Dossier pédagogique - Office Départemental de la Culture de l`Orne

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Dossier pédagogique - Office Départemental de la Culture de l`Orne
P.P. les p’tits cailloux
Cie LOBA
- Annabelle Sergent THRILLER CARTOON
CONTEMPORAIN TOUT
PUBLIC DECONSEILLE AU
MOINS DE 8 ANS (CYCLE 3)
Durée > 1h05
Création 2010
Nomination Molières 2011
1. Présentation
1 poucet
6 frangins pas dégourdis
3 cailloux facétieux
1 forêt terrifiante…
Venez voir et écouter P.P. les p’tits cailloux,
deuxième volet de la trilogie d’Annabelle Sergent !
Et ne vous perdez pas en chemin…
Après Bottes de prince et bigoudis (spectacle librement adapté de Blanche Neige), Annabelle Sergent
prolonge son travail autour des "grands contes qui ont nourri notre enfance" en nous entraînant sur
les traces du fameux Petit Poucet. P.P.
C’est une histoire vieille comme le monde traitée mené comme un récit déjanté sur fond de langue
décapante, un pied de nez jubilatoire à nos imageries traditionnelles.
2. Analyse
Avec Bottes de prince et bigoudis (2006) et P.P. les p’tits cailloux (2010), Annabelle Sergent s’est lancé
dans la composition d’une trilogie sur les récits qui traversent l’enfance, et défend ardemment le
spectacle tout public. Pour elle, s’adresser au jeune public c’est avant tout écrire de plusieurs points
de vue : l’enfance, l’adulte, l’enfance de l’adulte. P.P. les p’tits cailloux questionne la notion de
fratrie, de place choisie ou imposée dans la famille, et sonne un air de rébellion !
Son esthétique, exigeante et audacieuse -seule-en-scène, plateau nu, avec pour seuls partenaires de
jeu la scénographie lumière et la musique – vaut à P.P. les p’tits cailloux une nomination au Molière
Jeune Public 2011.
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3. Les propositions pédagogiques
3.1 Les programmes
FRANÇAIS
Faire accéder tous les élèves à la maîtrise de la langue française, à une expression précise et claire à l’oral
comme à l’écrit, relève d’abord de l’enseignement du français mais aussi de toutes les disciplines : les sciences,
les mathématiques, l’histoire, la géographie, l’éducation physique et les arts.
La progression dans la maîtrise de la langue française se fait selon un programme de lecture et d’écriture, de
vocabulaire, de grammaire, et d’orthographe. Un programme de littérature vient soutenir l’autonomie en
lecture et en écriture des élèves.
L’étude de la langue française (vocabulaire, grammaire, orthographe) donne lieu à des séances et activités
spécifiques. Elle est conduite avec le souci de mettre en évidence ses liens avec l’expression, la compréhension
et la correction rédactionnelle.
L’écriture manuscrite est quotidiennement pratiquée, pour devenir de plus en plus régulière, rapide et soignée.
Les élèves développent, dans le travail scolaire, le souci constant de présenter leur travail avec ordre, clarté et
propreté, en ayant éventuellement recours au traitement de texte.
L’appui sur un manuel de qualité pour chacun des volets de l’enseignement du français est un gage de succès.
L’ensemble des connaissances acquises en français contribue à la constitution d’une culture commune des
élèves.
Lecture, écriture
La lecture et l’écriture sont systématiquement liées : elles font l’objet d’exercices quotidiens, non seulement en
français, mais aussi dans le cadre de tous les enseignements.
L’étude des textes, et en particulier des textes littéraires, vise à développer les capacités de compréhension, et
à soutenir l’apprentissage de la rédaction autonome.
Lecture
La lecture continue à faire l’objet d’un apprentissage systématique :
- automatisation de la reconnaissance des mots, lecture aisée de mots irréguliers et rares, augmentation de la
rapidité et de l’efficacité de la lecture silencieuse ;
- compréhension des phrases ;
- compréhension de textes scolaires (énoncés de problèmes, consignes, leçons et exercices des manuels) ;
- compréhension de textes informatifs et documentaires ;
- compréhension de textes littéraires (récits, descriptions, dialogues, poèmes).
L’élève apprend à comprendre le sens d’un texte en en reformulant l’essentiel et en répondant à des questions
le concernant.
Cette compréhension s’appuie sur le repérage des principaux éléments du texte (par exemple, le sujet d’un
texte documentaire, les personnages et les événements d’un récit), mais aussi sur son analyse précise. Celle-ci
consiste principalement en l’observation des traits distinctifs qui donnent au texte sa cohérence : titre,
organisation en phrases et en paragraphes, rôle de la ponctuation et des mots de liaison, usage des pronoms,
temps verbaux, champs lexicaux.
Littérature
Le programme de littérature vise à donner à chaque élève un répertoire de références appropriées à son âge,
puisées dans le patrimoine et dans la littérature de jeunesse d’hier et d’aujourd’hui ; il participe ainsi à la
constitution d’une culture littéraire commune. Chaque année, les élèves lisent intégralement des ouvrages
relevant de divers genres et appartenant aux classiques de l’enfance et à la bibliographie de littérature de
jeunesse que le ministère de l’éducation nationale publie régulièrement. Ces lectures cursives sont conduites
avec le souci de développer chez l’élève le plaisir de lire.
Les élèves rendent compte de leur lecture, expriment leurs réactions ou leurs points de vue et échangent entre
eux sur ces sujets, mettent en relation des textes entre eux (auteurs, thèmes, sentiments exprimés,
personnages, événements, situation spatiale ou temporelle, tonalité comique ou tragique...). Les interprétations
diverses sont toujours rapportées aux éléments du texte qui les autorisent ou, au contraire, les rendent
impossibles.
Rédaction
La rédaction de textes fait l’objet d’un apprentissage régulier et progressif : elle est une priorité du cycle des
approfondissements. Les élèves apprennent à narrer des faits réels, à décrire, à expliquer une démarche, à
justifier une réponse, à inventer des histoires, à résumer des récits, à écrire un poème, en respectant des
consignes de composition et de rédaction. Ils sont entraînés à rédiger, à corriger, et à améliorer leurs
productions, en utilisant le vocabulaire acquis, leurs connaissances grammaticales et orthographiques ainsi que
les outils mis à disposition (manuels, dictionnaires, répertoires etc.).
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3.2. Les pistes
a) Avant le spectacle
Le petit Poucet Charles Perrault
Questionnaire n° 1
1) Qui sont les personnages au début de l’histoire ?
2) Où se passe l’histoire ?
