Actualité sur les accidents de la circulation A

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Actualité sur les accidents de la circulation A
ACTUASSURANCE – LA REVUE NUMERIQUE EN DROIT DES ASSURANCES
Publication n° 14 JANV-FEV 2010
Actualité sur les accidents de la
circulation
Sabine Abravanel-Jolly
Accident de la circulation - Contrat d’assurance – Responsabilité civile
Rappel :
* Si la loi Badinter a pour objet principal la circulation routière, il importe de préciser qu’elle
s'applique aussi aux atteintes corporelles causées accidentellement par des personnes circulant
sur le sol, dans des lieux ouverts à la circulation publique. Ainsi, en l'absence de véhicule
terrestre à moteur, la loi de 1985 voit son champ d'application étendu, comme le rappelle un
récent arrêt : Cass. 2e civ., 8 janv. 2009, no 07-21.828. Dans cette affaire, une passante avait
été blessée à la suite d'une altercation entre deux passants, la victime avait saisi la CIVI, mais
la Cour de cassation, à juste titre, a estimé que l'indemnisation relevait de la compétence du
FGAOD s'agissant d'un accident sur le sol dans un lieu ouvert à la circulation publique.
* L'indemnisation d'une victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un
véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions d'ordre public de la loi
du 5 juillet 1985, moyen d’ordre public que les juges du fond relèvent d’office en invitant au
préalable les parties à présenter leurs observations : Cass. 2e civ., 11 juin 2009, no 08-14.224.
A) Conditions
1) Un accident de la circulation
* La jurisprudence a retenu une notion très extensive de la « circulation » :
Elle y inclut quasiment tout usage du véhicule à l'intérieur d'une propriété privée : CA Aix-enProvence, 18 mars 2009, RG no 07/08018. Dans cette affaire, une passagère était descendue
du véhicule conduit par son époux pour lui ouvrir le portail, n’y parvenant pas celui-ci est allé
l’aider laissant ledit véhicule sans actionner le frein à main. L’épouse a été écrasée par ce
véhicule qui alors reculé.
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De même, la loi de 1985 est applicable à l’accident provoqué par le chien du conducteur, car
seule la qualité du conducteur du propriétaire du chien compte : Cass. 2ème civ., 11 juin 2009,
n° 08-14224, RGDA 2009, p. 779, note J. Landel.
* Toutefois, lorsque l'accident est survenu à l'occasion de l'activité professionnelle du préposé
qui a agi dans le cadre de ses fonctions, ce dernier n'est pas tenu à indemnisation à l'égard de
la victime : Cass. 2e civ., 28 mai 2009, no 08-13310. Il faut approuver cette nouvelle solution,
une application trop absolue du principe d'exclusivité de la loi de 1985 empêchant de faire
application de l'immunité consacrée au préposé par la jurisprudence dite Costedoat.
Une telle qualification a aussi été refusée pour la chute d'une palette, tombée du hayon du
camion, sur la victime, alors que l'accident était survenu pendant que le véhicule était
immobile, lors d'une opération de déchargement du camion au moyen d'un appareil de levage
étranger à la fonction de déplacement : Cass. 2e civ., 28 mai 2009, no 08-16942.
Dans le même sens, la loi de 1985 n’est pas applicable s’agissant d’une victime tombée du
hayon du camion au cours d’une opération de déchargement. L’élément en cause (le hayon)
étant étranger à la fonction de circulation du véhicule : Cass. 2ème civ., 8 oct. 2009, n° 0815967.
Est aussi réaffirmée l’inapplication de la loi de 1985 à l’accident survenu sur un passage à
niveau après la fermeture des barrières. A propos d’un véhicule immobilisé sur le passage à
niveau et heurté par un train. La SNCF est responsable sur le fondement du droit commun de
l’article 1384 du Code civil : responsabilité sans faute, seule la force majeure est
exonératoire : Cass. 2ème civ., 10 nov. 2009.
2) Un véhicule terrestre à moteur
(…)
3) Une implication du véhicule dans l’accident
Par un assouplissement assez récent, il a été jugé que pour qu’il y ait implication, il faut
certes une perturbation, c’est-à-dire participation causale, mais cette dernière est désormais
souplement entendue : « un véhicule est impliqué dans l’accident dès lors qu’il est intervenu
d’une manière ou d’une autre dans l’accident ». En l’espèce, lors d'une poursuite engagée par
un véhicule de police contre un véhicule volé, le premier a heurté un muret et s'est retourné.
L'un des passagers, gardien de la paix, est décédé des suites de ses blessures trois ans après.
L'assureur du véhicule volé ayant refusé la garantie de l'indemnisation des dommages, sa
famille a assigné en réparation l'agent judiciaire du Trésor public, qui a appelé en garantie
l'assureur en question : Cass. 2ème civ., 4 juill. 2007, n° 06-14484.
