libéré des conventions

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libéré des conventions
NUMÉRO 06
LIBÉRÉ DES
CONVENTIONS
Un examen détaillé de la nouvelle collection L-evolution
LA BÊTE FAIT
DE LA MUSCU
Nous avons testé la Lamborghini
LP 560-4 Gallardo
COMMENT LE TEMPS
EST ARRIVÉ À LA VALLÉE
DE JOUX
L’histoire de l’abbaye au bord du lac
2009
E D I T O R I A L
| 01
Cher amateur d’horlogerie,
J’ai le plaisir de vous présenter le sixième numéro
des Lettres du Brassus.
Cette édition vous permettra notamment de découvrir
notre nouvelle ligne L-evolution, qui enrichit nos collections d’une alternative esthétique inédite. Les passionnés de montres bénéficient donc d’un choix plus large,
qui s’étend désormais des modèles Villeret à l’inspiration classique aux intrépides garde-temps de la collection sportive et des complications éternelles de la ligne Le Brassus à l’audacieuse modernité
incarnée par les créations horlogères L-evolution. Si la gamme des options formelles offertes
par Blancpain s’est étoffée avec notre nouvelle collection, un élément demeure invariable :
notre ambition de construire des mouvements de manufacture d’avant-garde. Au printemps
de cette année, alors que le salon de l’horlogerie Baselworld ouvrait ses portes, Blancpain
avait inscrit à son palmarès non moins de sept nouveaux calibres au cours des deux dernières
années et demie, dont quatre mouvements dévoilés pour le seul millésime 2009. Un rythme
d’innovation sans équivalent dans l’industrie, que nous entendons bien maintenir.
Je vous souhaite une agréable lecture !
Marc A. Hayek
Président de Blancpain
À
L A
U N E
LIBÉRÉ DES CONVENTIONS
Un examen détaillé de la nouvelle
collection L-evolution
04
UNE TOILE EN SILICIUM
L‘équipe de designers de Blancpain
26
RÉFLEXION PLUTÔT QU‘INVENTION
Le célèbre restaurant
parisien de Guy Savoy
32
DAVANTAGE QU‘UN MARIAGE
DE LABELS
Édition limitée du chronographe
flyback Super Trofeo de Blancpain
54
02 | 03
SOMMAIRE
DANS L‘AIR DU TEMPS
LIBÉRÉ DES CONVENTIONS page 04
ART DE VIVRE
RETOUR AUX SOURCES page 14
GROS PLAN
UNE TOILE EN SILICIUM page 26
ART DE VIVRE
RÉFLEXION PLUTÔT QU‘INVENTION page 32
ART DE VIVRE
LA BÊTE FAIT DE LA MUSCU page 44
DANS L‘AIR DU TEMPS
DAVANTAGE QU‘UN MARIAGE
DE LABELS page 54
DANS L‘AIR DU TEMPS
L‘HISTOIRE DE L‘ABBAYE AU BORD
DU LAC OU COMMENT LE TEMPS EST
ARRIVÉ À LA VALLÉE DE JOUX page 60
art de vivre
LA BOURGOGNE À VÉLO page 72
NOUVELLES
MORCEAUX CHOISIS DE
L‘UNIVERS BLANCPAIN page 86
IMPRESSUM page 88
EN COUVERTURE:
La nouvelle L-evolution Phase de Lune 8 Jours.
D
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Un classique réinventé. La L-evolution Phase de
Lune 8 Jours, le premier garde-temps à calendrier
lunaire complet de l’histoire à offrir huit jours de
réserve de marche.
04 | 05
LIBÉRÉ DES
ConventionS
PAR Jeffrey S. Kingston
EN COMPLÉMENT À SES COLLECTIONS CLASSIQUES
VILLERET ET LE BRASSUS AINSI QU’À LA LIGNE SPORTIVE FIFTY FATHOMS, BLANCPAIN LANCE LA NOUVELLE
COLLECTION L-EVOLUTION DONT LES DÉBUTS SONT
MARQUÉS PAR QUATRE AUDACIEUX MODÈLES CONTEMPORAINS.
E
xiste-t-il une expression plus gal-
Il n’est pas difficile de transposer cette
vaudée dans la langue véhiculaire
notion au bref essai de Mark Twain sur la
que celle de « sens commun » ? Avec ne
liberté de parole. Avec un brin d’exagé-
serait-ce que l’effort minime requis pour
ration, Mark Twain a formulé l’hypothèse
séparer les termes de cette proposition
que seul un mort possède le droit absolu
(la tâche n’est pas insurmontable, ils ne
de dire tout ce qu’il veut. Qui, en fin de
sont en effet qu’au nombre de deux), elle
compte, serait disposé à attaquer pour ses
peut être considérée comme une contra-
positions une personne qui est tout sauf
diction en soi. Il n’y a fondamentalement
en position de se défendre ? Ainsi, Mark
aucun « sens » à être « commun ». Ennu-
Twain affirme qu’« il n’est pas un seul
yeux, certes. Sans inspiration, toujours.
individu qui ne chérisse des convictions
Sans originalité, naturellement. Sans
impopulaires que le sens commun lui in-
inventivité, à l’évidence. Il se pourrait
terdit de prononcer ». Assurément, cette
même que le mot « frustration » soit da-
observation s’applique à toute idée qui va
vantage en accord avec la signification
à l’encontre d’un « sens commun », qui ne
attachée en ce cas à la notion de « com-
peut être énoncée, moins encore trans-
mun ». Pourtant, le sens commun n’a pas
crite en actes, de crainte d’essuyer une
seulement fini par être accepté, il a con-
rebuffade instantanée. Pensez au sens
quis cette reconnaissance dévolue aux
commun comme à une forme de tyrannie
concepts socialement reconnus.
qui supprime toute velléité d’invention.
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Aussi, lorsque Marc A. Hayek, président
ment la mesure de l’ambitieuse parade
designs. À cet effet, il n’est de meilleur
de Blancpain, a réuni les designers de la
des nouveaux calibres réalisés par les
endroit pour débuter notre visite que le
manufacture pour donner le coup d’envoi
constructeurs de Blancpain, il convient
boîtier. Depuis le début des années 1980,
à la création d’une toute nouvelle col-
d’y ajouter un nouveau mouvement
presque chaque montre pour homme de
lection, il avait déjà sous la main une
automatique à second fuseau horaire et
Blancpain, à de très rares exceptions
solution dictée par le sens commun, à
huit jours de réserve de marche présenté
près, a été insérée dans un boîtier avec
commencer par le design emblématique
à Bâle simultanément aux mouvements
un dessin rond en double pomme (et
du boîtier Blancpain en « double pom-
L-evolution. Au total, le nombre des nou-
récompensez dignement vos connais-
me », qui se retrouve dans toutes les
veaux calibres de manufacture dévelop-
sances encyclopédiques de Blancpain si
lignes pour hommes, à l’exception de la
pés par Blancpain au cours des deux
vous vous souvenez des rares écarts à la
gamme sportive. La marque disposait
dernières années et demie atteint de ce
norme, la série Trilogie, la Fifty Fathoms
également d’une vaste diversité d’aiguil-
fait le total vertigineux de sept.) Il n’est nul
et la collection sportive qui s’en inspire).
les, ajourées sur les modèles inspirés par
besoin de posséder de vives facultés d’ima-
La L-evolution incarne une nouvelle
les activités physiques ou plus tradition-
gination pour se représenter l’euphorie
percée de design pour Blancpain avec sa
nelles, de cadrans au design à la discré-
jubilatoire qui s’est emparée des construc-
lunette échelonnée subtilement anglée.
tion classique, d’un vaste choix d’index
teurs, designers et membres des autres
À l’évidence, la double pomme arrondie
et de chiffres romains ou arabes, d’un
disciplines requises pour transposer un
reste une pierre angulaire des autres col-
bracelet métallique déjà élevé au statut
concept de nouvelle montre dans la réa-
lections de Blancpain, aussi considérez le
d’icône, le 71, ainsi que de mouvements de
lité lorsque Marc A. Hayek les a libérés des
nouveau motif à l’anglage discret comme
base, y compris une légendaire planche
affres du sens commun afin de laisser carte
un signe qu’il peut exister une harmo-
de calendrier avec indication de la phase
blanche à leurs talents de créateurs.
nieuse coexistence entre la tradition et
de lune. Le sens commun dictait la marche
La collection L-evolution est le résultat
à suivre : reliez d’un trait les composants
de cette inventivité affranchie de toute
de nouvelles libertés expressives.
Toutefois, les caractéristiques du boîtier
existants, apportez quelques modifica-
contrainte. La dernière-née des lignes
L-evolution ne se résument pas à sa lu-
tions ici ou là et disposez de l’après-midi
Blancpain se déclinera de prime abord en
nette sculptée. Sa construction diffère
à votre guise.
quatre modèles : la L-evolution Automa-
radicalement de celle des boîtiers des
Qu’en est-il cependant, si la tyrannie
tique 8 Jours, la L-evolution Réveil GMT,
autres collections. La particularité que
du sens commun est balayée afin que
la L-evolution Phase de Lune 8 Jours et la
les amateurs de Blancpain remarqueront
chacun de ces éléments contribue à la
L-evolution Tourbillon GMT 8 Jours.
d’emblée s’attache aux cornes, qui ne
réalisation d’une ligne entièrement nou-
Néanmoins, avant d’explorer en détail
possèdent plus une surface parfaitement
velle ? Laissez alors libre cours à votre
les caractéristiques de chacun de ces
plane sur le flanc de la montre mais
créativité. Célébrez le boîtier à double
modèles, examinons au préalable les
arborent un profil en relief. Il leur con-
pomme, non seulement avec une forme
fère une profondeur visuelle accrue et
inédite, mais par une construction inno-
les dote également d’un contraste de
vante. Imaginez une apparence novatrice
finition entre une surface creusée micro-
pour les aiguilles. Développez un audacieux style contemporain pour les cadrans
en les dotant d’une construction architecturale et de chiffres à l’exceptionnelle
force expressive. Saisissez-vous d’une
feuille à dessin vierge et, dans la foulée,
inventez un nouveau système de fixation
au boîtier. Enfin, en point d’orgue, ne
billée et le poli parfait de la partie
LA COLLECTION L-EVOLUTION
NE SE DISTINGUE PAS UNIQUEMENT PAR UN BOÎTIER, DES
AIGUILLES ET UN CADRAN
INÉDITS, ELLE INAUGURE
AUSSI NON MOINS DE TROIS
NOUVEAUX MOUVEMENTS.
supérieure. La nouvelle conception des
cornes ne répond cependant pas à un
seul souci de décoration. Contrairement
aux modèles antérieurs de Blancpain
dans lesquels elles faisaient partie intégrante du corps du boîtier, les cornes
prennent pour la première fois sur la ligne
concevez pas uniquement un calibre de
L-evolution la forme d’un composant
base à remontage automatique entière-
entièrement séparé. Lorsque la bague à
ment nouveau, mais également un
l’arrière du boîtier est retirée, l’assem-
mouvement révolutionnaire à calendrier
blage des cornes peut être aisément
et phase de lune. (Pour prendre pleine-
dévissé pour être remplacé par un autre.
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La L-evolution Tourbillon GMT 8 Jours n’affiche
pas seulement l’heure de deux fuseaux horaires,
son nouveau mouvement tourbillon automatique
possède une réserve de marche de huit jours.
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Raisonnablement confiant dans l’espoir
et les attaches qui permettent à un brace-
prolongement homogène du boîtier. Si
que vous ne vous êtes pas jeté immé-
let métallique de s’insérer avec fluidité
les premiers exemplaires de la L-evolu-
diatement sur votre boîtier de montre
dans le corps du boîtier ne peuvent
tion sont tous dotés d’un bracelet en cuir,
muni d’un quelconque outil de destruc-
être confectionnées en sorte d’assurer
les modèles métalliques sortiront de pro-
tion pour tenter d’en changer les cornes
parfaitement la même fonction pour
duction au cours des prochaines semaines.
avec l’énergie du désespoir, je me plais à
un bracelet en cuir. Tant et si bien que
Hormis les cornes, un nouveau design a
imaginer que vous vous demandez tout
le commandement suprême dans ce
également vu le jour pour les montres
bonnement « quel besoin pourrais-je
domaine a toujours consisté à rechercher
munies d’un bracelet en cuir et il con-
donc avoir de cornes amovibles substitu-
le meilleur équilibre possible.
cerne la boucle déployante. La nouvelle
ables ? » La réponse à cette question se
Toutefois, des cornes amovibles per-
forme offre deux caractéristiques de
mettent aisément de passer d’un bracelet
sécurité essentielles. En premier lieu, elle
Jusqu’à maintenant, et à travers toute
en cuir à un modèle métallique, accom-
se fixe au bracelet en passant une petite
l’industrie horlogère, un certain compro-
pagné à chaque fois par des cornes adap-
vis à travers l’un des trous habituels du
mis a régné dans le design des montres
tées qui remplissent impeccablement
bracelet. Cette précaution garantit que
qui offrent le choix entre un bracelet en
leur fonction. La part de génie contenue
le bracelet en cuir et la boucle restent à
cuir et son homologue en métal. La forme
dans cette invention se manifeste le plus
tout jamais, ou presque, solidaires. Et,
des cornes et des attaches qui convien-
clairement lorsque les modèles L-evolu-
deuxièmement, la boucle elle-même pos-
nent parfaitement pour fixer un bracelet
tion sont équipés d’un bracelet métal-
sède un fermoir de sécurité intégré. La
en cuir ne sont pas idéales si ce dernier
lique. Plutôt que d’apparaître comme un
prochaine halte de notre tour guidé sera
doit être remplacé par un modèle métal-
substitut de son homologue en cuir, le
consacrée aux cadrans L-evolution. Ils
lique. L’inverse est aussi vrai. Les cornes
bracelet métallique se transforme en un
ouvrent aussi de nouvelles perspectives,
trouve dans le bracelet.
Vue latérale de la L-evolution Réveil GMT.
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Cette projection réalisée par ordinateur illustre
la manière dont les cornes sont fixées au boîtier
L-evolution.
tant du point de vue de l’esthétique que
de la conception. Pour la première fois,
Blancpain présente des cadrans structurés en de nombreuses couches dont
l’apparence se singularise par une
extraordinaire profondeur. Prenons l’exemple du cadran de la Phase de Lune 8
Jours. Le disque de l’indication de la
réserve de marche occupe le niveau inférieur. Les indications pour le jour de la
semaine, le mois et la phase de lune
sont situées au niveau immédiatement
supérieur, lui-même dominé par la section centrale qui arbore une finition en
côtes de Genève réalisée dans le style
d’une platine de mouvement. Comme
cette plaque centrale est représentée
par une couche séparée, des finitions différentes peuvent être appliquées à ses
éléments. Ainsi, sur la L-evolution Phase
de Lune 8 Jours, les côtes de Genève au
EN FAISANT DES CORNES
UN COMPOSANT SÉPARÉ DU
BOÎTIER, BLANCPAIN EST EN
MESURE D’OFFRIR DEUX JEUX
DE CORNES SPÉCIFIQUES − POUR
LES BRACELETS EN CUIR ET LES
BRACELETS EN MÉTAL − QUI
ASSURENT UNE FIXATION PARFAITE DANS TOUS LES CAS.
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centre du cadran sont plus larges que
certains chiffres par d’autres, confèrent
celles du guichet de la phase de lune. Sur
une
le niveau supérieur, une bague porte les
l’indication. Le terme utilisé pour définir
index alors que l’ensemble est surmonté
les aiguilles de la collection L-evolution
par le rehaut avec les indications de la
est celui de « sport conique » et il en décrit
date. Enfin, sur la dernière marche de
parfaitement la joyeuse exubérance.
fascinante
séduction
visuelle
à
l’édifice, les grands chiffres romains III et
Intéressons-nous désormais aux carac-
IX se dressent sur un niveau qui leur est
téristiques spécifiques des quatre nou-
propre, supporté par la partie centrale
veaux modèles L-evolution.
ornée de côtes de Genève. Au total, le
La L-evolution Automatique 8 Jours
cadran s’articule sur non moins de six
fait ses débuts avec un calibre de manu-
niveaux, dont chacun peut arborer une
facture entièrement inédit, le 13R5. Si
finition distinctive.
vous avez suivi attentivement nos expli-
Comme notre regard s’attache actuelle-
cations, vous constaterez qu’il s’agit du
ment au cadran, saisissons l’opportunité
quatrième mouvement de base dévoilé
pour examiner les expressions inédites
par Blancpain au cours des deux der-
des chiffres et des aiguilles. Pour faire
nières années et demie. De faibles apti-
écho au style architectural du cadran, les
tudes de déduction ou l’absence totale
chiffres possèdent une profondeur opti-
de connaissances en micromécanique
que qui transparaît à travers les divers
ne constituent pas un obstacle pour
niveaux des indications. Dans le cas des
comprendre que le 13R5 qui anime la
chiffres romains III et IX sur la L-evolution
L-evolution Automatique 8 Jours est
Phase de Lune 8 Jours ainsi que des 3 et 9
un calibre à remontage automatique.
arabes sur les autres modèles, divers élé-
L’appréhension de ses autres caractéris-
ments, y compris le chevauchement de
tiques techniques est moins évidente
La L-evolution Automatique
8 Jours est animée par un
nouveau mouvement
automatique à huit jours,
le calibre 13R5.
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à partir du nom de la
montre ou de son
mouvement,
sorte
de
qu’elle
r e q u i e r t
quelques éclaircissements complémentaires.
Ce calibre à remontage
au-
tomatique abrite
une réserve de marche de huit jours entiers grâce à sa combinaison
de
trois
barillets
(le
barillet le plus à l’intérieur est doté
d’un ressort fixe alors que les deux autres
possèdent une bride glissante) et à son
pignons sont soigneusement polis alors
balancier en titane. Garant d’une marche
que les logements des rubis de grande di-
précise et d’une extrême résistance aux
mension sont méticuleusement biseautés.
chocs violents susceptibles de porter at-
La L-evolution Automatique 8 Jours qui
teinte au réglage de la montre, le spiral
comprend deux complications, l’affichage
adopte un profil plat alors que le balan-
de la date à 6 heures et une indication de
cier à inertie variable en titane est doté
la réserve de marche dans un guichet à
de quatre vis de réglage en or. L’horloger
12 heures, est proposée dans des versions
qui construit la montre et l’ajuste pour la
en acier et en or rouge.
première fois, à l’image de chacun de ses
Le prochain modèle de la ligne L-evolu-
confrères qui procédera ultérieurement
tion à faire son apparition est la Réveil
aux opérations de service, peut régler la
GMT. Il est doté du calibre 1241 à la fia-
marche avec précision en les tournant
bilité éprouvée qui équipe les modèles
d’une portée exactement déterminée. En
Léman Réveil. Toutes les caractéristiques
effet, un tour complet des vis modifie la
qui ont fait de la Léman Réveil la montre
marche de 30 secondes par jour. Il im-
de voyage par excellence se retrouvent
porte de comparer cette solution avec les
sur la version L-evolution : deux fuseaux
dispositifs qui équipent la grande majo-
horaires (avec l’heure de référence sur 24
rité des montres actuelles sur lesquelles
heures indiquée sur le rehaut externe),
la régularité la marche dépend du dé-
l’heure locale aisément ajustable par
placement plus ou moins aléatoire de la
sauts d’une heure, en avant et en arrière
raquette, effectué par à-coups et essais
via la couronne, l’affichage de la date qui
successifs, jusqu’à trouver une précision
s’effectue au passage de minuit lors du
acceptable pour le garde-temps. Ainsi
réglage de l’heure locale, dans le sens
que le mérite de plein droit un calibre
horaire ou antihoraire, sans oublier,
aussi avancé, le 13R5 est minutieusement
naturellement, une sonnerie qui se fait
décoré à la main, les ponts et les platines
entendre par l’entremise d’un timbre
sont anglés alors que les côtes de Genève
métallique monté sur la circonférence du
adoptent une courbe parabolique sur les
mouvement. L’alarme dispose d’une indi-
surfaces planes des ponts et la masse
cation spécifique afin que l’heureux pos-
oscillante. Pour leur part, les roues et les
sesseur de la montre puisse s’assurer que
Doté de trois barillets et d’un balancier en titane
à inertie variable avec vis de réglage en or, le calibre 13R5 offre une réserve de marche de huit jours.
