1 - Shodhganga
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1 - Shodhganga
Chao it re VI : La place occupee par Robert Challe dans la pensee religieuse franpaise. n tre La "1 ace occurie ..ar Bobert Chslle Ians la oensee relig euse fr-vHc ai se Alin de aarouer la Diace de Robert Chaile dans la nensee C li.-'ieuse franc aise il faudra indiauer l'influence sur n U * ^ 1 a exercee certains des eerivains frangais oui le suivalent ou mt-me sur ses con temro rams. Mais l’influence dfun auteur sur 1* autre n’est pas la question de la d -''non strati on a athemati oue. En toute rigueu r, on no peut pas demontrer cue c’est Challe et non aueun autre auteur qui a influence la pen see religieuse de Voltaire. On ueut 3eulement le sentir ou au olus en *tre s$r« * Avant d1anurofonair cette question, il faudra ieter un couo d*oeil v. t-K ir la nlnce oue la critique mode me a accordee a Challe dans le deisme O rang ais. o n analysant le systeme de ,freligion naturelle" qui appar&it dans le auatileme cadder des Difficultes sur la religion, certains critiques :onsiderent Chaile comme le fondateur du deisne f rang sis. Ira 0* Wade , Roland Mortier, F. beloffre, M. Menemencioglu ont mis en valeur 1'inoortance du deisme tel aufon lfa conpu en France vers 1710• Au second chapitre de son livre The clandestine organization and diffusion n nhilosoohic ideas in France from 1700 to 17?Q, Ira 0. V/ade dofLnit 1 * ori rinalite des Difficulties sur la religion dans les temes oue void : It represents_one_of the most complete analysis of criticalL a;Oo well as one' of the'most detailed exposition of constructive deism. It was unusual in these essays for the critical deists to pay much attention to constructive deism, or for the constructive deists to expend their time and energies upon critical deism. The author of the Sifficultis, -however, conceived his work in^such a way that the section on constructive Seism became the'logical result' of his attack against the Christian"religion, fhus his critical deism_is. one of the fullest documents we have, .whlle~his constructive deign represents better than any documents we have seen the creed and tenets of constructive deign. " Jela reordsente 1* analyse la plus complete, aussi lien oue 1* exposi tion la olus detaillle du deiane critique ainsi que constructif. C'Ytait rare, dans ces essais, pour les deistes critiques de prfeter attention au deisme constructif, ou pour les deistes constructifs de consacrer ieurs temps et energie au deiane critique. L! auteur des Difficultes a ceoendant congu son oeuvre de telle maniere que la partie sur le deisme constructif est de venue le resultat logique de son attaque contre la religion chretienne. Ainsi son deiane critiaue est 1 *un des documents les plus detailles dont on dispose, alors que son deisme constructif rerresente, mieux oue tout autre document deja vu, le principe et la doctrine du deiane constructif. n Dans 1 'Introduction de son edition des Difficulties sur la rel :r-n ^ on noiano ..or tier •.■•cn ri'ooos ce ce livre ainsi La er-cmiere oririnaiite du mili taire, cf est d 1 avoir place son rro/jet sur ie seul plan du raisonnement theorique, sans recourir a la critique nistorique ou philosophique a :.e pratiaueront 1 rbret, Levesaue de .ort- oieer. rn en ci>0 -i- : • ■■rue, ■ciri. ny et consorts \ !fr f e >.a:nir eon en -194- est un travail infini et qui ne dit rien, mais en philosophe. #. ' I, 14). L'autre originality, c'est dfavoir associy a sa critique des 'religions factices* 11 etablissement d'un system© de religion fondy metaphysiquement sur les Lumieres naturelles, et non sur des faits (Gahier IV)f aboutissant ainsi k yiaborer le premier systfeme cohyrent de deisme qui ait ety congu en France# 2 Cette observation s'est confirmee par F. Deloffre dans son article " Robert Challe, pere du deisme frangais " publiy dans la Hevue d 'Histoire litteraire de la France, 1979, pp# 947-980 et puis dans l'edition des bifficultes sur la religion, 1983; ia Postface le prycise ainsi : " Un systeme aussi fortement congu et aussi clairement exprimy n'a pas son pareil dans la nensee frangaise avant 1710, et mfeme largement au-delk. " 3 Mais Michele Weil, ecrivant sur la contribution de Challe a la pensee frangaise, constate : " Plusieurs critiques accordant k Challe ou a ses predecesseurs l'honneur d’inventions qui appartiennent en fait k A un tres ancien heritage." 