Mémorandum - Société Gustave Ador

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Mémorandum - Société Gustave Ador
FONDATION GUSTAVE ADOR
chez M. Roger Durand
Route du Grand-Lancy 92
1212 Grand-Lancy
Centenaire du Prix Nobel de la paix au CICR : 1917 – 2017
Mémorandum
état 4
1. Importance de l’Agence et de Gustave Ador
Pendant la Première guerre mondiale, le prix Nobel de la paix a été décerné une
seule fois, en 1917. C’est le CICR (notamment grâce à l’Agence internationale des
prisonniers de guerre) qui en a été honoré, pour son action humanitaire.
Bien au-delà du retentissement de ce prix, l’Agence a complètement modifié la
place du CICR et de Genève dans le monde entier. En apportant à l’institution
humanitaire et à la ville-siège de celle-ci une image extrêmement positive, voire
providentielle. En deux mots, l’Agence a propulsé le CICR et Genève au panthéon
du monde humanitaire.
Autre conséquence indubitable, elle a créé, aux yeux des grands de ce monde, un
capital de bienveillance qui a poussé le président Wilson, par exemple, à imposer
Genève comme siège de la SDN.
On ne sait pas assez que le rôle de Gustave Ador a été décisif dans l’histoire de
l’Agence. Sans vouloir négliger les contributions de ses collègues, on peut avancer
plusieurs hypothèses :
- Dans la conception d’une telle Agence :
A la fin du XIXe siècle déjà, Gustave Ador a été un des principaux meneurs du
CICR à promouvoir la problématique de l’aide aux prisonniers de guerre. Aux 8 e et
9e Conférences internationales de la Croix-Rouge (Londres en 1907, puis
Washington en 1912), il se fait le porte-parole du CICR pour que celui-ci reçoive un
mandat ad hoc.
- Dans le lancement fulgurant de cette institution tellement urgente :
Dès les premiers jours de la Première guerre mondiale, Ador lance l’Agence avec
une rapidité remarquable et un impact déterminé. Comme le prouvent les 158e et
159e circulaires qu’il signe le 15 août 1914 déjà.
- Dans son «innovation», puis son organisation :
Apparemment, tout est à créer, à imaginer, à adapter dans des problématiques
totalement nouvelles et dans une immédiateté à vous couper le souffle. Sans oublier
la gravité des détresses humaines et les quantités bientôt exponentielles de cas à
traiter.
Gustave Ador semble présent dans les questions techniques comme les franchises
postales ou la pénurie de locaux : en septembre déjà, ne met-il pas à la disposition
de l’Agence un étage de sa maison du 8 rue de l’Athénée ?
- Dans son fonctionnement, jusqu’en juin 1917 au moins :
D’une part, il assume des tâches humbles comme l’accueil d’infirmières françaises
dans son domaine de Hauterive en août 1916 ou comme une demande de
renseignement individuelle dont il assure lui-même la rédaction.
D’autre part, il s’engage et innove au plus haut niveau. Inaugurant une pratique tout
à fait nouvelle pour un président du CICR, il se déplace en personne à l’étranger.
Non seulement, il va visiter des camps de prisonniers, en France et en Allemagne.
Mais surtout, il négocie au plus haut niveau avec les belligérants qu’il va voir
personnellement. Enfin, il rédige lui-même les lettres de grande importance comme
celle que le CICR envoie au pape Benoît XV.
- Dans sa « présence » même lorsqu’il réside à Berne
Dès sa nomination au Conseil fédéral, Gustave Ador n’a pas le choix. D’un côté, il
doit passer l’essentiel de son temps dans la ville fédérale. D’un autre, il doit laisser
la direction du CICR et de l’Agence à l’un de ses pairs, en l’occurrence le distingué
égyptologue Edouard Naville qui est son quasi contemporain (ils accusent chacun
72 et 73 ans au compteur).
L’examen des PV de l’Agence, fin 1918 et début 1919, révèle que les membres du
CICR qui sont en fait à la tête de l’Agence ne prennent pas de décision hautement
importante sans en référer à Gustave Ador. Même absent, celui-ci continue donc
d’être présent dans leurs travaux.
En conclusion, nous constatons que l’Agence internationale des prisonniers de
guerre a été pour le CICR, pour Genève et pour la Suisse une institution capitale.