Ses « côtes paraboliques » incarnent un nouveau
style d’ornementation, qui est réalisé à la main.
LES TROIS NOUVEAUX MOUVEMENTS DE LA COLLECTION
POSSÈDENT UNE RÉSERVE DE
MARCHE DE huit JOURS.
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sa réserve de marche est suffisante afin
aussi
calendrier
phase de lune au moment de son choix
de remplir correctement sa fonction. Avec
entièrement nouvelle, qui indique le
une
planche
de
sur le cycle des 24 heures sans le moindre
le remontage automatique du mouve-
quantième, le jour de la semaine, le mois
risque d’endommager le mécanisme. Il
ment et du mécanisme d’alarme, la
et l’indication de la phase de lune. C’est
n’est plus besoin de rechercher le mode
L-evolution Réveil GMT offre toutes les
son mode de réglage qui distingue cette
d’emploi lorsque la montre, qui a épuisé
caractéristiques requises par les globe-
planche de calendrier de toutes celles que
sa réserve de marche, doit être remon-
trotters les plus exigeants.
Blancpain a utilisées depuis près de 30
teé. L’invention de la première montre
La L-evolution Réveil GMT est proposée
ans. Fondamentalement, les calendriers
au monde à calendrier complet et phase
dans des versions en or rouge et en acier.
en usage dans l’industrie horlogère inter-
de lune qui permet de régler les indi-
Emblématique pour Blancpain depuis
disent de changer ou d’ajuster les indica-
cations à n’importe quel moment est
le début des années 1980, la complica-
tions à certaines heures. Cette contrainte
une percée révolutionnaire qui ouvre
tion de la phase de lune constitue une
mécanique est imposée par les construc-
de nouvelles perspectives à l’industrie
pierre angulaire des collections de la
teurs car les rouages et les cames des
horlogère.
marque. La L-evolution Phase de Lune
diverses indications sont déjà engagés
La L-evolution Phase de Lune 8 Jours
8 Jours poursuit cette tradition dans la
pour effectuer un prochain changement.
est disponible avec des boîtiers en or
nouvelle série. Même si les designers ont
Comme ces composants sont fragiles,
rouge et en acier.
respecté l’héritage de Blancpain pour ce
un ajustement manuel par l’entremise
La L-evolution Tourbillon GMT 8 Jours
nouveau modèle, ils n’ont nullement
d’un correcteur peut les briser. Le mode
trône au sommet de la pyramide L-evolu-
érigé l’œuvre de leurs prédécesseurs en
d’emploi qui accompagne la montre
tion. C’est la première fois que Blancpain
un ensemble intouchable. Tout au con-
indique toujours les moments de la
associe son tourbillon volant avec la com-
traire, la L-evolution Phase de Lune 8
journée où les correcteurs peuvent être
plication d’un second fuseau horaire. Les
Jours est dotée d’un calibre entièrement
constructions de tourbillon de Blancpain
nouveau, le 66R9, qui tranche dans cha-
ont toujours offert une réserve de marche
cun de ses aspects sur ses prédécesseurs à
extrêmement longue et le modèle L-evo-
indication de la phase de lune. Ce calibre
reprend les éléments fondamentaux du
13R5 à remontage automatique, mais
sous une forme adaptée à la présence
des complications phase de lune et calendrier complet. Il possède comme le 13R5
LES QUATRE NOUVEAUX
MODÈLES L-EVOLUTION SONT
L’AUTOMATIQUE 8 JOURS, LA
RÉVEIL GMT, LA PHASE DE LUNE
8 JOURS ET LA TOURBILLON
GMT 8 Jours.
lution ne fait pas exception à la règle
avec son autonomie de huit jours complets. En plus de l’indication d’un second
fuseau horaire, la L-evolution Tourbillon
GMT 8 Jours possède une complication de
date située à 9 heures. L’affichage s’inspire
trois barillets, un balancier en titane et
de celui du Carrousel dévoilé l’an dernier,
huit jours de réserve de marche. Ainsi, la
où les 31 jours sont affichés sur deux
L-evolution est la première montre à in-
échelles situées sur un demi-cercle. Elles
dication de la phase de lune de Blancpain
sont parcourues par une aiguille double,
à offrir une autonomie de marche aussi
utilisés sans risque pour le mécanisme
qui possède un bras plus long que l’autre,
longue et la première montre Blancpain
(et simultanément les périodes où ils ne
de sorte que le quantième actuel est in-
à phase de lune dont le cadran arbore
peuvent l’être). Dans le cas du calendrier
diqué par la position du bras correspon-
une indication de la réserve de marche.
complet
dant à chaque échelle.
En effet, la L-evolution Phase de Lune
Blancpain, il y avait deux périodes pen-
Deux autres complications sont visibles
8 Jours est la première montre-bracelet
dant lesquelles l’utilisation des correc-
sur le cadran : l’heure de référence avec
automatique de l’histoire de l’horlogerie à
teurs était proscrite, entre 9 et 11 heures
une aiguille 24 heures sur un rehaut à
présenter les complications de calendrier
du matin pour la phase de lune et entre
l’extérieur des index et une réserve de
complet et d’indication de la phase de
21 heures et minuit pour les affichages
marche située à 6 heures.
lune avec une réserve de marche de huit
du calendrier.
précédemment
utilisé
par
Comme il s’agit de la pièce la plus com-
jours. Cependant, l’innovation dans le
Cette restriction a entièrement disparu
pliquée de la nouvelle ligne, la L-evolution
mouvement ne s’arrête pas au calibre de
sur la L-evolution. Le nouveau design
Tourbillon GMT 8 Jours sera présentée
base. Le mouvement 66R9 de la L-evolu-
permet à l’utilisateur de régler n’importe
uniquement avec un boîtier en métal
tion Phase de Lune 8 Jours abrite
quelle indication du calendrier ou de la
précieux, en or rouge ou en or blanc. n
12 | 13
La L-evolution Réveil GMT avec double fuseau
horaire, date et fonction alarme.
a r t
d e
v i v r e
Retour aux
sources
TEXTE ET PHOTOGRAPHIES PAR Jeffrey S. Kingston
14 | 15
�
PieRRe-yVes coLin est une ÉtoiLe MontAnte Des BouRgognes BLAncs. iL A AcQuis une
RÉPutAtion D’iconocLAste en ReJetAnt cAtÉgoRiQueMent De noMBReuX « PeRfectionneMents » APPoRtÉs À LA ViticuLtuRe PouR se touRneR VeRs Les MÉtHoDes en usAge
iL y A Des DÉcennies.
a r t
d e
v i v r e
Les vignes à la fin mars. Au premier plan,
Chassagne-Montrachet Les Chenevottes ;
sur la colline, Saint-Aubin En Remilly.
16 | 17
�
ce ne sont PAs Les AÎnÉs Qui s’AccRocHent Au PAssÉ,
MAis Le Jeune PieRRe-yVes coLin Qui A cHoisi De se
LAisseR guiDeR PAR LA tRADition.
A
près avoir passé plus d’une heure à
de Bourgogne, Pierre-Yves est un iconoclaste
converser dans la cuisine de Pierre-Yves
qui rejette catégoriquement la plupart des
Colin qui domine le vignoble de Chassagne-
expédients et des « perfectionnements » que
Montrachet, en me penchant attentivement
la technologique moderne a apportés à la
sur sa conception de l’élaboration d’un vin,
viticulture. il a choisi en effet d’appliquer les
un lien évident s’est fait jour dans mon esprit
méthodes en usage il y a plus d’un siècle.
entre Blancpain et ce vigneron qui est sans
Pour agrémenter cette position d’une touche
conteste l’une des étoiles montantes du
d’ironie, alors même que sa femme et lui pro-
vignoble bourguignon. Non que j’aie eu la
viennent tous deux de familles qui se con-
vision d’un atelier d’horlogerie qui se dresse
sacrent à l’élaboration de vins blancs, ce ne
sur les collines des Côtes de Beaune, pas plus
sont pas les plus âgés qui s’accrochent aux
que je n’ai imaginé des vignes partant à l’as-
recettes du passé, mais les représentants de
saut des pistes de ski qui commencent à pei-
la jeune génération qui se réfèrent à la tradi-
ne franchie la porte de la manufacture du
tion dans leur approche du vin. N’en concluez
Brassus. ainsi, si cette connexion mentale ne
pas néanmoins que Pierre-Yves Colin est un
reposait pas sur un improbable projet com-
incorrigible romantique qui fuit les contraintes
mun ou un échange de métiers, comment
de la vie moderne. il y a davantage de respect
suis-je parvenu à relier son mode de vinifica-
dans son amour des pratiques ancestrales
tion à la manière dont Blancpain confection-
que de simples fadaises sur les mulets, les
ne patiemment un garde-temps ? C’est sans
charrues et la terre comme mère nourricière.
doute la simple perception d’une fraternité
Si vous appréciez les grands vins blancs de
d’âme entre Pierre-Yves Colin et les horlogers
Bourgogne et que vous avez déjà débouché
de Blancpain qu’il m’a été donné de rencon-
certains crus des années 1990 qui figuraient
trer. Même s’ils pratiquent des arts entière-
à l’inventaire de votre cave (en considérant
ment différents, le viticulteur et les horlogers
comme fermement établi que vous êtes
sont fraternellement unis par une dévotion
un digne membre de la confrérie OdCB –
passionnée à leur métier et l’observation
« Ouvrez donc cette bouteille » ), vous avez
rigoureuse des méthodes traditionnelles.
alors presque assurément trébuché sur un
Bien qu’il soit l’un des plus jeunes vignerons
triste petit secret, qui en réalité n’en est plus
a r t
d e
v i v r e
À droite, Pierre-yves colin dans sa cave de chassagneMontrachet. La pipette est utilisée pour prélever des
échantillons de vin du tonneau.
un : il est arrivé quelque chose d’inquiétant
et à quoi devons-nous ce dangereux état
aux bourgognes blancs de nombreux domai-
de fait qui plane désormais comme une me-
nes, au cours des cinq dernières années. des
nace sur la réputation de nombre des plus
vins qui auraient dû présenter un potentiel
prestigieux vins blancs au monde ? Pour Pierre-
de vieillissement d’une dizaine ou d’une ving-
Yves Colin, toute l’affaire se résume à deux
taine d’années, ou bien davantage encore
éléments qui sont reliés dans une certaine
dans le cas de grands crus, s’effondraient, se
mesure : les critiques œnologiques et les
désassemblaient, se désagrégeaient en de
tentations qu’ils imposent aux vignerons
méchants liquides oxydés, nauséabonds, et
d’abandonner les enseignements apportés
pour tout dire, proprement imbuvables. Le
par des centaines d’années de tradition afin
désagrément serait mineur si nous parlions
de produire à la place des vins monstrueux,
de vins ordinaires qui garnissent les étals des
tape-à-l’œil, violents, au goût prononcé de
supermarchés, mais pour des crus de char-
beurre, destinés à parader dans les concours
donnay qui sont vendus entre 50 et 200
organisés annuellement pour comparer des
euros la bouteille, la déconvenue prend l’am-
vins jeunes. Ces liquides gonflés aux stéroïdes
pleur d’une véritable catastrophe.
peuvent certes « remporter » des dégustations,
18 | 19
a r t
d e
v i v r e
un environnement véritablement enivrant. Au
premier plan, chassagne-Montrachet Les chenevottes ; au fond, le vignoble de Montrachet, le
plus célèbre de tous les bourgognes blancs. Les
vignes de saint-Aubin en Remilly commencent
à gauche, juste à l’extérieur de la photo.
séduire les critiques et recueillir le score maxi-
À chaque étape ou presque, du travail
mal dans les magazines et les revues, mais une
de la vigne et de la vinification à la mise en
fois disposés dans les casiers à bouteilles de
bouteille et même au cachetage après le
leurs malheureux propriétaires, ils perdent
bouchonnage, Pierre-Yves Colin s’écarte des
rapidement et silencieusement tout caractère.
tenants de la modernité. Notre visite s’est
Pierre-Yves Colin demeure ferme dans son
déroulée au début du mois d’avril et cette
refus de pratiques qui semblent avoir incité
période de l’année permet d’illustrer l’un des
tant d’autres viticulteurs des Côtes de Beaune
aspects par lesquels ses méthodes diffèrent
à produire des vins prodigieusement décevants,
de celles de ses confrères. À cette saison, il
soit par leurs promesses de victoires aisées
convient en effet de travailler le sol du vigno-
lors des compétitions œnologiques, soit par
ble et de s’atteler à la première étape du dés-
la simplification accrue apportée aux proces-
herbage. toutes les parcelles environnantes
sus de vinification. À l’inverse, son choix s’est
sont traitées aux herbicides. Les vignerons
porté sur les techniques pénibles, fastidieuses
appliquent avec une confiance aveugle les
et, en fin de compte, bien plus coûteuses, qui
ukases des chercheurs qui assurent la promo-
servaient de normes à l’élaboration de vins
tion enthousiaste de ce mode d’extermina-
de haute qualité il y a plusieurs décennies.
tion des mauvaises herbes. À l’évidence, ce
20 | 21
NOTES DE DÉGUSTATION
en
� 2007 MeuRsAuLt PeRRiÈRes.
� 2008 sAint-AuBin cHAte-
ReMiLLy. Splendides arômes citronnés,
�
remarquable précision des arômes et da-
niÈRe (du tonneau). remarquable plénitu-
nez aux notes de chêne et de beurre, suivi
vantage de structure. Splendide équilibre
de et profondeur. un caractère de chêne
par un final de fruit frais. remarquable
entre les notes de beurre et l’acidité. extra-
prononcé, équilibré par les notes de fruits
concentration et plénitude. Ce vin l’emporte
ordinaire longueur en bouche.
frais. un excellent exemple d’un grand
2007
sAint-AuBin
sur la plupart des appellations village Chas-
Saint-aubin.
�
sagne et Puligny.
2007 BienVenues BÂtARD
� 2008 cHAssAgne cAiLLeRets
� 2007 PuLigny cHAMPs gAins.
MontRAcHet (non encore mis en bouteille). Fabuleuse complexité avec des notes
(du tonneau). un merveilleux Chassagne.
Bouquet floral, un peu contenu encore.
minérales, citronnées et florales. Grande
un nez aux arômes de lime, équilibrés par
Superbe structure. Le vignoble de Champs
profondeur et un final qui ne s’achève
le chêne. remarquable concentration.
Gains est situé sur la colline de Puligny et
jamais. un vin magnifique.
cette localisation apparaît dans ses notes
� 2008 cHeVALieR MontRAcHet
minérales. C’est un vin un peu secret, à la
� 2007 cHeVALieR MontRA-
(du tonneau). Fabuleux. Stupéfiant mélange
grande finesse. il présente actuellement
cHet (non encore mis en bouteille). une
de notes minérales, de profondeur et de
une longueur moyenne.
complexité encore plus grande. Le vin se
fraîcheur. une longueur en bouche tout
� 2007 cHAssAgne cAiLLeRets.
dévoile en vagues successives, aux arômes
simplement ahurissante.
Élaboré avec des vignes âgées de 70 ans.
tout est là, avec une longueur en bouche
Nettement plus riche que le Puligny, il déve-
qui ne s’arrête plus. Ce vin présente toutes
loppe déjà un agréable caractère rond aux
les qualités qui permettent à Chevalier de
notes de beurre, noix, miel et citron.
l’emporter sur Le Montrachet.
�
En
Pim
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de miel, de citron, de minéraux, de fleurs.
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Les Vergers
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Les Chenevottes
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Vigne
Derrière
Le Parterre
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Comba
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Pot Bois
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Les En cégnières
Le vignoble de Montrachet. Au fond, le village de
chassagne-Montrachet.
a r t
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v i v r e
Vue générale des vignobles de chassagne au mois
d’août. Au premier plan, Les chenevottes ; au fond,
sur la colline, Les Vergers ; en Remilly est situé à
droite sur la colline.
conseil permet de gagner temps et travail,
d’une autre dans la bouteille peut être écartée
les vignes ne sont labourées qu’une fois par
d’emblée si son application intervient long-
année, l’herbicide pulvérisé au même rythme
temps avant la formation du fruit. La qualité
et ensuite, pendant le reste de la saison, le
du vin est davantage influencée par son effet,
vigneron peut contempler des rangées de
ou plus précisément, par son absence d’effet
vignes exemptes de toute mauvaise herbe qui
sur les racines et tel est le motif qui incite
ressemblent à un décor de carte postale.
Pierre-Yves Colin à se livrer à de nombreux
vous ne trouverez pas la moindre trace
sarclages plutôt qu’à une pulvérisation unique.
d’herbicide sur l’exploitation de Pierre-Yves
La répétition de cette opération permet en
Colin. en lieu et place, il s’évertue à sarcler ses
effet de couper régulièrement les nouvelles
vignes à de multiples reprises tout au long de
radicelles à proximité de la surface du sol
l’année afin de limiter la prolifération des her-
que la vigne tend spontanément à produire si
bes adventices. Cette disposition à accomplir
elle n’en est pas empêchée. Chaque passage
un travail pénible est sans conteste admirable,
contraint donc la plante à rechercher l’humi-
même si le lien entre le recours aux pesticides
dité et les nutriments dont elle a besoin dans
et la qualité du vin n’apparaît pas immédiate-
la profondeur des couches minérales qui confè-
ment ou de manière intuitive. La suspicion que
rent son caractère à un vin. Pour leur part,
le produit finisse par parvenir d’une façon ou
les vignes qui ont subi un traitement aux
PieRRe-yVes coLin
RÉsiste À LA tentAtion
De PRoDuiRe Des
sPÉciALitÉs DestinÉes
À ReMPoRteR Des
concouRs De DÉgustAtion PouR cRus Jeunes.
iL ÉLABoRe ses Vins en
PensAnt À L’AVeniR.
�
22 | 23
herbicides se délectent des nutriments pro-
disposent de solides connaissances œnologi-
ches de l’air libre au détriment de la qualité.
ques savent que l’acidité détermine pour une
Ainsi, la méthode moderne réduit à la fois le
large part le potentiel de vieillissement des
travail du vigneron et celui de la vigne. Un
bourgognes blancs.
bien pour le premier, un mal pour la seconde.
Pierre-Yves Colin poursuit cette liste à loisir.
La détermination du moment de la ven-
Il prend des précautions supplémentaires lors
dange est également d’importance cruciale.
de la vendange afin de s’assurer que la peau
Pierre-Yves Colin n’a nulle intention de réali-
des grains reste parfaitement intacte jusqu’au
ser un vin gonflé de concours. En récoltant le
moment du pressage. Chez lui, cette opéra-
raisin avec un degré de sucre moins élevé que
tion dure trois fois plus longtemps qu’à l’ac-
les autres, ses crus se distinguent par une
coutumée et elle se déroule à des pressions
teneur en alcool plus faible, une remarquable
plus élevées pour extraire le maximum de jus,
fraîcheur et une tonifiante acidité. Même si
une opération indispensable au complet dé-
cette dernière caractéristique réduit quelque
veloppement du caractère d’un vin. Ces deux
peu la séduction d’un vin jeune – et la pers-
étapes de travail, tombées en désuétude
pective de remporter les compétitions de
auprès des tenants de la modernité viticole,
dégustation organisées entre des vins récem-
sont pareillement exigeantes en temps et en
ment mis en bouteilles ! – les amateurs qui
efforts.
a r t
d e
v i v r e
Sur la place du village de Chassagne-Montrachet,
devant l’une des deux caves coopératives et
l’excellent restaurant Le Chassagne.
Il est également convaincu que la qualité
meilleur rendement d’un chêne-liège, les pro-
aucun doute, mais les grands vins se compo-
des lies est vitale afin de produire un grand
ducteurs, en règle générale, n’utilisent pas
sent d’une infinité de petits détails.
vin. Aussi est-il particulièrement attentif à
uniquement la partie interne de l’écorce, mais
Et dans un hommage final à la tradition, il
leur manipulation à toutes les étapes de la vi-
également celle qui est tournée vers l’exté-
refuse de couronner ses bouteilles avec une
nification. Il verse le moût avec les lies dans
rieur, souvent décolorée. Pour augmenter la
capsule de plomb. C’est l’un des rares vigne-
des tonneaux et, contrairement à de nom-
séduction visuelle du matériau et assurer une
rons qui continue à utiliser la cire pour sceller
breux autres vignerons, il renonce à la techni-
mesure de stérilité complémentaire, la plupart
sa production dans une opération entière-
que du bâtonnage qui consiste à remettre les
des fabricants traitent leurs bouchons à l’eau
ment manuelle, une bouteille après l’autre.
lies en suspension car il est convaincu qu’à
oxygénée avant de les livrer aux domaines.
