DEPISTAGE ET EVALUATION DE L`INSUFFISANCE RENALE
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DEPISTAGE ET EVALUATION DE L`INSUFFISANCE RENALE
DEPISTAGE, EVALUATION ET PRISE EN CHARGE DE L’INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE P. Bernadet-Monrozies, D. Ribes, D. Durand L’insuffisance rénale chronique est une maladie progressive et longtemps silencieuse. Elle nécessite au stade terminal un traitement de suppléance par dialyse ou transplantation rénale. Dans 30% des cas la prise en charge de l’insuffisance rénale se fait à un stade terminal dans un contexte d’urgence. Pourtant il existe à l’heure actuelle des moyens significatifs pour réduire la progression de l’insuffisance rénale chronique, c’est notamment le cas du traitement de l’hypertension artérielle et de la protéinurie, mais aussi de nombreux autres facteurs associés comme la dyslipémie et l’anémie. Ainsi le dépistage de l’insuffisance rénale chronique à un stade précoce est un objectif de santé publique essentiel dans le contexte d’une maladie fréquente : de 10 à 15% de la population générale, 5% pour des débits de filtration inférieurs à 60ml/mn. La prévalence de l’insuffisance rénale terminale est en France de 1000/Mh soit 68000 patients ; 3000 en Midi-Pyrénées, répartis en part égale entre dialysés et transplantés. Son incidence est croissante de 5% par an. L’évaluation et la prise en charge de l’insuffisance rénale justifie un suivi partagé entre généraliste et néphrologue et l’organisation de programmes d’Education thérapeutique dès le stade initial de l’évolution. 1 – DEFINITION DE L’INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE L’IRC se définit par une diminution persistante du débit de filtration glomérulaire. En fonction du degré d’altération de la filtration, cinq stades évolutifs ont été définis. Les stades 1 à 3 sont souvent asymptomatiques, les stades 4 et 5 s’accompagnent progressivement d’anomalies biologiques spécifiques, d’une hypertension artérielle et d’une atteinte des organes cibles. Le stade 5 définit l’insuffisance rénale terminale nécessitant la prise en charge par des méthodes de suppléance. Stade Définitions DFG (ml/min/1,73m2) 1 Maladie rénale chronique avec FG normale > 90 2 IRC légère 60-90 3 IRC modérée 30-59 4 IRC sévère 15-29 5 IRC terminale <15 La clearance de l’Inuline est la méthode de référence pour mesurer le débit de filtration glomérulaire. Sa mesure est réservée à des laboratoires spécialisés. Le dosage de la créatininémie est très insuffisant pour définir une insuffisance rénale chronique. La clearance de la créatinine mesurée est la méthode habituelle en pratique courante, cependant sa mesure créatinine est rapidement complexe puisqu’elle nécessite un prélèvement des urines de 24H. Elle est entachée d’erreur en cas d’insuffisance rénale sévère, en raison d’une sécrétion tubulaire de créatinine. On s’adresse à l’heure actuelle à des formules qui estiment le débit de filtration : - la formule actuellement utilisée est la formule de Cockroft qui intègre poids et âge - la formule MDRD simplifiée ou complète est un meilleur reflet du débit de filtration glomérulaire notamment chez le sujet âgé ou l’obèse et remplacement prochainement la formule de Cockroft 2 – DIAGNOSTIC DE L’INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE Le dépistage de l’insuffisance rénale chronique peut être réalisé dans le cadre d’un contexte évocateur : A – Présence d’un contexte vasculaire : o L’hypertension artérielle essentielle où le calcul de la filtration glomérulaire est recommandé tous les 3 ans. o Un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion : après une semaine de traitement, une augmentation de 20 à 30% de la valeur initiale de la créatininémie doit faire rechercher une hypertension artérielle réno-vasculaire. o Le diabète qu’il s’agisse d’un diabète de type I ou de type II : le calcul de la clearance de la créatinine est requis tous les ans associé à un dosage de la microalbuminurie. o L’athérome polyvasculaire. A l’heure actuelle les