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School of Modern Languages and Cultures, The University of Hong Kong LANG3073 - French and Francophone Cinema Seminar II [ Le fabuleux destin d'Amélie Poulain Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain est un film français réalisé par Jean-Pierre Jeunet et sorti en 2001. Il s’agit d’une comédie romantique écrite par Jeunet et Guillaume Laurant avec Audrey Tautou dans le rôle principal. Le film est une représentation originale et parfois idéalisée de la vie contemporaine à Paris dans le quartier de Montmartre. Synopsis Le film raconte l'histoire d'Amélie une jeune femme qui a grandi isolée des autres en raison d'une maladie cardiaque diagnostiquée à tort par son père médecin. Enfermée dans ce monde solitaire où son seul ami est un poisson rouge, Amélie s'invente un univers riche et coloré qui lui permet de s'évader. À vingt ans, Amélie quitte le domicile familiale pour s'installer dans le quartier de Montmartre, à Paris, où elle travaille comme serveuse au Café des 2 moulins. C'est une jeune femme naïve, timide et généreuse, qui aime les plaisirs simples. Un soir, alors qu'à la télévision on annonce la mort tragique de la Princesse Diana, Amélie va faire une découverte qui va changer sa vie. À partir de ce moment là, Amélie n'a plus qu'une mission : faire le bonheur des autres. Réception et impact Sorti en 2001, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain est l'un des plus grand succès du cinéma français. Le film a réalisé plus de 30 million d'entrées en France et à l'étranger et a su séduire le public français autant qu'international. Les raisons de ce succès peuvent s'expliquer à la fois par le caractère optimiste du film et les valeurs positives qu'il diffuse (bonté, altruisme) ainsi que par sa représentation idéalisée d'un quartier de Paris et des ses habitants. Dans l'ensemble, le film a été très bien reçu par la critique bien qu'il ait créé une polémique ; notamment après la publication d'un article du critique Serge Kaganski. En Mai 2004, un article dans le journal Le Point a propos du cinquième film de Jean-Pierre Jeunet, Un long dimanche de fiançailles commence par cette référence au Fabuleux destin d'Amélie Poulain : Mai 2001 : 8 millions de Français n'ont que le prénom d'Amélie à la bouche ; le coeur léger, ils croient à nouveau au bonheur, à Montmartre et au réalisme poétique. On met le « Fabuleux destin » à toutes les sauces, Audrey Tautou devient la petite fiancée des Français et « Amélie » pulvérise les records des films français aux États-Unis. Fabuleuse aventure pour un joli film sans prétention signé Jean-Pierre Jeunet, cantonné jusque-là dans le genre fantaisiste, voire fantastique, en marge du cinéma populaire. 1 Les influences de Jean Pierre Jeunet Le fabuleux destin d'Amélie Poulain trouve son influence dans le Réalisme poétique des années 30 et dans ses représentations poétiques de Paris. Jean-Pierre s'est notamment inspiré du film de René Clair Sous les toits de Paris (1930). Les deux films ont, en effet, de nombreux points communs. Dans son film, René Clair décrit un quartier populaire de Paris, pas loin de Montmartre, où un jeune chanteur des rues essaie d'aider ses voisins, ses amis et surtout une jeune femme dont il est amoureux. Dans un décor parfaitement réaliste mais également très artificiel — il a été entièrement construit en studio - le film se caractérise par son humour, sa gaité et la description des figures populaires de Paris. Autre point commun avec Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, Sous les toits de Paris, a connu un très grand succès non seulement en France mais aussi en Allemagne, aux États-Unis et au Japon. L'autre grande source d'inspiration de Jean-Pierre Jeunet c'est le cinéma d'animation et le dessin animé. Le réalisateur est d'ailleurs un spécialiste de l'histoire de l'animation et a dirigé Fantasmagorie, une revue spécialisée dans les cartoons des années 20-50. 