenne, les estimations pour l’ensemble des 27 Etats membres sont disponibles dans le rapport de l’Agence européenne de l’environnement (AEE) paru en octobre 2012 : European Environmental Agency, « Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2012 - Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets », EEA Report n°6-2012, 24 octobre 2012. http://www.eea.europa.eu/publications/ghg-trendsand-projections-2012 * Certains pays n’ont pas la même année de référence que les autres membres du protocole de Kyoto : au lieu de 1990, les pays d’Europe de l’Est et centrale en transition ont pu choisir une année antérieure Bulgarie (1988), Hongrie (moyenne 1985-1987), Pologne (1988) et Slovénie (1986). 7 Source : Rapport d’inventaire national d’émissions, 2012 et estimations des émissions de GES pour 2012. Egalement, European Environmental Agency, « Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2012 Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets », EEA Report n°6-2012, 24 octobre 2012, Profile GES de l’UE-15 : http://www.eea.europa.eu/publications/ghg-trends-and-projections-2012/eu-15.pdf 8 Source : Rapport d’inventaire national d’émissions, 2012 et estimations des émissions de GES pour 2012. Egalement, European Environmental Agency, « Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2012 Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets », EEA Report n°6-2012, 24 octobre 2012, Profile GES de l’UE-15 : http://www.eea.europa.eu/publications/ghg-trends-and-projections-2012/eu-15.pdf 9 27 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives o La France va probablement dépasser son objectif Kyoto pour 2008-2012. Les émissions moyennes de la France entre 2008 et 2009 étaient 8,2% inférieures aux niveaux de 1990, donc en-deçà de l’objectif Kyoto de stabilisation des émissions par rapport à 199010. -8% § La Suisse a des émissions pour l’instant supérieures à son objectif Kyoto, mais elle affirme qu’elle l’atteindra en faisant usage des mécanismes de flexibilité. Fin 2011, les émissions territoriales moyennes de la Suisse entre 2008 et 2012 étaient de 0,3% inférieures à l’année de référence (1990), mais bien supérieures à l’objectif Kyoto pour 20082012 qui est de -8%. Les activités liées à l’usage des sols (LULUCF) viendront probablement soustraire des émissions nettes équivalentes à 3% des émissions de l’année de référence, pas suffisamment pour atteindre l’objectif Kyoto pour 2012. La Suisse a donc l’intention d’utiliser les mécanismes de flexibilité du Protocole au niveau national (UQA), en faisant l’acquisition d’une quantité d’unités Kyoto équivalente à 5,7% des émissions de 1990, par an11. § Les Etats-Unis n’ont jamais ratifié le protocole de Kyoto. Etats-Unis -7% Canada -6% § Les Etats-Unis ont adopté un objectif volontaire de -17% entre 2005 et 2020 (hors Protocole). Affirment être sur la bonne trajectoire pour l’atteindre grâce à des mesures d’efficacité énergétique, notamment dans le secteur automobile, et à la substitution du charbon par les gaz non conventionnels (de schiste). § Le Canada est l’un des rares pays à avoir très largement dépassé son objectif Kyoto pour 2008-2012 : + 30% en 2010 par rapport à 1990. § La Hongrie devrait largement dépasser son objectif Kyoto pour 2008-2012, car elle a bénéficié du phénomène d’AIR CHAUD : ses émissions étaient de 40,8% inférieures en 2011 par rapport à une moyenne des niveaux d’émissions entre 1985 et1987, donc bien inférieures à sa limite Kyoto pour 2012. Même dans les secteurs non couverts par l’EU-ETS, les Source : Rapport d’inventaire national d’émissions, 2012 et estimations des émissions de GES pour 2012. Egalement, European Environmental Agency, « Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2012 Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets », EEA Report n°6-2012, 24 octobre 2012, Profile GES de la France : http://www.eea.europa.eu/publications/ghg-trends-and-projections-2012/france.pdf 10 Source : Rapport d’inventaire national d’émissions, 2012 et estimations des émissions de GES pour 2012. Egalement, European Environmental Agency, « Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2012 Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets », EEA Report n°6-2012, 24 octobre 2012, Profile GES de la Suisse : http://www.eea.europa.eu/publications/ghg-trends-and-projections-2012/switzerland.pdf 11 28 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives émissions étaient bien inférieures à la limite fixée (une marge de 33,6% des émissions de l’année de référence). La prise en compte des activités dans le secteur de l’usage des sols (LULUCF) devrait réduire davantage les émissions hongroises. La Hongrie a l’intention de faire usage des mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto au niveau étatique, non pas pour acheter, mais pour vendre une quantité annuelle d’unités Kyoto équivalente à 3,5% des émissions de l’année de référence12. Hongrie, Japon, Pologne* Croatie § Le Japon a vu ses émissions territoriales en 2010 augmenter de 4,4% par rapport à 1990 (inventaire publié en 2012). Il a l’intention d’acquérir des unités d’émissions sur le marché Kyoto pour respecter ses engagements 2012 (à l’Ukraine notamment). -6% -5% § La Pologne devrait largement dépasser son objectif Kyoto pour 2008-2012, car elle a bénéficié du phénomène d’AIR CHAUD : les émissions polonaises étaient de 29,3% inférieures en 2011 par rapport à 1988, donc bien inférieures à l’objectif Kyoto de -6%. Dans les secteurs non couverts par le marché européen des quotas d’émissions (EU ETS), les émissions ont été également inférieures à leurs objectifs respectifs, avec un écart équivalent à 22,6% des niveaux de 1988. La comptabilisation des activités liées à l’usage des sols (LULUCF) devraient réduire davantage les émissions polonaises sur la période, à hauteur de 2,2% du niveau de 198813. § La Croatie devrait atteindre son objectif Kyoto : Fin 2010, les émissions moyennes de la Croatie entre 2008 et 2010 étaient 5,6% inférieure à l’année de référence, soit en-deçà de l’objectif Kyoto. En prenant en compte les activités liées à l’usage des sols (LULUCF), les émissions croates représentaient 4,2% de l’année de référence. Fin 2010, la Croatie semblaient donc en passe d’atteindre son objectif Kyoto pour 2008-201214. Source : Rapport d’inventaire national d’émissions, 2012 et estimations des émissions de GES pour 2012. Egalement, European Environmental Agency, « Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2012 Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets », EEA Report n°6-2012, 24 octobre 2012, Profile GES de la Hongrie : http://www.eea.europa.eu/publications/ghg-trends-and-projections-2012/hungary.pdf 12 Source : Rapport d’inventaire national d’émissions, 2012 et estimations des émissions de GES pour 2012. Egalement, European Environmental Agency, « Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2012 Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets », EEA Report n°6-2012, 24 octobre 2012, Profile GES de la Pologne : http://www.eea.europa.eu/publications/ghg-trends-and-projections-2012/poland.pdf 13 Source : Rapport d’inventaire national d’émissions, 2012 et estimations des émissions de GES pour 2012. Egalement, European Environmental Agency, « Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2012 Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets », EEA Report n°6-2012, 24 octobre 2012, Profile GES de la Croatie : http://www.eea.europa.eu/publications/ghg-trends-and-projections-2012/croatia.pdf 14 29 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives § La Nouvelle-Zélande a annoncé qu’elle atteindrait son objectif Kyoto pour 2008-2012 et prévoit d’avoir un surplus d’unités Kyoto de plus de 23 millions de tonnes d’équivalent CO2. NouvelleZélande, Russie, Ukraine 0% § La Russie a largement bénéficié du phénomène d’AIR CHAUD : -34% en 2010 par rapport à 1990. La Russie est le plus gros détenteur de surplus de quotas issu de la première période d’engagement sous le protocole de Kyoto. § L’Ukraine a bénéficié du phénomène d’AIR CHAUD : son objectif Kyoto pour 2008-2012 devrait être largement dépassé. Le scénario « business as usual » en Ukraine correspondrait à une réduction de -57% entre 1990 et 2020 ! Norvège Australie Islande +1% +8% +10% § Les émissions moyennes de la Norvège sur la période 2008-2011 étaient 6,8% supérieure aux émissions de 1990, soit bien au-delà de l’objectif Kyoto pour 2012 d’une limitation à 1%. Pour respecter son engagement Kyoto pour 2008-2012, la Norvège a