Sans oublier qu’elle apporta tant de réconfort ou de consolation à des milliers et des
milliers de personnes dans le monde entier. Nous pouvons confirmer notre
hypothèse : Gustave Ador en fut l’âme. Et nous croyons pouvoir avancer une
nouvelle hypothèse : de nombreux aspects de l’Agence sont sous-estimés, voire
méconnus.
2. Mieux connaître l’Agence et les conséquences de son activité
2.1.
Survol de la bibliographie
En janvier 1919 déjà, une première et magistrale publication est sortie de presse ;
Etienne Clouzot y met en exergue les présidences de Gustave Ador à la tête du
CICR et de la Confédération, mais elle escamote son rôle comme patron de
l’Agence. L’étude de référence sur le CICR et les prisonniers de guerre paraît en
1981; consacrant une cinquantaine de pages sur le fonctionnement de l’Agence de
1914-1918, Gradimir Djurovic ne nomme même pas Gustave Ador !
D’une manière générale, de telles études laissent dans l’ombre de nombreux
aspects ; par exemple, l’écho de l’Agence dans les pays en guerre ou les retombées
en image de marque pour le CICR, la Suisse et Genève. Par rapport à notre
perspective, elles donnent l’impression d’escamoter quasi systématiquement le rôle
des individus, en premier lieu, celui de Gustave Ador.
Parmi les publications les plus récentes, la thèse de François Bugnion restitue en
partie l’importance du rôle de Gustave Ador, mais le propos de cette publication
magistrale de quelque 1500 pages n’est centré ni sur l’Agence ni son président.
Enfin, les quelques travaux académiques dont nous avons connaissance se
spécialisent sur des aspects pointus, ce qui se comprend aisément ; voir par
exemple, Cynthia Schneider sur Romain Rolland et l’Agence internationale des
prisonniers de guerre en 2006 ou Jessica Pillonel sur La Grande Guerre […]
L’Agence […] et son action en faveur des civils, en 2012. Tous s’inscrivent dans la
perspective qui nous frappe : l’Agence n’a pas eu un concepteur et un patron, elle
est une œuvre joyeusement collective.
Le centenaire de l’Agence
Même dans un pays épargné par la Grande Guerre, la commémoration de l’année
2014 a vu se dérouler plusieurs manifestations à la fois historiques et scientifiques.
Pourtant, le sujet de l’Agence elle-même ne semble avoir été qu’effleuré.
2.2.
Du 29 avril au 20 juillet, la magistrale exposition au musée Rath sur Humaniser la
guerre ? a présenté, pour l’essentiel, les diverses activités du CICR, hier et surtout
aujourd’hui. Mais l’action en faveur des prisonniers de guerre n’a pas fait l’objet
d’une mise en évidence particulière.
Les 26-28 juin, les troisièmes Journées d’études internationales» ont été organisées
par l’association «Genève humanitaire, centre de recherches historiques» avec
l’ «Institut de santé globale de la Faculté de médecine». Sur le thème Humanitaire
& Médecine, elles ont porté sur La Croix-Rouge et la médecine face à la Première
guerre mondiale et à ses suites immédiates. Parmi les quelque trente
communications, aucune n’a parlé du patron de l’Agence, même si la
communication de François Bugnion a présenté le rôle des médecins au sein de
l’Agence comme Frédéric Ferrière, fondateur de la section des civils.
Les 10-12 septembre, le colloque sur La Suisse au milieu de la guerre : 1914-1918
était organisé par la Société d’histoire de la Suisse romande au château de Penthes.
Il a aussi réuni une trentaine de spécialistes. Notre Fondation avait accepté de
soutenir financièrement la publication des actes de ce colloque, parce son thème
pouvait concerner directement Gustave Ador.
D’une part, Corinne de Tscharner a magistralement rappelé la place de la Nouvelle
Société Helvétique, au sein de laquelle notre grand homme éponyme ne semble
s’être guère investi. D’autre part, si la place de Gustave Ador a été brillamment
illustrée par François Bugnion, elle le fut dans la perspective de l’accession au
Conseil fédéral. Enfin, une seule communication, celle du soussigné, a traité de
Gustave Ador, fondateur et patron de l’Agence des prisonniers de guerre, Genève,
19 février 2015, Cahiers de Genève humanitaire, n° 7, (juillet-décembre 2014),
pages 40-52 ; mais en une demi-heure, on peut s’imaginer l’exercice de survol que
ce fut…
Les 26-27 septembre, le CICR – en collaboration avec les Universités de Genève,
de Berne et de Londres - a organisé un colloque sur l’actualité du Droit
international humanitaire, à l’Humanitarium puis à la Faculté des lettres. Quelles
sont les limites de son action ? Quelle applicabilité est la sienne, dans un monde où
l’institution Croix-Rouge est trop souvent bafouée, pour ne pas dire traitée comme
une cible de choix ! A l’évidence juridique et penchée sur les problèmes actuels,
cette manifestation n’a eu relation éloignée avec l’Agence de 1914-1918.