_____________________________________________________________________
3) Quel est l’âge approximatif des enfants du bûcheron ?
________________________________________________________________________
4) Décris le petit Poucet
Questionnaire n° 2
5) Quelle décision prennent les parents ?
_____________________________________________________________________
6) Pourquoi ?
_____________________________________________________________________
7) Qui entend leur conversation ?
_____________________________________________________________________
8) Que décide de faire celui qui entend la conversation ?
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Questionnaire n° 3
9) Que reçoivent les parents de la part du seigneur du village ?
________________________________________________________________________
10) Que font les parents de cet argent ?
_____________________________________________________________________
11) Comment s’appelle le bucheron ?
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12) Que ressentent les parents après avoir mangé ? (ils sont heureux, ils regrettent, ils sont
en colère : choisit la bonne solution)
_____________________________________________________________________
13) A quel moment, les enfants décident d’entrer dans la maison ?
________________________________________________________________________
14) Qui est Pierrot ?
_____________________________________________________________________
Questionnaire n° 4
15) Combien de temps dure la joie du bûcheron et de sa femme ?
________________________________________________________________________________
16) Qu’arrive –t-il au petit Poucet quand il veut sortir chercher des cailloux ?
17) Pourquoi le petit Poucet ne peut-il pas retrouver son chemin ?
_________________________________________________________________________________
18) Qu’est-ce qui augmente la peur du petit Poucet et de ses frères ?
_________________________________________________________________________________
19) A la fin de cet extrait, où arrivent –ils ?
__________________________________________________________________________________
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Exercices
20)
Remet le résumé dans l’ordre du texte
L’ogresse monte habiller les enfants
L’ogre décide de partir à la recherche des garçons
L’ogre monte rejoindre sa femme
Le petit Poucet s’enfuit avec ses frères
L’ogresse trouve ses filles mortes et s’évanouit
21)
Dans la phrase : « Va-t-en là-haut habiller ces petits drôles d’hier
soir. », le mot habiller peut vouloir dire deux choses, lesquelles.
a) Habiller : ____________________________________________________
b) Habiller : ___________________________________________________
L’ogre voulait que sa femme les habille de la façon (a ou b) :_____________
22)
Complète cet extrait avec les mots du texte
Le petit poucet en eut ____________ de peur, et dit à ses frères de s’enfuir
_______________________à la maison pendant que l’ogre dormait bien fort, et
qu’ils ne se missent point en _____________ de lui. Ils crurent son
_______________, et _________________ vite la maison.
23)
Remet ces phrases dans l’ordre.
Le petit Poucet, étant chargé de toutes les richesses de l’ogre, s’en revint au logis de
son père.
L’ogre épuisé s’endort.
l’ogre part à la recherche des garçons.
La femme de l’ogre donne ses richesses au petit Poucet.
Le petit Poucet prend les bottes de l’ogre et retourne chez l’ogre.
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Texte complet : exercices
24) Relie le mot à sa définition
Incommoder •
• il n’y a plus rien à manger
Famine •
• effrayés
Consentir •
• regretter
s’en repentir •
• immédiatement
mortifiés •
• gêner
à tâtons •
• être d'accord
promptement •
• en touchant
25) Remets le résumé dans l’ordre du texte
L’ogre s’endort alors qu’il est à la recherche des enfants.
Le petit poucet fait rentrer ses frères chez eux, et lui part à la recherche de plus d’or.
Les parents des sept enfants décident de les abandonner.
Les enfants ne retrouvent plus leur chemin et se rendent chez l’ogre.
L’ogre égorge ses propres filles.
26) Complète ce texte avec les mots suivants : logis, crier, force, chemin, point,
reviendraient
Lorsque ces enfants se virent seuls, ils se mirent à crier et à pleurer de toute leur __________.
Le petit Poucet les laissait _____________, sachant bien par où ils __________________à la
maison ; car, en marchant, il avait laissé tomber le long du ____________ les petits cailloux
blancs qu’il avait dans ses poches. Il leur dit donc : « ne craignez ____________, mes frères,
mon père et ma mère nous ont laissés ici ; mais je vous ramènerai bien au ______________:
suivez-moi seulement. »
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27) Remplace le groupe de mot « l’ogre » par d’autres mots ou expressions
L’ogre, craignant que sa femme ne fût trop longtemps à faire la besogne dont l’ogre l’avait
chargée, monta en haut pour lui aider. L’ogre ne fut pas moins étonné que sa femme lorsque
l’ogre vit cet affreux spectacle.
Évaluation
28) Relie le mot à sa définition
Fâcheuse •
tard
• remettre à plus
se défaire •
• tabouret
Escabelle •
• regretter
s’en repentir •
• entendre
ouïr •
• difficile
heurter •
• taper
différer •
• se séparer
29) Colorie de la même couleur le passage et son appellation
Situation initiale
Le petit Poucet gagne beaucoup d’argent en travaillant.
Les parents ne peuvent plus garder leurs enfants avec eux car ils n’ont
Situation finale
plus d’argent.
problème
Le petit Poucet vole l’or de l’ogre.
Résolution du problème
Les enfants vivent avec leurs parents.
Résolution du problème
Les enfants retournent vivre avec leurs parents.
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30) Réponds par vrai ou faux
Le petit Poucet est un idiot : ________________
Lui et ses frères s’en vont de la maison car ils savent que leurs parents n’ont plus d’argent :
_____________
La femme de l’ogre les fait entrer et les cache à l’ogre : _______________
Le petit Poucet s’en va à la cour du roi pour gagner de l’argent : ___________________
31) Remplace le groupe de mot « ces petites ogresses » par d’autres mots ou expressions
L’ogre avait sept filles, qui n’étaient encore que des enfants. Ces petites ogresses avaient
toutes le teint fort beau, parce que ces petites ogresses mangeaient de la chair fraîche, comme
leur père ; mais ces petites ogresses avaient de petits yeux gris et une grande bouche. Ces
petites ogresses n’étaient pas encore méchantes ; mais ces petites ogresses promettaient
beaucoup, car ces petites ogresses mordaient déjà les petits enfants.
b) Pour le spectacle.
Cette trame d'Anton Andereggen, professeur de français en Oregon a pour immense avantage de
permettre l’analyse du texte aussi bien que celle de la pièce.
I. Identification
Titre du conte ; auteur ; titre du livre ou du recueil où le conte paraît ; date du conte (de la
publication originale si l'on la sait, ou de la publication du recueil) ; circonstances significatives de la
composition ou de la publication, s'il y en a. Cela peut être réalisé aussi avec les personnes
intervenants sur la pièce (metteur en scène, régisseur, mise en lumière…).
