des Arméniens

Transcription

des Arméniens
n°6 av r il 2007
Le génocide
des Arméniens
Un Martinérois raconte
[
Journal du
Musée de la Résistance et de la Déportation
& de la Maison des Droits de l’Homme
RÉSISTANC E
& DROITS
DE L’HOM M E
édito
interview
Dans le cadre de l’Année de l’Arménie
en France, la Direction de la C ulture
et du Patrimoine du C onseil général
de l’Isère et le Service du Patrimoine
de la Ville de Saint-M artin-d’Hères ont
décidé de faire traduire de l’arménien
et de co-éditer les mémoires de Yervant
Der Goumcian, rescapé du génocide des
Arméniens, réfugié en France, dans la
région grenobloise en 1926.
Réalisée autour du témoignage de Yervant Der Goumcian,
l’exposition Le génocide des Arméniens, un Martinérois
raconte, porte un éclairage historique et politique original sur les conditions et les conséquences du génocide
des Arméniens. L’arrivée au pouvoir du gouvernement
Jeune-Turc, les persécutions envers la population arménienne, les déplacements de populations, les exactions
dont elles sont victimes, sont autant d’éléments de la
tragique histoire arménienne que rappelle l’exposition.
Rencontre avec Raymond Kévorkian, spécialiste de l’histoire arménienne et traducteur des mémoires de Yervant
Der Goumcian
Manifestation organisée dans
le cadre d'Arménie, mon amie.
Année de l'Arménie en France
Qu’un Musée de la Résistance et de la Déportation, qui
traite aussi des Droits de l’Homme, présente une exposition sur le génocide des Arméniens ne devrait étonner
personne. Certes les faits sont établis, y compris par une
loi de la République1, mais il reste toujours utile d’y
revenir. Pourquoi ? Parce qu’ils sont imprescriptibles et
participent de l’histoire de l’humanité, que partout dans
le monde le peuple arménien entretient avec ferveur leur
mémoire, et qu’en cette année de l’Arménie, le moment
est opportun de les rappeler. L’occasion est bonne, aussi,
d’exprimer notre solidarité aux milliers d’Isérois qui,
demeurant fidèles à leur origine arménienne, de Vienne
à Grenoble, combattent les négationnistes et veulent que
l’histoire serve.
Pour cela, nous disposions de deux ouvrages. Le premier fera date dans l’historiographie du génocide car
jamais encore son processus n’avait été étudié avec autant
de rigueur et d’exhaustivité. Il s’agit du livre de Raymond
Kévorkian, publié en 2006 aux Editions Odile Jacob :
Le génocide des Arméniens. Le second, un volumineux
manuscrit en arménien, conservé depuis peu par la Direction du patrimoine de la Ville de Saint-Martin-d’Hères,
contient les mémoires de Yervant Der Goumcian, rescapé
du génocide et réfugié en Isère en 1926. Raymond Kévorkian semblait tout désigné pour les traduire. Il accepta
et nous lui en sommes très reconnaissants.
L’exposition Le génocide arménien – Un Martinérois
raconte, s’inspire de ces deux livres à la fois, des tribulations d’un arménien ottoman, dont la parution coïncide avec l’inauguration de l’exposition, autant que de la
somme que constitue le « livre-monument » de Raymond
Kévorkian. Ainsi la grande histoire et la petite se croisent et se complètent, livrant une représentation nouvelle
de l’extermination des Arméniens d’Asie Mineure et de
ses conséquences. La décision, nous le savons, est prise
par le sultan Abdülhamid II, relayée et mise froidement
à exécution par les responsables du mouvement JeunesTurcs. Mais elle n’apparaît pas ex-nihilo, explique
Raymond Kévorkian. Elle relève, nous dit-il, d’une idéologie qui mûrit lentement au cours du XIXe siècle et fait
valoir que seuls les plus forts seront victorieux, dans
la sélection naturelle où sont sensées s’affronter les
races humaines. Ces théories racistes, nationalistes et
1- CF la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance
du génocide arménien de 1915
1
]
La famille Der Goumcian, Varna
(Bulgarie), printemps 1924, coll.
Ville de Saint-Martin-d’Hères.
interview
Raymond Kévorkian, pouvez-vous nous
dire quelques mots de votre parcours en
tant qu’historien chercheur, spécialiste
de l’histoire arménienne ? Quel est votre
travail à la Bibliothèque Nubar et le rôle
de cette institution ?
Ma thèse de doctorat, soutenue en 1980,
portait sur l’histoire culturelle des Arméniens aux XVIe et XVIIe siècles. Elle a été suivie d’autres travaux, sur la même période,
concernant l’histoire sociale, religieuse et
diplomatique, ainsi que des travaux de philologie, comme le catalogue des manuscrits
arméniens de la BNF. J’ai également monté
des expositions didactiques sur le Livre
arménien à travers les âges (Musée de la
Marine de Marseille, 1985), Arménie 3 000
ans d’histoire (1988), Tapis et textiles arméniens (1990).
Je me suis aussi passionné pour l’histoire
sur la longue durée. J’ai exprimé cette passion dans deux expositions organisées par
la BNF (Arménie, entre Orient et Occident,
1996), où j’ai travaillé dix-sept ans, et par
Paris-Musées (Ani, capitale de l’Arménie en
l’an 1000, 2001) et les livres-catalogues les
accompagnant. Je me suis tout spécialement
intéressé à la notion d’échange entre les civilisations en suscitant une réflexion collective sur cet élément moteur.
