Kermiche et Petitjean: des tueurs unis dans la même frustration

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Kermiche et Petitjean: des tueurs unis dans la même frustration
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Kermiche et Petitjean: des tueurs
unis dans la même frustration
Les terroristes Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean qui ont assassiné
le père Hamel ont frappé une église en France, faute de pouvoir rejoindre
la Syrie.
Disposant d’un cadavre méconnaissable, défiguré par une balle de la Brigade
de recherche et d’intervention, d’une carte d’identité découverte dans le
pavillon familial d’Adel Kermiche, l’un des assassins du père Jacques Hamel,
ainsi que d’une photographie anonyme transmise vendredi par un service
étranger évoquant une menace terroriste, la police s’est livrée à un
véritable contre-la-montre pour rassembler des indices épars. Ce n’est que
jeudi matin qu’Abdel Malik Nabil Petitjean a été formellement identifié comme
étant le second assaillant djihadiste de l’église de Saint-Étienne-duRouvray. Âgé de 19 ans, ce Savoyard originaire des Vosges a réussi à échapper
aux radars antiterroristes pendant six semaines avant de passer à l’action.
En effet, le terroriste a été détecté en Turquie dès le 10 juin dernier par
les services locaux. Le lendemain, il est revenu en France sans déclencher la
moindre alerte puisque les services français n’ont été avertis par leurs
homologues turcs qu’à la fin du mois dernier. Soit environ plus de quinze
jours après l’avoir aperçu. À la réception de ce précieux signalement, les
policiers français ont aussitôt diffusé une fiche S et versé Abdel Malik
Nabil Petitjean au fichier SIS Schengen dans l’espoir de l’intercepter à son
retour sur le sol national. Mais il était trop tard. «Jusqu’alors, il était
un parfait inconnu, on découvrait son identité»,précise un enquêteur.
Abdel Malik Petitjean ne pouvait être reconnu car les policiers n’avaient
jamais vu ni intégré son visage dans une quelconque base de données.
Alors que la Sous-direction antiterroriste (Sdat) et la Direction générale de
la sécurité intérieure (DGSI) s’emploient à reconstituer son parcours et son
emploi du temps, un «partenaire très fiable» dont l’origine n’a pas été
dévoilée a transmis vendredi dernier un renseignement faisant état d’un
«risque imminent d’attentat sur le territoire français», accompagné de la
photo d’un homme, sans identité jointe. Par définition, Abdel Malik Petitjean
ne pouvait être reconnu car les policiers n’avaient jamais vu ni intégré son
visage dans une quelconque base de données.
L’Unité de coordination antiterroriste (Uclat) a donc effectué le même jour
une diffusion à tous les services, aux douanes ainsi qu’aux polices
municipales qui ont déclenché des alertes, toutes écartées après
vérifications. La fiche photographique précisait que l’inconnu «serait prêt à
participer à un attentat sur le territoire national. Il serait déjà présent
en France, pourrait agir seul ou avec d’autres individus».
«Faire un truc de ouf»
Ce n’est que samedi, lors d’une perquisition administrative menée dans le
cadre de l’état d’urgence au domicile d’un homme détecté pour radicalisation,
que la DGSI a découvert qu’il venait de visionner une vidéo d’allégeance à
Daech mettant en scène Abdel Malik Petitjean.
À la différence d’Adel Kermiche, qui avait tenté à deux reprises d’aller en
Syrie en 2015 et était sous bracelet électronique depuis sa sortie de prison
en mars, ce dernier n’avait jamais fait l’objet d’aucune condamnation et
n’apparaissait donc pas dans les fichiers nationaux d’empreintes digitales et
génétiques. Il n’a pu être identifié que deux jours après l’assassinat du
père Jacques Hamel, grâce à des prélèvements ADN effectués sur sa mère, chez
laquelle il vivait, à Aix-les-Bains, et dont l’appartement, au nord de la
ville, a été perquisitionné dans la nuit de mardi à mercredi avec l’appui du
Raid. Si Kermiche n’hésitait pas à se livrer à un prosélytisme tonitruant
dans son quartier de Saint-Étienne-du-Rouvray, Petitjean n’avait a priori
rien laissé transparaître. «C’est un bon Français. Il est doux. (…) Je
connais mon fils, il n’est pas impliqué du tout», affirmait encore mercredi
sa mère. Celle-ci soutenait aussi qu’il jouait au football sur l’esplanade de
sa cité dimanche dernier, soit deux jours avant de commettre son ignominie au
nom de l’État islamique.
Les policiers tentent d’établir ce qui pouvait bien relier les deux tueurs
vivant à 700 kilomètres de distance.
Les policiers tentent d’établir ce qui pouvait bien relier les deux tueurs
vivant à 700 kilomètres de distance. Une vidéo d’une minute trente secondes
diffusée mercredi par Amaq, l’agence de propagande de l’organisation
terroriste, les montre prêtant allégeance en se tenant la main. Hormis leur
jeune âge, ces «soldats» perdus partageaient la même frustration de ne pas
avoir pu rejoindre les zones de combats.
Dans un message audio authentifié et diffusé le 19 juillet dernier sur le
réseau crypté Telegram peu avant l’attentat, dont L’Express a révélé le
contenu, Kermiche déclarait: «Si tu veux aller au Shâm (la zone irakosyrienne occupée par l’État islamique, NDLR), c’est assez compliqué vu que
les frontières sont fermées. Autant attaquer ici.» Préméditant son équipée
terroriste, il esquissait son mode opératoire: «Tu prends un couteau, tu vas
dans une église, tu fais un carnage, bim. Tu tranches deux ou trois têtes et
c’est bon, c’est fini», non sans avoir invité auparavant «les frères et les
sœurs» à l’imiter et à «faire un truc de ouf».Et d’assurer, en une
inquiétante prophétie, que «des gros trucs» sont à venir.
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Source :© Le Figaro Premium – Kermiche et Petitjean: des tueurs unis dans la
même frustration