4 De mfcme, Setts n'accepte pas l'honneur que Roland Mortier attribue au militaire philosophe. En plus de Gilbert, on peut songer, a ce propos, d’.-ipres Setts, a Lahontan et aux deistes australs, sans oublier 1* auteur anonym e de l'axamen de la religion : " The 1 system ' of the Militaire pnilosophe, if not the first full exposition of deism in French - Gilbert's Calejava has tne prior claim - is certainly the most interesting in the first twenty years of the 18th century." ("Le systeme du Militaire philosophe, si ce nfest pas la premiere plus grande exposition du deisme en frangais - L'histoire de Calejava de Gilbert tient la premiere place - est certainement la plus interessante des vingt premieres annees du XYIII® siecle. "P cetts ecrit encore That the transition from enlightened Christianity to deism should have been made first by him was partly due to chance, since other deiste works are very close in date to his, but shows too that the conditions the appearance of deist thought were fully present. The special reason for Gilbert’s move into deign was unouestionably the huguenot background, indicated injnany passages of the Histoire de Oalejcva. (ff Que la transition du christiani-:me eclaire au deisme ait Gt<? faite tout dfabord par lui (Gilbert) est due, en partie, au hasard , puisque la parution des autres oeuvres deistes est proche de la sienne; mais cela montre aussi la presence de conditions favorabies L 1 ’ apparition de la pen see deiste. Les raisons spe dales oui font cue jriloert sfinteresse au deisme Gtaient, sans doute, son nasse Ox ..uguenot, indique dans plusieurs passages de I’dstoire de Calejava* ' ) w * V'J C<*• * • x exprimer not re opinion sur ce sujet, urocedons a determiner avec plus ou moins de certitude a quel point d1autres aurdent subi l’influence de hobert Challe. d- nnni les livres antichretiens oui circulaient en France dans seconde moitie du XVI11 1a siecle, ce sont les Difficultes sur la religion 1 qui oarurent a Voltaire one oeuvre de qualite excep tionnelle. ho land Mortier presente un tableau de 1’influence exercee par cette oeuvre sur des ecrivains francais. H se refere a une douzaine de lettres ou Voltaire a mentionne cet ouvrage dazi3 les termes les plus elogieux. Oi-dessous., nous on citons ouelaues extraits. “ 1p O- voltaire ecrivit a Bpjnilaville ie 18 novembre 176? (rest. 13o_?’) j en void 1* essential : " II est excellent ; le p. -edebranche nfaurait j serais pu y reoondre. Il fait une tres grande impression dans tous les pays ou l*on aime a misonner ". A un correspond .ant inconnu, vers le '0 fevrier l7o- (nest, 1 3'-24 »» Y a-t-il rien de plus vigoureux, de plus pro fond enent rai sorme, dfecrit avee une doauence plus audacieuse et plus terrible cue le dlitaire philosophe, ouvrage qui court toute lf Europe ? Au Marquis a’Argence (le :2 janvier 1?b8, Best. 13720) : Saves- vous bien ou!on a imp rime en noil and e un petit livre intitule le Philosophe nilitaire ? ... Il n'est Das orthodoxe, rds il est tres bien mi sonne, • Best. ”... qui est beaucoup plus fort, et qui est tres bien 13806) : Encore dans une lettre a Saurin (3 fevrier l7o6 ecrit. " Voltaire ne se borne pas a louer ie livre, il en recommande aussi l1 achat. Bans la lettre au marauds d'Arrence il explicue comment on pent se le procurer (best. !