interets et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau
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interets et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau
Guillaume BURGER Sous la direction d’Eugénie BRIOT Master 1 MIE INTERETS ET ENJEUX DU PARTENARIAT ENTRE SPORTIFS DE HAUT NIVEAU AMATEURS ET ENTREPRISES JUIN 2010 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 2 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 3 Note: photo de couverture: P. COLIN (champion du monde de canoë kayak) entouré de deux de ses partenaires, M. IGERT (directeur de Norba Menuiserie) et M. TRYBA Remerciements Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont accepté de m’aider à réaliser ce dossier en m’accordant un peu de leur temps. Je remercie tout particulièrement E. BRIOT qui, par son implication et sa disponibilité de tous les instants, m’a soutenu tout au long de mon travail. Enfin, mention spéciale à celles et ceux qui ont accepté de répondre à mes questions pour enrichir cette étude, et notamment: A. BROGNIART M. CHANVILLARD P. COLIN F. DURING A. FRANCKE M. IGERT S. JOUVE F. MASNADA F. QUENTIN Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 4 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 5 SOMMAIRE INTRODUCTION Problématique et méthodologie Partie I P.11 LES DIFFERENTS TYPES DE PARTENARIATS A. Le sponsoring P.12 Définition Modalité Limites B. Le mécénat P.15 Définition Différences entre le mécénat et le sponsoring Avantage fiscaux C. Le contrat d’insertion professionnelle (CIP) P.18 Description Modalités Les avantages de la CIP Partie II P.21 COMMENT UTILISER LE PARTENARIAT SPORTIF ? Introduction. Qu’est ce qu’un athlète de haut niveau amateur ? P.22 A. La plus-value d’une force de travail exceptionnelle P.28 Le modèle du sportif manager Une expertise valorisable Attention à l’idéalisation B. La communication externe se construire une image Introduction: intégration au marketing mix Objectif de notoriété Objectif d’image La «preuve produit» Les produits dérivés C. La communication interne se construire une culture La culture d’entreprise L’implication du personnel Performance et relations entre l’homme, son corps et ses émotions P.32 Conclusion: comment utiliser le partenariat sportif P.46 P.41 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises Partie III COMMENT OPTIMISER LE PARTENARIAT SPORTIF ? Introduction. Réussite d’une opération de communication A. En amont du partenariat cibler son action Identification de la cible et de l’audience Place de la personnalité dans les médias Choix du sport Choix du sportif: un ensemble de critère transversaux Contraintes propres aux actions de communication B. Pendant l’opération rendre le partenariat efficace Durée et répétition Mise en lumière des similarités avec le sportif Visibilité C. En aval de l’opération mesurer les retombées Press book et retombées médiatiques Evaluation des données intermédiaires de communication Entreprises de conseil D. Dangers et limites du partenariat sportif 6 P.47 p.48 P.49 P.67 P.75 P.81 Risques liés aux performances sportives Risques liés à l’image du spotif Risques liés à l’application du partenariat Conclusion: comment optimiser le partenariat sportif ? P.87 Partie IV P.89 PERSPECTIVES DU PARTENARIAT POUR LES CHAMPIONS DE CANOE KAYAK Introduction. Contraintes et intérêts du partenariat pour le kayakiste P.90 A. Les atouts du canoë kayak P.93 Faible médiatisation: point négatif… …ou positif ? B. Les atouts des kayakistes de haut niveau P.98 Comment intéresser et convaincre les entreprises ? Quand un athlète transmet sa passion C. L’amélioration du «service de partenariat» P.103 Apporter plus à son partenaire Provocation et communication: un dangereux mélange ? Conclusion finale Bibliographie Annexes P.105 P.107 P.111 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 7 INTERETS ET ENJEUX DU PARTENARIAT ENTRE SPORTIFS DE HAUT NIVEAU AMATEURS ET ENTREPRISES Dans des marchés toujours plus concurrentiels, et dans un contexte où l’offre est toujours plus importante pour les consommateurs, il devient impératif pour les entreprises de se différencier et de tout mettre en œuvre pour se rendre plus attractives et plus attrayantes. Dans ce but, la plupart des dirigeants ont bien compris et intégré la force de la communication dans leur stratégie. Le besoin d’une identité forte, la surabondance des messages publicitaires visant des consommateurs de plus en plus avertis (Derbaix et al., 1994) et l’indifférence croissante du public pour les formules classiques de communication (ceci a notamment été démontré par Meenaghan, 1991) ont incités les sociétés à développer de nouvelles méthodes pour séduire leurs cibles. L’une d’entre elle est le partenariat avec les sportifs de haut niveau. Par ce procédé, les sociétés dépassent le simple cadre de leurs missions économiques et, à travers le sport, peuvent montrer qu’elles sont aussi actrices sur le plan culturel, environnemental… De tels partenariats ne sont pas nouveaux : en effet, les racines du sponsoring remontent à l’antiquité. Par exemple, les Jeux Romains et leur exploitation comme outil de commerce existaient déjà bien avant l’an 0 ! L’intérêt pour ce genre de pratique à réellement explosé à la fin du 20ème siècle : le sponsoring (sous toutes ses formes) représente aujourd'hui 7 % des dépenses de publicité dans le monde contre 2,5 % en 1987, soit une trentaine de milliards d’euros de dépenses annuelles. Cependant, les applications des partenariats ne se limitent pas seulement à la communication en externe. En effet, les sportifs de haut niveau peuvent être considérés comme de véritables instruments synonymes de performance pour les entreprises et ce, dans de nombreux domaines tels que le management, la communication interne… Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 8 Dans le cadre de certains sports, on observe une certaine formalisation des démarches partenariales : dans les sports « professionnels » (foot, rugby… entre autres) les structures encadrant les athlètes (notamment les clubs), s’apparentent mêmes à des entreprises à part entière en terme d’objectifs financiers, de rentabilité… Qu’en est-il alors des sports « amateurs » dont les représentants ne bénéficient pas (ou à un niveau très restreint) d’une telle formalisation ? Tout au long de ce mémoire, nous allons donc essayer de savoir dans quelle mesure les sportifs de haut niveau non professionnels représentent une opportunité pour les entreprises. Quels intérêts ont-elles à s’allier avec de telles personnalités ? Afin de répondre à cette question, il semble important de préciser la démarche adoptée. En premier lieu, il est évident qu’on exploitera au maximum les notions travaillées au cours de la formation universitaire, notamment dans les domaines du marketing, de la stratégie d’entreprise… Etant un acteur privilégié du domaine de recherche (puisque je suis membre de l’équipe de France olympique de canoë-kayak, médaillé aux derniers championnats du monde et concerné, à un modeste niveau, par diverses offres de mécénat et de sponsoring), j’ai employé mon réseau (autres sportifs de haut niveau, dirigeants fédéraux, spécialistes en marketing sportif, entreprises partenaires d’athlètes, journalistes…) afin d’être au plus près de la réalité d’aujourd’hui. Pour cela, je bénéficie d’un réel soutien de la fédération à laquelle je suis rattaché (notamment du directeur technique national, du service de communication, du chargé du suivi social des athlètes, du directeur des équipes de France…), de la proximité de l’institution d’excellence dans le domaine du sport (l’Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance [INSEP] qui m’a par exemple permis d’entrer en contact avec G. Epangue, championne du monde de Taekwondo) et la rencontre de grandes figures du monde du sport (grâce à la participation à la « semaine olympique » qui m’a notamment permis de contacter les responsables marketing d’Adidas, de la Française Des Jeux ou encore F. Masnada, multiple médaillée olympique de ski alpin et spécialiste des enseignements du sport de haut niveau appliqués aux entreprises…). Ainsi, à travers ces nombreux échanges, ce mémoire à l’ambition de compiler, de proposer et d’approfondir les différentes voies permettant aux entreprises d’utiliser les «amateurs d’élite» comme des vecteurs de performances. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 9 Concrètement, après un état des lieux de la littérature existante (notamment, dans les bibliothèques universitaires de Marne-la-Vallée, la Bibliothèque Nationale, celle de l’INSEP…), nous étudierons les différentes façons de lier une entreprise à un sportif de haut niveau. Afin de savoir en quoi ceux-ci peuvent représenter des opportunités, nous définirons les différentes stratégies et objectifs poursuivis, ainsi que les choix qui en découlent. En effet, de nombreuses possibilités s’offrent aux firmes qui s’engagent dans ce type de démarche. Nous verrons aussi quelles sont les conditions de réussite de ces dernières, ainsi que le « retour sur investissement » qu’on peut en attendre (qu’il soit positif… ou négatif). Pour finir, nous appliquerons l’ensemble de ces concepts à l’étude du cas d’un sport peu habitué à être sur le devant de la scène, celui du canoë-kayak. Ainsi, nous explorerons les possibilités que les personnalités de cette discipline offrent à leurs partenaires. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 10 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises Partie I LES DIFFERENTS TYPES DE PARTENARIATS Dans un premier temps, nous allons présenter et détailler les différents moyens de “ s’attacher les services ” des sportifs de haut niveau. Nous avons retenu trois pistes : le classique sponsoring, le mécénat, et les conventions d’insertion professionnelle. Nous allons voir que chacune de ces opérations de partenariat a ses spécificités , ses objectifs et ses avantages. 11 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 12 A. Le sponsoring Définition Derbaix (1994) définit le sponsoring de la façon suivante : “ le parrainage est une technique qui consiste, pour toute organisation, à créer ou à soutenir directement un événement socioculturel indépendant d’elle-même et à s’y associer médiatiquement, en vue d’atteindre des objectifs de communication en marketing ”. Dans notre étude, nous retiendrons donc que le sponsoring (ou parrainage) est un vecteur de communication pour une entreprise (le parrain ou le sponsor), qui, en échange d’une contribution financière, matérielle, technique… va pouvoir lier son image à celle d’un club sportif ou d’un athlète particulier dans l’optique commerciale d’accroître sa notoriété. Selon Quester (1997), l’objectif est donc de transmettre des valeurs du sport concerné et des éléments de la culture qu’on y associe à l’entreprise afin de la rendre plus attractive. Le sponsoring est donc bien plus qu’une simple alternative aux techniques de publicité plus classiques. Le sponsoring est basé sur une logique d’échange, de partenariat qu’on peut schématiser de la façon suivante: SOUTIEN (financier, matériel…) SPONSOR PARRAINE L’entreprise Le sportif Image, Notoriété, Promotion Modalités Les deux partis (le parrain et le parrainé) doivent être liés par un contrat par lequel ils conviennent des conditions et modalités juridiques du partenariat. Généralement, le parrainé aura l’obligation de mettre en valeur la marque en la citant dans ses interventions médiatiques, et en arborant des logos et visuels sur l’ensemble des supports disponibles (vêtements, matériel, site internet…). De nombreuses clauses sont également envisageables, telles que l’obligation de participer à telle ou telle compétition, de se tenir à disposition de l’entreprise pendant un certain laps de temps (pour des opérations de promotion, par exemple…), etc. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 13 Fiscalité Au titre de l’impôt sur les sociétés, l’article 39-1-7° du Code Général des Impôts prévoit que les sommes versées dans le cadre d’un sponsoring peuvent être intégralement déduites au titre des charges d’exploitation (à la condition que ces charges soient exposées dans l’intérêt direct de l’exploitation de l’entreprise). Enfin, étant donné son caractère commercial, la dépense liée au parrainage est assujettie à la TVA. Limites L’opération de sponsoring étant une opération de communication, il faut respecter les règles du droit de la publicité ainsi que le règlement de la fédération sportive concernée. Rappelons aussi que certaines marques ou produits ne peuvent pas communiquer sur leur image (c’est le cas pour les entreprises du secteur du tabac, des boissons alcoolisées, des produits pharmaceutiques…) Enfin, il faut relever le cas particulier des Jeux Olympiques : en effet, la Charte Olympique est particulièrement précise quant à la taille maximum du logo du fabriquant pouvant apparaître sur les équipements des athlètes (les partenaires d’un secteur autre que l’équipement utilisé par le sportif ne pourront donc pas être visibles lors de la compétition). Le sponsoring en chiffres C’est dans les années 1980 que le sponsoring sportif a véritablement explosé. Aujourd’hui et au niveau mondial, on estime que les opérations de sponsoring représentent un marché d’environ 30 milliards d’euros qui progresse annuellement de près de 10%. Rien qu’en France, c’est près de 4 milliards d’euros qui sont en jeu, dont 25% (soit 1 milliard d’euros) en direction du domaine sportif (contre 21% pour la culture, 20% pour le social et l’humanitaire…). Pour donner une autre échelle de grandeur, on estime qu’en 2003, 8% des dépenses de communication des entreprises se faisaient par des actions de parrainages. En 2006, plus de 57% des marques ayant lancé des campagnes publicitaires ont aussi investi dans le sport. Cela se comprend d’autant plus quand on sait qu’en moyenne, chaque Français «consomme» plus de 76 heures de sport par an à la télévision. Actuellement, il semblerait que la dégradation du climat économique n’ait pas influencé ce marché. Une des raisons pouvant expliquer cette «résistance» est que le sponsoring fait partie intégrante du marketing mix de nombreuses marques. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 14 ordre de grandeur des sommes entrant en jeu dans le sponsoring de différents sports NB : le ticket moyen du partenaire fédéral de canoë-kayak est d’environ 350.000€ annuels. Un contraste saisissant Comme le montre le tableau ci-dessus, les montants des sommes en jeu sont très disparates en fonction du sport concerné. Ces montants dépendent également de la personnalité en question, car tous les sportifs n’ont pas le même prix. A titre d’exemple, nous citerons Tiger Woods, le meilleur golfeur de la décennie qui cumulait (avant son récent scandale n’ayant rien à voir avec ses performances) plus de 100.000.000 de dollars de sponsor annuel (avec EA Sports, Gillette, Nike, …, etc). A l’opposé, Philippe Colin, champion du monde de kayak en 2007 touche 5.000 € sur 2 ans de son unique sponsor (Norba). Nous verrons plus loin les explications à de telles différences, ainsi que les stratégies qui peuvent en découler. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 15 B. Le mécénat Définition Il n’existe pas de définition légale du mécénat, cependant, on peut se référer à la terminologie prévue par l’arrêté du 6 janvier 1989 «relatif à la terminologie économique et financière», qui définit le mécénat comme étant le “ soutien matériel, financier ou technique apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire – le mécénat s’assimile alors à un don -, à une œuvre ou à une personne pour l'exercice d'activités présentant un intérêt général ”. Notons que la notion d’intérêt général est très vaste et englobe, en plus du sport, toutes actions à caractère philanthropique, éducative, culturelle, humanitaire, etc. Enfin, le mécénat peut prendre plusieurs formes : mécénat de compétence (mise à disposition de salarié(s)), mécénat financier, en nature ou technologique (qui concerne le métier, le savoir faire de l’entreprise). Différences entre le mécénat et le sponsoring La différence entre ces deux notions est plutôt floue, malgré la loi du 23 juillet 1987 relative au développement du mécénat : le parrainage vise à retirer un bénéfice direct, notamment via la communication, alors que le mécénat ne doit pas permettre la compensation des dépenses engagées. Cependant, dans ce dernier cas, il est possible que le mécène apparaisse de «façon discrète» (on consent des contreparties à une hauteur de 25% du montant du don) et peut même afficher son soutien sur ses propres supports de communication ou dans la presse. L’absence de retour sur investissement est donc très relative. Zentes et Deimel (1991) font la distinction suivante : «[…] un soutien plutôt discret pour le mécénat et une exploitation fortement axée sur l’efficacité publicitaire de l’engagement pour le sponsoring». Intérêts du mécénat «Si les entreprises choisissent le mécénat, et elles sont aujourd'hui près de 30.000 à le faire en France, c'est qu'elles y ont un intérêt, sinon même des intérêts (...) : une meilleure cohérence de l'équipe autour de valeurs communes, un bénéfice d'image et une communication plus riche». Source: N. Simon et M. Eshet, «le mécénat», valeur actuelle, Gallimard Avantage fiscaux Contrairement au sponsoring, considéré comme un investissement publicitaire, le mécénat permet des déductions fiscales. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 16 Selon le code général des impôts (article 238 bis), le mécénat ouvre droit à une réduction d'impôt égale à 60 % du montant du “ don ”. Ceci est toutefois plafonné à une limite de 5 ‰ du chiffre d'affaires (HT) de l’entreprise assujettie à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés. Cependant, si cette limite est atteinte au cours d’un exercice, l’excédent du versement pourra donner lieu à la réduction d’impôt sur les cinq exercices suivants. Néanmoins, il semble que ce n’est pas la déduction fiscale qui soit le principal élément déclencheur d’un mécénat. En effet et dans la majorité des cas, ce type d’opération voit le jour, grâce à la rencontre de personnes et de projets construits conjointement, en prenant en compte des valeurs que les entreprises souhaitent défendre. Dans certains cas, il est même possible que le dirigeant de la société mécène ait un intérêt personnel pour la cause soutenue, ou au contraire, que son action soit totalement désintéressée et menée dans un but caritatif. Le mécénat en chiffres Malgré les avantages qu’elle offre, cette technique est relativement peu utilisée dans le domaine sportif. En 2008, ce marché représentait environ 125.000.000 € soit à peine 5% du montant total du mécénat français (la culture et la solidarité en sont les deux principaux postes). Cependant, il est intéressant de constater que cette technique est l’apanage des PME puisque 73% des opérations de mécénat sont effectuées par des entreprises de moins de 100 salariés. Ces opérations sont d’ailleurs souvent “ locales ” puisque près des deux tiers de celles-ci s’effectuent dans la région ou l’entreprise est implantée. On retiendra donc surtout que dans la plupart des cas, une telle opération apparaît par la proximité (d’où l’importance des réseaux de contacts lorsque les sportifs cherchent de tels soutiens). Un exemple de mécénat : la Française des Jeux – F. Quentin F. Quentin est chargée de mission mécénat à la FDJ et suit l’ensemble du processus de partenariat «La Française des jeux s’est dotée depuis 1991 d’une «cellule mécénat» et d’un challenge dont le principe est le suivant : chaque mois, un jeune sportif méritant est choisi sur dossier de candidature pour l’obtention d’une bourse d’une valeur de 10.000€ et d’un accompagnement périphérique (média-training, suivi médical…). Ce sportif (quelle que soit sa discipline) est désigné en fonction des critères de l’âge, de son potentiel de progression et des “ nobles valeurs du sport ” qu’il représente. Avec ce dispositif (qui fait partie d’un ensemble d’actions de partenariats sportifs), la Française des Jeux espère s’associer aux futurs succès de jeunes athlètes et ainsi se donner une image de performance et de dynamisme». Son objectif est aussi de se positionner en tant que bienfaiteur. