max payne 2 mods

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max payne 2 mods
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Chapitre IV :
Caractérisation mécanique :
Viscoélasticité linéaire et non Linéaire
(effet Payne)
133
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
IV.1
Introduction
Les différentes caractérisations réalisées dans le chapitre III ont conduit à une bonne
connaissance de chacun des mélanges. En utilisant des agents de recouvrement en différentes
quantités ou de différentes longueurs, nous avons réussi à obtenir des systèmes avec une
dispersion identique, mais qui différent en terme de taux de greffage (nombre de silanols
ayant réagi) et taux de recouvrement (épaisseur de la couche de polymère lié). L’utilisation
d’agent de couplage a conduit à une dispersion également identique et à de fortes valeurs du
taux de polymère lié venant conjointement de l’adsorption physique des chaînes (qui se réduit
avec le recouvrement de la surface) et des liaisons covalentes réalisées (qui augmentent avec
le recouvrement). Un autre effet de ces traitements de surface est la modification de
l’adsorption des accélérateurs ce qui modifie la vulcanisation. Nous avons montré que le
traitement de la surface de la charge améliore l’efficacité de cette réaction en estompant
progressivement l’hétérogénéité de la réticulation.
Cette connaissance fournit une base de données importantes qui va permettre dans ce chapitre
d’interpréter les propriétés mécaniques de nos matériaux. L’influence de la charge et de ses
différents traitements de surface seront observés :
•
Dans le domaine linéaire en fonction de la température
•
A température ambiante, en fonction du taux de déformation (effet Payne).
L’interprétation du renforcement dans cette gamme de déformation considèrera l’ensemble
des caractéristiques de la morphologie. Ainsi les différents facteurs pouvant influencer la
valeur du module élastique sont :
-
L’établissement d’un réseau pouvant se constituer par l’intermédiaire des contacts chargecharge
-
La présence de polymère occlus dans les aspérités des agglomérats ou d’une couche à
mobilité restreinte qui se traduirait par une augmentation du taux effectif de charge
-
Les interactions à l’interface entre la charge et la matrice pouvant impliquer l’adsorption
ou multiadsorption de chaînes polymères avec différentes mobilités
-
La présence d’une couche à mobilité restreinte dont l’épaisseur est fonction du traitement
de surface et qui augmenterait le volume effectif de charge
-
La réticulation de la matrice.
134
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
On cherchera à identifier les différents mécanismes responsables de la non–linéarité (effet
Payne) parmi ceux proposés dans la littérature et rappelés dans le chapitre I :
-
Le processus de désagglomération – réagglomération du réseau de charge éventuellement
formé, ce réseau étant réduit en sous réseaux de plus en plus petits
-
La libération du polymère occlus avec la désagglomération, réduisant le taux de charge
effectif avec la déformation.
-
Le mécanisme de désorption et adsorption des chaînes à l’interface
Avant de commenter les expériences en fonction du traitement de surface, nous allons d’abord
comparer le comportement de la matrice non chargée avec celui du matériau contenant de la
silice non traitée.
IV.2
IV.2.1
Comportement de la matrice, influence de la
présence de charge (silice non traitée)
Viscoélasticité linéaire
Les comportements viscoélastiques de la matrice SBR et celui de la matrice chargée silice non
traitée sont présentés sur la figure IV-1.
135
Module Elastique, G' (Pa)
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
M : m atrice
Si: silice non traitée
9
10
Plateau vitreux
10
8
10
7
10
6
Plateau caoutchoutique
Relaxation principale
150
200
250
300
350
400
Température (K)
a)
M: matrice
Si: silice non traitée
Module de perte, G'' (Pa)
8
10
7
10
6
10
5
10
4
10
150
200
250
300
350
400
Température (K)
b)
M: matrice
Si: silice non traitée
Facteur de perte, tanδ
1
0.1
0.01
150
200
250
300
350
400
Température (K)
c)
Figure IV-1 a) Module élastique G', b) Module de perte G'', c) facteur de perte tanδ en fonction de la
température pour la matrice et la matrice chargée avec la silice non traitée.
136
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
L’évolution du module de conservation G’ en fonction de la température (figure IV-1a) fait
apparaître un renforcement (augmentation du module) sur toute la gamme de température.
Dans le plateau vitreux, de 170K à des températures proches de 250K, le module élastique de
la matrice est proche de 1GPa et celui de la matrice chargée est légèrement supérieur
(1.6GPa). Dans le domaine de température associé à la relaxation principale α, on constate
que la chute de module associée à cette relaxation est centrée sur exactement la même
température pour les deux matériaux. Cette chute du module élastique est accompagnée d’un
pic pour le module de perte et pour le facteur de perte (figure IV-1 b, c). Dans le plateau
caoutchoutique, le module de la matrice en présence de charge est beaucoup plus élevé qu’en
l’absence de celle-ci. A titre d’exemple, à 300K le module élastique est de l’ordre de 0.7 MPa
pour la matrice et de 9.5 MPa pour le matériau chargé.
Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, le renforcement mécanique (en terme de module)
est lié à la présence de la phase rigide (effet hydrodynamique) et aux interactions entre les
charges (agglomération) et entre la charge et la matrice (polymère lié). Pour rendre compte de
l’effet hydrodynamique, on peut utiliser le modèle de Guth et Goldi. En utilisant un taux de
charge de 20%, cette expression sous estime largement le module mesuré à 300K (1.5 MPa
pour 9.5 MPa mesuré expérimentalement).
Les mesures de polymère lié (chapitre I) permettent de caractériser la quantité de polymère en
forte interaction avec la surface de la charge. Dans le cas de la silice non traitée, la quantité de
polymère lié représente 0.8g/1gramme de silice ce qui correspond à 40 % de la matrice. Une
telle fraction de matrice immobilisée en surface de la charge dans un état vitreux devrait avoir
une influence sur la température de transition α mais nous n’avons pas mis en évidence un tel
effet (cf. Figure IV-1c). On peut toutefois considérer l’effet du polymère lié par le biais d’un
taux de charge effectif. L’hypothèse la plus extrême considère tout le polymère lié sous la
forme d’une coquille autour de la charge, le taux de charge effectif passe alors de 50phr
(20%vol) à 145phr (58%vol). Malgré cette hypothèse sévère, la valeur estimée est toujours
inférieure à la valeur expérimentale (5,2 MPa). Il apparaît donc que l’effet hydrodynamique
même corrigé d’une couche de polymère lié à l’état vitreux, ne permet pas de rendre compte
de la valeur expérimentale du module. Cette dernière remarque implique que la valeur du
module élastique pour ce type de composites ne peut négliger un effet de réseau.
ii
Expression de Guth et Gold (IV-1) : G’=G’matrice(1+2.5φ+14.1φ²)
137
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
La valeur du taux de charges choisie dans cette étude est légèrement supérieure au seuil de
percolation. On va d’abord évaluer l’hypothèse d’un réseau de charges résultant uniquement
d’interaction entre les agrégats (charge – charge). En utilisant un modèle 2+1 phases, avec la
matrice en inclusion dans une phase silice continue, on trouve 1.6 GPa, ce qui surestime
largement la valeur expérimentale. En partant du concept de fraction de charges effective,
Klüppel et coll.1 considère la présence de polymère lié à l’état vitreux autour d’un réseau de
charge percolant (pour 50 phr). Le module résultant est obtenu grâce à l’expression (IV-1) :
⎛ (d + 2∆ )3 − 6d∆2 ⎞
G ' 0 ≅ G P ⎜⎜
φ ⎟⎟
3
d
⎝
⎠
3+ d f , B
3− d f
(IV-1)
où GP est le module du cluster de charge qui peut être choisi égal à 1 GPa (valeur de module
de la matrice vitreuse), d la taille de la particule (9nm) et ∆ l’épaisseur de la couche de
polymère lié, df,b la dimension fractale du squelette (proche de 1, cf. chapitre III), et df la
dimension fractale des agrégats (égale à 2 cf. chapitre III), entraînant une dépendance en
puissance 4 (pour cette silice). Ce modèle surestime également la valeur expérimentale, en
donnant une trop grande importance au module du cluster de charge et en considérant que
l’ensemble du polymère lié possède les mêmes caractéristiques mécaniques que le cluster. De
plus le terme relatant la présence de polymère lié ne peut dépasser la valeur de 5 (épaisseur
maxi 3.67) en tenant compte de 0.2%vol de silice. Des valeurs supérieures impliqueraient des
fractions supérieures à 100% de composite ayant un module Gp. Dans notre cas (mélange Si),
ce terme est égal à 8 pour une épaisseur de polymère lié de 5nm. Les valeurs calculées sont
donc fausses.
Finalement, la valeur du module élastique mesurée pour ce système élastomère-silice non
traitée implique vraisemblablement un effet de réseau, mais ce réseau ne serait pas constitué
uniquement de liaisons directes charge-charge. En outre, l’existence d’une couche de
polymère vitreux, assurant le transfert de contrainte entre les différentes charges est souvent
évoqué pour expliquer le renforcement2. Le réseau serait dans ce cas formé d’agglomérats de
silice liés entre eux par une couche de polymère lié.
Par la suite et afin de valider notre hypothèse de réseau mixte (charge-polymère lié-charge),
nous allons nous intéresser à l’évolution du module lors de balayages en déformation,
autrement appelé effet Payne.
138
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
IV.2.2
Viscoélasticité non linéaire : effet Payne
Les courbes présentées dans cette partie montrent la dépendance de la réponse mécanique du
matériau sollicité à taux de déformation croissante à température ambiante (300K). Le
protocole de déformation décrit, dans le chapitre II, comprend 2 balayages en
déformation croissante de γ ≈ 1.10-4 à γ ≈ 1.
Lors du premier comme lors du deuxième balayage, on observe pour le matériau chargé un
comportement typique de l’effet Payne (chute du module élastique G’ et maximum du module
de perte G’’). Un tel comportement est absent pour la matrice (ou non significatif) (cf. figure
IV-2). On peut noter sur la figure IV-2a que la différence essentielle entre le 1er et le 2ième
balayage se situe au niveau de la valeur du module initial. On appellera par la suite G’0-1 et
G’0-2 les deux modules initiaux correspondants respectivement au premier et au deuxième
balayage en déformation.
139
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
7
1.4x10
Si : 1er balayage en déformation
Si : 2ieme balayage
G'0-1
7
Module élastique, G' (Pa)
1.2x10
7
1.0x10
6
8.0x10
G'0-2
6
6.0x10
6
4.0x10
6
2.0x10
M : matrice 1er balayage en déformation
M : matrice 2ieme balayage
G'oo
0.0
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
a)
G''max-1
6
Module de perte, G'' (Pa)
2.5x10
6
2.0x10
G'max-2
6
1.5x10
6
1.0x10
5
5.0x10
M : 1er balayage en déformation
M : 2ieme balayage
Si : 1er balayage en déformation
Si : 2ieme balayage
0.0
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
b)
0.40
Facteur de perte, tanδ
0.35
0.30
0.25
0.20
M : 1er balayage en déformation
M : 2ieme balayage
Si : 1er balayage en déformation
Si : 2ieme balayage
0.15
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
c)
Figure IV-2 : a) Module élastique, b) Module de perte, c) facteur de perte, de l’échantillon Si en fonction
de la déformation
140
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Le deuxième balayage montre une non-linéarité (associée à la chute de G’0 à G’∞) moins
importante et un module final (G’∞) quasi identique.
Il faut souligner à ce stade que la notion de module infini est assez mal adapté dans le cas de
nos résultats. En effet, il n’y a pas de plateau net et les valeurs de module G’ chutent
régulièrement. Nous avons donc utilisé dans un premier temps la déformation maximale
appliquée pour déterminer G’∞ (déformation égale à 1). Or, cela conduit à des valeurs
inférieures à celles estimées grâce à l’expression de Guth et Gold (cf. figure IV-3). On peut
donc s’interroger sur l’origine de cette valeur anormalement faible.
En fait, notre estimation de G’∞ peut paraître arbitraire puisqu’il est visible sur les courbes
figure IV-2 que le module G’ ne présente pas de plateau au maximum de la déformation testée
mais qu’au contraire il continue à décroître lentement. Cette décroissance est d’ailleurs
quasiment linéaire avec le logarithme du taux de déformation, lorsque la déformation dépasse
les 20%. En outre, on verra par la suite que cette décroissance est similaire quel que soit le
traitement appliqué à la silice. Elle est également similaire à celle mesurée avec la matrice
SBR renforcée par la même quantité de noir de carbone (N234) (cf. Figure IV-3). Cette
décroissance ne semble donc pas dépendre des interactions charge-matrice.
7
1x10
7
Module élastique, G' (Pa)
1x10
Mélange Si (50phr)
Mélange avec Noir de carbone (N234, 50phr)
6
9x10
6
8x10
6
7x10
6
G'oo/o.2 à γ=0.2
6x10
6
5x10
6
4x10
6
3x10
6
2x10
Module selon Guth et Gold (20 vol%)
6
1x10
0
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
Figure IV-3 : a) Courbe d’effet Payne en G’ pour l’échantillon Si et pour du SBR renforcé par du noir de
carbone
On peut donc douter de la validité de la mesure de module pour les déformations dépassant
20%. D’ailleurs, à ces taux de déformations, l’enregistrement des signaux périodiques de
contrainte et déformation met nettement en évidence la non linéarité de la réponse stabilisée.
141
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Le traitement des données brutes, qui repose toujours sur un formalisme linéaire est alors
discutable. L’application des équations de viscoélasticité linéaire lors des mesures d’effet
Payne a également été discutée par Chazeau et coll.3. Ces auteurs déterminent que la limite de
validité des mesures dynamiques en déformation est de l’ordre de 0.2 (erreur inférieure à
10%). Enfin, si on regarde les données expérimentales, le taux de déformation de 20% conduit
à des valeurs qui sont au-dessus de l’estimation de Guth et Gold (cf. Figure IV-3). Les valeurs
de module final seront donc par la suite, estimées pour une déformation de 0.2 et notées G’∞ /
0 .2
mais les courbes seront tracées avec l’ensemble des données. Avec les valeurs de G’∞/0.2,
l’amplitude de l’effet Payne est donc de 2.4 MPa pour le premier balayage et de 1.9MPa pour
le deuxième balayage.
On choisit de déterminer l’apparition de la non linéarité pour une chute de 5% de l’effet
Payne. Cette perte de linéarité apparaît, pour le premier balayage, pour une déformation
γ≈2.5 10-3 et pour une contrainte de 0.03MPa ; lors du deuxième balayage, elle apparaît pour
une déformation très proche γ≈2 10-3 et une contrainte beaucoup plus faible 0.015MPa. On
constate également que le module de perte est moins important lors du deuxième balayage
(G’’max-1 > G’’max-2). Le facteur de perte tanδ (cf. figure IV-2c) défini comme l’énergie
dissipée au cours d’un cycle sur l’énergie élastique fournie lors d’un quart de cycle présente
un maximum équivalent en intensité mais décalé vers les plus petites déformations (pour le
deuxième balayage γ≈ 2.5 10-2 au lieu de γ≈ 6.7 10-2 pour le premier balayage). Les valeurs
pour les faibles déformations sont plus élevées lors du deuxième balayage alors que le
comportement est identique pour les deux balayages aux déformations après le maximum.
