congédié pour incompétence ! » comment passer le test

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congédié pour incompétence ! » comment passer le test
bulletin du groupe Relations avec les employés et
relations de travail
Octobre 2009
« congédié pour incompétence ! »
comment passer le test des tribunaux au Québec?
Qu’est-ce qu’un congédiement pour « incompétence »? Une sanction disciplinaire?
Une sanction administrative? Chacun d’entre nous à sa propre vision des choses et
il n’existe aucune définition législative ou jurisprudentielle claire nous permettant
de délimiter ce concept et de s’assurer que le congédiement ne sera pas par la
suite considéré comme sans cause juste et suffisante. Ainsi, selon les mots de
l’honorable juge Robertson, J.C.A., dans l’affaire Clare c. Canada (Procureur
Général), [1993] 1 C.F. 641, « il est souvent difficile de savoir si un renvoi est justifié
pour motif d’incompétence ou de discipline. »
La principale distinction à retenir entre un congédiement disciplinaire et un
congédiement administratif, est le caractère volontaire, ou non, des agissements
reprochés à l’employé1. Si par exemple l’employé refuse volontairement de suivre
des directives, le congédiement sera qualifié de congédiement disciplinaire.
À l’inverse si l’employé ne suit pas des directives parce qu’il n’en est pas
capable (physiquement ou mentalement), le congédiement sera alors qualifié
d’administratif.
Quel est l’impact de cette distinction sur l’employeur ? Comme nous le rappelle
récemment, le juge administratif Gaétan Breton, dans l’affaire Durand c. 3130606
Canada Inc. (2009 QCCRT 0177), les tribunaux québécois considèrent que « le
congédiement équivaut de toute évidence à la peine capitale pour un salarié ».
Dès lors, avant de confirmer un congédiement pour cause d’incompétence, les
tribunaux exigent que les employeurs justifient cette mesure. Pour ce faire, le
niveau et le fardeau de preuve de l’employeur vont varier selon qu’il s’agit d’une
mesure administrative ou qu’il s’agit d’une mesure disciplinaire.
En matière de congédiement disciplinaire, les tribunaux vérifient non seulement
le bien-fondé, la proportionnalité et la pertinence de la sanction mais imposent
aussi à l’employeur de démontrer qu’il n’existe aucune autre sanction possible
avant de confirmer la « cause juste et suffisante » du congédiement. À l’inverse,
en matière de congédiement administratif, l’intervention judiciaire se limite à
simplement vérifier que le congédiement n’est pas arbitraire, abusif, déraisonnable
et discriminatoire, mais l’employeur n’a pas à démontrer qu’il s’agit de la meilleure
1
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C. D’Aoust, L. Leclerc, G. Trudeau : Les mesures disciplinaires : Étude jurisprudentielle et doctrinale, Montréal, École des relations industrielles d’Université de Montréal, 1982 à la page 72
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et seule sanction possible. En d’autres mots, il est plus facile de justifier un congédiement
administratif pour cause d’incompétence qu’un congédiement disciplinaire pour la même
cause. Deux décisions récentes illustrent l’importance de la préparation du congédiement
pour cause d’ « incompétence ».
Dans l’affaire Durand précitée, le juge administratif Gaétan Breton rappelle les exigences
en matière de congédiement disciplinaire. En l’espèce, l’employé, Monsieur Durand,
était un coordinateur auprès d’une agence de soins privée faisant affaires avec divers
centres hospitaliers et services publics et privés de la région de l’Outaouais. Ses fonctions
consistaient à être le point de contact entre les clients et l’agence afin de s’assurer de
répondre aux demandes de service pour combler des quarts de travail ou réaliser des
projets spéciaux. Selon les propos du juge administratif Breton, « le travail du plaignant est
névralgique et a un impact important sur l’image de l’entreprise sur sa rentabilité financière. »
Durant l’audience, l’employeur a démontré plusieurs erreurs importantes attribuables à
Monsieur Durand qui ont directement résulté en la perte de plusieurs contrats pour l’agence
et même la perte de clients. Suite à ces erreurs, Monsieur Durand a été rencontré par la
responsable de l’agence qui lui a alors demandé de corriger son comportement. Cependant,
quelques jours seulement après la dernière rencontre avec sa supérieure, Monsieur Durand
commet une autre importante erreur et ment par la suite pour tenter de la dissimuler.