Malgré son indéfectible respect de la tradi-
laisser la nature accomplir paisiblement son
Pierre-Yves Colin refuse catégoriquement tout
tion, il s’en est écarté sous un aspect très
œuvre plutôt qu’à s’évertuer à favoriser une
bouchon peroxydé, de crainte que la moindre
particulier. L’usage aurait voulu qu’il suive
oxygénation excessive, il élabore des vins à
trace de produit ne conduise à l’oxydation des
les traces de son père. Dans la plupart des
l’élégance et à la subtilité accrues. Il n’est nul
vins. Il n’achète donc que des bouchons non
domaines viticoles de Bourgogne, il est impli-
besoin d’adopter des mesures artificielles
traités, d’une longueur démesurée – sou-
citement entendu que les fils (et les filles de
pour amplifier l’éventail des saveurs.
venez-vous que personne n’utilisait jadis le
manière croissante) reprennent l’entreprise
Il a également consacré une attention parti-
peroxyde – uniquement confectionnés avec la
familiale. Après avoir collaboré une dizaine
culière à l’étude du bouchon. Afin d’obtenir le
partie interne de l’écorce. Un détail ? Sans
d’années avec son père, il ne lui a pas été
24 | 25
Le dr George derbalian, l’un des experts en œnologie des
Lettres du Brassus, a fondé la société atherton Wine imports établie en Californie septentrionale. il n’est pas seulement devenu l’un des principaux importateurs de grands
vins aux États-unis, mais il a également acquis la renommée parfaitement méritée de figurer parmi les meilleurs
connaisseurs en vin du monde. année après année, il parcourt les circuits viticoles d’europe et des États-unis pour rencontrer les producteurs, les propriétaires des meilleurs domaines, les maîtres de chai et
�
autres personnalités incontournables de l’univers vinicole. Chaque année, il
teste plusieurs milliers de vins, des crus les plus anciens aux derniers millésimes. dans ce numéro, George derbalian partage avec nous sa découverte
des vins de Pierre-Yves Colin, l’étoile montante du Chassagne-Montrachet.
facile de prendre la décision de s’établir à son
(une opération qui n’avait pas encore été réa-
bles permet cependant de comprendre pour-
propre compte, dans le même vignoble de
lisée pour deux grands crus) et des 2008, tous
quoi un Saint-aubin bien élaboré soutiendra
Chassagne-Montrachet, afin de concrétiser
tirés du tonneau. Les deux millésimes sont
aisément la comparaison avec des crus re-
ses propres idées. aujourd’hui, il évoque à
très prometteurs, avec une exceptionnelle
nommés de Chassagne ou de Puligny. Les
mots couverts les difficultés qui ont accom-
capacité de vieillissement pour le premier.
meilleurs vignes de Saint-aubin, notamment
pagné ses premiers pas dans l’indépendance
À l’instar de nombreux vignerons bourgui-
en remilly, sont en effet littéralement prises
viticole. Comme son frère et sa sœur tra-
gnons, Pierre-Yves Colin produit des vins
en sandwich entre deux vignobles aussi pres-
vaillent aux côtés de son père, les tensions
d’une très vaste variété d’appellations, de
tigieux que Le Montrachet lui-même et Chas-
ont fini par disparaître et, maintenant, les
Saint-aubin à Chevalier-Montrachet. Si la
sagne les Chenevottes. difficile d’imaginer
trois domaines – celui de son père, le sien et
qualité est stupéfiante à tous les égards, son
une meilleure compagnie ! Pierre-Yves Colin
celui de son beau-père (où travaille la femme
Saint-aubin mérite une attention particulière.
accorde des soins jaloux à ses Saint-aubin qui
de Pierre-Yves) coexistent harmonieusement
Cette appellation qui est souvent négligée
sont à la hauteur des plus nobles espérances,
dans les étroites limites du village.
par de nombreux amateurs dont le catalogue
car ils offrent une qualité stupéfiante à un
Mais assez de philosophie, il était temps de
des bourgognes blancs semble se limiter aux
prix dérisoire, compte tenu des standards
descendre à la cave. Pierre-Yves Colin nous a
Chassagne, Puligny, Meursault et, s’ils sont
bourguignons à tout le moins.
proposé deux millésimes pour une dégusta-
larges d’esprit, aux Corton-Charlemagne. La
tion – des 2007 récemment mis en bouteilles
consultation de la carte détaillée des vigno-
■
G R O S
P L A N
Une toile
en SilicIUM
BLANCPAIN RECHERCHAIT SPÉCIFIQUEMENT DES PROFESSIONNELS
QUI N’ÉTAIENT PAS DES DESIGNERS EN HORLOGERIE MAIS DISPOSAIENT D’UN ÉVENTAIL DE COMPÉTENCES ET DE CRÉATIVITÉ NETTEMENT PLUS ÉTENDU.
PAR Jeffrey S. Kingston
26 | 27
«J
e suis convaincu que si l’on accordait
cadrans de Blancpain. Si aucun des deux ne se
L’aspect le plus étonnant de ce partenariat
aux artistes le droit de choisir leur
proclame artiste, ils le sont néanmoins tous
au sein du département design est la manière
propre étiquette, ils n’en choisiraient pour la
les deux. Avant d’entrer chez Blancpain, Alan
dont Alan et Patrice ont été engagés par
plupart aucune ». Par cette profession de foi,
concevait des logiciels alors que Patrice a tra-
Blancpain. Aucun des deux n’a été choisi en
Ben Shahn prédisait sous de nombreux as-
vaillé de nombreuses années comme gra-
fonction d’une expérience en design horloger.
pects la composition du département design
phiste. Ils ont réuni leurs forces, les ont inter-
Lionel a Marca, vice-président de Blancpain
de Blancpain. C’est là que se sont retrouvés
connectées au moyen de puissants logiciels
et responsable de la recherche et du dévelop-
Alan Apprederisse et Patrice Nanga, venus
de dessin en 3D pour peindre sur leurs toiles
pement, ne voulait surtout pas de ces suspects
d’univers professionnels entièrement différents,
en silicium les éléments de la montre que cha-
habituels, ces designers en horlogerie qui pas-
afin de présider au style des boîtiers et des
cun connaît le mieux, le cadran et le boîtier.
sent d’une marque à l’autre et ne cessent de
Alan Apprederisse à gauche et Patrice Nanga
à droite. En arrière-plan, des reproductions
de
diverses
créations.
Et wis
nostio
od modiam zzriure er ipsuscilla
at. Ut nonsequis nullum zzriliquam ad dit, Et
wis nostio od modiam zzriure er ipsuscilla at.
G R O S
P L A N
En arrière-plan, une composition acrylique
sous-marine de Patrice Nanga.
La méthode brevetée mise en point par Alan
Apprederisse permet le sertissage des pierres
depuis l‘arrière du cadran.
Ci-dessous, la Léman Tourbillon Grande
Date Diamants.
28 | 29
UN GARDE-TEMPS DOIT INSPIRER UN LIEN ÉMOTIONNEL.
QUI N’A JAMAIS RETIRÉ SA MONTRE POUR LA NUIT
AVANT DE RALLUMER LA LAMPE AFIN DE LA REGARDER
UNE DERNIÈRE FOIS ?
reproduire les mêmes motifs. Il souhaitait en
encore, les méthodes de construction expri-
effet s’attacher la collaboration de personnes
mées par le design doivent prendre la forme
qui ne provenaient pas de l’industrie, mais
d’un résultat robuste et durable.
possédaient les compétences, l’imagination
Voilà qui n’est pas chose aisée. Ce type de
et le talent requis pour donner naissance à de
difficulté peut être uniquement surmonté par
nouvelles formes de cadrans et de boîtiers.
la combinaison entre le savoir-faire et l’imagi-
À y regarder de plus près, le design horlo-
nation, que le dramaturge britannique Tom
ger représente une forme d’art particulière
Stoppard a croquée de savoureuse manière
en raison de ses multiples dimensions. Natu-
en écrivant que « le savoir-faire sans imagina-
rellement, la beauté du design est un impéra-
tion est besogneux et produit de nombreux
tif suprême. Qui n’a jamais retiré sa montre
objets utiles à l’instar des paniers en osier.
afin de la déposer dans le tiroir de la table de
L’imagination sans le savoir-faire prend le
nuit, éteint la lumière avant de se redresser,
nom d’art contemporain ». Passez outre la
condamnation de l’art moderne de Stoppard,
mais vous avez compris où nous voulons en
venir. L’association entre un graphiste et un
ingénieur avec un penchant pour l’art, tous
deux étrangers au monde de l’horlogerie, représentait une manière inspirée de répondre
aux exigences artistiques et techniques posées par la création des cadrans et des boîtiers.
Entré le premier chez Blancpain, Alan a immédiatement entrepris de modifier le processus de design afin de recourir à des logiciels
en trois dimensions, sa précédente spécialité.
Cependant, sa formation s’étendait bien audelà de la maîtrise des secrets informatiques.
Auparavant, il avait passé une année à
La masse oscillante du Carrousel
unique de Blancpain, la première
montre-bracelet à faire partie des
collections permanentes du musée
de la Cité Interdite de Beijing. Cette
réalisation exceptionnelle, qui porte
le nom de « Carrousel Qiankun »,
est présentée de manière détaillée
en page 86.
rallumer la lampe de chevet, rouvrir le tiroir et
apprendre l’art du sertissage. Son premier
jeter un second regard empreint de tendresse
projet a réuni ses deux compétences car il a
à sa montre avant de s’endormir ? Seul l’art
développé un procédé de sertissage révolu-
peut inspirer ce type de lien émotionnel. Mais
tionnaire pour les cadrans, illustré pour la
un joli visage ne suffit pas à donner cet effet.
première fois par la Léman Tourbillon Grande
Une montre doit être utile, son cadran lisible,
Date Diamants. Les conceptions antérieures
ses affichages compatibles avec le mouve-
de cadrans de joaillerie reposaient générale-
ment et son boîtier agréable à porter. Mieux
ment sur un sertissage opéré sur la surface
G R O S
P L A N
du cadran, de sorte que les pierres s’élevaient
Diamants n’aurait jamais vu le jour.
masse oscillante en forme de nautile utilisée
au-dessus du niveau du cadran. Mais Alan vou­
Patrice, qui est arrivé chez Blancpain deux
lait obtenir un effet visuel complètement dif-
ans après Alan, a apporté une formation ar-
férent, par la présence des pierres à l’intérieur
tistique plus traditionnelle, mais sans aucun
La montre éditée à l’occasion de la Saint-
du cadran. Réellement extraordinaire, cette
lien non plus avec l’industrie horlogère. Né
Valentin 2009 est une autre de ses créations
sur les versions blanches et noires de la Fifty
Fathoms.
invention se fonde sur le principe d’une rai-
en Suisse, Patrice a vécu en France et au Ca-
récentes. Chaque année, Blancpain réalise
nure creusée dans le cadran. Les pierres pré-
meroun avant de revenir sur les rives du lac
pour cette journée particulière une montre
cieuses n’étaient plus une simple ornementa-
Léman. Il a passé toute son existence dans un
pour dame originale, dédiée au thème de
tion ajoutée à la surface mais devenaient dès
domaine ou l’autre du monde artistique.
l’amour. Dans une remarquable illustration
lors un élément intégrant du design du cadran.
Graphiste, designer, propriétaire de galerie
de son vaste talent, Patrice a résolu de tra-
Cette prouesse artistique était aussi un
sont autant d’étapes importantes de son
vailler sur la base d’un chronographe, habi-
parcours.
tuellement considéré comme le parangon
splendide tour de force technique récompensé par un brevet. Elle démontre à quel point
La peinture joue toujours un rôle essentiel
d’un garde-temps technique et utilitaire, afin
le design du cadran et du boîtier est un pro-
dans la vie de Patrice qui consacre ses heures
de l’élever à une légèreté et à une subtilité en
cessus qui se situe entre le « savoir-faire » et
de loisir à réaliser des compositions à la pein-
harmonie avec l’esprit de la Saint-Valentin.
« l’imagination » évoqués par Tom Stoppard.
ture acrylique. Et comme les abstractions
Même si Alan a une formation technique,
En l’absence de l’idée ou des compétences
sous-marines constituent un des sujets domi-
il a toujours ressenti un attrait prononcé pour
nécessaires à la mise au point d’une nouvelle
nants de son travail artistique, ce n’est pas un
le design. En accord avec la conviction de
méthode de sertissage, la Grande Date
hasard s’il lui a été demandé de dessiner la
Blancpain selon laquelle ses designers doivent
Cet éclaté donne un aperçu du design complexe des cadrans et des boîtiers utilisés sur
la nouvelle collection L-evolution
30 | 31
VENUS D‘AUTRES HORIZONS PROFESSIONNELS LES
DEUX DESIGNERS INTÉGRÉS À L‘ÉQUIPE BLANCPAIN
TRAVAILLENT AU DÉVELOPPEMENT DES NOUVEAUX
BOÎTIERS ET CADRANS.
A. Hayek laissaient une grande liberté – restez fidèles à la tradition, mais soyez plus
agressifs ! La simple reprise d’un dessin issu
du demi-siècle d’existence de cette montre
de légende, retouchée il y a quelques années,
n’aurait pas suffi à répondre aux attentes. En
outre, il est impossible de simplement « gonfler » une montre ancienne pour l’adapter à
une dimension moderne sous des proportions harmonieuses. Ils ont donc recherché
des exemples dans le patrimoine de la Fifty
Fathoms afin de déterminer des formes et
des styles en mesure de correspondre à une
apparence contemporaine et les ont soumis
à l’ensemble du team Recherche et Développement. À partir de ces esquisses, l’équipe a
élaboré diverses variantes. Marc A. Hayek a
finalement choisi le projet qui allait devenir la
La montre dessinée par Patrice Nanga pour
la Saint-Valentin 2009.
nouvelle « 500 Fathoms », dévoilée l’an dernier.
Ainsi, le technicien et l’artiste travaillent de
se libérer d’un art horloger centré sur lui-même,
à un travail de création, Alan est à l’origine
concert, par goût et par passion. En collabo-
tel qu’il existe lorsque les designers s’intéres-
de la conception de la masse oscillante pour
ration avec leurs collègues du département
sent uniquement aux travaux de leurs homo-
un exceptionnel Carrousel en platine, une
R&D, ils ont mis au point le nouveau chrono-
logues pour trouver leurs sources d’inspira-
pièce unique destinée à la Cité Interdite de
graphe Super Trofeo aux pures lignes félines.
tion et leurs idées, Alan ressent une profonde
Beijing. Après le choix de Blancpain au titre
Il suffit de passer à proximité de leur
fascination pour tous les designs qu’il ren-
de seule marque horlogère suisse présente
bureau pour ressentir une incontestable
contre dans vie quotidienne, qu’il s’agisse
dans les collections du musée, Alan l’a
force d’attraction. D’ailleurs, il est difficile aux
d’automobiles, de meubles ou d’appareils
conçue comme un hommage. Il a dessiné un
autres collaborateurs de Blancpain de s’abs-
électroniques. C’est ainsi que naissent ses
modèle d’une telle complexité, aux subtilités
tenir de jeter un coup d’œil aux écrans en sili-
idées lorsqu’il s’assied à son ordinateur. La
multiples, que sa minutieuse exécution ma-
cium d’Alan ou de Patrice, dans l’espoir de
forme d’une certaine pièce d’une voiture ita-
nuelle a exigé non moins de deux semaines
deviner la forme qu’adopteront bientôt les
lienne peut soudain lui donner l’impulsion
entières de travail aux graveuses de Blancpain.
prochaines collections de Blancpain. pour dessiner la masse oscillante comme elle
apparaît aujourd’hui sur le Carrousel.
À l’évidence, il y a des moments où un projet requiert une approche interdisciplinaire.
Ce n’est d’ailleurs pas le seul rotor à figurer
Alan et Patrice ont joué un rôle essentiel dans
dans le portefeuille d’Alan. Dans une illustra-
la conception de la Fifty Fathoms superlative,
tion de son aisance à passer de la technologie
la « 500 Fathoms ». Les indications de Marc
n
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Le chef Guy Savoy.
32 | 33
Réflexion
plutôt
qu’invention
DANS SON RESTAURANT TROIS ÉTOILES À PARIS, GUY SAVOY A
CRÉÉ UN MONDE À PART OÙ, PENDANT QUELQUES HEURES, LES
ÉVÉNEMENTS SE PRODUISENT D’UNE MANIÈRE INIMAGINABLE À
L’EXTÉRIEUR. PAR Jeffrey S. Kingston
Q
uelles sont exactement les qualités que
trale comportent des vertus apaisantes et ré-
nous admirons et recherchons chez les
confortantes. Un autre joue le grand inven-
grands chefs ? Pour certains, à l’évidence,
teur, qui progresse courageusement sur des
cette question apparaîtra tout bonnement
terres où nul ne s’est aventuré avant lui. Lé-
inepte ou, pire encore, surgir d’un autre uni-
gumes en dessert, mousses, vapeurs, cuisson
vers. Pour ces gastronomes, aucune qualité
sous vide, fusion, gastronomie moléculaire !
particulière n’est de mise. Ils souhaitent sim-
Le chef peut aussi être un artiste qui peint et
plement savourer un repas délectable et il ne
sculpte à l’aide d’aliments sur un support en
leur importe guère de savoir qui le conçoit,
céramique. Des tourelles se dressent sur une
qui le confectionne et comment il le fait.
assiette qui leur sert de socle ! Un édifice de
Oubliez les détails, c’est le contenu de l’as-
produits hétéroclites s’élève dans un équilibre
siette qui compte, un point c’est tout. Pour
improbable jusqu’au plafond ! Des points,
d’autres, la réponse à ces questions revêt une
des lignes, des créations composées Dieu seul
signification profonde car les cuisiniers sont
sait comment – glace à la viande, à l’huile,
aussi divers que les écoles qu’ils représentent.
aux infusions aromatiques ! Le chef peut aussi
Il y a celui qui apparaît comme un thérapeute,
se muer en technicien de la gastronomie
dont les mets qui illustrent une cuisine ances-
dont les gestes répondent à une précision
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v i v r e
millimétrique dans la confection de chaque ap-
derrière les Champs-Élysées et la première
notion de « réflexion » à un mets particulier,
prêt, qui devra satisfaire au moins à six contrô-
étoile décernée à cet établissement avant,
notamment à l’un de ceux qui figuraient sur
les de qualité minutieusement exécutés.
finalement, l’ouverture d’un second restau-
la liste de ses précédentes cartes, ne rend
rant à Las Vegas, aux États-Unis.
guère justice à sa pensée et à sa philosophie.
Depuis une vingtaine d’années, je suis la
carrière de Guy Savoy, de sa première adresse
Aussi, lorsque j’ai pris place en face de Guy
parisienne rue Duret à la rue Troyon, au cœur
Savoy, dans la salle à manger privée du res-
réfléchit à l’expérience de la gastronomie sous
du huppé 17e arrondissement, où il officie
taurant, située de l’autre côté de la rue
l’angle de la globalité. Pour lui, le restaurant
désormais depuis de nombreuses années. Au
Troyon, je ne doutais pas que mes propres
incarne un univers en soi où les événements
fil du temps, le souvenir de ces visites – pèle-
observations sur sa carrière et ma connais-
se produisent d’une manière complètement
rinages serait sans doute un terme mieux
sance personnelle de ses mets qui s’éten-
différente que dans le monde extérieur. Sa
adapté – est resté vivace dans ma mémoire,
daient sur deux décennies me donnaient am-
pensée est holistique, elle ne se cantonne pas
quelle qu’en fût l’occasion, un repas avec
plement la mesure de sa philosophie culinaire.