>/20) : n il suffira de passer Par un libraire de Bordeaux et de faire acheminer le paauet oar 1 *entremise du secretaire du marichal de hichelieu ou de celui de l1 in tend ant de la Suyenne. Mais les ouvrares inteidits content cher et aoraraissent souvent comme un luxe reserve a des rrivilegies ". Cet •doge dedent tout de suite significatif, compte tenu de son :::annue de ccnnaissance de I’identite de i hauteur. Somme tout** lf auteur ues -dfficultes sur la relirion lui on rut vers 1 ,;oS celui aui out bn11re en hreche la forteresse de la relid on. > s 197- - ^ -us ces conditions, comment s'etonner cue les Lifficultes sur la r-di Ion aient exercd une influence certaine sur la pensee de l1 auteur v*4. e Canuide ? f. L el off re et .'.enemencioglu ont note, a ce propos, des pages oonsacrees par Ghalle dans ce livre aux " pemicieux exemples " ou bien aux M actions detestables louees et attributes a des inspirations nivines.” Les exemples qu’il y aonne, signalent-ils, avec justesse, seront presque tous repris par Voltaire, comme celui des fils dfHeli ou celui de David. Afin de montrer aue 1 1 argumentation employee par Challe dans les Difficultes sur la religion a influence la maniere de raisonner de Voltaire, nous grenons ses Lettres ohilosophiques* En 1986, une edition du second ouvrage susin&iaue a etc presentee, etablie et anno.'tte par Frederic Deloffre. 7 ii s'exit des remaraues critiaues au’il fait sur les Pensees de Pascal* On ne v.n • oint suggerer cue 1'attitude de Voltaire y est celle d'un disciple, lout ce ou'on voud rai t faire remarauer, c'est oue la methode de rai sonnement urilisee car Gh-lle ainsi que son approche de la religion ont fraye le chemin de voltaire aui a sans doute fait etat en m&me temps de son superbe genie pour en attauuer le fort ekUfice. Le courts extraits iue nous citons ont sour l'objet de faire ressortir un ceu de ce que Voltaire doit au militaire philosophe. Nous laissons au lecteur le soin d*en riuger : -198- En bonne foi, le peuple le plus spirituel de la terre lfaurait-il entendu autrement? Ils etaient esclaves des Remains; ils attendaient un liberateur qui les rendrait victorieux et qui ferait respecter Jerusalem dans tout le monde. Comment avec les lumieres de leur raison, pouvaient-ils voir ce vaili queur , ce monarque , dans Jesus pauvre et mis en croix ? (Lettres philosophiques, p. 166) Je nfai qu'ecrlre dans toutes les ties de I'ArcMpel que je suis le liberateur qui leur a 6t6 promis , que je viens sauver et d£Livrer de la servitude ou languid le reste de ce peuple autrefoi s^celfebre, etc . Ils entendront sans doute que je vaincrai les Turcs et leur rendrai leur place, leur liberte. Point du tout, je ne ferai lien* Ils resteront le jouet dfune nation barbare qui les pille, leur enleve leurs bien3, leurs femmes, leurs enfants, mais je leur d^biterai des paraboles et je leur dirai ensuite: C»est de vos peches que je viens vous d£Livrer, cfest de la servitude de Satan o Djfficultes sur la religion , p. 178. Commeneez, pourrait-on dire a M. Pascal , par convaincre ma raison. Jfai int£rfet, sans doute, qu'il y ait un dieu; mais si dans votre systeme Dieu nfest venu que pour si peu de personnes , si le petit nombre des elus est si effrayant, si je ne puis rien du tout par moi-mfeme, diteo-moi, je vous prie , quel interftt jfai a vous croire ? Nf ai-jeAun interfet visible a fetre pers uade du contraire? De quel front osez-vous me montrer un bonheur infini , auquel, dfun million df homines* a peine un seul a droit dfaspirer ? (Lettres philosophiques, p* 161) ... je confesse que si je suis de ce petit nombre, on peut me demander cet amour de Dieu, mais il y a cent mille fois plus h craindre qu'k espdrer ... (Difficultes sur la religion , p. 34. ou La religion chretienne nous met en bien pire etat, surtout par rapport a la predestination, qui nous porte quasi dans le desespoir du salut , puisque le nombre des elus nfest presque rien en comparaison de celui des rdprouves, sans compter qu*il y a