Monsieur Durand est alors congédié pour incompétence. Le juge Breton conclua que
même si ce comportement méritait d’être sanctionné, il substitua le congédiement par une
suspension d’une durée d’un (1) mois !
Pourquoi le congédiement n’a-t-il pas été confirmé, même si l’incompétence de Monsieur
Durand a été démontrée? En matière de congédiement disciplinaire, l’employeur a le
fardeau de démontrer qu’il a mis en place et respecté un processus graduel de sanctions
adapté à la gravité des infractions commises. Rappelons que ces infractions doivent être
commises de manière volontaire et que la sanction doit être principalement imposée pour
punir et permettre la correction de la situation. L’employeur doit ainsi être en mesure
de démontrer que le salarié avait compris ce que la direction attendait de lui et qu’on lui
avait donné le temps nécessaire pour lui permettre de modifier sa conduite. À défaut, le
congédiement disciplinaire ne sera pas confirmé.
En l’espèce dans l’affaire Durand, bien que formellement informé à deux reprises de la
nécessité de corriger son comportement, aucune sanction disciplinaire graduelle n’avait été
mise en place par l’employeur après chaque erreur. La Cour considéra donc que dans les
circonstances, l’employé n’avait pas clairement été informé des attentes de son employeur.
Ainsi malgré le caractère répétitif des fautes commises par l’employé et leur gravité, dont le
mensonge et le bris du lien de confiance avec l’employeur, la Cour refusa de confirmer le
congédiement.
À l’inverse, dans l’affaire Mohamed El Hakkat c. Société des casinos du Québec Inc. (Casino
de Montréal), (2009 QCCRT 0168, 15 avril 2009), le juge administratif Alain Turcotte confirma
le congédiement administratif de Monsieur El Hakkat pour cause d’incompétence.
Dans cette affaire, l’employé, Monsieur El Hakkat, occupait le poste de sous-chef auprès des
restaurants du Casino de Montréal depuis 1998. En 2001, son évaluation de rendement
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conclut à un rendement insatisfaisant requérant de fortes améliorations. L’évaluation est
minutieusement documentée et expliquée à Monsieur El Hakkat. Le Casino met alors en
place un mécanisme de formation au bénéfice de Monsieur El Hakkat pour s’assurer que ce
dernier corrige ses lacunes. L’employeur ira jusqu’à déplacer le salarié afin de diminuer sa
charge de travail et la pression subie, à le jumeler avec un sous-chef de plus d’expérience et à
continuer de lui donner de la formation afin de corriger les lacunes qui lui ont été signalées.
Après plus de deux ans de support, Monsieur El Hakkat est de nouveau rencontré par son
employeur qui l’informe qu’il doit corriger sa situation et qu’à défaut cette fois, il sera mis fin
à son emploi. Dans les faits, Monsieur El Hakkat sera effectivement congédié peu de temps
après.
Le juge administratif Turcotte conclua que dans les circonstances, le Casino a réussi à
démontrer par ses agissements, le caractère raisonnable du congédiement qualifié en
l’espèce d’administratif, puisque les manquements de Monsieur El Hakkat résultèrent de son
incapacité à remplir adéquatement ses fonctions. La Cour ne s’attarda donc pas à rechercher
une gradation des sanctions, ni à s’assurer qu’il n’existait d’autres sanctions alternatives, et
confirma plutôt le congédiement administratif de Monsieur El Hakkat.
Ce qu’il faut retenir de ces deux décisions : pour que le congédiement pour incompétence
soit qualifié d’administratif et éviter le contrôle rigoureux de la Cour en matière de
congédiement disciplinaire, l’employeur doit s’assurer de « monter un dossier » dans lequel les
politiques de l’entreprise et les attentes fixées sont clairement expliquées à l’employé.
L’employeur doit également prendre la peine de signaler et d’expliquer les lacunes à
l’employé et de lui offrir le support nécessaire pour les corriger et lui permettre d’atteindre les
objectifs spécifiquement mentionnés. Il n’est pas nécessaire que l’employeur attende deux
ans avant de congédier l’employé incompétent, mais il doit au moins lui donner le temps
raisonnable pour modifier son comportement.
Finalement, il doit être clairement dénoncé à l’employé qu’à défaut de s’améliorer, il risque
de perdre son emploi. Si toutes ces conditions sont rencontrées, les tribunaux, à l’instar du
juge Alain Turcotte, confirmeront le congédiement administratif de l’employé pour cause
d’incompétence.
écrit par Sébastien Tisserand
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