De la création du planning familial à la légalisation de l`avortement

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De la création du planning familial à la légalisation de l`avortement
De la création du planning familial à la légalisation de l’avortement
Les diverses mesures législatives destinées à assurer la maîtrise de la procréation (contrôle des naissances,
planning familial, contraception, avortement) ont été largement soutenues par le Grand Orient de France lors des
Convents de 1961 et de 1962. Le Grand Orient de France proposait alors, dans un contexte politique largement
conservateur, de « sortir Dieu du lit des français ».
Il faut néanmoins rendre à César ce qui lui appartient, et attribuer les plus beaux lauriers de ce combat au Docteur
Pierre Simon (1925-2009), gynécologue et ancien Grand Maître de la Grande Loge de France (1969-1971 et 19731975). Pierre Simon explique ainsi ce qu’il considérait comme un engagement prioritaire :
« Dès les années 1952, les premiers gynécologues francophones Francs-Maçons ont commencé à se regrouper
sous l’appellation « Littré » (Littré était Franc-Maçon), et ont commencé à réfléchir au problème de la procréation.
Le but du planning familial était d’aider les femmes à vivre. C’était de les aider à choisir une conception ou une
non-conception et de là bien évidemment à rendre la contraception légale ».
Pierre Simon (1925-2009) - Gynécologue, accoucheur
Cofondateur du Mouvement français pour le planning familial
Mais pour bien peser la valeur du travail accompli vers cette liberté de choix offerte aux individus, au premier rang
desquels se trouvent bien sur les femmes, il faut remonter le temps pour constater à quel point le système a été
répressif au cours de l’histoire.
Pendant tout le Moyen-âge, les théologiens chrétiens ont débattu de l’âme du foetus, c’est à dire de la date de
l’animation. Au XIIIème siècle, elle fut fixée à 40 jours pour les garçons et 80 jours pour les filles. C’est sous CharlesQuint, en 1532, que la Constitutio Criminalis Carolina fixe la date d’animation du foetus au milieu de la grossesse,
soit dès que la mère en perçoit les mouvements. En 1558, le Pape Sixte Quint condamne de façon formelle
l’avortement, quel qu’en soit le terme. Les idées évoluèrent peu au Moyen-âge, marqué par la puissance de l’église
de Rome. A la Renaissance, toutefois, on voit apparaître la notion d’avortement médical en cas d’hémorragie
grave, seule indication en France jusqu’au XIXème siècle.
L’avènement du Code Napoléon est une catastrophe civile pour les femmes. L’article 317 du Code pénal de 1810
condamne à la prison, sans distinction, « Quiconque provoque l’avortement d’une femme enceinte avec ou sans
son consentement au moyens d’aliments, de drogues, de médicaments, par violence ou d’autres remèdes ».
A partir de 1889 commence la diffusion de moyens contraceptifs dans les milieux populaires. En France, où se
pratique pourtant depuis le XVIIIème siècle un malthusianisme bourgeois unique en Europe, la préoccupation
nataliste est importante. L’église est hostile à toute pratique antinaturelle et, dans le contexte revanchard de la
défaite de 1870, il faut à la patrie des familles nombreuses. Les néo-malthusiens sont traînés dans la boue, leur
action assimilée à la pornographie.
En 1920, l’Assemblée Nationale adopte par 500 voix contre 51 une « loi scélérate », qui assimile la contraception à
l’avortement. Toute « propagande anticonceptionnelle ou contre la natalité » se trouve interdite. L’avortement est
alors un crime et est passible de la Cour d’Assises. En 1923, l’importation d’articles anticonceptionnels est
prohibée. L’avortement est jugé en Correctionnelle, les jurys populaires se montrant trop favorables aux inculpés.
La loi de 1939, qui promulgue le Code de la Famille, renforce la répression. Des sections spéciales de policiers
sont créées. Les tentatives sont punies au même titre que les avortements. Les avorteurs sont très sévèrement
condamnés. En 1941, ils peuvent être déférés devant le tribunal d’Etat. A partir de 1942, l’avortement devient
crime d’Etat. En 1943, Marie-Louise Giraud est condamnée à mort, pour l’exemple, pour avoir pratiqué 27
avortements, et conduite à l’échafaud. Plus de 15 000 condamnations à des peines diverses sont prononcées
jusqu’à la Libération, mais celle-ci ne remet pas en question l’arsenal législatif répressif, avec son corollaire de
décès ou de mutilations provoqués par les avortements clandestins. Les procès existent encore contre les
avortées et leurs complices jusque dans les années 1970. Toutefois, avocats et juges n’appliquent plus la loi dans
toute sa rigueur.
En 1955, l’avortement thérapeutique est autorisé, essentiellement pour « sauver la vie de la mère ». Les médecins
sont libres de ne pas le pratiquer.
A cette époque, quelques médecins et législateurs, relayés par des journalistes et essayistes, tentent d’adoucir les
rigueurs de la loi française. En 1956, le Docteur Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé fonde, avec l’aide du Docteur
Pierre Simon, La maternité heureuse, une association de femmes destinée à promouvoir le contrôle des
naissances (rappelons que les femmes n’ont alors le droit de vote que depuis 12 ans, et qu’elles vivent sous la
contrainte maritale avec la hantise de se trouver enceinte après chaque rapport sexuel). Dans la France des
années 50, la régulation des naissances est encore considérée comme relevant du domaine des religions. Le
nombre d’avortements y est estimé entre 250 000 et 600 000 par an et provoque la mort de 250 femmes.
En 1960, cette association devient Le mouvement français pour le planning familial. Destinés à informer sur les
moyens anticonceptionnels, les centres de planning proposent des consultations médicales et délivrent des
contraceptifs. Ils sont hors la loi mais créent un état de fait. L’appui du mouvement protestant, de la FrancMaçonnerie et des milieux libéraux favorise un début de prise de conscience.
En 1967, le député Lucien Neuwirth fait voter une loi qui autorise l’usage des méthodes contraceptives. Il reste
néanmoins interdit d’en faire la publicité.
Le 17 janvier 1975, après un combat mené par des associations féministes,
une mobilisation féminine sans précédent et les efforts de Simone Veil, alors
ministre de la Santé du gouvernement Chirac, la loi autorisant l’Interruption
Volontaire de Grossesse est promulguée, et l’IVG autorisée sous certaines
conditions pour une durée de 5 ans. Sa légalisation devient définitive avec
l’adoption de la loi du 31 décembre 1979, défendue par Monique Pelletier,
Ministre délégué du gouvernement Barre chargé de la famille et de la condition
féminine.
Simone Veil - Ministre de la Santé
Assemblée Nationale - 26 novembre 1974
Discours de présentation du projet de loi sur la légalisation de l’avortement

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