Il apparaît donc des différences notables entre le premier et le deuxième balayage. Il faut
ajouter que malgré les précautions expérimentales prises lors du montage de l’échantillon, les
valeurs de G’0-1 peuvent fluctuer entre différentes éprouvettes d’un même échantillon. A
l’inverse, G’0-2 est très reproductible. De plus, sans avoir cherché à quantifier plus avant ce
phénomène, il apparaît que, même après un temps très long entre les deux balayages, le
module initial G’0-2 ne retrouve pas la valeur initiale G’0-1.
On peut donc avancer qu’en présence de charges, l’application d’un premier balayage
provoque des dégâts irréversibles qui expliquent la chute du module élastique initial (G’0-1 >
G’0-2). Au vu de la littérature, ces phénomènes peuvent être des ruptures des liaisons charge –
142
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
charge au sein des agglomérats, des glissements des points d’adsorption des chaînes sur la
charge (augmentant ainsi leur longueur entre ces points, et donc leurs possibilités
conformationnelles), et/ ou la rupture des chaînes les plus courtes entre les agglomérats.4
Toutefois, à ce stade de la discussion, il n’est pas possible de les différencier.
Nous venons de mettre en évidence le rôle de la charge au sein de la matrice. Sa présence
augmente considérablement le module élastique et les phénomènes dissipatifs. L’effet
hydrodynamique des charges ne permet pas de rendre compte de l’augmentation de module
même en introduisant une fraction effective de charges qui tient compte de la fraction de
polymère lié. Par ailleurs, les valeurs de module obtenues ne permettent pas de considérer la
formation d’un réseau percolant de charges. Ainsi, on envisage que la présence de polymère
lié en forte concentration impliquerait la formation d’un réseau percolant de type charge –
polymère lié – charge. Cette couche de polymère lié présenterait différentes mobilités en
fonction de la proximité de la surface de la charge et son rôle du point de vue mécanique
serait fondamental. Par conséquent, en considérant comme nous l’avons observé au cours du
chapitre III les différentes épaisseurs de polymère lié en fonction du traitement de la surface,
il paraît intéressant de comparer les valeurs de module élastique des matériaux
correspondants. On pourra suivre l’évolution du comportement en fonction soit du
recouvrement progressif de la surface de la charge, soit de la taille du traitement à
recouvrement constant.
IV.3
Influence des agents de recouvrement
IV.3.1
Viscoélasticité linéaire
IV.3.1.1
Etude de la relaxation principale
L’influence du traitement de surface de la charge avec un agent de recouvrement AR8 en
quantités variables est décrite par les courbes de la figure IV-4. Dans le plateau vitreux,
indépendamment du taux de traitement de surface utilisé, les valeurs du module G’ restent
identiques, du fait du taux de charges identique pour tous ces mélanges (50 phr). En revanche,
dans le plateau caoutchoutique, les valeurs de module élastique sont sensibles à la présence du
traitement de surface (cf. Figure IV-4a). A une température donnée (300K), on observe que le
module G’ diminue avec le taux d’AR8 (cf. figure IV-4d).
143
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Pour l’ensemble des mélanges, la température Tα est identique à celle de la matrice avec la
silice non traitée mais le maximum du pic de facteur de perte augmente avec le taux d’AR8.
L’influence d’une couche de polymère à plus faible mobilité pourrait à défaut d’influencer la
température de transition α, étaler la largeur du pic et / ou présenter un deuxième pic de
relaxation dans le plateau caoutchoutique5. De fait, on observe la présence d’un deuxième pic
sur les courbes de tanδ (cf. FigureIV-4c).
Module élastique, G' (Pa)
Module de perte, G'' (Pa)
Si
AR8-25
AR8-50
AR8-75
AR8-100
AR8-125
1E9
1E8
1E7
Si
AR8-25
AR8-50
AR8-75
AR8-100
AR8-125
8
10
7
10
6
10
150
150
200
250
300
350
200
400
250
300
350
400
Température (K)
Température (K)
a)
Si
AR8-25
AR8-50
AR8-75
AR8-100
AR8-125
10
Module élastique, G' (MPa)
Facteur de perte, tanδ
1
b)
Deuxième pic de relaxation
0.1
Relaxation α
9
8
7
6
5
4
3
2
0.01
150
200
250
300
350
0
400
20
40
60
80
100
120
140
AR8 - Taux (%)
Température (K)
c)
d)
Figure IV-4 : a) module élastique G’, b) module de perte G’’, c) facteur de perte, en fonction de la
température et d) Module élastique à 300K en fonction du taux de recouvrement
Les aires respectives des deux pics de tanδ ont été estimées après déconvolution. Leurs
valeurs évoluent avec le recouvrement de la surface de la charge (cf. Figure IV-5). Bien que le
pic associé à la relaxation α soit plus intense, la déconvolution (à l’aide de fonctions
gaussiennes), fait apparaître que son aire est plus faible que celle du deuxième pic (qui s’étend
sur une très large gamme de température). Pour le premier pic (relaxation α), on observe une
augmentation de l’aire qui traduit une plus grande mobilité de la matrice polymère dans son
ensemble. On peut aussi tracer l’évolution de cette aire en fonction du taux de polymère lié
144
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
(Figure IV-6). On constate que l’aire du pic varie quasi linéairement avec le taux de polymère
lié pour les échantillons avec agent de recouvrement mais sature pour la silice non traitée. Il
n’est donc pas possible de conclure que la chute de tanδ est due à l’immobilisation du
polymère lié sous la forme d’une couche vitreuse. D’ailleurs des mesures de DSC (présentées
en Annexe 5) indiquent que l’introduction de la charge ne modifie pas non plus la variation
de capacité calorifique (∆Cp) au passage de la transition vitreuse.
On constate que le deuxième pic (non présent pour la matrice seule) augmente avec le taux
d’AR8, c’est à dire lorsque le taux de polymère lié diminue. Il est donc difficile d’associer ce
pic à un phénomène de type relaxation α du polymère lié.
pic de relaxation α
pic de relaxation à Tα + 50°C
Aire du pic de relaxation
30
25
20
15
10
0
20
40
60
80
100
120
140
AR8 - Taux (%)
Figure IV-5 : Aire des pics de relaxations observables sur la courbe de tanδ, en fonction du taux d’AR8
145
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
125%
0
13
Aire du pic de transition α
AR8 - Taux
12
11
10
9
0.2
0.3
0.4
0.5
0.6
0.7
0.8
Taux de polymère lié (gramme/ 1gramme de silice)
Figure IV-6 : Aire du pic de relaxation alpha en fonction du taux de polymère lié
Pour la série ARn, seuls sont présentés les résultats avec les échantillons AR8 et AR 16,
comparés à la matrice non traitée (FigureIV-7). L’observation de la courbe de module G’ en
fonction de la température conduit aux mêmes conclusions qu’avec la série AR8 : G’ dans le
plateau vitreux est indépendant du traitement de surface, Tα est identique à celle de la matrice
avec la silice non traitée, le maximum du pic α a tendance à augmenter avec la longueur du
silane, un second pic très large est présent et il est lui aussi de plus en plus important avec la
longueur du silane, enfin le module caoutchoutique décroît avec la longueur de la chaîne
alkyl.
146
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Si
AR8
AR16
9
Module élastique, G' (Pa)
10
8
10
7
10
6
10
150
200
250
300
350
400
Température, T(K)
Module de perte, G'' (Pa)
a)
10
8
10
7
10
6
10
5
Si
AR8
AR16
150
200
250
300
350
400
Température,T (K)
b)
Si
AR8
AR16
Facteur de perte, tanδ
1
0.1
0.01
150
200
250
300
350
400
Température, T (K)
c)
Figure IV-7 : a) module élastique G’, b) module de perte G’’, c) facteur de perte, en fonction de la
température pour les deux plus grandes longueurs de spacer (8, 16 carbones) et la silice non traitée
147
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
IV.3.1.2
Analyse du module caoutchoutique
Revenons maintenant à l’évolution des modules dans le plateau caoutchoutique en fonction du
taux d’AR8 (cf. figure IV-4d). La diminution de G’ avec le taux d’AR8 peut être liée à
différents mécanismes (effet hydrodynamique, effet de dispersion, réseau percolant de
charges, polymère occlus…). L’effet de la dispersion et du polymère occlus ne peut pas être
invoqué pour expliquer cette évolution puisque la dispersion est similaire pour tous les
échantillons de cette étude. Dans le cas de la silice non traitée, nous avons proposé que le
niveau de module caoutchoutique soit du à un effet du réseau mixte (charge et couche liante)
car la contribution du polymère lié en terme de volume effectif était insuffisante. Nous avons
vérifié que c’était encore le cas pour les matériaux de la série AR8. Pour ces échantillons,
l’épaisseur de la couche de polymère lié a été estimée en fonction du taux de greffage dans le
chapitre III et varie de 5nm pour la silice non traitée à 1.8nm pour la silice la plus recouverte.
Les valeurs de module estimées par l’équation de Guth et Gold en utilisant un taux de charge
effectif incluant la couche de polymère lié sont rapportées dans le tableau IV-1. Les valeurs
calculées sont toujours inférieures aux valeurs mesurées avec les différents traitements de
surface. Nous avons également vérifié que l’hypothèse d’un réseau de charges percolant qui
surestimait le module du matériau avec de la silice non traitée n’est pas plus adaptée pour les
matériaux AR8. Les résultats obtenus avec le modèle de Klüppel (CCA) sont rapportés dans
le tableau IV-1
Taux de charge
effectif *
G’ (MPa)
Echantillons
Mesuré à 300K
Masse
(phr)
M : matrice
G’ obtenu par Guth et
Vol (%)
Gold ** (MPa)
G’ obtenu par le
modèle CCA
(MPa)
0.7
0
0
0.7
-
réel
-
50
20
1.5
1.6
Si
9.5
145
58
5.2
-
AR8-25
9.5
103
41
3.2
395
AR8-50
6.8
92
37
2.8
140
AR8-75
6.0
90
36
2.7
120
AR8-100
5.2
83
33
2.5
62.9
Taux de charge
148
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
AR8-125
5.0
83
33
2.5
62.9
AR16
3.8
81
33
2.4
53.2
*volume effectif obtenu en considérant la couche de polymère lié en plus du volume initial de charge
** G’=G’matrice(1+2.5φ+14.1φ²) où φ est le taux de charge
Tableau IV-1 : comparaison entre le module G' mesuré et celui obtenu par Guth et Gold en considérant le
volume effectif de charge comme étant l'addition du taux de charge initiale 50phr et la couche liante
L’évolution des modules dans le plateau caoutchoutique en fonction de la longueur de la
chaîne alkyle (cf. figure IV-7) montre une tendance similaire. La contribution du polymère lié
(épaisseur 1.7 nm) en terme de volume effectif demeure encore insuffisante. En considérant
ce volume effectif, la valeur obtenue avec Guth et Gold (2.4 MPa) est encore inférieure à la
valeur mesurée(3.8MPa). Cette épaisseur dans l’expression du modèle CCA surestime encore
largement la valeur du module mesuré (53 MPa).
Pour conclure, l’hypothèse mise en avant pour interpréter les mesures de module dans le
plateau caoutchoutique dans le cas de la silice non traitée se trouve étayée. Elle fait intervenir
l’existence d’un réseau mixte charge-polymère-charge, dans lequel il existe des contacts
silice-silice et des interactions silice matrice au sein d’une matrice réticulée. La couche de
polymère lié est un élément de cette microstructure complexe et intervient dans la
transmission des contraintes.
IV.3.1.3
Evolution du module caoutchoutique avec la température
Ainsi, à une température donnée et pour un traitement de surface, la valeur du module G’ est
liée à la réticulation de la matrice et à un état d’équilibre qui reflèterait à la fois les
interactions entre les particules, et les interactions entre la matrice et la charge. Il paraît donc
intéressant d’analyser les variations de module élastique de ces matériaux en fonction de la
température, car celle-ci va modifier la mobilité de la matrice et du polymère lié, sans
modifier outre mesure la morphologie du réseau.
Nous avons calculé l’énergie d’activation associée à la décroissance de G’ avec la
température. L’hypothèse d’une activation de type d’Arrhenius est faite en représentant
ln(G’*273/T)= ln(G’o) –Ea / RT en fonction de 1/T. Cette équation suppose que le module est
directement proportionnel au nombre de sites régi par ce processus Arrhénien. Les énergies
149
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
d’activation Ea sont déterminées en ajustant linéairement la courbe de module élastique
(corrigé de l’effet entropique du réseau (*273/T) dans le plateau caoutchoutique).
Echantillon
Si
Ar8-25
Ar8-50
Ar8-75
Ar8-100
Ar8-125
AR16
Energie d’activation (kJ/mol)
(±1)
43
43
42
41
39
38
37
Tableau IV-2 : Mesures d'énergie d'activation dans le plateau caoutchoutique
Le calcul des énergies d’activation montre une diminution régulière avec le taux d’AR8 ou
avec la longueur de la chaîne. L’énergie à fournir pour observer une chute du module diminue
donc avec le recouvrement de la charge. Ce phénomène thermiquement activé pourrait être
associé à un changement d’équilibre, progressif avec la température, du ratio de segment de
chaînes adsorbées et désorbées physiquement à l’interface entre la matrice et la charge. Cela
conduirait à une diminution de la quantité de polymère lié par rapport à celle de la matrice.
On peut également envisager l’existence d’un gradient de mobilité du polymère, de la surface
de la charge vers la matrice, à l’origine d’un gradient de rigidité. L’augmentation de la
température conduirait alors à une agitation thermique plus importante capable de
contrebalancer progressivement les contraintes topologiques induites par la multiadsorption
des chaînes à la surface des charges. Ces deux mécanismes diffèrent par leur localisation dans
la couche de polymère lié. Le premier fait d’abord intervenir les contacts matrice-charge (i.e.
les sites d’adsorption), le second la frontière entre la matrice et le polymère à mobilité réduite.
Ils restent difficiles à distinguer du fait de la faible épaisseur de polymère concernée
(quelques nm).
IV.3.1.4
Conclusion - modèle de morphologie
L’ensemble des résultats permet donc maintenant de proposer un modèle de morphologie
pour nos matériaux. De manière globale, on peut voir le matériau comme un ensemble
d’agrégats reliés par des liaisons fortes (type hydrogène) et des liaisons faibles avec le
polymère lié. Du fait de l’absence de réseau percolant silice-silice, on peut raisonnablement
décrire la structure de charges comme un assemblage de sous-structure (agrégats liés par des
liaisons fortes) reliés par du polymère lié (cf. Figure IV-8). Par la suite, nous utiliserons la
150
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
notation réseau (S-PL-S) pour désigner cette structure. L’épaisseur de la couche de polymère
lié diminuant avec la présence croissante du greffage permet d’expliquer en grande partie la
chute de rigidité mesurée dans le domaine linéaire pour les matériaux avec agents de
recouvrement. De plus, en augmentant la température, l’épaisseur de la couche de polymère
lié diminue (soit par desadsorption, soit du fait de l’agitation thermique plus importante) et
conduit à la rupture d’un certain nombre de liens entre les sous structures (sans modifier la
rigidité de la sous-structure) d’où une chute de module (cf. Figure IV-9).