à des apprêts, à la chaleur ou à l’attention du
mon épouse, des relations d’affaires, un
La vision d’apprêts particuliers surgissait com-
service, à l’architecture de la salle ou à son
dîner en solitaire ou la célébration de mon
me autant de réminiscences dans mon esprit
décor, mais elle embrasse tout élément qui
cinquantième anniversaire. Dans un repli de
– un homard poché au beurre agrémenté
contribuera à donner l’impression de passer
mon porte-documents, un ensemble de
d’une purée de carottes au gingembre, un
quelques heures dans un microcosme parti-
notes en loques, désormais inutilisables et
canard sauvage en cocotte accompagné de
culier qu’il est, lui, en mesure de créer.
prises lors d’un repas qui s’est déroulé il y a
foie gras, une soupe d’artichaut à la truffe
Chaque matin, il consacre un peu de temps
plus de dix ans, atteste de la profondeur ar-
noire et copeaux de parmesan, un sorbet de
à ses réflexions. En restant peut-être légère-
chéologique de mes recherches. Au cours de
thé Earl Grey – j’avais déjà classifié Guy Savoy
ment sur la défensive, il reconnaît que
cette période d’étude, j’ai observé de nom-
comme un membre de l’école « le chef
certains peuvent l’accuser de fuir la réalité,
breux changements, déménagements, l’attri-
comme un grand inventeur » et j’étais tout
mais que telle est la forme de sa recherche
bution de la troisième étoile du Michelin
disposé à évoquer ses créations avec lui.
personnelle.
après une interminable attente, presque sans
Prévisible, notre conversation était donc pro-
Son processus de pensée suit d’étonnants
précédent, sur le podium des deux étoiles
grammée pour suivre un itinéraire parfaite-
méandres. Alors que j’étais prêt à en appren-
(alors qu’il apparaissait que tous les guides,
ment balisé et précisément défini.
dre davantage sur des préparations qui
Guy Savoy pense, ou plus précisément,
à la seule exception du Michelin, lui avaient
Néanmoins, Guy Savoy n’en voulut rien
étaient restées dans ma mémoire depuis des
déjà accordé la reconnaissance ultime),
savoir. D’emblée, il a catégoriquement rejeté
années, notre entretien n’a pas seulement
l’ouverture de deux restaurants sur la rive
« l’invention » comme label. À ses yeux,
abruptement changé de cours, mais il s’est
e
gauche, le bistrot Les Bouquinistes dans le 6
le terme le mieux approprié pour décrire
entièrement détourné de la cuisine pendant
et L’Atelier Maître Albert dans le 5e arrondis-
son processus de création était celui de
un certain temps. Parmi tous les possibles,
sement, la reprise du restaurant Chiberta
« réflexion ». Toutefois, l’application de la
l’exemple qu’il a choisi pour illustrer sa pen-
34 | 35
GUY SAVOY RÉFLÉCHIT À L’EXPÉRIENCE DE LA GASTRONOMIE
SOUS L’ANGLE DE LA GLOBALITÉ.
sée s’est révélé être les verres à eau ! Voué
éblouissement des mets qu’ils ont dégustés
de longue date aux grâces éminemment ci-
lors de précédentes visites, Guy Savoy admet
vilisées des repas raffinés, je n’hésite pas
volontiers qu’il ne se souvient guère de ses
néanmoins à confesser publiquement n’avoir
anciennes créations. Loin des louanges que
jamais pensé, ne serait-ce qu’une nanose-
d’autres ont élevées au rang de souvenirs
conde, aux verres à eau, hormis l’indispen-
pour se remémorer de leurs triomphes pas-
sable nécessité de les disposer à portée de
sés, le chef ne songe qu’aux nouvelles orien-
main. Les réflexions de Guy Savoy à ce pro-
tations de sa cuisine.
pos l’ont conduit pour sa part à la conclusion
Le sens de l’émerveillement prévaut dans
que son restaurant devait offrir à ses convives
sa conception de la gastronomie. Pour Guy
deux types de verre à eau, l’un pour l’eau
Savoy, la cuisine participe d’un processus de
gazeuse, l’autre pour l’eau plate. La forme
transmutation. En évoquant son premier
du verre à eau gazeuse pouvait non seule-
maître, sa mère, il se rappelle comment elle
ment être optimisée pour améliorer la libéra-
parvenait à transformer comme par magie
tion des bulles, mais son aspect spécifique
des ingrédients aussi banals que de la farine,
préviendrait tout impair des serveurs qui ne
du beurre, du sucre et des œufs, qui ne susci-
courraient ainsi plus le péril de remplir d’eau
tent en eux-mêmes aucune réflexion particu-
plate un verre à eau gazeuse ou inversement.
lière, en un biscuit aussi délectable qu’une
Dans une allusion discrète, il a souligné que
langue de chat. Il reconnaît son attirance pour
ses propos sur les nouveaux éléments de vais-
des apprêts qui mettent en évidence un in-
selle seraient corroborés par un événement
grédient essentiel, deux en certains cas, afin
destiné à se produire au cours du repas. Sans
d’en montrer toute l’étendue des possibles,
conteste, son processus de réflexion suit
en ne jouant pas uniquement sur la quintes-
donc un cours progressif.
sence du produit, mais en lui appliquant une
Quoi qu’il en soit, une conversation avec le
chef finira bien par se tourner vers les ali-
technique destinée à le transformer selon ses
propres conceptions.
ments, mais Guy Savoy a imprimé à la nôtre
J’ai coutume de me pencher sur les années
des directions inattendues. Notre entretien
de formation et les premières expériences
n’était pas destiné à commémorer les apprêts
d’un grand chef. À cet égard, Guy Savoy a
de naguère. En effet, même s’il accueille
suivi une voie essentiellement classique, ins-
fréquemment dans son restaurant des hôtes
pirée en premier lieu par sa mère, puis par un
qui, comme moi, se souviennent avec
apprentissage de trois ans sous la houlette de
a r t
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v i v r e
Jean Troisgros, le chef trois étoiles de Roanne,
pendant les heures de gloire de la nouvelle
couronné par des formations complémen-
cuisine, une révolte aux fourneaux dont Jean
taires avec le grand pâtissier Louis Marchand,
Troisgros était un membre éminent. Malgré
avant de rejoindre le légendaire chef parisien
cet air frais qui soufflait sur les anciennes rè-
René Lasserre. Une fois de plus, cependant,
gles, les chefs de cette époque appartenaient
je me suis laissé surprendre, car le regard
tous à la même école, même s’ils étaient
de Guy Savoy ne s’attache pas à ses années
loin d’être des copies conformes les uns des
de formation, mais se tourne vers le monde
autres. Aujourd’hui, Guy Savoy se félicite que
qui l’entoure, car il considère ses talents
ses réflexions lui aient permis d’occuper une
classiques comme une simple évidence. Avec
position unique et de ne faire partie d’aucune
une pointe d’exagération peut-être, il a
école, si ce n’est de la sienne propre.
l’habitude d’affirmer que, désormais, c’est le
Mais brisons là ces considérations philoso-
monde entier qui le façonne. Il est entière-
phiques, le temps était venu de traverser
ment ouvert aux techniques novatrices com-
la rue afin de constater où ses réflexions
me aux ingrédients inédits qu’il décèle dans
l’avaient conduit depuis notre dernière visite
la nouvelle économie culinaire globalisée. Il
à son restaurant.
relève notamment les progrès accomplis aux
Fort heureusement, le repas a débuté, ainsi
États-Unis et la qualité des ingrédients qu’il y
que j’en avais gardé souvenir, par des bou-
trouve, évidente aujourd’hui, mais impensa-
chées de foie gras au sel pour accompagner
ble naguère encore, alors qu’il ouvrait dans
une coupe de champagne. Chez Guy Savoy,
le Connecticut son premier restaurant en
j’ai toujours apprécié un rituel qui se déroule
Amérique du Nord.
en parallèle à l’installation à table, la présenta-
Il est particulièrement intéressant d’obser-
tion de la carte des vins. Dans son restaurant,
ver qu’il se sent entièrement dégagé des
il n’y a ni carte, ni liste, mais un monument à
pressions inhérentes à l’attribution de la ré-
part entière. Combien de fois en effet n’ai-je
compense suprême du Michelin, qui exerce
contemplé ou, pis encore, pris part à une
souvent des effets inhibiteurs sur les chefs
chorégraphie de table, alors qu’un convive
qui atteignent ce niveau, une terreur que les
tente à dure peine de trouver une place de
inspecteurs du guide ne peuvent comprendre
parking idoine pour une carte des vins – dans
pas plus qu’ils ne se rendent compte qu’ils
l’assiette de service, la corbeille à pain, en dé-
l’ont eux-mêmes créée. Il considère l’évo-
plaçant les fleurs, sur les genoux en désespoir
lution de la gastronomie d’un point de vue
de cause ? Chez lui, la carte des vins arrive
entièrement différent. Jadis, les règles qui
avec sa propre petite table. Problème résolu.
s’appliquaient aux grands cuisiniers français
Il se peut que ni les bouchées au foie gras,
se caractérisaient par leur rigoureuse sévérité.
ni la table pour la carte des vins ne fussent
Il suffit de consulter un ouvrage culinaire
nouvelles, car toutes deux représentaient
d’Auguste Escoffier et de plonger dans la
d’élégants préludes familiers, mais le premier
longue liste des strictes exigences requises
amuse-bouche revendiquait cette qualité de
d’un cuisinier pour s’en convaincre. Pour une
plein droit. Un apprêt yin-yang. Non tant par
large part, sa formation initiale était exempte
sa préparation que dans sa présentation. Un
de ces contraintes, car elle s’est déroulée
petit ravier de bisque de homard flanqué
GUY SAVOY SE SENT DÉGAGÉ
DES PRESSIONS INHÉRENTES À
L’ATTRIBUTION D’UNE TROISIÈME
ÉTOILE DONT LES EFFETS SONT
SOUVENT INHIBITEURS.
36 | 37
Le terre et mer élève les crudités à un degré
de luxe inimaginable.
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Un apprêt emblématique,
la soupe d’artichaut à la
truffe et au parmesan.
38 | 39
d’une tasse renversée a fait son apparition.
souvenirs des expériences chimiques dans le
La surprise résidait dans l’à-côté, une fois la
laboratoire du lycée ont tendance à s’estom-
bisque dégustée, il a suffi de soulever la tasse
renversée et, hop, un croustillant au crabe
s’est matérialisé. L’effet est certes un peu
théâtral mais, ne boudons pas notre plaisir,
hautement divertissant.
La seconde entrée apportait une parfaite
UNE GRÂCE MERVEILLEUSE
ÉMANE DE TOUT LE REPAS,
MÊME LA CARTE DES VINS EST
PRÉSENTÉE SUR UNE PETITE
TABLE SÉPARÉE.
per, les événements ultérieurs devraient les
raviver. Fumées, vapeurs, l’assiette a entièrement disparu dans un brouillard ! Ensuite,
alors que les volutes tourbillonnantes s’évanouissaient, les légumes ont été recouverts
d’un bouillon d’huîtres alors qu’une tasse de
illustration de la philosophie consistant à pré-
sauce relevée est apparue en guise d’assai-
senter les possibilités d’un seul ingrédient, en
sonnement. Guy Savoy a réellement élevé les
ce cas la châtaigne. De manière appropriée,
crudités à un degré de luxe proprement ini-
l’apprêt intitulé tout châtaigne offrait trois tex-
maginable. Les pièces de vaisselle qui l’ont
tures distinctes mais entremêlées, une gelée,
rendu possible étaient une invention du chef,
des chips et une soupe à la châtaigne. Et toutes
à l’instar des deux tasses inversées. Il offre
étaient recouvertes d’une mousse de cham-
également une autre variante de « l’apprêt
pignons. La parfaite expression de l’automne.
vaporeux » articulé autour du homard dans
Si la paire de tasses inversées yin yang qui a
une combinaison absolument extraordinaire
claironné l’ouverture du repas était conçue
de sashimi et de préparations pochées.
pour conférer à nos prémices une note spec-
Un rouget a suivi, dans une conception en-
taculaire et, sans nul doute, démontrer avec
tièrement originale. Les recettes habituelles
ingéniosité quelques-unes des réflexions de
qui lui sont consacrées insistent généralement
Guy Savoy sur la nature de sa vaisselle, l’ap-
sur son aspect de mer chaude en l’entourant
prêt suivant a dépassé les extravagances les
de saveurs et d’accents méditerranéens. Ce-
plus incongrues d’un Cecil B. DeMille. Décrit
pendant, nous étions en automne et les habi-
comme un terre et mer, il se composait d’un
tuels tomates, basilic et huile d’olive seraient
arrangement de légumes légèrement blan-
apparus mal à propos. Guy Savoy a donc pris
chis ou simplement crus, maintenus en équi-
le contre-pied de ce mets estival afin de
libre sur une assiette dotée de petits trous.
l’adapter à la saison froide en l’accompagnant
Une fois déposée sur la table, le serveur a
de champignons. Servi sous la forme d’un
versé à travers ceux-ci un bouillon qui est
poisson entier, à l’évidence privé de ses arêtes,
immédiatement entré en contact avec la gla-
ouvert sur l’assiette, couvert de cèpes fine-
ce carbonique dissimulée aux regards. Si vos
ment émincés et d’une pointe d’épinards. La
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v i v r e
Trois modes de préparation pour l’agneau.
40 | 41
LA VIANDE PRÉPARÉE DE DIVERSES
MANIÈRES EST UN CLASSIQUE
DE GUY SAVOY, NON TANT DANS
LA PRÉSENTATION DE TROIS
APPRÊTS QUE DANS L’EXPRESSION
DE TOUTES LES DIMENSIONS
D’UN INGRÉDIENT.
sauce se composait d’un mélange du fonds
Les artichauts sont toujours complexes à
de cuisson du poisson relevé de champignons
combiner en raison de leur goût métallique
sauvages. La touche finale inattendue consis-
sous-jacent, mais ce sont précisément ces
tait à recouvrir la tête du poisson d’une chape
notes qui exhalent la saveur de la truffe.
d’épinards en branches afin d’éviter au dîneur
J’ai dégusté cette soupe à de nombreuses
de frissonner face aux yeux ouverts du rouget.
reprises et y pensais avec nostalgie entre deux
Comme mes notes le disent en quelques
visites. La nouveauté résidait dans le second
mots : « Voilà peut-être le mode de prépara-
mets à la truffe, une soupe à la courge
tion du rouget le plus novateur et satisfaisant
accompagnée de truffe blanche. À l’évidence,
que je n’ai jamais dégusté. »
elle est servie dans une courge évidée alors
Sa présentation du bar de ligne est tout aussi
convaincante. D’une part, elle évoque l’autom-
que la truffe blanche est râpée par-dessus.
Un plaisir divin.
ne avec de sauvages trompettes de la mort et
Guy Savoy est renommé pour ses prépara-
de l’autre, elle apparaît exotique et tropicale,
tions chaudes novatrices au foie gras. À ses
avec le recours au gingembre, à la coriandre et
yeux, il est essentiel que le foie gras s’allie à
à la vanille. Un petit lit de blettes complétait ce
des saveurs et à des textures de terre acide,
mets qui s’apparentait à un grand bourgogne
qui s’inscrivent toutes deux en contraste avec
rouge dans la manière dont les saveurs évo-
la structure et l’opulence du foie. À cet effet,
luaient dans le palais, en commençant par le
il jette parfois son dévolu sur des pommes de
côté relevé de la coriandre et du gingembre
terre, à d’autres reprises sur des lentilles ou
en attaque, les champignons au milieu et,
des betteraves. Ce jour-là, il a présenté une
en point d’orgue, la tendresse du poisson
association fabuleuse, mais inattendue avec
accentuée par la douceur de la vanille. Une
des radis blancs. Pour en préserver entière-
apothéose sous chacun de ses aspects.
ment la délicate texture, le foie gras était cui-
Guy Savoy propose deux soupes aux truf-
siné dans une papillote qui était ouverte à
fes, l’une à la truffe noire et l’autre à la truffe
table afin d’en libérer le parfum. Les radis te-
blanche. Un apprêt légendaire et véritable-
naient parfaitement le rôle de contrepoint
ment emblématique (car il figurait sur d’an-
qui leur avait été assigné en présentant une
ciens menus et ne le croyez pas s’il prétend
astringence suffisamment terrienne pour
l’avoir oublié) est sa soupe d’artichaut à la
s’opposer à la plénitude du foie gras et assez
truffe noire et copeaux de parmesan, une as-
de texture résiduelle pour en révéler l’entière
sociation nullement évidente de prime abord.
délicatesse.
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42 | 43
CHEZ GUY SAVOY, LES DESSERTS SONT UNE PARADE QUI SEMBLE
NE JAMAIS CONNAÎTRE DE FIN. COMME IL SE DOIT, C’EST LE
DERNIER, UN FEU D’ARTIFICE DE GLACES, ENTREMETS, SORBETS
ET GUIMAUVES QUI A SUSCITÉ RAVISSEMENT ET STUPÉFACTION.
Depuis de nombreuses années, la viande
nières comprenaient un arrangement de
aussi généreux de petits fours, au nombre
préparée de diverses manières est un classi-
fruits tropicaux servi avec un sorbet au fruit
desquels figurait un mémorable bâtonnet de
que de Guy Savoy, largement repris désor-
de la passion et à la banane, couronné de
glace à la figue et à la framboise. Le café a
mais par ses pairs. Elle représente également
mangue, de noix de coco et de chips d’ana-
apporté une nouvelle surprise, une part de
une excellente manière d’appréhender sa
nas. Les brillantes saveurs acides composaient
tarte aux pommes chaude.
philosophie dans la conception d’un apprêt
une transition parfaite entre les mets salés et
Dans le taxi après le dîner, davantage que
sous la forme d’une préparation multiple. Elle
l’arrivée des entremets doux. Cependant, ce
la perfection d’un repas dans chacun de ses
n’apparaît pas comme « trois éléments sur
repas ne s’éloignait jamais du drame, qui est
moindres détails, mon esprit se remémorait
une assiette », mais incarne plutôt l’expres-
réapparu sous la forme d’une boule de cho-
la grâce de l’ensemble. Guy Savoy est parve-
sion complète d’une viande destinée à être
colat glacé à en croire l’apparence lustrée.
nu à atteindre son objectif, celui de créer un
considérée comme un tout. L’agneau était ce
Mais tout a changé à l’instant où le serveur
monde particulier où l’espace de trois ou
jour-là à l’honneur, sous la forme de côtelet-
l’a recouverte d’une sauce chaude afin de
quatre heures, les événements se produisent
tes, de selle, de rognon et de confit en croû-
permettre à son contenu dissimulé, composé
d’une manière inconcevable à l’extérieur de
te. La qualité de cet agneau était stupéfiante
de poire et d’un sorbet à la poire, de se
son domaine. Aussi, de la même manière que
tant par ses dimensions que sa texture. Le
mélanger avec le chocolat.
j’ai suivi son évolution avec admiration de-
diamètre des côtelettes était à peine plus
Aussi raffinées qu’aient été les délices
puis de nombreuses années, je vais continuer
grand que mon pouce et leur tendresse affi-
apportées par ces deux desserts, c’est le
à le faire aussi longtemps qu’il restera disposé
chait une qualité surnaturelle. Elles ne fon-
suivant sur la liste qui a suscité des exclama-
à se laisser guider par ses réflexions.
daient pas en bouche, elles se sublimaient,
tions de ravissement et de stupéfaction. Crè-
en passant directement de la forme solide au
mes glacées, entremets, sorbets, guimauves,
stade de vapeur. À l’évidence, le contraste
l’abondance était telle qu’elle dépassait l’en-
avec le confit croustillant à l’extérieur mais
tendement des fines bouches à l’imagination
tout aussi tendre à l’intérieur était d’une ab-
la plus fertile. Je suis toujours partial face à
solue perfection. Comme la France abonde
un sorbet au thé Earl Grey et au poivre, qui
en appellations d’agneau de premier choix –
est remarquablement intense tout en restant
Sisteron, pré-salé de Pauillac, Pyrénées – je
léger. Néanmoins, de crainte de tomber sous
n’ai pas caché ma surprise en découvrant que
la coupe d’une excessive auto-dénégation
ce somptueux agneau venait d’Espagne.
calorique, Guy Savoy l’a associé à une excel-
• Restaurant Guy Savoy
18, rue Troyon, 75017 Paris
• Le Chiberta
3, rue Arsène Houssaye, 75008 Paris
• L’Atelier Maître Albert
1, rue Maître Albert, 75005 Paris
Chez Guy Savoy, les desserts sont un évé-
lente crème glacée au caramel salé qui n’était
nement, une parade qui semble ne jamais
pas sans rappeler les fameux caramels bre-
connaître de fin. Il est pareillement virtuose
tons à la fleur de sel. Comme de juste, ces
53, quai des Grands Augustins,
en préparations riches ou légères. Ces der-
desserts s’accompagnaient d’un éventail tout
75006 Paris
• Les Bouquinistes
n
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v i v r e
QUeL rÉSULtat OBteNeZ-vOUS Si vOUS PreNeZ
L’UNe deS aUtOMOBiLeS aUX PerFOrMaNCeS
LeS PLUS ÉLevÉeS de La PLaNÈte, QUe vOUS LUi
iNSUFFLeZ davaNtaGe de PUiSSaNCe eNCOre
tOUt eN LUi ÔtaNt dU POidS ? La LaMBOrGHiNi
BLaNCPaiN SUPer trOFeO.