II. Matériaux
A. Personnages:
1. principaux;
2. secondaires.
B. Scène: la scène géographique ; le décor précis (et/ou les décors donc).
C. Époque
D. Action (ce qui se passe) : un très bref résumé en deux ou trois phrases objectives, sans
commentaire.
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III. Thème (la signification de ce qui se passe)
A. Thème dans le sens très large : le lieu commun, le topos.
B. Thème dans le sens plus précis: le sujet principal propre au conte : le thème dans ce sens peut être
une idée, une pensée, une morale, ou quelque chose de moins précis: un sentiment, une impression,
un effet dominant
IV. Technique
A. Construction :
1. Point de vue ("optique", perspective, éclairage) ; par quels yeux le lecteur voit-il l'action, le
sujet ? Y a-t-il une voix qui domine?
2. Introduction (s'il y en a une): comment l'auteur entre-t-il en matière? Y a t-il un "cadre" ?
3. Exposition : la partie qui présente les faits qu'il faut savoir pour suivre l'action ; où
commence et où finit l'exposition? Marquez pages et lignes avec le plus de précision possible.
4. Action ascendante: où commence-t-elle ? Où finit-elle ?
5. Point culminant (climax) : le point le plus intense, le plus dramatique de l'action
ascendante ; marquez l'endroit.
6. Dénouement : la partie où le problème ou le dilemme, posé au début, est résolu, dénoué.
7. Conclusion (s'il y en a une) : l'auteur dégage-t-il une conclusion, une morale, explicitement,
ou se contente-t-il de la suggérer? Laquelle?
B. Peinture ou manière de présenter les personnages: Quelle(s) technique(s) l'auteur emploie-t-il
pour montrer leur caractère, leur motivation (leur psychologie)?
C. Peinture du décor, de la toile de fond de l'action; "l'atmosphère" créée, s'il y en a une.
D. Style (étude fondée sur le texte):
1. Détails significatifs ou révélateurs (évitez de vous perdre dans les détails ; cherchez à en
dégager les plus importants). Voici quelques aspects du style à étudier :
a. vocabulaire, choix des mots, association des mots ;
b. y a-t-il des mots qui reviennent, des mots clefs ? Lesquels ?
c. images (comparaisons, métaphores); lesquelles vous semblent les plus significatives ?
d. syntaxe, rythme des phrases : y a-t-il un rythme caractéristique ?
e. sons, sonorités, musique de la prose; l'auteur est-il sensible à ces effets auditifs ? Quels passages
valent surtout d'être lus à haute voix? Quels effets produisent-ils ?
2. Caractérisation générale du style de l'auteur : un bref résumé ; choisissez un passage qui
donne le cachet de l'auteur, et d'après lequel on pourrait identifier un texte comme étant de lui.
V. Conclusion
1. À quelle(s) tradition(s) ce conte se rattache-t-il ?
2. Quel est l'apport original de l'auteur? Sous quels rapports ce conte est-il caractéristique de
son auteur?
3. Critique : dans quelle mesure l'auteur a-t-il réussi dans le but qu'il s'est proposé ?
4. Jugement personnel : que pensez-vous de ce conte ? Qu'est-ce qu'il vous a apporté
personnellement ? La réponse sera forcément subjective, mais elle ne doit pas être vaguement
impressionniste; elle aura une plus grande valeur si elle est fondée sur une connaissance exacte et
une interprétation fidèle du texte.
Après le spectacle.
Le petit Poucet a donné lieu à une adaptation cinématographique qui n’est pas un chef d’œuvre
impérissable voici donc une extension vers Peau d’âne, un autre conte de Charles Perrault dont la
version de J. Demy est un classique :
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Long métrage de fiction de Jacques Demy d’après Charles Perrault France, 1970, 85 mn avec :
Catherine Deneuve (Peau d'âne), Jean Marais (le Roi), Jacques Perrin (le Prince), Micheline Presle (La
Reine Rouge), Delphine Seyrig (la Fée), Fernand Ledoux (Le Roi Rouge)
Scénariste : Jacques Demy
Directeur de la photo : Ghislain Cloquet
Ingénieur du son : André Hervée
Monteuse : Anne-Marie Cotret
Scripte : Annie Maurel
Décorateur : Jacques Dugied
Auteur de la musique : Michel Legrand
Costumes : Pace Tirelli, Gitt Martini
Chef maquilleur : Alain Folgoas
Le réalisateur, Jacques Demy
Jacques Demy (1931 – 1990) est connu pours ses films musicaux :
Les parapluies de Cherbourg et Les demoiselles de Rochefort et pour aussi : Lola, Une chambre en
ville et Trois places pour le 26… Enfant il est très attiré par les arts du spectacle, il achète sa première
caméra en 1944, en 1946 -48 il réalise des petits films d’animation et
rencontre Christian-Jacques, aidé par celui-ci, il entre en 1949 à l’ETPC à Paris. Du cinéma
d’animation au documentaire en passant par la publicité, Jacques Demy devient assistant réalisateur
et scénariste, parolier, producteur, dialoguiste, acteur…et réalisateur.
En 1964, il reçoit la Palme d'or du Festival de Cannes pour Les Parapluies de Cherbourg.
Marié à la réalisatrice Agnès Varda.
http://demy.chez.com/DemyJ.htm
Le film, Peau d’Ane
Bien sûr le film commence par un rituel « Il était une fois », c’est le film le plus explicitement du
genre « conte ».
Peau d’Ane est un film réaliste dans le sens ou il est très fidèle à la réalité du conte de Perrault
(générique sur un livre qui s’ouvre) et aux éléments du XVIIème siècle (portraits de
prétendantes, souillons, maladie d’amour…), seul le profil de la fée est enjolivé mais Demy
impose sa réécriture, si le contenu du texte reste fidèle, la forme, elle, change (abandon des
rimes et métrages fixes au profit de la prose dialoguée, la poésie se maintient avec les
chansons à rimes). C’est la force de ce film de passer du conte classique à un conte actualisé,
ainsi la fée a toujours des pouvoirs mais ce ne sont plus des pouvoirs divins. Bien sûr on
notera des effets réalistes contemporains (téléphone, hélicoptère, téléportation…) qui souligne
« le tout est possible » car si le film est réaliste, il est bien entendu surtout merveilleux ; c'està-dire à la fois dans la beauté (« Le merveilleux est toujours beau, il n’y a même que le
merveilleux qui soit beau. » (André Breton) et dans la construction où le surnaturel s’imbrique
docilement et passe presqu’inaperçu à l’écran. Le film possède quelques trucages (tour de
magie) mais le merveilleux se situe plus dans des choix d’un univers (palais rouge et palais
bleu, robe du temps et robe de lune, cake d’amour…). Nous noterons bien sûr des mises en
réseau et références à Méliès ou Cocteau (personnages fantomatiques, décors…). Demy
a l’art dans ce film de manier les différents registres et de mélanger le ton grave avec une
apparente légèreté.