C’est en prenant la direction de la Bibliothèque Nubar, en 1987, que
j’ai été amené à m’intéresser
à des sujets plus contemporains, d’abord à des questions démographiques et
sociales au tournant du XXe
siècle (Les Arméniens dans
l’Empire ottoman, en collaboration avec Michel
Paboudjian), avec toujours
au cœur de mon travail les
problèmes de territorialisation. Par la suite, j’ai publié
Raymond Kévorkian 2007
plusieurs monographies
sur les violences de masse en milieu
ottoman (1997 et 1999) et des recueils de
sources. Plus récemment encore, j’ai entamé
avec un collègue, des recherches sur la
« reconstruction » du monde arménien
après le Génocide (Les Arméniens, la quête
d’un refuge (1917-1939), Beyrouth, Presses
de l’USJ, 2006). Le fait de travailler dans une
institution comme la Bibliothèque Nubar
de l’UGAB, riche en fonds d’archives,
m’a presque naturellement poussé vers la
période contemporaine. On y accueille du
reste la plupart des doctorants et chercheurs
qui travaillent sur des sujets d’actualité ou
plus anciens. En quelque sorte, cet outil
contribue à irriguer les études arméniennes
2
et à dynamiser une vie culturelle : c’est en
son nom que plusieurs expositions ont été
organisées. La prochaine va se tenir à la Cité
Nationale de l’Histoire de l’Immigration,
avec laquelle nous collaborons, de même
que l’Université Saint-Joseph de Beyrouth,
phare de la francophonie au Liban.
J’enseigne par ailleurs depuis deux ans, à
l’Institut français de Géopolitique (Université Paris VIII), la géopolitique du « monde
turc » et du Caucase, où l’histoire se met au
service de la compréhension du présent.
Cette interview nous donne l’occasion de
revenir sur la parution récente de votre
livre Le Génocide des Arméniens2, un
livre-monument essentiel pour comprendre
le génocide des Arméniens.
Quel a été l’objectif de ce travail ?
Ma longue fréquentation des XVIe et XVIIe
siècles ottomans m’a beaucoup servi et, je
l’espère, donné un peu de profondeur
historique à ma réflexion. Ce que j’ai dit
précédemment de mon cursus laisse deviner que j’ai travaillé par étape, en publiant
des études sur des points précis concernant
le sujet, comme pour me préparer à
l’épreuve que constitue la rédaction d’un tel
ouvrage. Préparation intellectuelle et aussi
psychologique, afin de garder, autant que
possible, la distance nécessaire à l’étude d’un
objet aussi particulier qu’un génocide.
L’objectif était de faire un bilan des nombreux travaux qui ont été publiés sur le
génocide des Arméniens au cours de ces
dernières années, en y apportant moi-même
une contribution originale grâce à la mise
en œuvre de matériaux d’archives méconnus ou mal exploités. J’y ai adopté un parti
pris : traiter le dossier comme une question
intérieure ottomane, en négligeant la
dimension internationale de la question
arménienne qui a déjà été abondamment
traitée. J’ai aussi décidé de privilégier
l’examen des faits au niveau des élites
jeunes-turques et arméniennes qui sont les
principaux acteurs de l’événement, pour
mieux comprendre comment le parti
jeune-turc se radicalise progressivement au
point de mettre en œuvre un programme
d’extermination de la population arménienne pour parvenir à son idéal de création d’un État-nation turc vidé des groupes
non-turcs. Bref l’idéologie jeune-turque, inspirée du darwinisme social, a été méthodiquement démontée.
La partie centrale de l’ouvrage vise à territorialiser le génocide, à l’examiner région
par région, pour mieux dégager des leçons
sur le processus génocidaire et les moyens
mis en œuvre par exemple par l’Organisation spéciale, le bras armé du Comité
édito (suite)
central jeune-turc. Mais c’était aussi une
manière de restituer aux descendants des
rescapés un peu de leur histoire familiale.
On ne peut refaire l’histoire de chaque victime, mais l’on peut essayer de restituer le
sort subi par chaque groupe, chaque convoi
de déportés, chaque région.
Vous avez également accepté de conduire
l’édition des mémoires d’un rescapé du
génocide, Yervant Der Goumcian.
Pouvez-nous décrire les phases de
réalisation de ce travail ? Quels sont les
apports de ce témoignage à l’histoire ?
Il existe des centaines de témoignages ou de
mémoires de rescapés, chacun apportant sa
propre représentation des événements. Le
témoignage de Yervant Der Goumcian a
ceci de particulier qu’il s’étend dans la
durée, jusqu’aux années 1950, englobant
dans une volonté de conserver la mémoire
des événements l’avant génocide et l’après
génocide, ce qui est très rare. La plupart des
témoignages s’arrêtent aux portes de la
France ou du pays d’accueil.
Comme le manuscrit en trois volumes ne
faisait pas moins de 1 500 pages, il y avait
un choix à faire. Il était bien sûr hors de
question de le résumer, mais plutôt d’en
dégager les parties les plus significatives
donnant à voir l’histoire du groupe. C’est
donc environ un tiers du texte original qui
a été sélectionné, traduit et annoté par mes
soins, avec l’aide précieuse des collaborateurs de la Direction de la culture et du
patrimoine du Conseil général de l’Isère,
en particulier d’Olivier Cogne, qui a
coordonné le travail, et ceux du Service du
patrimoine de la Ville de Saint-Martind’Hères, en particulier de Pierre Vieuguet,
son directeur.