1 Le douloureux destin de Mathilde, Le Point, 17/01/2004 L'esthétique du dessin animé marque le film de Jeunet à commencer par le visage d'Amélie avec ses très grands yeux et ses très nombreux regards vers la caméra (comme dans les films d'animation de Tex Avery) qui établissent une complicité entre Amélie et le spectateur. Le travail de postproduction pour transformer les couleurs et les nombreuses scènes qui mélangent images de synthèse et cinéma rappellent aussi le dessin animé. L'utilisation de ces techniques permet la construction imaginaire d'un monde vu par des yeux d'enfant. Un film sur-référenciel Avec Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, Jean-Pierre Jeunet a pour objectif de replonger le spectateur dans ses souvenirs d'enfance. Pour atteindre son but, le réalisateur joue sur la mémoire collective et revisite cent ans d'histoire en plaçant dans son film un très grand nombre de références qui peuvent éveiller les souvenirs du spectateur. Comme le note Martin Barnier 2 : "Cette complicité est renforcée par les nombreuses références a l'Histoire et au cinéma qui permettent a chaque spectateur de se sentir dans un univers connu, en même temps que d'infimes décalages avec la réalité interdisent une identification avec le monde d'aujourd'hui. Le film se déroule de la naissance a la vingt-troisième année d'Amélie, soit entre 1974 et 1997 puisque le narrateur André Dussolier nous donne la date de naissance de la jeune fille. Mais rien dans l'image n'indique une telle datation. C'est au contraire un siècle de culture franglaise et tous les objets fétiches d'une société qui se glissent dans les clins d'oeil de Jeunet. La référence picturale a Renoir et ses canotiers rappellent la fin du 19e siècle et la peinture impressionniste. Quelques plans très courts évoquent la Grande Guerre. Fréderic Mitterrand se parodie lui-même dans un commentaire qui ancre Amélie Poulain parmi les personnages essentiels du siècle écoule. Avec sa blouse grise, l'épicier raciste Colignon sort tout droit de la France de Vichy et tous les objets de son appartement (charentaises, ampoules et fils électriques, etc.) datent des années 1940. N'importe quel enfant grandi entre les années 1920 et les années 1970 aurait pu jouer avec les petits cyclistes caches au fond d'une boite métallique. Le jeu avec le temps concernant la concierge accentue le sentiment de ne pouvoir dater les lieux ni les objets : une lettre met quarante ans pour lui parvenir." Cette impression de ne pouvoir dater les lieux ou les objets est encore renforcée par l'intérieur de tous les appartements du film, dans lesquels les meubles et les objets mêlent les années 30, 40 et 50. Pour compenser cette impression, Jeunet offre dans son film une très grande précision dans les dates et les noms de lieux. On peut voir la un effet qui permet aux spectateurs d'accepter plus facilement la difficulté d'identifier le monde contemporain sans avoir l'impression d'être perdu. En ce qui concerne les références, on pourrait encore noter les noms de certains personnages sont aussi porteurs de références ; La concierge, Madeleine Wallace (les fontaines Wallace), ou encore Emile Maginot (la ligne Maginot). La télévision et les images de cinéma, enfin, permettent, elles aussi dans le film de revisiter l'histoire et de jouer avec la mémoire collective et la nostalgie de l'enfance du spectateur. Si pour le spectateur étranger ces références ne sont pas toujours évidentes, le film offre de Paris une représentation proche du Paris fantasmé par les touristes (français et étrangers). Analyses et critiques Le fabuleux destin d'Amélie Poulain a donné lieu à un certain nombre d'analyses et aussi à certaines critiques. Certains ont vu dans le film et dans le personnage d'Amélie et son goût pour les petits plaisirs (faire des ricochets, casser la croute de la crème brûlée, plonger la main dans un sac de grain) un retour vers la simplicité et le minuscule, en réaction contre un monde tourné vers la globalisation et la technologie. Ce phénomène qui traverse une partie de la société française et qu'on peut appeler « petisme » peut apparaître dans le film sous diverses formes. Il y a l'importance des produits locaux et des petits magasins de proximité contre l'industrialisation de la nourriture et les grandes structures de type hypermarché. La 2 Amélie révise son histoire. Martin Barnier in Vingtième Siècle, Revue d'histoire, No 74. Sciences Po University Press. notion de quartier (un village dans la ville) et la proximité entre ses habitants contre le développement rapides des grandes villes dans la seconde partie du vingtième Siècle. Le rejet de la technologie et le retour aux petites choses simples (Dans le film, pas de téléphones portable. L'objet le plus avancé technologiquement – la camera vidéo- ne sert qu'a donner l'heure). On peut voir dans ce phénomène l'illustration du malaise des français confrontés à la globalisation et la crainte de perdre une partie de leur identité