Les femmes fument pour ne pas grossir - Eki-Lib

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Les femmes fument pour ne pas grossir - Eki-Lib
Les Femmes Fument Pour Ne Pas Grossir
Les Femmes Fument
Pour Ne Pas Grossir
DES JEUNES FILLES COMMENCENT À FUMER POUR RESTER MINCES. DES
FUMEUSES REFUSENT D’ARRÊTER PAR CRAINTE D’ENGRAISSER. DANS LA TÊTE
DE BIEN DES FEMMES, CIGARETTE ÉGALE MINCEUR.
Quand Lucie Marquis a annoncé à sa famille, au printemps 1998, qu’elle
songeait sérieusement à arrêter de fumer après 28 ans, elle travaillait déjà à son
« projet » depuis quelques mois. Elle n’avait pourtant pas acheté de timbre ni de
gomme à la nicotine, et elle n’avait pas non plus suivi de programme préparatoire
avec un spécialiste, fut-il médecin ou acupuncteur. « Quand j’ai dit à mon entourage
que j’étais presque prête à cesser de fumer, explique-t-elle, j’étais au régime depuis
plusieurs mois déjà.
Au régime? Comme de très nombreux fumeurs, pour ne pas dire fumeuses,
Lucie Marquis était tourmentée à l’idée d’engraisser en abandonnant la cigarette.
Cette notaire de 55 ans a donc commencé par perdre une dizaine de kilos, histoire
d’avoir un poids santé avant e faire le grand saut. Et une fois ce but atteint, elle s’est
donné une autre année pour être sûre de pouvoir maintenir son nouveau poids.
Avant l’été, si tout se passe comme prévu, elle dira adieu à la cigarette. Mais
pas à n’importe quel prix. « Si je prends un ou deux kilos, ça va aller. Mais cinq, non »,
lance-t-elle. Est-ce dire qu’elle recommencera à fumer si l’aiguille du pèse-personne
s’emballe? C’est possible. « Je suivrai d’abord un régime. Mais parfois, trop, c’est trop.
Si je suis forcée de choisir entre le poids et la cigarette, je crois que le premier finira par
l’emporter. »
D’Outremont à Longue-Pointe, les préoccupations sont les mêmes.
Nathalie Petrowski, journaliste à La Presse, écrivait l’an dernier dans une de
ses chroniques que si elle s’était remise à fumer après quelques mois, c’est
qu’elle avait trop engraissé à son goût. « Peut-être que je me cherchais une
excuse, dit-elle. Mais quand tu luttes et que ta seule récompense pour avoir
cessé de fumer, c’est cinq kilos en plus, eh bien, tu lâches. » La chroniqueuse se
promet de réessayer, mais pas avant d’avoir trouvé comment ne pas se
mettre à accumuler les kilos. Sinon, croit-elle, tous ses efforts ne serviront à
rien.
Châtelaine/ Juin 1999
Par Marie-Claude Lortie
Les Femmes Fument Pour Ne Pas Grossir
Ce ne sont pas les jeunes filles
anorexiques qui fument pour perdre du
poids, mais plutôt les boulimiques…
« Moi, j’ai suivi tous les conseils : j’ai bu de l’eau, j’ai mangé des carottes. Mais j’ai
quand même pris neuf kilos », souligne Gabrielle Faucher, une retraitée de
Tétreaultville qui fume depuis 42 ans son paquet et demi par jour. « À l’époque, je
n’avais pas les moyens de m’acheter une nouvelle garde-robe. Alors, j’ai recommencé.
Et franchement, je ne suis plus du tout motivée à arrêter! »
Prendre du Poids… À Court Terme
Selon les diététistes, il ne fait pas de doute que cesser de fumer peut entraîner
une prise de poids chez certaines personnes, du moins à court terme. En plus de
confirmer que les femmes sont davantage préoccupées que les hommes par cette
question, une revue de la documentation sur le sujet effectuée en 1996 par Santé
Canada indique que 80% des ex-fumeurs prennent en moyenne 2,3 kilos durant la
période allant d’un mois à six ans suivant l’abandon de la cigarette. Moins de 4% des
ex-fumeurs prennent plus de neuf kilos. Au cours de la même période, les fumeurs
prennent en moyenne un demi-kilo.