Quatre points forts se dégagent de l’œuvre
de Yervant Der Goumcian : son expérience,
rare, à Bandırma, ville de garnison de la mer
de Marmara, durant la Première Guerre
mondiale, où il survit alors que l’ensemble
de la population arménienne a été déportée ; l’ambiance pesante à Constantinople à
la veille de l’entrée des Kemalistes en ville ;
la vie des réfugiés arméniens en Bulgarie au
lendemain de l’exode post-kémaliste ; son
témoignage sur le vif concernant les circonstances de la formation de la communauté
arménienne de Grenoble et ses environs. ◗
xénophobes culmineront bientôt dans le nazisme avec
les terribles conséquences que l’on sait. Formés aux
grandes écoles de l’Europe occidentale, les Jeunes-Turcs,
s’en inspirent pour défendre le turquisme. Et c’est alors
que toute cohabitation avec les autres groupes de l’Asie
Mineure leur devient intolérable. Première communauté
non musulmane du pays, les Arméniens, en sont alors les
victimes. Ainsi étudié, ce génocide se raccorde aux suivants, à celui des Juifs, des Cambodgiens, des Tutsis… et
au idéaux nationalistes exacerbés qui les provoquent.
Voilà qui devrait dissiper les doutes de ceux qui se demanderaient encore si une exposition sur le génocide des
Arméniens a sa place dans un musée de la Résistance.
La famille Der Goumcian,
Saint-Martin-d’Hères, printemps 1937, assise
au premier rang Hayrenitsa, belle-sœur de
Yervant, coll. Ville de Saint-Martin-d’Hères.
2- Paru aux éditions Odile Jacob en septembre 2006.
3
La chronologie du génocide des Arméniens
1878 : Traité de San Stéfano et de Berlin : premiers essais de concertation des puissances
européennes en faveur des Arméniens de l’Empire ottoman.
1894-1896 : Massacres “hamidiens” (300 000 victimes).
1908 : Arrivée au pouvoir ottoman du parti Union et Progrès (Ittihad).
1909 : Massacres d’Adana (30 000 victimes).
Août 1914 : Mobilisation des tchétés (brigands) de l’Organisation Spéciale (secrète),
sous la direction du Comité Central du parti Union et Progrès, présidée par le Dr Bahaeddin
Chakir, l’un des théoriciens du génocide.
3 août 1914 : Mobilisation générale. Les Arméniens membres de l’armée ottomane seront désarmés
dès le début de l’année 1915 et progressivement exterminés.
6 septembre 1914 : Mise sous surveillance des dirigeants politiques et communautaires arméniens
sur ordre du ministre de l’Intérieur, Mehmed Talât.
Février 1915 : Le député arménien de Van, Vramian, envoie une note à Talât.
24 avril 1915 : Arrestations, déportations, puis mises à mort de 650 intellectuels, religieux,
enseignants, dirigeants politiques arméniens.
Printemps-automne 1915 : Exécutions, déportations et massacres à travers toute la Turquie.
À l’automne 1915, environ 800 000 Arméniens ont été exterminés (ou pour quelques milliers
d’entre eux convertis à l’islam).
24 mai 1915 : Avertissement des Alliés adressé à la Turquie, accusée de « crimes contre l’Humanité
et la Civilisation » envers les Arméniens.
27 mai 1915 : La promulgation de « la loi provisoire de déportation des populations suspectes »
est annoncée.
10 juin 1915 : Promulgation de la loi des « biens abandonnés », autorisant la confiscation et la vente
des biens des déportés sous le prétexte de conserver les capitaux « en lieu sûr », afin de les
« restituer » après la guerre. Le 26 septembre, une autre loi relative aux biens des déportés sera
promulguée. Gwinner, directeur de la Deutsche Bank, résuma ainsi la loi « – 1. Tous les biens des
Arméniens sont confisqués, – 2. Le gouvernement empochera les crédits des déportés et paiera
(ou non) leurs dettes ».
Automne 1915-Automne 1916 : Deuxième phase du génocide en Syrie-Mésopotamie : « environ
630 000 morts, dont près de 200 000 massacrés dans les régions de Ras ul-Aïn et de Deir Zor. »
Novembre 1915 : La France s’engage « en accord avec les Alliés », à ne pas oublier « les souffrances
atroces des Arméniens », « lorsque viendra l’heure des réparations légitimes » et « à assurer à
l’Arménie une vie de paix et de progrès » (Aristide Briand).
31 octobre 1918 : Capitulation de l’Empire ottoman, signature de l’Armistice de Moudros.
1er novembre 1918 : Fuite vers l’Allemagne des principaux dirigeants jeunes-turcs.
Juin 1919 : Le Grand Vizir déclare lors de la Conférence de la Paix qu’il s’est produit en Turquie
« des méfaits qui feront trembler pour toujours la conscience de l’Humanité ».
5 juillet 1919 : Verdict du « Procès des Unionistes » ; condamnation à mort par contumace d’Ismaïl
Enver, Mehmed Talât, Ahmed Djemal et du Dr Ahmed Nazim par la cour martiale turque.
Printemps 1920 : Formation du mouvement nationaliste turc sous la direction de Mustafa Kemal,
visant à la préservation de l’intégrité territoriale de la Turquie. Création d’un contre-gouvernement
à Ankara.
10 août 1920 : Le Traité de Sèvres stipule dans un article que le « gouvernement ottoman
reconnaît » aux puissances Alliées le droit de poursuivre en jugement et de punir les responsables
des massacres et déportations.
Septembre 1920 : Offensive kémaliste dans le Caucase. La République d’Arménie cède Kars,
Ardahan, et le Mont Ararat.
1921-1922 : Plusieurs criminels jeunes-turcs réfugiés à Berlin dont Mehmed Talât et Bahaheddin
Chakir, sont exécutés par des militants arméniens. L’assassin de Talât, Soghomon Tehlirian, est
acquitté à l’issue d’un procès qui s’est tenu à Berlin, reconnaissant la responsabilité turque dans le
génocide.