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Les personnages
La fée
La fée des Lilas est la marraine de Peau d’Ane. C’est elle qui vient au secours de la Princesse
face à la demande du Roi, c’est elle l’instigatrice des demandes (épreuves infligées au Roi)
jusqu’à l’ultime : tuer l’âne-banquier, lui faire la peau donc supprimer ce qui fait le royaume
donc ce qui fait le Roi. Elle n’utilisera sa baguette magique qu’en dernier ressort, après avoir
épuisé (double sens) tous sescharmes. Implicitement jusqu’au dénouement l’on sent bien une
rancoeur (amoureuse) entre la fée et le Roi et une vengeance construite par l’intermédiaire de
Peau d’Ane. Le personnage de la fée est enjolivé par rapport au conte de Perrault. La fée est
jeune, féminine, « sexy ».Alors que la fée traditionnelle joue sur le côté maternel et
protecteur.
Le roi
C’est par le drame de la perte de son épouse que le nœud de l’intrigue se compose. Le roi fait
serment de ne se remarier qu’avec une femme plus belle que la reine. Le voici donc en quête
d’une nouvelle épouse, tous les portraits de prétendantes que l’on lui présente (c’était ainsi
que l’on procédait) sont rejetés jusqu’au portrait de sa fille…nouvelle quête séduire sa fille.
L’aspect incestueux est manifeste. Le costume du roi fait penser à un grand rapace aux ailes
repliées prêt à envelopper… « à mettre sous son aile ». Au départ de
Peau d’Ane le roi se retire on ne verra plus dans le film sauf au dénouement, son âne banquier
mort et sa fille disparue il n’est plus.
La princesse / Peau d’Ane
Ce personnage qui est le personnage central dont on suit l’aventure se caractérise par une
double identité avec une symbolique forte. Princesse aux cheveux d’or, à la voix cristalline et
d’une beauté sans pareille qui se métamorphose (importance de la métamorphose) en souillon,
habillée d’une peau qui pue et dont la fée prend soin de barbouiller le visage de terre. La
scène de la recette du cake d’amour synthétise ces deux faces avec le dialogue. Obligée de
fuir, victime qui se demande quel crime elle a commis la princesse va résoudre le problème
familial et découvrir l’amour autorisé (et pouvoir partager plein de choses interdites !) qui fera
d’elle une adulte. et vivra ainsi « un conte de fées charmant ».
Les chansons
Les chansons permettent un raccourci dans le récit et une explication de l’intrigue, elles
remplacent les « cartons ». Les chansons sont également la parole libérée des sentiments.
Le cake d’amour :
Préparez votre pâte
Dans une jatte plate
Et sans plus de discours
Allumez votre four
Prenez de la farine
Versez dans la terrine
Quatre mains bien pesées
Autour d'un puits creusé
Choisissez quatre oeufs frais
Qu'ils soient du matin faits
Car à plus de vingt jours
Un poussin sort toujours
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Un bol entier de lait
Bien crémeux s'il vous plaît
De sucre parsemez
Et vous amalgamez
Une main de beurre fin
Un souffle de levain
Une larme de miel
Et un soupçon de sel
Il est temps à présent
Tandis que vous brassez
De glisser un présent
Pour votre fiancé
Un souhait d'amour s'impose
Tandis que la pâte repose
Lissez le plat de beurre et laissez cuire une heure
Les couleurs
Une analyse précise de l’utilisation des couleurs dans les costumes et décors mériterait
plusieurs chapitres. Il y a tout d’abord l’aspect symbolique du temps que l’on retrouve avec la
robe du temps et le traitement des saisons. Il y a l’utilisation du bleu et du rouge, couleurs
royales, le blanc dans sa symbolique de virginité, les bruns et gris pour l’aspect terreux voire
miséreux. Un parti pris intéressant de J. Demy c’est une photo presque toujours en bichromie :
bleu et blanc, rouge et gris (château),rouge et vert (sous bois), blanc et brun (petit peuple).
Demy utilise beaucoup le principe de complémentaire et de contraste de couleurs. Les plans
avec beaucoup de couleurs différentes correspondent à ceux avec la fée, importance de la
couleur or (robe de soleil) et du rose (lumière qui vient de l’extérieur). Enfin si l’on regarde
de près le trône où vont siéger la princesse et le prince mariés, il est surmonté d’un arc en ciel.
Des pistes de lecture et de travail sur le film
Possibilités de lire des contes :
Peau d’Ane, Cendrillon, Le chat botté…
Regarder l’affiche :
- Emettre des hypothèses
- Analyser l’affiche, les éléments du titre, les
personnages…
- Comparer avec l’affiche Italienne, japonaise
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- Recherche sur l’époque, lieux, milieux sociaux, objets…
Après la projection
- Pour une verbalisation :
Eviter si possible le : « Alors ça vous a plu ? », « Comment avez-vous trouvé le film ? »
Si besoin aider par un questionnement :
- Reconnais-t-on les personnages de contes ?
- Qu’est-ce qui caractérise le roi ? la princesse ? la fée ?
- Des éléments vous paraissent-ils étranges ? extraordinaires ?
- Pourquoi voit-on des objets anachroniques (qui ne sont pas de l’époque) ?
- Quels sont les points communs avec Cendrillon ?
- Connaissez-vous d’autres films avec des chansons ?
- Pourquoi le roi veut-il épouser sa fille ?
- Cela vous parait-il possible ?
- La fée donne-t-elle de bons conseils à sa filleule ?
- Que feriez-vous à la place de la princesse ?..
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Arts visuels
Travailler sur l’Affiche
L’affiche originale est une lithographie en couleurs de Jim Léon de 156 X 116 cm, elle
appartient au fonds de la BNF, Arts du spectacle (Aff 62649) D.R. Mag Bodard
http://www.cinemotions.com/data/films/0047/62/1/affiche-Peau-d-ane-1970-1.jpg
Fabriquer des mondes
Décider d’un critère (couleurs, formes, matières…) et créer par collages, dessins, peintures
deux mondes qui s’opposent ou se complètent.