Cette solution a été confirmée :
* CA Aix-en-Provence, 3 juin 2009, RG : 07/08358. Dans cette affaire, un
motocycliste, s’engageant dans un rond-point a été surpris par un véhicule qui venait
en sens inverse, a dû freiner ce qui a fait coucher sa motocyclette provoquant sa chute
au sol. Le véhicule en sens inverse est impliqué.
* Cass. 2ème civ., 9 juill. 2009, n° 08-10483. La cour d’appel est censurée pour avoir
considéré que le véhicule de la conductrice n’ayant eu aucun contact, la loi de 1985 ne
s’applique pas.
* Cass. crim., 30 juin 2009, n° 08-8265. L’implication est retenue à l’encontre d’un
conducteur en état d’alcoolémie peu important que cet état n’ait eu aucune incidence
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sur l’accident.
Présomption d’implication. La Cour de cassation affirme, en effet que, à propos d’un agent
de sécurité (piéton) qui, tentant d’immobiliser un véhicule qui démarrait, a été heurté : que le
véhicule soit à l’arrêt ou en mouvement, il « est nécessairement impliqué dans
l’accident » (Cass. 2e civ., 29 avr. 1998, n° 96-18.421).
Plus récemment : Cass. crim., 16 juin 2009, no 08-85.758.
B) La réparation intégrale du non conducteur
Qualification du conducteur éjecté.
Il est généralement admis que le motocycliste qui glisse avec son engin sur la chaussée et qui
vient au même moment percuter un obstacle reste conducteur, alors que celui qui est projeté
de son engin lors du premier accident et reste immobile sur le sol quelques instants, n'est plus
conducteur dans le cadre du second accident.
Malgré cette cohérence, une décision sévère a été rendue récemment à l'encontre d'un
conducteur éjecté qui, au moment du second accident, a été considéré comme n’ayant « pas
perdu la qualité de conducteur », alors qu'il tentait de se relever au moment du second choc,
impliquant par conséquent qu'il avait bien commencé par s'immobiliser sur le sol, le processus
du premier accident était donc achevé au moment du deuxième accident (Cass. 2e civ., 21 déc.
2006, no 05-19.292 : JurisData no 2006-036706 ; Resp. civ. et assur. 2007, comm. 87, note
H. Groutel ;
Dans le même sens sévère : Dans cette affaire, le conducteur tentait de se relever au moment
du second choc, impliquant par conséquent qu'il avait bien commencé par s'immobiliser sur le
sol, le processus du premier accident était donc bien achevé au moment du deuxième
accident : Cass. 2ème civ., 8 oct. 2009, n° 08-16915 et n° 08-16943
En tout état de cause, la Cour de cassation rappelle que l'absence de contestation sur la qualité
de conducteur devant les juges du fond empêche la victime ou ses ayants droit d'en faire état
devant la Cour de cassation : Cass. 2e civ., 9 avr. 2009, no 08-16.346.
Faute inexcusable de la victime protégée.
La faute inexcusable n'est pas plus la cause exclusive de l'accident concernant un cycliste qui
roulait dans le sens inverse à celui des véhicules : Cass. crim., 13 janv. 2009, no 08-82.103.
Au contraire : la faute inexcusable a été récemment retenue à propos d’un piéton qui avait
surgi inopinément de derrière un pilier et avait traversé en courant, de gauche à droite une
voie express passant sous un stade, dépourvue de trottoir ou d’accotement et longeant une
voie ferrée, après avoir franchi les glissières de sécurité, la cour d’appel retenant en outre un
taux d’alcoolémie de 2,10g/l : Cass. 2e civ., 8 oct. 2009, n° 08-17189.
C) La réparation limitée du conducteur
Fin des divergences sur la comparaison avec la faute du défendeur.
Il est désormais constant que « la faute de la victime en relation avec son dommage doit être
appréciée en faisant abstraction du comportement de l’autre conducteur impliqué ».
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Solution réaffirmée par :
Cass. 2e civ., 4 déc. 2008, no 07-20.927 ;
Cass. 2e civ., 9 avr. 2009, no 08-16.136 ;
Cass. 2e civ., 12 mars 2009, no 08-15.321 ;
Cass. 2ème civ., 3 sept. 2009, n° 08-16951.
Appréciation souveraine de la faute du conducteur par les juges du fond.
* à propos du décès d'un motocycliste, que le constat par la cour d'appel de l'existence de
fautes commises par celui-ci à l'origine de son décès, permet d'exclure le droit à
indemnisation de ses ayants droit : Cass. 2e civ., 12 févr. 2009, no 08-10.529.
* Dans une autre affaire, la solution semble acquise et conduit encore à l'exclusion de
l'indemnisation d'un conducteur victime. Celui-ci avait entrepris une manœuvre de
dépassement d'une file de véhicules quasiment arrêtée en raison de la densité de la circulation,
et il avait poursuivi ce dépassement nonobstant le marquage au sol de flèches indiquant la
nécessité de se rabattre sur sa droite pour s'insérer dans la file unique de véhicules :
Cass. 2e civ., 9 juill. 2009, no 08-10.483.