l’intention d’utiliser les mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto au niveau national (UQA), en faisant l’achat d’une quantité d’unités Kyoto équivalente à 9,1% des émissions de 199015. § L’Australie devrait atteindre son objectif Kyoto pour 20082012. En avril 2012, les émissions avaient augmenté de +4% depuis 2008 par rapport à 1990. § L’Islande devrait atteindre son objectif Kyoto pour 20082012. Les émissions moyennes du pays entre 2008 et 2010 étaient de 1,5% inférieure aux émissions pendant l’année de référence. Soit inférieures à l’objectif Kyoto pour 2012 de +10%. La comptabilisation des activités liées à l’usage des sols devraient réduire davantage les émissions nationales annuelles, à hauteur de 13% du niveau de l’année de référence16. Source : Rapport d’inventaire national d’émissions, 2012 et estimations des émissions de GES pour 2012. Egalement, European Environmental Agency, « Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2012 Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets », EEA Report n°6-2012, 24 octobre 2012, Profile GES de la Norvège : http://www.eea.europa.eu/publications/ghg-trends-and-projections-2012/norway.pdf 16 Source : Rapport d’inventaire national d’émissions, 2012 et estimations des émissions de GES pour 2012. Egalement, European Environmental Agency, « Greenhouse gas emission trends and projections in Europe 2012 Tracking progress towards Kyoto and 2020 targets », EEA Report n°6-2012, 24 octobre 2012, Profile GES de l’Islande : http://www.eea.europa.eu/publications/ghg-trends-and-projections-2012/iceland.pdf 15 30 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Partie 3. Vers un nouveau régime climatique Nous avons effectué, dans la deuxième partie de cette publication, un bilan des forces et des acquis du protocole de Kyoto, ainsi qu’un constat des réductions d’émissions réalisées par les pays. Il a donc notamment posé les fondations suivantes : § La contrainte juridique internationale, § Un mécanisme de sanction, § Une différenciation claire entre pays développés et pays en développement pour mettre en œuvre le principe de « Responsabilités communes mais différenciées », § Des mécanismes de soutien aux pays en développement, § Des mécanismes de flexibilité, et § Un système de transparence. Cette troisième partie analyse les faiblesses du Protocole tel qu’il existe actuellement. Elle fait une analyse critique du bilan des réductions d’émissions réalisées par les pays industrialisés pendant la phase 1 du Protocole. Elle propose des pistes d’amélioration de l’architecture existante et des compléments pour le futur régime climatique mondial. L’objectif de cette partie n’est pas de discréditer le protocole de Kyoto car elle en souligne aussi les forces et les éléments à conserver pour le futur régime climatique mondial. Un bilan GES mitigé En y regardant de près, les réductions d’émissions réalisées dans les pays industrialisés sous contrainte Kyoto sont en grande partie liées à deux éléments clés, indépendants de la mise en œuvre de politiques volontaristes de limitation des émissions de GES et indépendantes du protocole de Kyoto : 31 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives § L’effondrement des émissions des pays de l’ex-bloc soviétique, liée à une désindustrialisation massive depuis 1990. Or ces pays ont réussi à obtenir une année de référence (souvent 1988 ou une moyenne 1985-1987) située dans la période qui a précédé leur désindustrialisation massive. Les réductions d’émissions qui ont découlé du ralentissement de leur production industrielle pendant la décennie 1990 ne provenaient pas de mesures politiques énergie-climat. Pourtant, elles apparaissent comme des baisses d’émissions réelles, par rapport à l’année de référence, dans le système Kyoto ; Le bilan de Kyoto en termes de réductions d’émissions de GES est donc plutôt mitigé. Encadré 3 – Le rôle de la crise : Exemple de l’Australie L’Australie, dont les émissions n’ont jamais connu de tendance baissière, a traversé un court épisode de baisse de ses émissions en 2009 à cause de la crise économique. Si, comme elle l’a annoncé, l’Australie parvient effectivement à atteindre son objectif Kyoto – non pas un objectif de baisse mais de limitation de hausse des émissions à +8%, alors la crise y sera certainement pour quelque chose. § Le ralentissement économique mondial, intervenu dans la plupart des nations industrialisées. Depuis 2008, nos trajectoires d’émissions et de développement n’ont pas été structurellement et fondamentalement bouleversées par les politiques climaténergie en place. Il est à craindre que, dès la relance de la production industrielle en Europe et dans les autres pays développés, les émissions retrouvent une tendance haussière17. La transition énergétique et économique doit encore être enclenchée dans tous les pays. L’Australie a adopté un objectif de décarbonisation de son économie à l’horizon 2050. Cela suppose une transition énergétique et une révolution économique et industrielle qui n’a pas eu lieu pour l’instant. dépendant Le du pays est charbon encore pour extrêmement sa production énergétique, à hauteur de 76%. C’est cette dépendance même qui lui a permis d’obtenir, à l’issue de la négociation, un objectif de +8%, plutôt que de baisse de ses émissions. Les réductions d’émissions réalisées en Australie – à l’exclusion de celles imputables au ralentissement économique et à l’usage des sols – sont surtout le fait du secteur du transport : une baisse de 3,6% On s’aperçoit en outre que la comptabilisation des émissions liées à l’usage des sols sous Kyoto est globalement favorable à tous les pays et réduit quasisystématiquement leurs émissions nettes de GES. dans la consommation d’essence au cours des 5 dernières années, et une augmentation de 35,7% de la consommation de diesel. Le secteur de l’usage des sols (« Land Use, Land Use Change and Forestry – LULUCF), dont les émissions sont effectivement comptabilisées par le protocole de Kyoto, aurait connu en Australie une baisse de ses émissions de quasiment 60% en 2010 L’analyse des réductions structurelles des émissions montre que la réduction entre 2008 et 2010 est majoritairement attribuable au secteur industriel. Source : CGDD (2011), « Bilan énergétique de la France pour 2010 ». 17 par rapport à 199018. Australie, inventaire de gaz à effet de serre national, avril 2012 : 18 32 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Le problème de l excédent de quotas d émission Un défaut de niveau de participation Un excédent de quotas est apparu sur le marché du carbone international. La plupart des pays de l’Annexe I ont constitué un stock de quotas en surplus, soit à cause de la crise, soit parce qu’ils ont effectivement réduit leurs émissions de manière significative, soit (le plus souvent) parce qu’ils ont bénéficié d’une surallocation initiale de quotas (ce qu’on appelle l’« air chaud »). Ce surplus pourrait représenter l’équivalent de 9 à 13 gigatonnes éqCO2 19 . Pour mémoire, les objectifs non conditionnels de réduction d’émissions de l’ensemble des pays développés pour 2020 correspondent à 18 GtéquCO2 ! L’excédent de quotas a eu pour conséquence une baisse considérable de la valeur du crédit carbone (ou UQA – Unité quantitative attribuée). Aujourd’hui, les UQA ne trouvent plus preneur et leur valeur est quasiment nulle. Dans notre bilan du protocole de Kyoto, il ne faudrait pas omettre l’autre échec majeur de ce traité : la non participation des Etats-Unis. Si le Protocole a contribué à impulser la mise en œuvre de politiques de maîtrise des émissions, notamment à l’échelle de l’UE, la défection des Etats-Unis montre que le Protocole n’a pas réussi à étendre cette maîtrise à l’ensemble des pays industrialisés. Le devenir de ce surplus pendant une éventuelle deuxième période d’engagement est débattu dans les négociations internationales. En théorie, le protocole permet en effet le report des quotas en excédent sur les périodes d’engagement suivantes, afin de récompenser les pays qui agissent dès aujourd’hui et vont au-delà de leurs objectifs chiffrés. http://unfccc.int/files/national_reports/annex_i_ghg _inventories/national_inventories_submissions/app lication/zip/aus-2012-nir-14apr.zip 19 Source : CDM Watch, 2012. La sortie en grandes pompes du Canada est également très problématique, pour un pays qui investit autant dans les hydrocarbures non conventionnels. Cette sortie d’un gros émetteur – la première de l’histoire du Protocole – affaiblit le poids de la contrainte juridique qui est