culturelle. D'autres ont vu dans le succès international du film le besoin du public de retrouver des valeurs positives et optimistes dans un monde marqué par la peur. Il faut noter que Le fabuleux destin d'Amélie Poulain est sorti aux U.S.A en novembre 2001, moins de deux mois après les attentats du 11 septembre. Les spectateurs américains encore sous le choc du 11/9 ont pu, grâce au film, échapper un moment au traumatisme du monde réel et retrouver un peu de joie et d'espoir. Cependant, malgré toutes les réactions positives le film a aussi suscité la polémique. En mai 2001, dans le journal Libération, le critique Serge Kaganski publie un article 3 dans lequel il attaque le film et critique Jean-Pierre Jeunet pour sa vision « rétrograde » et « ethniquement nettoyée» qu'il juge raciste et proche de l'extrême droite. Ce qu'il reproche au réalisateur c'est d'avoir, dans le film, fait disparaître les différentes communautés ethniques, les différences sociales, les différences sexuelles et d'avoir donner de Paris une vision de carte postale très éloignée de la réalité. Extraits de l’article de Serge Kaganski «Amélie» pas jolie « … Jeunet est sous l'emprise d'une telle volonté de maîtrise et de contrôle absolu de ses images que ses films ne respirent plus, que son monde paraît être filmé sous cloche. Amélie Poulain fait ainsi penser à ces boules de neige enfermant les monuments de Paris que l'on vend dans les boutiques de souvenirs kitsch. » « Ce parti pris ultraformaliste donne un cinéma étouffant, de la taxidermie animée, un musée Grévin qui bouge. Les personnages de Jeunet sont des marionnettes, toutes réductibles à un seul trait de caractère bien surligné, toutes résumables en une seule phrase-slogan: La Fille Introvertie qui Découvre l'Amour; la Buraliste Aérophagique; l'Epicier Irascible; la Bistrotière Pittoresque et Bavarde, l'Ecrivain Raté; le Vieux Solitaire et Retiré du Monde qui Recopie des Tableaux de Renoir (un autoportrait lucide de Jeunet?), etc., etc. Dès lors, les rapports que nouent entre elles ces figurines sans épaisseur ne peuvent pas être des rapports humains profonds et développés mais de simples relations fonctionnelles, des ressorts de cause à effet. » « …sous l'épaisse croûte «poétique» d'Amélie Poulain, derrière son aspect rétro Poulbot inoffensif se cache une vision de Paris et du monde (pour ne pas dire une idéologie) particulièrement nauséabonde […]. Si on regarde le film un peu attentivement, qu'y voit-on? Un Paris des années 30, 50, sorti d'un film de Carné/Prévert. Amélie Poulain braille à tout bout de champ/contrechamp: c'était mieux avant! Et alors qu'une oeuvre d'art se doit d'affronter le présent voire le proche futur, Jeunet dirige son regard en arrière toute. » « Non contente d'être réfugiée dans le passé et dans le fantasme populo afférent, Amélie Poulain est recroquevillée dans le cocon de la butte Montmartre. Aux clôtures formelles temporelle et sociale s'ajoute une clôture spatiale. Amélie Poulain, c'est Paris village, c'est le repli dans la tribu du pâté de maison. Nul besoin d'être agrégé de sociologie et d'histoire pour savoir que l'idéologie du village est profondément réactionnaire, qu'elle implique plus ou moins consciemment la peur de la modernité, du changement, des mouvements du monde et du brassage de populations. » « Que vois-je dans le Montmartre de Jeunet? Des Français aux patronymes qui fleurent bon le terroir. Je vois aussi un beur désarabisé qui s'appelle Lucien. Mais où sont les Antillais, les Maghrébins, les Turcs, les Chinois, les Pakis, etc? Où sont ceux qui vivent une sexualité différente? Où sont les Parisiens qui peuplent la capitale en 1997 (année où est censé se passer le film)? » « Tout cela signifie quoi? Que Jeunet regarde le peuple avec sympathie, certes, mais exclusivement le peuple montmarto-rétro-franco-franchouillard. Que le Paris de Jeunet est soigneusement «nettoyé» de toute sa polysémie ethnique, sociale, sexuelle et culturelle. Que l'Autre est aimable et présentable quand il est lointain. On me rétorquera: et alors? Jeunet ne prétend pas représenter exactement la population parisienne, son film est une fable stylisée, pas un documentaire. Oui, d'accord, Jeunet a le droit de styliser Paris comme il l'entend; et on a aussi le droit de trouver sa stylisation contestable, repliée sur une idée vieillotte et étriquée de la France et totalement déconnectée de toute réalité contemporaine. » 3 Amélie pas jolie. Serge Kaganski in Libération, 31/5/2001