La couverture sanitaire dans la wilaya de
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La couverture sanitaire dans la wilaya de
La couverture sanitaire dans la wilaya de Tamanrasset Pr. Larbi ABID La wilaya de Tamanrasset, située à l’extrême sud du pays est la plus vaste d’Algérie (23,4% de la superficie totale). Elle est limitée au nord par les wilayas de Ghardaïa et d’Ouargla, à l’est par la wilaya d’Illizi, à l’ouest par la wilaya d’Adrar, au sud-est par le Niger et au Sud-ouest par le Mali sur une bande frontalière de 1200 Km. Cette longue limitation désertique la rend perméable à une immigration importante et surtout clandestine. Distante de la capitale d’environ 2000 km, le chef lieu de la wilaya est situé à 1400 m au dessus du niveau de la mer. Cette ville est un axe incontournable des nomades et des touaregs, qui arpentent les dunes, les regs du Sahara, du Mali au Niger passant par le Tchad et la Libye. La wilaya comprend 07 daïras (Abalessa, In Ghar, In Guezzam, In Salah, Tamanrasset, Tazrout et Tinzaoutine) et 10 communes et compte une population totale estimée à 222.136 habitants (2014) dont 15% de population nomade pour une superficie totale de 558.000 km2 soit une densité de population de 0,4 habitants/Km2. Tamanrasset se caractérise par une diversité remarquable de son relief, qui se résume ainsi : - Les Plateaux du Tadmait et du Tinghert. Situés au Nord et au Nord-est de la wilaya, ils se présentent sous la forme de Hamadas et ont l’aspect de deux assises crevassées ; ils sont recouverts par endroits de dunes de sables du fait d’une érosion éolienne très active. La limite Sud du Plateau du Tadmait culmine à 836 m. - Les Plaines : En plus des plaines alluviales des Oueds de l’Ahaggar, on distingue : La plaine du Tidikelt au Nord (au pied du plateau de Tadmaite). Elle est incisée profondément par une succession de vallées qui la traverse dans une direction Est-NordEst et Sud-Ouest. Le Tanezrouft à L’Ouest une zone hyperaride dans laquelle vient se jeter l’oued de Tamanghasset. Le Ténéré du Tafessasset aussi austère que le Tanezrouft et les Oueds de l’air (Niger) viennent s’y jeter aussi. - Les Massifs isolés : Ce sont les massifs d’In-Zize d’origine éruptive à l’Est de l’Ahaggar, de Tebertaba (200m) qui est située à l’Est sur la piste de Tamanghasset – Djanet et le versant Nord d’Adrar Nifforas au Sud-Ouest de la wilaya (Région de Tinzaouatine). - Le Fossé périphérique : C’est une suite de dépressions circulaires avec une altitude variant entre 500 et 800m, et formant une couronne autour du massif central de l’Ahaggar. - Les Tassilis : C’est la ceinture extérieure de l’Ahaggar, constituée par des formations de l’ère primaire : le mouydir au Nord ; la Tassili N’ajjer à l’Est et au Sud-Est, * le Tassili Ouan Ahaggar au sud ; l’Asedjrad, l’Ahnet et l’Immidir à l’Ouest et au Nord-Ouest. Les montagnes du Hoggar possèdent le plus haut sommet Tahat Atakor qui culmine à 3303 m. La wilaya de Tamanrasset située dans le centre du Hoggar, à 1400 mètres d'altitude, bénéficie d'un climat tempéré et sec, les températures oscillant entre -8 degrés et 35 degrés Celsius. Le réseau routier de la wilaya totalise 6 308 km et se compose de 2578 km de routes nationales, 472 km de chemins de Wilaya et 3358 km de piste. La wilaya dispose de deux aéroports en exploitation (In Salah, Tamanrasset) et un en projet à In Guezzam. Le réseau énergétique comprend 02 centrales électriques de 30 MW et 12 MW ; 03 microcentrales et 1.584 km de réseau électrique, ce qui permet d’avoir un taux de raccordement électrique de 90 % en outre la wilaya dispose de 08 villages solaires qui alimentent 460 foyers. Pour ce qui est du gaz naturel, seule la ville d’In Salah (4 000 abonnés) est alimentée en gaz naturel, donnant un taux global de raccordement de 11 % pour la wilaya. Il existe à travers le territoire de la wilaya de Tamanrasset pas moins de 368 forages dont 202 en service ; 08 barrages, 06 stations d’épuration ce qui permet d'avoir un taux de couverture en alimentation en eau potable (AEP) de 95 %. Un projet de transfert d'eau In Salah-Tamanrasset a été lancé en 2008, prévoyant le transfert d'eau sur une distance dépassant les 700 km entre In Salah et Tamanrasset. Cet ouvrage qui coïncide avec le tracé de la Route nationale n°1, comprend dans son ensemble 48 forages, 02 conduites parallèles de 750 km chacune, 06 stations de pompage, 02 grands réservoirs de 50 000 m3 chacun, et une station de déminéralisation d'une capacité de 100 000 m3. Pour l'assainissement, le taux de couverture est de 91 %. La wilaya de Tamanrasset est caractérisée par une activité agricole et industrielle presque nulle avec un tissu commercial façonné