Février 1921 : Aristide Briand négocie à Londres l’abandon de la Cilicie à la Turquie.
1er novembre 1921 : Libération par les Britanniques de 53 internés jeunes-turcs de Malte, pour la
plupart impliqués dans la destruction des Arméniens.
24 juillet 1923 : Le Traité de Lausanne ne fait mention ni de l’Arménie ni des Arméniens ni des
massacres ni des crimes contre l’Humanité, cédant aux exigences du régime kemaliste.
4
Colonne de déportés arméniens, 1915
Coll. Bibliothèque Nubar de l’UGAB,
Paris
Mehmet Talât Pacha
Ministre turc de l’Intérieur
(1909-février 1917), principal
responsable des ordres
d’extermination.
Coll. Centre de documentation et
d’information arménien de Berlin
Déportés arméniens dans les camps
de Mésopotamie, 1916
Coll. Centre de documentation et
d’information arménien de Berlin
la publication
Une mé moire
pour l’histoire
L’ouvrage Une mémoire arménienne qui
vient de paraître, à l’initiative de la Direction du Patrimoine du Conseil général de
l’Isère et du Service du Patrimoine de la Ville
de Saint-Martin-d’Hères, est bien plus que
le récit d’une vie. En écrivant, dans sa langue
maternelle, quelque 1 500 pages, Yervant
Der Goumcian a rédigé des pages d’histoire
qui contribuent véritablement à une
meilleure connaissance du génocide des
Arméniens. Un témoignage que l’historien
Raymond Kévorkian a rendu accessible par
un remarquable travail d’édition, en faisant
le choix des parties les plus significatives
qu’il a traduites et commentées.
Du village de Medz Nor Kiugh (alors dans
l’Empire ottoman) où il naît en 1894, jusqu’à son arrivée en France, et son installation en Isère, dans les années 1920, Yervant
conserve une mémoire étonnamment précise des faits dans lesquels se mêlent l’histoire familiale et celle de tous les Arméniens
ottomans confrontés aux massacres de
masse que le gouvernement des JeunesTurcs organise entre 1915 et 1916. En poursuivant son récit bien au-delà de l’exil, Yervant Der Goumcian livre également un
témoignage d’un intérêt majeur sur les
conditions d’existence de la diaspora arménienne de la première génération et qui
montre bien la permanence du lien communautaire. Un parcours de migrant qui fut
celui de nombreux Arméniens réfugiés en
France et qui atteste de la capacité d’intégration de cette population déracinée.
Dans son œuvre qu’il qualifie lui-même de
« Mémorial » (Hichadagaran), Yervant Der
Goumcian su également préserver de nombreuses archives, photographies ou encore
documents officiels, comme autant de
témoignages qui illustrent désormais le livre
Une mémoire arménienne.
Un ouvrage pour lequel on peut sans nul
doute exprimer qu’il a respecté le travail de
son auteur et sa volonté de le rendre « utile
aux écrivains arméniens ou aux historiens ». ◗
Photographie de Yervant
Der Goumcian, prise à
Bursa fin juillet 1917
Coll. Ville de
Saint-Martin-d’Hères
Yervant posant devant
des instruments de
musique, Bandırma,
printemps 1917, coll. Ville
de Saint-Martin-d’Hères
La vie de Yervant Der Goumcian en quelques dates
10 décembre 1894 : Naissance à Medz Nor Kiugh, un bourg arménien situé au sud-est du lac
d’Iznik, dans le vilayet de Bursa.
Août 1908 : Établissement, avec sa famille, à Bandırma, un port de la mer de Marmara, proche
de Bursa (Empire ottoman). Yervant est placé comme apprenti-bottier.
Automne 1914 : Yervant Der Goumcian obtient un certificat médical des autorités militaires
l’exemptant du service. Il survit comme musicien durant les années de guerre.
25 février 1919 : Mariage de Yervant avec Nevart Tchaker Hagopian à Bandırma.
16 mai 1920 : Naissance de leur fille Siranouch à Bandırma.
Août 1921 : Yervant abandonne la musique et ouvre une boutique de quincaillerie à Bandırma.
4 février 1922 : Décès de la mère de Yervant.
17 août 1922 : Yervant et sa famille fuient Bandırma pour Constantinople avant l’entrée des
troupes kemalistes dans la ville.
16 novembre 1922 : Les Der Goumcian obtiennent un visa pour la Bulgarie et quittent
Constantinople par bateau.
Novembre 1922 : Les Der Goumcian s’installent à Choumèn, une petite ville de Bulgarie.
Décembre 1923 : Les Der Goumcian s’établissent à Varna, sur la Mer Noire. Yervant assure le
quotidien en jouant le soir dans les tavernes du port.
8 février 1924 : Naissance de leur deuxième fille, Marie, à Varna.
1er mars 1926 : Décès du père de Yervant, le R. P. Goumsi, à Varna.
11 juillet 1926 : Départ pour la France de la famille Der Goumcian, grâce à un contrat de travail.
21 juillet 1926 : Arrivée à Marseille.
24 juillet 1926 : Installation à Lancey, en Isère.
3 août 1926 : Embauche de Yervant à la papeterie de Lancey.
7 octobre 1927 : Embauche de Nevart à la Biscuiterie Brun de Saint-Martin-d’Hères.
17 octobre 1927 : Embauche de Yervant à la Biscuiterie Brun de Saint-Martin-d’Hères.