Les contes de fées et la publicité
Retrouver des utilisations du conte de fée dans la publicité (télé et magazines) : thème de la
princesse, du loup,
Histoire des Arts
Les châteaux dans le film sont celui de Plessis Bourré (monde bleu), qui a d’ailleurs servi à de
nombreux autres tournages (Le Bossu, Fanfan la tulipe, La princesse de Montpensier…) et
celui de Chambord (monde rouge).
La manifestation de la Renaissance en France (qui couvre le XVème siècle) est l’édification
de châteaux dans le Val de Loire. Les premiers étant apparus sous le règne de Charles VI dans
le Berry.
Au départ le style Renaissance se manifeste sur des agrandissements de châteaux existants
puis petit à petit les constructions nouvelles sont de pur style tout en gardant des
caractéristiques du Moyen Age (enceinte, donjon…), c’est le cas de Chambord qui est sans
doute l’œuvre d’un artiste italien.
Le château de Chambord et les caractéristiques d’un château de la Renaissance.
Comparaison avec un château médiéval comme Château-Gaillard.
4. Dossier documentaire
4.1 Sitographie
Pour la page d’accueil de la Cie http://www.cieloba.org/
Pour des extraits vidéos : http://www.cieloba.org/pp_les_ptits_cailloux.html
http://www.cieloba.org/medias/video/cailloux.html
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http://www.cieloba.org/medias/video/report_fest_anjou.html
4.2 La compagnie
interprétation Annabelle Sergent
écriture Annabelle Sergent & Vincent Loiseau (Kwal)
mise en scène Anne Marcel
création lumière Patrick Touzard
création sonore Régis Raimbault, Jeannick Launay
costume Michèle Amet
Annabelle Sergent, auteure et interprète, fait partie de cette génération d’artistes seule-en-scène,
qui investit le champ des arts de la parole, en le bousculant, en l’interrogeant.
Depuis ses débuts, elle est travaillée, traversée, par le texte, par les mots, par les voix…
Les œuvres Gibiers du Temps et Chimère de Didier Georges Gabily seront d’ailleurs ses sujets de
maitrise et DEA de Lettres Modernes (2001). Dans le même temps, elle côtoie les œuvres de
Shakespeare, Beckett, Norman Chaurette au Conservatoire Régional d’Angers.
Sa rencontre avec des conteurs en 2000 va ouvrir une voie où son écriture prend le pas. Bernadète
Bidaude fera partie des artistes qui vont marquer le parcours d’Annabelle, notamment avec Peaux de
femmes (2002). Ce sera également l’année de création de Chuuut !, son premier spectacle jeune
public. Puis viendra Mic Guillaumes, chorégraphe contemporain, avec qui elle construit son rapport à
l’espace et au volume de la scène dans Vagabonde (2006), dont on retrouvera des traces dans P.P.
les p’tits cailloux. L’écriture du corps et de la langue dans l’espace de la scène devient le moteur de sa
recherche artistique.
Cette année-là, elle écrit et joue également avec le Quatuor Liger pour les adolescents et adultes à
travers le projet A l’ombre de Barbe-Bleue, sur une commande d’Angers Nantes Opéra. Expérience
qui continue de nourrir sa recherche sur le rapport texte/musique/silence.
En 2013, Annabelle Sergent entrera en recherche pour son dernier opus de la trilogie jeune public.
4.3 Photographies du spectacle
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4.4 Le texte de Perrault.
Il était une fois un bûcheron et une bûcheronne qui avaient sept enfants, tous des garçons. L'aîné
n'avait que dix ans et le plus jeune n'en avait que sept. On s'étonnera que le bûcheron ait eu tant
d'enfants en si peu de temps; mais c'est que sa femme allait vite en besogne, et n'en faisait pas
moins de deux à la fois. Ils étaient très pauvres, et leurs sept enfants les incommodaient beaucoup,
parce qu'aucun d'eux ne pouvait encore gagner sa vie. Ce qui les chagrinait encore, c'est que le plus
jeune était fort délicat et ne disait mot : prenant pour bêtise ce qui était une marque de la bonté de
son esprit. Il était tout petit, et quand il vint au monde, il n'était guère plus gros que le pouce, ce qui
fit que l'on l'appela le petit Poucet. Ce pauvre enfant était le souffre-douleurs de la maison, et on lui
donnait toujours tort. Cependant il était le plus fin, et le plus avisé de tous ses frères, et s'il parlait
peu, il écoutait beaucoup.
Il vint une année très fâcheuse, et la famine fut si grande, que ces pauvres gens résolurent de se
défaire de leurs enfants. Un soir que les enfants étaient couchés, et que le bûcheron était auprès du
feu avec sa femme, il lui dit, le coeur serré de douleur :
-"Tu vois bien que nous ne pouvons plus nourrir nos enfants; je ne saurais les voir mourir de faim
devant mes yeux, et je suis résolu d'aller les perdre demain au bois, ce qui sera bien aisé, car tandis
qu'ils s'amuseront à fagoter, nous n'avons qu'à nous enfuir sans qu'ils nous voient."
-" Ah !" s'écria la bûcheronne, " pourrais-tu bien toi-même mener perdre tes enfants ?"
Son mari avait beau lui représenter leur grande pauvreté, elle ne pouvait y consentir; elle était
pauvre, mais elle était leur mère. Cependant ayant considéré quelle douleur ce lui serait de les voir
mourir de faim, elle y consentit, et alla se coucher en pleurant. Le petit Poucet entendit tout ce qu'ils
dirent, car ayant entendu depuis son lit qu'ils parlaient d'affaires, il s'était levé doucement, et s'était
glissé sous l'escabelle de son père pour les écouter sans être vu. Il alla se recoucher et ne dormit
point le reste de la nuit, songeant à ce qu'il avait à faire. Il se leva de bon matin, et alla au bord d'un
ruisseau où il emplit ses poches de petits cailloux blancs, et ensuite revint à la maison. On partit, et le
petit Poucet ne dit rien de tout ce qu'il savait à ses frères. Ils allèrent dans une forêt très épaisse, où à
dix pas de distance on ne se voyait pas l'un l'autre. Le bûcheron se mit à couper du bois et ses
enfants à ramasser les broutilles pour faire des fagots. Le père et la mère, les voyant occupés à
travailler, s'éloignèrent d'eux insensiblement, et puis s'enfuirent tout à coup par un petit sentier
détourné. Lorsque les enfants se virent seuls, ils se mirent à crier et à pleurer de toute leur force. Le
petit Poucet les laissait crier, sachant bien par où il reviendrait à la maison; car en marchant il avait
laissé tomber le long du chemin les petits cailloux blancs qu'il avait dans ses poches. Il leur dit donc :
-"Ne craignez point, mes frères; mon père et ma mère nous ont laissés ici, mais je vous ramènerai
bien au logis, suivez-moi seulement."