Il est important de rappeler que la réticulation de la matrice proche de la charge est
légèrement modifiée en présence du traitement de surface. De plus, comme le montre la figure
IV-8, la rigidité des agglomérats peut également être influencée par la présence du greffage.
On peut supposer que les contacts charge-charge subsistent en nombre égal (même
dispersion) en présence du greffage mais localement, l’intensité des interactions tendrait à
diminuer. Toutefois, dans le domaine de très petites déformations (comportement
viscoélastique), les agglomérats ne seraient que peu sollicités, la déformation agirait
principalement sur les liaisons entre les agglomérats par le biais de la couche de polymère lié.
Matrice
réticulée
Polymère lié
Aggrégat
OH OH
OH
OH
OH
OH
OH
Silice
avec et sans
greffage
OH
R ROH
OH
OH
R
R
Figure IV-8 : Schéma du réseau impliquant des agglomérats de charges et une couche de polymère lié en
fonction du traitement de surface : l’utilisation des agents de recouvrement conduit à une diminution de
l’épaisseur de polymère lié ce qui limite la rigidité du réseau S-PL-S. Au sein d’une sous structure, le
greffage peut modifier l’intensité des interactions charge-charge.
151
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Matrice
réticulée
Silice
avec
greffage
Polymère lié
OH
R OH
R
OH
OH
R OH
R
OH
R
OH
R
OH
R
R
Figure IV-9 : Schéma du réseau impliquant des agglomérats de charges et une couche de polymère lié en
fonction de la température : l’épaisseur de la couche de polymère diminue et réduit le nombre de contacts
entre sous-structures
En d’autres termes, les déformations mises en jeu dans le domaine linéaire n’engendreraient
pas de réelle modification des sous-structures du composite. Des déformations plus
importantes devraient générer des changements dans l’organisation des agglomérats et dans
l’épaisseur ou la rigidité de la couche de polymère les reliant. D’ailleurs dans le cas de la
silice non traitée, les mesures d’effet Payne lors des deux déformations ont déjà fait apparaître
de nombreux mécanismes (réversibles et irréversibles) dont certains mettaient en jeu
directement les interactions charge-matrice. C’est pourquoi il paraît particulièrement
intéressant d’étudier de manière approfondie l’effet Payne des matériaux avec agent de
recouvrement.
IV.3.2
Viscoélasticité non linéaire
IV.3.2.1
Premier balayage en déformation :effet sur le module initial
Comme dans le cas de la silice brute, nous avons réalisé lors des essais deux balayages
successifs. Les résultats sont illustrés par la Figure IV-10 pour quelques matériaux de la série
152
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
AR8 (Figure IV-10a) et ARn (Figure IV-10b). Ces courbes sont représentatives de l’ensemble
Module élastique, G' (Pa)
des données expérimentales obtenues, certains matériaux ont été omis par souci de lisibilité.
1.4x10
7
1.2x10
7
1.0x10
7
8.0x10
6
6.0x10
6
4.0x10
6
2.0x10
6
er
1 balayage
en déformation
Si
AR8-25
AR8-75
AR8-125
ième
2 balayage
Si
AR8-25
AR8-75
AR8-125
0.0
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
a)
7
1.4x10
er
1 balayage
en déformation
Si
AR1
AR8
AR16
ième
2
balayage
Si
AR1
AR8
AR16
7
Module élastique, G' (Pa)
1.2x10
7
1.0x10
6
8.0x10
6
6.0x10
6
4.0x10
6
2.0x10
0.0
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
b)
Figure IV-10: Influence du premier et du deuxième balayage en déformation sur les valeurs de G’, a) pour
différents taux d’AR-8, b) pour différentes longueurs de chaînes alkyles.
Les observations faites pour la silice non traitée sont donc confirmées. On observe une chute
marquée de G’0 entre les deux balayages et une apparition de la non linéarité pour des
déformations plus faibles lors du deuxième balayage. En ce qui concerne G’∞, on observe
toujours que les valeurs chutent en dessous de l’estimation de Guth et Gold. Pour des
déformations égales à 0.2, on constate que les différences de G’∞
/ 0.2
entre premier et
deuxième balayage sont faibles.
Afin de comparer les différents matériaux, les courbes de la figure IV-11 montrent la
différence entre les deux modules initiaux G’0-1 et G’0-2. La différence entre ces deux
153
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
grandeurs (G’0-1 - G’0-2 ) est tracée en fonction des taux d’AR8 introduits (cf. figure IV-11a).
Les courbes en fonction de la longueur des chaînes alkyles sont présentées figure IV-11b.
Comme déjà évoqué au paragraphe IV-1.1.2, on observe une grande sensibilité à la première
déformation pour la silice non traitée. La différence entre les deux modules est sensible à la
présence du greffage mais ne semble pas dépendre de la quantité introduite et de la taille de
celui-ci. Les valeurs de ∆G’∞ / 0.2 (non présentées), correspondant à la différence de valeurs de
G’∞ / 0.2 entre les deux balayages en déformation, se situent entre 0.5MPa pour la silice non
traitée et 0.2 et 0.1 MPa en présence de greffage. Elles évoluent de la même manière que
∆G’0.
Module élastique initial, G'O (MPa)
13
G'0-1
G'0-2
∆G'0
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
0
20
40
60
80
100
120
140
AR8 - Taux (%)
a)
Module élastique initial, G'O (MPa)
13
G'0-1
G'0-2
∆G'0
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
ARn, Longueur de la chaîne alkyle (nC)
b)
Figure IV-11: Influence de la première déformation sur le module élastique initial G’0 a) en fonction du
taux d’ AR-8, b) en fonction de la longueur de la chaîne alkyle (ARn)
Comme le greffage ne semble pas le paramètre prépondérant, on peut s’interroger sur la
différence qui existe entre d’une part les silices traitées et d’autre part la silice non traitée.
154
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Nous avons réalisé des essais avec le même protocole sur des mélanges crus (non réticulés).
L’endommagement prématuré de ces mélanges ne permet pas d’appliquer des déformations
aussi importantes : les balayages en déformation ne dépassent pas pour ces échantillons γ ≈
0.04 (au lieu de 1). On observe des différences, par rapport aux systèmes réticulés, en terme
de chute de module initial G’01-G’02. Cette chute de module n’est pas observable dans le cas
des mélanges avec la silice greffée (où la contrainte maximale imposée est de l’ordre de
0.1MPa). A l’opposé, une chute du module (G’01-G’02) est observable pour la silice brute mais
cette fois les contraintes intervenant sont deux fois plus importantes (0.2 MPa). Ces
observations suggèrent que les niveaux de contrainte atteints lors du premier balayage sont
déterminants.
Nous avons donc calculé les contraintes mises en jeux durant le premier balayage pour les
différents systèmes ( figure IV-12). Ces courbes montrent que le mélange chargé avec la silice
non traitée subit une contrainte plus importante que l’ensemble des mélanges avec les silices
greffées. Lors du premier balayage en déformation, un certain nombre de ruptures de liaisons
silice-silice se produiraient au sein des sous structures (cf. figure IV-8). La restauration de ces
agglomérats est très lente et quasi-impossible dans les temps de l’expérience. Lors des
balayages en déformation suivants, la contribution de ces sous-structures au module global du
matériau se trouvent atténuée.
5
Contrainte (Pa)
8.0x10
Si
Ar8-25
Ar8-50
Ar8-75
Ar8-100
Ar8-125
Contrainte (Pa)
6
1.0x10
5
6.0x10
5
4.0x10
5
2.0x10
1.0x10
6
8.0x10
5
6.0x10
5
4.0x10
5
2.0x10
5
Si
AR1
AR3
AR8
AR16
0.0
0.0
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
1E-4
Déformation en cisaillement, γ (mm/mm)
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation en cisaillement, γ (mm/mm)
a)
b)
Figure IV-12: Contrainte appliquée pendant la première déformation, a) pour différents taux d’AR-8, b)
pour des silanes de différentes longueurs.
155
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Bien que la chute de module (G’0-1- G’0-2 ) soit constante quel que soit le taux d’AR8 et la
longueur de chaînes alkyles (spacer), une évolution (identique) de G’0-1 et G’0-2 avec ces deux
paramètres est néanmoins observable. Nous avons donc représenté ces évolutions en fonction
des mesures de polymère lié (cf. figure IV-13). On retrouve bien, sur cette représentation la
différence entre premier et deuxième balayage (écart pour un matériau donné entre symboles
ronds et carrés). Cette différence correspond à la contribution des mécanismes non réversibles
mis en jeu lors du premier balayage. Dans le cas du deuxième balayage (symboles ronds), la
courbe montrent une quasi-linéarité dans le cas du recouvrement progressif de la silice par
l’agent de recouvrement AR8 ainsi que pour les différents agents de recouvrement de la série
ARn. Cette linéarité confirme l’importance du polymère lié dans le mécanisme réversible
d’effet Payne. Une exception à la linéarité est observable pour le mélange AR16 mais, comme
nous le verrons par la suite, ce dernier montre lors de la première déformation un
endommagement conséquent dès les déformations supérieures à 0.1.
156
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
13
Mélanges Série AR8
G'0-1
G'0-2
Module élastique, G' (MPa)
12
11
10
9
8
7
6
5
Taux 0% à 125%
4
3
0.2
0.3
0.4
0.5
0.6
0.7
0.8
0.9
Polymère lié (g/g de silice)
a)
Module élastique, G 0 '(MPa)
13
12
11
Mélanges série ARn
G'0-1
G'0-2
10
9
8
7
6
5
er
Fort endom magement après le 1 balayage
4
3
Longueur de chaîne alkyle nC 0 à 16
2
1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
Polymère lié (g/g silice)
b)
Figure IV-13 : évolution des modules initiaux en fonction du taux de polymère lié, a) série AR8, b) série
ARn
Pour résumer, lors de la première déformation, les mesures d’effet Payne implique la rupture
d’une partie des liaisons charge-charge qui assurent la cohésion des sous-structures du réseau
(S-PL-S). Ces ruptures sont à l’origine de la chute (G’0-1- G’0-2 ) et dépendent du niveau de
contrainte appliquée au matériau. Après la première déformation, et pour toutes les
déformations ultérieures (si la contrainte maximale appliquée ne change pas), l’influence du
polymère lié devient prépondérante sur la valeur du module initial (G’0-2).
157
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
IV.3.2.2
Premier balayage en déformation : effet sur le facteur de perte
La figure IV-14 présente les courbes de tanδ obtenues lors du premier (symboles pleins) et du
deuxième balayage (symboles creux) pour différents systèmes avec agent de recouvrement
AR8 (FigureIV-14a) et ARn (FigureIV-14b). Là encore, certains matériaux ont été omis par
souci de lisibilité. Le nombre élevé de courbes permet de faire ressortir les tendances fortes en
terme de dissipation d’énergie.
0.40
2
ieme
0.35
balayage
Si
AR-25
AR-75
AR-125
tanφ
0.30
0.25
er
1 balayage en déformation
Si
AR-25
AR-75
AR-125
0.20
0.15
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
a)
0.40
2
0.35
Tan φ
0.30
ième
balayage
Si
AR1
AR8
AR16
0.25
0.20
er
1 balayage en déformation
Si
AR1
AR8
AR16
0.15
0.10
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
b)
Figure IV-14 : influence du premier balayage et du deuxième balayage sur les valeurs du facteur de perte,
a) série AR8, b) série ARn
Tout d’abord, on observe systématiquement un niveau de tanδ plus élevé aux très faibles
déformations lors du deuxième passage. Or l’application d’une première déformation
provoque des dégâts irréversibles qui conduisent à la chute de G’0. La réponse du matériau
présente lors du balayage suivant un comportement où la composante visqueuse du module
serait plus importante (rappelons que le facteur de perte est le rapport de G’’/G’).
158
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Lors du deuxième balayage, le pic de tanδ semble décalé vers les plus faibles déformations.
On pourrait croire que la non-linéarité est plus précoce. En fait, la superposition des courbes
pour les grandes déformations indique qu’il n’en est rien. La chute de module mesurée lors du
premier balayage est la conséquence à la fois du mécanisme responsable de la chute de
module observée lors du deuxième balayage, et d’une modification progressive et irréversible
de la structure du réseau induite par l’augmentation, à chaque incrément de déformation, du
niveau de contrainte maximal que voit le matériau.
Aux plus grandes déformations, on observe pour certains matériaux (AR8-100 et AR8-125,
AR16) un plateau voire une remontée du facteur de perte indiquant l’apparition d’un nouveau
mécanisme dissipatif. Il est observé sur les deux balayages, il est donc réversible à l’échelle
du temps de notre expérience. On l’attribue à l’apparition d’un endommagement car comme
nous le verrons dans le chapitre V, il se manifeste en traction sous la forme de cavitations. Ce
dernier point suggère que le matériau présente dans ce cas un comportement fortement nonlinéaire au cours d’un cycle de sollicitation. Les valeurs de modules et de tan δ qui en sont
déduites sont alors à discuter avec précautions.
En conclusion, les observations faites en terme de dissipation étayent l’hypothèse proposée
précédemment. Lors du 1er balayage en déformation, on observe, en même temps que le
phénomène qui sera observé lors du deuxième balayage, un phénomène assimilable à l’effet
Mullins résultant de la destruction des agglomérats de silice (ou sous structures) au sein du
réseau (S-PL-S). Ce phénomène met donc principalement en jeu des aspects irréversibles. On
remarque qu’il est plus sensible à l’état de contrainte appliquée qu’au traitement de surface.
Cela suggère qu’au niveau du contact, il suffit de greffer une molécule silane pour diminuer la
rigidité de la sous-structures.
Lors du deuxième balayage, la chute de module est cette fois uniquement associée aux
modifications des interactions entre les sous structures par le biais du polymère lié, ce qui
explique la réversibilité. C’est ce que nous choisirons d’appeler Effet Payne dans la suite de
ce travail. Cette modification pourrait être le résultat d’une désadsorption des chaînes du
polymère lié sous l’effet de la contrainte. Cela conduirait ainsi à une mobilité plus grande de
ce polymère (à la fois par une diminution directe du nombre de sites d’ancrage et par la
libération des enchevêtrements piégés par ces sites) et donc à une diminution de la rigidité du
lien entre sous structure. Une seconde hypothèse serait que l’apport d’une énergie mécanique
permettrait l’activation thermomécanique de la relaxation principale des chaînes du polymère
159
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
lié, dont la mobilité serait graduellement de plus en plus faibles lorsqu’on se rapproche de la
surface de la charge. Il faut noter que l’effet Payne est parfois suivi de l’apparition d’un autre
phénomène, également réversible, mais plus fortement dissipatif, qui serait du à une
désadhésion totale (après désadsorption progressive ou affaiblissement progressif de la
couche de polymère lié) entre certaines surfaces de charges et la matrice. La friction entre les
surfaces ainsi créées serait alors responsable de la forte dissipation mesurée au cours du cycle
de mesure.