censée peser sur les Etats ayant souscrit à des engagements sous Kyoto. Or, l’objectif initial d’un traité international de ce type est de faire face collectivement à une problématique mondiale (puisque le climat est un bien public mondial). Il doit donc encourager la participation la plus large possible des Etats, pour éviter que certains ne se comportent en passagers clandestins et n’augmentent leurs émissions de GES pendant que d’autres font des efforts. Aujourd’hui, le Protocole ne couvre plus que 15 à 20% des émissions mondiales. Son véritable rôle pour la réduction des émissions mondiales de GES est devenu modeste. Néanmoins, c’est un accord qu’il faut à tout prix préserver jusqu’à la conclusion d’un nouveau traité mondial afin de maintenir le « symbole Kyoto », essentiels aux yeux des 33 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives pays en développement et afin de conserver le cadre juridique international qu’il a contribué à faire émerger. La réalité de la contrainte juridique sous Kyoto Malgré le caractère innovant du protocole de Kyoto, notamment à travers son mécanisme de mise en conformité et de sanction, l’efficacité de la contrainte juridique sous le protocole est discutable car elle s’applique dans le futur, pendant les périodes d’engagement suivantes. On constate que les pays qui n’ont pas respecté leurs obligations de réduction d’émissions pendant la première période d’engagement (2005-2012) sont sortis du protocole de Kyoto (Canada), ou bien ont annoncé qu’ils ne participeraient pas à la deuxième période (Japon, Russie). suivante, qui comprendrait la majoration de 30%. Cela annulerait l’effet de la sanction. Enfin, l’article 18 du Protocole de Kyoto stipule que tout mécanisme de conformité qui aurait « des conséquences en matière de contrainte » imposée aux pays doit être approuvé dans le cadre d’un amendement ratifié par au moins deux tiers des Parties. Un tel amendement n’a jamais été adopté par les pays membres du protocole. La contrainte « juridique » imposée par le Protocole de Kyoto est donc plutôt faible. C’est pourquoi ses détracteurs affirment qu’il se résume à une déclaration politique. Toutefois, le Protocole de Kyoto établit une contrainte au niveau international qui n’existait pas auparavant. Encadré 4 - Le Canada protocole de Kyoto et le Le ministre canadien de l'environnement Peter Kent a annoncé, le 12 décembre 2011, le retrait de son pays du protocole de Kyoto. Le Canada est ainsi le premier Etat à quitter le navire Kyoto. Le ministre a expliqué que cet accord "ne fonctionnait pas", notamment parce que « les deux plus grands Un pays peut aussi repousser éternellement son action en « empruntant » d’une période à l’autre. Si la communauté internationale ne parvient à l’obliger à respecter ses engagements pendant une période « t », comment le pourrait-elle pendant la période « t+1 », alors que des pénalités conséquentes s’appliquent en sus (un tiers d’obligations de réductions en plus) ? pays émetteurs, les Etats-Unis et la Chine » n’en font pas partie. Pour le ministre, la "plateforme de Durban" représentait le chemin de l'avenir. « Nous croyons qu'un nouvel accord avec des contraintes juridiques pour tous les grands émetteurs qui nous permet, en tant que pays, de créer des emplois et d'avoir une croissance économique est la voie permettant d'avancer ». Il a également justifié ce retrait par le fait que le Canada risquait d'encourir des pénalités de quatorze milliards de dollars et un De plus, chaque pays négocie son propre objectif de réduction ou limitation de ses émissions pour chaque période. Ainsi, un pays qui ne respecte pas son engagement pourrait négocier un objectif plus élevé sur la période coût insupportable pour son économie s'il en restait signataire, une estimation qui a été vivement critiquée par l’opposition. 34 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives (Suite encadré 4, p.36) Arrivé au pouvoir en 2006, le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait ouvertement rejeté ses obligations internationales dans le cadre du protocole et dénoncé "l'erreur" du gouvernement libéral qui l'avait signé. Aux termes de cet accord, le Canada s'engageait à réduire en 2012 ses émissions de GES de 6 % par rapport aux niveaux de 1990. Cependant, ces émissions n’ont cessé d’augmenter depuis 1990, atteignant un tiers de plus qu’en 1990. Ces augmentations sont d’autant plus problématiques que le pays bénéficie de règles de comptabilisation favorables (pour les émissions liées à l’usage des sols, notamment). Kyoto actuel, de facilités. L’objectif était de favoriser la signature puis la ratification du Protocole par ces pays. C’est le cas des anciens pays du bloc soviétique, qui ont obtenu des années de références avantageuses car antérieures à l’effondrement du bloc et à leur désindustrialisation. Le cas de la Russie en est un exemple flagrant. L’Australie en est aussi un exemple, car elle a réussi à négocier un objectif Kyoto au rabais pour 2008-2012, en utilisant le prétexte que son économie était alors extrêmement dépendante du charbon pour la production d’énergie, notamment. C’est toujours le cas, donc l’objectif Kyoto, qui sera atteint par le pays, n’a pas permis de changer la trajectoire climatique et énergétique. Depuis lors, le gouvernement canadien soutien un système d’engagements volontaires revus périodiquement. En 2009, il s’est ainsi engagé à réduire les émissions du pays de 17 % à l'horizon de 2020 par rapport à 2005. Cet effort est bien moindre que les obligations du pays dans le cadre du protocole de Kyoto. Un partage des émissions pas si « top down » que ça Ce marchandage a eu pour conséquences que les réductions d’émissions de GES dans les pays de l’Annexe I se situent essentiellement dans les pays en désindustrialisation de l’ancien bloc soviétique. Ce sont des réductions d’émissions factices, qui ne se traduisent pas par des changements profonds dans les modes de développement et de production énergétique. Encadré 5 - La Russie dans le protocole de Kyoto L’année de référence retenue, 1990, représente pour ce pays une année d’émissions maximales. L’effondrement de l’activité industrielle dans le Dans le cadre de la première période d’engagement sous le protocole de Kyoto, la distribution des quotas de réduction entre pays de l’Annexe I a été davantage le résultat d’un rapport de force dans la négociation que d’un calcul objectif. Elle a été bien plus motivée par des considérations géopolitiques et énergétiques que par un souci d’équité et d’efficacité environnementale. Un grand nombre de pays ont bénéficié, dans le régime pays à la suite de la chute du mur de Berlin a eu pour effet de réduire de plus de 38% ses émissions de gaz à effet de serre, par rapport à celles de 1990. Pour des motivations liées aux pourparlers internationaux, les négociateurs ont ignoré cette réalité et ont accepté d’attribuer à la Russie un objectif de stabilisation. Cette décision a été motivée par le fait que le pays aurait, d’ici 2008 à 2012, rattrapé son retard et que ses émissions seraient de nouveau importantes. 35 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives (Suite encadré 5 p.37) Ce cadeau fait à la Russie réduit l’effort demandé aux pays car la Russie a la possibilité de vendre ses quotas d’émissions à d’autres pays qui ne peuvent satisfaire à leurs obligations sous le protocole de Kyoto. C’est ce qu’on appelle « l’air chaud ». Malgré ce traitement favorable, la Russie a annoncé à Cancun, en 2010, qu’elle ne prendrait pas part à une éventuelle deuxième période d’engagement. Figure 6 – Représentation graphique des objectifs initiaux des pays industrialisés par rapport à leurs niveaux d’émissions en 1990 Un mode de différenciation des pays devenu anachronique La différenciation entre pays de l’Annexe 1 (développés) et pays non Annexe I (en développement) en vigueur dans le cadre de la Convention Climat et du protocole de Kyoto repose sur une vision très dichotomique de la réalité du monde, qui se justifiait au moment de la signature du Protocole, mais semble de moins en moins valable aujourd’hui. La croissance rapide du PIB et des émissions des pays émergents exige une différentiation plus fine des engagements. 