La xerostomie chez les personnes agees

Transcription

La xerostomie chez les personnes agees
Article scientifique
Sophie Arpin, DMD, MSc1, Daniel Kandelman, Dr.CD, DMD, MPH.2,
Benoît Lalonde, DMD, MSD, FRCD(c)3
La xérostomie chez les personnes âgées
Mots clés
• Xérostomie
• Salive
• Médicament
• Traitement
Key Words
• Xerostomia
• Saliva
• Medication
• Treatment
»Résumé
La sécheresse buccale est fréquemment observée chez les personnes âgées. Elle ne semble pas due à un
vieillissement des tissus glandulaires mais est attribuée le plus souvent à la prise de médications affectant le
flot salivaire, le syndrome de Sjögren et aux traitements de radiothérapie. Après avoir examiné l’étiologie, la
symptomatologie, l’impact sur les tissus buccodentaires, les traitements disponibles de la xérostomie et des
affections qui lui sont reliées, les auteurs proposeront des conseils et recommandations thérapeutiques.
»Summary
A dry mouth is frequently observed in elderly patients. This condition does not seem to be a result of ageing
of the glandular tissues but rather attributed to the side effects of medications which may affect salivary flow,
Sjögren Syndrome and radiotherapy. After a thorough review of the etiology, symptoms, as well as the impact
on the hard and soft tissues of the oral cavity and the available treatments for xerostomia and its related
complaints, the authors will propose advice and therapeutic recommendations.
1
2
3
263
Étudiante au PhD en Santé publique, option épidémiologie à l’Université de Montréal
Professeur titulaire, chef du service de Dentisterie préventive et communautaire, Département de santé buccale, Université de Montréal
Professeur agrégé, spécialiste en médecine buccale, Département de stomatologie, Université de Montréal
Journal dentaire du Québec
Volume 42
Juillet/Août 2005
Article scientifique
La xérostomie chez les personnes âgées
Étiologie
La xérostomie, ou sécheresse buccale, est définie
comme étant la réduction anormale de salive1.
Habituellement, la xérostomie est associée à une
diminution du flot salivaire et de la quantité de salive.
Toutefois, la sensation de bouche sèche n’est pas
toujours objectivée. En effet, quelques patients
ressentent une sécheresse buccale sans qu’il y ait
une réduction clinique significative du débit salivaire.
Inversement, certains patients peuvent présenter
cliniquement une diminution de la quantité et du
débit salivaire sans se plaindre de sécheresse2.
Les différentes études épidémiologiques mettent en
évidence l’ampleur du problème causé par les
troubles de xérostomie chez les personnes âgées3.
Cependant, la fréquence de ces troubles pathologiques est très diversement appréciée dans la
littérature selon la considération du symptôme de
sécheresse buccale ou de la mesure du débit
salivaire. On évalue sa fréquence à près de 30% audelà de 65 ans et plus3,4,5. En général, les taux ont
tendance à être plus élevés chez les femmes que
chez les hommes et augmentent avec l’âge3,4,6.
La salive et ses constituants
La sécrétion salivaire est assurée par trois paires de
glandes principales (parotides, sous-maxillaires et
sublinguales) et par un grand nombre de glandes
salivaires accessoires réparties dans diverses zones
de la muqueuse oropharyngée7. La salivation est
contrôlée par le système nerveux. La stimulation du
système nerveux parasympathique augmente la
sécrétion salivaire, le système nerveux central
augmente l’excrétion en réponse à des stimuli
sensoriels. La composition de la salive est modulée
par le système nerveux sympathique1,4.
Chez l’adulte, la sécrétion moyenne de salive est d’au
moins 500 ml/24 heures. Le débit varie de 0,3
ml/min sans stimulation à 5ml/min lors des repas.
On parle d’hyposalivation à 0.7ml de salive/min ou
moins lorsque l’on teste le débit après une
stimulation salivaire et moins de 0,1ml de salive/min
sans stimulation1,8.