causes vasculaires représentent plus de 50% des étiologies de l’insuffisance rénale chronique terminale. Ce pourcentage augmente régulièrement avec le vieillissement progressif de la population et l’augmentation rapide de la prévalence du diabète type II. B – Antécédents néphrologiques o Antécédents familiaux, notamment une polykystose familiale, contexte de protéinurie ou d’hématurie familiale o Antécédent personnel, notamment protéinurie ancienne, ou antécédents infectieux urinaires C – Contexte de néphropathie : protéinurie, hématurie, infection urinaire, lithiase rénale, syndrome prostatique chez le sujet âgé. D – Symptômes spécifiques de l’insuffisance rénale chronique Ces symptômes sont tardifs, ce sont les symptômes du syndrome urémique traditionnel : - asthénie, - anémie, - œdème des membres inférieurs insuffisance cardiaque gauche hypertension artérielle mal contrôlée signes de polynévrite. 3 – EXPLORATION D’UNE INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE 1° Confirmer le caractère chronique de l’insuffisance rénale en mesurant la clearance de la créatinine avec un intervalle de 3 mois. 2° Obtenir une approche morphologique rénale : Essentiellement l’échographie pour rechercher une diminution de la taille des reins, l’atrophie est habituellement régulière dans les néphropathies glomérulaires, irrégulière dans les pyélonéphrites chroniques et les néphropathies interstitielles. L’échographie peut retrouver un obstacle, elle peut être complétée par un doppler pour rechercher une sténose de l’artère rénale associée. - - - 3° Apprécier le retentissement de l’IRC hypertension artérielle évaluation cardiaque par échographie recherche d’une anémie systématiquement accompagnée d’un bilan ferrique recherche d’une anomalie hydroélectrolytique : hyponatrémie, hyperkaliémie, acidose évaluation du métabolisme phosphocalcique : hypocalcémie, hyperphosphorémie, augmentation des phosphatases alcalines. 4° Rechercher une étiologie Evaluation du contexte général et des antécédents Evaluation de la protéinurie et du sédiment urinaire : o Une protéinurie significative (> 1g/24h) éventuellement néphrotique associée à une hématurie oriente vers une pathologie glomérulaire o La microalbuminurie est un des éléments essentiel de la surveillance du diabète, un microalbuminurie pathologique est supérieure à 300mg/24H ou 300mg/g de créatinine o Une leucocyturie associée à une infection oriente vers une pyélonéphrite ou une uropathie Mesure de la glycémie systématique Chez le sujet âgé ou en cas de contexte évocateur, recherche d’une dysglobulinémie Evaluation du contexte notamment celui d’une dyslipidémie associée. 4 - PRISE CHARGE D’UNE INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE Insuffisance rénale chronique modérée stade 2 et 3 : A ce stade l’insuffisance rénale chronique est souvent asymptomatique en dehors d’une hypertension artérielle ou d’une protéinurie. C’est le stade de la prévention active : - traiter activement l’hypertension artérielle avec pour cible des chiffres inférieurs à 130/80mmHg - diminuer la protéinurie par un blocage du système rénine angiotensine - régime limité en protides dans le cadre de la néphroprotection traitement d’éventuels facteurs de risque vasculaire associés notamment la dyslipémie. Insuffisance rénale chronique stade 4 : C’est le stade du diagnostic et du traitement des complications de l’insuffisance rénale : - traitement des anomalies phosphocalciques - traitement de l’anémie par l’Erythropoiétine après normalisation du bilan ferrique - traitement de l’hypertension artérielle le plus souvent présente avec un inhibiteur de l’enzyme de conversion associé à un diurétique de l’anse. - compléter les mesures diététiques avec notamment un régime pauvre en potassium - éviter les facteurs de décompensation de l’insuffisance rénale : infection, déshydratation (troubles digestifs, diurétique), accident iatrogène (iode, antibiotique, anti-inflammatoire). - Insuffisance rénale chronique stade 5 : C’est le stade de discussion de la méthode de