36 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Cela ne signifient pas que les pays développés doivent moins agir. Au contraire, tout montre aujourd’hui qu’ils ne font pas assez pour éviter un changement climatique cataclysmique. Mais il est raisonnable de penser que pays le futur régime climatique ne pourra pas donner les mêmes obligations à la Chine et au Costa Rica. Transparence : une comptabilisation partielle des émissions mondiales § L’absence d’une comptabilisation dans tous les pays D’une part, la comptabilisation actuelle des émissions de GES sous le protocole de Kyoto se heurte aux limites de suivi et des mesures d’émissions dans les pays en développement. De nombreux pays n’ont pas les capacités techniques et financières au niveau national pour mettre en place de type d’inventaires. Lorsque les pays en ont les capacités, ils s’opposent parfois à ce que s’opère un droit de regard international sur leurs émissions, soit de peur de se voir demander de fournir des efforts supplémentaires, soit (comme la Chine) parce qu’ils estiment que ces systèmes internationaux sont une enfreinte à leur souveraineté nationale, et que les pays non Annexe I devraient avoir le droit d’accéder au développement au même titre que les pays industrialisés. Dans le cas de la Chine, elle estime aussi que les pays développés devraient faire preuve de davantage de leadership et accroître leurs efforts, avant de pouvoir avoir un regard sur les émissions chinoises. § Les émissions importées et exportées. Le passager clandestin du commerce international Les chiffres publiés dans les inventaires officiels ignorent une part croissante des émissions de GES mondiales et européennes les émissions de GES « cachées » dans les biens que nous importons pour notre consommation (intermédiaire ou finale) n’apparaissent nulle part dans nos inventaires nationaux d’émissions. Et pour cause : l’approche comptable qui prévaut au niveau international, notamment dans les bilans officiels fournis à l’UE et à la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique, n’inventorie que les émissions directes liées aux activités de production sur le territoire 20 . Selon cette approche, les émissions s’arrêtent aux frontières et les transferts d’émissions entre pays n’existent pas. Les flux d’émissions transférées via les importations-exportations ne sont pas représentés. Or, les émissions incorporées dans les importations des pays industrialisés sont en augmentation constante. En Europe, elles se sont accrues de 37% entre 1990 et 2008. Leur part dans le total des émissions européennes a augmenté de 6% sur cette même période, atteignant 21% des émissions de l’UE ! Il s’agit d’un phénomène mondial, en partie lié à l’expansion du commerce international. Aujourd’hui, 28% des émissions de CO2 produites par l’activité humaine à l’échelle du globe sont transférées entre les pays via le commerce international21. Ces activités concernent la production industrielle et agricole de biens de consommation, mais aussi les émissions induites par des consommations énergétiques sectorielles (chauffage des bâtiments, transport de passager, etc.). 21 Peters, Glen, Minx Jan C., Weber, Christopher L., Edenhofer, Ottmar (2011) « Growth in 20 37 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Une comptabilisation des émissions qui sont transférées à l’échelle du globe a des implications en termes de partage de la responsabilité des émissions mondiales. Entre 1990 et 2008, les émissions territoriales (qu’on trouve dans les inventaires officiels) des pays développés se sont collectivement ralenties. A l’inverse, les émissions des pays en développement (non-Annexe 1) ont doublé. Selon la méthode de comptabilisation des émissions liées aux activités du territoire, les pays en développement ont émis 40% de plus que les pays industrialisés en 2010. La situation est cependant bien différente si l’on regarde les flux internationaux d’émissions et les émissions par habitant. En appliquant une comptabilisation des émissions selon le principe de consommation, les pays en développement et émergents n’ont émis en 2010 que 7% de plus que les pays industrialisés. à 2 tonnes d’équivalent CO2 par habitant et par an (en moyenne nationale) ! Sans surprise, les pays émergents « exportent » des émissions de GES, tandis que les pays industrialisés en importent. En moyenne, 19% des émissions territoriales liées à la production des pays émergents sont exportées. En particulier, la Chine est devenue un exportateur net d’émissions et un acteur essentiel des flux d’émissions au niveau international. En 2004, 22,5% des émissions produites sur le territoire chinois ont ensuite été exportées22 ! Les émissions incorporées dans les exportations représentent pour la Chine, la Russie et le Moyen-Orient entre 0,9 En 2007, les GES émis sur le territoire français Encadré 7 - Un exemple national : la France La France s’est engagée, au titre du protocole de Kyoto, à stabiliser ses émissions nationales en 2012 par rapport à 1990. Dans le cadre du Paquet Energie-climat adopté en 2008 par l’UE, la France s’est ensuite engagée à réduire ses émissions de 17% à l’horizon 2020. Or, entre 1990 et 2011, les émissions françaises ont baissé de 16% (ou de 12% hors usage des sols). L’objectif français pour 2020 est donc à portée de main. La France est quasiment certaine de dépasser d’ici 2020, sans faire plus d’efforts. Cela est largement dû à la crise économique qui a sévit en Europe à partir de 2008, qui a accéléré les réductions d’émissions européennes et françaises par une baisse de la production industrielle. équivalaient à 8 tonnes d’équivalent CO2 par habitant et par an. L’empreinte carbone d’un français était, toujours en 2007, de l’ordre de 12 tonnes. Cette différence s’explique par le fait que l’empreinte carbone comptabiliser les émissions de GES incorporée dans la consommation des ménage français, et donc dans leurs importations. De 1990 à 2007, l’empreinte carbone d’un français a augmenté de 5 %, alors que le niveau moyen des émissions territoriales par habitant a diminué de 15 % ! Au cours de cette période, les émissions associées aux importations se sont accrues de 64 % pour atteindre près de la moitié de l’empreinte emission transfers via international trade from 1990 to 2008 », PNAS : http://www.pnas.org/content/early/2011/04/19/100 6388108 22 Les émissions chinoises représentaient à elles seules 55% de la croissance des émissions mondiales de CO2 entre 1990 et 2008, et 18% de la totalité des émissions exportées au niveau mondial. carbone de la consommation en France en 200723. Commissariat général au Développement durable (CGDD), « L’empreinte carbone de la consommation des Français : évolution de 1990 à 2007, collection Le Point sur, n°114, mars 2012 (calculs SoeS à partir de données Insee, Citepa, Agence internationale de l’énergie, Douanes). 23 38 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Figure 7 – Flux internationaux d’émissions à travers le commerce international Source : RAC-F, à partir de Davis, Caldeira, 2010 Du côté des pays industrialisés, ce sont 35% de leurs émissions liées à la consommation, en moyenne, qui sont importées. Les 15 premiers Etats membres de l’UE importent, par exemple, entre 20 et 50% de leurs émissions comptabilisées selon le principe de consommation. Les Etats-Unis sont le premier importateur net d’émissions au niveau mondial. Les flux d’émissions qu’ils importent depuis la Chine sont particulièrement denses compte tenu de l’importance des flux commerciaux. Au niveau de la consommation des ménages, les consommateurs aux Etats-Unis, au Japon et en Europe importent en moyenne de 2,4 à 10,3 tCO2 par an ! Lorsque les pays développés importent des biens en provenance des pays émergents, ils ont généralement une double responsabilité du point de vue des émissions de GES. D’une part, ils ne tentent pas de réduire ces émissions sur leur territoire, et ces émissions échappent à une régulation internationale. D’autre part, les produits qu’ils importent sont souvent fabriqués à partir de systèmes énergétiques et de procédés industriels bien plus intensifs en énergie et en CO2 que s’ils ne les avaient produits sur leur territoire. Quand la France importe des biens produits en Chine, elle importe indirectement l’électricité issue des centrales à charbon chinoises. Le facteur « émissions de CO2 » du secteur de la production d’énergie en Chine est 7,6 fois plus élevé qu’en France. Les indicateurs du système énergétique de la France, tels que l’intensité carbone, ont donc tendance à se dégrader à cause des importations, notamment en provenance de la Chine. En outre, les exportations des pays émergents se caractérisent par une valeur 39 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives monétaire faible, malgré leur contenu énergétique élevé. La différence entre les émissions