* L’exclusion a encore été prononcée à l’encontre d’un conducteur victime qui, à propos
d’une collision frontale, s’était déporté sur la moitié de la chaussée réservée aux véhicules
venant en sens inverse : Cass. 2ème civ., 3 sept. 2009, n° 08-18298.
* L’appréciation souveraine de la faute du conducteur par les juges du fond peut également
conduire à la limitation de son indemnisation. Ainsi, à l'encontre d'un motard victime alors
qu'il effectuait un dépassement en ville, alors que c'était interdit, et à une vitesse supérieure à
celle réglementée :
Cass. 2e civ., 28 mai 2009, no 08-16.672.
Faute du conducteur victime : contribution à la réalisation de son préjudice.
La Cour de cassation rappelle que s’il appartient au juge d’apprécier que la faute du
conducteur victime a pour effet de limiter l’indemnisation ou de l’exclure, il n’a pas à
rechercher si cette faute est la cause exclusive de l’accident, mais si elle a contribué à son
dommage :
Cass. 2e civ., 28 mai 2009, no 08-16.672 et Cass. crim., 16 juin 2009, no 08-85.985.
Contra :
Cass. 2e civ., 12 mars 2009, no 08-15.321 ; Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, no 08-10.844 ; Cass.
2e civ., 12 févr. 2009, no 08-10.347.
Sachant qu'en toute hypothèse, la loi n'impose pas, pour limiter ou exclure son droit à
indemnisation, que la faute de la victime présente un caractère inexcusable : CA Aix-enProvence, 27 mai 2009, RG no 08/03664
La faute de la victime : nécessité d’un lien causal entre la faute de la victime et son
dommage.
Par deux arrêts rendus le 6 avril 2007, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 6 avril
2007 (Cass. ass. plén., 6 avr. 2007, pourvoi n°s 05-81350 (1ère esp.) et 05-15950 (2ème esp.) :
Juris-Data n° 2007-038460 et 2007-038459, JCP G 2007, II, 10078, note P. Jourdain),
apporte une clarification essentielle de la jurisprudence en rappelant l’exigence de preuve du
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caractère causal de la faute de la victime conductrice, et en refusant de distinguer selon le type
de faute commise.
Cette exigence du lien causal a été réaffirmée par la chambre criminelle à trois reprises :
* dans une première affaire, elle a considéré que des transformations notables apportées au
véhicule et le défaut de port d’une ceinture de sécurité pourraient constituer une faute en
relation de causalité avec le préjudice, et ayant pour effet d’en limiter l’indemnisation. Elle
reproche aux juges du fond de ne pas avoir procédé à cette recherche (Cass. crim., 13 nov.
2007, n° 07-84505 : Juris-Data n° 2007-041880 ; Resp. civ. et assur. 2008, comm. n° 20) ;
* dans la seconde affaire, elle a estimé que le défaut de permis de conduire une moto n’est pas
de nature à justifier une limitation du droit à indemnisation de la victime, dès lors que,
détenteur du permis de conduire des automobiles, il n’était pas un conducteur novice, en outre
rien n’établissait qu’il ait roulé à une vitesse excessive. Dans ces conditions, et en conformité
avec l’arrêt d’Assemblée plénière du 6 avril 2007 (préc.), en l’absence de lien de causalité
entre le défaut de permis de conduire imputable au conducteur victime et la réalisation des
dommages qu’il a subis, aucune faute ne peut lui être reprochée (Cass. crim., 27 nov. 2007, n°
07-81585 : RGDA 2008, p. 95, note J. Landel).
* dans la troisième affaire, elle casse l'arrêt d'appel qui écarte la limitation du droit à
indemnisation du conducteur victime, alors que celui-ci a été éjecté de son véhicule ainsi que
ses enfants, entraînant son décès, parce que sa ceinture de sécurité n'avait pas été attachée :
Cass. crim., 10 févr. 2009, no 08-83.017.
Malgré cette cohérence retrouvée, les juges du fond continuent, maladroitement, à faire
référence à la notion de faute de conduite, même si en définitive, ladite faute est écartée au
motif qu'elle n'est pas à l'origine de l'accident : CA Aix-en-Provence, 3 juin 2009, RG
no 07/08358.
D) Actions récursoires
Contribution des coauteurs : en proportion des fautes respectives .
Cass. 2ème civ., 10 nov. 2009, n° 08-19607 : à propos d’une passagère d’une motocyclette,
blessée lors d’un accident de la circulation, et obligée d’être transfusée. Contaminée par
l’Hépatite C à la suite de la transfusion, l’EFS exerce une action récursoire contre le
conducteur et son assureur en contribution sur le fondement des articles 1147, 1382 et 1251
du Code civil, la contribution à la dette ayant lieu en proportion des fautes respectives : ici
75% EFS et 25% conducteur : les transfusions ayant joué un rôle prépondérant.
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