pas de proportion des bien aux maux. Lfetemit£ bienheureuse n'est point a mettre en parallel© avec lf 1* eternity malheureuse, les maux sont oires aue les biens ne sont bons : vous-m&ne aimeriez mieux fetre aneanti que de tirer au sort pour le paradis ou pour l'enfer, n*y ay ant qu'un bon billet contre cent mille de mauvais . (Difficultds sur la religion , p. 57) -199- Cette sincerite (pour gainer le livre sacr£) a partout des exemplea, et n'a sa racine que dans la nature. L'orgueil de chaque Juif est intdressd a croire que ce n'est point sa detestable politi que, son ignorance des arts, sa grossieretd qui l'a peidu; mais que c'est la col ere de Dieru qui le punit. Il pense avec satisfaction qu'il a fallu des piracies pour l’abattre; et que sa nation est toujours la bien aimee du Lieu qui la chatie . Ce peuple garde de nfcme le Talmud , rempli de folies bizarres et monstreuses; tous les autres peuples de la terre gardent eux-mtmes et leurs livres et leurs traditions chargees de comm and ements onereux • (Tjfficulte3 sur la religion^ p. 154) (Lettres philosophlques, p. 164 ) Qu'aurait repondu M. Pascal a un homme qui lui aurait dit : " Je sais que le mystere du pdche originel est l'objet de ma foi^et non de ma raison. Je conpois fort bdenA mystdre ce que c'est que 1' homme. Je vois qu'il vient au monde comme les autres animaux; que 1'accouchonent des meres est plus douloureux a mesure quelles sont plus deli cates; que quelquefois des fames et des animaux fanelles meurent dans 1'enfantement . (Lettres philo sophlques, p. 1 58) Que la fame flit condamnee a enfanter avec douleur, la cause etant unique, cette douleur aevrait fetre egale a toutes les femmes; celles des sauvages n’en sentent presque pas. Mais les femelles des animaux ont-elles participd a cette belle sentence? Elies sont tout de m&ne malades en faisaJit leurs petits, jusqu’k en mouiir, comme il arrive tous les jours. Cela marque manifest ement que ces inconvenient s sont une suite naturelle de la constr uction de la machine. Il y a done beau coup d'apparence que les douleurs de 11 enfant ement ne sont si grandes que par la nature* c’est la manie^re de vivre des femmes et des animaux . Cela est si vrai que les femelles des animaux sauvages sont incontinent delivrees et que lfon n1 en voit point mouiir en travail, ni mtme y rester longtemps, comme celle de ceux que nous avons rendu domestiques. Te m&me les femmes de nos pay sans sont quittes h bien meilleur marche que les duchesses; et enfin les sauvagesses, comme je 1* ai dit, ne souffrent que tres peu . (bjffjcultes sur la religion , p. ibjj) 200- - ... L’homme n’est point une enigme comme vous vous le figurez pour avoir le plaicir de la deviner. L*homme paralt fetre a sa place dans la nature ... il est comme tout ce que nous voyons , mfele de mal et de bien, de plaisir et de peine# Il est pourvu de passions pour agir, et de raison pour gouvemer ses actions# Si 1 fhomme etait parfait , il serait Lieu, et ces pretendues contrailetes que vous appelez contradictions sont les ingredients necessaires qui entrent dans le compose de fhomme. qui est ce qu'il doit %tre • (Lettres philo so phi ques , p# 1 59) Les homines sont tels qu’ils peuvent et qu’ils doivent £tre par leur nature et par rapport au dessein de celui qui les a faits# Ils ne sont pas plus corrompus que la matiere qui est etendue et impenetrable, que les nombres impairs qui n’ont point de moitie , que les triangles, que les astres, que tous les corps, que les pierres aui sont froides et cassantes, au lieu que la laine est chaude et flexible ... Il est de 1’essence de l’homme d* avoir et de sentir des contrarietes, puisqu’il ©3t compose de parties differentes essentiellement : mais ce compose pris en total et dans un juste equilibre, fait un fetre parfait et son genre, comme un arc qui tend incessamment a se redresser, quand sa corie tend incessamment a le tenir courbe. ^a