Marc A. Hayek, président de Blancpain, pilote lui-même la Super Trofeo.
| 45
44| 045
La BÊTE
Fait de La MUSCU
Par JEFFREY S. KINGSTON
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IL Y A UN ASPECT ANIMAL
DANS UNE LAMBORGHINI, QUI
VOUS FAIT FRISSONNER.
I
l y a un aspect animal dans une Lambor-
préparation pour les Jeux olympiques. Afin
ghini. Quand vous vous approchez d’elle,
de réduire son poids d’une bonne centaine
vous ne pouvez vous empêcher de frissonner.
de kilos, il a suffi de retirer à l’habitacle tous
Peu importe la manière dont ses lignes racées
les agréments de la vie civile – radio, air
vous séduisent, vous ne résistez pas à la ten-
conditionné, console médiane, garnitures in-
tation de glisser la main sur ses flancs carénés
ternes des portières, vitres électriques, isola-
et d’empoigner son volant charnu tout en
tion sonore, siège du passager, pare-brise en
ressentant la légère appréhension qui accom-
verre, il ne reste rien. Dans la version de com-
pagne l’attraction magnétique exercée par
pétition, ces éléments sont remplacés par des
cette automobile. La sensation palpable de
vitres en plastique, un siège de pilote ultralé-
faire face à une bête endormie que vous
ger en alcantara, un volant de course, des
n’osez réveiller.
panneaux et une console médiane en fibres
Un animal certes, mais jusqu’à quel point ?
de carbone. Grâce à un système inédit d’in-
Quelques chiffres vous en donneront une
jection directe (IDS) et à diverses modifica-
meilleure idée. De 0 à 100 km/h en 3,7 se-
tions de l’échappement (à nouveau quelques
condes. Comptez à haute voix – un, deux,
kilos en moins), le moteur V10 a gagné dix
trois, quatre – vous avez déjà largement dé-
chevaux. Pour tenir compte de ce gain en
passé les 100 km/h. De 0 à 200 km/h en
puissance, un troisième radiateur est venu
11,8 secondes à peine. Une vitesse de pointe
compléter le système de refroidissement.
supérieure à 325 km/h. Dix cylindres, 560
Cette incroyable énergie est transmise au
chevaux. De 200 à 0 km/h en 5 secondes. Et
train roulant par une boîte séquentielle à pa-
ces données ne concernent que la version de
lettes, toujours programmée en mode com-
série de la Gallardo LP 560-4.
pétition, une traction intégrale permanente
Maintenant, imaginez les tendons et les
et un viscocoupleur. Les pneumatiques à hau-
muscles de la Gallardo surentraînés. Pensez à
te performance habituels ont cédé la place
une Gallardo de série qui s’exerce régulière-
à des slick Pirelli spécialement conçus pour
ment
gymnase.
Mais n’envisagez
Raesed dans
dolore un
et, quatin
vel diametue
dipit am,
la compétition et montés sur des jantes en
sequipsum Raesed dolore et, quatin vel diametue
pas
un simple entraînement pour une com-
alliage de 18’’. La double suspension à bras
dipit am, sequipsum Raesed dolore et, quatin vel
diametue amicale,
dipit am, sequipsum
pétition
non, il est question ici d’une
oscillant présente la même géométrie que la
46 | 47
La célèbre Reventón, désormais
exposée dans le musée Lamborghini.
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version route, mais elle est dotée d’amortis-
Super Trofeo, l’automobile de course produi-
seurs à trois niveaux de réglage et de barres
te en série la plus rapide au monde et la seule
anti-torsion afin de répondre aux exigences
dotée d’une traction intégrale. Blancpain et
des circuits. Enfin, d’importantes modifica-
Lamborghini sponsorisent un championnat
tions aérodynamiques – entrées d’air élargies
de six fois trois courses qui se déroule sur les
et spoiler redessiné – assurent la stabilité de
plus légendaires circuits d’Europe. Les 30 pro-
l’automobile à des vitesses de course. La
priétaires de Super Trofeo se mesurent à
perte de poids ainsi que la musculation du
Adria (Italie), Nuremberg (Allemagne), Silver-
moteur et du train roulant propulsent cette
stone (Grande-Bretagne), Spa-Francorchamps
Lamborghini aux limites extrêmes du possible
(Belgique) ainsi que sur les circuits de Cata-
pour les automobiles de sport.
logne (Espagne) et du Castellet (France).
Des freins de compétition en acier rainuré,
Quelques mois avant la première course,
d’un diamètre de 375 mm à l’avant et de
je me suis rendu à l’usine Lamborghini de
355 mm à l’arrière remplacent les disques
Sant’Agata Bolognese pour avoir un avant-
Brembo percés, d’un diamètre inférieur d’envi-
goût de ce niveau de performances automo-
ron 10 cm à l’avant et à l’arrière, présents sur
biles. Aussi tentant qu’il m’ait pu paraître de
l’équipement de série. Associés à un ABS de
simplement prendre place à bord d’une Gal-
course, ils incarnent également le nec plus ul-
lardo et de faire défiler le paysage dans une
tra dans le domaine du freinage automobile.
suite d’images floues, la journée a débuté
Deux autres modifications complètent cet en-
dans le bureau de Maurizio Reggiani, direc-
semble. L’adhérence et l’aérodynamisme de la
teur de la recherche et du développement
voiture sont optimisés par un abaissement de
pour Lamborghini. L’ingénieur responsable
quatre centimètres de la garde au sol alors que
de la conception de la Lamborghini Blancpain
la protection du pilote et la stabilité du châssis
Super Trofeo avait pleinement conscience que
sont améliorées par la présence dans le cockpit
l’adaptation de la Gallardo à cette série de
d’arceaux et d’une cage de sécurité intégrale.
compétitions avait produit un résultat très par-
Ces intenses séances d’entraînement ont
ticulier. Intellectuellement, il était parfaite-
donné naissance à la Lamborghini Blancpain
ment en mesure de quantifier les gains
NOTRE ESSAI S’EST DÉROULÉ
À BORD D’UNE GALLARDO VERT
LIME QUI A ANNONCé SON
ARRIVÉE PAR UN VROMBISSEMENT DAVANTAGE RESSENTI
QU’ENTENDU.
48 | 49
La Lamborghini Gallardo LP 560-4. « LP » signifie
« longitudinale posteriore » pour moteur arrière
longitudinal, « 560 » pour le nouveau nombre de
chevaux et « 4 » pour les quatre roues motrices.
en performances. Une accélération de 0 à
Moreno Conti, pilote d’essai de Lamborghini.
mites de l’automobile et la perception ou
100 km/h qui passe de 3,7 à la fabuleuse mi-
l’expérience de ces limites sur piste était in-
cro-durée de 3,2 secondes (même les plus
commensurable. Après deux tours, les sensa-
puissantes des automobiles de route peinent
tions devenaient trop intenses, les frontières
à descendre en dessous de 7 secondes). L’ad-
avaient été repoussées trop loin. Il était pré-
hérence dans les virages qui s’accroît de 1 à
férable désormais de suivre le déroulement
l’extraordinaire valeur de 2,1 g (votre superbe
des événements depuis le stand et de laisser
voiture aux lignes fluides peut être fière si elle
le pilote poursuivre seul l’essai. Au cours du
dépasse 0,8). Tous les bons conducteurs le
travail de mise au point, vous ne disposez ja-
savent, les courses se gagnent autant avec
mais d’une quantité excessive de g. Toutefois,
les freins qu’avec les moteurs et, dans ce do-
c’était une autre affaire que de les ressentir
maine aussi, les valeurs sont proprement hal-
physiquement. Maurizio Reggiani avait créé
lucinantes car la Super Trofeo déploie une
une voiture qui dépassait ses propres toléran-
force de freinage de 2,1 g. Ainsi que Mauri-
ces de passager !
zio Reggiani nous l’a expliqué, tous les calculs
Mais assez parlé de moteur et de chiffres, il
de performances confirmaient assurément
était temps de découvrir la voiture elle-même.
que la Gallardo Super Trofeo serait l’automo-
Le hasard a voulu que notre essai ne se dé-
bile de sport produite en série la plus rapide
roule pas dans une Super Trofeo car les seuls
au monde, mais ne donnaient qu’une faible
exemplaires disponibles étaient en prépara-
idée de la manière dont tous ces g allaient se
tion pour être livrés à leurs propriétaires. Aussi
combiner avant le premier essai effectué par
ai-je dû me contenter d’une version civile de
l’un des pilotes du constructeur. Pour notre
la Gallardo et d’extrapoler pour parvenir à la
ingénieur, le résultat de ce galop inaugural a
représentation mentale de la Super Trofeo.
tout simplement pris la forme d’une sépara-
L’expérience s’est matérialisée sous la forme
tion chirurgicale de l’hémisphère mécanique
d’une Gallardo à la superbe couleur de lime
calculateur de son cerveau, la partie droite si
qui s’est fait remarquer à son arrivée devant la
vous préférez, de sa partie émotionnelle gau-
réception non tant pas ses lignes fluides ou sa
che. La différence entre la conception des li-
teinte lumineuse que par le rugissement de
a r t
d e
v i v r e
son système d’échappement qui ressemblait à
Depuis l’apparition de la légendaire Coun-
s’y méprendre au furieux grondement du ton-
tach au cours des années 1970, la vision limitée
nerre. Au début, l’automobile était confiée
offerte par la vitre arrière est presque devenue
aux mains expertes du pilote Moreno Conti
une tradition pour Lamborghini. Elle s’explique
qui m’en a présenté les principales comman-
aisément par la nécessité de loger l’énorme
des, dont la disposition est conforme dans les
moteur au centre de la carrosserie, immédiate-
grandes lignes à celle adoptée sur la majorité
ment derrière la place du passager. Toutefois,
des véhicules. À l’instar de presque toutes les
les temps ont changé. Si les pilotes des Coun-
nouvelles Lamborghini, elle est équipée d’une
tach n’avaient d’autre choix que de relever le
boîte de vitesses à palettes, fixée selon l’habi-
défi et reculer à l’aveugle, les conducteurs de
tude italienne sur la colonne de direction. Trois
Gallardo disposent d’une caméra orientée vers
sélections sont généralement possibles : nor-
l’arrière qui diffuse ses images sur un écran au
male, course et automatique. La Super Trofeo
centre du tableau de bord dès que la marche
n’en connaît qu’une, la position course.
arrière est engagée. Naturellement, la Super
50 | 51
Le volant charnu recouvert d’alcantara et l’une des
palettes du changement de vitesses.
MORENO APPUIE SUR LA PÉDALE
ET LE CRI DEVIENT UN HURLEMENT
LORSQU’IL CHANGE DE VITESSE
À 8500 TOURS/MINUTE.
Raesed dolore et, quatin vel diametue dipit am, sequipsum Raesed dol
Trofeo, uniquement conçue pour la compéti-
tours par minute. À peine la main a-t-elle re-
tion, n’en possède pas. Laissez donc l’équipe
lâché la palette que la ligne rouge réapparait
se charger de libérer la voie derrière vous.
pour indiquer le moment de procéder à un
Voilà pour la revue du poste de pilotage.
nouveau changement de vitesse.
Moreno Conti tourne la clé et le moteur rugit
Nous ralentissons pour traverser un village,
d’impatience. Depuis l’extérieur, l’automobile
avant de retrouver la route. Devant nous, trois
peut émettre un bruit guttural menaçant, mais
camions. Avec le temps, le langage a fini par
à l’intérieur, sa réaction rappelle les caracté-
s’émousser. Naguère, de telles automobiles
ristiques sonores d’un véhicule à moteur élec-
étaient appelées des bolides. Aujourd’hui,
trique. Chuintements et murmures accompa-
aucun terme ne parvient à rendre, même im-
gnent notre traversée du parking, sans qu’aucun
parfaitement, l’impression ressentie à bord
indice sonore ne révèle la puissance dissimu-
d’une Lamborghini qui dépasse une colonne
lée derrière l’oreille droite du conducteur.
de camions. D’un point de vue technique, nous
Quelques dizaines de mètres après la sortie
sommes en phase d’accélération, mais filer à la
du parking, au moment où Moreno appuie
vitesse de l’éclair serait une expression mieux
sur la pédale, il n’est plus question de moteur
appropriée. Dans les mains de Moreno, la Gal-
électrique. Le rugissement à plein poumon
lardo semble passer de l’allure du camion qui
devient assourdissant lorsque la voiture dé-
roule devant nous à une nouvelle dimension,
passe soudainement les 8500 tours/minute,
sans transiter par aucun stade intermédiaire.
indiqués par une ligne rouge sur le compteur.
Nous sommes simplement téléportés de l’ar-
En un battement de paupières, nous avons
rière vers l’avant. Ensuite, l’autre tour de magie
atteint 200 km/h. Non seulement les palettes
consiste à abandonner brutalement toute vi-
permettent de changer de vitesse beaucoup
tesse additionnelle pour nous insérer dans l’es-
plus rapidement que même le plus nerveux
pace laissé libre entre deux camions. Les freins
des pilotes professionnels ne pourrait le faire
surpuissants agissent comme si nous étions
avec un levier, mais l’intervalle qui sépare les
fermement retenus par une corde à peine élas-
changements devient de plus en plus court.
tique. Deux traits de flèche plus loin, la route
Le moteur avale, dévore littéralement les
dégagée s’ouvre à nouveau devant nous.
? ?r ?t ? ?d ?e ? v i v r e
a
Il est temps de me glisser au volant. Même
À peine effleurez-vous la pédale des freins
si je suis habitué à la tradition allemande qui
que vous découvrez les merveilles de votre
consiste à monter les palettes de sorte qu’el-
harnais de sécurité. Modulez votre toucher, et
les tournent avec le volant, je n’éprouve
tout ira bien. Comme Moreno le déclare d’ex-
aucune difficulté particulière à m’adapter à
périence, dans une centaine de kilomètres
leurs équivalents italiens. En effet, la direction
vous serez rodé. Bien plus tôt, même. Avec une
est rapide et les palettes suffisamment lon-
légère attention accordée aux freins en céra-
gues pour toujours rester à portée de main,
mique, il devient aussitôt évident que cette
quelle que soit la position du volant.
extraordinaire automobile peut vous transpor-
Sur route, la première impression est la
LES RUGISSEMENTS AU-DESSUS
DE 6000 TOURS/MINUTE PROVOQUENT UNE DÉPENDANCE
INSTANTANÉE. JE ME SUIS SURPRIS À FREINER SIMPLEMENT
AFIN DE POUVOIR ACCÉLÉRER
DE NOUVEAU.
ter jour après jour, si tel est votre bon plaisir.
maniabilité de cette automobile superlative.
Après quelques kilomètres voués à faire
À des vitesses normales et à des accélérations
connaissance, il est temps de lâcher le mons-
modérées, le pilote n’est pas confronté à des
tre. Équipée pour la route, cette Gallardo
exigences extraordinaires. Seul le freinage re-
possède donc une radio sur le tableau de
quiert un certain temps d’adaptation et il est
bord. Il serait toutefois judicieux de la rem-
bref. Notre Gallardo était dotée de freins en
placer par une version de GPS dotée de ces
céramique disponibles en option. Les freins
messages répétitifs qui s’affichent pour vous
de ce type sont conçus pour entrer en action
enjoindre de ne pas l’utiliser pendant que
à vitesse élevée et redescendre rapidement
vous conduisez. Dans le cas présent, l’écran
à des valeurs plus basses. Néanmoins, lors-
devrait conseiller d’éteindre la radio afin de
que vous roulez à plus faible allure, une cer-
ne pas perdre les délices de la symphonie
taine sensibilité est requise du conducteur.
mécanique qui se fait entendre dernière nous.
Un moteur V-10 de
Gallardo en attente de
montage dans l’usine
Lamborghini.
| 53
52| 053
052
La Super Trofeo n° 24 pilotée par Marc A. Hayek
et Peter Kox pendant la série de courses.
À plus de 6000 tours/minute, la musique du
trafic. Une conduite agressive donnait l’impres-
moteur est tout simplement enivrante. Plus
sion de piloter une automobile téléguidée, il
d’une fois, j’ai freiné sans raison apparente,
suffit de pointer une direction avec la com-
juste pour le plaisir de passer les vitesses et
mande et le véhicule obéit sagement.
atteindre à nouveau les révolutions maxima-
À ce fabuleux niveau de performances, il
les. Je n’ai pris aucune note sur les sensations
était difficile de se représenter, à partir de la
qui accompagnent chaque bond en avant de
Gallardo « de ville », la Lamborghini Blancpain
cette automobile magique, car comme Henry
Super Trofeo dont les performances ont laissé
James l’a remarqué avec pertinence, s’il est
sur la piste l’ingénieur qui l’a conçue. À l’évi-
nécessaire de consigner ses observations
dence, toutes les deux incarnent le sommet
pour se remémorer un événement, ce
de l’excellence automobile. L’ancien terme de
n’en était probablement pas un. J’ai été
bolide donne peut-être une vague idée de sa
fortement impressionné – sans notes – par
nature, mais je continuerai à mettre en avant
cette véritable dépendance qui naît de la
son caractère animal, qui électrise chacune de
combinaison d’une réserve de puissance
vos connexions sensorielles, depuis le moment
apparemment infinie et de la douce menace
où vous vous en approchez (ou que vous vous
mécanique qui émanait de la Gallardo.
retournez pour la contempler après l’avoir
La direction est extrêmement directe et pré-
parquée), aux impressions procurées par sa
cise. Chaque impulsion se traduit immédiate-
conduite, sa musique, la sensation d’être pla-
ment par un changement de cap. Aucun effort
qué contre le dossier pendant les accéléra-
n’est requis pour prendre un virage. Je n’ai pas
tions et miraculeusement retenu par le harnais
exploré les limites de l’adhérence, mais il était
de sécurité au cours du freinage. À quelle
évident qu’elles étaient bien au-dessus des vi-
splendide compétition le Super Trofeo nous
tesses compatibles avec les routes ouvertes au
convie-t-il donc à assister !
n
D a n S
L’ a i r
D u
T e m P S
DAVANTAGE
Qu’un MARIAGE
DE LABELS
LES COLLECTIONNEURS NE SONT-ILS PAS EN DROIT D’ATTENDRE DAVANTAGE D’UN PARTENARIAT
QU’UN DEUXIÈME LOGO SUR UN CADRAN ? BLANCPAIN ET LAMBORGHINI ENVISAGENT LEUR
ALLIANCE AVEC UNE PROFONDEUR ET UNE ORIGINALITÉ QUI LES DISTINGUENT DE TOUTES LES
RÉALISATIONS ANTÉRIEURES DANS CE DOMAINE.