d’un pays liées à la consommation et les émissions liées à la production s’accroît lorsque : § Les pays présentent une balance commerciale fortement déficitaire ou fortement excédentaire ; § L’intensité carbone des produits exportés n’est pas équivalente à l’intensité carbone des biens importés. En parallèle des réductions d’émissions territoriales réalisées dans les pays industrialisés, les transferts d’émissions depuis les pays émergents vers les pays industrialisés ont donc augmenté. Deux conclusions s’imposent : § l’augmentation des émissions des pays émergents est en grande partie imputables aux importations de biens et services des industrialisés24. Les pays émergents ne sont donc pas les seuls responsables dans l’augmentation de leurs émissions de GES. § D’autre part, c’est en partie parce qu’ils ont augmenté leurs « importations » d’émissions en provenance des pays en développement que les pays industrialisés ont pu réduire leurs émissions aux yeux du protocole de Kyoto, tout en augmentant leur consommation. Les pays industrialisés peuvent satisfaire leurs engagements internationaux de réduction d’émissions, notamment au titre du protocole de Kyoto, tout en continuant à consommer comme avant, voire davantage. Les pays en développement, notamment émergents, peuvent profiter des avantages économiques que constituent le marché des pays industrialisés pour eux, et peuvent accroître leurs émissions en l’absence d’engagements internationaux contraignants de leur côté. Cet équilibre fragile ne peut perdurer. Tout d’abord, les pays développés ne devraient pas sous-estimer les conséquences néfastes pour leur économie nationale de cette situation. Ils sont nombreux à traverser un processus de désindustrialisation, avec des répercussions lourdes en termes d’emploi et de prospérité. En outre, les pays émergents se sont engagés, lors de la COP17 à Durban (2011), à adopter des engagements de réduction de leurs émissions dans le cadre d’un accord mondial « ayant force juridique ». L’ensemble de leurs émissions territoriales pourrait donc faire l’objet d’une comptabilisation et d’une réglementation, au même titre que celles des pays développés. Enfin, l’explosion de la production industrielle dans les pays émergents se traduits aussi par des risques et des conséquences environnementales et sociales lourdes, que les populations contesteront probablement dans un futur plus ou moins proche. Peters, Glen, Minx Jan C., Weber, Christopher L., Edenhofer, Ottmar (2011) « Growth in emission transfers via international trade from 1990 to 2008 », PNAS : http://www.pnas.org/content/early/2011/04/19/100 6388108 24 40 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Les éléments du futur régime climatique international Cette section pose un certain nombre de questions essentielles pour la négociation du futur accord, plus qu’elle n’y répond. Elle souligne les éléments du régime actuel, ancré dans le Protocole de Kyoto, qu’il faut à tout prix conserver et améliorer. Mais elle ne donne pas de solution prescriptive ou clé-en-main. L’évolution des discussions internationales, notamment sur la question de l’équité et du partage de l’effort entre pays ayant différents niveaux de développement, sera cruciale à cet égard. La question cruciale de la contrainte juridique dans le futur régime climatique Revue bibliographique Dans les discussions sur le futur régime climatique se pose la question du type de mécanisme de sanction et de respect des engagements qui sera choisi par la communauté internationale. Le protocole de Kyoto comporte un tel mécanisme, qui s’est révélé efficace à certains égards, notamment concernant les exigences de reporting élevées imposées aux pays. Cependant, ce mécanisme de mise en œuvre a également pêché par son incapacité à imposer des sanctions ex post. Le futur régime climatique ce basera-t-il sur ces acquis et saura-t-il les améliorer ? La communauté internationale a besoin de hiérarchie et de contraintes pour répondre aux défis mondiaux. Mais apporter de telles améliorations au régime climatique international n’est pas sans soulever des enjeux complexes. La question de l’imposition de la contrainte dans le régime climatique post-2020, en lien avec la forme juridique du futur accord, est cruciale. Le droit international se heurte à un paradoxe de taille : ce sont les États eux-mêmes qui sont à l’origine de la formation du droit international et ils se soumettent à leurs propres obligations. En d’autres termes, les Etats s’autolimitent. C’est pourquoi le consensus reste la règle de décision la plus fréquente. L’autopunition est vouée engendrer une contrainte faible. A l’inverse, un cadre d’engagement trop contraignant décourage généralement les pays, qui refusent de signer. Dans la pratique, l’exécution des conventions internationales sur l’environnement se heurte aussi à de nombreuses difficultés : lenteur, consensus minimaliste se traduisant par des ambitions réduites, faiblesse des systèmes de contrôle et de sanction, etc. Il n’existe pas d’organe international d’imposition de la contrainte en matière environnementale. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est souvent citée comme un exemple de cadre juridique qui fonctionne bien car la punition est infligée par un tiers (autre État ou organisme international) et que la réduction des barrières au commerce apparaît comme une incitation importante. Plusieurs modèles de contrainte et de respect des engagements sont étudiés dans la littérature sur le futur régime 41 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives climatique. Ils donnent des pistes sur le type de forme juridique que pourrait endosser le nouvel accord mondial sur le climat. Petit tour de la littérature existante… § Option 1 - L’impossible autoapplication de la contrainte juridique Selon la théorie des jeux, le respect des engagements dans le cadre des accords multilatéraux sur l’environnement (AME) repose sur le principe suivant : si un pays ne respecte ses engagements, les autres pays seront tentés de faire de même, punissant par là le pays qui n’entre pas en conformité avec ses engagements, puisque le climat est un bien public mondial25. Ce postulat pose plusieurs problèmes26 : § § Il présume que le monde peut prendre le risque de retarder l’action mondiale contre le changement climatique. Or, les réductions d’émissions ne peuvent attendre et deviennent chaque année plus urgentes et plus coûteuses à réaliser. L’annulation ou le report des investissements dans la transition vers une société faiblement émettrice de GES n’est pas concevable, et le risque ne peut être pris en ce sens. Les investissements dans des mesures et technologies de réduction des émissions de GES s’étalent généralement sur des temps longs. Les pays qui respectent leurs engagements et investissent dans des énergies renouvelables et dans l’efficacité énergétique ne pourront pas changer de sources d’énergie et de modes de production et de Voir par exemple à ce sujet : Barrett 2003 ; Asheim et al. 2006 ; Asheim et Holtsmack 2009). 25 26 consommation en un claquement de doigts. Et vice-versa. De fait, le risque de « passager clandestin » que fait peser un tel postulat n’est pas envisageable pour le futur régime climatique après 2020. Ce dernier devra donc reposer sur un mécanisme spécialement dédié au respect des engagements. § Option 2 - Un système d’accès restreint à des biens « de club » Une autre partie de la littérature sur les AME analyse les conditions à réunir pour construire des coalitions stables entre pays27. Une coalition de pays est dite « stable » si aucun pays membre n’accroît ses avantages en la quittant, ni aucun pays non-membre en la rejoignant. Cela sous-entend donc que les coalitions sont généralement de petite taille. Dans le cas du climat, où les coalitions doivent être le plus large possible, les chercheurs ont proposé à ce que la coopération internationale sur le changement climatique soit rattachée à une coopération vis-à-vis d’un « bien de club » afin de créer des incitations pour que les pays participent à la coalition. C’est le cas par exemple du partage et du transfert de technologies ou bien de la participation au commerce international, qui donnent un avantage compétitif à ceux qui participent. Une telle proposition est confrontée à ses propres limites. La diffusion de la technologie est difficile à empêcher. De plus, il est de l’intérêt des entreprises qui ont généré ces technologies dans les pays qui respectent leurs engagements de les diffuser et de les vendre dans d’autres pays. Mais il est surtout dans l’intérêt général et du climat que ces technologies soient diffusées le plus largement possible, et non pas réservées à Hovi et al. 2012. 