Ils le suivirent, et il les mena jusqu'à leur maison par le même chemin qu'ils étaient venus dans la
forêt. Ils n'osèrent d'abord entrer, mais ils se mirent tous contre la porte pour écouter ce que
disaient leur père et leur mère.
Au moment où le bûcheron et la bûcheronne arrivèrent chez eux, le seigneur du village leur envoya
dix écus qu'il leur devait il y avait longtemps, et dont ils n'espéraient plus rien : cela leur redonna vie,
car les pauvres gens mouraient de faim. Le bûcheron envoya immédiatement sa femme à la
boucherie. Comme il y avait longtemps qu'elle n'avait mangé, elle acheta trois fois plus de viande
qu'il n'en fallait pour le souper de deux. Lorsqu'ils furent rassasiés, la bûcheronne dit :
-"Hélas ! où sont maintenant nos pauvres enfants ? Ils feraient bonne chère de ce qui nous reste là.
Mais aussi Guillaume, c'est toi qui les as voulu perdre. J'avais bien dit que nous nous en repentirions.
Que font-ils maintenant dans cette forêt ? Hélas ! mon Dieu, les loups les ont peut-être déjà mangés
! Tu es bien inhumain d'avoir perdu ainsi tes enfants."
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Le bûcheron s'impatienta à la fin, car elle redit plus de vingt fois qu'ils s'en repentiraient et qu'elle
l'avait bien dit. Il la menaça de la battre si elle ne se taisait pas. Ce n'est pas que le bûcheron ne fût
peut-être encore plus fâché que sa femme, mais c'est qu'elle lui cassait la tête, et qu'il était de
l'humeur de beaucoup d'autres gens, qui aiment fort les femmes qui disent bien, mais qui trouvent
très importunes celles qui ont toujours bien dit. La bûcheronne était toute en pleurs :
-"Hélas ! où sont maintenant mes enfants, mes pauvres enfants ?" Elle le dit une fois si haut que les
enfants, qui étaient à la porte, l'ayant entendu, se mirent à crier tous ensemble :
-"Nous voilà, nous voilà."
Elle courut vite leur ouvrir la porte, et leur dit en les embrassant :
-"Que je suis contente de vous revoir, mes chers enfants ! Vous êtes bien las, et vous avez bien faim;
et toi Pierrot, comme te voilà crotté, viens que je te débarbouille."
Ce Pierrot était son fils aîné qu'elle aimait plus que tous les autres, parce qu'il était un peu rousseau,
et qu'elle était un peu rousse. Ils se mirent à table, et mangèrent d'un appétit qui faisait plaisir au
père et à la mère, à qui ils racontaient la peur qu'ils avaient eue dans la forêt en parlant presque
toujours tous ensemble : ces bonnes gens étaient ravis de revoir leurs enfants avec eux, et cette joie
dura tant que les dix écus durèrent. Mais lorsque l'argent fut dépensé, ils retombèrent dans leur
premier chagrin, et résolurent de les perdre encore, et pour ne pas manquer leur coup, de les mener
bien plus loin que la première fois. Ils ne purent parler de cela si secrètement qu'ils ne fussent
entendus par le petit Poucet, qui fit son compte de sortir d'affaire comme il avait déjà fait; mais
quoiqu'il se fût levé de bon matin pour aller ramasser des petits cailloux, il ne put en venir à bout, car
il trouva la porte de la maison fermée à double tour. Il ne savait que faire, lorsque la bûcheronne leur
ayant donné à chacun un morceau de pain pour leur déjeuner, il songea qu'il pourrait se servir de son
pain au lieu de cailloux en le jetant par miettes le long des chemins où ils passeraient; il le serra donc
dans sa poche. Le père et la mère les menèrent dans l'endroit de la forêt le plus épais et le plus
obscur, et dès qu'ils y furent, ils gagnèrent un faux-fuyant et les laissèrent là. Le petit Poucet ne s'en
chagrina pas beaucoup, parce qu'il croyait retrouver aisément son chemin grâce à son pain qu'il avait
semé partout où il avait passé; mais il fut bien surpris lorsqu'il ne put en retrouver une seule miette;
les oiseaux étaient venus qui avaient tout mangé. Les voilà donc bien affligés, car plus ils marchaient,
plus ils s'égaraient et s'enfonçaient dans la forêt. La nuit vint, et il s'éleva un grand vent qui leur
faisait épouvantablement peur. Ils croyaient n'entendre de tous côtés que des hurlements de loups
qui venaient à eux pour les manger. Ils n'osaient presque se parler ni tourner la tête. Il survint une
grosse pluie qui les trempa jusqu'aux os; ils glissaient à chaque pas et tombaient dans la boue, d'où
ils se relevaient tout crottés, ne sachant que faire de leurs mains. Le petit Poucet grimpa au haut d'un
arbre pour voir s'il ne découvrirait rien; ayant tourné la tête de tous côtés, il vit une petite lueur
comme d'une chandelle, mais qui était bien loin par-delà la forêt. Il descendit de l'arbre; et lorsqu'il
fut à terre, il ne vit plus rien; cela le désola. Cependant, ayant marché quelque temps avec ses frères
du côté qu'il avait vu la lumière, il la revit en sortant du bois. Ils arrivèrent enfin à la maison où était
cette chandelle, non sans bien des frayeurs, car souvent ils la perdaient de vue, ce qui leur arrivait
toutes les fois qu'ils descendaient dans quelques fonds. Ils frappèrent à la porte, et une bonne
femme vint leur ouvrir. Elle leur demanda ce qu'ils voulaient; le petit Poucet lui dit qu'ils étaient de
pauvres enfants qui s'étaient perdus dans la forêt, et qui demandaient à coucher par charité. Cette
femme les voyant tous si jolis se mit à pleurer, et leur dit :
-"Hélas ! mes pauvres enfants, où êtes-vous venus ? Savez-vous bien que c'est ici la maison d'un ogre
qui mange les petits enfants ?"
-" Hélas ! Madame" , lui répondit le petit Poucet, qui tremblait de toute sa force aussi bien que ses
frères, " que ferons-nous ? Il est bien sûr que les loups de la forêt ne manqueront pas de nous
manger cette nuit, si vous ne voulez pas nous retirer chez vous. Et cela étant, nous aimons mieux que
ce soit Monsieur qui nous mange; peut-être qu'il aura pitié de nous, si vous voulez bien l'en prier."