La salive est constituée à 99% d’eau. Son contenu
en minéraux et protéines lui donne ses propriétés et
assurent ses différentes fonctions :
1- Lubrification.
La composition élevée en eau de la salive aide à
la formation du bol alimentaire, à la mastication,
à la déglutition, à l’élocution et au nettoyage des
tissus buccaux9,10. La mucine lubrifie le bol
alimentaire au moment de la déglutition.
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2- Digestion et goût.
Cette fonction revêt deux aspects, mécanique et
chimique. La salive dissout les composantes
alimentaires. L'amylase salivaire hydrolyse
l'amidon en composés monosaccharidiques,
disaccharidiques et trisaccharidiques, facilitant la
digestion des aliments riches en amidon11.
3- Réparation tissulaire.
Les facteurs de croissances retrouvés dans la
salive participent à la croissance tissulaire, à la
différentiation et à la réparation12.
4- Maintien de la flore microbienne.
La salive contient différents agents antibactériens,
antiviraux, et antimycosiques. Ces agents balancent la flore orale et inhibent la colonisation
bactérienne des tissus buccodentaires. L’action
mécanique de la salive participe également à
cette fonction10.
5- Pouvoir tampon.
La composition de la salive en carbonates et
phosphates permet le maintien du pH salivaire et
diminue le risque de carie dentaire. Elle procure
une protection à l’œsophage lors de reflux ou
régurgitation9,10.
6- Reminéralisation.
La salive protège les dents et participe à la
reminéralisation par son apport en calcium et
phosphates10.
7- Défense et immunité.
La présence de protéines, d’IgA, de cytokines,
d’hormones, de mucines et d’autres composantes permettent à la salive de jouer un rôle au
sein du système immunitaire10.
Symptomatologie
Il existe une multitude de signes cliniques associés à
la xérostomie8,13 :
1234567-
Bouche sèche (fig. 1A)
Atrophie des papilles filiformes
Chéilite angulaire (fig. 1B)
Érythème des muqueuses
Atrophie épithéliale
Ulcères
Hypertrophie unilatérale ou bilatérale des glandes
parotides
8- Infections orales comme la candidose, principalement sous sa forme érythémateuse chronique
9- Caries rampantes dues à une déficience du
pouvoir tampon de la salive. La concentration et
la multiplication de bactéries cariogènes, l’augmentation de leur activité acidogène ainsi que la
réduction de la vitesse d’élimination des sucres à
la surface des dents expliquent l’apparition de ces
caries extrêmement destructives. (fig. 2)
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La xérostomie chez les personnes âgées
Une hypofonction généralisée des glandes salivaires
peut aussi entraîner d’autres signes et symptômes
comme la sécheresse de la gorge, une déglutition
anormale et/ou douloureuse, des difficultés
d’élocution et une diminution de la rétention des
prothèses dentaires1,10,13.
La plupart des patients présentant des symptômes
de sécheresse buccale souffrent fréquemment de
plusieurs de ces complications simultanément. Les
patients atteints peuvent souffrir d’interruption du
sommeil, de malnutrition et de perte de poids :
conséquemment, une diminution de leur qualité de
vie est souvent observée14,15.
Les facteurs étiologiques associés à la xérostomie les
plus fréquents sont les suivants : les médicaments
affectant le flot salivaire, le syndrome de Sjögren et la
radiothérapie au niveau de la tête et du cou1,9,10,13,15.
Figure 1 : Présence chez le même patient
d’une mucosite associée à l’état
xérostomique. Notez la glossite atrophique
(A) ainsi que la chéilite angulaire (B).