27 Voir par exemple Finus (2008b). 42 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives une poignée de pays, afin de réduire les émissions de GES à l’échelle du globe ! L’unique modèle du « bien de club » n’est donc pas concevable non plus pour le régime climatique post 2020. § Option 3 - Des restrictions au commerce international Le protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone est souvent cité comme un exemple d’AME qui fonctionne bien. Certains affirment qu’il est efficace grâce aux restrictions commerciales qu’il impose aux Etats qui ne respectent pas les engagements auxquels ils ont souscrit28. Ce lien opéré avec les échanges commerciaux a été décrit comme étant à la fois un moyen d’éviter les défauts de conformité, mais aussi d’inciter les pays à participer 29 . Cela suppose que les restrictions au commerce international ne pénalisent pas les pays qui respectent leurs engagements. Cela suppose également que le lien avec le régime commercial permette de réduire les « fuites de carbone » 30 et n’améliorent pas la compétitivité des pays qui ne respectent pas leurs engagements. 28 Benedick (1998) ; Barrett (2020). 29 Stiglitz (2006) ; Karp et Zhao (2009). Les fuites de carbone sont les déplacements d’émissions de GES dus à des délocalisations d’entreprises fuyant les pertes de compétitivité dans les pays où la contrainte politique et réglementaire sur la réduction des émissions de GES est trop forte. Le plus souvent, les délocalisations industrielles ne sont pas causées par la contrainte climatique, mais plutôt par des différences de coûts du travail ou de dynamisme des marchés locaux. En outre, le niveau de contrainte dans les pays développés est actuellement trop faible pour mener à des pertes de compétitivité (environ 7-8 euros la tonne de CO2 sur le marché carbone européen, au lieu de 30 euros prévus initialement !). 30 Dans le cas du climat, toutefois, un tel régime semble complexe à mettre en œuvre. Certains auteurs expliquent qu’il ne permettra pas de réduire suffisamment les fuites de carbone, ne constituant pas une incitation crédible. § Option 4 d’amendes - Un système Certains auteurs ont proposé que les mécanismes de mise en œuvre du futur régime climatique comporte un système d’amendes. La détermination des amendes serait propre à une situation nationale particulière (système modulable). Ces amendes seraient payées par les pays une fois le défaut de conformité constaté. Les sommes ainsi collectées seraient partagées entre pays ayant respecté leurs obligations31. La difficulté évidente avec ce type de système, c’est que les pays refusent tout simplement de payer leurs amendes, voire que le système empêche une participation large des pays. Les auteurs affirment que les pays seront incités à payer leur amende car ils font rarement défaut à leur dette souveraine. Mais dans le contexte actuel d’endettement des Etats, on constate qu’il peut arriver que les Etats fassent défaut à leur dette souveraine. De plus, une amende n’est pas synonyme de dette souveraine. On peut très bien imaginer qu’un Etat refuse de payer sa dette « climatique » mais continue de pouvoir emprunter sur les marchés financiers. § Option 5 cautions - Un système de Certains auteurs proposent de mettre en place un système de cautions annuelles payées en avance par les pays, 31 Voir la proposition de Karp et Zhao (2009). 43 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives proportionnelles à leurs engagements chiffrés de réduction d’émissions et du coût des actions requises pour respecter ces engagements 32 . Les Etats perdraient ces cautions en cas de non respect de leurs engagements, et les récupéreraient si ces engagements sont atteints. Le futur régime post-2020 devra préserver les acquis du protocole de Kyoto en matière de contrainte juridique, tout en renforçant et en élargissant ces acquis à l’ensemble des pays émetteurs. Il devra allier une contrainte plus forte imposée aux Etats à une participation ambitieuse de tous les pays. Les discussions entre pays sur la forme juridique de l accord 2020 Le régime post-2020 sera-t-il établi à partir d’un ou plusieurs accord(s) juridiquement contraignant(s), tel(s) qu’un amendement au protocole de Kyoto ? Un nouvel accord juridique définissant des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les pays qui ne sont pas soumis à des objectifs chiffrés sous le protocole de Kyoto ? Un nouvel accord mondial incluant tous les pays et remplaçant le protocole ? Ou bien le régime post-2020 sera-t-il défini par un accord politique ou une décision de la Conférence des Parties (COP) à la Convention Climat ? développement. Des nuances sont apparues, notamment au sein du groupe des pays en développement. A Durban, lors de la COP17, les pays se sont mis d’accord pour adopter un « résultat partagé », qui pourra prendre la forme d’un « protocole ou un accord avec force juridique », un terme encore vague. Cette contrainte s’appliquerait à l’ensemble des pays, y compris aux pays en développement, à des degrés divers. L’Union européenne, qui pousse depuis plusieurs années pour la signature d’un nouvel accord juridiquement contraignant, est partie du principe que l’accord trouvé à Durban est synonyme d’un accord juridiquement contraignant. D’autres pays, comme la Chine et l’Inde, qui pour la première fois ont accepté de manière officielle de négocier un cadre juridiquement contraignant pour l’ensemble des pays, y compris pour eux, risquent de vouloir revenir sur la forme juridique de l’accord, comme ils l’ont fait lors de la session de négociations internationales de Bonn en mai 2012. Dans la période qui a précédé la Conférence de Durban (2011), les positions des pays sur la question de la forme juridique ont évolué. Elles ne se divisaient plus selon les catégories habituelles : pays développés / pays en 32 Hovi et al. (2012). 44 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Groupe de pays Voie de la Convention Climat Voie du protocole de Kyoto AOSIS En faveur d’un nouvel accord juridiquement contraignant En faveur d’une 2e période d’engagement sous le protocole § Un nouvel accord inspiré du protocole de Kyoto § Urgence Union européenne En faveur d’un nouvel accord juridiquement contraignant adopté en 2015. En faveur d’une 2e période d’engagement sous le protocole, conditionnelle à: 2e période d’engagement comme transition vers le nouvel accord. Norvège Suisse Commentaires § L’adoption d’un mandat de négociation d’un accord juridiquement contraignant sous la Convention climat. § Un accord qui couvre l’ensemble des émissions mondiales. Pas de position commune sur la forme juridique En faveur d’une 2e période d’engagement Le protocole de Kyoto comme symbole En faveur d’un nouvel accord juridiquement contraignant En faveur d’une 2e période d’engagement sous le protocole, conditionnelle Différentiation et flexibilité pour tous Brésil Chine Inde Philippines Corée du Sud Arabie Saoudite Des décisions de la COP pour compléter le Plan d’action de Bali sont suffisantes En faveur d’une 2e période d’engagement sous le protocole § « Le fond précède la forme ». § Discussions après la revue mondiale et le 5e rapport du Giec : si un accord juridiquement contraignant est nécessaire, alors il devrait être basé sur le « pare-feu » de Bali entre pays développés et pays en développement. Japon En faveur d’un nouvel accord juridiquement contraignant Le protocole de Kyoto doit être remplacé par le nouvel accord. § Nouvel accord similaire au protocole de Kyoto. § La symétrie juridique entre pays développés et pays en développement est indispensable. § Doit maintenir l’accès aux mécanismes de flexibilité du protocole de Kyoto. G-77 Chine Australie NouvelleZélande 45 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Etats-Unis Un nouvel accord juridiquement contraignant pourrait être nécessaire après 2020. Mais la forme juridique du résultat de la négociation ne doit pas être déterminée lors de la conférence de Durban. Les Etats-Unis ignorent le protocole de Kyoto. Une participation large des pays L’accord mondial devra trouver un équilibre délicat entre équité et efficacité, large participation et forte ambition. C’est là tout l’enjeu des négociations internationales sur le climat depuis le début des négociations sur le protocole de Kyoto. Jusqu’à présent, le régime climatique n’a réussi à mobiliser ni