à 50% de commerce de détails. La capacité agricole, très limitée, est de 246.154 ha dont 187.000 ha exploitée avec 7.300 ha de superficie irriguée (phoeniciculture couvrant 5.560 ha et l'arboriculture couvrant 1 227 ha) et 48.600 ha pour le pâturage d’un cheptel estimé à 383.000 têtes comprenant des camelins, des ovins et des caprins. Avec l’un des plus beaux et grand désert au monde, la wilaya de Tamanrasset est une région richement dotée, aux potentialités touristiques indéniables, compte tenu de son patrimoine naturel et culturel. Elle dispose d’un aéroport international et d’un ensemble d’infrastructures d’accueil (05 hôtels d’une capacité de 634 lits et 16 campings). Parmi les sites à visiter, outre l’Assekrem (2700 m d'altitude), il faut signaler la zone humide Affilal, le tombeau de Tin-Hinane (reine des Touareg), qui se trouve dans la région d'Abalessa (80 km au nord de la ville de Tamanrasset), le Parc national de l’Ahaggar, d’une superficie de 450.000 km2 situé à l’extrême sud (âge estimé entre 600.000 et 1 million d’années) qui est une zone protégée pour décret présidentiel depuis 1987. La wilaya dispose d’importantes potentialités naturelles dont notamment le gaz naturel au niveau de la région de In Salah estimé à 210 milliards de m3 ainsi que des potentialités minières très importantes et très diversifiées: métalliques ou hautement stratégiques (Or, argent, cuivre, bronze, etc...) et non métallique entrant dans la fabrication de matériaux de construction et d’ornementation (argile, cipolins et marbres, grès, calcaire, etc...). Elle dispose plus de 139 écoles primaires totalisant près de 25.000 élèves ; ,34 Collèges d’Enseignement Moyen (CEM) totalisant plus de 16.000 élèves et 14 lycée totalisant plus de 5600 élèves. Elle dispose également d’une université d’une capacité de 2000 places pédagogiques ainsi que de 06 centres de formation professionnelle pour adulte (CFPA) d’une capacité pédagogique de 1350. Le secteur de la santé La wilaya de Tamanrasset est organisée autour de 02 Etablissements Publics Hospitaliers (01 hôpital de 210 lits à Tamanrasset et 01 hôpital de 120 lits à Ain Salah), 21 polycliniques (dont seule la moitié répond aux normes), 59 salles de soins, 14 unités de dépistage et de suivi en milieu scolaire (UDS). Les ressources humaines affectées à la santé scolaire sont de 16 médecins, 07 chirurgiens dentistes, 04 psychologues et 14 paramédicaux. Sont en cours de réalisation: - 01 Hôpital psychiatrique de 120 lits ; 01 maternité à Tamanrasset ; 01 centre d’hémodialyse à Ain Salah ; 01 institut paramédical ; 01 centre intermédiaire de soins pour toxicomanes (CIST). La ressource humaine du secteur est représentée par : dans le secteur public : 1103 fonctionnaires comprenant : 51 médecins spécialistes, 117 médecins généralistes, 25 chirurgiens, 04 pharmaciens, 39 sages-femmes et 876 paramédicaux ; dans le secteur privé : 08 médecins spécialistes, 15 médecins généralistes, 07 chirurgiens dentistes, 27 pharmaciens, 02 laboratoires d’analyses médicales, 01 sagefemme et 03 paramédicaux. La répartition entre secteur public et secteur privé montre qu’à Tamanrasset, la santé est pratiquement une affaire du secteur public. Ratios & Indicateurs de santé 1 lit/673 habitants ; 1 polyclinique/ 10577 habitants ; 1 salle de soins/ 3765 habitants ; Mortalité maternelle : 226.55/100.000 ; Mortalité néonatale : 1.47% ; Mortalité infantile < 1 ans : 27.3‰ ; Taux d’accouchement en milieu assisté 80.46%. Contraintes Cette wilaya présente de nombreuses particularités rendant particulièrement ardues les tentatives de mise en œuvre de programmes de développement en santé. D'une superficie équivalente à celle de l’Espagne ou du Kenya mais 3,5 fois plus grande que la Tunisie et 1,5 fois l’Allemagne, elle ne compte que 0,6 % de la population totale du pays avec 15 % de population nomade. Elle se situe à l'extrême sud de l'Algérie, constituant une zone de transit et d’immigration importante et surtout clandestine provenant de toute l'Afrique sub-saharienne. Cette migration provient essentiellement de ces deux pays limitrophes mais également de la plupart des pays de l’Ouest et du Centre de l’Afrique. Ceci entraîne un brassage de populations d’au moins 14 nationalités avec une population algérienne autochtone mais aussi provenant de la plupart des wilayas du pays. Cette plaque tournante de la migration qu’est Tamanrasset relayée au Nord par Ghardaïa sur la route d’Alger et d’Oran et au Sud par Ain-Guezzam et Tinzaouatine (respectivement sur la frontière avec le Niger et avec le Mali) attire ces populations pour différentes raisons : relais en direction de l’Europe ce qui explique la recherche de moyens financiers