Novembre 1927 : Installation des Der Goumcian à Saint-Martin-d’Hères.
Septembre 1939 : Yervant et Nevart sont licenciés de la Biscuiterie Brun.
Décembre 1946 : Embauche de Yervant dans l’usine de matière plastique Marbrosam de
Grenoble.
20 octobre 1947 : Le Journal officiel publie le décret de naturalisation de Yervant et Nevart Der
Goumcian.
27 novembre 1960 : Yervant part en retraite.
1962-1964 : Yervant rédige ses mémoires, soit 1 500 pages, en trois volumes.
2 mai 1976 : Décès de Yervant Der Goumcian à La Tronche, en Isère.
5
la prochaine expo
Le 26 octobre prochain, le M usée de la Résistance et de la
Déportation de l’Isère / M aison des Droits de l’Homme consacrera
sa prochaine exposition temporaire à la mémoire des chômeurs et
précaires de l’Isère de 1975 à aujourd’hui. C ette exposition est
réalisée à l’initiative de l’association GALLO, dédiée à la
reconnaissance et à la reconstruction de l’identité des chômeurs
de longue durée, avec le concours de deux
cinéastes-documentaristes, d’un photographe et d’un écrivain.
Rencontre avec Christian Devaux, 55 ans,
fondateur de l’association GALLO et chômeur de longue durée.
Comment est née l’idée d’une association
visant à la reconstruction de l’identité des
chômeurs de longue durée ?
Elle découle de mon parcours professionnel et personnel. J’ai travaillé dans quatre
entreprises différentes au cours de ma vie
et j’ai été licencié quatre fois pour raisons
économiques. La première fois, j’avais déjà
20 ans d’ancienneté, j’étais encore assez
costaud physiquement et moralement, je
n’étais pas inquiet, je pensais retrouver du
travail. Mais non, on ne retrouve pas tout
de suite alors j’ai cherché pendant deux ans,
ça a été dur et puis j’ai retrouvé un travail,
ça n’a duré qu’un an et puis même schéma,
dernier rentré, premier sorti ! Deux expériences similaires ont suivi, jusqu’en 1991 et
mon dernier licenciement, où quelque
chose s’est cassé, cette fois-ci je n’avais plus
envie, je n’avais plus la force de recommencer. Je ne voulais plus aller à l’usine mais
quoi faire d’autre, j’ai commencé à travailler
à partir de 16 ans, je ne sais pas faire autre
chose. Je ne trouvais pas de solution, je tournais en rond, j’ai été bloqué psychologiquement pendant de nombreuses années
jusqu’au début des années 2000, à tel point
que des amies me disaient : « tu ne peux pas
continuer comme ça, tu vas au fond du
gouffre, il faut que tu fasses quelque chose ».
Au moment du mouvement de révolte des
chômeurs en 1998, j’ai rencontré beaucoup
de personnes dans la même situation que la
mienne, sinon pire, des chômeurs de longue
durée sans reconnaissance, sans identité,
psychologiquement détruits. Petit à petit
est venue l’idée de créer une association de
reconstruction de l’individu pour des gens
qui subissent le chômage depuis longtemps,
qui sont dans la précarité, être utile et par
ce biais là pourquoi ne pas créer sa propre
activité professionnelle.
Comment s’est concrétisé cette idée ?
Ca a pris du temps, il a fallu que l’idée
mûrisse dans ma tête et puis y a eu des
déclics dont un majeur, le décès soudain
d’un ancien camarade de travail avec qui
j’avais travaillé plus d’une quinzaine
d’années, qui a été licencié et qui a connu
6
la précarité, les petits boulots, etc. Et de là
est venue l’idée du nom de l’association, de
son nom, Dominique Gallo, qui a donné le
Groupement d’Activités Locales Libres et
Ouvertes. Au moment de ce décès, ça
faisait déjà deux ans que j’avais cette idée de
créer une association et cette disparition m’a
donné de l’énergie, la force de ne pas baisser les bras. Alors j’ai pris mon bâton de
pèlerin comme on dit, et au lieu d’aller
démarcher les entreprises pour trouver du
boulot, je suis allé voir les centres sociaux.
J’ai pris rendez-vous avec l’ACEIPS qui est
une association qui suit régulièrement des
gens qui sont au chômage depuis très longtemps et qui veulent créer soit une entreprise soit une association ou qui ont un
projet d’activité professionnelle. Je leur ai
expliqué mon projet, celui de créer une association pour être utile aux chômeurs de
longue durée et en même temps créer ma
propre activité. On m’a dirigé vers un travailleur social du Vieux Temple qui m’a
écouté à peu près 2 heures. Ca faisait des
années que personne ne m’avait écouté à
ce point là, 2 heures. Et il m’a aidé. A côté,
je continuais à avoir mes rendez-vous réguliers, une fois par mois avec l’ACEIPS qui
elle m’a suivi pendant deux ans sur cette
création d’association. Et petit à petit le projet a progressé, j’avais un petit groupe de
copains intéressé par l’association, qui se
réunissait chez moi et avec qui on réfléchissait sur les statuts, les objectifs, les moyens,
etc. L’association est née en septembre 2003.
Quels sont les objectifs de GALLO ?
Nous avons d’abord créé un atelier d’écriture, puis un atelier d’expression orale, un
atelier d’illustration, d’art graphique.