La femme de l'ogre, qui crut qu'elle pourrait les cacher à son mari jusqu'au lendemain matin, les
laissa entrer et les mena se chauffer auprès d'un bon feu, car il y avait un mouton tout entier à la
broche pour le souper de l'ogre. Comme ils commençaient à se chauffer, ils entendirent frapper trois
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ou quatre grands coups à la porte : c'était l'ogre qui revenait. Aussitôt sa femme les fit cacher sous le
lit, et alla ouvrir la porte. L'ogre demanda d'abord si le souper était prêt, et si on avait tiré du vin, et
aussitôt se mit à table. Le mouton était encore tout sanglant, mais il ne lui en sembla que meilleur. Il
reniflait à droite et à gauche, disant qu'il sentait la chair fraîche.
-"Il faut" , lui dit sa femme, " que ce soit ce veau que je viens d'habiller que vous sentez"
-" Je sens la chair fraîche, te dis-je encore une fois" , reprit l'ogre, en regardant sa femme de travers,
" et il y a ici quelque chose de louche."
En disant ces mots, il se leva de table, et alla droit au lit.
-"Ah, dit-il, voilà donc comme tu veux me tromper, maudite femme ! Je ne sais à quoi il tient que je
ne te mange aussi; bien t'en prend d'être une vieille bête. Voilà du gibier qui me vient bien à propos
pour traiter trois ogres de mes amis qui doivent me venir voir ces jours ici."
Il les tira de dessous le lit l'un après l'autre. Ces pauvres enfants se mirent à genoux en lui demandant
pardon; mais ils avaient à faire au plus cruel de tous les ogres, qui bien loin d'avoir de la pitié les
dévorait déjà des yeux, et disait à sa femme que ce serait là de friands morceaux lorsqu'elle leur
aurait fait une bonne sauce. Il alla prendre un grand couteau, et en approchant de ces pauvres
enfants, il l'aiguisait sur une longue pierre qu'il tenait à sa main gauche. Il en avait déjà empoigné un,
lorsque sa femme lui dit :
-"Que voulez-vous faire à l'heure qu'il est ? N'aurez-vous pas assez de temps demain matin ?"
-" Tais-toi" , reprit l'ogre, " ils en seront plus mortifiés."
-" Mais vous avez encore là tant de viande" , reprit sa femme, " voilà un veau, deux moutons et la
moitié d'un cochon !"
-" Tu as raison" , dit l'ogre, " donne-leur bien à souper afin qu'ils ne maigrissent pas, et va les mener
coucher."
La bonne femme fut ravie de joie, et leur porta bien à souper, mais ils ne purent manger tant ils
étaient saisis de peur. Quant à l'ogre, il se remit à boire, ravi d'avoir de quoi si bien régaler ses amis. Il
but une douzaine de coupes, plus qu'à l'ordinaire, ce qui lui donna un peu mal à la tête, et l'obligea à
aller se coucher.
L'ogre avait sept filles qui n'étaient encore que des enfants. Ces petites ogresses avaient toutes le
teint fort beau, parce qu'elles mangeaient de la chair fraîche comme leur père; mais elles avaient de
petits yeux gris et tout ronds, le nez crochu et une fort grande bouche avec de longues dents fort
aiguës et éloignées l'une de l'autre. Elles n'étaient pas encore très méchantes; mais elles
promettaient beaucoup, car elles mordaient déjà les petits enfants pour en sucer le sang. On les avait
fait coucher de bonne heure, et elles étaient toutes sept dans un grand lit, ayant chacune une
couronne d'or sur la tête. Il y avait dans la même chambre un autre lit de la même grandeur; ce fut
dans ce lit que la femme de l'ogre mit coucher les sept petits garçons; après quoi elle alla se coucher
auprès de son mari. Le petit Poucet qui avait remarqué que les filles de l'ogre avaient des couronnes
d'or sur la tête, et qui craignait qu'il ne prit à l'ogre quelque remords de ne les avoir pas égorgés dès
le soir même, se leva vers le milieu de la nuit, et prenant les bonnets de ses frères et le sien, il alla
tout doucement les mettre sur la tête des sept filles de l'ogre, après leur avoir ôté leurs couronnes
d'or qu'il mit sur la tête de ses frères et sur la sienne, afin que l'ogre les prit pour ses filles, et ses
filles pour les garçons qu'il voulait égorger. La chose réussit comme il l'avait pensé; car l'ogre, s'étant
éveillé vers minuit, eut regret d'avoir différé au lendemain ce qu'il pouvait exécuter la veille; il se jeta
donc brusquement hors du lit, et prenant son grand couteau :
-"Allons voir" , dit-il, " comment se portent nos petits drôles; n'en faisons pas à deux fois."
Il monta donc à tâtons à la chambre de ses filles et s'approcha du lit où étaient les petits garçons, qui
dormaient tous excepté le petit Poucet, qui eut bien peur lorsqu'il sentit la main de l'ogre qui lui
tâtait la tête, comme il avait tâté celles de tous ses frères. L'ogre, qui sentit les couronnes d'or :
-"Vraiment" , dit-il, " j'allais faire là un bel ouvrage; je vois bien que j'ai trop bu hier soir."
Il alla ensuite au lit de ses filles où, ayant senti les petits bonnets des garçons :
-"Ah ! les voilà" , dit-il, " nos gaillards ! travaillons hardiment."
En disant ces mots, il coupa sans hésiter la gorge à ses sept filles. Fort content de ce coup, il alla se
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recoucher auprès de sa femme. Aussitôt que le petit Poucet entendit ronfler l'ogre, il réveilla ses
frères, et leur dit de s'habiller promptement et de le suivre. Ils descendirent doucement dans le
jardin, et sautèrent par-dessus les murailles. Ils coururent presque toute la nuit, toujours en
tremblant et sans savoir où ils allaient. L'ogre s'étant éveillé dit à sa femme : -"Va-t'en là-haut habiller
ces petits drôles d'hier au soir." L'ogresse fut fort étonnée de la bonté de son mari, ne se doutant
point de la manière qu'il entendait qu'elle les habillât, et croyant qu'il lui ordonnait de les aller vêtir,
elle monta en haut où elle fut bien surprise lorsqu'elle aperçut ses sept filles égorgées et nageant
dans leur sang. Elle commença par s'évanouir (car c'est le premier expédient que trouvent presque
toutes les femmes en pareilles rencontres) . L'ogre, craignant que sa femme ne fût trop longtemps à
faire la besogne dont il l'avait chargée, monta en haut pour l'aider. Il ne fut pas moins étonné que sa
femme lorsqu'il vit cet affreux spectacle.