Par JEFFREY S. KINGSTON
54 | 55
C
ommençons par un aveu. malgré la légi-
pain est loin d’être la première marque
time fierté d’avoir inscrit à son palmarès
horlogère à s’associer avec un constructeur
de nombreuses premières mondiales dans le
automobile et à éditer une montre destinée à
champ de l’horlogerie (et si vous avez le
célébrer cette rencontre.
moindre doute à ce sujet, jetez un coup d’œil
même si d’autres peuvent prétendre à juste
à la section Tradition d’innovation du catalo-
titre avoir pavé la voie, Blancpain adopte dans
gue pour prendre la pleine mesure de cet im-
son alliance avec Lamborghini une approche
pressionnant ensemble de triomphes), Blanc-
de la relation d’une profondeur et d’une ori-
D a n S
L’ a i r
D u
T e m P S
LA MONTRE INCARNE PLEINEMENT L’ESPRIT DE LA SUPER
TROFEO PAR LA FORME DU BOÎTIER, LA GRAPHIE DU
CADRAN, LE BRACELET EN ALCANTARA ET MÊME LA FINITION
DU MOUVEMENT.
ginalité qui la distinguent d’antérieures réali-
cette démarche présente-t-elle le moindre in-
sations dans ce domaine. Les collectionneurs
dice de synergie et la somme des éléments
de montres ne seraient-ils pas en droit d’at-
qui composent le produit final apporte-t-elle
tendre davantage du partenariat entre une
une amélioration à la situation préexistante à
marque horlogère et un constructeur auto-
leur alliance ? À peine. néanmoins, telle était
mobile que l’apposition d’un second logo sur
la tournure naguère revêtue par ces partena-
le cadran d’un modèle déjà existant ? Où est le
riats, sous la forme d’une simple juxtaposi-
talent dans un tel mode de faire ? Pis encore,
tion de logos sur le cadran.
56 | 57
Les patrimoines réciproques de Blancpain
met à des automobiles de sport fabriquées
et Lamborghini possèdent des racines histo-
en série de se mesurer lors des courses les
riques trop profondes pour se diluer dans
plus rapides jamais organisées au monde.
une relation dépourvue de substance.
Pour la partie horlogère, Blancpain a déve-
Du côté automobile, il y a le championnat
loppé le chronographe flyback Super Trofeo
Super Trofeo, parrainé conjointement par
en édition limitée qui ne reprend pas uni-
Blancpain et Lamborghini (cf. l’article La
quement des thèmes de design inspirés par
bête fait de la muscu en page 44), qui per-
les lignes de la Gallardo Super Trofeo de
D a n s
l ’ a i r
d u
T e m ps
Lamborghini, mais incarne l’esprit même de
qui symbolise le lien entre Blanc­pain et
pondance supplémentaire entre le chrono-
cette compétition unique.
l’automobile sportive de série la plus rapide
graphe et son modèle car il est confectionné
Le chronographe Super Trofeo diffère de
jamais construite, elle arbore le noir comme
en pur alcantara, dans le style des sièges de
tous les autres garde-temps réalisés par
couleur dominante. Réalisé en acier inoxy-
la Lamborghini Super Trofeo.
Blancpain à ce jour. Les designers ont sculp-
dable doté d’un revêtement DLC (diamond
Les chiffres 9 et 12, qui illuminent le ca-
té le profil de la lunette et des cornes afin
like carbon) à l’instar de la couronne, le boî-
dran de deux taches de couleur, adoptent
de reproduire les lignes agressives du pur-
tier de 43,5 mm se présente dans une fini-
une graphie identique à celle utilisée pour
sang italien. Comme il sied à une montre
tion mate. Le bracelet incarne une corres-
peindre les numéros qui distinguent chacune
58 | 59
LES PATRIMOINES DE BLANCPAIN ET DE LAMBORGHINI
SONT TROP RICHES POUR SE DILUER DANS UNE RELATION
SANS SUBSTANCE.
des 30 automobiles engagées dans la série
pour commander les fonctions du chronogra-
confère une somptueuse harmonie de gris
de courses du Super Trofeo.
phe et un embrayage vertical afin d’assurer
sombre à cette version du calibre 1186.
Ce splendide garde-temps est équipé du
la parfaite précision du départ et de l’arrêt de
Le chronographe flyback Super Trofeo
légendaire calibre de chronographe flyback
la mesure, en l’absence de tout galop de
sera édité dans une série limitée de 300
1186 de Blancpain (qui a établi le record du
l’aiguille des secondes du chronographe). Une
exemplaires.
monde, demeuré inégalé à ce jour, du mouve-
finition galvanique réalisée grâce à un com-
ment chronographe automatique le plus plat
plexe procédé baptisé « NAC » et composé
jamais construit, avec une roue à colonnes
de quatre platinoïdes, dont le ruthénium,
n
D A N S
L’ A I R
D U
T E M P S
L’HISTOIRE DE L’ABBAYE
AU BORD DU LAC
COMMENT LE TEMPS EST
ARRIVÉ À LA VALLÉE DE JOUX
Ou 60 | 61
Norbert de Xanten, le fondateur de l’abbaye, était
déchiré entre la richesse et l’ascèse, la résistance ou
les accommodements avec les puissances temporelles. Finalement, son inclination pour le faste et le
pouvoir l’emporta. La miniature représente SaintAugustin remettant la règle de son ordre à Norbert
de Xanten.
Les moines qui choisirent de s’établir dans les sauvages
montagnes du Jura à la recherche de Dieu, de la richesse
et de la puissance, édifièrent un monastère féodal et jetèrent simultanément les fondements de l’industrie horlogère. Quels vestiges témoignent encore de cette lointaine
histoire dans la Vallée de Joux contemporaine ?
Par claudia SCHNIEPER
L
es légendes sont souvent éton-
qu’ils sembleraient se dresser là depuis des
namment opiniâtres et tenaces,
temps immémoriaux…
à l’exemple de certains grands
hommes
qu’elles
Animé par un indomptable goût de l’aven-
évoquent.
ture, le moine aurait fini par répondre à l’appel
L’un de ces personnages mythiques est Dom
de la forêt. Avec pour seuls outils une scie et
Poncet, de son état moine à l’abbatiale de
une cognée, il aurait construit de ses mains un
Romainmôtier, au cours des V e ou VIe siècle,
modeste ermitage sur la rive de ce grand lac
une époque plongée dans la pénombre des
qui scintillait au cœur de la forêt. Comment
premiers âges de la chrétienté.
imaginer son premier hiver sous le froid glacial
Selon toute vraisemblance, Dom Poncet
de l’altitude ? Des mois durant, les poissons
devait être un homme vigoureux, plutôt taci-
nageaient sous une couche de glace épaisse
turne, qui ne se satisfaisait pas d’une vie de
de plusieurs mètres et demeuraient inattei-
prière et de jeûne au sein de la communauté
gnables. Chassait-il le gibier qui courait à tra-
monastique. Il se sentait impérieusement
vers la forêt du Risoud ? Ou était-il de ces
appelé par la solitude et une existence d’ana-
saints hommes que leurs aptitudes à l’inédie
chorète. Il finit par trouver son éden de péni-
rendirent célèbres ?
tence à une journée de marche de Romainmô-
Et comme souvent le destin se plaît à
tier, en remontant le cours de l’Orbe. Selon la
déjouer les desseins des hommes, il ne per-
rumeur, un chasseur aurait évoqué devant lui
mit pas à Dom Poncet de goûter longuement
ce lieu auréolé de mystères, qu’aucune âme
à cet isolement auquel il avait tant aspiré. Sa
humaine n’avait encore élu pour séjour. Un
notoriété devint telle qu’elle attira bientôt
lac s’étendrait dans ces parages, où pullule-
sur les rives de ce lac des hommes pieux,
raient poissons et grenouilles. Il serait entou-
désireux comme lui d’entrer en ascèse. Loin
ré de forêts aux sapins si hauts et majestueux
de se déclarer effrayés par la description de
D A N S
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Peu de temps après sa fondation en 1126, l’abbaye
de la Vallée de Joux devint un important centre social et culturel. Les religieux ne cessèrent d’agrandir
et d’embellir le monastère afin d’accueillir dignement les nombreux moines, pèlerins et autres hôtes de haut rang.
ses terribles conditions de vie, la perspective
et femmes, qui avaient résolu de porter la
encouragea vivement son développement à
de mener une lutte héroïque au nom du Sei-
robe blanche, partageaient son sort.
l’époque médiévale. Au cours de la période de
gneur exerçait sur eux une fascination aucu-
Norbert de Xanten fonda un monastère
transition entre le Moyen-Âge inférieur et le
nement comparable à l’existence paisible et
après l’autre, en France comme sur le terri-
Haut Moyen-Âge, les progrès dans ce domai-
réglée qui se déroulait à l’intérieur des murs
toire de la Suisse actuelle, et finit par retrou-
ne furent considérables. Les défrichages
du monastère. Cette poignée d’hommes dé-
ver le goût de la richesse, du faste et des
permirent d’étendre les surfaces de labour,
fricha, édifia, pêcha, récolta et pria. À l’em-
intrigues politiques. Il est difficile aujourd’hui
l’assolement triennal s’érigea au rang de pra-
placement actuel du village du Lieu s’éleva
de déterminer qui donna l’impulsion décisive
tique commune, les cultures maraîchères et
une colonie dont la sainte renommée s’éten-
pour la fondation d’une abbaye au bord du lac
fruitières se répandirent, les charrues et les
dit bien au-delà des frontières du Jura.
de Joux en 1126. Fut-ce Norbert lui-même,
harnais se perfectionnèrent. À chaque fois, les
Un demi-millénaire s’écoula avant que les
qui aurait fait halte dans cette vallée d’altitu-
moines étaient le moteur de ces innovations.
chroniques historiques ne mentionnent à
de au cours de son pèlerinage à Rome ou le
La maîtrise de la force hydraulique était un
nouveau la Vallée de Joux et son lac. Les moi-
mérite en revient-il à Ebal I de la Sarraz ? Nul
autre talent des cisterciens et des prémon-
nes qui avaient succédé à Dom Poncet
ne le sait. L’historien ne dispose que d’une
trés, qui s’installaient de préférence à proxi-
conservèrent ses principes et, à un moment
seule certitude, l’abbaye fut fondée par
mité des cours d’eau afin de les utiliser des
ou à un autre, Norbert de Xanten, le charis-
l’église-mère de Saint-Martin à Laon et les
manières les plus diverses. Les ressources en
matique fondateur de l’ordre de Prémontrés,
premiers moines, des chanoines plus précisé-
eaux et en forêts tinrent également un rôle
entendit probablement parler de l’œuvre de
ment, s’établirent sur la rive orientale du lac,
essentiel pour la nouvelle abbaye au bord du
ces pionniers. Après sa conversion à une vie
sur le cône de déjection de la rivière Lionne.
lac de Joux et elles lui valurent une prospérité
de mortification, le noble chapelain s’élança
L’emplacement du monastère leur parut sans
durable. En 1141, les défrichements avaient
d’abord sur les chemins et mena une vie de
doute idéal car il réunissait l’ensemble des
tellement progressé que les moines dispo-
prédicateur errant. Cependant, ses prêches
conditions requises afin de poursuivre une
saient de suffisamment de prés, de prairies et
contre les évêques furent jugés séditieux et le
existence retirée, spirituelle et pourtant labo-
de champs cultivés autour du lac pour vivre
fondateur de l’ordre fut invité, plus ou moins
rieuse sur les rives d’un lac enchanteur.
dans une autarcie presque complète. Comme
er
fermement, en 1121 à se retirer dans l’isole-
N’oublions pas en effet que Norbert de
le nombre des bouches à nourrir ne cessait
ment de la forêt de Prémontré, à proximité
Xanten envisageait d’un œil favorable la
de croître, les considérations économiques
de Laon, en Picardie. Il n’était cependant pas
doctrine cistercienne, qui accordait une signi-
devinrent un mode de pensée et d’action
seul : quelques dizaines d’adeptes, hommes
fication prépondérante à l’agriculture et
naturel à ces hommes d’église.
62 | 63
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Les travaux de construction se poursuivaient
à la ronde. À des époques ultérieures, la
à un rythme soutenu. S’il voulait fonder de
muraille représenta une mine presque inépui-
nombreux monastères, l’ordre devait se doter
sable de pierres de taille pour l’édification des
d’une organisation rigoureuse et d’artisans
demeures environnantes. Enfin, la construc-
particulièrement qualifiés. À cette fin, les pré-
tion d’un pont-levis au-dessus de la Lionne et
montrés possédaient leurs propres architectes,
l’adjonction de nouvelles tours, dont une
tailleurs de pierre, sculpteurs et charpentiers,
seule résista aux vicissitudes de l’histoire, ren-
qui passaient d’un chantier à l’autre. Les péni-
força encore son caractère de citadelle.
bles travaux physiques incombaient souvent
Pour tenter de se représenter le monastère,
aux frères convers, généralement des fils de
il convient de se livrer à un authentique
paysans sans fortune qui ne savaient ni lire, ni
travail de Sisyphe, car il était déjà détruit dans
écrire, mais ressentaient l’attrait de la vie mo-
sa plus grande partie au moment où les his-
nastique. Cependant, les membres de l’ordre
toriens ont commencé à s’intéresser au passé
retroussaient également les manches de leur
de l’abbaye. Au cours de la première moitié
robe afin de s’atteler à l’œuvre commune. La
du siècle dernier, l’un d’entre eux, Auguste
règle exigeait néanmoins qu’ils disposent d’un
Piguet tenta d’en retrouver des mentions dans
temps suffisant pour se livrer à la prière, la mé-
les annales et des traces sur place afin de s’en
ditation, la lecture, l’écriture et les beaux-arts.
forger une image. Ce pur « Combier » – c’est
L’abbaye au bord du lac de Joux ne cessa
ainsi que se nomment eux-mêmes les habi-
de se développer jusqu’à prendre les dimen-
tants de la Vallée de Joux en référence au
sions d’une redoutable forteresse. Composée
terme de combe qui désigne une vallée juras-
de divers bâtiments et dominée par plusieurs
sienne – s’entretint avec les anciens habitants
tours, elle était ceinte d’une muraille qui at-
du village de L’Abbaye, dont les maisons
teignait par endroit quatre mètres de hau-
s’élevaient sur les vestiges des remparts de
teur, deux à trois mètres d’épaisseur et
l’ancien monastère. Si son manuscrit, qui ne
s’étendait sur 1,5 kilomètre. Cette protection
fut publié qu’après sa mort*, recèle de nom-
répondait à une nécessité car les richesses
breux points d’interrogation, il projette néan-
des monastères suscitaient envie et convoitise
moins une part de lumière sur ce monde
* Auguste Piguet, Etapes d’une colonisation, Le territoire à orient des lacs de
Joux de 1489 à 1600, refondu par Jean-Luc Aubert, Editions Le Pèlerin,
Les Charbonnières, 2000.
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Il convient de faire preuve d’un peu d’imagination
pour se représenter l’ancienne abbaye. La maquette
exposée dans l’église du village de L’Abbaye (à gauche)
nous donne de précieuses indications. Même si aucun
document n’atteste de l’exactitude de cette reconstitution, elle transmet une bonne impression de son
ancienne grandeur.
Le plan à droite montre le village de L’Abbaye en
1811. On reconnaît aisément le complexe du monastère, ceint d’une longue muraille, qui s’étendait jusqu’au lac à l’ouest et était accessible par deux ponts.
Les maisons des habitants du village se trouvaient
hors des murs, à l’instar des moulins et des scieries,
situés en amont sur la Lionne.
disparu. Hélas, la plupart des anciennes mai-
et à vin, dont quelques-unes comportaient
D’autres suivirent à Paudex et à Ogoz, entre
sons et les témoignages de l’époque du
des passages secrets qui reliaient de manière
Chexbres et Epesses. Les prémontrés firent
monastère furent la proie des flammes lors
souterraine plusieurs bâtiments. Comme dans
honneur à leur réputation de défricheurs et de
de l’incendie qui ravagea le village en 1966.
tous les monastères prémontrés, les abbés
cultivateurs. Ce sont eux qui transformèrent
Au début, les nonnes et les moines parta-
possédaient leur chapelle privée, une cuisine
le Lavaux en un paysage en terrasses d’une
geaient probablement les terres qui s’éten-
séparée dotée d’une puissante cheminée et,
beauté à couper le souffle qui, des siècles
daient derrière l’abbaye, car celles-ci étaient
noblesse oblige, une cave à vin richement
plus tard, serait élevé au rang de patrimoine
séparées par un mur épais. Cette précaution
garnie, réservée à leur seul usage.
de l’humanité, à l’instar des pyramides de
Gizeh et de la Grande Muraille de Chine.
ne suffit cependant pas à amadouer le pape
L’extension fulgurante des vignobles du
aux mœurs austères qui ordonna en 1140
monastère au cours des VIIIe et IXe siècles lais-
Dans les couvents, les moines vignerons ne
déjà le départ des prémontrées, contraintes
se supposer que le vin n’était pas unique-
se contentèrent pas d’accroître la production
dès lors de s’établir dans les granges, des
ment consommé pendant l’Eucharistie. Les
de vin, ils souhaitaient également en améliorer
domaines agricoles qui comptaient au nom-
monastères produisirent bientôt bien plus de
la qualité. Ils expérimentèrent, obtinrent de
bre des possessions du monastère.
vin que les moines n’en pouvaient boire et il
nouveaux cépages par croisement, firent des
Les pèlerins, qui avaient entrepris le voyage
devint un objet de négoce rentable qui accrut
essais avec des tailles, des engrais, des empla-
vers la lointaine vallée sauvage, étaient
encore leur richesse. Afin de satisfaire à une
cements. Le raisin était pressé dans de gigan-
hébergés dans un hospice, où ils recevaient
demande qui ne cessait de croître, les moines
tesques pressoirs en bois, le moût élevé et
nourriture et soins avant d’étendre leurs
terrassèrent à la sueur de leur front les
conservé dans des barriques de chêne. Cette
corps moulus à l’heure du repos. La foule
versants escarpés et ouvrirent à la vigne des
période prit abruptement fin avec l’avènement
était particulièrement nombreuse le 22 juillet,
terres encore en friche dans les parties
de la Réforme qui sécularisa la viticulture.
pour la fête de sainte Marie-Madeleine. De la
septentrionale et orientale de Suisse.
De retour à L’Abbaye, au bord de ce lac dont
fumée s’élevait sans discontinuer des fours
L’abbaye au bord du lac de Joux n’avait pas
le niveau peut varier de trois bons mètres selon
installés dans la cour intérieure et les cuisines
la possibilité de planter des vignes dans les
la saison et qui venait à nouveau d’inonder les
connaissaient une activité frénétique. Le frère
environs immédiats, en raison de l’âpreté d’un
rives en provoquant de grands dommages.
maître de chai n’avait pas une minute à lui
climat de montagne. Les moines acquirent
Heureusement, le mur d’enceinte du monas-
car le vin, généreusement offert, coulait à
donc des vignobles en bordure du lac Léman
tère représentait un solide rempart contre la
flots lors de célébrations aussi importantes.
et leur premier domaine fut le couvent
force destructrice des flots impétueux. Mais le
L’abbaye recelait plusieurs caves à provisions
des Rueyres, au-dessus de Saint-Saphorin.
lac de Joux représentait aussi un inépuisable
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L’abondance en poissons, en bois et en eau de la
Vallée de Joux n’attirait pas uniquement des moines, mais également des artisans entreprenants.
trésor dans lequel abondaient truites, lottes,
conformément à leur état. Mais le monastère
perches, vairons et brochets. Cette dernière
au bord du lac attirait aussi le peuple en foule,
espèce fut introduite par les moines de l’ab-
les paysans et les artisans qui accouraient dans
baye au XIII siècle. La règle augustinienne, à
la haute vallée avec l’intention de commencer
laquelle se soumettaient les prémontrés, pros-
une existence nouvelle dans la sphère d’in-
crivait fondamentalement de consommer la
fluence des moines. Ils étaient bien accueillis
viande des animaux à quatre pattes, mais cette
et les chanoines les récompensaient par
injonction n’était toutefois observée que par
l’octroi de franchises et de privilèges.
e
les monastères les plus stricts. Quoi qu’il en fût
L’un des rares dont le nom nous est parve-
à la Vallée de Joux, les poissons représentaient
nu était Vinet Rochat, originaire de Villedieu
l’élément essentiel du menu des moines, avec
dans la Franche-Comté. Il s’établit en 1480, à
les grenouilles, les escargots de Bourgogne, les
près de cinquante ans, sur les rives de la Lion-
loutres et les castors.
ne. L’abbé Jean Pollens lui conféra le droit, à
Même si le lac s’étendait devant leur porte,
lui et à ses fils, d’exploiter un moulin et une
les moines blancs entretenaient deux bassins
scierie sur les territoires de l’abbaye. L’ancêtre
d’une longueur totale de 15 mètres qui assu-
des Rochat, un patronyme très répandu dans
raient la pérennité des ressources piscicoles,
la Vallée de nos jours, bénéficiait manifeste-
même pendant les longs mois de l’hiver. De
ment des faveurs de l’abbé qui lui concéda de
surcroît, l’abbaye fut tenue jusqu’en 1219 de
nombreux autres privilèges : il pouvait abattre
s’acquitter auprès du monastère fondateur
des arbres afin de confectionner du charbon
de l’ordre d’un intérêt perçu sous forme de la
de bois pour son propre usage, utiliser les
livraison de 160 truites, une quantité qu’elle
fours à cuisson de l’abbaye, pêcher à la ligne
ne parvenait pas toujours à réunir, malgré la
et laisser paître son bétail sur les praires du
présence des réservoirs.
monastère. Rapidement, Vinet posséda plu-
L’abbaye se développa, elle devint un centre
sieurs moulins et scieries. À sa mort, les moi-
culturel et social. Les moines et laïcs de rang
nes lui accordèrent une sépulture dans
et de renom rendaient visite à la prospère
l’enceinte du monastère, en récompense de
communauté et à son abbé qui les recevait
son intense labeur. Ses fils Jean, Claude et
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l’aBBaYE SE SOuViENt
L
e village de L’Abbaye est situé à
1004 mètres d’altitude, sur la route
principale qui relie Vallorbe au Brassus. Il
compte 311 habitants, 3 cafés, 1 garage,
2 manufactures d’horlogerie, 2 scieries,
1 église réformée et sa cure, de nombreuses demeures jurassiennes caractéristiques aux toits particulièrement étendus,
recouverts en partie de tuiles, en partie
de tôles. Le centre de la localité s’étend
sur le cône de déjection de la Lionne, à
l’endroit même où se dressait jadis le
monastère. Le village est dominé par
un imposant clocher gothique, le plus
important vestige du monastère.