Depuis l’association Gallo a fait son petit
bout de chemin, nous avons dans les ateliers
entre 8 et 12 personnes, il faut que ça reste
très humains, très confidentiel pour que les
gens reprennent confiance en eux. Il faut
qu’il y ait un climat de confiance, de sympathie, de convivialité, pourquoi ? Parce que
l’on estime que par rapport aux objectifs de
GALLO, qui sont la reconstruction de l’individu et sa reconnaissance en lien avec ses
capacités, ses compétences, il faut qu’il y ait
un sas de liberté de parole pour les chômeurs de longue durée car ces gens-là sont
carrément déstructurés, carrément brisés
par cette étiquette qu’on leur colle de
chômeur et de parasite. Entre le passage à
l’ANPE et le retour à l’emploi, il y a besoin
de se retrouver, d’évacuer. Il y a beaucoup
de chômeurs qui à l’heure actuelle ne vont
même plus aux convocations de l’ANPE
parce qu’ils sont détruits, ils sont affaiblis
psychologiquement, moralement, physiquement, alors comment voulez-vous que
ces gens-là aient encore l’énergie d’aller à
un entretien de l’ANPE et après qu’ils puissent essayer de discuter avec un employeur
pour trouver un emploi ? Il faut d’abord que
ces gens là évacuent tout ce qui est malsain
en eux : pourquoi ? Le combat quotidien
d’un chômeur longue durée c’est quoi ?
Comment je vais payer mon loyer ? Comment je vais me chauffer ? Comment je vais
me vêtir pour bien me présenter ? Comment je vais manger ? Comment je vais éduquer mes enfants ? Comment je vais payer
mes factures ? Et quand on est passé par là
et qu’on a fini sa journée, il nous arrive
quand même parfois de penser comment
on va chercher du boulot ?
Comment est né le projet de cette exposition
qui sera présentée au Musée de la
Résistance et de la Déportation de l’Isère ?
Au fil des rencontres et notamment du partenariat que nous avons noué avec les Arts
du récit en Isère, petit à petit est venue l’idée
qu’il fallait montrer toute cette énergie qui
a été dépensée par les chômeurs pour être
reconnus, leur engagement pour combattre
les idées reçues, leurs souffrances, leur précarité, leur identité, et pourquoi pas de créer
un projet autour de la mémoire des chômeurs de l’Isère de 1975 à nos jours. Grâce
aux Arts du récit, j’ai eu l’opportunité de
rencontrer Jean Guibal, Directeur de la Culture et du Patrimoine du Conseil général de
l’Isère, à qui j’ai raconté le projet que nous
avions, nous avons « négocié » pendant
deux ans. Aujourd’hui le projet va voir le
jour au Musée de la Résistance, il est subventionné par le Conseil général de l’Isère
et par divers partenariats. Tout ceci a été
un long cheminement qui est loin d’être terminé, c’est quand même une sacrée aventure humaine parce que plein de gens sont
venus s’agripper à ce projet et à l’association elle-même. ◗
Brèves
L’Histoire
des Droits de l’Enfant
Depuis l’adoption en 1989 par l’Assemblée
générale des Nations Unies de la Convention
internationale des Droits de l’Enfant, le 20
novembre est devenu la Journée internationale des Droits de l’Enfant. Une journée
dédiée à la promotion et au respect des Droits
de l’Enfant mais également à la mise en perspective et la dénonciation de situations qui
vont à contre-courant de l’engagement pris
unitairement en 1989.
A cette occasion, en 2006, le Musée de la
Résistance et de la Déportation de l’Isère /
Maison des Droits de l’Homme avait reçu
le Docteur Daniel Halpérin, président de
l’association suisse des Amis de Janusz
Korczak qui avait, lors d’une conférence,
présenté la personnalité et l’action de Janusz
Korczak, médecin-pédiatre, écrivain et précurseur de la Convention internationale des
Droits de l’Enfant. En 2007, le musée souhaite de nouveau réitérer son implication lors
de cette journée avec la création d’une exposition itinérante, en partenariat avec la Ligue
des Droits de l’Homme et le service de la
Protection de l’enfance du Conseil général
de l’Isère, qui permettra de retracer l’histoire
des Droits de l’Enfant, de s’intéresser aux
hommes et aux femmes qui les premiers ont
su s’attacher à la reconnaissance de l’enfant
en tant qu’individu et d’illustrer les actions
contemporaines et locales qui sont réalisées
quotidiennement au travers d’exemples
concrets. ◗
La réactualisation
de la salle consacrée
à la Déportation
Disparition
de Georges Bois-Sapin
Georges Bois-Sapin s’est éteint le 10
novembre 2006 à son domicile d’Echirolles.
Né à Grenoble le 14 septembre 1908, il
quitte l’école à 12 ans et commence à travailler. Passionné de sport, il remporte en
1927 un concours d’éducation physique et
reçoit son prix, à Paris, des mains du Président de la République, Gaston Doumergue.
Il devient moniteur d’Education physique,
en 1929, au foyer départemental de la CôteSaint-André, puis en 1935, il est nommé
directeur du Gymnase municipal de Grenoble et professeur d’Education physique
des écoles communales de la ville, poste qu’il
occupe jusqu’au 31 octobre 1967, date de sa
retraite.
En octobre 1942, il intègre le mouvement
Combat, puis l’année suivante l’Armée
Secrète, c’est d’ailleurs, chez lui au gymnase
qu’a lieu la passation de pouvoir entre Sam
Job, initiateur de l’AS en Isère, recherché par
la Gestapo, et Albert Reynier, futur préfet de
la Libération, début août 1943.
En 1943, il participe au pilonnage de la
caserne de Bonne en fournissant les explosifs. Très lié à Paul Vallier, chef des groupesfrancs de Combat, il lui apporte aide et soutient logistique. Au cours de l’été 1944, il
convoie lui-même des armes, du ravitaillement en direction des maquis de l’Oisans.
