La douce symphonie du crépuscule, Chapitre 1

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La douce symphonie du crépuscule, Chapitre 1
A comme Association
Fan-fiction : La douce symphonie du crépuscule
Chapitre 1
Salut tout le monde. Moi, c’est Frank (sans le C, je sais, mes parents
ont sans doute voulu me faire une blague à ma naissance). Là, je vous
raconte la plus grande histoire de toute ma vie… À vrai dire, c’est pas
forcément la plus grande histoire de ma vie, mais elle est assez
importante pour que j’en fasse part.
Bon, on va d’abord commencer par moi, hein. Donc, je m’appelle
Frank Elduin (oui, en plus de mon prénom à l’orthographe douteuse, mon
nom de famille est aussi bizarre que la traduction française du Seigneur
des Anneaux…). J’ai 17 ans, je suis en classe de terminale, mais du genre
plutôt moyen. Cheveux châtains en bataille qui partent en sucette à
chaque fois que j’essaie de les peigner, yeux noisette, un corps plutôt
malingre que svelte, mais on y reviendra plus tard. Si on devait en plus
parler de ma famille, je dirais que je suis le fils unique de deux bizarreries
de la nature. Parce que oui, mes parents sont aussi bizarres que moi : ma
mère est l’une des dernières Atlantéennes en ce monde, et mon père est
un lointain descendant d’une vieille famille d’elfes. Et moi, je suis leur
rejeton. Oui, c’est vrai que ça fait bizarre, dit comme ça. Oui, je suis un
demi-Atlante et un dix-millionième d’elfe (si mes souvenirs sont bons,
mais la généalogie et moi, ça fait autant de Spartiates contre les armées
de Perse… Soit 300)
Donc voilà, j’en ai fini avec les présentations. Passons maintenant au
vif du sujet. Nous sommes le matin du 3 décembre, il fait plutôt froid et je
me les pèle sérieusement. Mais j’attends. Ils n’allaient tout de même pas
me faire faux bond (ha ha !), ces petits moches ! Si ?
Bon, apparemment, vous ne voyez pas de qui je veux parler quand
je parle des « petits moches ». Je parle des Kobolds. Enfin, de ces Kobolds.
Encore un quart d’heure à poireauter dans ce hangar frigorifique et je me
barre. J’ai pas envie de finir les écailles gelées en me les caillant à environ
-10.
Quoi ? J’ai dit écailles ? Oh, vous inquiétez pas, vous comprendrez
bien assez vite. Et puis, c’est mon histoire, alors je la raconte comme je
veux, d’accord ?
Bon, j’en étais où, tiens ? Ah oui, mes roustons risquent de finir en
surgelés si je me magne pas de sortir d’ici. À côté, l’iceberg de Titanic
passerait pour une plage des Seychelles. Si, si, je vous le vous le jure.
Alors que je m’apprêtais à sortir, une petite main hirsute m’agrippe
le poignet. Poils roux moche entortillés comme mes cheveux qui auraient
passés un certain temps sous un bonnet, longs ongles qui n’ont sans
doute jamais connu le miracle de la manucure, une peau sombre et
fripée… Alors comme ça, ils avaient préféré que je veuille partir pour
m’accoster ? D’accord, les Kobolds ne brillent pas par leur logique, mais
là, c’est poussé à l’extrême !
« Alors, on souhaite jouer les filles de l’air ?, me lance Grincheux
d’une voix nasillarde qui ferait peur à Gollum. Ce n’est pas très gentil,
surtout que c’est toi qui es venu de ton plein gré…
- Je vous pensais plus hospitaliers, vous, les Kobolds, répondis-je,
d’un ton sec et cassant (sans Panthène Pro-V). Et me faire venir dans une
chambre froide, alors que vous savez ce que je suis, n’était pas non plus la
meilleure idée que vous ayez eue. Faire venir un Atlante dans une
conserverie de poissons, on aura tout vu ! »
Puis mon petit bonhomme me tire un sourire qu’il veut carnassier,
soit une rangée d’incisives tombales, mais qui ne m’intimide pas le moins
du monde, et me tire vers un vieux monte-charge délabré. Manuel,
évidemment. Et comme c’est moi l’invité, j’ai l’ô combien immense
honneur, enfin, pour un Kobold, de tirer sur le levier qui fera s’actionner
l’archaïque ascenseur.
Alors, maintenant qu’une interminable descente s’amorce, autant
parler un peu plus de moi.