À l’intérieur de l’église, édifiée en 1865,
une maquette permet de se représenter
guillaume acquirent des terres au Lieu, aux
rent également le droit d’exploiter sur les ri-
les heures de gloire de l’abbaye. Les in-
Charbonnières ainsi que sur les rives du petit
ves de la Lionne des moulins pour polir les
cendies de 1680, 1833 et 1966 épargnè-
lac Brenet, où ils installèrent une batteuse,
pierres et aiguiser les haches ou les épées. Dix
rent uniquement la tour Aymon. La
plusieurs moulins et scieries sur son principal
années auparavant, Pierre golaz, originaire
construction ultérieure d’une arche de
entonnoir d’écoulement. Les Rochat restè-
de Vevey, tenta de fonder un atelier mécani-
style gothique tardif près de l’église fut
rent fidèles à la Vallée et furent si prolifiques
que à proximité du monastère en recourant à
décidée pour célébrer le 400e anniversai-
qu’un demi-millénaire plus tard, une fête cé-
l’énergie fournie par un bassin artificiel. Tou-
re de l’indépendance de la commune en
lébrée en son jour anniversaire permit à 2000
tefois, celle-ci n’était pas assez abondante
1971. Au lieu-dit Le Moulin, sur les rives
descendants de Vinet de se retrouver au
pour assurer le succès de l’entreprise. Les his-
de la Lionne, se dressaient les moulins des
village de L’Abbaye.
toriens ont également découvert les vestiges
Rochat et des Berthet, qui adoptèrent
Le 2 avril 1492, l’abbé Jean de Tornafol
d’une tannerie et d’une verrerie, qu’ils n’ont
ensuite le nom de Berney. Aujourd’hui
parapha un décret par lequel il nommait
pu cependant dater avec précision. À partir
encore, les deux scieries de L’Abbaye
Humbert Berthet et ses trois fils abergataires
du XVe siècle, période où débuta l’extraction
du monastère. Il leur accordait ainsi la pos-
du minerai de fer au Pont, les forges sortirent
session des terres qu’ils avaient tra-
de terre aussi rapidement que les champignons
appartiennent à la même famille.
vaillées après une période
déterminée. Ils obtin-
dans les majestueuses forêts du Risoud.
Par leurs journées strictement rythmées,
les moines de l’abbaye avaient insufflé aux
Combiers l’amour de la précision. À l’instar
des Rochat ou des Berthet (les futurs Berney), les nombreux nouveaux venus qui
travaillaient pour le monastère devraient se
conformer à la règle de la prière horaire. Lorsque la cloche sonnait, les moines blancs
abandonnaient leur tâche et se hâtaient de
se rendre à l’église. Sa sonorité portait au loin
et les habitants des environs s’habituèrent
ainsi à une division artificielle du temps où les
révolutions des astres ne tenaient plus un rôle
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Les Combiers ne manifestèrent aucune opposition
à la Réforme introduite par les Bernois dans la
vallée. Ils étaient heureux d’être enfin libérés des
lourdes taxes prélevées par le monastère, dont les
seuls vestiges sont l’imposante tour et une arche
du cloître, ultérieurement reconstruite. Elles sont
devenues aujourd’hui les emblèmes de L’Abbaye.
déterminant. Les vigiles et les vêpres se tenaient hiver comme été, qu’il fît encore jour
ou déjà nuit. Il en allait de même pour les pèlerins, qui se rendaient souvent de monastère
en monastère et se pliaient à leurs horaires.
Les prémontrés léguèrent aux Combiers un
autre talent, la passion pour les innovations
techniques. Et peut-être même cette aptitude
à rester assis pendant des heures, silencieusement plongés dans la minutieuse réalisation
d’un ouvrage, en tournant le dos au monde
bruyant et agité.
L’histoire de l’abbaye au bord du lac ne suivit pas un cours uniformément paisible, mais
prit la forme d’une incessante alternance entre moments fastes et périodes difficiles. Le
monastère connut sa crise économique et
morale la plus forte au début du XIVe siècle,
après une longue époque de prospérité. Il
était endetté à un tel point qu’il ne fut bientôt plus en mesure de subvenir à l’entretien
des chanoines, qui se virent contraints de se
défaire de leur robe pour mendier. Mais
d’autres malheurs frappèrent l’abbaye à cette
époque : en 1336, avec l’aide de son complice Perrod du Lieu, le prieur du monastère
tenta d’empoisonner l’abbé Humbert qui
venait d’être élu. La tentative d’assassinat fit
long feu et les coupables furent déférés
D A N S
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Les inventeurs du temps
L
es moines et les nonnes observaient strictement les
heures de prières prescrites. Si les paysans réglaient
autrefois leur journée en fonction du chant du coq à l’aube,
de la course du soleil, des repas et des saisons, son déroulement dans les monastères était rythmé presque heure par
heure par les offices religieux, des matines aux complies. Le
respect de cette exigence requérait des garde-temps précis,
car la règle bénédictine ne tolérait aucun retard : « De jour
comme de nuit, il incombe à l’abbé d’annoncer l’heure du
service divin. Il accomplit cette tâche en personne ou en
confie la charge à un frère consciencieux afin que tout puisse se dérouler en temps opportun. »
Au début, le quotidien monastique était réglé par des
bougies, qui se consumaient en un laps de temps déterminé, des clepsydres, des sabliers et des cadrans solaires ainsi
Un fabricant de boussoles du XVIIe siècle avec trois
cadrans solaires repliables en ivoire et un sablier.
que l’observation du ciel étoilé. Tout laisse à penser que les
religieux contribuèrent pour une part importante à l’inven-
devant les tribunaux des prémontrés. Quel-
tion de l’horloge mécanique. Vers 1060, l’abbé Wilhelm von
ques années plus tard, le sang finit tout de
Hirsau, du monastère de Saint-Emmeran à Ratisbonne,
même par couler. Excédés par la lourdeur des
construisit un instrument d’observation astronomique. La
impôts et des taxes, les villageois du Lieu
contemplation des étoiles incita des moines érudits du
se révoltèrent en 1488 et tentèrent de faire
Moyen-Âge à confectionner divers appareils de mesure qui
entendre raison à l’abbé par la violence. S’il
furent utilisés par les cartographes et les navigateurs. Vers
parvint à sauver sa vie, l’ecclésiastique dut
1300, le clergé appela publiquement à maîtriser le temps,
néanmoins réduire ses prétentions de 1000 à
au moment où les premiers clochers se dotaient d’horloges
38 livres. Louis de Sénarclens présida aux
à poids et à roues. Au cours de la première moitié du XIV
e
destinées de l’abbaye pendant près de trente
siècle, Richard de Wallingford, abbé de Saint-Alban dans le
ans, au cours desquels la peste décima à deux
comté de Hertfordshire, consacra tant d’argent et de temps
reprises, en 1348/1349 et en 1360, la com-
à la fabrication d’une complexe horloge astronomique qu’il
munauté religieuse. Par une nuit d’août
fut sévèrement admonesté, même par les frères qui lui
1364, des hommes venus de Romainmôtier
devaient obéissance… Conçue à l’origine pour discipliner
attaquèrent la forteresse religieuse et moles-
les moines et les nonnes qui traînaient le pas, l’horloge
tèrent vivement les moines.
apparue au XIVe siècle finit par bouleverser en profondeur
l’existence de la population dans son ensemble.
L’entrée des Bernois sur terre vaudoise en
1536 scella le destin des prémontrés du Lac de
Joux. Leur fin fut peu glorieuse. Claude Pollens,
le dernier abbé, se convertit et céda le
monastère en échange d’une pension de
100 florins, quatre charretées de vin et la
grange de Cuarnens. De l’ancien domaine
des prémontrés, il ne demeure aujourd’hui
qu’un portail surmonté de la date de 1637.
Les moines du Lieu et de L’Abbaye commencèrent à défricher la Vallée de Joux,
un ouvrage fidèlement poursuivi par les Combiers. L’alliance de l’homme et de
la nature a donné naissance à un paysage unique, proche de son état naturel,
dont le charme mélancolique est particulièrement prenant en automne.
Et quant au dernier abbé, il finit par convoler
avec la nonne Michière, fille de Michel de
Savoie, l’ancien prieur de Romainmôtier ! n
a r t
d e
v i v r e
La Bour
À VÉLO
72 | 73
UNE RANDONNÉE À BICYCLETTE DANS LE VIGNOBLE EST L’UNE DES EXPÉRIENCES LES PLUS
ENIVRANTES QUE JE CONNAISSE, ET PLUS ENCORE EN BOURGOGNE PENDANT L’AUTOMNE.
gogne
TEXTE ET PHOTOGRAPHIES Par Jeffrey S. Kingston
a r t
d e
V i V r e
Au premier plan, la fontaine sur la place du village
de Meursault. Au fond, l’Hôtel de Ville dont le toit
en tuiles est décoré dans le style de la région.
74 | 75
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L’itiNÉraire SUd
une légère descente à bicyclette sur la route qui
conduit de Beaune au village de Pommard.
t
out en sachant pertinemment qu’aucun
de vertus, les voyagistes sont nombreux à
gare. Parfaitement entretenues, les bicyclet-
scientifique ou coach personnel ne sou-
proposer des formules tout compris pour dé-
tes sont louées avec une petite sacoche, un
tiendrait ma théorie, je reste cependant
couvrir la Bourgogne à vélo. inscrivez-vous à
cadenas et, accessoire de vitale importance,
convaincu qu’une mystérieuse énergie émane
l’un de ces forfaits, déconnectez votre cer-
un casque de sécurité. Cependant, il serait
des vignes et qu’elle incite même les adeptes
veau et relaxez-vous. Laissez-vous guider et
regrettable d’adopter l’attitude impatiente
les plus sédentaires des plateaux-repas devant
abandonnez à d’autres le soin de s’occuper
de type a (s’emparer du vélo, voici ma carte
la télévision à enfourcher leur vélo pour une
des détails, des repas à l’hébergement, des
de crédit et sortir plus vite encore que l’on est
balade impensable dans tout autre environ-
vélos à l’organisation d’une voiture d’escorte,
entré), au risque certain de perdre les prodi-
nement et à élever leurs corps athlétiques,
pour le cas bien improbable où le parcours à
gieux bénéfices d’une conversation avec Flo-
musclés et tonifiés à la hauteur des exploits
travers les vignes ne produirait pas l’habituel
rent Leroux, le propriétaire de l’entreprise. À
des champions de la petite reine. Cependant,
effet magique sur le niveau d’énergie.
l’évidence, il est ravi de dispenser gratuite-
ce n’est pas la simple nécessité de se livrer à
toutefois, si vous préférez partir à la décou-
ment un grand nombre de conseils habituel-
un exercice physique qui rend ce phénomène
verte comme vous l’entendez, la Bourgogne
lement délivrés dans les agences de location
si particulier – si tel était le cas, nous serions
est une région idéale pour planifier un tour à
de vélos, tels qu’itinéraires recommandés,
simplement face à une version avinée de la
vélo en toute liberté. en premier lieu, la Côte-
cartes routières idoines, centres d’intérêt à ne
vidéo « Muscles d’acier » – car, au fur et à
d’Or fourmille littéralement d’itinéraires possi-
pas manquer. Cependant, la communication
mesure que les vignobles défilent, ils exercent
bles car plutôt que d’envisager l’équivalent
de ces informations ne représente qu’une
un effet apaisant sur l’âme. Comme je ne
sur deux roues de marches forcées qui condui-
partie de ses services. en fin de compte, nous
connais guère d’autres activités physiques
sent chaque jour à une nouvelle destination,
sommes en France où la connaissance des
aussi gratifiantes que de me promener à bicy-
de s’échiner chaque matin à faire tenir tout
habitudes locales comprend systématique-
clette dans les vignes, je me suis plu à pédaler
son barda sur la bicyclette ou de s’évertuer à
ment une abondance de recommandations
à travers les vignobles du monde entier, en
trouver une solution logistique pour achemi-
culinaires. Vous prévoyez un pique-nique ?
Ombrie, en alsace, dans la Napa Valley, dans le
ner les bagages à la prochaine étape, la Bour-
Un jambon persillé devient dès lors incon-
canton de Vaud et, avant tout, en Bourgogne.
gogne invite les cyclistes à résider en un lieu et
tournable et il vous donne l’adresse du meilleur
Chaque élément contribue à faire de la
à entreprendre un tour différent chaque jour.
traiteur de Beaune. dans une similitude qu’il
Bourgogne un paradis pour cyclistes : des
Oubliez les sacoches lourdement chargées et
importe de souligner, il vous indique également
routes presque exemptes de trafic, des itiné-
dispensez-vous de vous attacher les services
la meilleure fromagerie (n’oubliez pas d’y
raires de tout type – court, long, plat ou acci-
d’un conducteur de minibus. et, deuxième-
quérir du Cîteaux, un fromage onctueux pro-
denté – l’incessant défilé de villages et de
ment, il est essentiel de savoir qu’il existe à
duit par l’abbaye située à l’est de Vougeot),
vignobles célébrés dans le monde entier, une
Beaune un service de location de vélos straté-
la meilleure boulangerie et la meilleure pâtis-
cuisine inspirée pour toutes les bourses, des
giquement situé dans le centre géographique
serie. Comme aucune excursion civilisée ne
haltes et des lieux de pique-nique dans des
de la région, au point de départ idéal pour
devrait être privée d’un goûter à l’heure douce
sites enchanteurs, sans oublier bien sûr cer-
s’élancer à travers les vignobles.
de l’après-midi, écoutez religieusement le
tains des vins les plus rares et les plus appré-
L’enseigne Bourgogne randonnées est
sage conseil sur le lieu où débusquer ce délice
ciés au monde. en reconnaissance d’autant
située à quelques minutes de marche de la
typiquement bourguignon, le pain d’épices
a r t
d e
v i v r e
Les propriétaires désignent souvent leurs vignes
de manière ostensible. Propriété du Domaine
Albert Grivault, le Clos des Perrières est l’un des
plus prestigieux vignobles de Meursault.
76 | 77
LE PIQUE-NIQUE FAIT PARTIE INTÉGRANTE DE TOUTE EXCURSION.
DU JAMBON PERSILLÉ, DE LA SALADE DE CÉLERI, UNE BAGUETTE,
UN PEU DE CÎTEAUX…
(accompagné de la mise en garde que sa
point nommé d’un citron pressé avant de
conquête requiert un effort particulier, la
savourer un somptueux dîner bien mérité. Pour
rude montée vers la colline qui domine Nuits-
tous ceux qui ne connaissent pas encore la
Saint-Georges, mais une fois sur place, vous
région, voici deux itinéraires qui peuvent être
en remplirez les sacoches à ras bord). Vous
considérés comme de véritables musts, l’un
préférez des adresses de restaurants ? Pas de
au sud de Beaune, l’autre au nord. Conçus
souci, notre agence de location est au cou-
comme des parcours d’un jour, ils permettent
rant des derniers événements gastronomi-
de découvrir les vignobles bourguignons les
ques comme des allées et venues des grands
plus importants et les plus célèbres.
chefs de la région. Après une journée passée
à ahaner sur une bicyclette, la dégustation
L’itinéraire sud
d’un repas amoureusement préparé revêt
D’un point de vue logistique, c’est le plus
une importance vitale. De ce fait, les conseils
facile des deux car il n’exige pas le recours
de M. Leroux et ses lumières sur les traditions
à une automobile. En quittant Bourgogne
locales, toujours transmises avec un imper-
Randonnées, traversez la route de contour-
turbable sérieux, représentent un véritable
nement interne, franchissez les remparts et
trésor qu’il importe de reconnaître à sa juste
entrez dans le centre piétonnier de Beaune.
valeur.
Vous avez désormais toutes les bonnes adres-
Ainsi, la formule idéale pour de parfaites
ses à portée de main – baguettes, fromages,
journées à pédaler à travers la Bourgogne
pâtisserie, vin (si vous êtes enclin à pédaler et
consiste à enfourcher sa monture le matin, réu-
à déguster). Depuis le centre, une fois votre
nir les provisions de bouche dans le cœur de
viatique composé, engagez-vous sur le con­
Beaune, se lancer dans une excursion revigo-
tournement dans le sens horaire jusqu’à at-
rante avec de nombreuses opportunités pour
teindre la D970 avec l’indication « Auxerre ».
des moments de détente et la dégustation à
Poursuivez jusqu’au premier feu rouge, qui
a r t
d e
v i v r e
L’ITINÉRAIRE SUD PERMET DE DÉCOUVRIR LES MEILLEURES PARTIES
DES CÔTES DE BEAUNE.
se dresse juste après le lycée viticole. Sur
Montrachet et tiennent à le faire savoir par
votre gauche, vous remarquerez une petite
des monuments à leur propre gloire sous
voie, la rue de Sceaux, où débute une piste
forme de portails, arches, colonnades, grilles
cyclable qui conduit sur plus de 20 kilomètres
ou panneaux ouvragés qui proclament leur
jusqu’à Santenay. Comme chaque intersec-
appartenance au club exclusif du Mon-
tion est signalée, il est aisé de rester sur cette
trachet. De manière similaire, les propriétai-
piste asphaltée et presque entièrement dé-
res de Chevalier-Montrachet, juste au-dessus
pourvue de trafic.
sur la colline (au statut à peine inférieur) ont
Véritablement initiatique, cet itinéraire per-
édifié des monuments presque aussi impo-
met de découvrir les meilleurs vignobles de
sants. Les autres vignobles de grands crus,
la partie méridionale des Côtes de Beaune.
le Bâtard-Montrachet, le Bienvenues-Bâtard-
Successivement, vous traverserez Pommard,
Montrachet et les Criots-Bâtard-Montrachet,
Volnay, Meursault, Puligny-Montrachet, Chas-
tous situés de l’autre côté de la route qui
sagne-Montrachet et, enfin, Santenay. Des
vient de Montrachet, possèdent également
collines s’élèvent bien autour de Volnay et de
des panneaux, mais leur identification requiert
Meursault, mais leur altitude est faible et,
une attention soutenue car il s’agit pour la
sinon, le parcours est généralement plat.
plupart de discrètes plaques apposées sur
Malheureusement, les panneaux qui sig-
l’extérieur du mur qui entoure la parcelle.
nalent les vignobles sont rares. Gardez
Les vignobles de premier cru ou villages ne
cependant le regard en alerte afin de repérer
sont généralement pas indiqués comme tels
les plaques argentées qui indiquent les vignes
tout au long de notre balade, à l’exception
appartenant à l’Hospice de Beaune. Ces par-
d’une signalisation ad hoc placée par des
celles furent offertes à l’œuvre caritative par
domaines qui en possèdent une partie. Il est
des donateurs dont les noms sont à jamais
hautement recommandé d’acquérir une carte
liés au vin élaboré à partir du raisin cultivé
illustrant le plan des vignobles, en particulier si
sur leurs anciennes terres. Tout au long de la
votre mission consiste à perfectionner votre
route, seuls les vignobles les plus prestigieux
entendement géographique de la région. Aux
sont l’objet d’une information spécifique.
yeux de nombreux amateurs, la Bourgogne
À l’évidence, aucun vignoble n’est plus
demeure une énigme, un déconcertant
illustre dans les Côtes de Beaune que le Mon-
mélange de noms. Cependant, cet itinéraire
trachet, qui commence précisément au pan-
est composé en fonction d’une progression
neau de « STOP » situé au croisement entre
des plus importants vignobles de bourgogne
la route qui sort de Puligny et celle qui conduit
blanc et le rythme tranquille, accompagné
de Meursault à Chassagne. Le seul vignoble
d’une carte détaillée, permet de décrypter, du
de grand cru sur ce parcours se trouve dans
moins partiellement, les relations qui s’établis-
les appellations Puligny-Montrachet, qui sont
sent entre une dénomination et une autre.
toutes blotties autour de leur ancêtre com-
Même si la longueur de notre parcours ne
mun, le Montrachet. « Si vous pouvez vous
présente aucun caractère punitif, quelques
glorifier, n’hésitez pas à le faire » semble être
arrêts bien pensés sont de rigueur. Au moment
une règle intangible ici, à aviser la quantité
de reprendre des forces, aucun emplacement
de domaines qui possèdent des parcelles à
de pique-nique n’est mieux adapté que la
78 | 79
Une ravissante descente vers Pommard en
venant de Volnay. Beaune se devine au loin.