-"Ah ! qu'ai-je fait là ?" s'écria-t-il. " Ils me le payeront, les malheureux, et bientôt."
Il jeta aussitôt une potée d'eau au visage de sa femme, et l'ayant fait revenir :
"Donne-moi vite mes bottes de sept lieues" , lui dit-il, " afin que j'aille les attraper."
Il se mit en campagne, et après avoir couru bien loin de tous côtés, enfin il entra dans le chemin où
marchaient les pauvres enfants qui n'étaient plus qu'à cent pas du logis de leur père. Ils virent l'ogre
qui allait de montagne en montagne, et qui traversait des rivières aussi aisément qu'il aurait fait le
moindre ruisseau. Le petit Poucet, qui vit un rocher creux proche le lieu où ils étaient, y fit cacher ses
six frères, et s'y fourra aussi, regardant toujours ce que l'ogre deviendrait. L'ogre, qui se trouvait fort
las du long chemin qu'il avait fait inutilement (car les bottes de sept lieues fatiguent fort leur homme)
, voulut se reposer, et par hasard il alla s'asseoir sur la roche où les petits garçons s'étaient cachés.
Comme il n'en pouvait plus de fatigue, il s'endormit après s'être reposé quelque temps, et vint à
ronfler si effroyablement que les pauvres enfants n'en eurent pas moins de peur que quand il tenait
son grand couteau pour leur couper la gorge. Le petit Poucet en eut moins de peur, et dit à ses frères
de s'enfuir promptement à la maison, pendant que l'ogre dormait bien fort, et qu'ils ne se missent
point en peine de lui. Ils crurent son conseil et gagnèrent vite la maison. Le petit Poucet, s'étant
approché de l'ogre, lui retira doucement les bottes, et les mit aussitôt. Les bottes étaient bien
grandes et bien larges; mais comme elles étaient magiques, elles avaient le don de s'agrandir et de se
rapetisser selon la jambe de celui qui les chaussait, de sorte qu'elles se trouvèrent aussi justes à ses
pieds et à ses jambes que si elles avaient été faites pour lui. Il alla droit à la maison de l'ogre où il
trouva sa femme qui pleurait auprès de ses filles égorgées.
-"Votre mari" , lui dit le petit Poucet, " est en grand danger, car il a été pris par une troupe de voleurs
qui ont juré de le tuer s'il ne leur donne tout son or et tout son argent. Au moment où ils lui tenaient
le poignard sur la gorge, il m'a aperçu et m'a prié de vous venir avertir de l'état où il est, et de vous
dire de me donner tout ce qu'il a de valeur sans en rien retenir, parce qu'autrement ils le tueront
sans miséricorde : comme la chose presse beaucoup, il a voulu que je prisse ses bottes de sept lieues
que voilà pour faire diligence, et aussi afin que vous ne croyiez pas que je sois un menteur."
La bonne femme fort effrayée lui donna aussitôt tout ce qu'elle avait : car cet ogre ne laissait pas
d'être fort bon mari, quoiqu'il mangeât les petits enfants. Le petit Poucet étant donc chargé de
toutes les richesses de l'ogre s'en revint au logis de son père, où il fut reçu avec bien de la joie.
Il y a bien des gens qui ne sont pas d'accord avec cette dernière circonstance, et qui prétendent que
le petit Poucet n'a jamais fait ce vol à l'ogre; qu'à la vérité, il n'avait pas fait conscience de lui prendre
ses bottes de sept lieues, parce qu'il ne s'en servait que pour courir après les petits enfants. Ces genslà assurent le savoir de bonne part, et même pour avoir bu et mangé dans la maison du bûcheron. Ils
assurent que lorsque le petit Poucet eut chaussé les bottes de l'ogre, il s'en alla à la cour, où il savait
qu'on était fort en peine d'une armée qui était à deux cents lieues de là, et du succès d'une bataille
qu'on avait donnée. Il alla, disent-ils, trouver le roi, et lui dit que s'il le souhaitait, il lui rapporterait
des nouvelles de l'armée avant la fin du jour. Le roi lui promit une grosse somme d'argent s'il en
venait à bout. Le petit Poucet rapporta des nouvelles dès le soir même, et cette première course
l'ayant fait connaître, il gagnait tout ce qu'il voulait; car le roi le payait parfaitement bien pour porter
ses ordres à l'armée, et une infinité de dames lui donnaient tout ce qu'il voulait pour avoir des
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nouvelles de leurs amants, et ce fut là son plus grand gain. Il se trouvait quelques femmes qui le
chargeaient de lettres pour leurs maris, mais elles le payaient si mal, et cela allait à si peu de chose,
qu'il ne daignait mettre en ligne de compte ce qu'il gagnait de ce côté-là. Après avoir fait pendant
quelque temps le métier de courrier, et y avoir amassé beaucoup de bien, il revint chez son père, où
il n'est pas possible d'imaginer la joie qu'on eut de le revoir. Il mit toute sa famille à son aise. Il acheta
des offices de nouvelle création pour son père et pour ses frères; et par là il les établit tous, et fit
parfaitement bien sa cour en même temps.
MORALITE
On ne s'afflige point d'avoir beaucoup d'enfants,
Quand ils sont tous beaux, bien faits et bien grands,
Et d'un extérieur qui brille;
Mais si l'un d'eux est faible ou ne dit mot,
On le méprise, on le raille, on le pille;
Quelquefois cependant c'est ce petit marmot
Qui fera le bonheur de toute la famille.
Réécritures et parodies
Sur le site de l’Académie de Créteil, une riche bibliographie de contes et de parodies.
GOUGAUD H., Hachahi le menteur ; Qui a retrouvé le vent.
GRIPARI P., La Sorcière de la rue Mouffetard.
MARTIN GAITE C., Le Petit Chaperon rouge à Manhattan (roman).
MAUPASSANT (de) G., La Parure : cette nouvelle peut être lue comme une parodie de Cendrillon,
qui tourne mal...
PETAN Z., Le Procès du loup (pièce de théâtre).
RIMBAUD A., Conte ; Cendrillon sommeillait....
RIVAIS Y., Les Contes du miroir (recueil de contes parodiques qui plaît aux élèves).
Bande dessinée : parodies du Petit Chaperon rouge par GOTLIB (dans ses Rubriques à brac).
Chanson : TELEPHONE, « Cendrillon ».
Cinéma : voir le film Shrek
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