En résumé, les manifestations scientifiques de cette année commémorative n’ont
pas épuisé le sujet de l’Agence des prisonniers de guerre. Nous aurions envie de
dire qu’elles l’ont à peine effleuré. Et pourtant, la matière est belle, prometteuse !
3. Une commémoration en plusieurs volets
Comme cette institution, ces hommes et ces femmes, ont ouvert une nouvelle page
dans l’histoire de l’humanitaire, nous pouvons imaginer une symphonie orchestrée
en plusieurs registres :
- Un colloque scientifique
- Une visite des lieux historiques
- Une exposition qui serait gérée par une autre institution que notre Fondation
- Des actions grand public : sensibilisation dans les écoles, timbre-poste fédéral,
plaque commémorative au 3 rue de l’Athénée (première adresse « officielle » du
CICR), etc.
La Fondation Gustave Ador s’occupera du Colloque scientifique, lui-même
articulé en deux volets.
3.1. Premier volet : l’Agence internationale des prisonniers de guerre
A elle seule, l’Agence pourrait donner lieu à des communications nouvelles et
attrayantes, en vrac :
- Son lancement, dans le contexte du statut d’alors des prisonniers de guerre
- Son organisation, notamment le système numérique alphabétique
- Les volontaires de l’Agence
- Quelques personnalités : Romain Rolland, Stéphane Zweig, Frans Masereel
- Marguerite Frick-Cramer ou l’accession des femmes aux niveaux supérieurs de
l’humanitaire
- Frédéric Ferrière et l’ouverture vers la protection des populations civiles
- Les visites de camps chez les belligérants
- La perception de l’Agence chez les belligérants
- Impact de l’Agence sur la vocation internationale de Genève
- etc.
3.2. Second volet : le prix Nobel de la paix décerné au CICR
Cette haute distinction n’a, semble-t-il, été que peu étudiée, alors qu’elle a
puissamment consolidé l’aura planétaire de l’institution humanitaire. Voici
plusieurs thèmes qui pourraient combler cette lacune :
- La perception par les membres du CICR des prix Nobel de la paix,
après les événements de 1901 et 1902.
- Les motivations du Comité Nobel du Storting norvégien
- La réception du Prix par le CICR : pourquoi ne pas être allé à Oslo
pour le recevoir, en tant qu’institution ?
- Les deux autres prix Nobel de la paix reçus par le CICR en 1944 et en 1963
- etc.
NB : quelques contacts exploratoires montrent que des spécialistes comme la
professeure Irène Herrmann (pour Marguerite Frick-Cramer), le professeur Peter
van den Dungen de Bradford UK (pour les archives de la Fondation Nobel à Oslo),
le professeur émérite Antoine Fleury, l’archiviste émérite de la Croix-Rouge de
Belgique, M. Luc De Munck, ont immédiatement manifesté leur intérêt pour cette
problématique.
4. Collaborations
Ayant décidé à investir énergie et moyens dans une telle opération, la Fondation
Gustave Ador propose des collaborations avec des institutions :
- Comité international de la Croix-Rouge
- Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
- Musée international de la Croix-Rouge
- Sociétés nationales de la Croix-Rouge ou des sociétés actives dans les démarches
historiennes :
- Genève humanitaire, centre de recherches historiques
- Société d’histoire et d’archéologie de Genève
- Institut national genevois
sans oublier des Autorités nationales, cantonales et municipales.
PS : le CICR, le Musée international, Genève humanitaire, ont déjà donné leur
accord pour une participation à définir.
Nous comptons établir des contacts concrets avec plusieurs des pays qui furent
directement partenaires de l’Agence en 1914-1918 : la France, l’Allemagne, la
Grande-Bretagne et Belgique notamment.
Et nous souhaitons aussi bénéficier de la collaboration de pays neutres qui ont joué
un rôle considérable en faveur des prisonniers de guerre comme le Danemark.
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RD / 9 septembre 2015
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