Organisateur de mariages, vive ce nouveau métier

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Organisateur de mariages, vive ce nouveau métier
Le Temps
P 24
Date 21.02
N
J
M
C
5e
Société
24 • LE TEMPS • LUNDI 21 FÉVRIER 2005
Organisateur de mariages, vive ce nouveau métier
La robe, le gâteau, la liste
des invités. Trouver le lieu,
le prêtre et le coiffeur…
Même si les couples se défont
toujours plus facilement,
les mariés sont de plus en plus
nombreux à vouloir une
cérémonie inoubliable.
Surfant sur la quête
de nouveaux rituels,
plusieurs entreprises
romandes
qui prennent en main
l’organisation de la fête
ont récemment
vu le (grand) jour
Albertine Bourget
tant dans le vent, tout le monde a pleuré.
Moi aussi! C’était trop beau!», se souvient
Noëlle. «J’avais les larmes aux yeux», renchérit Philippe. La scène a eu lieu l’été
dernier. Noëlle et Philippe n’étaient pourtant ni des parents ni des amis des nouveaux mariés. Mais leurs «wedding planners», leurs conseillers de mariage, les
organisateurs de la cérémonie.
Wedding planners. Installés à Genève,
Noëlle et Philippe sont des pionniers romands. Ce couple franco-américain (car
Noëlle et Philippe Marozeau sont mariés)
est issu de l’Ecole hôtelière de Lausanne.
Lui a travaillé dans l’hôtellerie de prestige
et la finance. Elle a été journaliste de mode
pour CNN. Le duo a fondé l’année dernière son entreprise Mariage sans Soucis.
Pourquoi avoir choisi
ce métier? Pour le
romantisme, pour sa magie
Les wedding planners nous viennent,
évidemment, du continent américain. Où
il existe même des «gay and lesbian wedding planners» spécialisés dans les unions
homosexuelles. Hollywood s’est déjà emparé avec délices de cette nouvelle profession, incarnée en 2001 par Jennifer Lopez
dans The Wedding Planner.
En Suisse romande, pour le créneau de
l’organisation de mariages, 2005 est à
marquer d’une robe blanche. Certes, il arrivait déjà que les entreprises spécialisées
dans l’organisation d’événements mettent
MAGNUM
le bateau s’est approché du
quai au son de la musique, avec la
«Q uand
mariée qui attendait, sa robe flot-
Quarante mille mariages sont célébrés chaque année en Suisse. Les wedding planners tentent d’aiguiller les couples sans s’imposer et de capter leurs attentes.
sur pied des mariages. Mais dans la foulée
de Mariage sans Soucis, deux autres sociétés viennent de se lancer: Art du Mariage, dirigée par Iskra Iotzera; et Carnet de
Bal, créée par Stéphanie Feller, la benjamine à 28 ans. Sur le marché, Philippe et
Noëlle Marozeau font déjà figure de vétérans: ils préparent 25 mariages pour 2005
et viennent d’obtenir le soutien de la fondation genevoise Genilem, partenaire
d’entreprises innovantes.
Paradoxe. La longévité des couples se
réduit comme peau de chagrin. Les mariages se défont plus facilement que jamais. Et pourtant, jamais le grand jour
n’aura revêtu autant d’importance. C’est
que les conjoints sont toujours plus âgés
au moment de passer devant le maire ou le
curé. Qu’ils sont souvent installés dans la
vie professionnelle. Qu’ils tiennent de
Mariage heureux, conseils de wedding planners
• Idéalement, il faudrait commencer à
préparer son mariage UN AN, SINON
18 MOIS À L’AVANCE. En ce qui
concerne les lieux, la demande est
bien plus forte que l’offre.
• Ne pas hésiter à demander à
DÉGUSTER REPAS ET VINS avant le
jour J. Si la cérémonie a lieu à l’hôtel,
vous pouvez exiger une chambre
nuptiale gratuite.
• L’ambiance, l’éclairage et la musique,
c’est important, certes. Mais
L’ESSENTIEL EST DANS LES PLATS
ET LES BOISSONS.
• Tâchez d’éviter de faire le mariage civil
et le mariage religieux le même jour. Il
✶✶✶
y a souvent, entre ces deux
cérémonies, une période creuse
difficile à combler.