Finalement les mesures faites lors des deux balayages permettent d’observer pour un même
échantillon de manière différente la contribution des agglomérats de charge et des interactions
charge matrice. Beaucoup d’auteurs ne considèrent que la première déformation lors de
l’analyse de l’effet Payne et donc l’interprètent en terme de désagglomération. Lors de la
première déformation la sous structure (interactions charge-charge) évolue avec la
déformation. Afin de mieux comprendre la contribution du polymère lié lors de l’effet Payne,
la suite de ce chapitre se focalisera sur le deuxième balayage en déformation.
IV.3.2.3
Effet Payne : effet du taux d’agent de recouvrement
Les courbes de la figure IV-15a, montrent l’évolution de G’ au cours du deuxième balayage
en déformation. La figure IV-15b permet d’apprécier l’évolution du module initial (G’0), du
module infini (G’∞
/ 0.2)
et de l’amplitude d’effet Payne (G’0 - G’∞
/ 0.2)
recouvrement de la surface pour la série de mélange (AR8).
6
8x10
Si
Ar8-25
AR8-50
AR8-75
AR8-100
AR8-125
6
7x10
6
Module G' (Pa)
6x10
6
5x10
6
4x10
6
3x10
6
2x10
6
1x10
0
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation (mm/mm)
a)
160
en fonction du
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
G'0
G'oo / 0.2
∆G'
6
Module élastique, G' (Pa)
7x10
6
6x10
6
5x10
6
4x10
6
3x10
6
2x10
6
1x10
0
20
40
60
80
100
120
140
AR8 - Taux (%)
b)
Figure IV-15 : a) Module élastique en fonction de la déformation, b) Module élastique initiale G’0 et infini
G’∞ / 0.2 en fonction du recouvrement (AR8)
Lorsque le taux d’AR8 augmente (c’est à dire lorsque le taux de polymère lié diminue) et ce
jusqu’à la valeur de recouvrement de 75%, on constate que le module initial diminue
fortement. Pour le taux supérieur, le module initial G’0 n’évolue quasiment plus. Par contre, le
module infini G’∞ / 0.2 n’est que peu sensible aux traitements de surface. Il chute légèrement
avec le recouvrement et se stabilise à une valeur très proche de l’estimation de Guth et Gold.
L’évolution de l’amplitude de l’effet Payne avec le recouvrement progressif de la surface de
la silice est donc essentiellement liée à l’évolution de la valeur du module initial. La chute du
module est d’autant plus marquée que la valeur de polymère lié est grande et contribue à la
rigidité initiale du réseau S-PL-S. L’effet Payne serait donc du à l’effet de la diminution des
transferts de contraintes entre sous structures, par augmentation locale de la mobilité du
polymère lié.
Apparition de la non-linéarité
Ensuite, on peut évaluer l’influence du recouvrement sur l’apparition de la non linéarité. Les
valeurs de la déformation et de la contrainte correspondant à une perte de linéarité de 5% sont
représentées en fonction du taux de recouvrement sur la figure IV-16. Compte tenu de
l’imprécision sur la mesure (± 5 10-4), la déformation à partir de laquelle commence la chute
de module G’, est comprise entre 1.5 10-3 et 2.2 10-3 et ne présente pas d’évolution
significative en fonction du recouvrement. La contrainte de perte de linéarité (pour laquelle la
précision est évaluée à ± 1500 Pa) diminue considérablement avec la présence de greffage et
161
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
l’augmentation de celui-ci. La non-linéarité commencerait pour des valeurs proches en
Normalisation (G' - G'oo)/(G'0 - G'oo)
déformation mais des contraintes différentes.
Si
AR8-25
AR8-50
AR8-75
AR8-100
AR8-125
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0
1E-3
0.01
0.1
Déformation, γ (mm/mm)
a)
Chute d'effet Payne de 5%
16000
0.0020
0.0015
12000
0.0010
10000
8000
0.0005
Contrainte (Pa)
Déformation (mm/mm)
14000
6000
0.0000
0
20
40
60
80
100
120
140
AR8 - Taux (%)
b)
Figure IV-16 : a) courbes de module élastique normées, b) déformation et contrainte de perte de linéarité
(5% d’amplitude d’effet Payne)
Aspects dissipatifs
La figure IV-17 montre les courbes du module de perte et du facteur de perte en fonction de la
déformation pour la série AR8.
162
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
6
1.8x10
6
Modulus G'' (MPa)
1.6x10
6
1.4x10
6
1.2x10
6
1.0x10
5
8.0x10
5
6.0x10
5
4.0x10
5
2.0x10
1E-4
Si
Ar8-25
AR8-50
AR8-75
AR8-100
AR8-125
1E-3
0.01
0.1
1
Deformation, γ (mm/mm)
a)
0.45
facteur de perte, tan δ
0.40
0.35
Si
Ar8-25
AR8-50
AR8-75
AR8-100
AR8-125
0.30
0.25
0.20
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
b)
Figure IV-17 : a) Module de perte G’’, b) facteur de perte, en fonction de la déformation
Le module G’’ présente un pic centré sur une déformation proche de 0.01 pour l’ensemble des
matériaux. Son maximum chute avec le recouvrement de la charge. Comme dans le cas du
module G’, les mesures montrent un phénomène de saturation pour les forts taux de
recouvrement, à partir des taux supérieurs à 100% (IV-17a). Il existe donc une forte
corrélation entre les aspects dissipatifs de l’effet Payne et la quantité de polymère lié (donc le
recouvrement de la surface).
Les courbes de facteur de perte des différents matériaux sont présentées figure IV-17b. Les
valeurs de tan δ sont comprises entre 0.2 et 0.25 aux très faibles déformations. Le maximum
de facteur de perte tan δ apparaît pour une déformation équivalente γ=0.02 pour l’ensemble
des matériaux. On n’observe pas de tendance nette au niveau de la valeur maximale de tan δ.
163
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Après le maximum du pic, le facteur de perte décroît pour les mélanges avec la silice non
traitée et pour les faibles valeurs de recouvrement (25 et 50%) alors qu’il réaugmente pour les
recouvrements plus importants. Pour AR8-75 cette forte dissipation commencerait pour une
déformation γ≈ 0.146 et une contrainte de 0.32MPa. Pour les mélanges AR8-100 et AR8-125,
elle se manifeste plus précocement pour une déformation γ≈ 0.08 correspondant à une
contrainte 0.13MPa. Le mécanisme associé à cette manifestation de dissipation d’énergie a
lieu de manière significative pour les échantillons où les taux de polymère lié sont les plus
faibles (les taux de greffage les plus élevés).
Il intervient suite à l’effet Payne, qui
correspondrait à la diminution de la quantité de polymère lié assurant la connexité du réseau
renforçant. On associe donc cette manifestation à un phénomène de friction des chaînes sur la
surface de la charge, cela étant d’autant plus fréquent que le nombre de sites d’absorption à la
surface est plus faible. A noter que les mêmes mécanismes à l’interface conduiraient, pour
une sollicitation en traction, à l’apparition d’endommagement sous la forme de cavitation.
En conclusion, le recouvrement progressif de la surface par un agent de recouvrement (AR8)
conduit à une diminution de l’effet Payne, i.e. principalement due à la chute du module initial.
Cette chute serait due à la « mobilisation » progressive de la couche de polymère lié assurant
le contact entre deux sous-structures. Pour les plus grandes déformations, un phénomène
d’endommagement est observable et ce dernier est exacerbé avec les forts taux de
recouvrement de la surface (100% et 125%).
L’utilisation de molécules de différentes tailles à recouvrement constant conduit également à
une diminution du taux de polymère lié. Nous allons donc maintenant examiner si l’on
observe les mêmes conséquences sur l’effet Payne.
IV.3.2.4
Effet Payne : effet de la longueur de l’agent de recouvrement
Comme précédemment, les courbes présentées par la figure IV-18 décrivent l’évolution du
module G’ pour le deuxième balayage en déformation.
164
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
6
8x10
Si
Ar1
Ar3
Ar8
Ar16
Module élastique, G' (Pa)
6
7x10
6
6x10
6
5x10
6
4x10
6
3x10
6
2x10
6
1x10
0
1E-3
0.01
0.1
1
déformation, γ (mm/mm)
a)
G'0
G'oo /0.2
∆G'
Module élastique, G' (MPa)
7
6
5
4
3
2
1
0
2
4
6
8
10
12
14
16
ARn - Longueur de la chaîne alkyle (nC)
b)
Figure IV-18 : a) Module élastique en fonction de la déformation, b) Module élastique initiale G’0 et infini
G’∞ / 0.2 en fonction du recouvrement (AR)
On observe des tendances tout à fait similaires à celles observées pour la série AR8 : lorsque
la longueur de l’agent de recouvrement augmente, l’amplitude de l’effet Payne diminue par
diminution du module initial alors que la valeur de G’∞ / 0.2 est quasi identique. Par contre, le
phénomène de saturation de l’amplitude de l’effet Payne pour les forts taux n’apparaît pas (cf.
figureIV-15b). Cela pourrait être attribué à l’effet plastifiant lié à la présence d’AR16 au sein
de la matrice.
La figure IV-19 décrit la perte de linéarité, en contrainte et en déformation, en fonction de la
longueur de la chaîne alkyle. La linéarité cesse pour des déformations du même ordre que
celles mesurées pour les échantillons AR8, comprises entre 2 10-3 et 2.5 10-3 (± 5 10-4). On
constate également la même évolution de la contrainte à appliquer pour observer la perte de
165
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
linéarité. On retrouve donc, comme pour la série AR8, que l’effet Payne est plutôt dépendant
de la déformation. Une manière de le vérifier est de tracer les courbes de chute de module
Normalisation (G' - G'oo)/(G'0 - G'oo)
normalisé par rapport à l’écart maximum de module (Figure IV-19a).
Si
AR1
AR3
AR8
AR16
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0
1E-3
0.01
0.1
Déformation, γ (mm/mm)
a)
Chute d'effet Payne de 5%
15000
0.0025
13000
12000
0.0015
11000
0.0010
10000
Contrainte (Pa)
déformation (mm/mm)
14000
0.0020
9000
0.0005
8000
0.0000
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
AR - longueur de chaîne alkyle (nC)
b)
Figure IV-19 : a) courbes de module élastique normées, b) déformation et contrainte de perte de linéarité
(0.05*∆G’)
Aspects dissipatifs
166
Module de perte, G'' (Pa)
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
1.8x10
6
1.6x10
6
1.4x10
6
1.2x10
6
1.0x10
6
8.0x10
5
6.0x10
5
4.0x10
5
2.0x10
5
Si
AR1
AR3
AR8
AR16
1E-3
0.01
0.1
1
déformation, γ (mm/mm)
a)
Facteur de perte, tanδ
0.40
0.35
Si
AR1
AR3
AR8
AR16
0.30
0.25
0.20
0.15
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
déformation, γ (mm/mm)
b)
Figure IV-20 : a) Module de perte G’’, b) facteur de perte, en fonction de la déformation.
Comme représenté sur les courbes de la figure IV-20, le pic de G’’ est centré sur une
déformation de 0.01 alors que celui de tan δ apparaît pour une déformation proche γ=0.02.
Ces déformations sont identiques pour l’ensemble des matériaux (comme pour la série AR8).
Les valeurs de G’’ et de tan δ montrent un maximum qui diminue avec la longueur de la
chaîne, sans effet de saturation.
Dans le cas d’AR16, le pic de G’’ devient quasi inexistant et la valeur de G’’ reste identique à
celle observée pour les plus petites déformations. Suite à cette observation, on pourrait
conclure que l’allongement du spacer (chaîne alkyle) permet de diminuer voir supprimer les
effets dissipatifs associés à l’effet Payne. Toutefois, les agents qui présentent un spacer de
longueur élevée conduisent également à l’apparition du deuxième effet dissipatif aux plus
167
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
grandes déformations (cf. figure IV-20b). Dans le cas de l’AR16, on constate que ce
deuxième effet devient prédominant : la dissipation est quasiment continûment croissante. On
retrouve que la deuxième manifestation de dissipation d’énergie a lieu de manière
significative pour les échantillons où les taux de polymère lié sont les plus faibles. Nous
avons proposé que les mécanismes associés à cette dissipation d’énergie soient des
frottements à l’interface matrice-charge créée après désadsorption ou relaxation du polymère
initialement lié. Cet ‘endommagement’ se manifeste pour une déformation γ≈ 0.146 et une
contrainte de 0.32MPa dans le cas de l’échantillon AR8. Pour AR16, la déformation et la
contrainte diminuent encore γ≈0.05 et la contrainte vaut 0.09MPa. D’ailleurs, si on compare
la courbe de tanδ de l’AR16 à celle obtenue pour l’AR8-125 (cf. figure IV-21), on constate
que le mécanisme est plus intense pour l’échantillon AR16. On interprète cet effet par une
désorption des chaînes de la couche de polymère lié facilitée par le plus fort encombrement
stérique d’AR16.
Facteur de perte, tanδ
0.40
AR16
AR8-125
0.35
0.30
0.25
0.20
0.15
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
Figure IV-21 : Facteur de perte en fonction de la déformation pour les échantillons AR16 et AR125.
Finalement, les observations des courbes de G’’ et de facteur de perte pour les échantillons de
la série ARn permettent de confirmer les conclusions tirées de l’étude des échantillons AR8 à
propos des mécanismes de dissipation d’énergie pour les déformations inférieures à 1.
168
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
IV.3.2.5
Conclusion
Nous venons de voir que les deux séries de matériaux avec agent de recouvrement font
apparaître des tendances tout à fait similaires. Tout d’abord, la chute de G’ associée à l’effet
Payne s’observe pour des déformations quasi identiques quels que soient les échantillons. Les
différences viennent principalement de la différence de module initial G’0, ce qui va
conditionner la valeur de la contrainte pour laquelle la non-linéarité va apparaître.
Or comme nous l’avions déjà proposé à la vue des résultats de spectrométrie mécanique, les
valeurs de module initial sont fortement dépendantes de la morphologie complexe de ces
élastomères chargés. Cette morphologie présente différents niveaux d’échelle comme
schématisée sur la figure IV-8. Le polymère lié assure la connexité macroscopique d’un
réseau composé de sous-structures où les liaisons entre agrégats sont des liaisons silice-silice.
Lors d’un premier balayage, de nombreux mécanismes de déformations sont mis en jeu à la
fois de nature réversible (déformation du polymère, réduction de la quantité effective de
polymère lié, i.e. à mobilité réduite) et irréversible (rupture des liaisons silice-silice intra
agglomérats, de chaînes polymères les plus courtes, glissements des sites d’adsorption sur la
surface des charges comme décrit par Boosnstra). Bien évidemment, seul le premier type de
mécanismes permet un recouvrement (de ce fait uniquement partiel) de la valeur du module
initial G’0 entre un premier et un deuxième balayage.
Lors du deuxième balayage, tant que la déformation ne dépasse pas la valeur maximale
appliquée lors du premier passage, les effets sont uniquement de nature réversible. C’est cet
effet que nous appelons effet Payne. L’ensemble des données quantitatives ont été résumées
dans le tableau IV- 3.