suppléance : discuter le type de dialyse (hémodialyse ou dialyse péritonéale) préparation à la technique choisie : fistule artério-veineuse ou mise en place d’un cathéter de dialyse péritonéale vaccination contre l’hépatite B réaliser les examens nécessaires à l’inscription sur la liste de transplantation qui peut être réalisée de façon préemptive notamment en cas de donneur familial. La mise en évidence d’une insuffisance rénale chronique requiert l’organisation d’un suivi partagé entre médecin généraliste et néphrologue pour une prise en charge spécifique : à un stade précoce pour diminuer la progression de la maladie, à un stade tardif pour préparer puis mettre en route la méthode de suppléance la plus adaptée. 5 – SUIVI PARTAGE ET EDUCATION THERAPEUTIQUE La récente loi hospitalière a intégré les programmes d’Education Thérapeutique dans le parcours de soin des patients. Ces programmes s’insèrent parfaitement dans la filière de soin que constitue l’insuffisance rénale chronique. Le service de néphrologie du CHU de Rangueil a progressivement développé un programme d’Education thérapeutique qui a pour acteurs des médecins, infirmières, diététiciennes, psychologues ayant bénéficié d’une formation Universitaire spécifique. Il concerne à l’heure actuelle l’ensemble des situations cliniques de l’insuffisance rénale chronique au cours de son évolution. 1° Insuffisance rénale chronique modérée (stade III). Ce programme comporte : - un entretien initial avec l’infirmière d’Education Thérapeutique pour réaliser un « diagnostic éducatif » - - deux séances d’une demi-journée : la première comporte 5 ateliers essentiellement orientés vers la connaissance de la maladie rénale et son environnement. La deuxième concerne davantage les éléments de la prise en charge thérapeutique, notamment les facteurs de risque de l’insuffisance rénale. une synthèse réalisée par le groupe d’Education permet de proposer au patient un projet de suivi spécifique. 2° Insuffisance rénale chronique sévère (stade IV) Il s’agit d’un atelier d’une demi-journée organisée dans l’Unité de Dialyse Périodique de l’Hôpital Larrey. Il permet d’informer les patients sur les différentes méthodes de dialyse : dialyse péritonéale ou hémodialyse, les modalités de mise en œuvre de ces techniques et de leur environnement général. Les patients susceptibles d’être inscrits sur une liste d’attente de transplantation sont orientés vers un programme d’information spécifique. 3° Insuffisants rénaux inscrits sur la liste de greffe Cet atelier concerne une demi-journée de rencontre avec l’ensemble des acteurs de l’équipe de greffe pour compléter leur information sur le parcours du transplanté, notamment la période d’attente, l’appel de greffe et le suivi ultérieur. 4° Transplantés rénaux : Depuis 2004 une infirmière d’Education Thérapeutique suit individuellement chaque transplanté dans le contexte de son programme thérapeutique. Ce suivi spécifique permet d’améliorer de façon très significative l’adhésion au traitement, notamment pour les immunodépresseurs. 5° Insuffisants rénaux dialysés : Un programme d’Education est en cours d’élaboration. Il concernera notamment les insuffisants rénaux traités « hors centre » dans le cadre de l’Association d’Aide aux Insuffisants Rénaux. Les Médecins traitants sont informés de la participation de leur patient dans l’ensemble de ces programmes, de leur déroulement et de l’orientation proposée au patient au cours des réunions de synthèse. Au-delà de cet échange d’information, le rôle des médecins traitants doit s’amplifier pour participer à l’élaboration de ces programmes, orienter les patients vers les programmes adaptés, mais aussi être directement impliqués notamment dans la phase de suivi en dépit de difficultés logistiques ou de disponibilité. La création de Maison et Pôles de Santé pourrait contribuer à résoudre ces difficultés et devenir des sites de référence pour développer des programmes d’Education partagés. Cl = [ (140 – âge) x poids/créatininémie] x 1.23 chez l’homme, x 1 chez la femme