De par mon ascendant hybride, j’ai été, d’aussi loin que je me
souvienne, pris en charge par l’Association. À vrai dire, pour un cas
comme le mien, c’est un peu normal. Parce qu’un Métamorphe, ça court
pas les rues et qu’en plus, j’ai de grandes chances de choper des maladies
bizarres et mutantes (qui touchent à la fois Atlantes et Elfes, une belle
petite plaie que je devrais me trimballer le restant de ma vie). Attention,
je vous retiens. Non, mon pouvoir n’est pas le plus génialissime en ce
monde. Non, je ne peux pas me transformer en n’importe qui. Ça, c’est de
la polymorphie, ce qui est tout à fait différent de la métamorphie. Je ne
compte pas faire un traité sur le sujet, mais il y a autant de différences
entre la métamorphie et la polymorphie qu’entre une mousse au chocolat
et un enjoliveur. La polymorphie permet à quelqu’un avec le physique de
Carlos de changer d’apparence pour adopter celui de Jessica Alba. Alors
qu’un métamorphe, en plus d’avoir un corps aussi somptueux qu’un
poulpe croisé avec une tanche, ne peut pas réellement changer
d’apparence. Il ne peut que modifier la structure de son corps et
« muer ». Donc, quand je vous parlais de mon physique actuel, un peu
plus haut, ce n’est pas ma vraie forme.
Moi, en fait, je ressemble à un croisement entre Gollum, un Alien
(de la série Alien, avec Sigourney Weaver dedans), le grand Cthulhu et le
Slenderman. Pour expliquer, ma vraie forme, c’est le truc le plus barjo que
vous puissiez penser ou même imaginer. J’ai un corps avec des membres
malingres, de gros yeux globuleux à souhait, de grosses épines qui me
parcourent le dos car faisant partie d’excroissances osseuses de ma
colonne vertébrale, une longue queue, les mains et les pieds palmés, et
une peau couverte d’écailles (eh oui, j’ai bien des écailles) par-dessus le
marché. Oui, je suis en fait un gars bien immonde. Mais heureusement
que mon Kob ne sait pas du tout qui je suis vraiment.
Aujourd’hui, pour ma première mission, toute simple selon Walter,
je suis censé me faire passer pour l’Atlantéen que je ne suis qu’à moitié.
Pour l’apparence, pas grand-chose à changer sur mon corps habituel
(celui que je vous ai décrit au tout début, vous vous souvenez ?), mis à
part la couleur des cheveux – le blanc est de circonstances, vu que c’est la
couleur pilaire d’une grande majorité de mes ancêtres maternels -, les
cheveux un peu plus longs et les membres plus longs. Les Atlantes sont
réputés être assez grands. Parce que je ne vous ai pas bien expliqué en
quoi consiste vraiment mon pouvoir. Les Métamorphes ont tous une vraie
forme, appelée par certains le Métalpha, mais j’aime pas ce mot, et une
forme humaine principale. Toutes leurs métamorphoses se basent sur
l’une ou l’autre des formes, mais en garde la physionomie générale. Je
pourrais être Chuck Norris, me rapetisser, changer la couleur de mes
cheveux, mais je ressemblerais toujours à Chuck Norris.
Tiens, on est descendus plus vite que je n’avais prévu. Il faisait
nettement plus chaud maintenant que j’étais dans les tréfonds de
Clamart. Devant moi se profile un étroit corridor, uniquement éclairé par
des lanternes. Je ne savais pas que les Kobolds avaient creusé des mines
dans la banlieue parisienne. Enfin bref, monsieur Je-grince-des-dents
ressert son étreinte sur mon bras.
« C’est bon, je vais vous suivre…, dis-je d’un ton plutôt… frankesque.
- C’est ce qu’ils disent tous une fois qu’ils n’ont plus aucune
échappatoire… »
Pas très bavard, mon Kobold. Mais bon, ils sont tous taciturnes.
Enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre lors d’un séminaire, l’an dernier. Il
me précède dans le boyau obscur et plutôt bas de plafond. C’est d’ailleurs
pas très pratique pour le mètre quatre-vingt-dix que j’ai adopté avec mon
apparence de jeune Atlante. Mais bon, une mission est une mission et je
n’ai pas encore senti d’odeur de soufre, donc je peux pas me barrer
comme ça de cette boîte à sardine. Bref, je vous épargne la description de
ce dédale exigu parce que je n’y vois rien et que je souhaite savoir ce que
les Kobolds attendent d’Awayën Stirneld. Pour ceux qui n’auraient pas
compris, il s’agit de ma couverture.
La marche fut courte, et au bout de cinq minutes je me retrouvais
dans une immense salle éclairée par des pierres d’éclat de lune, un truc
brillant que seuls mes amis les Ewoks arrivent à élaborer. Dans cette
pièce, je trouve plein des petits copains de Grincheux. Tiens, je crois
d’ailleurs qui est qui dans cette parodie des Sept Nains ! Bon, tout le
monde est en train de trimer comme des malades, mais c’est normal,
dans une mine. Mais alors que j’essayai de ne bousculer qu’un minimum
de petits bonshommes, un colosse (enfin, pour un Kobold), me demande
d’une voix rocailleuse :
« Alors, il paraît qu’on veut faire des affaires avec le patron ?
Je le détaille de haut en bas. Il était un peu plus petit que mon corps
d’Atlante, le bougre ! D’épais poils broussailleux sur tout son corps trapu
et musclé, des yeux intégralement noirs, des dents cariées dans sa bouche
tordue d’un rictus hargneux, ce qui ressemble à des cheveux pas peignés
depuis au moins 3 ans, de vieux habits rapiécés, et des pieds qui doivent
faire dans le genre, pointure 53. Des mains comme des battoirs. Oui, le
qualificatif de colosse lui sied comme un gant.