•
La perte de linéarité est observée pour une déformation équivalente pour l’ensemble
de ces traitements, les contraintes sont alors liées à la valeur de module initial
correspondant.
•
L’amplitude de l’effet Payne résulte directement de la variation de module initial, le
module infini est peu sensible au traitement de la surface avec des agents de
recouvrement. Cette variation résulterait d’un mécanisme thermo-mécaniquement
activé au sein du polymère lié. Une première possibilité est une réduction de son
169
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
épaisseur, de la matrice vers la charge. La seconde est une désadsorption progressive à
l’interface
charge-matrice.
Les
deux
scénarii
conduisent
à
une
mobilité
progressivement plus importante de la matrice au voisinage des charges, dans les
zones assurant la jonction entre sous structures (cf. Figure IV-22). Il faut ajouter que,
pour les faibles recouvrements de silane ou les molécules courtes (AR1 et AR3), ce
mécanisme pourrait être également influencé (limité) par la réticulation hétérogène (cf.
chapitre III).
•
Les effets dissipatifs associés à l’effet Payne sont mis en évidence par l’apparition
d’un pic de facteur de perte. Ce pic apparaît pour une déformation identique pour
l’ensemble des échantillons mais son intensité diminue toutefois avec la longueur de la
chaîne alkyle alors qu’il reste relativement stable lorsqu’on augmente le taux d’AR8.
Pour les taux plus faibles de polymère lié (épaisseur de la couche de polymère lié
inférieure à 2nm), on observe l’apparition d’un mécanisme dissipatif aux taux de
déformation plus élevés. Cette forte dissipation correspondrait à la friction aux
interfaces engendrées par la désadsorption totale des chaînes du polymère lié.
Série
Perte effet Payne 5%
∆G’
tanδ, endommagement
Echantillons Déformation Contrainte
(MPa)
Déformation Contrainte
(±5 10-4)
15000
5.3
-
-
AR8-25
15000
3.3
-
-
3.2
-
-
2.5
0.146
0.32
2.35
0.08
0.13
6000
2.6
0.08
0.13
14500
4.4
-
-
4.3
-
-
3.8
0.146
0.32
2.0
0.049
0.09
AR8-50
AR8
AR8-75
AR8-100
AR8-125
AR1
AR3
AR
(MPa)
Si
AR8
AR16
Constant entre 0.0015 et 0.0020
Si
(Pa) (±1500)
8000
Tableau IV-3 : bilan pour les échantillons des séries AR8 et AR de la perte de linéarité de 5% et de
l'endommagement.
170
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Après le premier balayage
en déformation
Matrice
réticulée
G’0-2
Silice
Polymère lié
Aggrégat
Durant le deuxième balayage
en déformation: effet Payne
Mécanismes irréversibles
Figure IV-22 :Schéma illustrant les mécanismes mis en jeu dans l’effet Payne : sous l’effet de la
déformation, la quantité de polymère à mobilité réduite (polymère lié) diminue ce qui limite la rigidité du
réseau S-PL-S.
IV.4
Influence de l’agent de couplage
IV.4.1
Viscoélasticité linéaire
La série de mélanges étudiée dans cette partie correspond aux systèmes chargés avec de la
silice traitée avec différents taux d’agent de couplage. Les taux introduits correspondent
théoriquement au même recouvrement que la série (AR8) en présence d’agent de
recouvrement. Cependant, comme cela est indiqué dans le chapitre III, l’estimation de
l’épaisseur de la couche de polymère lié n’a pas été possible dans le cas de ces systèmes.
Néanmoins les mesures de reprises en eau (cf. Chapitre III) permettent d’estimer que le
recouvrement maximal de la surface est obtenu pour un taux de l’ordre de 75%. Au-delà de ce
taux, l’agent de couplage en excès (non greffé) peut polycondenser au voisinage de la surface
ou dans la matrice, augmentant ainsi le taux de réticulation de l’élastomère.
IV.4.1.1
Viscoélasticité linéaire
Les courbes de la figure IV-23 montrent la dépendance en température des modules G’, G’’ et
du facteur de perte tanδ obtenus par torsion dynamique dans le domaine linéaire.
171
10
9
10
8
10
10
9
Si
Ac-25
Ac-50
Ac-75
Ac-100
Ac-125
10
Si
Ac-25
Ac-50
Ac-75
Ac-100
Ac-125
Module de perte, G'' (Pa)
Module élastique, G'(Pa)
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
7
8
10
7
10
6
10
5
10
6
150
200
250
300
350
150
400
200
250
300
350
400
Température (K)
Température (K)
a)
Si
Ac-25
Ac-50
Ac-75
Ac-100
Ac-125
Deuxième pic de relaxation
0.1
Relaxation α
0.01
150
200
Température 300 K
10
Module élastique, G' (MPa)
Facteur de perte, tanδ
1
b)
250
300
350
8
6
4
2
0
400
20
40
60
80
100
120
140
AC - Taux (%)
Température (K)
c)
d)
Figure IV-23 : a) Module élastique, b) module de perte, c) facteur de perte, en fonction de la température
et d) Module élastique à 300K en fonction du taux d’AC
En ce qui concerne les modules, on constate que l’augmentation du taux d’agent de couplage
n’affecte pas les valeurs du module élastique dans le plateau vitreux. Par contre, dans le
plateau caoutchoutique, les différences apparaissent. La valeur du module G’ pour une
température donnée (300K, figure IV-23d), décroît avec le recouvrement de l’agent de
couplage jusqu’à une valeur seuil de 75%. Les valeurs de module G’ réaugmentent ensuite
pour les taux d’agent de couplage supérieurs. Cette réaugmentation est la différence
essentielle entre les résultats de la série AC par rapport à ceux de la série AR8. Dans le cas
des agents de couplage, deux phénomènes expliquent ces résultats :
•
Le recouvrement de la charge jusqu’à 75% qui fait baisser le module comme un agent de
recouvrement
•
Le couplage avec la matrice qui augmente la réticulation de la matrice.
En ce qui concerne le pic de relaxation principale α , on constate que la position du maximum
de module de perte (figure IV-23b) ou celle du maximum de tanδ (figure IV-23c) ne sont pas
172
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
affectées par le taux d’agent de couplage. Ainsi, la réticulation croissante des mélanges avec
des taux d’agent de couplage croissants, ne semble pas affecter la position de la relaxation α.
Par contre, l’amplitude du pic de facteur de perte est plus faible pour la silice non traitée ou
faiblement traitée. Cela est en accord avec la variation de module dans le plateau
caoutchoutique, car l’amplitude du pic de relaxation principale α varie souvent comme la
chute de module entre les plateaux vitreux et caoutchoutique. Aux plus hautes températures,
on note, comme dans le cas des matériaux avec agent de recouvrement, la présence d’un
deuxième pic. Après déconvolution, les aires respectives des deux pics ont été estimées et
leurs évolutions en fonction du taux d’agent de couplage sont rapportées Figure IV- 24.
Aire du pic de relaxation
30
pic de relaxation α
pic de relaxation à Tα + 50°C
25
20
15
10
0
20
40
60
80
100
120
140
AC - Taux (%)
Figure IV-24 : Evolution des aires des pics de relaxation en fonction du taux d’agent de couplage.
On observe une évolution de l’aire du pic de relaxation α qui rappelle celle tracée pour les
matériaux de la série AR8.
Lorsque le taux d’agent de couplage augmente, l’aire du deuxième pic est stable voire même
décroissante. Celui ci avait été attribué à des phénomènes de relaxation ou de friction
(accroissement de la mobilité) du polymère lié. Les résultats pour la série AC sont donc en
accord avec cette hypothèse, puisque l’utilisation d’agent de couplage, par la création de sites
d’ancrage permanent entre la matrice, limiterait la possibilité d’une amplification de la
mobilité du polymère lié.
173
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
IV.4.1.2
Evolution du module caoutchoutique avec la température
Afin de caractériser l’évolution du module G’ avec la température, nous avons calculé
l’énergie d’activation associée à la décroissance de G’ avec la température. Les énergies sont
déterminées à partir du tracé de ln(G’*273/T)= ln(G’o) –Ea / RT et rapportées dans le tableau
IV-4 pour les différents matériaux de la série AC.
Echantillon
Energie d’activation
(kJ/mol) (±1)
43
37
37
35
39
42
Si
AC-25
AC-50
AC-75
AC-100
AC-125
Tableau IV-4 : Mesures d'énergie d'activation dans le plateau caoutchoutique
On observe que les valeurs d’énergie d’activation diminuent pour les taux inférieurs à 75%
puis réaugmentent. La décroissance avec la température semble liée comme précédemment
(cas des agents de recouvrement) à l’évolution de l’épaisseur de la couche de polymère lié en
surface de la charge. Plus la température augmente plus la couche immobilisée se réduit, par
une diminution du nombre de chaînes adsorbées, ou par l’activation de la relaxation principale
d’une couche de plus en plus épaisse du polymère lié. Dans le cas de l’agent de couplage, la
couche immobilisée est le résultat de l’adsorption physique de chaînes mais aussi de la
formation des liaisons covalentes entre la charge et la matrice, l’augmentation du module et
de l’énergie d’activation pour les taux supérieures à 75% est attribuée à la réticulation due à
l’excès d’agent de couplage qui limiterait les mécanismes de réduction de polymère lié
physiquement.
Finalement, l’évolution des modules dans le plateau caoutchoutique conduit à des conclusions
très similaires à celles tirées de l’analyse de la valeur du module à 300K. On retiendra donc
que la différence essentielle pour la série AC, par rapport à la série AR, s’observe pour les
matériaux avec des taux d’agent de couplage supérieur à 75%. Pour ces derniers, le module
dans le plateau caoutchoutique augmente avec l’excès de silane qui polycondense.
174
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Afin d’obtenir un complément d’information sur l’influence de la réticulation, nous avons
réalisé un mélange pour lequel le système de réticulation a été doublé. Nous allons étudier
par la suite le comportement de ce matériau.
IV.4.1.3
Influence d’une sur-réticulation
La courbe de la figure IV-25 montre l’évolution du module élastique en fonction de la
température pour des mélanges chargés avec de la silice traitée avec un taux de 75% d’agent
de couplage, et dont la réticulation de la matrice varie (AC75 présenté précédemment et AC75S+ où le système de réticulation est doublé). On peut considérer que pour ces deux
matériaux, l’interface charge matrice est maintenue constante et seule la vulcanisation est
différente.
AC75
AC75S+
Module élastique, G' (Pa)
9
10
8
10
7
10
6
10
160
180
200
220
240
260
280
300
320
340
360
380
Température, T (K)
a)
Facteur de perte, tanδ
1
AC75
AC75S+
0,1
0,01
160
180
200
220
240
260
280
300
320
340
360
380
Température, T (K)
b)
Figure IV-25 : influence de la réticulation, a) module élastique et b) facteur de perte en fonction de la
température
175
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Les courbes obtenues indiquent que la réticulation de la matrice influence principalement les
valeurs de module dans le plateau caoutchoutique. Plus la réticulation augmente, plus le
valeur de module caoutchoutique est élevée. La pente de la courbe dans le plateau
caoutchoutique augmente également avec la réticulation, jusqu’à devenir positive pour le
matériau sur réticulé. Cela se traduit par des énergies d’activation qui varient fortement pour
ces deux matériaux (cf. Tableau IV-5). Finalement, plus la réticulation augmente, plus le
comportement se rapproche d’un comportement de type élasticité entropique.
Echantillon
Energie d’activation
(kJ/mol) (±1)
35
48
AC-75
AC-75 S+
Tableau IV-5 : Energie d'activation dans la phase caoutchoutique en fonction de la vulcanisation de la
matrice
Le fait le plus surprenant est que la position en température de la relaxation α, Tα, n’est pas
identique pour les deux échantillons. La relaxation principale étant associée à la transition
vitreuse, nous avons confirmé cette évolution par des mesures de DSCii. La transition
vitreuse, et par la même la relaxation α, sont donc sensibles à la réticulation de la matrice.
Or, pour les matériaux avec agent de couplage, pour lesquelles la réticulation globale des
échantillons augmente avec le traitement progressif de la surface par l’agent de couplage,
nous n’avons pas constaté de décalage de la température de transition α (cf. figure IV-23). On
peut penser que la modification de la température de relaxation n’est observable que lorsque
la réticulation est modifiée globalement pour toute la matière polymère. En d’autres termes,
dans le cas des forts taux d’AC, ces courbes indiqueraient, lorsque la surface est saturée en
agent de couplage, que la réticulation supplémentaire offerte par l’excès de couplage est
localisée au voisinage de la charge.
IV.4.1.4
Conclusion
Pour conclure d’une manière générale sur le comportement viscoélastique des matériaux avec
agent de couplage, on peut revenir sur le modèle de morphologie proposé au paragraphe IV1.2.5. Les points spécifiques de ce modèle sont la présence de sous-structures (agrégats liés
ii
les mesures ont été réalisées à l’aide d’une DSC Pyris Diamond de Perkin Elmer, avec une vitesse de balayage
de 10°/min
176
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
par des liaisons fortes de type hydrogène) et l’importance de la couche de polymère lié qui
assure la connexité macroscopique du réseau formé de ces sous-structures.
Pour les matériaux avec agent de recouvrement, la chute de rigidité mesurée dans le domaine
linéaire était expliquée par la diminution de l’épaisseur de la couche de polymère lié avec la
présence croissante du greffage.
En présence d’agent de couplage, la couche de polymère lié joue donc un rôle équivalent
dans la transmission des efforts au sein du réseau formé des sous-structures. La principale
différence vient de la formation des liaisons covalentes à la surface et au voisinage de la
charge, ce qui renforce l’hétérogénéité de réticulation qui est présente dans ces matériaux (cf.
Chapitre III). Cela se traduit par une remontée de module aux forts taux d’agent de couplage
et par la diminution du deuxième mécanisme de dissipation d’énergie associé à une rupture de
l’interface charge-matrice. Par la suite, nous allons voir si la présence de ces liaisons
covalentes à la surface de la charge modifie le comportement non linéaire des matériaux en
fonction du taux de déformation.
IV.4.2
Viscoélasticité non linéaire
Nous allons d’abord comparer les courbes obtenues lors d'un premier et d’un deuxième
balayage, pour évaluer l’importance des effets irréversibles pour ces systèmes, puis nous nous
focaliserons sur le deuxième balayage pour ne retenir que les effets réversibles impliquant
plus spécifiquement le polymère lié.
IV.4.2.1
Premier balayage en déformation :effet sur le module initial
La Figure IV-26 illustre les résultats obtenus lors de deux balayages successifs pour quelques
matériaux de la série AC. Une fois encore, nous avons choisi quelques courbes significatives
et représentatives de l’ensemble des données afin ’’d’alléger la représentation’’.