Les personnes qui arrêtent de fumer prennent du poids, à court terme, pour
quatre raisons, explique Lyne Mongeau, diététiste et vice-présidente du Collectif action
alternative en obésité.
Tout d’abord, la nicotine permet effectivement de contrôler artificiellement
l’appétit parce qu’elle déclenche une légère sécrétion de sucre dans le sang qui masque
la faim. Ensuite, les ex-fumeurs retrouvent le goût et apprécient donc plus la bonne
chair. De plus, le simple geste de fumer est une activité physique. On
estime que chercher une cigarette, l’allumer, la porter à sa bouche et
métaboliser les produits chimiques qu’on inhale permettent de brûler 10
calories. Pour les gens qui fument un paquet par jour, on parle donc de
250 calories quotidiennes qui s’accumuleront en kilos si on ne fait pas
plus d’exercice et même si on continue à manger comme avant. Finalement, dit la
diététiste, les ex-fumeurs cherchent souvent dans la nourriture une façon de
« compenser ». Et les bonbons ou le chocolat sont généralement plus populaires, à ce
chapitre, que les bâtons de céleri…
Cela dit, un article publié l’automne dernier dans le Journal of Consulting and
Clinical Psychology atteste que fumer n’est pas un outil minceur à long terme. Une
étude effectuée auprès de 4 000 personnes aux Etats-Unis montre en effet que les
augmentations de poids moyennes sur une période de sept ans sont semblables chez les
fumeurs et les non-fumeurs. En outre, souligne la diététiste Louise Lambert-Lagacé, les
études révèlent qu’à la ménopause, les fumeuses prennent en général plus de poids
que les non-fumeuses et réagissent moins bien à l’hormonothérapie.
Châtelaine/ Juin 1999
Par Marie-Claude Lortie
Les Femmes Fument Pour Ne Pas Grossir
Adolescence et Apparence
Les campagnes antitabac ont beau prôner la santé et répéter aux jeunes que
fumer n’a rien de cool, des milliers et des milliers d’adolescentes, influencées pas des
images d’actrices et de mannequins squelettiques (qui fument d’ailleurs pratiquement
toutes dans la vraie vie), commencent à fumer pour contrôler leur poids, voire pour
maigrir.
Là encore, de nouvelles études sont venues confirmer ce qu’on soupçonnait.
Une recherche menée auprès de 3 000 jeunes filles canadiennes et britanniques, et
dont faisait état le British Medical Journal en août dernier, montre que les jeunes
fumeuses sont deux fois plus préoccupées par leur apparence physique que les nonfumeuses et deux fois plus enclines à se faire vomir après avoir mangé. Une jeune
fumeuse sur quatre se sert carrément de la cigarette pour remplacer les repas. La
recherche établit aussi que la peur de manger davantage et, par conséquent,
d’engraisser, empêche bon nombre d’entre elles d’arrêter de fumer.
Dans l’International Journal of Eating Disorders de décembre dernier, une autre
étude confirme ces tendances et souligne qu’entre les anorexiques, les boulimiques et les
filles sans troubles alimentaires, c’est chez les boulimiques qu’on trouve le plus de jeunes
fumeuses.
Ces données sont plutôt inquiétant quand on sait qu’au Québec, le taux de
tabagisme chez les filles est en peine croissance. Entre 1991 et 1994, il est passé de 23% à
39%. Et en 1997, selon un sondage du Groupe Everest préparé pour le ministère
québécois de la Santé et des Services sociaux, 43% des jeunes Québécoises fumaient
régulièrement ou à l’occasion, contre 33% des garçons.
Cependant, le docteur Marc À la ménopause, les fumeuses prennent
Girard, responsable de l’unité de
médecine pour adolescents de en général plus de poids que les
l’hôpital Sainte-Justine, à Montréal, non-fumeuses…
ne pense pas qu’il faille tout attribuer
à l’obsession de la minceur.
« Comment dire si le désir d’être mince est directement lié au tabagisme? Avant qu’on
arrive à isoler cette variable et à prouver cette hypothèse… » Peu de jeunes femmes
ont évoqué devant lui cette raison. Et si elles étaient gênées de l’avouer? « Peutêtre », admet-il.