La médication
La prise de médicaments constitue la principale
cause d’hypofonction des glandes salivaires chez les
personnes âgées1,6,13. La majorité des aînés prennent
des médicaments prescrits ou en vente libre. En
effet, en 1999, 76% de l'ensemble des personnes
âgées canadiennes vivant chez elles ont pris un
médicament quelconque dans les deux jours
précédant l’enquête, tandis que 53% en ont pris au
moins deux au cours de cette période17. Les aînés de
75 à 84 ans sont généralement plus susceptibles
que leurs homologues plus jeunes de prendre plus
d'un médicament. De plus, en 1994-1995, 10% des
Canadiens de 65 à 74 ans et 13% des 75 ans et plus
usaient d’une polymédication, c’est-à-dire qu’ils ont
déclaré avoir pris au moins cinq médicaments
différents au cours des deux jours précédant
l’enquête17.
Figure 2 : Condition dentaire instable démontrant la présence de
plusieurs caries dentaires ainsi qu’une sécheresse buccale
importante chez cet homme souffrant d’un syndrome de
Sjögren primaire.
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Par ailleurs, plusieurs études ont en effet mis en
évidence une relation positive entre la sécheresse
ressentie et la prise fréquente de médicaments1,16.
Plusieurs médicaments, sous prescription et parfois en
vente libre, causent la xérostomie par leurs propriétés
anticholinergiques ou sympathomimétique1,16. De plus,
leurs différentes combinaisons peuvent potentialiser
l’effet de sécheresse16. Selon les diverses estimations,
plus de 500 médicaments auraient la capacité
d’induire la xérostomie1. Les principales catégories
impliquées sont les antidépresseurs tricycliques
(amitriptyline, imipramine), les antihistaminiques
(chlorphéniramine, cétirizine, diphenhydramine,
hydroxyzine) les benzodiazépines (diazépam,
lorazépam), les béta-bloquants (aténolol, propranolol),
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La xérostomie chez les personnes âgées
les dérivés de la phénothiazine (chlorpromazine), les
anti-parkinsoniens (benzotropine), les analgésiques
narcotiques (codéine, oxycodone), les anorexigènes
(diéthylpropion), les anticholinergiques (atropine,
diphenhydramine), les anti-spasmodiques (oxybutynine, clidinium), les antiémétiques (prométhazine), les
anti-diarrhéiques (lopéramide, diphénoxylate/ atropine), les antihypertenseurs (captopril, énalapril), les
diurétiques (hydrochlorothiazide) et les antipsychotiques (chlorpromazine, halopéridol)1,19. Enfin, la
complexité des mécanismes d’action, les interactions
et la variation dans l’absorption et l’élimination des
médicaments rendent difficile la prévision de l’effet
qu’ils auront sur la salive1.
Figure 3 : Les patients souffrant d’un syndrome
de Sjögren secondaire peuvent démontrer des
atteintes d’arthrite rhumatoïde (A) ainsi que la
maladie de Raynaud (B).
Syndrome de Sjögren
La xérostomie peut être aussi la conséquence de
maladies systémiques telles que le syndrome de
Sjögren1,4,9,10. Le syndrome de Sjögren est la maladie
auto-immune la plus fréquente après l’arthrite
rhumatoïde1. Selon les critères utilisés, il touche de
5% à 6% de la population. Son incidence est
maximale entre 40 et 60 ans et est rencontré neuf
fois plus fréquemment chez les femmes que chez les
hommes1.
Figure 4 : Syndrome de Sjögren primaire.
Notez la présence d’un exsudat purulent
provenant du canal de Wharton (A) ainsi
que les caries de racine (B).
Le syndrome de Sjögren est une maladie chronique
qui se caractérise par un hypofonctionnement des
glandes salivaires et des glandes lacrymales,
occasionnant par le fait même, un dessèchement au
niveau des yeux et de la cavité buccale. Il se
manifeste de deux façons : lorsqu’il survient chez des
personnes atteintes d’une maladie rhumatismale ou
d’une affection des tissus conjonctifs, telles que le
lupus érythémateux, la sclérodermie, la polymyosite,
l’arthrite rhumatoïde, la maladie de Raynaud, il s’agit
de la forme secondaire du syndrome (fig. 3). Lorsque
le dessèchement des yeux et de la bouche n’est pas
associé à une de ces maladies, alors il est sous sa
forme primaire10 (fig. 4). On peut également noter
une hypertrophie des glandes salivaires majeures
(fig. 5).