177
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Module élastique, G' (Pa)
1.4x10
7
ère
1.2x10
7
1.0x10
7
8.0x10
6
6.0x10
6
4.0x10
6
2.0x10
6
1 Balayage de
déformation
Si
AC-25
AC-75
AC-125
ième
2
balayage
Si
AC-25
AC-75
AC-125
0.0
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
Figure IV-26 : influence du premier balayage et du deuxième balayage sur les valeurs de G’ pour
différents matériaux de la série AC
On retrouve encore une fois que, suite au premier balayage, seule la valeur du module initial
G’0 diminue notablement alors que G’∞ n’évolue que de façon mineure. Les données
quantitatives (différence de module initial entre le premier et le deuxième balayage en
déformation) sont rapportées en fonction du taux d’agent de couplage introduit sur la
figureIV-27a.
G'01
G'02
∆G'0
10
Contrainte, (Pa)
Module élastique, G'(MPa)
12
8
6
4
1.2x10
6
1.0x10
6
8.0x10
5
6.0x10
5
4.0x10
5
2.0x10
5
Si
Ac-25
Ac-50
Ac-75
Ac-100
Ac-125
2
0.0
0
0
20
40
60
80
100
120
-4
10
140
-3
10
-2
10
-1
10
0
10
Déformation, γ (mm/mm)
AC - Taux (%)
a)
b)
Figure IV-27: a)Evolution du module élastique initiale G’0, b) Contrainte en fonction de la déformation
pour le premier balayage en déformation
Comme observé avec les agents de recouvrement, la différence de module initial ∆G’0 varie
fortement entre le matériau avec la silice non traitée et celui avec le plus faible taux d’agent
de couplage. Puis, pour les taux supérieurs à 100%, ∆G’0 n’évolue quasiment pas. Finalement,
178
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
pour le taux le plus élevé, on constate que ∆G’0 augmente à nouveau. La figure IV-27b
rapporte les contraintes supportées par les différents matériaux lors du premier balayage en
déformation. Pour la silice non traitée, on note que la contrainte est légèrement supérieure
durant presque tout le balayage en déformation. Les contraintes appliquées sur l’ensemble des
autres échantillons lors du premier balayage en déformation sont presque équivalentes à
l’exception de AC-125 qui présente une contrainte finale légèrement plus élevée. Ces mesures
permettent de dire qu’après le premier balayage, les différents échantillons de la série AC ont
subit pratiquement la même histoire mécanique (déformation et contrainte).
IV.4.2.2
Premier balayage en déformation :effet sur le facteur de perte
La figure IV-28 présente les courbes de tanδ obtenues lors du premier (symboles pleins) et du
deuxième balayage (symboles creux) pour différents systèmes avec agent de couplage. Les
tendances observées confirment les conclusions mises en avant dans le cas des agents de
recouvrement.
0.40
ieme
2
Facteur de perte, tanδ
0.35
0.30
balayage
Si
AC-25
AC-75
Ac-125
0.25
0.20
er
1 balayage en déformation
Si
Ac-25
AC-75
Ac-125
0.15
0.10
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
Figure IV-28 : influence du premier balayage et du deuxième balayage sur les valeurs du facteur de perte
pour les mélanges avec l’agent de couplage
On retrouve que le niveau de tanδ aux très faibles déformations est systématiquement plus
élevé lors du deuxième passage. Cela est en rapport avec le caractère moins ’’élastique ’’de la
réponse du matériau suite aux dégâts irréversibles provoqués lors du premier balayage. La
différence essentielle entre les séries AR et AC concerne le mécanisme dissipatif aux plus
grandes déformations qui était observé pour les matériaux AR8-100, AR8-125 et AR16. Ce
179
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
mécanisme, attribué à la décohésion silice-matrice est absent dans le cas des agents de
couplage, même aux taux les plus élevés. Cette observation est facilement explicable car la
présence de liaisons covalentes à l’interface et la réticulation supplémentaire au voisinage de
la charge dans le cas des forts taux d’AC sont bien évidemment un obstacle à ce mécanisme.
On peut encore une fois faire un parallèle entre cette manifestation (observée aux forts taux de
déformation) et le deuxième pic de tanδ (observé à plus hautes températures). En effet ces
deux phénomènes, observés dans le cas des agents de recouvrement, sont supprimés par
l’utilisation d’agent de couplage.
Finalement, les conclusions concernant la sensibilité au premier balayage en déformation sont
très proches de celle proposées avec l’agent de recouvrement. Pour la suite, nous allons
étudier plus spécifiquement l’effet Payne lors du deuxième balayage en déformation.
IV.4.2.3
Deuxième balayage : effet Payne
Les figures IV-29 montrent l’influence de différents taux d’agent de couplage sur l’effet
Payne (deuxième balayage en déformation).
180
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
6
8x10
Si
Ac-25
Ac-50
Ac-75
Ac-100
Ac-125
6
Module élastique, G'(Pa)
7x10
6
6x10
6
5x10
6
4x10
6
3x10
6
2x10
6
1x10
0
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
déformation, γ (mm/mm)
a)
G'0
G'oo /0.2
∆G'
Module élastique, G' (MPa)
7
6
5
4
3
2
1
0
20
40
60
80
100
120
140
AC - Taux (%)
b)
Figure IV-29 : a) Module élastique en fonction de la déformation, b) Module élastique initial G’0 et infini
G’∞ / 0.2 en fonction du recouvrement (AC)
Une fois encore, l’amplitude de l’effet Payne est intimement liée à la valeur du module initial
(cf. figure IV-29b). On trouve une courbe en cloche avec une chute de module pour les faibles
taux d’agent de couplage, un plateau et une remontée pour les taux supérieurs à 75%. Cette
courbe en cloche n’est pas sans rappeler la courbe qui donne, pour les mêmes matériaux,
l’évolution du module dans le plateau caoutchoutique à une température constante. Il faut
noter que Ladouce et coll.6 ont observé une évolution similaire de l’amplitude de l’effet Payne
pour des matériaux SBR silice avec différents taux d’agent de couplage TESPT. Dans le cas
du TESPT, ils observent ce phénomène de saturation pour 66% de la surface couverte. La
différence de la valeur du taux à saturation est sans doute à mettre en relation avec
l’encombrement stérique respectif de ces deux molécules de couplage, celui du TESPD étant
logiquement plus faible.
181
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
En fait, jusqu’à la valeur seuil de 75%, l’évolution de l’effet Payne est très semblable à celle
observée dans le cas des agents de recouvrement. Dans ce cas, on peut proposer que l’effet
Payne soit principalement sensible au recouvrement de la surface par l’agent de couplage ou
par l’agent de recouvrement. Au-delà de 75%, et pour un taux de greffage équivalent, l’agent
de couplage en excès (AC-100, AC-125) augmenterait la réticulation de la matrice au
voisinage de la charge, expliquant la remontée de l’effet Payne. Cet effet de réticulation est
confirmé par l’augmentation du module G’∞
/ 0.2
aux grandes déformations pour les taux
d’agent de couplage supérieurs à 75%. La courbe entière d’effet Payne pour les échantillons
AC-100 et AC-125 peut être obtenue par multiplication par un facteur de la courbe obtenue
avec AC-75. On trouve respectivement un facteur de 1.07 et 1.45. Ce facteur traduit
directement l’augmentation du nombre de nœud de réticulation dans la matrice créé par
l’excès d’agent de couplage.
6
5.0x10
AC-75
AC-100
AC-125
6
Module élastique, G' (Pa)
4.5x10
6
4.0x10
6
3.5x10
6
3.0x10
6
2.5x10
6
2.0x10
6
1.5x10
6
1.0x10
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
Figure IV-30 : Effet Payne corrigé du facteur d’amplification lié à l’excès d’agent de couplage
Apparition de la non-linéarité
La perte de linéarité, avec l’utilisation d’agent de couplage est illustrée par la figure IV-30.
Une chute d’effet Payne de 5% est observable pour des déformations comprises entre 2.10-3 et
6.10-3. Malgré la faible précision de ces mesures (+/-5.10-4), on constate une variation
significative de la déformation correspondant à la perte de linéarité (celle ci était constante
dans le cas des agents de recouvrement). Ainsi, on retiendra que la présence d’agent de
couplage retarde l’apparition de la non-linéarité, sauf pour l’échantillon AC-125. La
182
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
contrainte correspondant à l’apparition de la non-linéarité varie également de façon notable,
Normalisation (G' - G'oo)/(G'0 - G'oo)
sans qu’une tendance très nette n’émerge.
Si
AC-25
AC-50
AC-75
AC-100
AC-125
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0
1E-3
0.01
0.1
Déformation, γ (mm/mm)
a)
Chute d'effet Payne de 5%
15000
14000
0.005
13000
0.004
12000
11000
0.003
10000
0.002
9000
Contrainte (Pa)
Déformation (mm/mm)
0.006
8000
0.001
7000
0.000
0
20
40
60
80
100
120
140
AC - Taux (%)
b)
Figure IV-31 : a) courbes de module élastique normées, b) déformation et contrainte de perte de linéarité
(5% d’amplitude d’effet Payne)
Aspects dissipatifs
Les figures IV-32a et IV-32b présentent respectivement les courbes de module de perte G’’ et
de facteur de perte tanδ pour les matériaux de la série AC.
183
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Si
Ac-25
Ac-50
Ac-75
Ac-100
Ac-125
6
1.8x10
Module de perte, G'' (Pa)
6
1.6x10
6
1.4x10
6
1.2x10
6
1.0x10
5
8.0x10
5
6.0x10
5
4.0x10
5
2.0x10
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
a)
Facteur de perte, Tanδ
0.40
0.35
Si
Ac-25
Ac-50
Ac-75
Ac-100
Ac-125
0.30
0.25
0.20
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
b)
Figure IV-32 : a) Module de perte G’’, b) facteur de perte, en fonction de la déformation.
Les courbes de module de perte montrent une évolution similaire à celle de G’ : le pic G’’ de
la silice non traitée est le plus marqué. Pour tous les matériaux avec l’agent de couplage, G’’
ne montre pas de maximum très marqué. Les niveaux de G’’ suivent également la courbe en
cloche avec une chute pour les faibles taux, une valeur minimale pour AC-75 et une remontée
pour AC-100 et AC-125.
Aux petites déformations le facteur de perte montre une valeur plus élevée pour l’ensemble
des mélanges avec la silice traitée par rapport à la silice non traitée. La courbe présente une
forme de pic dont le maximum est centré pour l’ensemble des échantillons avec agent de
couplage autour d’une déformation de γ ≈ 0.004. Cette valeur est légèrement plus élevée que
celle obtenue dans le cas du mélange avec la silice non traitée. Après avoir atteint le
maximum du pic, la valeur de tanδ décroît avec la déformation pour l’ensemble des quantités
de silanes introduites. On confirme par l’ensemble de ces résultats, que le phénomène
184
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
dissipatif du à la rupture des interfaces charges matrice est évité dans le cas de la série AC. Ce
phénomène impliquerait l’apparition d’endommagement par décohésion dans le cas de
sollicitations autres que le cisaillement. C’est donc sans conteste un des intérêts des agents de
couplage par rapport aux agents de recouvrement dans cette gamme de déformation.
Effet d’une sur-réticulation
Comme dans le cas du comportement viscoélastique linéaire, nous avons décidé de tester un
matériau pour lequel la réticulation a été volontairement exacerbée. La figure IV-33 reprend
la comparaison entre les matériaux chargés de silice AC-75 (échantillon montrant le plus
faible effet Payne), AC-125 (échantillon pour lequel l’effet Payne réaugmente) et ce matériau
pour lequel le système de réticulation est doublé(AC-75S+).
AC-75
AC-125
AC-75S+
6
3.5x10
6
Module, G'(Pa)
3.0x10
6
2.5x10
6
2.0x10
6
1.5x10
6
1.0x10
5
5.0x10
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
a)
0.55
Facteur de perte, tanδ
0.50
Ac-75
Ac-125
Ac-75S+
0.45
0.40
0.35
0.30
0.25
0.20
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
b)
Figure IV-33 : a)Module élastique, b) facteur de perte, en fonction de la déformation
185
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Augmenter la réticulation dans la matrice conduit à un comportement similaire en terme
d’effet Payne à celui observé avec l’échantillon AC-125. Les modules G’0 et G’∞ augmentent
d’un même facteur par rapport à l’échantillon AC-75. Cela confirme notre analyse précédente
selon laquelle l’excès d’agent de couplage en polycondensant augmente le module de la
matrice. Par contre, les mesures de tanδ montrent une dissipation largement plus importante
dans le cas de AC75S+. Il est possible, même si c’est peu probable, qu’une partie de l’excès
de soufre introduit dans AC75S+ soit mal dispersée et forme donc de gros agglomérats.
IV.4.2.4
Conclusion
La présence d’agent de couplage implique deux effets sur le module initial (cf. figure IV-34):
•
Le recouvrement de la surface par greffage qui va influencer l’adsorption et la désorption
de chaîne en surface et donc la formation d’une couche immobilisée en surface de la
charge
•
La formation de liaisons covalentes entre la matrice et la charge, augmentant la
réticulation globale du composite.
Les mécanismes de l’effet Payne demeurent les mêmes que ceux observés lors de l’utilisation
de l’agent de recouvrement :
•
Réduction des liaisons charge-charge après le premier balayage en déformation
•
Réduction de la couche de polymère immobilisée par désadsorption ou par un mécanisme
relaxationnel thermo-mécaniquement activé similaire à la relaxation alpha de
l’élastomère.
•
Le recouvrement totale de la surface facilite mécanisme d’endommagement visible pour
les fortes déformations.
L’effet Payne, en présence d’une quantité croissante d’agent de couplage, est sensible à ces
deux aspects. Pour les faibles taux, il est principalement influencé par le recouvrement de la
charge, jusqu'à une valeur seuil de recouvrement, malgré la formation croissante de liaisons
covalentes. Pour les taux d’agent de couplage supérieurs, le recouvrement reste le même.
Dans ce cas, l’effet réticulant de l’agent de couplage se manifeste, les mécanismes à
l’interface demeurent les mêmes mais localement il semblerait que la mobilité des chaînes soit
réduite due fait de la présence de liaisons covalentes entre la charge et la matrice.