coide tend incessamment a £tre lache, l1 arc tend incessamment a la tenir tendue : voila un monstre de contradiction nour les sots aui voudront crier et trouver un mauvais sujet a faire des declamations, four des esprits raisonnables , ’l’arc est une tres belle machine naturelle et simple , dont les contradictions constituent lfessence ... * ■+■ .k. ( biffieultes sur la religion , p. 2477 “ “ 201 _ L'influence de Clialle sur la pensee et 1’argumentation de Voltaire est done suffisamment demontree par lea ertraits que nous avons citds plus haut . Il est a noter que le raisonn orient dans le dernier exanple ou il ^agit de la raison et des passions procede de la m&ne maniere^ quoiqu'il soit fomule dans les Djfficultes sur la religion d'une faqon encore plus frappante . Clialle fait nieux ressortir 1’interaction de la raison et des passions dans 1'esprit humain en comparant les passions au bois d’un arc qui " porte 8 toute3 les parties de la corde vers ses extranites " et la raison a cette corde qui " resiste a 1'effort et a l'impression de l'arc , le retenant dans 9 son juste etat " . Quant aux persecutions contre les chretiens , Challe les explique par leurs " actions pureoent fanatiques " qui " meiitent des punitions dans 10 tout etat police " voici : " • voltaire en foumit une explication sonblable • La parce qu'ils tendaient a abattre la religion et l’Snpire dont ils vinrent enfin a bout , comme les protestants se sont rendus les mai tres dans les m&nes pays , ou ils furent longtonps bars , persecutes et massacres. 11 U de trouve-t-on pas dans cette explication le mfcne raisonne m ent ? Peut-'fetre ne serait-il pas correct de signaler que chez Voltaire e’est la seule pensee religieuse qui ait ete influencee par les Difficultes sur la religion . Une influence imperceptible semble s’exercer aussi sur certaines idees gcnerales de Voltaire . Par exemple , il sera dispose h. souffrir le aespotisme , des que le aespote sera vigilant , laborieux , - 202 - devoue a la Grandeur de l'Etat . Autrenent dit , ses idees de bonne administration l'inclinent plutftt a aimer le despotiane . Cette conception semble s'fetre insinuee dans son esprit sous 1 influence « du m€me episode que Cliaile conte a titre d'experience personnelle . I»T'ai-je qu'a dire qu'un gouvemeur de place ne doit point doroir, (...1 ? Il serait plus divin de dire qu’un gouverneur doit veiller de toutes ses forces, ne donnir qu'autant que la nature le dec and e absolument et qu'il doit eviter les debauches et les exercises violents et inutiles, qui causent t ft un long sommeil x A c&te de Voltaire , x'autres encore semblent avoir subi 1'influence 4* Robert Challe. -Done, il faut le voir par rapport - a Montesquieu - a Gi bbon - a Diderot - a d'Alanbert - a Rousseau hi verses allusions que Challe fait dans les Djfficultes sur la religion a Rome , aux Romains et a leurELmpire indiquent bien qu'il aurait approfondi l'histoire romaine ♦ Montesquieu paralt porter plus loin ce3 rapides indications de notre auteur • G. Lanson eciit dans l'histoire de la Litterature frangaise pour signaler que la partie des Conslderations ou Montesquieu parle de la grandeur romaine indique une lecture serieuse du Piscour3 sur l'Hjatoire universelle de Bossuet . Mais en ce qui en conceme la decadence , id 203- - Montesquieu, selon lui, " marche seul ". un peu plus loin, Lanson dit : " C'est une partie tres neuve, tres etudi^e et tres originale 14 Parmi les causes de cette decadence, Montesquieu inclut la suite des mauvais empereurs, le partage de 1'empire, la destruction de 1*empire df0ccident par les invasions barbar*«f etc.Mais cet aspect en avait retenu 1*attention de quelqu’un avant lui; cfest, comme le notait Roland Mortier, 1*auteur des Difficultes aur la religion. 