grâce au travail du sexe et au trafic de cigarettes, d’alcool et de drogues ; recherche de travail par les autochtones qui se sédentarisent dans le cadre d’un exode rural croissant important ; recherche de travail par les algériens touchés par le chômage et provenant des wilayas du Nord ; affectation de fonctionnaires des secteurs publics et privés qui s’installent souvent sans leur famille ; présence d’un important effectif (10 à 20 000) de jeunes du Service National durant 12 à 18 mois encadrés par des militaires de carrière, avec ou sans leurs familles. Cette grande diversité dans la composition de la population s’accompagne d’un accroissement très important de celle-ci dans la ville de Tamanrasset. Les activités de la ville sont principalement axées autour du commerce, de la contrebande en tous genres et du travail du sexe. Cette situation explique l’importance de l’infection VIH révélée par les enquêtes épidémiologiques en rapport avec les migrations, les infections sexuellement transmissibles et le travail du sexe. Par ailleurs, le poids des traditions et des tabous y est encore très lourd. Le paludisme est une maladie à haute prévalence dans cette wilaya. Il s’agit essentiellement d’un paludisme importé (plusieurs centaines de cas/an), l’espèce la plus rencontrée est le plasmodium falciparum. L’origine de l’infection est le Mali et le Niger. Mais plusieurs dizaines de cas de paludisme autochtone sont également enregistrés, en particulier dans la localité de Tinzaouatine où on enregistre la présence d’anophèles. La surveillance épidémiologique et entomologique et la lutte anti-vectorielle dans le cadre du programme de prévention déjà mise en place doit être renforcée et les équipes chargées de cette lutte doivent disposer de tous les moyens dont des véhicules tous terrains. Concernant le risque de propagation de l’épidémie en rapport avec le virus Ebola, les services sanitaires de la wilaya ont mobilisés des équipes médicales composées de 04 médecins exerçant à Tinzaouatine, et 03 autres à In-Guezzam pour assurer la couverture sanitaire dans ces localités frontalières. De même, un poste de contrôle sanitaire a été mis en place au niveau l’aéroport de la ville. L’insuffisance voire pour certaines régions l’inexistence de véhicule ne sont-ils pas des facteurs qui risquent de faire échouer ces mesures de prévention ? Le chef-lieu de la wilaya, Tamanrasset croule sous les ordures ménagères parsemées dans les différents quartiers de la ville et que broutent des troupeaux de chèvres. Même si le nombre de lits d’hospitalisation rapporté à la population semble satisfaisant si on le compare aux autres wilayas du pays, il cache une réalité bien différente : l’hôpital de Tamanrasset est vétuste, non conforme, devant être remplacé le plus tôt. Un hôpital mixte (Sonatrach- Ministère de la Défense) est en cours de réalisation à Tamanrasset. Sera-t-il ouvert à la population ? Concerne la santé maternelle et infantile, les décès maternels sont malheureusement assez importants et jusqu’à ce jour la wilaya ne dispose pas de complexe « Mère-Enfant » malgré une coopération avec la Belgique pour l’équipement d’une telle structure. Au cours du mois d’aout 2014, une mission médicale cubaine (10 médecins et 15 paramédicaux) vient d’être affectée à l’hôpital de Tamanrasset en attendant la réalisation du complexe « MèreEnfants » et son équipement. L’éloignement des différents villes chef-lieu de daïras des deux hôpitaux de la wilaya (Tamanrasset et In Salah) varie entre 60 et 130 km ce qui est un obstacle pour l’accès aux soins des populations mais également pour le personnel chargé de l’acheminement des médicaments aux différentes structures de santé, vu l’insuffisance véhicules. Les différents gestionnaires des établissements de santé de la wilaya signalent l’insuffisance des budgets de fonctionnement des établissements notamment pour les titres médicaments et alimentation, cela malgré les affirmations irréfragables des cadres du ministère de la santé. Il existe un déficit en personnel, tant en ce qui concerne le personnel médical (spécialistes et généralistes), en paramédicaux (surtout en sages-femmes) et en cadres gestionnaires. « Les médecins qui viennent pour s'installer repartent peu de temps après », signalent les habitants qui déplorent « les conditions de logement et de travail qui font fuir ». Sans mesures incitatives pour maintenir ce personnel spécialisé, le déficit va perdurer et ne choisiront l’affectation vers cette wilaya que les médecins spécialistes qui veulent terminer le plus rapidement possible leur service civil (une année) afin de revenir vers les villes du Nord et ouvrir un cabinet médical privé.