Les itinéraires cyclistes
sont bien signalisés.
place du village de Volnay. Elle ne propose
n’est pas le Bordelais, et moins encore
pas uniquement une table et une ombre
la Napa Valley. Les quantités élaborées par
bienvenues, mais offre une vue dominante
chaque domaine sont infinitésimales, de
sur la colline où s’étendent deux des vigno-
véritables nanoquantités à l’échelle de la pro-
bles les plus renommés de l’appellation, La
duction vinicole mondiale. Quelques chiffres
Bousse d’Or et Taillepieds. La place du village
serviront ici à illustrer notre propos. Certains
de Puligny-Montrachet représente cependant
viticulteurs de la Napa Valley produisent plus
une alternative intéressante, un peu plus en
de 250‘000 caisses chaque année alors que
avant sur la route. Là aussi, des bancs et un
les grands châteaux de Bordeaux proposent
ombrage généreux attendent les voyageurs à
moins d’un dixième de cette quantité, envi-
l’heure du repos. Puligny est également l’arrêt
ron 20‘000 caisses par année. Pour leur
parfait pour savourer un citron pressé. Sur la
part, de nombreux domaines de Bourgogne,
terrasse arrière de l’hôtel Le Montrachet, vous
même s’ils élaborent des vins de nombreuses
pourrez ainsi vous livrer au classique rituel
appellations, ne produisent parfois pas plus
français qui consiste à mélanger savamment
d’une ou de deux barriques d’un vin particu-
le sucre, l’eau et le citron fraîchement pressé
lier par millésime. Aussi, si les visiteurs peu-
jusqu’à atteindre le point de perfection requis.
vent entrer et goûter ce qu’ils veulent à Napa
Ce parcours comprend trois caves parfaites
– que représentent donc quelques bouteilles
pour procéder à des dégustations de vins.
envoyées à la dégustation sur une production
Toutefois, une compréhension des coutumes
totale supérieure à un million de bouteilles, il
locales s’impose en prélude. La Bourgogne
n’en va pas de même en Côte-d’Or. Même si
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En haut à gauche : des oreilles de porc en gelée
dans la vitrine, un apprêt qui n’est peut-être pas du
goût de chacun. En bas à gauche, le vignoble grand
cru de Corton-Renardes en automne. Ci-contre, le
vignoble du Clos de la Pucelle, l’une des meilleurs
premiers crus de Puligny-Montrachet.
L’ITINÉRAIRE NORD TRAVERSE
VOSNE-ROMANÉE QUI ABONDE
EN VIGNOBLES RÉVÉRÉS DES
CONNAISSEURS.
vous parvenez à trouver quelqu’un sur place
premier choix pour goûter cette appellation
dans les meilleurs domaines, ce qui est rare
alors que le Château de Meursault offre un
sans rendez-vous, il est plus que certain que
excellent éventail du domaine éponyme.
les bouchons resteront fermement en place et
Pour les cyclistes intrépides, il existe une
les barriques obstinément fermées, à moins
alternative en montées et descentes à cet
que vous ne disposiez d’un talent d’hypnoti-
itinéraire. Depuis Pommard, suivre la D17 en
seur extrêmement bien rodé ou d’un irrésisti-
direction d’Orches et longer les falaises
ble charme naturel. Selon toute vraisemblance,
jusqu’à La Rochepot. Si la grimpée mérite
votre visite vous permettra tout au plus de
son nom, les roches déchiquetées d’Orches
découvrir l’imposante dignité des Français
et la découverte d’un splendide panorama en
quand ils prononcent un simple « non ». La dé-
seront la digne récompense. La passionnante
gustation se tiendra donc dans d’autres lieux.
visite du château de La Rochepot s’effectue
Trois d’entre eux qui méritent une recomman-
en une petite heure. Pour vous assurer de voir
dation sont Wallerand, juste à l’extérieur de
tous les vignobles, prenez garde à descendre
la place de Puligny, le Caveau Coopératif dans
par la N6 qui vous conduira à la limite entre
le centre de Chassagne (ils sont en réalité au
Puligny-Montrachet et Chassagne-Montrachet
nombre de deux) et le château de Meursault.
(il existe en effet une variante qui bifurque
Wallerand est un maître sommelier qui pos-
juste après Meursault et ne passe pas par
sède toujours une intéressante gamme de vins
Puligny et Chassagne). Depuis là, la piste
à tester. Chaque caveau, tous deux spéciali-
cyclable revient vers Beaune en longeant les
sés dans les vins de Chassagne, est un lieu de
vignobles.
80 | 81
Le circuit nord
offerte par l’automobile ou le train qui a
place du village, il faut passer par un vigno-
Si le parcours sud permet de découvrir une
désormais mes préférences, car les routes
ble qui produit le Clos des Réas, un remar-
grande part des Côtes de Beaune, à l’excep-
aux nombreux virages à l’est de la D974
quable Vosne-Romanée, dont les louanges
tion de la portion située entre Aloxe-Corton
garantissent assurément un niveau élevé
sont rarement chantées. Ce premier cru qui
et Beaune, le circuit nord est consacré au
d’exercice physique, mais n’offrent pas un
ne déçoit jamais est désormais élaboré par
cœur des Côtes de Nuits, l’autre moitié de la
environnement très stimulant.
Michel Gros, fils de l’ancien maire du village.
Côte-d’Or.
La partie œnologique proprement dite du
Quittez la place par l’arrière, prenez à droite
Ici, un choix s’impose d’emblée. Les vigno-
circuit commence juste au nord du centre de
jusqu’à croiser une rue dont le nom provo-
bles les plus importants des Côtes de Nuits
Nuits-Saint-Georges, dans un parking situé
que toujours une accélération du rythme car-
commencent à Nuits-Saint-Georges et s’éten-
en face du cimetière sur la D25, à l’intersec-
diaque, la rue de la Tâche. À son extrémité,
dent, depuis là, vers le nord, en direction
tion de la rue des Charmottes. Suivre cette
un virage à gauche conduit au vignoble
de Fixin. Cependant, Nuits-Saint-Georges est
voie en direction du vignoble et tourner
révéré de Romanée-Conti.
distant de 22 bons kilomètres de Beaune.
à droite dans le premier chemin qui part
La route la plus directe, la D974, n’est
vers les vignes. Depuis cet instant, vous
un pique-nique, même en plein soleil. Le
pas recommandée aux cyclistes, car elle est
vous trouvez au milieu des vignobles des
Romanée-Conti est probablement le vin rou-
fréquentée par un trafic intense. Il reste donc
Côtes de Nuits, dont les villages ont pour
ge le plus convoité au monde et ses prix sont
Cet emplacement se prête parfaitement à
trois options, emprunter les voies secondai-
nom Vosne-Romanée, qui sera suivi par
en rapport. Même si vous n’êtes pas disposé
res à l’est de la D974, prendre le train de
Vougeot, Chambolle-Musigny, Morey-Saint-
à céder aux charmes de ce cru particulière-
Beaune à Nuits-Saint-Georges ou placer le
Denis, Gevrey-Chambertin et Fixin.
ment onéreux, car son prix commence vers
vélo sur une voiture et s’y faire conduire. J’ai
Vosne-Romanée abonde en lieux sacrés
1500 euros pour atteindre rapidement la
testé les diverses variantes et c’est la solution
pour les amateurs de vin. Pour arriver à la
stratosphère, vous pouvez savourer le plaisir
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L’itiNÉraire NOrd SUit eN GraNde Partie La rOUte deS CrUS
OPPOrtUNÉMeNt NOMMÉe POUr traVerSer UN VertiGiNeUX
ÉVeNtaiL de ViGNOBLeS PreStiGieUX.
À gauche, le vignoble du Clos de tart à Morey-Saint-Denis, dont les rangées de vignes sont orientées du
nord vers le sud plutôt que de l’est vert l’ouest.
de séjourner brièvement sur ses terres. Si la
Ce lieu mythique fait naître les mêmes
simple envie de déboucher une bouteille de
émotions qu’une rencontre avec les membres
romanée-Conti requiert presque inévitable-
d’une famille royale. ainsi que l’a affirmé
ment un entretien préalable avec votre
l’écrivain et critique œnologique Hugh John-
banquier, un pique-nique assis sur le muret
son : « il n’y a pas de vins ordinaires en
reste un bonheur gratuit. du haut de ce per-
Vosne-romanée. »
choir improvisé, vous bénéficiez d’un pano-
La noblesse du voisinage décroît progressi-
rama à 360 degrés sur le saint des saints
vement à mesure que notre itinéraire se
en matière de vin : derrière vous, le vignoble
poursuit vers le nord. À partir de cet instant,
de romanée-Conti, à gauche les riche-
sous le nom opportun de « route des Grands
bourgs, en face romanée-Saint-Vivant et,
Crus », il offre un prodigieux éventail de
immédiatement sur votre droite, La tâche.
vignobles accolés les uns aux autres.
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v i v r e
Un charmant intermède dans cette parade
de Morey-Saint-Denis. Le spectacle qui accom-
de crus prestigieux est représenté par un nom
pagne cet instant de grâce est assuré ici par
célèbre en soi, le Château de Clos de Vou-
le ballet des automobiles aux plaques d’im-
geot, situé en bordure du vignoble éponyme,
matriculation étrangères à la région, occupées
à proximité de la limite avec le Musigny. Cet
par des amateurs qui parcourent religieuse-
ancien domaine cistercien est lié à l’Abbaye
ment la Route des Grands Crus. Ils sont
de Cîteaux, située 20 km plus à l’est. Les moi-
suisses, allemands, belges, italiens, britanni-
nes des deux abbayes se consacraient à deux
ques à l’occasion, tous en quête de bons vins.
éléments essentiels de l’existence – le vin au
Ce parcours offre une variété d’opportu-
Château du Clos de Vougeot et le fromage à
nités de dégustation. À Gevrey-Chambertin,
l’abbaye de Cîteaux (rarement disponible
deux sont à recommander, les domaines
hors des frontières de la Bourgogne, le
Philippe Leclerc (dégustation payante, mais
Cîteaux est un régal à ne manquer sous
vins excellents) et Rossignol-Trapet (très bons
aucun prétexte lors d’un séjour dans la
vins également). À Vougeot, le domaine Ber-
région). Une visite du château en toute liber-
tagna situé dans le village le long de la D974
té permet de découvrir d’anciens appareils
(excellents crus là aussi) et le Château Latour
utilisés pour élaborer le vin comme la salle où la
près du château (contribution demandée). À
confrérie des Chevaliers du Tastevin se réunit
Chambolle-Musigny, le Château André Zilte-
pour ses célébrations et permet de reprendre
ner organise des dégustations à l’hôtel (car la
son souffle à mi-parcours. La halte parfaite
maison possède à la fois un établissement
pour un rafraîchissement est la place du village
hôtelier et un domaine viticole).
Ci-dessus, à gauche, emplacement pour piqueniquer à Romanée-Conti. Si les vins sont hors de
prix, le pique-nique reste gratuit.
Ci-dessus, à droite, l‘arrière du Château de Clos
de Vougeot.
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À L’ÉVIDENCE, CE NE SONT
PAS LES SEULS ITINÉRAIRES
PASSIONNANTS DANS LA
RÉGION. IL EN EXISTE DE NOMBREUX AUTRES QUI PARTENT
DANS TOUTES LES DIRECTIONS
EN PRENANT BEAUNE COMME
POINT DE DÉPART.
L’heure de rebrousser chemin est laissée à la
routes est très lacunaire et nous nous som-
libre appréciation de chacun. Une fois passé le
mes retrouvés plus d’une fois à errer de ci,
village de Gevrey-Chambertin, les plus belles
de là, certains d’être perdus pour l’éternité
étapes de la route des vins sont derrière soi.
dans les forêts qui recouvrent les cimes et de
La route continue en direction du nord en
ne jamais retrouver la sérénité des vignobles.
traversant Fixin, une appellation avantageuse
À l’évidence, ces parcours ne sont que
souvent négligée. À partir de cette localité,
deux exemples des fascinants itinéraires
l’attrait du voyage se réduit profondément,
offerts par la région. Il en existe d’autres,
car le voyageur perçoit déjà les premiers
autour d’Aloxe-Corton et de Savigny-lès-
signes de l’agglomération dijonnaise.
Beaune, puis, de là, en direction de Bouilland,
À Gevrey-Chambertin se dresse également
à travers les collines et, plus au sud, sur la
un château, édifié par l’ordre de Cluny au XIe
Voie Verte, une piste cyclable aménagée sur
siècle. Plutôt que de rebrousser chemin à
le tracé de l’ancien chemin de fer, entière-
Gevrey-Chambertin ou à Fixin, il est possible
ment fermée au trafic automobile et qui
de gravir la colline à l’ouest en direction de
s’étire presque à l’infini vers le sud, jusqu’à
Chambœuf. Un autre itinéraire intéressant,
atteindre la lointaine ville du Creusot.
mais qui exige un grand effort, zigzague par
monts et par vaux avant de redescendre au
nord de Vosne-Romanée ou sur le parking
de Nuits-Saint-Georges. Une mise en garde
s’impose cependant, car la signalisation des
n
MORCEAUX CHOISIS DE L’UNIVERS BLANCPAIN
L
a Cité Interdite est l’un des joyaux de Beijing, la capitale de la Chine. Il s’agit du plus
grand palais du monde, que de nombreuses
personnes considèrent également comme le
plus beau. Si la Cité Interdite servit de palais royal
aux dynasties Ming et Qing, son rôle est tout
autre aujourd’hui, car cet immense ensemble,
qui s’étend sur une surface supérieure à 160‘000
mètres carrés, accueille désormais plus d’un million d’œuvres d’art et de pièces exceptionnelles.
À l’instar du Louvre, du British Museum et du
André Meier, vice-président de Blancpain, présente à l’honorable Li Ji, vice-ministre chinois
de la Culture, le Carrousel Qiankun, qui fera dorénavant partie de la collection permanente
du musée de la Cité Interdite.
Metropolitan Museum of Art, la Cité Interdite
présente certains des plus remarquables accom-
86 | 87
Le Carrousel Qiankun de
Blancpain est une pièce unique.
Une place d’honneur dans la Cité Interdite
plissements artistiques de l’humanité. Il n’est
leur sélection des pièces habilitées à figurer
avant que le choix ne se porte finalement
donc pas étonnant que son musée attire plus
dans les collections de l’institution. Les œu-
sur Blancpain.
de huit millions de visiteurs par année.
vres d’art et les réalisations artisanales sont
Une montre Blancpain devient ainsi la pre-
L’une des expositions permanentes du mu-
scrupuleusement évaluées afin de définir leur
mière et unique montre-bracelet moderne à
sée est la Salle des Horloges et des Montres
importance artistique ou historique et seules
faire partie des collections de la Cité Interdite.
qui abrite une collection de plus d’un millier
les pièces les plus significatives et les plus
de garde-temps, dont les plus anciens
représentatives sont acceptées.
Il relevait donc d’une simple évidence pour
Blancpain de réaliser à cet effet une version
datent du XVIIIe siècle. Jusqu’à présent, aucu-
Ce fut donc un immense honneur pour
exceptionnelle de son Carrousel sous la
ne montre-bracelet moderne n’avait encore
Blancpain que d’être choisie pour figurer
forme d’une pièce unique. Le Carrousel de
intégré cette saisissante rétrospective histori-
dans la collection permanente de la Salle
Blancpain est en soi un garde-temps révolu-
que de la mesure du temps.
des Horloges et des Montres de la Cité Inter-
tionnaire et historique. Lorsqu’il a été présen-
dite.
suisses
té lors de Baselworld, le salon mondial de
s’étaient portées elles-mêmes candidates
l’horlogerie, en 2008, il inscrivait d’emblée
Les conservateurs du musée de la Cité
Interdite sont extrêmement rigoureux dans
De
nombreuses
marques
MORCEAUX CHOISIS DE L’UNIVERS BLANCPAIN
Éditeur
Blancpain SA
Le Rocher 12
CH-1348 Le Brassus
Suisse
Tél.: +41 21 796 36 36
www.blancpain.com
[email protected]
Responsable de projet
Christel Räber Beccia
Rédaction en chef
Christel Räber Beccia
Jeffrey S. Kingston
Auteurs
Jeffrey S. Kingston
Claudia Schnieper
Adaption française
Jean Pierre Ammon
Conception, graphisme, design, réalisation
thema communications ag,
Francfort, Allemagne
Direction artistique
Almut Riebe
Photolithographie
Karpf Kreative Bildbearbeitung,
Aschaffenburg, Allemagne
Goldbeck Art, Francfort, Allemagne
Impression
Volkhardt Caruna Medien, Amorbach, Allemagne
Photographies
Blancpain, Jeffrey S. Kingston, Willy Moret,
Andreas Koschate, Guy Savoy,
Stadtbibliothek Nürnberg, Amb. 317.2° bzw.
Stadtbibliothek Nürnberg, Amb. 317b.2°
Imprimé en octobre 2009
avec ANIVA couleurs d‘Epple
Deux vues de la Cité Interdite.
à son palmarès une multitude de premières
Blancpain, la plus ancienne marque horlogère
mondiales : le premier carrousel volant de
au monde, est aussi celle du couronnement
l’histoire, le premier carrousel volant dans
de l’empereur Qianlong.
une montre-bracelet, le premier carrousel
Le Carrousel Qiankun de Blancpain est réalisé
une minute et le premier carrousel à possé-
en or blanc avec un cadran opalin partiellement
der une réserve de marche de 100 heures.
ajouré et une masse oscillante comportant une
Deux années plus tard, aucune autre montre-
vue de la Cité Interdite gravée à la main. Au-
bracelet ne peut prétendre avoir rivalisé
dessus du palais impérial, le lien historique entre
avec l’un ou l’autre de ces accomplissements
Blancpain et la Chine est rappelé par la date
horlogers.
1735 et le nom de l’empereur Qianlong.
Le garde-temps de Blancpain qui sera ex-
Lors d’une cérémonie officielle, André Meier,
posé dans le musée de la Cité Interdite porte
vice-président de Blancpain, a solennellement
le nom de Carrousel Qiankun en l’honneur
remis à l’honorable Li Ji, vice-ministre de la
d’une surprenante coïncidence historique.
Culture et président du musée, le précieux
L’année 1735, qui est celle de la fondation de
carrousel Qiankun de Blancpain.
NUMÉRO 06
2009
W W W. B L A N C PA I N . C O M

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