11 l'explique dans lea termes que voici : La vie d'un individu depend de 1'organisation de son corps, de son temperament, et de la dissolution du ressort et des pieces qui l'agitent; tout cela s’use, par consequent, le jeu doit en finir, La vie d'une republique ne depend que de 1'uni on morale, de la volonte des hommes; ce qu'il y a de physique est une multitude d'hommes qui sont remplaces par d'autres semblables k mesure qu'il en perit, en sorte que ce peut fetre toujours la mfeme chose. A force de faire sauter et gam harder Polichinelle, il se rompt un fil, une chamiere se demonte, mais on en met un autre neuf, et le jeu entier des marionnettes peut durer etemellement. Il n'y a done dans la nalssance, la continuation, 1' agrandissement, le declin, la decadence et la destruction des corps politiques aucune destinee, fatalite, influences ni autres pareilles causes chimeriques* L'empire romain a peri par ses desordres et par son prop re poids, par 1 ' introduction du christianisme qui a sem£ la discorde et la re volte, par les entreprises des barbares du nord qui se sont trouves en certaines dispositions aventageuses en m&me temps que les Romains etaient dans d* autres contraires. Quand le ciel et tous les astres auraient ete dans une autre situation, quand le nombre des annees de la duree de cette enoime puissance aurait 6t6 plus ou moins grand, tout aurait ete le m^me train; ce sont choses manifestes que la raison comprend et voit sans repugnance, et dont 1'experience ne permet pas de douter. Qui cherche d' autresraisons donne dans le fanatisme et dement ses sens et son jugement; il p ref ere ce qu'il ne voit ni ne comprend a ce qu'il sent et conqoit ais&nent. ^ Lous nous referons d ’ ailleurs, en passant, aux generalisations de Montesquieu. £n voici deux : bn etat dechire par la guerre civile menace la liberte des autres, et qu'il se forme de grands hommes dans les -204- ) 1 ^ les^ Certains critiques ont d^ja reproche h. Challe d1 avoir guerres civa fait des generalisations. Mais on pourrait peut-fctre le lui pardonner, com pte tenu des generalisations de Montesquieu qui ,f conduisent h. 6viger temerairement, comme le disait G. Lanson, une fois dans 1 ’histoi re. " en lois les phenomfenes apertjus 17 Les idees de Gibbon sur 1* empire romain sont retrouv^es par F. Leloffre dans la remarque de Challe que nous avons dejk citee (Cf. no te or i p. 203, i ;). On lui reconnait une excellente histoire de 1*empire romain mais voit en mfcme temps en elle une sorte de these qu'il soutiendra plus tard# Diderot n’entend pas moins souligner 1'importance du Militaire philisophe en le signalant a Sophie Voland des le 24 septembre 1767 dans a une liste de six oeuvres antichretiennes. Il exprime son amertume devant la politique religieuse du gouvemement dans une lettre a Falconet, datee du 6 septembre 1767 : et ruineuse, " Le vous ai-je pas dit que, grace a une intolerance ridicule tous nos manuscrits passaient en Holland© et n!en reviennent imp rimes qu'a des prix exorbitants " ? 18 Diderot aurait peut-fetre lu cet ouvrage qu’il admirait implicitement. On croit entendre le Diderot des Pens^es ghilosoghicjues lorsque le Militaire philosophe £crit : Le christianisme prescrit une perfection impossible. Que serait-ce si tout le monde gardait sa virginity, si tout le monde se donnait a la contemplation ? Le bel effet qu’a produit cette morale ! ^ De m£me, le 22 septembre 1767, d'Alembert £orivit k Voltaire i 205- - II nous pleut ici de Hollande des ouvrages sans nombre contre 1*infame . C'est la Theologie portatoire, 1 Esprit du clerge, les P rfetres demasques, le Militaire philosophe, le Tableau de 1’esprit humain , etc ... etc.. • etc7 II semble au’on ait~~resolu de faire le sifege de l'infame dans les formes, tant on jette boulets rouges sur la place ; il est vrai qu'elle ne sera pas sitftt prise; car c’est le feld-marechal Riballer qui y commande.. • 20 done, d'Alembert eut la possibility de lire cet ouvrage . On songe a d’Alembert du Rfeve quand le Militaire ecrit a propos de la Resurrection : 11 ne faut pas 6tre grand physicien pour voir que ce corps raort change de substance, qu’apres avoir et6 herbe, legume ou fruit, il reaevient chair ou sang d’un autre homme , et successiYement de plusieurs milliers d'hommes par le mfime moyen . 