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 17 Cet exemple est particulièrement intéressant car, bien que qualifié d’opération de mécénat, il semble que l’entreprise bénéficie d’un certain retour sur investissement. D’une part, elle s’inspire grandement de ces mécénats pour construire son identité (largement tournée vers le sport), et, d’autre part, elle les exploite pour effectuer des opérations de communication de large envergure (ponctuelles mais assez fréquentes). «Il est difficile d’associer mécénat et publicité mais on essaie d’avoir un maximum de visibilité dans la limite légale. Et puis, nous avons l’avantage d’être inscrit dans la durée, ce qui donne plus de poids à notre soutien». Source: entretien avec F. Quentin, 28.04.2010 campagne publicitaire basée sur le mécénat de la Française des Jeux (03/2009) Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 18 C. Le contrat d’insertion professionnelle (CIP) Introduction La vie d’un sportif non professionnel ne se limite pas à sa carrière sportive. C’est pour cela qu’on parle souvent de double projet (formation et insertion professionnelle d’une part et sport de haut niveau d’autre part). Cependant, il est évident que les charges imposées aux sportifs (nombreuses heures d’entraînement, semaines de stages et de compétitions) rendent difficile la gestion de ces deux objectifs distincts. Des aménagements sont souvent possibles lors de la formation du sportif (comme dans mon cas, par exemple, avec l’aide des responsables de la formation de l’UMLV). Cela devient plus complexe lorsqu’il s’agit de trouver et d’assumer un poste dans une entreprise. C’est donc dans le but de concilier une carrière professionnelle et une carrière sportive qu’ont été créées les CIP ou «dispositifs d’aménagement d’emploi du sportif de haut niveau» par le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports. Description Ce dispositif, relevant de l’article L.221-8 du Code du sport est un contrat annuel passé entre une entreprise (qu’elle soit privée ou publique) et l’Etat. L’employeur s’engage à prendre en compte la pratique sportive de haut niveau et les contraintes que cela engendre pour son employé (le sportif) en le libérant lorsque cela est nécessaire. En contrepartie, il est possible que l’Etat prenne en charge une certaine proportion de la rémunération de l’employé concerné, pour dédommager l’entreprise des efforts qu’elle consent à faire. L’objectif de formation de l’employé sportif peut aussi être pris en compte. Dans ce cas, l’entreprise espère l’embaucher (selon un procédé plus classique) au terme de sa carrière professionnelle. Modalités La demande de CIP doit être initiée par le directeur technique national (DTN) de la fédération de l’athlète. Les “ mises à disposition ” du sportif nécessitent des convocations écrites du DTN, selon un calendrier fourni en début de saison. Les contrats de travail des sportifs doivent obligatoirement être des contrats de plein temps, et à durée indéterminée. Pour éviter les dérives (notamment les emplois fictifs), l’employé doit avoir un poste de travail et une mission professionnelle clairement identifiés. Enfin, l’employé peut être détaché pour sa pratique sportive jusqu’à un mi-temps annualisé (voire plus dans le cas des années préolympiques et olympiques). Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 19 Dans certains cas, il est possible que les DRDJS (Direction Régionale et Départementale de la Jeunesse et des Sports) tiennent le même rôle que l’Etat. Les avantages de la CIP Avantages pour le sportif Il est évident qu’un tel dispositif est appréciable pour le sportif: il lui permet de concilier au mieux son double projet en poursuivant ses objectifs sportifs tout en assurant son intégration professionnelle (ainsi qu’une rémunération stable et une couverture sociale !). De plus, la reconversion, après l’arrêt de la carrière sportive sera grandement facilitée. Ainsi, le sport de haut niveau pose moins de contraintes par rapport aux objectifs professionnels de l’athlète. Avantages pour l’entreprise Employer un sportif de haut niveau peut se révéler très bénéfique: tout d’abord, le nom de l’entreprise pourra être associé au sportif (l’entreprise devient en quelque sorte un «sponsor privilégié» de l’athlète). Les résultats attendus d’une telle opération peuvent donc être comparables à ceux d’un sponsoring classique. D’ailleurs, une CIP offre la possibilité «d’exploiter» l’individu sportif au-delà du simple cadre de son emploi. CIP et communication interne – A. Brogniart A. Brogniard est responsable communication de la fédération française de canoë-kayak «Arnaud Hybois [demi finaliste des JO 2008 en kayak monoplace] bénéficie d’une CIP avec le groupe Saur. Récemment, il a été proposé de réaliser une séance photo afin de mettre en scène un kayak biplace dans lequel on verrait le sportif et l’un de ses collègue de travail (avec un slogan du type «ils rament ensemble pour les mêmes objectifs») afin de souligner la complémentarité de tous les employés de l’entreprise» Source: entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010 En plus de percevoir un dédommagement de l’Etat dans le cadre d’une CIP, il n’est pas exclu, pour la société de profiter également d’une réduction d’impôt similaire à celle obtenue dans le cadre de la loi sur le mécénat. Compter un sportif de haut niveau permet également de bénéficier de son expérience hors du commun. En effet, un sportif accompli est une personne ambitieuse, ayant le goût de l’effort, sachant gérer les situations difficiles, cherchant la performance à tout prix… Autrement dit, il peut être assimilé à un employé de choix apportant une réelle plus-value à son entreprise. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 20 Les sportifs de haut niveau dans l’armée «Que cherche l'armée française en accumulant les médailles, y compris jusque sur les tremplins de saut à ski ? Le "rayonnement", répond le général Renaud, chef du commissariat aux sports militaires, la structure qui chapeaute l'équipe de ski et ses homologues des autres sports. "C'est une question d'image auprès de la population." "Les champions jouent un peu le même rôle que la patrouille de France, un rôle de prestige", renchérit le commandant Persicot, qui souligne aussi la mission que remplissent les athlètes "en interne" : "Pour un soldat engagé en Afghanistan, savoir que l'un des siens brille au plus haut niveau est une source de satisfaction"». Source: lemonde.fr, Benoît Vitkine, «les gradés font du ski», 09.02.2010 Etat des lieux Aujourd’hui, le secteur public est largement plus actif en ce qui concerne l’emploi des sportifs de haut niveau: la Défense nationale compte pas moins de 185 athlètes militaires répartis de la façon suivante, suivant les «traditions militaire» : armée de terre (ski, triathlon, équitation, entre autres), armée de l’air (parachutisme), marine nationale (voile), gendarmerie (tir, athlétisme, natation, avec, par exemple, Alain Bernard). L’objectif de cette démarche (qui s’inscrit dans un partenariat historique entre les ministères de la Défense et celui de la Jeunesse et des Sports), est d’aider les sportifs à performer tout en les préparant à leur reconversion professionnelle (qu’elle soit dans l’armée ou pas). Les autres principaux contributeurs publics sont la Police nationale (une soixante d’athlètes), l'Education nationale (cinquante) et des Douanes (avec, entre autres, les skieurs Julien Lizeroux et Sandrine Aubert). Dans le canoë-kayak, en 2009, 13 sportifs étaient en CIP directement avec un ministère (surtout les ministère de l’Intérieur, de la Défense et de l’Education), 3 avec la Fédération Française de Canoë Kayak, 2 avec EDF, 1 avec le groupe Bouygues, 1 avec la RATP et 5 avec d’autres entreprises du secteur privé. Campagne publicitaire de la RATP mettant en valeur les performances de deux de ses salariés : les frères Guénot, tous deux médaillés aux JO de Pékin Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises Partie II COMMENT UTILISER LE PARTENARIAT SPORTIF ? Dans cette partie, nous allons nous pencher sur une question essentielle qu’on se pose lorsqu’on décide ou non de soutenir un sportif : à quoi cela va pouvoir servir ? Dans un premier temps et pour poser les bases de la réponse que nous allons apporter, nous devons détailler les composantes du sportifs qui semblent « exploitables » par les entreprises. Puis, nous verrons que de telles personnalités représentent une véritable source de richesse dans de nombreux domaines. 21 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 22 qu’est ce qu’un athlète de haut niveau «amateur» ? Introduction: Nous retiendrons comme définition d’athlète de haut niveau le fait qu’une personne soit engagée dans un projet sportif de dimension nationale ou internationale. Tout au long de l’année, il fait le choix de s’entraîner et de participer à des compétitions, quitte à ce que cela ne soit au détriment de sa carrière professionnelle ou de ses activités de loisir. En France, le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports reconnaît le statut « d’élite » à environ un millier d’athlètes (en fonction de leurs résultats lors de compétitions de référence). Comme nous l’avons déjà évoqué, nous considérons qu’un sportif est amateur lorsqu’il n’est ni employé ni rémunéré dans l’unique but de performer dans son activité sportive (comme c’est le cas dans un d’un club de football de L1 ou dans une structure telle que le Team Lagardère par exemple). De nos jours et d’après P. Mignon, un champion est aussi « un nouveau type de travailleur impliqué dans une activité qui suppose un engagement productif fort de ressources personnelles comme le talent, l’effort, l’énergie, les compétences spécifiques et collectives. […] Cette activité de production implique la transformation du corps pour répondre à l’objectif sportif qui est de gagner ». De plus, ce sportif est, par définition, un sportif qui connaît la victoire et qui appartient aux meilleurs de sa discipline. Or, dans la société de ce début du XXIème siècle, le sport occupe une place prépondérante. Ainsi, l’athlète qui participe à des compétitions internationales, représente en quelque sorte une équipe, une communauté, une collectivité voir même, un pays ! C’est particulièrement le cas lors des Jeux Olympiques pendant lesquels on n’a de cesse de présenter le « tableau récapitulatif des médailles » en utilisant des expressions telles que « la France compte X médailles ». Idem avec l’équipe de France de football dont des millions de journalistes, supporters ou détracteurs parlent en utilisant le terme « nous ». Les sportifs sont donc de véritables « emblèmes » et représentants nationaux auxquels un public extrêmement large s’identifie. L’universalité du sport A travers le sport qu’il pratique et dans lequel il excelle le champion est associé à un certain nombre de notions propres au sport. Il est largement admis que le sport dépasse le simple phénomène de mode. Aujourd’hui, le sport est une activité universelle, une composante importante de notre société : plus d’un milliard d’êtres humains pratiquent une activité sportive régulière (plus de 31 millions rien qu’en France). Pour se persuader de la « puissance du sport », il suffit de voir les répercutions au sein de notre société que Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 23 des événements tels que la victoire lors de la coupe du monde 98, ou l’échec du projet de Paris 2012 ont pu avoir. Dans un passé proche, ce qui était surtout vrai dans les sociétés occidentales tend à se confirmer au niveau de la planète toute entière : en effet, la croissance de régions telles que le sud-est asiatique ou le continent sud-américain s’accompagne d’un «enracinement» du sport comme fait de société. Si le sport occupe une place si importante, c’est notamment grâce aux valeurs et aux symboles qu’il véhicule. C’est là sa principale force : à la base, le sport est un loisir, une activité physique « gratuite » ayant pour unique but l’épanouissement de l’être humain. D’ailleurs, son développement est arrivé conjointement avec l’avènement de la société de loisir (aujourd’hui, le temps libre dépasse largement le temps passé au travail). Généralement, on s’accorde à identifier cinq valeurs fondamentales que le sport met en avant (selon Erhenberg, 1991) : La fraternité dans l’effort : dans le sport, on est toujours plus fort en comptant sur un collectif plutôt que sur des individualités. La valeur de juste compétition : une compétition met tout le monde sur un pied d’égalité, tout le monde a ses chances, dans un esprit de loyauté (à l’opposé du trucage ou de la corruption) Le désintéressement et l’effort gratuit La performance, le dépassement de soi et des autres L’aventure, le risque, l’incertitude du résultat final Une étude effectuée par le CIO (Comité International Olympique) en 2000 montre que les mots les plus souvent associés aux Jeux Olympiques sont : Amitié, multiculturel, global, participation, pacifique, festif, détermination… La conclusion de cette étude est que les quatre dimensions définissant le mieux l’image des JO sont : l’espoir, le rêve et l’inspiration, l’amitié et le fair-play, la joie dans l’effort et la volonté de faire de son mieux (Revue Olympique, mai 2004). Ainsi, le champion qui voue sa vie au sport est inéluctablement un « fer de lance » rassemblant et poussant ces valeurs à leur paroxysme. Mais ce n’est pas tout, car en participant à des compétitions de très haut niveau, les personnalités sportives développent d’autres spécifités. Le sport spectacle Le sport est également de plus en plus médiatisé : en 2003, plus de 2000 heures de sport étaient au programme des 6 grandes chaînes hertziennes. L’évolution la plus spectaculaire est certainement celle de la télévision anglaise qui a vu la durée totale de ses programmes sportifs multipliée par 3 (et même plus puisque la progression est de l’ordre de 330%) entre 1993 et 1998 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 24 (source : Proctor, 1999). L’idée de sport spectacle tend à s’affirmer, on va au stade comme au cinéma, pour voir des scénarios rocambolesques, avoir des décharges d’adrénaline ou s’attendrir sur le sort du vaincu. Les athlètes sont alors assimilés à de véritables stars - d’ailleurs, on les voit régulièrement apparaître dans la presse people. Yannick Noah en est la preuve puisque cet ancien tennisman de très haut niveau a été élu «personnalité préférée des français» en 2010 et pour la 5ème année consécutive ! Le spectacle sportif, dont la scène peut être un stade, une piscine, un terrain de sport collectif… suscite un engouement planétaire : plus de 3 milliards d’individus ont regardé au moins une fois les Jeux de Vancouver ! Pourquoi ? Pour répondre à cette question, il faut se pencher sur la question de ce qu’est la compétition - élément central du sport spectacle. Une star dans l’arène : Usain Bolt après son titre olympique du 100m La compétition Elle représente ce pour quoi l’athlète se prépare tout au long de sa carrière. C’est lors de la compétition et face à ses concurrents qu’il doit mobiliser toutes ses aptitudes et capacités pour aller chercher la victoire. En quelques instants, le spectateur peut alors assister à un exploit d’une de ses « icônes » ou, à, l’inverse, d’un parfait inconnu ! L’incertitude du résultat final et le suspense sont donc deux des moteurs de l’intérêt qu’on portera à de tels événements. De plus, dans le sport spectacle, les sportifs tiennent le rôle de véritables acteurs… Le spectateur attend donc de voir et de Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 25 partager, (car il s’identifie à ces sportifs et « vit » à travers eux ») des émotions de joie, de peine, d’exultation, des « gestes forts », des faits marquants… Enfin, la compétition peut servir de véritable « tremplin » à la carrière du sportif : c’est à ce moment-là qu’il peut être vu, applaudi ou admiré ! En effet, c’est lors des Jeux Olympiques, championnats du monde, d’Europe…etc. que les médias seront présents et pourront mettre en lumière les performances de l’athlète qui va ainsi pouvoir se construire une image qui lui sera propre. L’image du sportif Selon M. Bazex, S. Blazy et R. Killy (2005), la renommée d’un athlète provient essentiellement de deux facteurs : la première condition correspond à sa faculté de performance et de victoire lors d’événements d’importance (les compétitions) qui lui permettront de capter et de bénéficier d’une attractivité médiatique. Ainsi, il peut profiter de la renommée de l’événement sportif (c’est par exemple le cas lorsqu’Usain Bolt réalise une performance hors du commun – le record du monde du 100m en 9’68 – lors de la compétition de référence de sa discipline – Les Jeux Olympiques). Le second facteur décrit par ces auteurs correspond à la qualité des autres participants à la compétition. On pourrait résumer cela par la célèbre devise « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » . Cependant, il est de mon avis que cette condition n’est qu’un élément d’un facteur plus global, celui du « sport spectacle » qui a été introduit plus haut. En effet, la renommée de l’athlète est soumise, d’après ce que nous venons d’exposer à son attractivité médiatique. Or, cette dernière peut apparaître ou être renforcée par d’autres éléments que la performance en elle-même : Sébastien Chabal en est un bon exemple. Dans un sport ou la notion de «collectif» prend tout son sens, il a su se construire une image personnelle très forte et est ainsi devenu l’un des rugbyman les plus célèbres, sans pour autant se détacher par des performances significativement supérieures à celles de ses coéquipiers. En effet, il doit surtout sa notoriété à son style très «brut», son look, ses muscles saillants et quelques actions visuellement impressionnantes sur les terrains de rugby. Autre exemple, celui de Marc Raquil qui acquit une médaille d’argent lors des mondiaux de Paris en 2003. Sa notoriété fut décuplée par le fait que la compétition se déroulait dans son pays et par sa très spectaculaire remontée en toute fin de course qui le fit passer de la 7ème à la 2ème place en moins de 80 mètres. A l’inverse, qui se souvient de la performance de F. Dumoulin aux JO de Sydney lorsqu’il remporta l’or en tir au pistolet à 10m ? Ces différences de «traitement» s’expliquent par le fait qu’avant tout, les sportifs sont des hommes, et même des hommes de spectacles. Ainsi, de nombreuses caractéristiques plus ou moins étrangères à leurs performances ont une influence déterminante : le look, le «style», l’aisance de l’athlète devant les caméras, le charisme, le passé… (par exemple, le cancer auquel Lance Armstrong a échappé a grandement contribué à renforcer son image de battant). Ceci semble se vérifier d’autant Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 26 plus à mesure que la notoriété du sportif grandit : plus un individu attire les médias, plus ceux-ci vont chercher dans «l’extra sportif» pour trouver de nouveaux sujets (ceci était particulièrement le cas de Laure Manaudou, pour qui on s’intéressait plus, à un moment de sa carrière, à ses histoires d’amour et ses relations avec son entraîneur plutôt qu’aux chronos qu’elle faisait en compétition). Particularité du sport amateur Le sportif de haut niveau est un athlète qui, malgré des contraintes multiples (physiques, psychiques ou même économiques dans de nombreux cas) performe dans son activité. Il renvoie ainsi à un véritable idéal de fonctionnement du monde du travail en apparaissant comme une figure autonome sachant intégrer toutes les données nécessaires à la réussite de son projet. Ceci est d’autant plus vrai dans le cas des sports amateurs, dans lesquels il n’existe pas de clubs ou de structures proposant des contrats de travail aux athlètes. Ainsi, ce type de sportif d’exception porte, par la réussite de ses objectifs et en plus des professionnels, des valeurs d’implication, de dévouement à une cause et d’organisation… qui correspondent également à l’image du parfait entrepreneur. (nous développerons ce point dans la suite de l’exposé). La renommée d’un sportif d’élite dépend donc de très nombreux facteurs qui peuvent aller bien au-delà du domaine de leur discipline sportive. Cette image peut constituer un formidable support à de multiples activités économiques, et pas seulement dans l’industrie du sport ! Points communs entre le sport de haut niveau et le monde de l’entreprise De nombreux liens peuvent être faits entre le vécu des champions et les multiples situations auxquelles une entreprise peut être confrontée. En effet, le sportif de haut niveau, par son implication et la réalisation de son projet de performance, est amené à faire face à une multitudes d’expériences qu’il pourra retrouver dans le milieux professionnel. Parallèles entre sport et entreprise – F. Masnada F. Masnada, triple médaillée olympique et mondiale en ski alpin, est aujourd’hui consultante sportive, et chargée de relations publiques et de communication dans de nombreux événements et séminaires (dans et en dehors du milieu sportif). «Beaucoup de parallèles peuvent être faits avec les situations vécues par un champion : déterminer ses objectifs et priorités, préparer les grands rendez-vous, gérer le stress, prendre la parole lorsque cela est bon pour l’équipe, trouver des sources de motivation et de performance, gérer ses partenaires, mobiliser son équipe, rebondir après un échec, une blessure, ou gérer les succès… ce sont autant de notions qu’un sportif accomplis est capable d’appréhender et de gérer au mieux. Toutes ces situations sont finalement vécues de la même manière [pour un athlète et pour une entreprise], même si elles ne sont pas forcément identifiées et analysées ainsi». Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 27 A cela, il faut ajouter la particularité du contexte dans lequel l’athlète vit de telles expériences : le sport, par son universalité, les valeurs qu’il transmet, le spectacle qu’il offre et l’ensemble des notions positives dont il est porteur, offre un parfait vecteur de transmission et de communication applicable à de nombreux domaines de management et de marketing. Ainsi, le champion peut se targuer de développer des aptitudes incontournables dans le milieu professionnel: « La volonté, l’engagement, l’implication, la ténacité, la recherche de la performance, la nécessité de la remise en question… sont les traits constitutifs du profil type du sportif accompli », ou de celui du manager idéal ! Cette dernière comparaison semble bien venue lorsqu’on se penche sur la problématique à laquelle il faut répondre lorsqu’il s’agit de prendre des risques et des décisions destinés à nous mener à la victoire : la gestion des ressources matérielles et humaines est une réalité pour le sportif. Ainsi, le choix et la gestion de l’entraîneur, du préparateur physique, du meilleur projet de formation professionnelle compatible avec la pratique de la compétition, mais aussi les relations avec les partenaires d’entraînement, concurrents, présidents de club, premiers entraîneurs, responsable marketing ou social de la fédération, équipementiers, sponsors, conseillers sportifs, financiers, juristes, préparateur mental, médecin, kinésithérapeute, ostéopathe… constituent de véritables enjeux qui vont « forger » la personne confrontée à ces divers acteurs dont dépend la performance finale. Comme cela a d’ailleurs été intégré par l’ensemble du corps enseignant de l’université de Marne-la-Vallée, le projet sportif s’inscrit dans une logique de formation et peut être largement valorisé et utilisé au sein de l’entreprise. Source : entretien avec F. Masnada, 30/03/2010 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 28 Les domaines d’exploitation des partenariats Après avoir décrit le sportif de haut niveau, les acteurs et les éléments constitutifs de son environnement, nous allons étudier les différents objectifs que le partenariat sportif permet de poursuivre. A. La plus-value d’une force de travail exceptionnelle Comme nous venons de le voir, la carrière sportive peut être assimilée à une expérience hors du commun : par son dévouement et les enjeux que comporte son projet, le sportif se confronte de luimême à des problématiques partagées avec le monde professionnel : Il doit, dans un premier temps, faire preuve de capacités organisationnelles afin de définir ses objectifs, les étapes à franchir et les moyens à mettre en place pour y parvenir. Son « plan d’action » prendra en compte l’entraînement à court terme, le niveau de forme visé à moyen terme et l’optimisation de la performance à long terme. Le soucis du détail, la recherche de la perfection, l’innovation (lorsqu’un skieur a eu l’idée d’aller faire des tests en soufflerie pour travailler sa position de recherche de vitesse, par exemple) sont les notions qui permettent au champion de toujours progresser. Etre conscient de ses forces, de ses faiblesses, savoir analyser objectivement un échec ou une victoire et en tirer des enseignements pour devenir encore meilleur est aussi primordial (on pourrait même imaginer qu’un judoka ou un boxeur applique l’analyse SWOT pour choisir la catégorie de poids ou il sera le plus performant). Etude des paramètres physiologiques en laboratoire : innover et chercher les petits détails pour faire la différence Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 29 Un champion doit aussi être capable d’exprimer à l’instant « T » l’ensemble de ses facultés et du travail qu’il a entrepris tout au long de sa préparation et ce, malgré les multiples pressions dont il est souvent la cible. Dans le sport moderne, il faut également savoir gérer et exploiter au mieux son environnement sans le subir : les médias, les sponsors, les supporters… sont autant d’acteurs extérieurs qu’il faut savoir appréhender pour ne pas remettre en cause la performance finale. Les titres et les médailles sont autant de preuves de l’assimilation de toutes ces notions et qualités par le sportif. Ceci est d’ailleurs de plus en plus intégré dans notre société, puisque, selon M. Fontannel (2008) « la pratique quotidienne du sport de haut niveau apporte un supplément de connaissances parfois reconnu par les instances académiques ». Ces aptitudes, couplées avec le concept de la CIP (vu dans la partie I), peuvent apporter une véritable plus-value à l’entreprise. Une étude du même auteur montre que selon l’expertise de recruteurs, de créateurs d’entreprise et de sportifs, les principales valeurs développées par la pratique du sport sont (par ordre décroissant d’importance) : Le goût de l’effort, la volonté, la persévérance Le sens des responsabilités et du respect des règles L’initiative et l’autonomie Le respect du contrat moral La confiance en soi L’aptitude à l’effort La gestion des objectifs et la rigueur… Le modèle du sportif-manager M. Fontanel (2008) va même plus loin en avançant que « le management, dans son acceptation la plus noble, ne s’apprend pas dans les écoles de commerce. C’est un Art qui ne s’obtient que par l’expérience et la personnalité. Si les directions des ressources humaines des entreprises recherchent d’abord à développer un capital humain devenu indispensable à la réussite des organisations, le sport de haut niveau est susceptible de développer de nouvelles compétences acquises hors des sentiers tracés de l’éducation traditionnelle » Une telle affirmation ne peut être avancée sans que nous ne nous penchions sur les composantes essentielles qui autoriseront une prise de poste efficace par un individu. Généralement, un employé (et, dans le cas qui nous intéresse le plus, un manager), se distingue par son savoir, son savoir-faire, son «savoir-être» et son «savoir-évoluer». Les savoirs désignent les connaissances générales ou spécialisées requises à un poste Les savoir-faire représentent la maîtrise d’outils ou techniques spécifiques. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 30 Il est admis que ces compétences s’acquièrent par l’intermédiaire d’enseignements (en université ou en école). En revanche, les deux autres entités sont moins formalisées. Le savoir être exprime les attitudes et les comportements des personnes dans leur travail Le savoir évoluer concerne le potentiel de progression dans un métier donné ou dans un tout autre type d’activité. Il semble très difficile d’établir un référentiel d’évaluation de ces deux dernières notions. Cependant, il est intéressant de constater qu’on demande, entre autres, aux managers « modernes » de faire preuve des « savoir être » suivants : savoir diriger, organiser, décider, contrôler, communiquer. Le parallèle avec le sportif de haut niveau est évident dans ce cas. Idem pour l’idée de « savoir évoluer » que nous avons étudiée un peu plus haut à travers la recherche constante de progression dans les domaines sportif et extra sportif (gestion des médias, de l’image…etc). Finalement, une carrière de haut niveau semble pouvoir s’apparenter, à condition que les expériences qui s’y rapportent soient bien transposées au monde de l’entreprise, a un complément idéal à la formation d’un manager performant. Une expertise valorisable Un sportif d’élite peut également apporter un avantage à l’entreprise en tant qu’agent extérieur. Dans le cadre de la discipline sportive pratiquée à haut niveau, il peut être amené à participer au développement de la qualité, de la performance, mais aussi de l’image des équipements et matériels qu’il utilise. Nous développerons ce point un peu plus loin (cf encadré « le partenariat entre S. Jouve et Plastex) et verrons l’ensemble des avantages qu’une telle association peut apporter. Attention à l’idéalisation Apportons une nuance à «l’idéal» du sportif que nous avons décrit jusqu’à maintenant. Si l’idée du « double champion » (sportif et professionnel) n’est pas fictive (citons par exemple Y Hocdé, champion olympique d’aviron à Sydney qui, s’entraînait environ 20 heures par semaines durant sa carrière sportive, tout en assurant ses revenus en travaillant dans un restaurant – la aussi, 20 heures hebdomadaires – et en suivant une formation universitaire de - 24 heures - pour obtenir son professorat de sport), il n’en demeure pas moins que les contre-exemples sont légion. Une fois leur carrière sportive terminée, nombreux sont les sportifs qui doivent faire face à de véritables crises d’identité, voire à une certaine forme de marginalisation sociale. Le sport de haut niveau n’ouvre pas obligatoirement les portes sur un avenir professionnel radieux, mais peut y contribuer en fonction de ce que les individus font de leurs expériences ! Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 31 Voici quelques exemples de reconversions réussies : Jocelyn Delecour, champion d’athlétisme puis directeur commercial d’Adidas France, Bernard Laporte, ex-rugbyman devenu entraîneur du XV de France, puis secrétaire d’état à la jeunesse et les sports, Henri Leconte était tennisman avant de devenir gestionnaire de sociétés et de sponsoring, Jean Claude Killy, ex-champion de ski est aujourd’hui directeur de société, membre du CIO et de nombreux conseils d’administration, dont celui de Coca-Cola France… On remarque tout de même qu’une majorité de ce type de sportifs bénéficiaient, en plus de leur expérience du haut niveau, d’un certain nombre de diplômes, que ce soit en management, communication, ou dans des domaines plus «techniques». Tim Brabants, kayakiste double médaillé olympique à Pékin et… médecin généraliste CONCLUSION Globalement, un champion accompli peut constituer une véritable ressource (notamment humaine et technique) pour nombre d’entreprises. Même si celui-ci peut présenter le désavantage d’être très occupé par son projet sportif, l’embaucher peut être réellement bénéfique, notamment dans le cas où il envisage sa reconversion dans la société concernée. Le recrutement, le partenariat ou la collaboration avec de telles personnalités sont d’autant plus intéressants (quel que soit le type de l’association : sponsoring, mécénat ou CIP), qu’elle offre la possibilité de répondre à d’autres besoins, notamment dans les domaines du marketing et de la communication. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 32 B. La communication externe Se construire une image Introduction : l’intégration du sponsoring au marketing-mix Comme le montre la figure suivante (extraite de «le sponsoring dans la hiérarchie des stratégies de l’entreprise», Walliser, 1994), la stratégie globale s’inscrit dans le cadre de la stratégie globale de l’entreprise et plus précisément dans la stratégie marketing de celle-ci. Selon P. Dambron (1991) il est alors intéressant de constater le rapport entre la politique de sponsoring et son influence possible sur les différentes variables du marketing-mix : A travers le partenariat de champions, l’entreprise peut promouvoir la qualité de ses produits (en démontrant les performances de celles-ci) Le positionnement « prix » peut transparaître en fonction du sport parrainé (par exemple, le golf correspondra plus à une stratégie haut de gamme que le football) La force de vente peut être directement influée par la stratégie de sponsoring (avec l’organisation d’événements spéciaux sur les lieux de vente, par exemple) et avoir des répercussions sur les performances de distribution. Enfin, le partenariat constitue un moyen privilégié de contact avec le client : Walliser considère que la stratégie de sponsoring est intégrée à celle de communication et constitue ainsi le domaine dans lequel ce type d’opération est le plus efficace. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 33 Dans la suite de cette partie, nous allons développer et étudier les applications rendues possibles par l’association avec une personnalité du monde sportif dans le cadre de la communication de l’entreprise ainsi que dans l’ensemble des domaines connexes. Définition La communication regroupe l’ensemble des moyens permettant à une entreprise d’informer et de transmettre des messages aux différents acteurs de l’environnement dans le but d’influencer ou modifier leurs attitudes et leurs comportements. Les objectifs premiers de la communication externe, quelle que soit la taille de l’entreprise, sont d’orienter et d’influer au mieux l’opinion des clients, partenaires et prospects vis-à-vis de la société. Cette notion fait partie intégrante de la stratégie marketing. Les possibilités et outils à la disposition des services de communication sont multiples, notamment depuis l’explosion des nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC), et le développement d’Internet Selon Meenaghan (2001), «le sponsoring sportif accroît l’intention d’achat, la préférence de la marque et les achats réels de la marque. On suppose que les consommateurs sont plus enclins à acheter les produits des parrains que ceux des concurrents (non parrains)». Stipp et Schiavone (1996) ont même démontré des effets positifs sur les ventes des sponsors olympiques Nous allons donc voir dans quels cas le partenariat sportif peut être intégré à la stratégie de communication et se révéler pertinent en fonction des objectifs poursuivis par celle-ci. L’objectif de notoriété Selon Aaker (1994), la notoriété d’une marque (ou d’une entreprise) correspond à sa capacité de se faire reconnaître et de se faire identifier par l’ensemble de ses clients potentiels comme existante et appartenante à une certaine catégorie de produit(s) ou de marché(s). On distingue la notoriété spontanée (lorsqu’un individu interrogé répond spontanément à une question du type « citez une marque du secteur X) et la notoriété assistée (ou l’individu déclare connaître ou non le nom d’une marque). Ce concept repose donc sur le lien entre l’entreprise et son domaine d’activité (on vise donc un impact cognitif sur la cible). Dans la plupart des cas, l’augmentation de la notoriété est l’une des premières répercussions attendues par les entreprises qui choisissent d’intégrer le partenariat sportif à leur stratégie de communication. En s’associant à une personnalité bénéficiant d’une certaine renommée et d’une exposition médiatique, la société ou la marque concernée espère se faire connaître (le plus souvent, grâce à la présence d’un logo visuel sur l’équipement du sportif, ou tout autre support média où il est susceptible d’apparaître). Plus cet individu évoluera à un niveau prestigieux de compétition et plus son Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 34 attractivité médiatique sera grande, plus cette stratégie aura de chance d’être efficace. Enfin, le « cosponsoring » (le cumul de partenariats pour un même athlète) est à éviter afin de ne pas créer de confusion dans l’esprit des spectateurs : il a été démontré que le nombre de sponsors mémorisés et cités spontanément par un spectateur d’un événement sportif dépasse très rarement le nombre de deux (Walliser, 1995) et ce, quelle que soit la durée d’exposition. Il faut aussi remarquer qu’une stratégie orientée vers la notoriété est quasiment inutile pour les grands groupes nationaux et internationaux bénéficiant déjà d’une renommée importante (par exemple, Coca Cola qui est déjà connu par plus de 94% de la population mondiale ( ! ) va plutôt chercher à développer un lien affectif avec les consommateurs que de faire croître sa notoriété). Notoriété et grandes marques – A. Francke A. Francke est sports marketing manager/sports olympiques pour adidas «Le sponsoring nous donne de la visibilité, notamment grâce aux retombées médiatiques… Mais la visibilité n’est pas l’unique aspect qu’adidas recherche en matière de sponsoring. Contrairement à des marques nouvelles sur le marché, adidas bénéficie déjà d’une forte notoriété et c’est donc avant tout son image que la marque veut travailler. Depuis 3 ans, adidas est la marque préférée des Français et le sponsoring y contribue fortement !» Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010 L’objectif d’image L’image de marque (mais aussi l’image de l’entreprise, d’un produit…) regroupe l’ensemble des représentations mentales que les individus attribuent à une organisation. Cette notion correspond donc surtout au domaine de «l’affectif» et répond à la question « comment est perçue l’entreprise ? ». Près de 75% des objectifs de communication des entreprises concernent l’amélioration de l’image (contre 62% pour le développement de la notoriété et 41% pour le développement des ventes d’un produit selon une étude de l’Union Des Annonceurs, 2005). La construction de cette image est d’une grande complexité, notamment parce que certains facteurs constitutifs de cette notion échappent au contrôle de l’entreprise. Il est donc très difficile de faire correspondre l’image voulue par l’entreprise et l’image perçue par les consommateurs, clients… Un des nombreux instruments permettant « l’élaboration » de son image est liée au partenariat sportif : le sponsor recherche alors à s’approprier, transférer l’image, les valeurs et les symboles dont l’athlète est porteur. Ainsi, le sponsor espère bénéficier d’une synergie d’image avec le parrainé. Ce concept sous-entend que l’image du sportif est elle-même influencée par celle du parrain (et, si l’ensemble de l’action est cohérente et bien menée, les deux parties peuvent bénéficier de cette association. En d’autres termes, 1 + 1 > 2 ) On distingue deux mécanismes expliquant ce phénomène : Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 35 Le premier consiste à mettre en lumière les associations et les points communs partagés par le sponsor et le sponsorisé. Le second mécanisme vise à transférer des traits d’images spécifiques appartenant au sportif dans l’image du sponsor. Le partenariat sportif ne permet pas de transformer complètement l’image d’une entreprise, mais peut permettre à la société, à condition d’être pertinente, de s’imprégner et d’intégrer progressivement les valeurs portées par le sportif (ou simplement de clarifier un positionnement déjà établi). Ceci paraît difficilement possible dans le cas d’une action ponctuelle (on privilégiera donc les stratégies à moyen et long terme). Le «partenariat d’image» est particulièrement intéressant car il donne la possibilité de dépasser les limites des messages publicitaires classiques et d’établir un véritable lien affectif avec la cible. Les secteurs intéressés Il semble que tous les types d’entreprises peuvent trouver un avantage dans le partenariat sportif. Cependant, il apparaît (selon G. Tribou, 2004) que c’est le secteur des boissons qui use le plus de ce genre d’opérations (si on met le cas des équipementiers sportifs à part) du fait du lien naturel entre les sportifs et les boissons qu’ils consomment. Le travail d’image est d’autant plus indispensable dans ce domaine que peu de choses distinguent fondamentalement deux eaux minérales, si ce n’est, entre autres les éléments d’identité et de différenciation que lui prête une personnalité. Les banques (cf paragraphe suivant) et les sociétés de télécommunications sont également très représentées, mais le secteur industriel n’est pas en reste (notamment en ce qui concerne l’automobile et l’agro-alimentaire). Sébastien Chabal au service du positionnement masculin et viril de Caron Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 36 L’influence de l’image et du positionnement Chrisophe Chenut, directeur général de Lacoste explique l’intérêt de s’associer à des tennismen et des golfeurs pour positionner la marque: «Nous sommes une marque de vêtements décontractés, mais notre identité c’est le sport. C’est ce qui nous distingue d’autres marques du même segment dont la relation au sport n’est que purement artificielle et c’est la raison pour laquelle les gens la porte. Toute personne mettant un polo Lacoste se donne une image sportive». Source : Les Echos, 03/12/2009 « pour Lacoste, sport et mode jouent en double », P. Bertrand Intérêt pour les entreprises handicapées par une «mauvaise image» L’association à une personnalité sportive semble particulièrement intéressante pour une catégorie de sociétés subissant un déficit d’image et qui souhaitent s’attirer un certain capital sympathie. C’est notamment le cas des entreprises de jeux de hasard, du secteur bancaire, … Qui sont d’ailleurs très actives en ce qui concerne le partenariat d’entités sportives : aujourd’hui, la quasi totalité des banques parrainent des sportifs ou des compétitions (BNP Paribas est dans le tennis, la Société Générale dans le rugby, le Crédit Lyonnais dans le cyclisme…etc.). Le fabricant de cigarettes Gauloise a ainsi parrainé avec succès l’épreuve reine des raids natures du même nom jusqu’en 2003 ! Les JO pour contrer le déficit d’image du secteur de la confiserie vis-à-vis de la santé Le cas de Haribo est remarquable puisqu’à travers son association aux Jeux Olympique, il cherche à prendre à contre pied l’image négative qu’ont les confiseries en générale (et les siennes en particulier) sur le corps et l’activité physique. « L’engagement de Haribo dans le sport a pour but de changer l’image du sucre afin de démontrer ses aspects énergétiques et indispensables à la croissance. Les athlètes de haut niveau sont les meilleurs représentants en la matière. L’accession aux JO, avec toutes les valeurs qu’ils regroupent est le meilleur porte drapeau de cette stratégie » Source : communiqué de presse de Haribo avant les Jeux Olympiques d’Athènes. Haribo est partenaire du Comité National Olympique depuis 1994 Le principal mécanisme mis en jeu dans ce type de démarche est celui faisant de l’entreprise parraine une organisation «citoyenne» : elle n’est plus seulement un acteur économique produisant des richesses, elle devient une institution qui participe à la vie de la société, à l’essor de toute une communauté. Ainsi, elle met en avant une forme d’éthique et d’utilité publique (le mode de Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 37 communication correspondant est, en priorité, le mécénat) pouvant influer positivement les opinions que se font de nombreux acteurs : les clients de l’entreprise, les associés, les banques mais aussi le personnel, les pouvoirs publics, les journalistes… forment l’ensemble des cibles pouvant être visées par de telles opérations. La «preuve produit» Le sportif peut aussi servir de support afin de légitimer un produit, notamment pour les équipementiers sportifs (les sportifs renommés sont de vrais leaders d’opinion). En faisant référence au partenariat entre un champion et une marque (sur l’emballage d’un produit ou lors d’une campagne de