A la libération, il est le chef des sections de
réserve du secteur 1 (Oisans, Grenoble).
Après la guerre, il se dépense sans compter
au sein des associations, Combat, les
Médaillés, l’ANCVR, et du musée de la rue
Jean-Jacques Rousseau, afin de défendre la
mémoire et les valeurs de la Résistance. Il
est nommé au grade de Chevalier de la
légion d’honneur. L’équipe du Musée, qui
a toujours beaucoup apprécié sa sincérité,
garde de lui le souvenir d’un homme intègre
et déterminé, sachant défendre sans concession les valeurs de la Résistance. ◗
Grenoble, rue Berthe-de-Boissieux,
14 septembre 1944 Georges Bois-Sapin
devant le gymnase municipal, entouré,
à sa droite d’Alexandre Percic, et à sa
gauche de François Ahatchitch,
slovènes incorporés de force dans
l’Armée allemande, ayant désertés à
son initiative et servi successivement
dans les compagnies Bernard et
Stéphane.
Fonds Georges Bois Sapin, coll. MRDI
Ils ont survécu…
les déportés rescapés, 1945-2005
Disponible en DVD
Si certaines présentations du Musée de la
Résistance et de la Déportation de l’Isère
ont été enrichies ou réaménagées au cours
des 13 dernières années, grâce aux progrès
de la recherche historique et aux apports
des expositions temporaires, force est de
constater que l’espace dédié à la Déportation est resté inchangé. Depuis 1994, pourtant, de nouvelles connaissances ont été
rassemblées, notamment dans le cadre du
soixantième anniversaire de la fin de la
Seconde Guerre mondiale et de la libération des camps. La publication de l’ouvrage
« Déportés de l’Isère » ou la réalisation du
film « Ils ont survécu… », ont permis de
capitaliser de nombreuses informations qui
doivent être réinvesties dans les présentations du musée.
C’est pourquoi, le 9 février dernier, a été
réuni un groupe de travail afin de préparer
conjointement avec les historiens et les
représentants des associations du monde
de la Déportation, leur réaménagement,
prévu dans le courant de l’été 2007. ◗
Il y a soixante ans, le monde entier découvrait l’horreur du système concentrationnaire nazi. La Libération des camps de concentration et d’extermination révèle, en ce printemps 1945, le crime le plus effroyable qui n’ait jamais
été commis de toute l’histoire de l’humanité. Et des questions se posent, comment les déportés rescapés ont-ils vécu après cette horrible tragédie ? Comment
sont-ils rentrés ? Quel accueil reçurent-ils ? Quand et comment ont-ils commencé à parler de leur expérience concentrationnaire ? Quels enseignements en tirentils et que veulent-ils que les générations d’aujourd’hui en retiennent ?
A l’occasion du 60e anniversaire de la libération des camps, le Musée de la Résistance et de
la Déportation de l’Isère a recueilli le témoignage filmé de vingt-trois déportés qui livrent
leur histoire sur leur retour à la vie comme sur les stigmates qu’ils portent toujours de
l’expérience des camps.
Après avoir accompagné, en 2004, l’anniversaire de la Libération, en produisant le film
« Comme un vent de liberté », à propos de la libération de l’Isère, c’est à la mémoire de la
déportation que le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère dédie ce nouveau
travail audiovisuel de 38 minutes. Ce film constitue ainsi le deuxième volet relatif aux conditions dans lesquelles les Isérois ont vécu la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Musée
entend mettre cette mémoire à la disposition des générations suivantes. Une attention particulière a été portée aux publics scolaires, dans la réalisation de cet outil audiovisuel, afin
de permettre son exploitation par les enseignants. ◗
Le DVD est en vente à l’accueil du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère /
Maison des Droits de l’Homme au prix de 10 €.
7
brèves
Disparition d’Henri Grouès. Abbé Pierre
Ses actions dans la Résistance iséroise
Il naît le 5 août 1912 à Lyon
En octobre 1940, il est aumônier à l’hôpital de la Mure,
puis en 1941, aumônier d’un orphelinat à la Côte-SaintAndré. Au mois de juillet 1942, il est nommé vicaire à la
cathédrale Notre-Dame de Grenoble. Lors de la rafle des
Juifs étrangers du 26 août 1942, il recueille nombre
d’entre-eux pourchassés par la police de Vichy.
Grâce à ses relations, il les place chez des particuliers,
dans des communautés, pensionnats, orphelinats, et leur
procure de fausses pièces d’identité. C’est une sœur de
Notre-Dame-de-Sion qui lui fournit les formulaires de
cartes d’identité et lui apprend la fabrication de ces
fausses cartes.
Munis de ces faux papiers, l’abbé Pierre devient passeur
et met en place des filières d’évasion par la Suisse. L’un
de ses premiers sauvetages, en août 1942, le conduit près
de Chamonix, la cordée passe par Montroc-le-Planet, le
refuge Albert 1er, le col du Tour et enfin la Suisse par le
glacier du Trient.
A l’automne 1942 il rencontre Zunio Waysman,“Gilbert”
dans la Résistance, ingénieur chez Peugeot, organisateur
de talent, il sera son premier aide-faussaire.
Février 1943 : le S.T.O. : Comment soustraire tant de
jeunes hommes à leur départ en Allemagne ? C’est alors
qu’il rencontre André Demirleau, charpentier à Voreppe
et futur maire de cette cité, avec lequel il fonde le
“Maquis-Palace”, au lieu-dit la Platelle, dans le massif
de la Chartreuse. Toujours soucieux, d’informer, d’encadrer et de justifier les choix qui rassemblent les jeunes
gens du “Maquis Palace” et d’autres maquis, l’abbé Pierre
fonde alors un journal, l’Union Patriotique Indépendante (UPI), dont le premier numéro est tiré en avril
1943, réalisé dans l’atelier du 24 place Grenette, où est
également installé le laboratoire de faux-papiers.