Les critères européens révisés en 2001 peuvent être
appliqués dans le diagnostic du syndrome de Sjögren
(voir tableau I)20. La biopsie de glandes salivaires
mineures labiales constitue une des techniques
diagnostiques à considérer. (fig. 6)
La radiothérapie
Figure 5 : Hypertrophie des glandes salivaires majeures chez
une patiente souffrant d’un syndrome de Sjögren.
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Les glandes salivaires sont particulièrement vulnérables au cours de l’irradiation radiothérapeutique
des cancers de la tête et du cou, en particulier les
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La xérostomie chez les personnes âgées
Figure 6 : Biopsie de glandes salivaires labiales à des fins
diagnostiques.
glandes parotides21,22. La xérostomie induite par la
radiothérapie est généralement permanente. Les
doses supérieures à 52 Gy produisent une diminution sévère et permanente de la production de salive.
En utilisant des doses < 26-30 Gy, la fonction
salivaire est généralement préservée22. La radiothérapie affecte le parenchyme glandulaire, conduisant
initialement à une réaction inflammatoire, suivie par
l’atrophie, la fibrose et subséquemment à
l’hyposécrétion de salive. L’importance du degré de
dégénérescence de la glande salivaire dépend de la
dose et de la zone irradiée. L’irradiation partielle des
glandes résulte en un débit salivaire plus élevé
qu’une irradiation complète. De plus, l’irradiation
d’une tumeur au niveau d’une glande salivaire devrait
éviter la glande contralatérale afin de conserver une
activité sécrétoire1. Les nouvelles techniques d’irradiation des tumeurs de la tête et du cou, tentent à
restreindre la zone ciblée et à diminuer les
dommages salivaires22. Les caries de radiation, si
aucune approche prophylactique n’est entreprise,
sont une conséquence morbide de la radiothérapie
tête et cou. (fig. 7)
Autres étiologies
Beaucoup d’autres conditions sont susceptibles de
provoquer un état de sécheresse buccale.
Une déperdition en eau et en métabolites occasionne
un débalancement électrolytique comme dans les cas
de déshydratation à cause de forte fièvre, sudation
excessive, brûlure importante, vomissement, hémorragie, diarrhée, insuffisance rénale, malnutrition
protéinique et diabète sucré ou insipide1,23,24.
Figure 7 : Caries de radiation chez un homme de 69 ans traité
pour un lymphome.
Un certain nombre de dysfonctionnements du
système nerveux autonome peut affecter la
transmission neurologique et provoquer une
diminution du flot salivaire. Ceci peut être le résultat
de dysfonction du système nerveux autonome
(encéphalite, tumeur cérébrale, AVC, du système
nerveux central (maladie d’Alzheimer ou encore
dans les cas de traumatismes)1.
Aussi, la sarcoïdose présente une xérostomie et une
hypertrophie des glandes salivaires dans 9% des
cas.25. De plus, la xérostomie est une complication
retrouvée dans la maladie du greffon contre l’hôte.
Cette maladie se développe en tant que réponse
immunitaire lorsque les lymphocytes T de la moelle
osseuse du donneur (greffon) identifient les cellules
de l’organisme du patient recevant la greffe en tant
que corps étrangers et les attaquent. Une diminution
de la sécrétion salivaire des parotides venant d’une
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La xérostomie chez les personnes âgées
fibrose peut survenir conduisant à une altération
dans la composition de la salive26. Enfin, la sécrétion
salivaire peut être entravée par un calcul bloquant un
canal d’excrétion d’une glande majeure et entraînant
par le fait même un assèchement de la bouche1.
Cependant, en général, les autres glandes salivaires
compensent et il n’y a pas de xérostomie franche.