186
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
6
8x10
Module élastique, G' (Pa)
6
6x10
M
Si
Ar8
Ac-75
Module de perte, G''(Pa)
Perte de linéarité
6
7x10
6
5x10
6
4x10
6
3x10
6
2x10
6
1x10
0
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1.8x10
6
1.6x10
6
1.4x10
6
1.2x10
6
1.0x10
6
8.0x10
5
6.0x10
5
4.0x10
5
2.0x10
5
0.0
1E-4
1
Déformation, γ (mm/mm)
M
Si
Ar8
Ac-75
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
a)
0,35
Normalisation (G' - G'oo)/(G'0 - G'oo)
Facteur de perte, tan δ
0,40
Endommagem ent
M
Si
Ar8
Ac-75
0,30
0,25
0,20
0,15
1E-4
1E-3
0,01
0,1
b)
1
Si
AR8
AC-75
1.0
0.8
0.6
0.4
0.2
0.0
-0.2
1E-4
1E-3
0.01
0.1
Déformation, γ (mm/mm)
Déformation, γ (mm/mm)
c)
d)
Figure IV-34 : a) Module élastique, b) module de perte, c) facteur de perte, d) module élastique normé, en
fonction de la déformation
IV.5
Interprétations
Afin de progresser dans l’analyse et de mettre à l’épreuve notre vision de l’effet Payne, nous
allons tenter de décrire nos résultats expérimentaux grâce à différents modèles. Nous nous
intéresserons ici uniquement au deuxième balayage puisque le premier fait intervenir un
mécanisme irréversible qui d’une part évolue avec le taux de déformation, et d’autre part se
manifeste uniquement lors du premier cycle sinusoïdal. Dans la littérature on peut distinguer
deux familles de modèles mettant en cause soit la rupture des liaisons charge – charge au sein
d’un réseau de charge soit un mécanisme de désorption et d’adsorption des chaînes en surface
de la charge. Dans le premier cas (réseau de charges), le formalisme le plus connu est celui de
Kraus, il propose une équation phénoménologique qui décrit assez bien la non-linéarité, mais
ne rend pas compte des valeurs des modules initial et final. Dans le deuxième cas (désorption
et d’adsorption des chaînes en surface de la charge), le modèle le plus couramment cité est
celui de Mayer et Göritz. Nous allons donc tester ces deux formalismes puis nous
187
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
développerons un modèle mixte qui essayera de traduire la morphologie complexe de nos
matériaux.
IV.5.1.1
Modèle de Kraus
Formalisme7
A-
Kraus s’est intéressé au mécanisme de désagglomération et d’agglomération des renforts noirs
de carbone sous l’effet de la déformation. Cette interprétation prend en compte les
interactions de type Van der Waals entre agrégats.
V
F
d0
a
d0
Fmax
R
0
a)
0
d
d
b)
Figure IV-35 : a) définition des distances entre agrégats, b) Potentiel et Force résultants des interactions
entre agrégats en fonction de la distance d
Entre deux particules sphériques de rayon a dont les plus proches surfaces sont séparées de la
distance d (cf. figureIV-35a), il apparaît un potentiel V associé à une force de rappel fonction
de d (cf. figure IV-35b). D’une force F appliquée entre deux agrégats séparés par une distance
do résulte une variation de distance entre les agrégats δd et une énergie stockée
proportionnelle à (δd)2K0 où K0 est la constante de force due aux interactions de Van der
Waals. S’il existe N0 liens entre agrégats par unité de volume Kraus écrit que :
E '− E ' ∞ ≅
11
N0K0R2
32
(IV-2)
où R est la distance entre les centres des agrégats.
En estimant N0 en partant de la fraction en volume de renfort introduit φ , la relation
précédente devient :
188
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
E ' 0 − E ' ∞ ∝ Sα 0.57φ 2 (2 + 18.5α 2φ 2 )
(IV-3)
où S la surface spécifique, α est le rapport du volume effectif occupé par un agrégat (volume
de charge et volume occlus) sur le volume de charge de cet agrégat :
α = (2/π) ((1+ρ).DBP)
(IV-4)
où ρ est la masse volumique de la charge. Kraus établit également en prenant en compte le
nombre de contacts restant en fonction de la déformation et de la vitesse, la relation suivante :
E '− E ' ∞
1
=
E ' 0 − E ' ∞ 1 + (ε 0 ε c )2 m
(IV-5)
où m et εc sont des paramètres ajustables et εc est la valeur pour laquelle le membre de droite
de l’équation est égale à ½.
On obtient de même avec les modules de perte :
2(ε 0 ε c )
E ' '− E ' ' ∞
=
E 0 ' '− E ∞ ' ' 1 + (ε 0 ε c )2 m
2m
(IV-6)
Les phénomènes dissipatifs sont attribués après la rupture des agglomérats aux frottements
entre les agrégats entre eux.
Ces équations sont directement transposables en cisaillement (E et ε deviennent G et γ).
Au niveau de l’Effet Payne le module aux grandes déformations G’∞ dépend plus de la
structure des agglomérats que de la surface spécifique. Ce résultat est en accord avec l’analyse
de Payne reliant la structure à la quantité de volume occlus augmentant la fraction de
polymère rigide, ce qui aurait pour conséquence d’augmenter le module élastique.
B-
Application du modèle de KRAUS aux matériaux de l’étude
Les courbes expérimentales et les courbes ajustées issues du modèle de Kraus sont présentées
pour les mélanges Si, AR8 et Ac75, sur la figure IV-36. Les valeurs des paramètres ajustés
sont reportées pour l’ensemble des systèmes dans le tableau IV-6.
189
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
2
ieme
Balayage en déformation
8M
Mesures expérimentales
Si
AR8
AC75
Modèle de Kraus
Si
AR8
AC75
Module Elastique, G' (Pa)
7M
6M
5M
4M
3M
2M
1M
1E-4
1E-3
0.01
0.1
Déformation, γ mm/mm)
Figure IV-36 : Mesures expérimentales de G' comparées aux valeurs obtenues avec le modèle de Kraus
lors du premier balayage en déformation
Deux des paramètres intervenant dans le modèle de Kraus sont γc et m. γc correspond à la
déformation γ pour laquelle on observe une chute de moitié de l’amplitude d’effet Payne. Ce
paramètre serait lié au rapport des constantes de vitesse de rupture et de reformation des
contacts entre agrégats. Le paramètre m n’a pas de sens physique pour Kraus, mais comme
nous l’avons vu dans le chapitre I, dans un modèle très proche, Huber et Vilgis8, considère m
comme un paramètre lié à la morphologie de la charge.
Série
Deuxième balayage en déformation
Echantillon
G'0
G'∞
γc
Si
7.23
1.9
0.01
m
0.51
AR
AR1
AR3
AR8
AR16
6.12
5.92
5.24
3.49
1.68
1.63
1.45
1.45
0.016
0.013
0.009
0.016
0.58
0.59
0.6
0.44
AR8
AR8-25
AR8-50
AR8-75
AR8-100
AR8-125
5.1
4.68
3.95
3.8
4.05
1.81
1.47
1.45
1.45
1.45
0.02
0.012
0.011
0.011
0.01
0.466
0.58
0.59
0.58
0.52
AC
AC-25
AC-50
AC-75
AC-100
AC-125
2.88
2.67
2.3
2.57
3.5
1.45
1.6
1.48
1.63
1.82
0.047
0.13
0.13
0.09
0.05
0.44
0.34
0.35
0.36
0.37
Tableau IV-6 : Paramètres du modèle de Kraus appliqué lors du second balayage en déformation pour
l’ensemble des matériaux
190
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Les deux paramètres γc et m sont associés respectivement à la position en déformation et
l’étalement de la courbe. La valeur de m (0.47<m<0.57) est relativement constante pour
l’ensemble des matériaux, qu’ils soient chargés avec de la silice traitée avec les agents de
recouvrement (ARn et AR8) ou l’agent de couplage (AC). Cette faible évolution d’un système
à l’autre traduirait le fait que le processus de désagglomération des charges est peu influencé
par les traitements de surface, pour des matériaux présentant des états de dispersion
identiques. Le paramètre (γc)
varie de 0.05 à 0.16 alors que les courbes normées des
différentes séries étaient superposées. Les valeurs sont globalement plus élevées pour les
matériaux avec agent de couplage par rapport aux séries avec agents de recouvrement. Cela
correspond au fait que le domaine de linéarité du module G’ est plus grand en présence de
liaisons covalentes. Au sein d’une même série, on constate que les valeurs des paramètres
varient d’un matériau à l’autre sans qu’une tendance significative ne se dégage.
Finalement, il faut considérer que les variations des paramètres sont principalement dues au
processus d’ajustement, qui est mené jusqu’à ce que la valeur du paramètre d’ajustement R
soit supérieur à 0.99. On aurait pu choisir de décrire les courbe en fixant m et γc et ne faire
varier que le module initial. De fait, ce modèle propose une équation phénoménologique qui
décrit bien la forme de la courbe mais ne permet pas d’interpréter le module initial qui est le
seul paramètre qui varie significativement dans nos mesures d’effet Payne.
IV.5.1.2
A-
Modèle de Mayer et Göritz9
Formalisme9
Dans ce modèle, le mécanisme dissipateur se situe à l’interface entre la charge et la matrice.
Le module aux faibles déformations G’0 serait du au nombre total de liaisons entre la charge
et la matrice, prenant en compte l’adsorption de chaînes polymère à la surface de la charge
soit physiquement par l’intermédiaire de liaisons faibles (de manière instable), soit
chimiquement donc de manière stable. Les liaisons stables peuvent aussi se former par
l’adsorption de plusieurs segments consécutifs sur un ou plusieurs agrégats. La chute de
module serait associée à un processus d’adsorption et de désorption du nombre de liens
résultant de cette déformation. Les liaisons instables pourront être détruites par l’apport d’une
très faible quantité d’énergie mécanique ou thermique. Le module élastique aux faibles
déformations G’0 s’écrit donc :
191
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
G’(γ) = (Nc + Nst + Ni(γ))kT
(IV-7)
où Nc est la densité de réticulation chimique du réseau, Nst est la densité de liaisons stables
entre l’élastomère et les particules renforçantes et Ni est la densité de liaisons instables. T est
la température absolue et k la constante de Boltzman.
A une déformation donnée, un équilibre s’installe entre l’adsorption et la désorption. La
vitesse de désorption est proportionnelle à l’amplitude de déformation et la fraction de sites
instable occupés :
Gi'0
1 + cγ
(IV-8)
G’st = (Nc + Nst)kT
(IV-9)
G ' (γ ) = G st' +
où
et
G’i0 = Ni0kT
(IV-10)
où Ni0 est le nombre maximal de liens instables par unité de volume (quand γ = 0) et diminue
lorsque T augmente.
La dissipation d’énergie résulterait du frottement des segments de chaînes glissant sur la
surface de la charge. Le module de perte est supposé proportionnel au nombre de liaisons
instables Ni et à la probabilité pour que cette liaison se transporte sur un site voisin.
G ' ' (γ ) = G ' ' st +G ' ' i 0
cγ
(IV-11)
(1 + cγ )2
où G’’ est la contribution due aux frottements internes et G’’i0 la contribution due au
glissement des segments.
D’après des observations expérimentales le module de conservation et l’amplitude de l’effet
Payne décroît quand la température augmente. Une augmentation de la température dans ce
cas diminuerait le nombre de liaisons instables en augmentant l’agitation. La désorption des
chaînes de la surface des particules en fonction de la température est décrite par l’expression
suivante :
N i 0 (T ) = N i∞ ⋅ e
Ei
k BT
(IV-12)
où Ni∞ est une constante liée à la densité de liaisons instables indépendamment de la
température et Ei l’énergie d’activation. On retrouve ainsi le processus thermiquement activé
décrit lors de l’analyse de l’évolution du module caoutchoutique avec la température.
192
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
B-
Application aux matériaux de cette étude
Sur les courbes de la figure IV-36, les points expérimentaux sont comparés aux courbes
obtenues par ajustement des paramètres du modèle de Mayer et Göritz pour les échantillons
Si, AR8 et AC75. Les différents paramètres permettant d’appliquer ce modèle sont répertoriés
dans le tableau IV-7 pour l’ensemble des mélanges étudiés.
6
8x10
2
ième
Balayage en déformation
Mesures expérimentales
Si
AR8
AC75
Modèle de
Mayer et Gorïtz
Si
AR8
AC75
6
Module élastique, G' (Pa)
7x10
6
6x10
6
5x10
6
4x10
6
3x10
6
2x10
6
1x10
1E-4
1E-3
0.01
0.1
Déformation, γ (mm/mm)
Figure IV-37 : Mesures expérimentales de G' comparées valeurs obtenues avec le modèle de Mayer et
Göritz
Ces différents paramètres utilisés sont : G’st qui correspond au nombre de liaisons stables, G’i0
qui correspond au nombre de liaisons instables susceptibles de se désorber ou de s’adsorber
aux cours de la déformation, et le paramètre C qui traduit la position de la chute de module
G’. Ce dernier paramètre va dépendre de la cinétique d’adsorption et de désorption des
chaînes à la surface de la charge (dans le cas de SBR chargé avec du noir de carbone, cette
valeur est proche de 25).
193
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Série
2ieme balayage en déformation
Liaisons stables Liaisons instables
Echantillon
G’st (MPa)
Gi0 (MPa) liens /nm²
Si
1.7
5.8
22
C
62
AR
AR1
AR3
AR8
AR16
1.3
1.4
1.3
1.4
5.1
4.8
4.3
2.2
19
18
16
8
58
68
106
70
AR8
AR8-25
AR8-50
AR8-75
AR8-100
AR8-125
1.6
1.3
1.25
1.2
1.3
3.5
3.6
2.9
2.8
2.9
13
14
11
11
11
52
82
86
91
99
AC
AC-25
AC-50
AC-75
AC-100
AC-125
1.1
1.2
1.2
1.3
1.5
1.8
1.4
1.1
1.3
2.1
7
5
4
5
8
24
16
15
17
27
Tableau IV-7 : Paramètres du modèle de Mayer et Göritz lors du deuxième balayage en déformation pour
l’ensemble des matériaux
Le paramètre G’st, associé au nombre de liaisons stables, est relativement constant
indépendamment des traitements de surface réalisés. Néanmoins on observe une valeur plus
élevée dans le cas de la silice non traitée qui pourrait refléter la plus forte réticulation près de
la charge, décelée dans le chapitre III. Cette plus forte réticulation ralentirait le processus de
désorption de chaînes selon notre hypothèse de mécanisme. Cependant le nombre de liaisons
instables est le plus important pour cet échantillon. On arrive donc à la conclusion paradoxale
que la silice non traitée possède le nombre le plus important de liaisons stables et instables.
On pourrait alors tenter d’expliquer cette incohérence apparente par la quantité de polymère
lié très importante avec cet échantillon, conduisant à un nombre important de chaînes
multiadsorbées et de chaînes pouvant se désorber. Néanmoins, la constance du nombre de
liaisons stables avec les deux séries AR semble alors incohérente si l’on se réfère à l’évolution
du polymère lié de ces matériaux. On observe également que le nombre de liaisons stables
prédit par le modèle est plus faible avec l'agent de couplage, ce qui paraît pour le moins
surprenant.
Par le biais du paramètre Gi0, on peut déterminer le nombre de liaisons instables mis en jeu
durant l’effet Payne et le rapporter à l’unité de surface (nm²). L’estimation du nombre de
liaisons instables par nm² de silice pour chacun des mélanges parait peu réaliste. Selon ces
194
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
estimations, la silice non traitée pourrait adsorber 22 segments de chaîne sur 1nm² qui ne
contient que 6 silanols, sachant que chaque segment peut appartenir à une chaîne distincte.
Enfin, le paramètre C est à relier à la déformation à laquelle est observée la perte de linéarité.
Ce paramètre qui devrait être relativement constant au sein d’une même série, prend des
valeurs qui passent du simple au double.
Les valeurs incohérentes obtenues pour les différents paramètres montrent les limites de ce
modèle qui ne prend pas en compte dans la valeur du module initial l’effet hydrodynamique et
la possibilité de l’existence d’un réseau.