- Est-ce que j’ai une tête à ne venir qu’en touriste ?
- C’est bon, Thorg, le boss l’attend », répondit Grincheux à ma place,
visiblement accompagné de Prof et Dormeur.
Une porte qui s’ouvre. On me pousse dans le dos d’un coup de
manche de pioche, celle du dénommé Thorg. Un couloir assez large pour
laisser passer trois taureaux de front. Un rideau qui est tiré sur mon
passage.
« Bonjour, mon cher Awayën. Je vous sers quelque chose ?, dit un
Kobold d’un mètre trente, avec une peau plutôt glabre et au poil blond
clairsemé.
- Non merci. Je ne suis pas venu pour des mondanités. J’ai besoin
d’argent, et vous avez besoin de mes services…
- Et en quel honneur mon petit marché nécessiterait ta présence ?,
me répondit le Boss.
- Parce que j’ai appris que vous cherchiez un expert en art atlante »,
lui ai-je envoyé. Frank 6 – Kobold à la pilosité déficiente – 4. Reprise du
set. « Et que c’est un peu nous qui avons inventé le sens du mot Art…
- Il est vrai qu’un petit coup de main ne serait pas de refus… Mais
pas venant d’un vulgaire imposteur. Ce que tu es, vraisemblablement. »
Par les pinces du Léviathan ! J’avais oublié d’adopter le bouc à ma
forme ! Et celui que je prétendais être était en haut, avec son bouc, une
mallette en main et des habits nettement plus classes que ceux que
l’Association m’avait refourgués. Bon, on se calme et on réfléchit. Si j’ai
bien tout compris, le vrai Awayën, cambrioleur atlante de haut vol, avait
réellement répondu à l’annonce. Peu importe quand. « De la
discrétion ! », me répétait souvent ce bon Walter. Sauf que là, pour la
discrétion, c’est râpé…
Je suis encerclé par des Kobolds. Plutôt costauds, certes, mais ça
restait des Kobolds. Sauf que ce qui est plutôt embêtant avec les Kobolds,
c’est qu’ils ont une capacité innée à l’application de la magie. Glypique,
pour être plus précis. Vous voyez les cercles de transmutation, dans Full
Metal Alchemist ? Ben, un glyphe, c’est la même chose, sauf qu’il faut être
plusieurs pour l’activer. Visiblement, c’était une bonne vieille cage de
force.
Il me restait environ trois minutes avant de me retrouver piégé dans
la bulle d’énergie que ces chers Ewoks me préparent. Bon, pour la
discrétion, c’est mort. J’abandonne ma forme atlantéenne, plutôt
contraignante en terrain clos et bas de plafond. Je retrouve ma taille
normale, dans un bruit de succion, et transforme mes cheveux raccourcis
en une épée au bout de mon bras droit. Hommage à Edward Elric. Je
cours le plus vite possible, chose devenue abordable par ma mue.
Je cours dans la chambre principale, tailladant dans les rangs des
Kobs comme un chevalier dans un film fantastique. Sauf que je ne cours
pas pour sauver l’humanité, mais pour sauver ma peau. Car les Kobolds
sont aussi peu logiques que cruels. Bref, je cours, colle une baffe à
Awayën au passage, avant de reprendre le monte-charge délabré.
À peu près à mi-hauteur, l’ascenseur tombe en rade. Comme par
hasard. Et qui plus est, il n’y a jamais eu de réseau quand on est à environ
vingt mètres en dessous du sol. Je peux pas appeler le numéro d’urgence
de l’Association.
Comme quoi, pour la première fois de toute ma vie, je me suis pris
la plus grosse tuile qu’on ait jamais pu voir.
Noir total. Mais je comprenais très bien ce qui m’arrivait. Ma vue
s’était naturellement adaptée à la pénombre. Mais ma nyctalopie fut
achevée par mon retour à la lumière du jour. Oui, j’ai escaladé la paroi à
l’aveugle, ça gêne quelqu’un ?
Une fois à la surface et au moins avec trois bons kilomètres entre
moi et le hangar frigorifique, j’appelle le 13 rue du Horla sur la ligne
d’urgence.
« Oui, Frank ?, dit l’éternelle voix blasée de Mlle Rose au téléphone.
- Ma couverture a était percée par les Kobolds !, ai-je répondu tout
simplement. Pas le temps d’expliquer, je rapplique tout de suite. »
Un Kobold sauta juste en face de moi. Un bond qui aurait fait pâlir
un sauteur en longueur de jalousie. Quand je vous rigolais par rapport à
Grincheux me faisant faux bond, je ne plaisantai pas ! C’est l’un des seuls
trucs, hormis la magie, que les Kobolds font bien. Sauter.
Je lui colle un furieux coup de pied dans la mâchoire, en rendant ma
jambe plus dense que le reste de mon corps, et fuyais à toute jambe vers
le siège parisien de l’Association.