Au niveau des infections virales, la sécheresse
buccale peut se manifester, en particulier dans
l’infection par le virus de l’hépatite C où la xérostomie
est présente dans 12% des cas27. Elle peut être
observée également dans 4 à 8% des personnes
infectées par le VIH30 et dans l’infection au virus
Epstein-Barr29.
Finalement, même en l’absence de toute médication,
la xérostomie peut être associée à divers problèmes
psychologiques tels que la dépression ou un stress
élevé. Toutefois, contrairement à ce que l’on pourrait
penser, la xérostomie ne semble pas être une
conséquence biologique du vieillissement1. La forte
consommation de médicaments ainsi que l’incidence
plus élevée de certaines maladies systémiques
peuvent expliquer en partie la prévalence élevée de
sécheresse buccale chez les aînés.
TRAITEMENTS
Traitements de la xérostomie
Le principal objectif du traitement de la xérostomie
est d’augmenter le flot salivaire. Le succès des
interventions dépend du degré de stimulation auquel
les glandes salivaires sont capables de répondre.
S’il s’agit d’une xérostomie résultant de la médication,
il faut, en premier lieu, dresser la liste complète des
médicaments consommés susceptibles de réduire la
quantité de salive. Plusieurs approches existent29 :
1- L’élimination ou la réduction de la dose médicamenteuse.
2- Un changement dans la posologie. Les doses
peuvent être ajustées afin que les pics de
concentration sanguine se produisent pendant le
sommeil.
3- Une substitution d’un ou plusieurs médicaments
proposés.
Cependant, il faut comprendre que le dentiste devra
déterminer ces modifications thérapeutiques en
stricte collaboration avec le médecin traitant et en
pesant le pour et le contre vis-à-vis de l’importance
des pathologies traitées.
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Il est possible de prendre plusieurs mesures pour
augmenter le flot salivaire lorsque les glandes
répondent à la stimulation. Il s’agit de divers stimuli
topiques comme la mastication d’aliments durs, à
basses calories et sans sucre tels les carottes, céleris
ou gommes sans sucre1,9,10. D’autre part, les personnes
atteintes de xérostomie devront s’hydrater
fréquemment. La mastication d’aliments à teneur
élevé en acide ascorbique, acide malique ou acide
citrique augmente le flot salivaire mais n’est pas
recommandée chez les patients dentés puisque
l’acidité, en plus d’irriter les tissus oraux, contribue à la
déminéralisation des dents et pourrait conséquemment augmenter, chez les aînés, le risque de
caries radiculaires30.
Lorsqu’il existe encore une certaine activité sécrétoire,
un sialagogue systémique peut être employé afin
d’augmenter la production de salive naturelle par les
glandes salivaires1,9,10,30. D’une part, la pilocarpine orale
(Salagen), un agent parasympathomimétique est
utilisée dans le traitement de la xérostomie provoquée
par une radiothérapie de la tête et du cou et chez les
patients souffrant du syndrome de Sjögren1,30,31. Cet
agent médicamenteux augmente la sécrétion des
glandes exocrines (c’est-à-dire sudoripares, salivaires,
lacrymales, gastriques, pancréatiques, intestinales et
des cellules du système respiratoire). Les doses
prescrites dépendent de la fonction résiduelle et
varient selon chaque patient (5mg 3 à 6 fois par jour,
30 minutes avant les repas)30,31. Une rapide
augmentation du flot salivaire est observée après
l’administration de pilocarpine. Des effets secondaires
sur le système cardiovasculaire (arythmie, tachycardie,
hypertension) sont toutefois fréquemment signalés. La
pilocarpine est contre-indiquée chez les asthmatiques
non contrôlés et les patients chez qui l’apparition d’un
myosis n’est pas souhaitable (iritis et glaucome à angle
fermé). D’autre part, la cévimeline (Evoxac), un récent
sialogogue approuvé aux États-Unis, est aussi utilisé
chez les patients souffrant du syndrome de Sjögren et
du cancer de la tête et du cou (30mg 3 fois par jour)
(1,30,32). Toutefois, il n’est pas encore disponible au
Canada.