Chose certaine, précise son collègue Jean Wilkins, qui dirige l’unité spécialisée en
troubles alimentaires à Sainte-Justine, ce ne sont pas les jeunes filles anorexiques qui
fument pour perdre du poids. Au contraire, les anorexiques ne veulent pas que leur
corps devienne celui d’une femme. Elles rejettent cette activité d’adulte, comme la
consommation d’alcool et de drogue. C’est du côté des boulimiques, dit-il, qu’il faut
regarder.
Châtelaine/ Juin 1999
Par Marie-Claude Lortie
Les Femmes Fument Pour Ne Pas Grossir
Louise Vandelac, sociologue spécialisée dans les questions de santé des femmes,
estime qu’il y a encore beaucoup à faire pour sensibiliser les jeunes filles aux dangers du
tabac et d’une minceur exagérée. Les deux nuisent à leur santé, dit-elle. « Il n’est pas
question de leur dire que ce n’est rien de prendre du poids, mais plutôt de les
encourager à accepter certaines rondeurs, qui peuvent même être fort jolies! »
Maturité et Santé
Pour ce qui est des femmes adultes que les campagnes antitabac ne réussissent
pas à convaincre d’ «écraser », la tâche n’est pas plus aisée. Selon Louise LambertLagacé, l’utilisation de la cigarette comme outil de contrôle du poids est souvent un
sujet tabou chez les femmes de 30 à 40 ans qui veulent maigrir. « Elles n’osent pas
l’avouer », affirme-t-elle.
Françoise Rivard une fumeuse de 45 ans qui a arrêté deux fois et qui a pris
respectivement 9 et 18 kilos, abonde dans le même sens. « On a honte d’en parler
parce que entre quelques kilos de plus et la santé, on devrait toutes, évidemment,
choisir la santé. Mais ça ne marche pas comme ça. Pour la femme qui fume,
engraisser est une préoccupation très importante. » Selon elle, le système de santé
devrait écouter et aider les femmes aux prises avec ce dilemme, dans les juger.
Pourtant, laisser tomber la cigarette sans voir sa taille décupler n’est pas
impossible, affirme Johanne Dupuis, directrice générale de Weight Watchers au
Québec. « Dans la tête des gens, arrêter de fumer égale engraisser. C’est comme une
vérité absolue. Mais c’est faux. On peut abandonner cette mauvaise habitude sans
gain de poids considérable. »
Louise Lambert-Lagacé souligne qu’il est important de surveiller son
alimentation, bien sûr, mais aussi d’augmenter son activité physique. Le but
recherché : une croissance de la masse musculaire afin de brûler plus de calories, même
au repos.
Un Geste D’amour
Toutefois, le docteur Marcel Boulanger, président du Conseil québécois sur le
tabac et la santé et directeur d’ateliers de traitement du tabagisme à l’Institut de
cardiologie de Montréal, ajoute : « Les fumeurs doivent aussi affronter leurs “bibittes”
et régler certains problèmes afin que le frigo ne se mette pas à jouer le rôle que jouait
la cigarette. »
Et puis, si on embarque dans ce projet avec beaucoup de volonté et de
conviction, tout peut très bien se passer. Les études psychiatriques, note le docteur
Boulanger, montrent que les gens qui comprennent que cesser de fumer est un geste
« d’amour pour soi » finissent par prendre moins de poids!!!
Châtelaine/ Juin 1999
Par Marie-Claude Lortie
Les Femmes Fument Pour Ne Pas Grossir
FEMMES et FUMÉE
Selon des études scientifiques recensées par Santé Canada :
Les femmes craignent plus que les hommes de prendre
du poids en arrêtant de fumer.
Les Québécoises ont un des plus hauts taux de
tabagisme au monde. Au Canada, ce sont elles qui
fument le plus.
Les fumeurs sont plus nombreux que les non-fumeurs à
penser que la cigarette est un régulateur de poids. Ceux
qui sont le plus de cet avis : les adolescentes de 16 ans!
Châtelaine/ Juin 1999
Par Marie-Claude Lortie

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