A l’été 1943, il fait émigrer le “Maquis Palace” au plateau de Sornin, au-dessus des Gorges d’Engins dans le
Vercors. Parallèlement à son activité “maquisarde”, il
continue son action de passeur, dans la nuit du 9 au 10
novembre 1943, il fait passer en Suisse le plus jeune frère
du général, Jacques De Gaulle et son épouse, Jeanne.
En cette fin d’année 1943, le maquis de Sornin déménage à Malleval, au sommet des gorges du Nan, avec pour
unique accès un sentier taillé dans la roche à pic.
Le camp est financé par Zunio Waysman,“Gilbert”, aussi
appelé l’ingénieur et ravitaillé par André Jullien,“Briançon”, futur chef du 5ème bureau du Secteur I de l’Isère.
En janvier 1944, repéré et menacé d’arrestation, il quitte
Grenoble pour Lyon, puis, en février, Paris, où il rencontre Georges Bidault.
L’abbé Pierre devient l’abbé Georges Houdin, étudiant
en théologie à l’Institut catholique.
Il poursuit son action clandestine au sein de l’A.I.D.,
Agence d’Information et de Documentation, en compagnie de Robert Comte.
De nouveau traqué, il passe en Espagne à la fin mai 1944,
puis en juin, Alger, sous le nom de Sir Harry Barlow.
L’abbé Pierre n’est jamais venu au Musée de la Résistance
mais des contacts sont établis avec ses exécuteurs testamentaires en vue de la publication commentée de la
conférence qu’il donne à Paris en 1945 et dans laquelle
il raconte sa résistance. ◗
8
agenda
Cycle de conférences autour de l’exposition Le
génocide des Arméniens, un Martinérois raconte
Mercredi 9 mai 2007 – 18h30
Conférence-débat
L’évolution de la mémoire du génocide dans la
diaspora arménienne
Par Martine Hovanessian, anthropologue, chargée de recherches au CNRS
L’une des conséquences du génocide fut de contraindre les rescapés à
l’immigration. Ces Arméniens, qui vont essaimer dans plusieurs pays du
monde, au Proche-Orient mais aussi en Europe, en Amérique du Nord…
composent aujourd’hui une diaspora dont l’identité continue de se définir
par l’histoire et, surtout, par celle du génocide.
Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste Prudhomme à Grenoble
Mercredi 6 juin 2007 - 18h30
Conférence de Raymond Kévorkian autour de son ouvrage
Le génocide des Arméniens
Par Raymond Kévorkian, historien, directeur de la Bibliothèque
arménienne Nubar à Paris
Organisée par la Ville de Saint-Martin-d’Hères.
Polytech’ Grenoble : 28, avenue Benoît-Frachon à Saint-Martin-d’Hères
Autres rencontres
Jeudi 14 juin 2007 – 18h30
Projection-débat
Le procès Barbie
Par Jean-Claude Lescure, historien, Directeur de l’Ecole de journalisme de
Science politique de Paris. Il a collaboré avec la chaîne de télévision Histoire
où il a assumé la responsabilité de préparer les émissions consacrées aux
procès de Klaus Barbie, Paul Touvier et Maurice Papon.
Il a également été l’auteur de documentaires historiques pour France 2 et la
Cinq.
En partenariat avec le B’nai Brit de Grenoble
Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste Prudhomme à Grenoble
Samedi 20 octobre – 15h
Présentation du film et du livre
Résister, militer
Prolongeant l’exposition Rester libres ! projet a été fait de réaliser un film et
un livre consacrés aux militants associatifs qui défendent et ont défendu, en
Isère, les Droits de l’Homme et la liberté.
Le programme de l’exposition Rester libres ! relie en effet la présence,
aujourd’hui, en Isère, de près de trois cents associations engagées dans tous
les champs de la solidarité à l’histoire longue des luttes pour la liberté dans
les Alpes dauphinoises. Aussi, sa réalisation s’est-elle accompagnée d’une
importante collecte de témoignages auprès de ceux qui animent ou ont
animé le tissu associatif local. Au-delà de l’utilisation première qui en a été
faite dans l’exposition, l’idée d’un film et d’un livre consacrés aux luttes
contemporaines pour les Droits de l’Homme en Isère s’est rapidement
révélée, afin de mettre à profit la grande richesse de ces entretiens filmés.
Musée dauphinois : 30, rue Maurice Gignoux à Grenoble
Numéro 6 – avril 2007
Directeur de Publication : Jean-Claude Duclos
Rédaction : Alice Buffet, Olivier Cogne, Jean-Claude Duclos, Jacques Loiseau
Conception, réalisation : Pierre Girardier. Crédits Photographiques : MRDI
Imprimeur : Imprimerie des Deux-Ponts. Tirage : 5 000 ex.
Dépôt légal à parution. ISSN en cours
Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère / Maison des Droits de l’Homme
Ouvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1er septembre au 30 juin (sauf mardi, de 13h30
à 18h et samedi, dimanche de 10h à 18h) et de 10h à 19h, du 1er juillet au 31 août
(sauf mardi, de 13h30 à 19h).
14 rue Hébert – 38 000 Grenoble
tél 04 76 42 38 53 – fax 04 76 42 55 89
www.resistance-en-isere.fr
L’entrée dans les musées départementaux est gratuite.