Deux autres alternatives systémiques sont suggérées
dans le traitement de la xérostomie soit le béthanéchol
(25 mg 3 fois par jour), un agent parasympathomimétique, et l’anétholtrithione (Sialor) (25mg 3 fois
par jour), un sialagogue ayant une action directe sur
les cellules sécrétrices des glandes salivaires1,30.
Quoique l’anétholtrithione représente une thérapie
très sécuritaire, son action sialagogue semble
définitivement moins efficace que la pilocarpine. De
plus, ses effets secondaires au niveau gastro-intestinal
en limite son utilisation.
Article scientifique
La xérostomie chez les personnes âgées
Par contre, lorsqu’ aucune réponse aux stimuli n’est
observée, il existe des substituts salivaires pour
hydrater les muqueuses buccales (Moi-Stir, Mouth
Kote, Oral Balance)30. Malheureusement, ces salives
dites artificielles procurent un soulagement temporaire et une efficacité à court terme puisqu’elles
sont avalées. Ils humidifient la cavité buccale mais ne
possèdent pas les propriétés de protection, défense,
réparation, apportées par la salive naturelle. Les
produits à base de gel semblent être les plus
efficaces, particulièrement au niveau du confort
durant la nuit.9,30. Des humidificateurs peuvent
également apporter un certain confort durant la nuit,
particulièrement pour les respirateurs buccaux1.
La candidose orale est d’abord traitée avec des
agents antifongiques topiques tels la nystatine en
suspension (100 000 U/ml 5-10 ml, 3 fois par jour),
la nystatine en crème (100 000 U/ml à appliquer sur
l’intrados des prothèses dentaires) (10,30).
Cependant la suspension de nystatine est fortement
sucrée et représente un risque cariogénique réel.
Une prescription magistrale, c’est-à-dire faite sur
commande par le pharmacien, et édulcorée sans
sucre, doit être considérée dans l’éventualité d’un
traitement à long terme. Lors d’infections plus
sévères, le fluconazole (100 mg, 1 fois par jour) ou
l’amphotericine, en rince-bouche (0,1 mg/ml, 5 ml
3 fois par jour) sont recommandés10,30.
Traitements des affections causées par la
xérostomie
Finalement, l’inconfort amené par la sécheresse des
muqueuses buccales peut être réduit par l’utilisation
de lait de magnésie (15-30 ml, 4 fois par jour)30.
En premier lieu, le traitement des diverses affections
causées par la xérostomie passent par la prévention.
Les patients doivent maintenir une fréquente
hydratation, éviter les aliments sucrés et/ou acides et
s’assurer d’une hygiène buccodentaire rigoureuse10.
Des examens dentaires fréquents, aux 3 à 4 mois,
sont importants afin d’atteindre un excellent niveau
d’hygiène buccale, de détecter et de traiter les
lésions carieuses initiales et les candidoses. Lors de
ces rencontres, les techniques appropriées de
brossage sont rappelées, incluant l’utilisation de soie
dentaire, brosses interdentaires et l’irrigation buccale
à l’aide d’un hydropropulseur10,30.
Au niveau de la prévention des caries rampantes, il
est fortement recommandé d’utiliser des gouttières
contenant du fluorure de sodium 1,1% neutre durant
5 minutes quotidiennement en plus de l’utilisation
de dentifrice à haute teneur en fluor10. La mastication
de gomme à mâcher sans sucre peut diminuer le
risque d’attaque carieuse en augmentant la sécrétion
salivaire et en neutralisant la production d’acide10.
Enfin, puisque les patients souffrant de xérostomie
sont particulièrement à risque de développer des
caries dentaires, le risque cariogénique de l’ensemble de la diète du patient doit être surveillé très
étroitement.
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Journal dentaire du Québec
Volume 42
Juillet/Août 2005
Conclusion
Les personnes âgées représentent le groupe de la
population qui connaît la plus forte croissance33; la
xérostomie étant un phénomène pathologique
fréquemment associé avec l’âge, les dentistes seront
donc de plus en plus confrontés à cette affection qui
peut influencer la qualité de vie des patients atteints.