une participation large des pays développés à l’effort (Etats-Unis en-dehors du protocole de Kyoto, Canada en est sorti, Russie, Japon, Nouvelle-Zélande désengagés du cadre international), ni un niveau d’ambition suffisant. Cette situation ne peut perdurer. Toutefois, l’absence d’engagement de même nature entre la Chine et les Etats-Unis, par exemple, même si de niveau différent, ne doit pas être une excuse pour bloquer le processus et ne rien faire. De même, les pays ne peuvent attendre que les Etats-Unis se mobilisent enfin pour agir. § Un accord de type accord d’application. § La symétrie juridique entre pays développés et pays en développement est indispensable. L’architecture du nouvel accord juridiquement contraignant ne peut être basée sur le « pare-feu » de Bali entre pays en développement et pays développés. Une différenciation plus subtile et plus équitable entre pays Le futur régime climatique continuera-t-il de tracer une ligne aussi définie entre pays industrialisés et pays en développement ? Ou créera-t-il plus de parallélisme et de symétrie entre les deux groupes de pays, par exemple, en imposant des obligations contraignantes aux deux groupes de pays ? Ou bien en adoptant des règles communes de comptabilisation, de suivi et de reporting et de respect des obligations ? L’adoption de la Plateforme de Durban lors de la COP18 montre que les pays acceptent de repenser l’architecture climatique internationale. Elle montre en outre que la ligne de fracture entre pays développés et pays en développement est en train de s’estomper. A Durban, le leadership des pays émergents, Chine en tête, s’est confirmé. Les pays émergents sont désormais ouverts à la possibilité de négocier un accord mondial contraignant, même si ce changement radical est difficile et qu’ils font parfois des déclarations contradictoires. 46 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Dans le futur régime climatique, une différentiation plus fine des groupes de pays, notamment à l’intérieur du groupe des pays en développement (G77+Chine), sera nécessaire. Cette différenciation devra absolument reposer sur le principe clé de la Convention de « Responsabilités communes mais différenciées et capacités respectives » des pays. Elle devra respecter, mais aussi renforcer ce principe. La question qui se pose désormais, c’est comment différencier ces pays de manière formelle en vue d’un partage équitable et efficace de l’effort international de lutte contre le changement climatique. Une séparation entre pays développés, pays émergents et le reste des pays en développement n’est pas satisfaisante. Si la Chine et l’Inde jouent toutes deux un rôle de plus en plus important dans la politique climatique internationale, à travers des positions qui se recoupent souvent, ces deux pays demeurent néanmoins très différents. Ils n’utilisent pas toujours les mêmes arguments, ne défendent pas nécessairement les mêmes principes. Et dans la réalité, les deux pays présentent des niveaux de développement tout à fait différents. La population de l’Inde est encore majoritairement pauvre et les émissions de CO2 par habitant sont encore faibles (1,5 tonne en 2008, soit 12 fois moins que les Etats-Unis et 3,5 fois moins que la Chine la même année). Aujourd’hui, un chinois émet désormais la même quantité de CO2 par habitant qu’un européen. A terme, une différentiation devra s’opérer entre l’Inde et la Chine. Certains affirment que désormais, le principe organisateur du futur régime climatique ne sera non pas la différentiation mais la symétrie des engagements nationaux 33 . Cela ne signifie pas que la différentiation entre pays industrialisés et pays en développement aura disparu. L’équité continuera d’être un sujet central des négociations internationales au cours des années de négociation de l’accord mondial. L’UE propose dans les négociations internationales l’idée d’un « spectre d’engagements », qui montre la diversité des niveaux et des formes d’engagements que les différents pays et groupes de pays pourraient être amenés à prendre dans le cadre de ce nouvel accord. Une différenciation à l’intérieur des pays en développement ne pourra faire l’économie d’une finesse dans la définition des engagements différenciés et d’une grande équité. A ce titre, l’intransigeance actuelle des Etats-Unis, qui n’agissent quasiment pas chez eux et demandent beaucoup aux pays en développement, est toxique pour la négociation internationale. La différenciation passera donc par un changement de positionnement des Etats-Unis et des efforts accrus de leur part. Ils devraient également accepter d’avoir une discussion constructive avec les pays en développement sur le principe de Responsabilités communes mais différenciées. 33 Rajamani (2012). 47 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Privilégier une approche réglementaire (vraiment) descendante Le protocole de Kyoto se caractérise par une approche réglementaire a priori descendante, à savoir la définition d’objectifs chiffrés et adoptés au niveau international, puis une déclinaison au niveau national (ou régionale dans le cas de l’Union européenne). Le futur régime international sur le climat correspondra-t-il à la même logique ? Ou fonctionnera-t-il à partir d’une approche ascendante, avec des Etats qui définissent leurs propres approche et objectifs climatiques ? Ou bien une approche hybride ? En termes de processus, les engagements des pays seront-ils définis dans le cadre d’un accord mondial ou bien par les Etats eux-mêmes via des décisions unilatérales ? Le nouvel accord mondial sur le changement climatique devra définir une véritable « vision partagée », qui fixera un objectif de réduction d’émissions de long terme et une date à laquelle devront culminer les émissions de GES au niveau mondial. En se basant sur la science, les ONG demandent à ce que ce pic des émissions ait lieu en 2015. Par conséquent, il ne faut pas atteindre l’aboutissement du futur régime (2020) pour marquer des avancées claires sur cette question. Les objectifs définis au niveau international seront ensuite déclinés au niveau des pays. Il faudra à tout prix éviter que les pays n’utilisent les années de référence comme levier de négociation. L’expérience de l’air chaud ne doit plus se reproduire : elle met à mal la confiance dans le système et empêche les pays qui agissent vraiment de valoriser leurs efforts à l’échelle internationale. Seule une approche descendante permettra de garantir que les engagements des pays soient cohérents avec une trajectoire d’émissions permettant de limiter le réchauffement de la température moyenne du globe bien en-deçà de 2°C, un objectif déjà acté par tous les pays sous l’égide de l’Onu. On connaît bien les conclusions du dernier rapport du Giec, datant de 2007 (qui pourraient évoluer dans le prochain rapport à paraître en 201434) : un tel objectif suppose que les émissions mondiales en 2050 arrivent à la moitié de leur niveau de 1990. En particulier, une réduction des émissions à hauteur de -80 à -95% est nécessaire pour l’ensemble des pays développés, et une déviation substantielle des émissions des pays en développement, par rapport à un scénario de référence. Malgré les bouleversements économiques rapides, le principe fondamental ne changera pas dans le futur régime climatique : puisque les nations en développement doivent pouvoir se développer, les pays industrialisés doivent réaliser la majeure partie des réductions d’émissions. Jusqu’à présent, les pays ne sont pas parvenus, dans la négociation internationale, à un accord sur une « vision partagée » ambitieuse et traçant une trajectoire claire pour tous les pays. L’objectif Kyoto pour 2012 existait bien, mais désormais il ne couvre que 15 à 20 % des émissions mondiales de GES. En outre, la deuxième Avec la publication des résultats préliminaires en 2013 (hors résumé politique à destination des gouvernements). 