• 30% des invités ne viendront pas. Ce
n’est pas votre POPULARITÉ qui est
en cause. Juste une moyenne.
• Si certains invités ne sont pas conviés
le soir, penser à NE PAS ORGANISER
L’APÉRITIF ET LE DÎNER AU MÊME
ENDROIT, pour ne pas creuser le
malaise.
• NOTER quel convive a offert quel
cadeau pour envoyer un mot de
remerciement personnalisé dans les
deux semaines suivant le mariage.
A. B.
plus en plus à décider eux-mêmes de ce
qu’ils veulent. Surtout, née de parents qui
ont souvent brûlé les rituels sociaux, la génération des 20-30 ans peine à en inventer
de nouveaux. Qui dit fiancés plus âgés dit
aussi vie professionnelle active et agendas
surchargés, ce qui ne laisse pas beaucoup
de temps pour les préparatifs. Sans parler
du stress (être à la hauteur) et des tensions
qui affleurent, déjà, dans le couple au moment de choisir le menu ou l’orchestre.
Du pain bénit pour les wedding planners.
Ainsi, c’est après avoir organisé les mariages de deux amies que Stéphanie Feller
dit avoir eu le véritable déclic, à force d’entendre une collègue rechigner à fixer une
date de mariage par manque de temps.
Vivant à Estavayer, Rolf, 35 ans, et Mireille, 34 ans se marieront en août. Assez
vite, ils ont décidé de s’adjoindre les services de Stéphanie Feller. «Nous sommes
pris par notre travail. Et nous nous
sommes vite rendu compte que l’organisation prendrait plus de temps que nous le
penserions. Surtout, nous voulons vraiment profiter de la fête!»
Concrètement, tout commence par un
premier rendez-vous entre le wedding
planner et les futurs mariés – la présence
des deux est obligatoire – histoire de cerner un premier budget. Aux organisateurs, ensuite, de faire jouer leur carnet
d’adresses, de dénicher un lieu et de proposer le plus qui fera la différence. Les
Marozeau, qui organisent uniquement les
mariages de A à Z, touchent 10% du budget total, avec un minimum de départ de
3000 francs. Selon eux, un mariage est
réellement réussi à partir de 300 francs
par invité, alors que leurs concurrents tablent plutôt sur un budget de 200 francs
par tête. Les trois entreprises romandes
contactées s’accordent pour jurer que
leurs services ne feront pas faire exploser
le budget du futur couple. «Bien sûr, nos
services ne sont pas pour tout le monde.
Mais il se peut que vous payiez plus en faisant tout tout seuls», assure Philippe Marozeau.
L’argent, certes. Mais l’amour? Et les
sentiments? «Il faut surtout savoir cerner
les gens et les écouter», explique Noëlle
Marozeau. «Pour créer un rapport de
confiance, l’écoute est primordiale. Tout
comme la diplomatie, si l’on a affaire avec
la belle-famille par exemple», sourit Stéphanie Feller. Aux wedding planners d’aiguiller le couple sans s’imposer et de capter ses attentes. «On sent très vite par
exemple si le couple est focalisé sur le lieu.
On se concentre là-dessus, en tout cas au
début», explique Benoît Martin, qui travaille pour Art du Mariage. Mission: faire
de chaque cérémonie un moment inoubliable.
Tous les wedding planners romands
disent avoir choisi ce métier pour sa magie. «La joie des mariés est unique, dit Benoît Martin. Et pourtant, même si le gros
du travail a été fait en amont, le grand jour
est pour nous éreintant.» D’autant que
l’imprévu est toujours au rendez-vous.
Les Marozeau se souviennent d’un mariage sous tente avec buffet. Cent invités
étaient attendus, dix de plus sont arrivés.
«Des Parisiens stressés, qui ont commencé par râler parce qu’ils n’avaient pas de
chaise et de nourriture. On a dû tout
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chambouler. On en a retenu une chose:
plus jamais de table sans placement nominatif!» Une autre fois, il a fallu dénicher en
catastrophe des instruments pour un
groupe de musiciens débarqués d’Angleterre auquel les mariés tenaient absolument. «Le mariage parfait, ça n’existe pas:
il se passe toujours quelque chose. L’idéal,
c’est que les mariés ne s’en aperçoivent
même pas.»
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