La xérostomie est attribuée à plusieurs facteurs,
principalement, les médicaments, le syndrome de
Sjögren ainsi que la radiothérapie. Il est recommandé
que les dentistes soient familiarisés avec le
traitement des nombreuses affections causées par la
xérostomie et avisés que les divers traitements
palliatifs disponibles peuvent apporter un certain
bien-être chez les patients atteints de xérostomie.
Remerciement
Les auteurs désirent remercier, Madame Roxane
Berger, B.Pharm, pour ses commentaires utiles
apportés lors de la lecture du manuscrit.
Article scientifique
La xérostomie chez les personnes âgées
Tableau I (adaptation et traduction autorisées par Vitali C)20
SYNDROME DE SJÖGREN : CRITÈRES DE CLASSIFICATION PROPOSÉS PAR LE COMITÉ AMÉRICANO-EUROPÉEN (2001)
Traduit et adapté de : Vitali C, Bombardieri S, Jonsson R, Moutsopoulos HM, Alexander EL, Carsons SE et coll. Classification criteria for
Sjögren's syndrome: a revised version of the European criteria proposed by the American-European Consensus Group. Ann Rheum Dis
2002 ; 6 : 554-558
Règles révisées de classification
Syndrome primaire :
a. La présence de 4 des 6 critères suivants incluant les critères IV ou VI
b. La présence de 3 critères parmi les critères objectifs III, IV, V ou VI
Syndrome secondaire
En plus de l’existence d’une maladie des tissus conjonctifs, la présence du critère I ou II, et 2 des critères III, IV et V.
I. Symptômes oculaires
Réponse positive à au moins une des 3 questions suivantes :
1. Avez-vous eu les yeux secs de façon quotidienne gênante et persistante depuis plus de 3 mois ?
2. Avez-vous la sensation récidivante d'avoir du sable ou du gravier dans les yeux ?
3. Utilisez-vous des larmes artificielles plus de 3 fois par jour ?
II. Symptômes buccaux
Réponse positive à au moins une des 3 questions suivantes :
1. Avez-vous eu quotidiennement une sensation de bouche sèche depuis plus de 3 mois ?
2. Avez-vous eu à l'âge adulte un gonflement des glandes salivaires persistant ou récidivant ?
3. Utilisez-vous souvent des liquides pour vous aide à avaler les aliments secs ?
III. Signes oculaires : Atteinte oculaire objective et évidente définie par un résultat positif à au moins un des deux tests
suivants :
1. Test de Schirmer, sans anesthésie () 5 mm en 5 minutes)
2. Score de Rose Bengale (* 4 selon le score de van Bijsterveld)
IV. Données histopathologiques : Score focal * 1 à la biopsie des glandes salivaires mineures.
Un foyer est défini par l'agglomération d'au moins 50 cellules mononuclées.
Le score focal est défini par le nombre de foyers sur 4 mm de tissu glandulaire.
V.
Atteinte des glandes salivaires : Atteinte objective et évidente des glandes salivaires définie par au moins un test
positif parmi les 3 tests suivants :
1. Scintigraphie salivaire
2. Sialographie des parotides
3. Débit salivaire sans stimulation (< 1,5 ml en 15 minutes)
VI. Autoanticorps : Présence d'au moins un type des anticorps sériques suivants
1. Anti-SSA
2. Anti-SSB
CRITÈRES D'EXCLUSION
Lymphome préexistant
SIDA
Sarcoïdose
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Journal dentaire du Québec
Hépatite C
Traitement de radiothérapie antérieur
de la tête et du cou
Volume 42
Juillet/Août 2005
Réaction du greffon contre l'hôte (GVH).
Utilisation d’anticholinergiques
Article scientifique
La xérostomie chez les personnes âgées
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Journal dentaire du Québec
Volume 42
Juillet/Août 2005