21 ^1 On voit une influence certaine du Militaire philosophe sur la pensee •eligieuse de Rousseau . M. Deloffre signale , avec juste raison , que le passage 3uivant permettra de rapprocher du debut des Confessions : auoi qufil en soit, je prends Dieu k temoin, qui est mon createur et mon juge, que je nfai aucune mauvaise intention. Je me pique d*equite et de droiture, j ' ai rafeme une humanity tendre qui n’est au'une vertu de temperament; je ferais avec joie un sacrifice, non de ma vie, dont je fais peu de cas, mais du repos dans lequel je m* offeree de passer ce qui m’en reste, pour procurer aux homines une parfaite concorde et une heureuse paix, qui les rendit tous contents les uns des autres; je voudrais qu'ils s’aimassent et s'entretraitassent avec justice comme la nature les y engage si fortement et si cl ai remen t . Je crois et crains Bleu et me feliciterais beaucoup, quelque chose qui m*en arrivat, si je pouvais contribuer par I’usage de mes petits talents a ce que le genre humain donnat a l'fetre parfait, son createur et son juge, toute la gloire pour laquelle il l’a cr^e . Je ne cherche ni a me faire riche, ni a me donner un nom dans le monde, je consens de vivre pauvre et inconnu comme je suis: ce souverain &tre sait si c’est mon coeur qui parle . -20o- a seulo utility, ou pi <tS>t r.a 3eule n^cessit^, m'a enr,ag£ dans ce travail cue je n'ai entreprla que pour moi seul. La force de 1' Education est si grande que mille raison.s et mille lunicres qui brillaient de temps en temps et m' dclairaient l'esprlt, n'-^taient cue comme un eclair qui cissipe ur. instant l'obscurite de la nuit rnais dor.t on ne fait point d 'usage, au cor.traire on en reste ;bloui et ^pouvant^; je retombais toujours ■; an s 19 3 travers ~ue causent les affreuses menaces dont on a 4t>' oe r~ ^ je voulais rappeler ce3 raisons et cea lumi&res, m-is olles ne se rep re sentalent plus* Je m'avisai ue mettre sur le papier tout ce qui me viendrait h mo sure que j’en semis franpd, j’y joignis les reflexions qui n coulaient natorellement, sur quci j’ai depuis meditJ de toutes res forces; ensuite, j’ai tout dispose dans le meillcur ordre lue j’ai pu, et en ai enfin compose cet ouvrage, range ant les chose3 sous quatre titres et les liant aut-ant que j’en suis c enable, pour consul ter la-dessus 1’auteur de La Recherche de la V-'ri te. 22 O.alement, Ira- C. bade a montr^ que certains paragraphes du cahier IV, Lection III, Art. V, sur le nasaitl et la destinee rappelaient les id4es de Montesquieu dans les Considerations, alors cue ceux de la V 1’instraction et du cult© priv^ a'une reli^gicn naturelle, 0 Section, de annonqaient les theses de Rousseau dans le chapitre Le la Religion civile du Contrat Social- Conclusion ans le present chapitre, nous a von s releve des points de comp a raison « entre 1'oeuvre de Challe et celle de certains autres ?crivains franqais. Cn -207- peut les multiplier autant qu'on veut. M£me peu de rapprochements deja indiqu^s font mieux ressortir tout ce que ceg auteurs doivent au Militaire philosophe et laissent peu de place k une conclusion differente de celle que nous allons en tirer. Compte tenu de son influence certaine sur la pensde religieuse des autres ecrivains frangais, notamment Voltaire et Rousseau, il faut voir en Robert Challe le "chef" du deisme frangais et le grand penseur @ qui a ouvert la voie a la philosophie du XVIII siecle. Cfest sans doute pourquoi la critique le regarde comme l*un des auteurs de premier plan dans la periode 1/00-171 q. La place tres elevee que la critique modeme a accordee k Robert Challe dans la pensde religieuse frangaise n’est que bien merit^e.