IV.5.1.3
Modèle proposé dans le cadre de notre étude
La modélisation développée au sein du laboratoire comporte deux parties :
-
La description de la valeur du module dans le domaine linéaire obtenue en fonction de la
température à l’aide d’un modèle de couplage mécanique. Dans ce travail, nous avons
utilisé le modèle à trois phases introduit par Christensen et Lo10 en deux étapes
successives.
-
Le calcul de l’évolution du module élastique au cours de l’effet Payne après un premier
balayage sur les bases d’un processus thermo-mécaniquement activé.
A-
Modélisation du module dans le domaine linéaire
Cette première étape a pour but de décrire le module du matériau élastomère chargé en
gardant à l’esprit le schéma de la morphologie qui est issu des chapitres III et IV. On peut
utiliser un modèle à trois phases en deux étapes. Dans la première étape, on calcule les
propriétés d’un milieu homogène équivalent en considérant la matrice réticulée tramée par
une fraction de polymère lié (cf. IV-38). On choisit dans cette étape le module du polymère
lié et la fraction de polymère lié qui participe au transfert de contraintes entre les sousstructures. Le module du milieu homogène équivalent est obtenu par le modèle trois phases.
La seconde étape considère la phase rigide de charges incluse au sein du milieu homogène
équivalent résultant de la première étape. En respectant les fractions volumiques de chacune
des phases (matrice et charge), le module du milieu équivalent résultant de cette deuxième
étape est calculé.
195
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Milieu Homogène
Equivalent 1
Matrice
réticulée
Etape 1
Polymère lié
Milieu Homogène
Equivalent 2
Silice
Etape 2
MHE 1
Figure IV-38: schéma représentant le modèle à 3 phases en deux étapes
Dans la première étape, le module de la matrice en fonction de la température correspond aux
modules expérimentaux déterminés lors de la mesure spectromécanique. La fraction
volumique de charges introduite lors de la deuxième étape est celle utilisée dans les matériaux
étudiés (20%vol), leur module est égal à 30GPa (cette valeur est déduite des données de la
littérature, et elle a peu d’influence sur les calculs puisqu’elle est très supérieure au module de
la matrice). Le volume de polymère liant correspond à celui mesuré expérimentalement (cf.
Chapitre III) à la température de 300 K. En considérant ce volume de polymère lié et le
module expérimental du composite à cette température, le module du polymère liant est
déterminé. Pour les courbes présentées sur la figure IV-39, correspondant aux échantillons Si
et AR8-75, les valeurs du module de liant correspondent respectivement à 20 et 25 MPa. On
peut penser que cet écart de module n’est pas nécessairement significatif. Dans le cas inverse,
cela indiquerait que le module du polymère lié augmente avec le recouvrement ou en d’autres
termes lorsque l’épaisseur de la couche polymère lié est faible le module élastique de celle-ci
est, en moyenne, élevé. Cette hypothèse est difficile à justifier du point de vue physique, nous
retiendrons par la suite une valeur unique de module de 20MPa.
Dans le cas de l’agent de couplage nous n’avons pas pu déterminer le taux de polymère lié
dans le chapitre III. En considérant le recouvrement très proche de celui obtenu en présence
d’agent de recouvrement, nous avons utilisé le taux de polymère lié de l’échantillon AR8-75.
Dans ce cas, la valeur du module de matrice liante est très inférieure (10 MPa) à celles
obtenues avec Si et Ar8-75. Une autre hypothèse de calcul est d’utiliser le module de matrice
196
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
liante de 20 MPa ce qui conduit à une valeur du volume liant faible de l’ordre de 5 à 7 %.
Cette valeur montre que dans le cas de l’agent de couplage (en présence de liaisons
covalentes), la couche de polymère lié (liaisons physiques) est paradoxalement très faible.
L’agent de couplage en se greffant possède aussi une très forte probabilité à polycondenser ce
qui augmente la probabilité de former de gros amas de silane qui limiteraient
considérablement l’accessibilité des chaînes à la surface.
Dans le domaine linéaire en fonction de la température (cf. Figure IV-39), les valeurs pour le
module du composite dans le plateau vitreux sont obtenues en considérant que la matrice
liante possède le même module que la matrice. Dans le plateau caoutchoutique, seule le
volume de matrice liante évolue avec la température selon un processus arrhenien dont
l’énergie d’activation correspond à celle obtenue lors des mesures dans le plateau
caoutchoutique par spectrométrie mécanique (cf. § IV-3-1). Le volume liant commence à
évoluer à partir de la température pour laquelle le module de la matrice correspond à celui du
polymère lié déterminé précédemment.
Pour l’agent de couplage (AC-75), et pour les
températures les plus élevées (>350K), la fraction de matrice liante est quasi nulle (<0.1%).
9
Module Elastique, G' (Pa)
10
8
10
7
10
6
10
Données expérimentales
M: matrice
Si
AR8-75
AC-75
Modèle
Si
AR8-75
AC-75
150
200
250
300
350
400
Température, T (K)
Figure IV-39 : Module élastique en fonction de la température, les courbes avec les symboles
correspondent aux courbes expérimentales et les courbes sans à la simulation grâce au modèle à trois
phases
Il semble donc que le modèle proposé permet de rendre compte des données expérimentales
de spectrométrie mécanique avec un accord satisfaisant. Il repose toutefois sur des hypothèses
197
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
fortes : module unique de polymère liant déterminé sur une température et prise en compte du
volume liant dans sa totalité.
B-
Modélisation de l’effet Payne
Détermination du module initial
Dans ce cas, le module de la matrice est choisi égal à 0.7MPa, c’est à dire le module à la
température de test. Le module de la matrice liante est également déterminé en fonction de la
valeur du module après un deuxième balayage en déformation en considérant les taux de
volume liant mesuré dans le chapitre III.
Le tableau IV-8 présente l’ensemble des valeurs de volume liant nécessaire pour obtenir le
module initial après un premier balayage en déformation pour un module de matrice liante de
20MPa. En présence d’agent de couplage (AC-75), ne pouvant obtenir le couple volume liant
et Module liant correspondant à la valeur du module initial, la simulation a donc été réalisée
avec un module de matrice liante équivalente à celui utilisé pour AR8-75 mais le volume liant
est plus faible (7%). Les volumes issus du calcul sont inférieurs ou égaux aux valeurs
expérimentales et diminuent avec le recouvrement. Malgré les écarts de valeurs, il apparaît
que l’évolution des volumes calculée est en cohérence avec les valeurs mesurées
expérimentalement.
Echantillons
Si
Ar825
AR850
AR875
AR8100
AR8125
Module initial
(Pa)
7.23E+06
5.10E+06
4.68E+06
3.94E+06
3.80E+06
4.00E+06
Volume liant
mesuré (%)
40
22
17
17
14
14
Volume liant issu
du modèle (%)
27.9
19.4
17.7
14.7
14.2
15.0
AR1
AR3
AR8
AR16
6.12E+06
5.92E+06
5.24E+06
3.49E+06
30
20
16
13
23.5
22.6
20.0
13.0
AC25
AC50
AC75
AC100
AC125
2.88E+06
2.67E+06
2.30E+06
2.57E+06
3.50E+06
-
10.5
9.7
8.2
9.2
13.0
Tableau IV-8 : Estimation du volume de matrice liante dans le cas de la silice non traitée ou traitée avec
des agents de recouvrement et l’agent de couplage pour un module de matrice liante de 20MPa.
198
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
Evolution des modules en fonction de la déformation
Afin de décrire l’évolution de l’effet Payne, nous avons choisi un processus thermomécaniquement activé. La diminution de la quantité de polymère lié est liée à celle du nombre
de liens issu de l’ équilibre entre le nombre de chaînes adsorbées et désorbées. Le nombre de
liens en fonction de la contrainte peut être décrit par la relation suivante issue d’une statistique
à deux puits 11 :
⎛ σν ⎞
1 − exp⎜
⎟
kT ⎠
⎝
∆N = N 0 ⋅
⎡
⎛ − ∆U ⎞⎤ ⎡
⎛ ∆U − σν
⎢1 + exp⎜ kT ⎟⎥ ⋅ ⎢1 + exp⎜ kT
⎝
⎠⎦ ⎣
⎝
⎣
⎞⎤
⎟⎥
⎠⎦
(IV-13)
où N0 est le nombre initial de liaisons entre chaînes, ∆U est considéré comme une énergie
d’activation, ν représente la sensibilité à la désorption.
La procédure de modélisation est la suivante : la fraction de polymère lié initiale (Vl) est
déterminée à l’aide du modèle de couplage mécanique (paragraphe précédent). Le paramètre
Vl évolue proportionnellement à ∆N (IV-13) ; à chaque déformation correspond une
contrainte et donc une valeur de Vl. La valeur de Vl obtenue est ensuite réintroduite dans le
modèle à deux phases afin de déterminer le module élastique correspondant (cf. figure IV-38).
Le module G’∞
/0.2
correspond au cas où plus aucun polymère lié ne participe au couplage
mécanique entre les sous-structures. Dans notre cas ∆U est fixée et correspond à l’énergie
d’activation obtenue lors des mesures de module dans le domaine linéaire (paragraphe IV-3-1
et IV-4-1) et ν prend des valeurs comprises entre 0.7 et 1.10-25. Ces paramètres permettent de
décrire les deux plateaux correspondant respectivement à G’0 et G’∞, mais la chute de module
n’est pas parfaitement décrite. Afin d’améliorer la description de la chute de module, on
pourrait distribuer la valeur du paramètre d’activation12. Cependant dans le cadre de cette
étude nous nous sommes limités à une valeur unique de ce paramètre.
199
Module élastique, G' (Pa)
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
8x10
6
7x10
6
6x10
6
5x10
6
4x10
6
3x10
6
2x10
6
1x10
6
Mesures expérimentales
Si
AR8
AC-75
Modèle 2 phases
Si
AR8
AC-75
0
1E-4
1E-3
0.01
0.1
1
Déformation, γ (mm/mm)
Figure IV-40 : modélisation de l’effet Payne par le modèle à deux phases
IV.5.1.4
Conclusion
Finalement, nos efforts de modélisation ont porté sur deux aspects : le module dans le plateau
caoutchoutique et la description du mécanisme réversible associé à l’effet Payne. L’objectif
d’une telle approche est de rendre compte des deux points principaux de nos mesures : la
valeur de module (dans le plateau caoutchoutique ou dans le plateau initial lors de l’effet
Payne) qui dépend fortement du traitement de surface, la forme de la courbe d’effet Payne
qui est toujours très semblable indépendamment les systèmes.
En terme de module dans le plateau caoutchoutique, les valeurs expérimentales de nos
mélanges ont été comparées aux résultats des calculs issus de différentes théories. Les calculs
considérant un réseau percolant de charges conduisent à une surestimation des mesures. A
l’inverse, l’utilisation de la formule de Guth et Gold, même en intégrant la fraction de
polymère lié dans le taux de charges effectif, sous estime les données expérimentales. On peut
alors utiliser le modèle à trois phases en deux étapes successives, afin de rendre compte de la
formation d’un réseau percolant contenant des sous-structures constituées d’agglomérats de
charge, reliées entre elles par du polymère lié (mais pas nécessairement vitreux).
Ce modèle sert de point de départ pour la modélisation de l’effet Payne. La prise en compte
d’une fraction de polymère lié, impliquée dans le transfert de contraintes entre sousstructures, permet de considérer les mécanismes thermo-mécaniquement activés responsables
de la chute de module élastique avec la température et la déformation. Nous avons utilisé une
200
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
formulation statistique issue d’un modèle à deux puits afin de décrire l’équilibre entre le
nombre de molécules adsorbées et non adsorbées sur la surface. L’évolution de la quantité de
polymère lié assurant le transfert des contraintes a été reliée à ce nombre de liens (dans une
vision relativement proche de celle de Mayer et Göritz) mais réintégrée dans le modèle de
couplage mécanique (calcul du module du composite). La description de la forme de la courbe
est certes moins satisfaisante que dans le cas d’une équation phénoménologique telle que celle
de Kraus, mais le sens physique des paramètres introduits est clairement identifié et les
valeurs numériques obtenues sont compatibles avec les caractéristiques des différents
matériaux. Une perspective intéressante en terme de modélisation résiderait dans le
développement d’un modèle de type éléments discrets, qui permettrait de décrire
explicitement la microstructure et la transmission des efforts aux points de contacts entre les
différents constituants.
IV.6
Conclusions
Lors de ce chapitre, nous avons constaté que les réponses mécaniques viscoélastiques
linéaires de nos différents systèmes différent essentiellement en terme de module dans le
plateau caoutchoutique. On observe que le module diminue avec le recouvrement progressif
de la surface et la longueur de l’agent de recouvrement. Dans le cas d’un agent de couplage,
ce module diminue avec le recouvrement jusqu’à une valeur seuil puis réaugmente pour les
recouvrements supérieurs par un effet de réticulation des molécules d’agent de couplage en
excès. Cette différence de module se retrouve lors des mesures d’effet Payne. L’interprétation
a été faite sur la base de l’existence d’un réseau percolant mixte formé d’agglomérats de
charges reliés entre eux par une couche de polymère lié. La quantité de polymère lié, qui varie
avec le recouvrement de la surface, permet d’expliquer les différences de module initial.
Lorsque la surface est totalement recouverte, la présence de liaisons covalentes contribue à la
réticulation globale, donc au niveau de module.
Lors de l’application d’un premier balayage interviennent des processus irréversibles (rupture
d’agglomérats, glissements de chaînes). Ces mécanismes se manifestent principalement au
cours du premier cycle de déformation sinusoïdale appliqué et conduisent à une diminution de
la rigidité de la structure. A ces mécanismes immédiats et irréversibles vient se superposer la
modification du polymère lié reliant les sous-structures. Celle-ci est le résultat soit d’un
processus de désadsorption de chaînes (tel qu’évoqué par Mayer et Göritz), soit d’une
201
Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
augmentation de la mobilité des chaînes par un processus de type relaxation principale. Ce
second mécanisme est réversible. Il se stabilise après quelques cycles sinusoïdaux. La
structure définitivement modifiée après l’application de la déformation maximale atteinte lors
du premier balayage est alors sollicitée lors d’un second balayage dans lequel n’intervient que
le mécanisme réversible. Ce mécanisme réversible a été décrit à l’aide d’un processus thermomécaniquement activé, résultant d’un équilibre entre adsorption et desadsorption des chaînes
à l’interface. A la différence du modèle de Mayer et Göritz qui conduit à des valeurs peu
cohérentes des paramètres, la description proposée intègre un modèle de couplage mécanique,
qui traduit l’aspect composite des matériaux étudiés.
Pour les plus grandes déformations, une forte dissipation est observable pour les échantillons
fortement recouverts (AR8-100, AR8-125 et AR16). L’utilisation de l’agent de couplage
prévient cette forte dissipation grâce à la formation de liaisons covalentes entre les chaînes et
la charge. Afin de confirmer le lien entre cette manifestation dissipative et l’apparition de
l’endommagement, nous allons étudier le domaine des plus grandes déformations dans le
chapitre suivant.
Références :
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Chapitre IV : Caractérisation mécanique : Petites déformations
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