34 48 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives période du protocole de Kyoto – si elle a bien lieu – ne respectera pas l’approche descendante qui avait été esquissé à Kyoto. Chaque pays a mis sur la table l’objectif national qu’il envisageait de faire de toute façon ; un objectif souvent déjà acté dans sa législation nationale. Les pays développés proposent des objectifs « conditionnels » : si les autres pays font plus, alors ils rehausseront leur objectif de réduction d’émissions. Mais tous (ou quasiment) refusent aujourd’hui de le faire, que ce soit dans le cadre du protocole de Kyoto ou endehors (Etats-Unis, Canada). Tous maintiennent leur niveau d’ambition très faible. Collectivement, les objectifs de réduction d’émissions des pays développés pour 2020 ne sont pas en accord avec les fourchettes d’objectifs qu’il faudrait respecter pour limiter un changement climatique cataclysmique. Les discussions sur la « vision partagée » vont probablement trouver leur place au sein de la « Plateforme de Durban » et s’insérer dans la négociation de l’accord mondial. Si les pays continuent de refuser de voir l’urgence de l’action et le coût de l’inaction, révélé dans tant de rapports récents, alors ces discussions risquent d’échouer à nouveau. Le nouvel accord mondial sur le changement climatique devra adopter une approche objective pour la définition des objectifs nationaux. Il devra limiter au maximum l’utilisation des objectifs chiffrés comme leviers dans la négociation. Cela risquerait de compromettre l’atteinte de l’objectif final acté par les Etats : limiter le réchauffement de la planète bien en deçà de 2°C. Cela pose une nouvelle fois la question complexe, mais centrale, du partage de l’effort entre les pays et de l’équité. Se questionner sur le caractère dynamique du futur régime climatique Le protocole de Kyoto repose sur une évaluation assez figée et dichotomique de la responsabilité des pays en termes d’émissions mondiales de GES, ainsi que des connaissances scientifiques. Cela instaure une dépendance vis-à-vis des choix initiaux. Le régime climatique post-2020 saura-t-il adopter une approche plus dynamique ? Le nouveau régime climatique devra pouvoir intégrer de manière flexible et proactive les éléments tirés des derniers rapports scientifiques (Giec notamment), les évolutions géopolitiques et macro-économiques, etc. Ce doit donc être un régime dynamique et non pas figé, comme l’est le régime actuel. En 2013-2014 doit avoir lieu une revue mondiale des efforts réalisés par l’ensemble des pays, en lien avec les dernières conclusions des scientifiques. Les pays font-ils assez pour éviter un changement climatique catastrophique ? Ou bien faut-il qu’ils augmentent leur niveau d’ambition et d’efforts ? La limite, fixée par les pays, d’un réchauffement maximal de 2°C en fin de siècle, est-elle vraiment la bonne ? Un passage en revue des efforts des pays sous le protocole de Kyoto doit également avoir lieu au cours de la deuxième période d’engagement. 49 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives La procédure simplifiée d’ajustement des engagements des pays dans le cadre de la deuxième période d’engagement du Protocole, telle que proposée par l’UE, pourrait établir un précédent intéressant pour l’avenir du régime climatique mondial. Cette procédure de rehaussement des objectifs doit être étroitement liée, par un mandat fort, à la Revue des efforts mis en œuvre par les Etats. Comptabiliser nos émissions liées à la consommation Le constat de l’importance croissante des émissions liées à la consommation des pays industrialisés appelle à un changement de mode de comptabilisation des émissions de GES. En appliquant une comptabilisation fondée sur le principe de consommation, l’ensemble des émissions générées pendant la fabrication et/ou le transfert des produits que nous consommons (soit pour notre production, soit pour notre consommation) serait pris en compte dans nos inventaires nationaux. Cependant, la comptabilisation des émissions de CO2 non territoriales repose sur des méthodologies relativement récentes, dont aucune n’est suffisamment reconnue et partagée. En particulier, ces approches se heurtent à des limites scientifiques et méthodologiques qui ne permettent pas, aujourd’hui, de comptabiliser ces émissions avec certitude, et donc de définir des politiques publiques et des mesures afin de les réduire. devraient les inciter à commencer à effectuer un suivi. Les Etats, notamment industrialisés, doivent s’engager, dans un premier temps au niveau national, à publier des données sur les émissions de GES incorporées dans leurs importations de biens et services. Ces données pourront être précisées au fur et à mesure que les méthodologies sont affinées. Les Etats devraient également s’interroger sur l’efficacité des politiques climatiques en place, qui sont aveugles face à une majeure partie des émissions mondiales de GES. Les chiffres officiels font croire à une performance exceptionnelle des politiques climatiques existantes, notamment au sein de l’UE, tandis qu’il faudrait réévaluer leur efficacité à l’aune des chiffres des émissions réelles des pays, c’est-à-dire avec les émissions incorporées dans les importations. D’autre part, l’absence de comptabilisation des émissions transférées entre pays pose la question de l’adoption de politiques publiques complémentaires, qui n’existent pas aujourd’hui et seraient nécessaires pour réduire véritablement et durablement nos émissions de GES. Les politiques de réduction de la consommation d’énergie et de biens et services (réduction de la publicité, lutte contre l’obsolescence programmée etc.), les politiques de relocalisation de la production, etc. font partie des mesures à explorer. Malgré ces incertitudes, les Etats ne peuvent continuer à ignorer une part si importante – et croissante – de leurs émissions de GES. Les ordres de grandeur sont clairs et 50 Réseau Action Climat France Protocole de Kyoto : Bilan et perspectives Conclusion Alors que s’ouvre la conférence de Doha sur le climat, le régime climatique mondial entre dans une phase de transition. Il devrait être remplacé d’ici 2020 par un nouveau régime international encadrant la lutte contre le changement climatique au niveau mondial. D’ici la conclusion d’un accord mondial impliquant tous les pays – même les pays émergents, le protocole de Kyoto va jouer un rôle de relais. Si la poursuite du Protocole, avec une deuxième période d’engagement des pays, est bien confirmée à Doha, il assurera la transition jusqu’au prochain accord mondial. La survie à Doha du protocole de Kyoto est essentielle. Pendant cette transition, il maintiendra un cadre juridique, avec des règles communes et des mécanismes internationaux. Néanmoins, le Protocole a aussi conduit à la mise en place de politiques publiques nationales Climat-énergie visant à le mettre en œuvre. Son « squelette » devra également aider à structurer le prochain accord mondial : § § § Les acquis de ce traité international doivent être préservés à tout prix en vue de l’accord mondial qui entrera en vigueur en 2020. Plutôt que de repartir de zéro, le futur régime climatique peut exploiter les fondations solides du protocole de Kyoto. Il doit les étayer et bâtir à partir d’elles. Le bilan du protocole de Kyoto en termes de réductions d’émissions de GES est certes mitigé. L’absence de participation des EtatsUnis a été un coup dur porté au Protocole. De même, la stabilisation annoncée des émissions des pays agissant sous le Protocole, en partie réelle, ne découle pas uniquement du traité international. Elles sont aussi le fait d’un phénomène de désindustrialisation massive dans les pays d’Europe de l’Est et Centrale en transition, et de la crise économique qui sévit dans les pays développés depuis 2008. § § La nécessité d’un mécanisme de mise en conformité et de sanction, dont l’efficacité et la contrainte devront être renforcées, L’importance de l’approche règlementaire descendante (« top down »), avec un objectif collectif, fixé pour l’ensemble des pays, puis décliné de manière la plus objective possible en objectifs et budgets carbone nationaux. Le futur régime climatique ne devra en aucun cas reposer sur l’approche flexible et volontaire qui a suivi la Conférence de Copenhague, Le renforcement du système de transparence, qui devra être amélioré (disponibilité et qualité des données) et rendu plus fidèle à la réalité. En particulier, le futur régime climatique ne devra plus comptabiliser les réductions d’émissions « factices » (air chaud). Il devra également prendre en compte les transferts internationaux d’émissions, notamment liés aux importations, et chercher à les réguler, Le maintien d’une différenciation des pays, mais plus fine que sous Protocole de Kyoto. Elle pourra différencier à l’intérieur des pays en développement. Elle prendra en compte la réalité du monde actuel et respectera et renforcera le principe de « Responsabilités communes mais différenciées », clé de voute du régime climatique mondial, Un régime plus dynamique, qui doit intégrer les dernières évolutions scientifiques, techniques, macroéconomiques et géopolitiques. 51 Réseau Action Climat France