pub), l’entreprise concernée peut apporter une preuve de l’efficacité et de la qualité de son produit. Ainsi, lorsque Federer remporte un tournoi du grand chelem, Wilson, qui l’équipe en raquette de tennis, peut espérer bénéficier de retombées positives sur la vente de ses raquettes : le consommateur qui s’identifie à la star suisse pourra être tenté d’acquérir la même raquette que celleci ! Ce phénomène peut être visible dans d’autres domaines que le strict matériel sportif : Michelin l’a très bien compris (dès 1891 ! ! !) en offrant des pneumatiques à des coureurs cyclistes et automobiles. Festina use largement de ce mode de communication en étant le «chronométreur officiel» de grandes compétitions comme le tour de France. Enfin, que dire des marques telles que Renault, Toyota, BMW… qui investissent des millions dans la Formule 1 dans l’espoir de démontrer la supériorité des qualités techniques de leurs voitures ? Tiger Woods, symbole de précision… et de Tag Heuer Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 38 Il est évident que la preuve produit est largement associée à l’ensemble des autres objectifs que nous avons déjà étudiés (la qualité et les performances des produits d’une entreprise jouent un rôle direct sur la visibilité et l’image de celle-ci). Il est donc nécessaire de l’intégrer à l’ensemble de la stratégie développée grâce au partenariat. Le partenariat entre S. Jouve, Plastex et RCE L’expérience de S. Jouve (kayakiste de course en ligne, double médaillé aux mondiaux et 7ème des JO de Pékin) et de Plastex (constructeur polonais de kayak spécialisé dans la course en ligne) semble bien illustrer le cas de la coproduction d’équipements sportifs avec un sportif. « Fin 2008, RCE (le revendeur français de Plastex), me contacte et me propose de développer une nouvelle forme de kayak. Le projet m’a immédiatement séduit, puisqu’il me permettait d’obtenir exactement le matériel que je recherchais avec les spécificités que je demandais ». S. Jouve, Plastex et RCE signent donc un contrat tripartite. En plus de la qualité du produit, l’athlète bénéficie de primes et dispose de 4 embarcations pour chaque saison. En contrepartie, celui-ci s’engage à naviguer systématiquement avec l’un de ces bateaux et à citer le soutien des deux sociétés concernées. S. Jouve doit aussi fournir un cahier des charges précis concernant les détails techniques qui lui semblent utile au développement des kayaks. « Je ne suis pas constructeur, mais j’apportais ma vision de ce que j’attendais : je faisais évoluer la forme du bateau en fonction de mon ressenti. Par exemple, il m’est arrivé de demander de reculer la position du gouvernail pour éviter l’effet de « dérapage » ou de demander d’abaisser l’hiloire pour avoir plus de liberté dans mes mouvements. En plus, j’ai conseillé Plastex en leur recommandant de prendre soin de la finition et du design… Le genre de détails dont ils ne se préoccupaient pas et qui, en France, sont très regardés ». Le sportif apporte donc toute son expertise dans le but d’optimiser la qualité du produit et d’apporter une nouvelle source d’innovation, mais ce n’est pas tout ! En effet, Plastex a ensuite commercialisé le modèle de S. Jouve, ainsi qu’une version (qui reprenait de nombreux traits de design) plus accessible au grand public (qui se rapproche plus d’un bateau de loisir que de compétition). « Après les premières compétitions où je suis apparu avec mon nouveau bateau, les ventes de RCE ont décollées (2 ventes en 2008, une cinquantaine en 2009 !). Certains de mes coéquipiers de l’équipe nationale m’ont vu avec ma nouvelle embarcation, et après l’avoir essayé, l’ont adoptée. Puis, certains compétiteurs nationaux ont été intéressés… etc. ». En fin de compte, il semble que Plastex ait bien atteint ses objectifs : en « légitimant » son nouveau modèle grâce au meilleur athlète français, et en communicant dessus l’entreprise a su apporter une garantie de qualité conséquente. De plus, en développant un modèle « tout public », l’entreprise a réussi à pénétrer le marché de la « compétition-loisir ». « Les gens peuvent s’identifier à moi, et lorsqu’ils achètent un kayak Plastex, ils peuvent se dire « j’ai le même bateau que le champion de France, c’est ce qu’il y a de mieux ». La condition de cette réussite semble corrélée à l’exposition du partenariat : en effet, le Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 39 bateau de S. Jouve arborait un large logo de la marque, et de nombreuses photos et affiches décoraient le site Internet de Plastex et les « stands » de vente de RCE lors des compétitions. «Il reste quelques détails à améliorer, le « service » lors des compétitions n’est pas encore au niveau de certains concurrents, et Plastex ne tient pas toujours compte de mes remarques, mais je suis largement satisfait de la collaboration… et je crois qu’eux aussi !». Il semble donc que le concept de coproduction peut s’inscrire dans une stratégie «gagnant/gagnant», à condition que l’entreprise sache bien l’intégrer à son marketing-mix. Source : entretien avec S. Jouve, 26.03.2010 Crédibilité et accessibilité des produits chez Adidas – A. Francke Le fait que les meilleurs sportifs du monde – le haut de la pyramide sportive – utilisent nos équipements nous confère de la crédibilité. Cela nous permet de mettre en avant nos innovations, notre matériel de pointe, et de susciter l’envie du bas de la pyramide sportive – le grand public – qui, à son tour, va vouloir essayer ces mêmes produits.» Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010 Les produits dérivés Lorsqu’une personnalité sportive atteint un certain niveau de renommée, comparable aux stars du monde du spectacle, il devient envisageable de développer une ligne de produits lui faisant référence. Dans ce cas, l’objectif est double : de tels produits contribuent grandement au développement de la notoriété et de l’image (du sponsor ET du sponsorisé), et peuvent évidement, en cas de réussite, permettre un accroissement du chiffre d’affaire de l’entreprise. La mise en scène de la vedette sportive et sa capacité de susciter un élan affectif ou un comportement d’identification sont les conditions à remplir pour bénéficier de telles retombées. Enfin, le sentiment d’appartenance à une communauté (celle des fans ou supporters du sportif) joue un rôle prépondérant dans la vente de produits dérivés. Un exemple de produit dérivé : «le tapis de souris collector Michael Schumacher» Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 40 Les institutions ne sont pas en reste Le secteur non marchand peut développer les mêmes stratégies que le secteur marchand. Dans ce cas, les objectifs visés par la communication ne seront pas directement commerciaux mais s’en rapprochent beaucoup par le développement de la notoriété et de l’image. Plus concrètement, ce type de partenariat peut avoir une dimension économique lorsqu’une ville soutient un sportif ou une équipe (à travers une compétition européenne, par exemple) et se met ainsi en avant. Elle peut alors bénéficier d’un supplément de «rayonnement» qui peut être décisif lorsqu’il s’agit d’attirer des investisseurs ou des touristes. Les améliorations de l’image et de la notoriété peuvent aussi concerner les élus : dans ce cas, c’est le domaine politique qui est visé. Même chose au niveau des départements et régions qui ont presque tous des politiques de subventions des meilleurs sportifs qui constituent une véritable vitrine locale (elles sont généralement mises en avant lors d’événements du type «soirée des champions de la région»). Enfin, de telles retombées sont non négligeables au niveau national puisque la «puissance sportive» d’un pays influence (G. Tribou, 2004) le rayonnement économique, culturel et politique d’une nation. Cela a été particulièrement visible lors de l’obtention des Jeux Olympiques d’été 2012 par Londres, qui a été préférée à Paris. CONCLUSION Bien que les objectifs soient légèrement différents, ceux-ci sont imbriqués et forment un tout : s’associer à un sportif dans le but de développer sa notoriété va forcément influencer l’image de son organisation et de ses produits (et vice versa). Malgré tout, la finalité de la communication externe par l’intermédiaire de partenariats sportifs est relativement homogène et commerciale. En effet, il s’agit toujours de favoriser l’acte d’achat (et de ré achat) d’un produit ou d’un service, en agissant sur la notoriété, l’image de marque, le réseau de distribution, en générant un sentiment de bienveillance chez ses clients et ses partenaires (l’ensemble de ces notions est très étroitement liées)… Cet enchaînement semble d’ailleurs logique : se faire connaître en développant sa notoriété, puis travailler son image, stimuler son réseau de vente, valoriser son savoir faire, partager les valeurs de l’entreprise, fidéliser la clientèle… Nous allons voir à présent que les acteurs extérieurs à l’entreprise ne sont pas la seule cible qu’une opération de partenariat sportif peut viser. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 41 C. La communication interne Se construire une culture Selon Pichot et Tribou (2004), et parce que la communication de l’entreprise est globale, les actions de partenariat avec les grandes figures du sport touchent les acteurs internes de l’entreprise au même titre que les cibles extérieures. Là encore, il semble que le rapprochement avec une personnalité du monde du sport peut s’avérer bénéfique. En effet, celui-ci peut constituer un instrument pertinent dans la construction de la culture d’entreprise et la fédération des forces de travail. La culture d’entreprise A la fois levier de motivation et synonyme d’image valorisante vis-à-vis de l'extérieur, la culture d'entreprise est un axe stratégique incontournable du management. Elle consiste en des normes, des attitudes, des valeurs, des croyances (généralement informelles) partagées par l’ensemble des individus d’une même organisation. Elle influence les modes de pensée, les comportements, et permet aux acteurs de l’entreprise d’avoir le sentiment d’appartenir à une même entité. «La culture caractérise l'entreprise et la distingue des autres […] dans ses façons de réagir aux situations courantes de la vie de l'entreprise» (M. Thévenet, 1993). Finalement, elle constitue un véritable capital immatériel de l’entreprise et permet, selon O. Devillard (2007), de «maintenir une cohésion, d’unir le personnel autour d’un nom, des produits, des services, des clients, de l’image de marque… afin de devenir un facteur de performance en rassemblant le personnel et en le motivant». La culture d’entreprise - G. Mestrallet Certains managers vont même plus loin, comme Gérard Mestrallet (PDG de GDF-Suez) : «J'ai une conviction forte: il n 'y a pas de position durable de leader sans valeurs, sans vision partagée… pas d'image sans une éthique rigoureuse. C'est grâce à nos valeurs et notre éthique, que nous avons pu nous affirmer comme un acteur véritablement mondial. Une entreprise ne se définit pas uniquement par ses métiers, par ses comptes ou ses implantations géographiques. Suez, ce sont des métiers mondiaux mais aussi et d'abord des équipes, des valeurs, une éthique et une vision» (extrait de la Charte des valeurs du Groupe - Décembre 2001) . Source : cours de Management International 2008 – V. Vasseur Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 42 Toujours selon M. Thévenet, la culture d’entreprise se forme notamment par un apprentissage continu issu des expériences partagées par les individus d’une même organisation. C’est donc «l’histoire» et les références communes à l’ensemble des acteurs qui la façonnent. Or, l’association au projet d’un sportif ou, dans le meilleur des cas, la rencontre d’un champion peut constituer un fait marquant, une expérience forte vécue par tout un groupe de travail. «L’appel aux sportifs montre que l’entreprise accorde autant d’importance à la valeur de cohésion qu’à la reconnaissance individuelle. C’est aussi une façon de faire entrer de l’émotion, de parler d’amitiés et d’histoires d’hommes» (S. Waller, Le monde, 20.02.2001). De plus, les notions abstraites telles que les valeurs prônées ou la vision partagée par une équipe de travail ne sont pas des choses simples à insuffler dans le cas pratique. Là aussi, un moyen efficace de répondre à cette problématique peut être l’utilisation d’un sportif de haut niveau. En effet, le sport amateur possède des vertus pédagogiques incontestables en termes de socialisation, d’intégration, de développement de valeurs morales, du culte de l’effort, de canalisation de l’agressivité (P. Mignon, 2002). Utiliser ces propriétés est donc possible par l’intermédiaire d’un champion qui peut représenter, illustrer, et incarner les valeurs et notions que les managers souhaitent développer dans leurs services. Le piège à éviter Le sponsoring a un coût, et, en quelque sorte, le budget qui y est alloué est « concurrent » des autres postes de dépenses dans l’entreprise (et notamment, de la masse salariale). Il existe donc le risque que les employés considèrent que l’argent dépensé pour soutenir un champion ait été gaspillé, aux dépends de l’amélioration des conditions de travail, par exemple. Afin de prévenir ce phénomène, il est donc primordial d’obtenir l’adhésion à l’action de l’ensemble des agents, d’où la nécessité de communiquer en interne afin d’expliquer la démarche engagée. On peut citer l’exemple de la société Cofidis, sponsor principal d’une équipe de cyclisme, qui consacre régulièrement une grande partie de son journal d’entreprise aux résultats de «ses» coureurs lors des grands rendez-vous internationaux tels que le Tour de France. L’implication du personnel Faire en sorte que les agents perçoivent positivement l’association d’un sportif à leur entreprise est une chose, rendre cette opération la plus efficace possible en est une autre. En effet, en «s’appropriant» le projet et en s’identifiant à la personnalité sportive le personnel va également pouvoir assimiler les valeurs et les symboliques qu’elle dégage (on pourrait même imaginer laisser le personnel choisir le sportif qui incarnerait les valeurs qui leur semblent les plus pertinentes !) Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 43 Un autre exemple est celui des skippers, qui avant de participer à des régates au grand large sont souvent invités par leur sponsors à débattre de leur projet, partager un repas et signer des autographes auprès des salariés de l’entreprise concernée. Durant la course, un «fil rouge» peut être mis en place, avec la retransmission dans la société de l’avancement de la compétition pour le marin. Les personnes qui auront rencontré le marin peuvent alors se sentir «concernées» par son exploit, qui, en quelque sorte deviendra un peu le leur… et formera une formidable expérience commune ! Le développement d’un véritable projet fédérateur autour d’un champion peut donc être efficace pour renforcer les liens sociaux au sein d’une équipe de travail, et faire naître un sentiment de fierté et d’implication à l’égard de sa société. Certaines entreprises ont assimilé cela au point de s’organiser comme de véritables «centres de performance sportive». L’entreprise devient alors une équipe engagée dans une compétition où on ne bat pas de record mais où on crée les meilleurs produits et où on ne gagne pas de médaille mais où on remporte des contrats. Pourquoi alors ne pas imaginer de pousser l’analogie jusqu’à dire qu’un employé (tout comme un athlète) efficace est un employé attentif à sa forme et à son bien être : le sommeil, la relaxation, l’alimentation sont des thèmes de plus en plus souvent abordés au sein de l’entreprise, mais le lien avec le sport de haut niveau (qui, dans son acception moderne tend à optimiser chaque détail dans le but d’optimiser une performance globale) n’est pas toujours fait. Or, là aussi, il pourrait intervenir et incarner cet ensemble de paramètres et de caractéristiques qui contribuent à créer de grandes performances. Le sport : un outil managérial efficace - F. Masnada Suite à ses interventions en entreprise (organisation de colloques, séminaires, animations et formations), F. Masnada a utilisé un ensemble de concepts visant à appliquer son expérience sportive au monde professionnel. Ainsi, elle développe ses interventions autour de l’objectif de devenir leader et de le rester, de mettre son individualité au service d’un groupe, la nécessité d’être proactif, « de s’adapter pour avancer », des conditions à réunir et à provoquer pour performer, de la gestion d’une équipe dans des conditions difficiles et l’importance des relations avec les partenaires et les concurrents. Afin d’imager et de rendre ses propos plus percutants, et pour transmettre ses messages avec plus d’émotions et d’efficacité, elle n’hésite pas à agrémenter ses interventions de nombreux clips vidéos et d’anecdotes ayant jalonné son parcours (ou celui d’autres champions) permettant de faire des rapprochements simples entre son vécu et la réalité à laquelle les acteurs doivent faire face. « Les symboles autour de la notion d’équipe sont très forts. J’utilise souvent la métaphore du rugby pour l’expliquer : si un des produits de l’entreprise était un ballon, les producteurs en seraient les avants. Le rôle de la mêlée serait de sortir le produit et le donner aux ouvreurs (les gestionnaires). Le PDG va alors donner les directives pour savoir que faire du ballon (produit) et il sera transmis aux commerciaux (les ¾) qui doivent marquer l’essai… c’est à dire, vendre ! Si le produit n’est pas bon, ils auront du mal à le vendre, le ballon n’arrivera pas jusqu’à eux… Et si les vendeurs ne vendent pas, l’ensemble de l’équipe se retrouve en difficulté. Chacun a donc un profil différent, sa place dans l’équipe/l’entreprise ». Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 44 Philippe Sella, ancien membre du XV de France, va même plus loin dans ce genre de démonstration : son entreprise de communication et de conseil par le sport a été créée comme un véritable centre d’entraînement où il n’hésite pas à organiser des matchs entre les membres des sociétés lui faisant appel dans le but de leur démontrer l’importance du travail collectif dans la réalisation d’objectifs communs. Mélanger le sport et le vocabulaire du travail semble donc une solution efficace pour fédérer et obtenir l’adhésion du public : «L’image de l’iceberg représente bien la dualité de la performance : d’un côté, la partie visible (10% de l’iceberg) est belle, blanche, lisse… c’est la rançon de la victoire, les médailles, les fleurs, ou la satisfaction du client, le résultat du bilan… de l’autre côté, nous avons la partie cachée la base, les 90% sans lesquels l’édifice ne flotte pas (le travail – la préparation physique et mentale - , le respect, l’éthique – les problèmes de dopage -, l’innovation , mais aussi le plaisir du travail bien fait)». Source : entretien avec F. Masnada, De tels récits permettent de transmettre des valeurs simples mais fondamentales dans le management des équipes de travail. Les séminaires de coaching sont chose courante mais leur impact peut être multiplié par la présence d’un champion. Tout d’abord, l’affectif que les « cibles » (le personnel) peut ressentir envers la personnalité va influencer positivement l’implication et l’intérêt qu’elles porteront à l’intervention (il est évident qu’on sera plus intéressé par une conférence de Z. Zidane que par celle d’un parfait inconnu !). Cette affection peut aussi apparaître en fonction de l’histoire vécue (ou parfois subie : les blessures, échecs…) et des émotions que l’intervenant est capable de transmettre. Dans ce cas, le charisme de la personnalité jouera un rôle central. Performance et relations entre l’homme, son corps et ses émotions Comme nous l’avons vu un peu plus haut les nuisances telles que les maladies, le stress ou la fatigue sont des symptômes pouvant perturber la performance d’une organisation pour lesquels le sport de haut niveau bénéficie d’une expertise très poussée (à travers la préparation physique, mentale…). Faire intervenir un champion dans son entreprise permet également de répondre à une carence du monde du travail : «l’émotion de la victoire» (ou de la défaite), de l’accomplissement par la réussite sont des notions beaucoup moins marquées que dans le milieu sportif. Or, selon D. Goleman (1999), la gestion de l’émotion a un impact direct sur le processus de performance en agissant notamment sur la dynamique de la motivation, de la concentration et du rapport à son activité, aux autres agents et à soi Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 45 même. Cette dimension est largement délaissée par le système éducatif classique et rend ainsi l’analogie avec l’activité d’un sportif de haut niveau d’autant plus pertinente comme outil managérial. Nous avons vu au début de cette partie que les champions peuvent être assimilés à des travailleurs très efficaces. Plus précisément, nous avons démontré leurs facultés à développer des qualités de managers. Il est donc légitime d’imaginer qu’ils peuvent représenter un instrument efficace de management. T. Fortané, président de l’Institut européen pour la performance par le management et le sport propose même un concept de «manager-entraîneur» qui décrit les dirigeants qui emmènent leurs équipes vers le succès tout en veillant au développement des potentiels de chaque individu. Par ailleurs, sportifs et cadres doivent faire face au même dilemme : gagner ou disparaître. L’un et l’autre ont une obligation de résultats s’ils veulent poursuivre leur quête de performance (en cas d’échec, l’un devra faire face à une dé-sélection de l’équipe nationale, l’autre à un licenciement, par exemple). CONCLUSION L’utilisation de la métaphore sportive dans le milieu professionnel a un sens : elle permet d’impulser une culture de la performance, d’insuffler des valeurs positives et d’apporter des éléments de réflexion originaux sur les pratiques du management ou de la gestion des ressources humaines, sur les moyens d’exprimer au mieux le potentiel de chacun dans un but de réussite collective. S’inspirer du travail et des exploits des athlètes est donc une façon originale de dynamiser et d’encourager l’expression des potentiels humains d’une entreprise. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 46 CONCLUSION: comment utiliser le partenariat sportif ? Un outil global Dans la littérature contemporaine, si les avantages des partenariats avec un champion semblent bien compris et décrits dans le domaine de la communication externe, il apparaît qu’ils sont encore sous-évalués en ce qui concerne leur application en interne. Etude de l’union des annonceurs : le public visé par les opérations de partenariat avec un sportif (1999) Public plutôt externe Public plutôt interne Public externe et interne 1994 1998 1994 1998 1994 1998 61% 54% 3% 2% 36% 44% Cependant et même si près de la moitié de ce type d’action est à destination d’un public interne (44+2=46% des partenariats en 1998), il semble que l’intérêt pour ce genre de démarche ne soit identifié qu’après avoir été déjà « éprouvé » par une application en externe. Malgré tout, il est intéressant de constater que « l’outil sportif » soit de plus en plus utilisé dans sa globalité et à destination de l’ensemble des publics. Cela tend à prouver la multiplicité des domaines dans lesquels le partenariat sportif peut être avantageux. Nous venons de voir que les performances, l’image et les valeurs inhérentes aux plus grands sportifs peuvent avoir des applications multiples pour les entreprises : en plus de constituer une véritable « source de travailleurs d’exception », le sport de haut niveau permet de communiquer et d’établir des relations aussi bien avec les consommateurs, les partenaires économiques, financiers et culturels, le personnel, les pouvoirs publics… Le partenariat sportif a donc de multiples débouchés souvent liés, pour lesquels un ensemble d’opérations doit être mis en œuvre : en effet, pour bénéficier pleinement de ce type de démarche, une rigueur et un plan d’action détaillé sont nécessaires. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises Partie III COMMENT OPTIMISER LE PATENARIAT SPORTIF ? Une telle opération peut prendre plusieurs formes (sponsoring, mécénat et CIP) et répondre à différents objectifs (en termes de ressources humaines et de communication interne et externe, notamment). Rendre une telle action efficace n’est pas chose facile et dépend d’un large éventail de facteurs. Dans cette partie, nous allons proposer un ensemble d’outils et de moyens qu’il semble opportun de mettre en œuvre pour profiter au mieux de ce vecteur de communication. 47 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 48 réussite d’une opération de communication Introduction: Réussir un partenariat sportif avec un objectif de communication est soumis à un large panel de conditions qu’il convient de réunir. En effet, si l’association à un champion permet de profiter d’une formidable source de différenciation, sa valorisation et la qualité de son expression dépendent des démarches entreprises par le partenaire. Rappelons d’abord l’enchaînement des procédures censées guider le déroulement d’une opération de communication. En fonction de la stratégie globale que l’entreprise souhaite développer, il lui faut identifier les buts et les cibles de son action. Puis, la réflexion doit être portée sur les moyens et les ressources à employer, et les messages et actions (média et hors média) à développer. Enfin, l’évaluation de l’efficacité et des effets de ceux-ci doit permettre leur justification et leur optimisation. La partie suivante va donc s’articuler en fonction de ces trois phases distinctes : En amont du processus, l’entreprise désirant intégrer le partenariat sportif doit réaliser l’étude la plus poussée possible afin de se donner les meilleures chances d’atteindre ses objectifs. Après les avoirs définis et identifié une cible, il s’agit donc de porter sa réflexion sur le choix de la personnalité sportive qui répondra le mieux aux attentes de l’entreprise. Nous verrons que ce choix dépend, entre autre, du public du sportif, de sa visibilité médiatique, des valeurs qu’il porte, de ses caractéristiques géographiques, des contraintes du parrain…etc. Pendant l’exploitation du partenariat, il est primordial de valoriser ce dernier afin d’en retirer le maximum de bénéfice. Pour cela, nous allons nous intéresser à l’ensemble des actions à mettre en œuvre, et notamment à leur intégration à l’ensemble des autres vecteurs de communication. En aval du processus, l’évaluation de l’efficacité de l’opération et des évolutions que celle-ci aura permis de faire apparaître est nécessaire pour plusieurs raisons : elle permet de juger de la «rentabilité» de l’investissement, de donner des pistes de réflexion pouvant mener à des ajustements de la stratégie…etc. Finalement, et pour compléter le panorama, nous étudierons les limites et les dangers que peuvent présenter la mise en œuvre de stratégies de communication basées sur l’association aux sportifs de haut niveau. Remarquons que l’inscription dans la durée est un facteur de réussite du partenariat sportif (nous développerons ce point dans la suite de l’exposé) : le processus que nous venons de présenter doit donc s’intégrer à un «cycle» (amont de l’opération - mise en œuvre - aval – ajustement des choix initiaux et des actions mises en œuvre) plutôt que dans une démarche ponctuelle. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises A. En amont du partenariat 49 cibler son action Etant très présent dans notre culture et extrêmement divers, le sport constitue un vecteur de communication idéal envers un très large public. Ce dernier est loin d’être homogène mais nous allons voir qu’en étudiant un ensemble de paramètres, les entreprises ont largement de quoi optimiser et orienter leur démarche vers les segments qui les intéressent. Avant-propos Afin d’améliorer la compréhension de nos propos, nous tenons à préciser que la structure du texte que nous présentons est arbitraire et aurait pu être toute autre, car l’ensemble des concepts que nous allons voir sont imbriqués et étroitement liés. Par exemple, on ne peut pas s’intéresser à l’audience dont bénéficient les sportifs sans s’intéresser à la discipline qu’ils pratiquent ou les valeurs qu’ils transmettent. Les caractéristiques géographiques dont nous allons parler ont des conséquences au niveau de l’exposition médiatique, et sont liées au sport concerné…etc. Il est donc important de préciser la nécessité de prendre en compte l’ensemble des notions que nous allons étudier comme un tout formé d’une combinaison d’éléments hétérogènes. Identification de la cible et de l’audience Un des grands principes de base inhérent au marketing est la segmentation : on ne peut pas s’adresser à une population tout entière avec un maximum d’efficacité. C’est pour cette raison, et en fonction des objectifs globaux de l’entreprise et de l’opération de partenariat, qu’il est important de définir une cible avant même d’engager une autre réflexion sur les autres modalités d’une telle démarche. La cible se définit comme l’ensemble des personnes qu’on espère atteindre par des messages (et finalement, à qui on espère vendre un bien ou un service). Il est donc nécessaire de bien la connaître pour rendre ses opérations de marketing efficaces. Pour toucher sa cible à travers le champion qu’elle aura choisi, l’entreprise doit distinguer différents publics : Les spectateurs qui assistent aux compétitions et événements auxquels le sportif prend part sont les premiers intéressés. Les personnes qui suivent les retransmissions ou retranscriptions des performances du sportif dans les médias forment le second groupe. Le dernier type de public correspond aux personnes atteintes par l’entreprise à travers ses propres supports de communication (site Internet, publicités, catalogues clients…etc.). D’un point de vue temporel, ce type d’action est à entreprendre au cours de l’opération de partenariat, et sera donc étudié dans la partie suivante de ce chapitre. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 50 L’ensemble de ces individus est susceptible d’être «touché» par l’action de parrainage. Il semble donc évident que la société sponsor doit chercher à s’associer à la personnalité dont le public correspond au mieux à sa cible afin que son action soit cohérente et efficace. Il est d’ailleurs prouvé (G. Tribou, 2004) que l’efficacité du partenariat est corrélée à l’implication du public. Ainsi, le développement de notions telles que la notoriété ou l’image de marque sera meilleur auprès d’un public éprouvant un intérêt pour un sportif qu’auprès d’un public peu concerné. L’ensemble de la cible de l’entreprise peut ne pas être «en contact» avec le champion et ne sera pas atteinte en totalité par l’opération de communication. Le public de cet individu ne faisant pas partie de la cible constitue en quelque sorte une «audience inutile» pour l’entreprise. C’est donc bien l’ensemble des personnes faisant partie de la cible de communication et du public de la personnalité qui représentent un intérêt pour le parrain Source: schéma adapté de G. Tribou, 2006 Le choix de la personne avec qui il s’associe dépend donc des résultats d’une étude préalable qui prend en compte les centres d’intérêts du public visé et ceux offerts par les champions. Identification des publics Pour l’aider à faire son choix, il est judicieux que l’entreprise étudie le type de public dont chaque personnalité bénéficie. Comme nous l’avons décrit plus haut, nous devons différencier les spectateurs assistant à la performance depuis les gradins des enceintes sportives (ils forment l’audience directe) et ceux qui la suivent par l’intermédiaire des médias (l’audience indirecte). Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 51 Audience directe A part quelques cas particuliers (lors de l’organisation d’événements internationaux et très médiatiques, comme les JO ou les coupes du monde de football, pour lesquels on fait parfois appel à des sociétés spécialisées), l’identification et la description de l’audience directe ne bénéficient pas de données très fiables ou très poussées et reposent donc souvent sur des a priori. Il est cependant admis que le public est souvent «local» (notamment dans le cas des sports d’équipe jouant régulièrement à domicile). Ceci constitue un axe de travail privilégié que nous étudierons par la suite. Au niveau national, on estime qu’environ 30% des français assistent à au moins un spectacle sportif chaque année. Les hommes sont environ deux fois plus nombreux que les femmes, l’âge moyen des spectateurs est de 30 ans et leur niveau d’études plutôt élevé (selon l’Insee, 2003). Quantitativement parlant, c’est le football qui attire le plus (avec près de 8 millions de spectateurs annuels pour la L1). Mis à part le Tour de France et le championnat de rugby, les autres événements peinent à attirer plus d’un million de personnes (attention toutefois à bien prendre en compte la différence entre un événement ponctuel tel qu’un championnat de France d’athlétisme et un événement redondant comme le championnat de France de football). Cependant, on estime que près de 500 millions (!) de spectateurs prennent place chaque année dans l’ensemble des tribunes des enceintes sportives. Selon Pigeassou (2002), on peut distinguer quatre types de spectateurs: «l’assidu» (le supporter passionné, fidèle, engagé, démonstratif), le spectateur «occasionnel» (qui veut participer aux événements les plus marquants, les plus exceptionnels), le spectateur de «curiosité» (qui découvre, apprend, est très volatile) et «l’accompagnateur» (le plus souvent, il s’agit d’un parent d’un jeune sportif). Finalement, chaque événement rassemble des spectateurs qu’il est plutôt facile de quantifier, mais qu’il est plus difficile de définir qualitativement. Cependant, il existe bien des outils qui peuvent apporter une réponse à ce problème. D’ailleurs, il semble que le profil de l’audience directe corresponde très souvent à celui de l’audience indirecte. L’audience indirecte L’étude de la couverture médiatique (le plus souvent, ce type d’étude est effectué par la société Médiamétrie) permet généralement de se faire une idée du public intéressé par tel ou tel sport (et donc par tel ou tel sportif). Il est important de préciser qu’il existe de nombreuses façons de suivre «indirectement» un événement sportif : en effet, l’intérêt et l’impact émotionnel perçus pour une compétition ne sont pas les mêmes si on suit une course par une retransmission télévisuelle «live» ou à travers un article de Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 52 journal! Par exemple, on estime que seule 10% de l’audience indirecte cumulée de la formule 1 se fait par l’intermédiaire de médias «en direct». Aujourd’hui, les outils de médiamétrie rendent possible la description du public média selon son âge, son sexe, sa catégorie sociale… Ceci est d’autant plus avantageux que les entreprises utilisent dans la plupart des cas les mêmes critères pour segmenter leurs cibles. Mais ne nous trompons pas : ce type d’étude n’est réalisable que par les grands groupes qui peuvent consacrer des centaines de milliers d’euros à leur service de communication. Le plus souvent, et notamment lorsqu’il s’agit de PME, «l’étude» préalable du public d’une personnalité sportive se limite à l’évaluation du dossier de presse (ou «press-book») que celle-ci présente. Place de la personnalité dans les médias L’étude de l’audience directe doit être complétée par celle de l’exposition médiatique du sportif. Pour que l’utilisation de son image comme vecteur de communication soit efficace, il est nécessaire de connaître l’impact des médias sur la diffusion des performances auxquelles l’entreprise désire s’attacher. Le public sportif En premier lieu, il peut être utile, notamment pour les équipementiers sportifs, de s’intéresser aux pratiquants de sport (plus de 40 millions de français, environ 15 millions de licenciés!). En effet, cet ensemble d’individus est particulièrement sensible aux médias sportifs: près de 80% d’entre eux regardent régulièrement du sport à la télévision. Etude des pratiquants sportifs français – source: INSEP et ministère des sports, 2002 Médias consultés régulièrement TV Chaînes câblées Ensemble des sportifs 79% 25% 86% 33% 64% 53% 52% 46% 30% 72% 15% 31% 22% 23% 20% 16% Hommes Femmes Rubrique Quotidien Magazine Livres sur Vidéos sur sport d’un sportif spécialisé le sport le sport quotidien sport 48% 38% 38% 34% 23% Selon leur tranche d’âge 15 – 19 ans 83% 29% 49% 44% 46% 47% 36% 30 – 34 ans 77% 26% 47% 39% 39% 37% 22% 45 – 75 ans 79% 21% 49% 34% 36% 32% 22% Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 53 Selon le niveau d’étude Sans diplôme 79% 29% 50% 33% 36% 34% 31% Inf. au bac 82% 25% 52% 44% 42% 38% 26% Bac 80% 30% 50% 37% 37% 31% 16% Sup. au bac 72% 22% 47% 30% 31% 28% 17% Globalement, et cela se vérifie sur l’ensemble de la population, ce sont les hommes et les jeunes (15 à 19 ans, et, plus généralement, 15 à 30 ans) qui consultent le plus de médias sportifs. Toutefois, certains sportifs et certaines disciplines permettent de toucher d’autres types d’individus (le patinage artistique, les concours hippiques ont un public plutôt féminin, les spectateurs du golf sont plus âgés…etc.) La télévision Aujourd’hui encore, la télévision est reine: en moyenne, un français la regarde pendant 3h24 par jour (pour l’année 2009 selon Les Echos). Les programmes sportifs ont un certain succès, puisqu’ils représentaient 6,2% de la part des retransmissions «consommées» pour l’année 2006, 4,5% en 2007 et 5,3% en 2008. Ces fluctuations s’expliquent tout simplement par l’actualité sportive (2006 était l’année des JO d’hiver de Turin, de la coupe du monde de foot et 2008 celle de l’Euro et des JO de Pékin…). Enfin, en 2004, environ 7% des programmes sportifs consistaient en des informations pendant les JT nationaux, 31% en des magazines sportifs et 62% en des retransmissions de compétitions (en direct ou en différé). En ce qui concerne le partenariat sportif, la structure de l’audience des chaînes peut être utilisée pour cibler au mieux le public que l’on veut atteindre : par exemple, les abonnés de Canal + sont majoritairement des hommes «urbains» qui ont entre 25 et 34 ans et qui exercent une «activité professionnelle supérieure» (selon une étude MédiaCabSat de 2002). Cette chaîne diffuse principalement des programmes sportifs centrés sur le football, le rugby et le basket. Il serait donc d’autant plus cohérent et envisageable de s’associer à une figure de l’un de ces sports dans le cas ou la cible de l’opération correspondrait à ce profil du public. Le raisonnement inverse est aussi possible : si on souhaite plutôt toucher un public «rural» et âgé, on privilégiera une chaîne comme France 3 (toujours selon l’étude de MédiaCabSat de 2002) et des champions de cyclisme, de tennis, ou d’athlétisme (qui font partie des sports que cette chaîne privilégie). Afin de s’assurer une visibilité suffisante (plus on est présent à l’antenne, plus on a de chances d’être vu et associé à l’image du sportif par un grand nombre de personnes), il peut être utile d’étudier le temps d’antenne dont bénéficie le sportif. Là encore, il semble que ce soit au sportif d’apporter ce type de données à son «parrain potentiel». Sinon, on peut s’appuyer sur les chiffres du temps de diffusion par discipline sportive. 54 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises Temps d’antenne par sport sur les chaînes hertziennes en 2003 Ensemble TF1 Fr2 Fr3 Canal + M6 TOTAL 2043 h 223 h 532 h 338 h 925 h 23 h Football 613 h 171 h 15h 48 h 374 h 3h Rugby 312 h 123 h 49 h 139 h Cyclisme 165 h 113 h 52 h Tennis 152 h 115 h 34 h Sports mécaniques 72 8 16 Athlétisme 69 34 35 Boxe 37 Ski 11 4 7 Gymnastique 5 2 3 Judo 6 2 4 VTT 1 1 Escrime 1 46 2h 37 Pétanque 1 Source: tableau réalisé à partir d’une étude CSA/La lettre de l’économie du sport, 2004 Remarquons que si ces chiffres sont associés à des pratiques sportives, ils ne correspondent pas exactement au temps d’apparition des plus grands champions: par exemple, même le cycliste ayant la plus grande renommée (Armstrong ou Contador?) ne sera pas présent X heures à l’antenne, car il ne participe pas à toutes les compétitions ou émissions diffusées, et que même les meilleurs sportifs partagent l’affiche avec leurs concurrents. Cependant, il existe un rapport entre le niveau d’un athlète dans sa discipline et son temps d’apparition à l’écran (et un ensemble de paramètres qui peuvent nous intéresser. Nous verrons cela plus loin). La presse écrite En 2009, le quotidien sportif par excellence, L’Equipe, s’est vendu à près de 300 000 exemplaires par jour (et était le 2ème plus gros tirage de quotidien payant), ce qui montre l’intérêt pour ce type de média. Son lectorat se caractérise surtout par un faible niveau d’étude (notamment parce qu’il est composé d’un grand nombre de lycéens, d’étudiants et de jeunes actifs) et une forte masculinité (source: EuroPQN 2002-2003). Les magazines sportifs, bien qu’en perte de vitesse, sont également très en vue : le magazine hebdomadaire gratuit Sport est lu par plus de 530 000 personnes chaque semaine. Enfin, il semble que la presse écrite régionale (Ouest France, L’Est Républicain, Les Dernières Nouvelles d’Alsace…) joue un rôle particulièrement important dans le cas d’opérations de partenariat «local». Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 55 La radio Même si l’ensemble des stations de radio abordent le sujet du sport au cours de leurs programmes (notamment lors des pages «information»), certains spécialistes se dégagent: Europe 1 sport en tête, mais aussi, à un degré moindre, RMC, RTL, France Info... etc. Là encore, des études de Médiamétrie permettent de définir les publics types en fonction de la fréquence. On peut donc étudier, comme dans le cas de la télévision, les couples public du média/cible visée. Internet La présence du sport sur Internet semble suivre la croissance folle du web: la fréquentation des sites appartenant à l’univers sportif progresse régulièrement, et on dénombrait en décembre 2009 pas moins de 12 sites sportifs disposant d’une audience supérieure à 1 million de visiteurs uniques. A titre de comparaison, ce thème est plus fédérateur (après celui des actualités et de la vidéo/cinéma) que celui de la musique (entre autre). Le site de L’Equipe occupe même, pour le mois de février 2010, la 4ème place des sites les plus visités en France… Et dispose d’un temps de visite moyenne de plus de 24 minutes, soit 2 à 3 fois plus que la norme. Internet présente un avantage marketing certain, grâce à son interactivité et les multiples contacts qu’il permet d’établir. Ceci est en plus facilité par la multiplication des sites et blogs de sportifs qui offrent une visibilité supplémentaire à leurs partenaires. Là encore, il y en a pour tous les goûts (et tous les budgets) : entre les sportifs peu connus du grand public qui peinent à dépasser les 10 000 visiteurs uniques annuels, aux stars telles que Roger Federer qui cumule près de 300 000 «membres fans», les différences sont considérables ! Les réseaux sociaux tels que Facebook ou Tweeter constituent aussi un formidable vecteur de communication: M. Phelps cumule près de 3 millions de fans à lui tout seul (!) et est la figure de proue de la page corporate de son équipementier Speedo. De quoi dépend l’audience ? L’audience de chaque événement est liée à un ensemble de facteurs : ainsi, «l’histoire», l’affection pour un sportif ou une discipline sportive, les programmes de diffusion des médias, la composante spectaculaire… voire même la météo du jour sont autant de paramètres distincts. Malgré tout, il est intéressant de remarquer les différences notables (que nous avons signalées plus haut) observées en fonction de l’organisation des compétitions les plus exceptionnelles (coupes du monde, JO). Le cas des Jeux Olympiques est d’ailleurs très évocateur : pendant deux semaines, le monde entier ne parle plus que de cyclisme, de natation ou de judo… Or, en 2004, c’est l’escrime, suivie de la natation qui ont été les sports les plus regardés à la télévision en France! (selon une étude Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 56 Eurodata TV et Sport Insight, 2004). Ainsi, même si des tendances sont définissables, il est très difficile de cerner clairement les éléments qui «font» l’audience (on ne peut pas prévoir le scénario épique que tel ou tel sportif va pouvoir vivre, ni l’environnement spécial ou non dans lequel un record va être réalisé…). Trouver le sportif correspondant le mieux au projet d’une entreprise ne se limite pas simplement à la description de son public ou à son exposition médiatique. Il faut également réfléchir au sport dans lequel on veut investir. Choix du sport Le choix d’un sportif pour l’image qu’il renvoie dépend en partie des valeurs et symboliques qu’il transmet. Or, ces notions dépendent, entre autres, de la discipline qu’il pratique. Plusieurs questions se posent alors: quel sport (et quel sportif) peut servir au mieux les intérêts de l’entreprise ? Avec qui, ou quoi s’associer ? Cette étude est consacrée aux associations avec les champions en tant qu’individus, mais il faut tout de même relever les autres possibilités qui s’offrent aux entreprises qui choisissent d’investir dans le sport. En effet, elles peuvent choisir de s’associer à une personnalité, une équipe, voire même une compétition. Parrainer un individu unique, c’est s’attacher à sa propre personnalité. Le champion peut alors devenir un véritable porte-parole, un symbole «humain» pour l’entreprise. Même si le niveau de performance de l’individu doit être optimum (cf. «l’image du sportif»), il semble que le choix de celuici dépendra grandement de son charisme et de son image. Par exemple, David Beckham est très apprécié par Adidas pour ses nombreuses apparitions dans la presse people et dans le monde de la mode ! Choisir un sportif unique présente également l’avantage de pouvoir «l’exploiter» plus facilement pour des opérations de communication spécifiques, par exemple. En revanche, l’association à une personnalité peut présenter des risques, notamment en cas de blessures, de baisse de performance, de révélation de cas de dopage… On observe d’ailleurs souvent des désengagements des sponsors lors de la révélation de scandales du genre. Soutenir une équipe semble moins risqué (même si un individu se blesse, il reste d’autres compétiteurs… En revanche, l’affaire Festina prouve que les risques pouvant apparaître avec une individualité peuvent aussi se manifester dans ce cas). Les sports d’équipe bénéficient également d’une image très empreinte de valeurs «communautaires», de solidarité, et de fraternité. En revanche, Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 57 ce type de démarche semble relativement moins efficace, notamment du point de vue «affectif». L’exploitation de l’image d’une équipe est également moins «souple» que celle d’un individu. Enfin, l’association à une compétition est celle qui présente le moins de risques : quel que soit le résultat final, le parrain peut assurer sa visibilité jusqu’à la fin de l’événement (ce qui n’est pas le cas lorsqu’un sportif ou une équipe se font éliminer d’un tournoi). Mais là encore, ce type de partenariat apporte moins d’émotions dans les messages qui peuvent être transmis aux spectateurs. Finalement, et même si cela comporte quelques dangers, le partenariat avec un individu présente de nombreux avantages : n’oublions pas qu’en plus de ce que nous venons de développer, un champion peut servir l’entreprise en tant que «ressource interne» ou de ressource humaine incomparable… Ce qui est moins vrai lors de l’association avec une équipe, et surtout, avec une compétition ! Le choix la discipline sportive Les valeurs accordées à chaque sport varient sensiblement dans l’esprit des «consommateurs de spectacles sportifs» et influencent donc l’image des champions concernés. Le choix de la discipline est ainsi un paramètre important. Une étude de la société Carat Sport (2001) a analysé et regroupé les sports en fonction de l’intérêt global que présente chaque activité. Bien sûr, le football arrive en tête (43% des français se disent intéressés), devant des sports comme le tennis, le patinage artistique, la natation, le cyclisme…( de 30 à 26%), puis le rugby, le ski alpin, le basket ball…(25 à 21%), l’équitation, l’escalade, le handball, la boxe, la voile (20 à 16%), le canoë kayak, le ski de fond, le roller, la planche à voile (15 à 11%)… etc. (attention, ce n’est pas parce qu’un sport est apprécié qu’il est très «visible»). De telles enquêtes donnent également des détails sur les profils du public de chacune de ces disciplines: par exemple, les hommes de plus de 35 ans ayant fait des études secondaires ou supérieures et qui sont cadres ou indépendants avec un revenu supérieur à 1900 € se passionnent surtout pour le football (58%), la F1 (49%), le rugby (45%), le tennis (45%), et le cyclisme (41%). Il est intéressant de constater qu’à niveau social équivalent, les plus jeunes (20 à 34 ans) citent aussi le surf ou le roller. En ce qui concerne les femmes, elles privilégient dans la plupart des cas le patinage artistique (quelle que soit leur catégorie d’âge), devant la natation, la gymnastique ou l’équitation. De telles affirmations constituent des outils évidents de ciblage et d’élaboration de la stratégie de partenariat. On peut également étudier les valeurs que chaque discipline met, ou pas, en avant. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises Les valeurs attribuées aux différentes disciplines sportives Sport Principale valeur Seconde valeur Avant-dernière attribuée attribuée valeur attribuée 58 Dernière attribuée valeur Athlétisme Basket Elégance Jeunesse Dépassement de soi Virilité Violence Propreté/dopage Propreté/dopage Sensualité Cyclisme Escalade Football Formule 1 Dépassement de soi Sérénité Virilité Audace Originalité Convivialité Propreté Violence Golf Handball Violence Violence Elégance Violence Virilité Modernité Sérénité Virilité Elégance Convivialité Jeunesse Elégance Propreté Bon pour la santé Violence Sensualité Judo Natation Virilité Sensualité Violence Elégance Modernité Modernité Sensualité Violence Patinage artistique Pétanque Rallye auto Randonnée pédestre Roller Rugby Ski Tennis Voile Volley VTT Sensualité Convivialité Violence Sérénité Modernité Violence Audace Elégance Audace Convivialité Modernité Originalité Sérénité Modernité Convivialité Originalité Virilité Elégance Sensualité Propreté Bon pour la santé Bon pour la santé Virilité Jeunesse Elégance Jeunesse Authenticité Sérénité Convivialité Virilité Virilité Modernité Sensualité Violence Violence Bon pour la santé Violence Sérénité Elégance Virilité Audace Jeunesse Violence Elégance Source : Tableau réalisé à partir d’une étude de l’observatoire Sports & Valeurs (2001) Le tableau ci-dessus est très instructif quant aux valeurs auxquelles on associe les sports. Ainsi, on peut identifier les activités auxquelles il peut être avantageux de s’allier en fonction de l’axe de communication choisi : par exemple, une entreprise désireuse de se positionner en faveur de la «modernité» pourra resserrer ses recherches sur le roller, le VTT ou les sports automobiles. Ensuite, chaque sport se différencie par son «mix» de symboliques. Ainsi, le roller se voudra aussi «original, créatif et élégant» alors que les sports automobiles sont qualifiés de plus «virils, audacieux et violents». Finalement, un moyen de trouver un sport plus cohérent que les autres peut passer par la construction d’un mapping. Prenons l’exemple d’une entreprise désireuse de se donner une image «jeune et élégante». Nous pouvons construire la représentation suivante: Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 59 Evoque l’élégance PATINAGE ARTISTIQUE GOLF TENNIS VOILE NATATION ATHLETISME SKI ESCALADE ROLLER VOLLEY N’évoque pas la jeunesse Evoque la jeunesse BASKET HANDBALL CYCLISME FORMULE 1 PETANQUE RALLYE FOOTBALL RUGBY VTT MARCHE N’évoque pas l’élégance Il apparaît en premier lieu que le patinage artistique et, dans une moindre mesure, l’athlétisme et le tennis, peuvent correspondre aux objectifs. Une réflexion sur les valeurs «annexes» mais aussi sur les symboliques portées par les individualités de chacune de ces disciplines pourrait compléter la démarche. Rappelons que ce type de recherche donne des solutions aux entreprises qui cherchent à intégrer au mieux le partenariat sportif à leur stratégie marketing globale. Des valeurs plus marquées dans les petits sports Il est intéressant de constater que, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce ne sont pas les sports qui attirent le plus qui sont les «mieux perçus». Médiatisation vs. Valeurs «Aux yeux des Français, une forte couverture médiatique n'est pas forcément synonyme de grand sport. Les «petites» disciplines véhiculeraient ainsi des valeurs plus porteuses que les grandes, victimes de la médiatisation. [ …] La médiatisation ne génère pas de meilleures valeurs... c'est même le contraire». Source : Stratégies magazine n° 1185, 30.03.2001, «A petits sports, grandes valeurs» Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 60 Par exemple, de «petits sports» comme le VTT, la natation ou le roller sont jugés comme bons pour la santé, et jeunes alors que le cyclisme ou le foot apparaissent souvent comme «touchés par le dopage et violents». On peut également différencier les sports «traditionnels» des activités plus «dynamiques» : alors que le cyclisme est gangrené par les problèmes de dopage (85% des Français sont convaincus que c’est une pratique liée à cette activité), «seuls» 45% pensent de même pour le VTT! Finalement, aucun sport ne semble idéal pour les annonceurs (si on reprend l’exemple du VTT, il n’est pas perçu comme «créatif ou élégant»), mais il semble que si certaines des activités sont peu médiatiques, elles y gagnent en qualité d’image. Le choix du sportif : un ensemble de critères transversaux A présent nous allons nous intéresser aux critères spécifiques à chaque sportif. «Le premier rafle tout» Un peu à l’image du monde du spectacle, seul un petit nombre de sportifs atteint le sommet de sa discipline, alors qu’un grand nombre de compétiteurs ne dépassera jamais un niveau plus modeste. C. Sobry (2005) décrit ce phénomène: «un observateur attentif s'aperçoit que le nombre de ces noms revenant régulièrement au sommet de l'actualité est faible, qu'ils sont variables selon les régions du monde et que s'établit une sorte de "turn-over" avec un remplacement plus ou moins rapide des têtes de liste [...] Nous avons ainsi un fond de tableau composé de l'ensemble des sportifs permettant le déroulement des épreuves sur lesquelles fonctionne le sport spectacle, et quelques individualités sur lesquelles se fixent les feux de l'actualité sportive». Selon le concept de «vedettariat» (S. Rosen, 1981), il semble que dans le domaine du sport spectacle, comme dans celui du cinéma ou de la chanson, on observe une très forte concentration de la demande sur les personnes réputées les plus «douées» de leur domaine. Ainsi, un certain nombre de champions accède au rang de «vedette»: avec une renommée hors norme, des performances très élevées, une personnalité marquante, et avec un fort appui des médias, certains individus dépassent largement le statu de sportif de haut niveau (Laure Manaudou, Tiger Woods…). Ce phénomène se traduit notamment par la répartition exponentielle des primes lors de certains tournois ou championnats. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 61 Source : C.Sobry, essai d’approche de la très inégale répartition des revenus des sportifs participant au sport spectacle, 2005 Les explications de ce phénomène ont plusieurs racines : les différences de performances, bien sûr, mais aussi d’image et de renommée individuelle ou collective, d’exposition médiatique… L’ensemble de ces critères doit lui-même être pondéré par un ensemble de facteurs: Le sport pratiqué par l’individu La visibilité et l’image dont il bénéficie Le «rayonnement» géographique du champion Plus concrètement, un sportif peut remplir tout ses objectifs sportifs sans que cela n’ait les mêmes conséquences que pour des athlètes comparables: Ainsi, Ole Einar Bjorndalend remporté onze médailles olympiques et près d’une centaine d’étapes de coupe du monde ! C’est une véritable légende de son sport, le biathlon, tout comme Usaïn Bolt, triple champion olympique et recordman du monde. Bien qu’ils appartiennent tous les deux au petit monde des «légendes du sport», on constate des différences significatives : Si le biathlète est une vraie star dans les pays nordiques (Norvège, Finlande, Suède, Allemagne…) où le ski de fond a une place importante dans la «culture locale», il n’en est pas de même dans les contrées où les sports d’hiver sont moins prisés (il est quasiment inconnu en Afrique, ou en Asie du Sud, voire même en Amérique où le ski nordique n’est pas très populaire). A l’inverse, Bolt pratique une discipline «universelle» (le sprint), a une très forte personnalité et une notoriété mondiale. Le même constat s’impose quant à l’exposition médiatique des deux personnages. Et que dire d’un sportif comme T. Gueorgiou, champion du monde de course d’orientation et véritable référence de sa discipline… S’il ne bénéficie pas de la même exposition internationale que les deux autres personnages, il possède toutefois une notoriété relativement importante au niveau de la région de Saint-Etienne d’où il est originaire. Il partage donc certaines caractéristiques avec Bolt ou Bjorndalen, mais à une échelle différente. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 62 Nous retiendrons donc que dans le sport, le «meilleur» cumule les avantages. On pourrait donc établir une véritable hiérarchie: ainsi, le plus grand champion (soulignons encore qu’on entend sous cette dénomination celui ayant les plus fortes performances ET la plus grande renommée) est très certainement celui qui bat les records imbattables, engendre les plus grandes audiences, attire le plus de médias… et coûte le plus cher ! Toutefois, l’association à ce type d’individu n’est pas forcément la plus avantageuse. Tiger Woods: «symbole social» avant d’être champion «Tiger Woods a tout pour plaire aux sponsors: jeune prodige de moins de 20 ans dans un sport où les quadras, voire les quinquas sont légions, et des origines (noir par son père militaire, asiatique par sa mère) qui aident le golf à échapper à ses stéréotypes sociaux». (B. Moulin, 2002) Local ou global ? Comme nous venons tout juste d’introduire le sujet, il est intéressant de constater que le sport est très ancré dans la culture locale: si quelques sports ou sportifs constituent de véritables vitrines nationales (R. Federer pour la Suisse, Liu Xiang pour la Chine…), il en est souvent de même au niveau régional pour des personnalités au rayonnement moindre : Gueorgiou pour le département de la Loire, M. Baala pour la ville de Strasbourg (avant son départ du club local)… etc. Le choix de la «dimension» du partenariat dépend logiquement de l’objectif final de l’entreprise, et il ne faut donc pas négliger l’ensemble des «petits champions» (les sportifs de haut niveau ne disposant pas d’une renommée très forte), d’autant plus que dans une majorité des cas, le partenariat sportif s’établit avec des PME et suite à la rencontre de personnes partageant un ensemble de valeurs. La proximité géographique est souvent un facteur déterminant dans le partage de telles notions: La proximité géographique des origines dans le partenariat – G. Burger SERMES et AQUATIQUE SHOW INTERNATIONALE sont deux PME (respectivement, environ 250 et 25 employés) fortement identifiées comme appartenant à la région de Strasbourg (qui est aussi ma ville natale, et celle de mon club sportif). Extrait de la présentation du partenariat (de type sponsoring) entre l’entreprise SERMES et moi-même «Implantée à Strasbourg, SERMES et moi partageons des valeurs fortes telles que le goût de l'effort, de la performance et de l'esprit d'équipe. Autre point commun, la passion des sports d'eau. Monsieur Robert Schmittheisler, fondateur de l'entreprise a été champion du monde d'aviron en 1978 ! » Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 63 Extrait de la rencontre entre M. Formhals et moi-même lors de la signature d’un contrat de mécénat: «Je suis heureux de pouvoir soutenir un jeune qui porte haut les couleurs de Strasbourg et sa région!» Source: G. Burger Parrainer une activité «labellisée» comme étant locale peut donc être avantageux. Selon Speed (2000), il semble même qu’une opération de sponsoring majeure et fortement médiatisée sera efficace d’un point de vue strictement commercial, mais sera moins bénéfique pour le développement de l’image. C’est à partir de ce constat que les dirigeants de l’entreprise Carrefour, partenaire de l’équipe de France de football ont décidé, après 2002, que chaque hypermarché du groupe devrait soutenir cinq clubs appartenant à sa zone de chalandise, afin de se «rapprocher de sa clientèle» (Ohl et Tribou, 2004). Par ce type d’actions, Carrefour tente de démontrer que l’enseigne est citoyenne et que son engagement n’est pas seulement lié à un calcul commercial. Par ailleurs, la proximité avec les acteurs du monde sportif semble intéresser un large public (selon le tableau ci-dessous). Nombre de spectateurs (audience directe) d’événements sportifs en France Estimation du nombre de Type d’événement spectateurs par an en France 50 à 60 millions Evènement de notoriété internationale 40 à 50 millions Evènement de notoriété nationale 300 à 350 millions Evènement de notoriété locale Source : C. Pigeassou, «le tourisme sportif : cadre d’analyse et contexte», université Trento, 2002 Les différences nationales sont également très fortes (notamment au niveau des disciplines sportives) : si le football est très prisé des Européens, il n’en est pas de même pour les Américains. Le cricket est complètement méconnu en France alors qu’il déchaîne les passions en Inde. Ces différences nationales s’expliquent également par l’origine du champion «local» : si les Allemands suivaient beaucoup la Formule 1 lors de la dernière décennie, c’était surtout grâce au «règne» de M. Schumacher. Le critère géographique doit donc retenir notre attention, mais même si le caractère local et la proximité avec un sportif sont très importants, l’ensemble peut très bien s’intégrer à un niveau plus global : si Marie-José Pérec était largement identifiée et attachée à la Guadeloupe, elle n’en était pas moins un symbole de la France entière aux yeux du reste du monde ! Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 64 Valeurs Comme nous l’avons déjà beaucoup évoqué, le sportif est lié à un ensemble de valeurs qu’il peut être avantageux de développer pour l’entreprise (que ce soit à destination d’un public interne ou externe). Ces notions sont induites par le sport qu’il pratique, son environnement (son club par exemple), sa personnalité, son histoire… Le choix du sportif dépend donc fortement des symboliques dont il est porteur. Par ailleurs, les liens entre sportifs et entreprises peuvent être nombreux. En stratégie, la vie d’une entreprise se découpe en quatre phases : démarrage, croissance, maturité, déclin. Or, un dirigeant d’entreprise peut voir le même découpage dans la carrière d’un sportif. Dans ce cas, il semble très intéressant de s’associer à un sportif «en croissance», plutôt jeune et ayant encore un certain potentiel de progression. Il peut d’ailleurs être très bénéfique d’être en partenariat avant même qu’une personnalité ne «se révèle» au grand public : les partenaires de la première heure peuvent revendiquer une certaine légitimité que les autres n’ont pas (pire, certains parrains peuvent passer pour des opportunistes lorsqu’ils se lient à un champion après que celui-ci ait réalisé un fait marquant). Enfin, il est évident qu’un sportif «en déclin» (vieillissant, avec une baisse du niveau de performance, proche de la retraite) est moins intéressant (du point de vue de l’image, mais pas de son expérience) pour une entreprise. Visibilité Ce critère est à rapprocher de près de l’attractivité médiatique du sportif : dans une opération où l’image donnée est centrale, il est très important de s’assurer de la visibilité et de la diffusion de celle-ci à l’ensemble de la cible. Si le rapprochement est évident entre un catamaran au nom de l’entreprise et son sponsor, ce lien l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit de s’associer à un nageur qui ne bénéficie d’aucun support de communication pendant la compétition. Le choix du sportif et de la visibilité qu’il offre dépend aussi de son calendrier sportif : s’associer à un marin qui va mettre tous ses efforts dans la réalisation d’un projet pouvant s’étaler sur plusieurs années (le Vendée Globe a lieu tous les 4 ans, par exemple) ou à un tennisman qui peut disputer près d’une centaine de matchs (voir plus) en une année ne permet pas les mêmes stratégies. Autre cas, celui des skieurs qui peuvent disputer une trentaine de courses internationales dans la saison, mais seulement des mois d’octobre à mars. En dehors de ces périodes, ces sportifs ne font que très occasionnellement parler d’eux. Enfin, un grand nombre de sports amateurs ont des calendriers variés mais ne sont «sous le feu des projecteurs» qu’une fois par an (à l’occasion d’un championnat du monde, par exemple), voire, une fois tous les 4 ans, lors des Jeux Olympiques. Finalement, la visibilité qu’offre un sportif de haut niveau est relative à une combinaison de facteurs qu’il faut étudier au préalable afin d’éviter toute déconvenue lors de la mise en œuvre du partenariat. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 65 Contraintes propres aux actions de communication Avec tous les éléments que nous venons de voir, il apparaît que «l’offre» de partenariat par les athlètes est très complète. Cependant, le choix de l’entreprise dépend également de contraintes dont elle ne peut se défaire. Les contraintes (1): coût Le coût d’une telle opération est décisif et conduit au choix du sportif servant le mieux les intérêts de l’entreprise en fonction du budget alloué. Comme nous l’avons vu, le marché du partenariat est assez vaste pour convenir de n’importe quelle somme (de quelques centaines d’euros pour les «petits champions locaux», à plusieurs millions pour les grandes vedettes). Les contraintes (2): temps L’entreprise doit être capable d’inscrire et d’exploiter le calendrier sportif (fonction de la date des épreuves majeures) dans celui de l’entreprise. Par exemple, si l’objectif est d’appuyer le lancement d’un nouveau produit, le partenariat serait inutile si le sportif est invisible dans les médias à ce moment précis. Les contraintes (3): concurrence Les intérêts du partenariat sportif étant nombreux, ce marché est bien soumis à la concurrence et aux effets négatifs que cela engendre (raréfaction des «ressources rares», les champions, surenchère, perte d’efficacité…) La concurrence sur ce marché, vue par Adidas – A. Francke «Adidas entre en concurrence avec de nombreux équipementiers en matière de sponsoring. Si dans certaines disciplines, la concurrence est relativement faible, elle est très importante pour les sports les plus médiatisés (football, tennis, athlétisme etc…)» Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010 Remarque Dans la pratique, les études préalables à la signature d’un contrat de partenariat prennent en compte l’ensemble des considérations que nous venons de voir. Cependant de telles actions voient souvent le jour dans de petites structures (PME) dont les dirigeants ont été convaincus de l’enjeu qu’une association à un sportif de haut niveau peut représenter. Dans ce cas, «l’étude» en question est souvent basée sur un jugement subjectif ainsi que sur des «a priori». Il n’est d’ailleurs pas rare de voir un dirigeant parrainer un sportif d’une activité qui lui est chère. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 66 CONCLUSION Finalement, le choix du sportif auquel une société désire s’associer est fondamental. Selon les objectifs, les moyens et les contraintes de l’entreprise, une telle réflexion se doit de tenir compte d’une multitude de détails: quelles valeurs portent le sportif, quelle image a-t-il, est-il à la dimension de ma stratégie, offre-t-il la visibilité nécessaire à la réussite de celle-ci, sa discipline est-elle cohérente avec mon positionnement, sa place dans les médias me donnet-elle le positionnement recherché, va-t-il me permettre de toucher le public que je souhaite… sont des exemples de toutes les questions auxquelles il faut répondre si on souhaite que sa démarche aboutisse de façon positive. La pondération de toutes ces notions en fonction du type de partenariat et du domaine d’application semble pertinente : par exemple, un mécénat se prête plus à l’élaboration d’une image citoyenne pour laquelle un partenariat «local» est souvent plus efficace. Si on souhaite s’associer à un champion pour motiver son personnel, ou pour modifier son image auprès de ses clients, on étudiera d’avantage le charisme de la personnalité dans le premier cas et l’audience dont il bénéficie dans le second. Choisir la «meilleure» personnalité dépend donc d’un arbitrage entre les buts recherchés, les moyens mis en œuvre et les différentes composantes essentielles à la réussite de l’opération de communication. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises B. Pendant l’opération 67 rendre le partenariat efficace Les traits des sportifs de haut niveau peuvent être jugés très positivement par les publics visés, par un sponsor ou un mécène sans pour autant que cela ne lui soit profitable. Il est donc nécessaire que le sentiment développé à l’égard de la personnalité à laquelle une entreprise s’associe soit étendu à celle-ci. Si des individus apprécient un sport ou un champion, ils ne sont pas forcément sensibles aux efforts du parrain et peuvent même, dans le pire des cas, nourrir un ressentiment à son égard s’il est soupçonné d’affairisme ou considéré comme un intrus. Valoriser le partenariat est donc nécessaire à la réussite de l’opération. Rappel : le mécanisme d’association «L’implication dont le spectateur fait preuve pour l’activité parrainée a une influence positive sur la reconnaissance du sponsor et les attitudes vis-à-vis du parrain» (Lardinoit, 1996). Lors d’une compétition ou d’un contact (direct ou à travers les médias) entre un sportif d’élite et son public, ce dernier manifeste de l’intérêt, voire de l’excitation et du plaisir vis-à-vis du spectacle auquel il assiste. En identifiant le partenaire de cette personnalité et en fonction de l’évaluation de la pertinence de leur association, il est possible que le processus de renforcement ou de transfert d’image apparaisse. Or, ce transfert est favorisé par l’émotion positive et la composante affective de la cible envers le champion. Ainsi, selon Walliser (1994) et Lardinoit, (1996), une entreprise peut «profiter de l’émotion pour en capitaliser des retombées positives pour la marque». De plus, un véritable «lien social» peut exister entre un sportif ou une équipe et leurs supporters : les fans créent un groupe social et cherchent à ne faire qu’un avec le sportif parrainé par l’entreprise (on se souvient des supporters de J. Lamy-Chappuis qui étaient facilement identifiables et formaient une vraie communauté lors des JO de Vancouver), à se distinguer et à démontrer leur appartenance au groupe. Or, selon Levin (2001) le transfert d’image est positivement influé par l’implication de l’individu et les attitudes par rapport au sponsor sont plus favorables quand le consommateur est impliqué. Durée et répétition Le message que le parrain souhaite véhiculer à travers l’opération de partenariat est, généralement, implicite et se manifeste par son association au compétiteur. Afin que le destinataire de ce message l’interprète et l’intègre au mieux (ce qui va permettre le développement de la notoriété, de Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 68 l’image, de la crédibilité, de la culture… de l’entreprise), il faut donc l’aider à le «décoder». De plus, l’attention du spectateur ou du téléspectateur est captée par le déroulement de l’événement sportif. Afin que son association à un sportif soit fructueuse et légitimée, il est donc recommandé d’inscrire une telle opération dans la durée. Ainsi, la cible pourra «se faire à l’idée» que telle entreprise est liée à tel sportif et que leur association est légitime et cohérente. De plus, il est évident que plus une opération de communication est longue, plus elle offre de «points de contact» avec la cible (ce qui va notamment permettre le développement de la notoriété). Communication étalée vs communication concentrée : mémorisation progressive à long terme ou intense à court terme (d’après H.A. Zielske, 1959, et Johnon et Watkins, 1971) D’après ce graphique, on peut affirmer que les effets d’une campagne de communication étalée dans le temps peut avoir des effets plus durables et plus «profonds» sur la mémorisation qu’en fait la cible (cela permet notamment d’éviter l’effet de chute induit par une communication plus ponctuelle). De plus, les sociétés privilégiant le court terme (en s’associant aux sportifs ponctuellement, le plus souvent, lorsqu’ils bénéficient d’une forte exposition médiatique suite à un exploit ou un fait marquant) risquent d’être qualifiées d’opportunistes et voient souvent leur stratégie partenariale se retourner contre elles. Cela s’observe également chez les athlètes «volages» qui sont souvent accusés d’être plus intéressés par les retombées financières offertes par leurs partenaires que par l’impact de telles décisions sur leur niveau de performance. Inscrire le partenariat dans la durée signifie également que l’entreprise doit soutenir le sportif quelle que soit l’évolution de sa carrière : dans ce cas, le parrain qui reste au côté d’un champion dans les moments difficiles (blessure, baisse des résultats…) apparaît comme réellement impliqué et légitime. La répétition des messages est un autre facteur de réussite. En effet, la redondance de l’exposition du public au partenariat peut permettre de le convaincre de la véracité du message qu’il transmet (selon Tribou, 2005). Bien entendu, il faut aussi faire attention à ne pas tomber dans l’excès et ne pas produire un effet de saturation : un champion omniprésent dans les médias finira par lasser ! Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 69 Fréquence d’exposition à une opération de communication et renforcement du sentiment affectif (d’après H.A. Zielske, 1959, et Johnon et Watkins, 1971) Stabiliser et assurer la diffusion du partenariat sportif permet donc de garantir une partie de son efficacité, à condition, bien sûr qu’il soit exploité et utilisé conformément à la stratégie poursuivie (ceci est d’autant plus vrai pour les entreprises ne faisant pas partie du milieu du sport et pour lequel le lien avec l’athlète est donc moins évident). Mise en lumière des similarités avec le sportif Comme nous l’avons déjà introduit dans la partie II, il est nécessaire que le partenariat soit expliqué et compris par la cible de celui-ci (qu’elle soit interne ou externe à l’entreprise). Il faut donc « sensibiliser » le public afin de le convaincre du bien-fondé d’une telle opération, notamment si l’image de l’entreprise est éloignée du domaine sportif. Deux niveaux de similarité sont identifiables : La similarité fonctionnelle liée au domaine d’activité (un fabricant de chaussures sera très bien perçu s’il s’associe à un sprinter ou un fondeur) La similarité d’image : dans ce cas, on met en avant des éléments d’image qu’on retrouve dans le champion. Ainsi, des valeurs, des représentations ou un public commun peuvent suffire (une marque de luxe et un golfeur, une marque de cosmétiques et une figure du patinage artistique…). On peut également imaginer que des origines régionales communes peuvent entrer en ligne de compte. Toutefois, En l’absence de similarités d’image il est possible de les créer grâce à des opérations de communication. L’importance de la construction de la légitimité de l’association – Speed, 2000 «Si une marque sportive peut espérer profiter pleinement de l’émotion suscitée par une coupe du monde, il n’en est pas de même pour une marque non sportive. Coca cola doit systématiquement mener des actions de communication avant les grands événements auxquels elle participe pour établir sa sincérité et ainsi profiter pleinement des retombées sentimentales.» Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 70 S’il est assez simple de créer ou de diffuser de telles similarités auprès du personnel, il n’en est pas de même pour les cibles externes. Ainsi, les salariés peuvent s’impliquer dans le projet (si on leur confie certaines tâches de celui-ci, par exemple) ou peuvent facilement être «atteints» (par le journal de l’entreprise par exemple, par la hiérarchie…). Certaines entreprises vont même plus loin en diffusant dans leurs lieux de détente de petits reportages sur les derniers résultats et faits marquants de l’avancement de la saison du sportif auxquel elles sont liées. En revanche, il est plus difficile de diffuser de telles informations auprès des fournisseurs, clients, prospects… il faut donc utiliser d’autres vecteurs de communication pour se donner un maximum de visibilité. La visibilité Nous avons déjà défini la visibilité comme étant un facteur déterminant du choix de la personnalité soutenue. Cependant, il appartient à l’entreprise de la favoriser par un ensemble d’actions : rendre un partenariat visible (et, comme nous venons de le voir, dans la durée et cohérent avec les objectifs poursuivis) est donc une condition à la réussite de celui-ci. Il faut rappeler que dans le cas du mécénat, la visibilité du partenariat est limitée (car les retombées dont bénéficie le mécène doivent théoriquement se limiter à 25% du montant des dépenses engagées). L’entreprise doit donc s’assurer que tout est fait pour que son association soit perceptible par ses cibles. Pour cela, (et en fonction des termes du contrat de partenariat), plusieurs points doivent être pris en compte : Si l’équipement du sportif est support du nom ou d’un logo de l’entreprise, il faut s’assurer que celui-ci est bien visible (cf. l’exemple du nom du catamaran et du nageur). Dans cette réflexion, il faut également prendre en compte l’exposition médiatique du sportif et s’assurer que le parrain puisse bien apparaître aux côtés de celui-ci (dans le cas de la présence d’un logo sur l’équipement, on s’assurera que celui-ci est bien dans le champ des caméras lorsqu’elles se focalisent sur le champion…etc.) Pour être visible, mémorisable et efficace il est aussi primordial d’éviter le problème de l’encombrement : un individu mémorise rarement plus de deux sponsors (2,15 en moyenne selon Walliser et Nanopoulos, 2000) lorsqu’il assiste à un spectacle sportif (son attention se focalise prioritairement sur le jeu ou le déroulement de la compétition). De plus, la multiplication des partenaires peut provoquer une banalisation, une saturation et une incompréhension de ce mode de communication. Parrainer un sportif arborant déjà les couleurs de plusieurs entreprises est inefficace. Il faut donc se démarquer, se différencier. Un exemple de partenariat « raté » nous est ainsi donné par les 3 principaux opérateurs téléphoniques français qui, plutôt que de se différencier, se sont copiés et neutralisés: en moins d’une minute, un téléspectateur pouvait voir une publicité d’Orange (avec Zinedine Zidane), le générique d’une émission de football parrainée par Bouygues Telecom et une interview d’un joueur de l’équipe de France arborant le sigle de SFR. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 71 «Trop de sponsors tuent le sponsor» - F. Bolotny «avec sept sponsors sur un même maillot, les retombées sont quasi nulles. Cela amoindrit l’aspect qualitatif du partenariat». Différents outils sont à la disposition des entreprises pour offrir une meilleure exposition à leur partenariat. Publicité et promotion Si le parrainage d’un sportif de haut niveau offre une opportunité de communication originale et plus efficace que les vecteurs plus classiques, elle ne se suffit pas à elle-même. Rappelons toutefois que le sponsoring a été identifié comme étant trois fois plus efficace (en termes de mémorisation) qu’une campagne de publicité classique (selon Sponsotest Tracking Survey, 2003). L’efficacité du partenariat sportif dans l’élaboration de la notoriété Yves Gonnord, PDG de Fleury Michon, partenaire du skipper P. Poupon pendant 20 ans : « Pour atteindre ce niveau de notoriété à l’aide de la publicité classique, il aurait fallu investir trois fois plus que dans la voile, avec P. Poupon » Source : interview de Y. Gonnord par F. Ponthieu, le parrainage sportif, Arnaud Franel éditions 2006. Toutefois, selon Cégarra (1994), « Il semble que le sponsoring et la publicité présentent une complémentarité telle que l’un n’atteint ses objectifs que s’il est relayé par l’autre ». Une telle affirmation va dans le sens de l’intégration du partenariat sportif à la stratégie marketing globale, et plus particulièrement à la stratégie de communication de l’entreprise. Par ailleurs, lorsque l’exposition d’un champion est ponctuelle, on peut avoir recours à la publicité afin d’en prolonger le souvenir et répondre aux exigences de redondance dont nous avons parlé plus haut. D’autres détails prouvent la complémentarité de la publicité et du partenariat : selon Pichot (2001), « d’un point de vue technique, la qualité des messages du parrain ou du sponsor est souvent médiocre. Ils sont très brefs, peu lisibles, incomplets et se limitent à la mention de son seul nom ». A l’inverse, un message publicitaire est de meilleure qualité, notamment parce que les différents paramètres peuvent être plus facilement maîtrisés. Finalement, le couplage du sport et de la publicité est efficace car la communication par l’événement de la compétition inscrit l’entreprise dans le domaine de la véracité, du réel («c’est cet homme qui a réalisé le record du monde du 100m ») alors que la publicité permet de diffuser et de rappeler le message du parrain tout en le faisant sortir du registre de l’imaginaire auquel une publicité Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 72 classique appartient. A l’inverse, sans publicité, le message du sponsor serait incomplet et n’apparaîtrait qu’en second plan des apparitions du sportif. « En réunissant les deux à travers un plan médias d’ensemble, la communication se donne toutes les chances d’atteindre ses objectifs, notamment ceux de notoriété» (Quester et Thompson, 2001). Complémentarité de l’image du champion et de la publicité « Le recours au sport spectacle, réputé universel et d’une grande efficacité sémiotique, permet au sponsor de revendiquer une certaine légitimité que la publicité ne lui permet pas d’obtenir. Le message publicitaire est une fiction conçue selon un scénario, produite en studio dans un décor factice, interprétée par des comédiens. Il s’inscrit dans un imaginaire inaccessible, sinon le rêve. A l’opposé, le spectacle sportif est un spectacle vrai qui se déroule dans un stade, sec ou boueux selon la météo du jour, joué par des compétiteurs qui ne font pas semblant, qui souffrent, qui explosent de joie, qui se blessent et qui peuvent gagner ou perdre de façon fondamentalement imprévisible. Il y a une authenticité, une vérité et une émotion du sport que la publicité classique ne peut pas aborder. » Source (Marketing et gestion des clubs sportifs B. Augé et G. Tribou, 2006) Les publicités télévisuelles sont souvent efficaces dans le cadre de partenariats d’envergure (lors des JO d’Albertville, il a été prouvé que les 7 partenaires les plus cités lors de tests de notoriété avaient mis en place une campagne publicitaire télévisuelle lors de l’événement). Il peut aussi être très intéressant de « rappeler » le partenariat par l’intermédiaire de la publicité au lendemain d’un exploit (comme Bouygues Telecom l’a fait dans L’Equipe lorsque T. Voeckler portait le maillot jaune du Tour de France 2004). Les campagnes d’affichages ont aussi un intérêt, notamment lorsqu’il s’agit d’exposer les liens et le rapport entre un champion et un produit (lorsque Seat parraine J-W. Tsonga pour mettre en avant la puissance d’un de ses modèles, par exemple). Illustration et innovation du partenariat comme support de publicité A l’occasion du match de finale de la coupe d’Europe 2004 de football entre le FC Valence et l’Olympique de Marseille, Orange a fait diffuser un spot publicitaire à la mi-temps qui intégrait les images du but marqué six minutes plus tôt. Plusieurs avantages semblent se rapporter à une telle opération : d’une part, la puissance du message publicitaire était décuplée et se distinguait radicalement des autres. D’autre part, cela permettait de bénéficier de l’état émotionnel du spectateur pour mieux faire passer le message. La publicité permet donc de renforcer, de légitimer et de participer à la diffusion du message que le partenariat aide à construire. La mise en place d’opérations de promotion sur les lieux d’achats des produits de l’entreprise va permettre de prolonger cet effet. Diverses actions vont dans ce sens : des affichages sur les lieux d’achat, sur le packaging des produits peuvent rappeler l’association avec le champion. Si celui-ci est plus impliqué, on peut aussi imaginer de créer des animations visant à attirer des individus qui pourraient alors être touchés par l’ensemble des supports de communication (Internet, TV, radio…). Ainsi, on peut exposer le vélo avec Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 73 lequel tel coureur a remporté une grande course, organiser une séance de dédicaces, un concours («Serez-vous plus fort que Tony Parker» ? est un jeu vidéo en ligne que Seat a exploité pour créer du trafic sur son site Internet). En suscitant l’intérêt et une image positive auprès des visiteurs, il est donc possible de bénéficier de retombées en termes de notoriété, d’image, et d’actes d’achat. Les relations médias La fonction de «relation média» a pour principal but de maximiser les retombées rédactionnelles mettant en avant l’association entre l’entreprise et le sportif. Pour cela, un « attaché de presse » (ou tout autre membre de l’entreprise occupant une fonction similaire) doit faire jouer son relationnel et collaborer avec les journalistes et les principaux acteurs médiatiques. En leur diffusant des communiqués de presse (qui peuvent prendre en compte les éléments que le parrain souhaite retrouver dans les médias) ou en leur mettant à disposition un dossier de presse, il est donc possible de «provoquer» les retombées médiatiques induites par le partenariat. Il est également envisageable d’octroyer des avantages aux journalistes (en les invitant à assister à une compétition, en prenant leurs frais de déplacement en charge…) ou d’organiser des conférences de presse. Finalement, les relations avec les acteurs médiatiques peuvent améliorer la visibilité du partenariat. Les relations publiques Les actions de relations publiques peuvent avoir de multiples objectifs et conséquences : de telles opérations de communication peuvent contribuer à la réussite de l’ensemble des types et des domaines d’application des partenariats sportifs. Par exemple, l’entreprise peut inviter ses meilleurs clients, les gagnants d’un jeu concours (qui aura permis au préalable d’élaborer une animation sur un point de vente), des cadres de l’entreprise, des salariés, des fournisseurs,…etc. à assister au déroulement d’une compétition, à une rencontre avec le champion… L’entreprise peut aussi toucher le public des sportifs en étant présente sur les lieux de la compétition (par l’intermédiaire du « village partenaires », par exemple). Les relations publiques sont un mode de communication privilégié dans le cadre d’opérations de mécénat : en effet, l’éthique impose au mécène une certaine discrétion qui n’empêche pas de développer une communication interpersonnelle très ciblée (et très efficace) envers quelques journalistes, collaborateurs, ou clients invités à partager un spectacle sportif ou une intervention de l’athlète. De telles actions sont d’autant plus efficaces que les personnes concernées peuvent avoir l’impression d’être privilégiées et de bénéficier d’une «exclusivité». Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 74 Exemple d’exploitation d’un partenariat (Adidas) – A. Francke «Le leitmotiv en matière d’équipement est de faire porter au bon sportif, le bon produit au bon moment. Ainsi, la dotation de chaque sportif est pensée en fonction, bien sur, de sa pratique sportive et de ses besoins mais aussi en fonction de sa personnalité, de son style et de la segmentation marketing à laquelle nous l’avons identifiée. Le sportif sponsorisé devient un ambassadeur de la marque et de nos produits. Il va ainsi pouvoir soutenir le lancement de nouvelles gammes (ex : J.W. Tsonga et la nouvelle Barricade VI lancée à l’occasion de RG 2010). Il nous arrive aussi d’avoir un rôle d’intermédiaire entre les athlètes et les médias. Notre service Relations Presse travaille au quotidien en lien avec les médias et identifie des opportunités de prises de parole pour les athlètes en contrat avec la marque. Le résultat est de type gagnant-gagnant : les athlètes et la marque gagnent conjointement en visibilité/notoriété. On essaie aussi de capitaliser sur certains événements ponctuels en mettant en place ce qu’on appelle des «tactical events». Par exemple, lorsque T. Riner a remporté le titre mondial à Rotterdam, l’an dernier, nous l’avons fait venir le lendemain à notre magasin des Champs Elysées pour une séance d’autographe et nous avons organisé une petite tournée médiatique. Les retombées ont été excellentes. Assez régulièrement, nous mettons en place des opérations dans nos points de vente intégrant des athlètes : séances de dédicaces, conférences e presse etc…». Les sportifs de la marque peuvent également participer au développement des produits, et être invités à faire des interventions en interne. Dernière chose et pas des moindres, nous mettons un point d’honneur à organiser des rencontres entre les sportifs du team adidas. Que ce soit à l’occasion d’événements sportifs (matchs de football, Roland Garros, etc…) ou lors d’événements extra-sportifs (Rassemblement du team olympique, événements de marque etc…), nous essayons de rassembler les athlètes afin qu’ils puissent se connaître et développer des amitiés. Le team adidas c’est un peu comme une grande famille. C’est génial de voir que les sportifs suivent les résultats des autres dans d’autres disciplines, de les voir s’encourager les uns les autres tout au long de la saison.» Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010 CONCLUSION On peut distinguer trois dimensions formant le contenu de la communication : l’information, l’émotion et les valeurs (M. Lieberman, 2008). Alors que l’information constitue le fond du message, il apparaît que l’association d’un sportif au message permet de décupler l’impact lié aux émotions et aux valeurs dont il est porteur. Toutefois, tirer profit du partenariat sportif n’est pas une chose simple : selon les objectifs poursuivis, il appartient à l’entreprise d’intégrer cette démarche à l’ensemble de son mix marketing. Plus précisément, il lui appartient d’exploiter au mieux les axes de communication que celui-ci offre et de les valoriser grâce au panel des outils dont elle dispose (comme la publicité, ses relations). De cette façon, il est possible de maximiser les bénéfices qu’une CIP ou qu’une action de sponsoring ou de mécénat peut engendrer. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 75 C. En aval de l’opération mesurer les retombées Aujourd’hui, et bien que le partenariat sportif fasse partie d’un grand nombre de mix marketing, on peut dire qu’il s’agit là d’une discipline « adolescente » de la science de la communication (son développement à grande échelle est apparu lors du début des années 80). Cela se révèle notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer l’impact réel d’une telle opération. En effet, les outils et les démarches permettant ce type d’évaluation sont relativement restreints et sujets à caution. Cependant, ils sont indispensables pour diagnostiquer un partenariat, définir les points à améliorer ou justifier l’investissement initial (rappelons que ce point est d’une importance capitale vis-à-vis du personnel ciblé par une action interne). Une des difficultés que comporte la tâche d’évaluation, réside principalement dans le fait que le partenariat est intégré aux différentes stratégies de l’entreprise (il en est généralement de même pour les opérations classiques de communication) et que ses effets sont perceptibles à moyen ou à long terme. Ainsi, il semble opportun de mesurer l’effet du partenariat en fonction de variables intermédiaires qui correspondent aux différents objectifs poursuivis à travers cette action (notoriété, image, crédibilité du produit, motivation et performances du personnel…). L’évaluation doit prendre trois dimensions en compte (d’après Brochand et Landrerie, 2001) : Auprès de qui la mener ? Cela concerne, bien évidemment, la cible de communication qu’il faut pouvoir atteindre et contacter. Il faut donc définir la population que l’étude doit prendre en compte. Que faut-il évaluer ? Si les objectifs initiaux nous permettent d’identifier les notions que l’entreprise cherche à développer, il faut encore savoir comment les évaluer. Quand procéder à l’évaluation ? Le(s) moment(s) de la mise en œuvre de ce travail est déterminant par rapport aux résultats qu’on cherche à avoir (surtout pour l’étude d’une éventuelle évolution des indicateurs choisis). Selon les mêmes auteurs, quelques principes simples peuvent être énumérés : la conception et la budgétisation de cette tâche doivent être définies en amont de l’action (d’après M. Desbordes, elle représente, en moyenne, 10% du budget global du partenariat) et doivent décrire les objectifs et les indicateurs sur lesquels on souhaite porter la réflexion. La comparaison du score de ces indicateurs avant et après l'opération, et à condition qu’il soit possible d’isoler l’action du partenariat des autres éléments du marketing mix, doit permettre de mesurer l’évolution de ceux-ci suite à l’association au sportif. Enfin, on favorisera une méthode de mesure systématique (plutôt qu’exceptionnelle et ponctuelle) qui offre la possibilité d’obtenir des données comparables d’une campagne de mesure sur l’autre. A présent, nous allons voir les différents outils de mesure de l’impact d’une opération de communication basée sur le partenariat sportif. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 76 Press book et retombées médiatiques Le «tracking» (qui correspond au repérage et au comptage des apparitions dans la presse du partenariat entre le sportif et l’entreprise) constitue le B.a-ba de l’évaluation des retombées qu’engendre une telle opération. Il est évident que le press-book peut alors servir de base à ce type d’étude : il est même possible de calculer « l’équivalent publicitaire » (qui tourne très souvent à l’avantage du partenariat sportif selon M. Desbordes, 2006). Toutefois, cela semble largement insuffisant pour mesurer l’impact réel de la stratégie de partenariat. Mesure des apparitions dans la presse: un outil utile mais incomplet B. Lalande, directeur de TNS Sport : « J’ai commencé dans ce métier [dans les années 90] à travailler pour le groupe Philip Morris et à l’époque, je m’intéressais à toutes les retombées de Marlboro dans les grands prix de F1. […] Sans être cynique, on mesurait l’épaisseur du press-book, on comptait le nombre de visuels et le nombre de citations. On raisonnait donc au kilo sans valoriser les coupures de presse ! Quand on en avait plus que Rothmans, on était content… » Source : interview du 4/03/2004 par M. Desbordes (Stratégies des entreprises dans le sport, 2001) Il semble d’ailleurs que ce phénomène reflète la tendance que suivent les entreprises : alors que dans les années 90, on développait un véritable « sponsoring de masse » aujourd’hui, on assiste plutôt au développement de « partenariat de sens et de contenu » (F. Ponthieu, 2006) L’étude de l’audience directe et indirecte (thème que nous avons déjà abordé : cela se fait notamment grâce aux données fournies par la billetterie des enceintes sportives ou par des outils de médiamétrie) permet de donner une représentation relativement précise du public touché par l’action de communication. Pour compléter et exploiter au mieux ce type d’informations, on peut préconiser une réflexion concernant la qualité de la visibilité qu’offre l’opération de communication. Mesure de la visibilité télévisuelle «L’efficacité [d’une opération de communication externe] est liée aux conditions d’exposition et de mise en valeur des messages» (Walliser, 1994, Pope & Voges, 1997). Il n’est donc pas anodin de se pencher sur la question de la qualité de la perception du partenariat. Pour cela, il existe des outils de mesure et d’analyse de la visibilité des marques et de leurs logos lors des retransmissions télévisuelles : entre autre, le logiciel Magellan SN Vision est une application au sponsoring d’un système d’usage industriel (utilisé pour le contrôle de qualité) et marketing (permettant l’évaluation du placement des produits sur leur lieu de vente). En ce qui concerne la communication par le partenariat sportif, il offre la possibilité d’étudier la reconnaissance Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 77 des logos de marques lors des diffusions de programmes sportifs (durée d’exposition, surface d’exposition, facilité de reconnaissance…). L’analyse de ces scores permet d’optimiser le support d’exposition qu’offre le sportif. Jusqu’à présent, nous avons vu des indicateurs «intermédiaires», qui permettent plus d’apprécier les performances d’exposition de l’opération plutôt que les effets réels du partenariat sportif. A présent, nous allons donc nous pencher sur la question de l’efficacité concrète par rapport aux principaux objectifs que nous avons identifiés (notoriété, image, crédibilité produit, vente de produits dérivés, motivation et efficacité du personnel). Evaluation des données intermédiaires de communication L’évaluation de l’impact sur la notoriété Le développement de la notoriété peut être l’une des raisons d’être du parrainage. Or, la notoriété est un indicateur très volatil qui peut connaître un sommet au moment de la diffusion de l’opération de partenariat et chuter très rapidement après. L’idéal pour une entreprise étant d’être le «top of mind», c’est à dire, d’être la première marque citée (à une question du type «quelle marque de voiture connaissez-vous ?»). Afin de mesurer uniquement la composante «partenariat» (et de la distinguer de l’ensemble des autres opérations de communication de l’entreprise), on peut mesurer le score de notoriété de l’ensemble des partenaires d’un sportif ou d’un sport («selon vous qui est sponsor d’Alain Bernard ?»). Il peut être intéressant de comparer le score de notoriété des individus associant une marque à un champion à celui de ceux qui ne les associent pas. Si le premier est supérieur au deuxième, on peut donc supposer que l’association a été fructueuse auprès du public du sportif. Enfin, la mesure de la notoriété assistée permet de donner une idée de la reconnaissance (plus que de la mémorisation) du partenaire. En fonction de la population étudiée et des moments de mesure (avant/pendant/après) il est donc possible d’évaluer l’accroissement de la notoriété d’une entreprise suite à une action de sponsoring ou de mécénat. Evolution de l’image perçue Deux dimensions peuvent nous intéresser quand aux modifications éventuelles de l’image de l’entreprise : quelles représentations se font les individus du sportif et dans quelle mesure celles-ci ont modifié celles de ladite entreprise. Ce type d’étude est particulièrement délicate à mettre en place et est souvent confiée à un prestataire. Malgré tout, plusieurs types de démarches sont envisageables : Les études quantitatives Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 78 Les études qualitatives (qui semblent bien appropriées aux problématiques de l’évaluation de l’image d’un sportif, d’un produit ou d’une entreprise) Concrètement, voici les différentes méthodes applicables (par ordre croissant de pertinence, d’après nous): Le questionnaire (type QCM qui semble relativement « normatif » et limité dans notre cas) Le test d’opinion et d’image (permettant d’évaluer les représentations selon les critères choisis au préalable). Les entretiens (individuels, collectifs, avec des tests associatifs ou projectifs…etc.). Cette voie nous paraît être la plus complète et la plus intéressante dans la mesure où elle peut permettre d’enrichir l’analyse d’éléments de réponse imprévus. La principale difficulté imposée par ce type de travail est d’isoler le partenariat de tous les autres éléments du mix marketing afin d’attribuer les effets de celui-ci aux « bonnes causes ». Ainsi, et même si des tendances peuvent être dégagées, il est très difficile de mesurer l’impact réel et effectif de la stratégie de communication sur l’ensemble des composantes de l’image et du positionnement de l’entreprise. Evolution de l’image de Schweppes suite au sponsoring de deux pilotes de formule 1 La société Schweppes commandita une étude relative à son image une semaine après un grand Prix de F1. L’étude différenciait les consommateurs qui déclaraient savoir que Schweppes parrainait l’équipe West McLaren Mercedes (et les deux pilotes D. Coulthard et M. Hakkinen) de ceux qui ne le savaient pas. L’objectif était de montrer que le soda permettait de revitaliser et rafraîchir les gens. L’étude a montré que les consommateurs informés de l’opération de partenariat avaient une image très forte de la marque sur les dimensions suivantes : « boisson rafraîchissante » (+33%), « pour les jeunes adultes » (+13%), « qu’il faut considérer » (+10%), « de bonne qualité » (+9%) et « à mélanger avec de l’alcool » (+16% ! ?) Cet exemple montre à quel point l’association avec des personnalités sportives peut être puissante sur les représentations d’une marque… et à quel point il est important d’en «maîtriser» au mieux les conséquences. Crédibilité du produit et vente de produits dérivés Encore une fois, la notion de preuve d’efficacité du produit induite par son utilisation par un athlète est relativement floue et difficile à détacher des autres composantes marketing. Toutefois, il semble que des outils similaires à ceux que nous venons de voir peuvent apporter des éléments de réponses (notamment si on suppose que la plus-value qu’un sportif peut apporter dans ce type de situation se traduit par un regain de notoriété et l’élaboration d’une image positive du produit). Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 79 La vente de produits dérivés est évaluable selon les outils classiques de gestion : chiffre d’affaires, part de marché…etc. En revanche, il est plus difficile de mesurer précisément et de définir les influences que de telles ventes peuvent avoir sur les autres paramètres que nous venons de voir, et notamment sur celui de l’image que ce genre de produit renvoie de l’entreprise dans sa globalité. Evaluation de la motivation et de l’efficacité au travail Il s’agit probablement du domaine pour lequel il est le plus difficile de définir les bénéfices qu’un champion peut apporter. En effet, il est très difficile de savoir dans quelle mesure sa rencontre ou l’invitation de certains salariés à assister à une de ses compétitions peut influer positivement ou négativement les « performances humaines » de l’entreprise. Si certains indicateurs «classiques» peuvent donner une tendance de l’évolution de l’implication et de la motivation du personnel (taux d’absentéisme, nombre d’accidents de travail…), il semble plus opportun de réaliser une étude de fond, telle que les entreprises de conseil en communication ou de coaching peuvent proposer (étude de la satisfaction au travail, de l’implication des salariés vis-à-vis de l’entreprise). Malgré tout, nous sommes de l’avis que de telles notions sont plus fonction de l’appréciation du manager que de données quantifiées et chiffrées. La définition de la culture d’entreprise (que nous avons développée dans la partie II) comporte elle-même l’idée d’actif immatériel et informel. Les retombées du partenariat comme outil de communication interne sont donc plutôt soumises à un jugement qu’à une évaluation formelle. Entreprises de conseil Confier l’évaluation de l’efficacité de la communication liée au partenariat sportif, et même aux opérations de communication dans leur ensemble, à une agence de marketing, une société de conseil ou un institut d’étude (on peut citer les sociétés TNS Sport et Sport Marketing Surveys, entre autres) semble être un bon choix. D’une part, cela permet de bénéficier (théoriquement) d’une expertise poussée et fiable pour laquelle toutes les entreprises n’auraient pas forcément les ressources nécessaires. D’autre part, cette démarche peut éviter à l’évaluation d’être biaisée par un éventuel « chargé de partenariat » qui pourrait être tenté (consciemment ou inconsciemment) de justifier l’opération dont il est en charge en majorant les retombées qu’il observerait. Le prestataire est donc garant d’une certaine objectivité de l’analyse. D’ailleurs, le suivi des actions de partenariat est assuré en externe dans 46 à 74% des cas selon le type d’étude (en excluant les études sur l’évolution des ventes, source UDA 1998-1999). Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 80 Voici à titre d’exemple, le type de données qui peuvent justifier l’investissement dans le domaine sportif. Il s’agit d’une étude de la visibilité que le Tour de France a donné à la Française des Jeux ainsi que d’une estimation du coût d’une exposition publicitaire similaire. Remarque : ce document annonce un retour équivalent à 2,5 fois l’investissement de départ ! CONCLUSION Les outils d’évaluation des bénéfices qu’engendrent les associations avec les sportifs de haut niveau existent et permettent une réelle optimisation et des ajustements de la démarche et des actions mises en œuvre. Malgré tout, nous avons pu voir qu’il est difficile de définir des normes précises : l’évaluation repose donc principalement sur des appréciations, ce qui peut constituer une limite. Cependant, nous allons voir que ce n’est pas le seul risque que le partenariat comporte. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 81 D. Dangers et limites du partenariat sportif Loi du sport et incertitude Avant d’être un spectacle, n’oublions pas que la compétition sportive est le lieu et l’instant où le sportif s’exprime, se mesure aux autres compétiteurs et se bat pour atteindre son rêve et ses objectifs. Cette bataille se joue entre des acteurs qui sont avant tout des hommes. Or, l’humain ne peut maîtriser tous les facteurs (son niveau de forme, l’environnement, la météo, le niveau de ses adversaires) qui font sa victoire ou sa défaite. L’incertitude du résultat, de la réaction des athlètes, de ce qui va se passer… est donc un des fondements de la culture sportive qui contribue grandement à l’intérêt et à la passion dont il fait l’objet. Le suspens, voilà ce qui permet au spectateur d’être tenu en haleine, d’être suspendu aux moindres faits et gestes des champions qui s’affrontent. Est ce que cet athlète est en forme ? Va-t-il supporter la pression ? Alors qu’il est parti moins vite que son adversaire, va-t-il se crisper ou se lâcher ? Que dit l’arbitre ? Voilà les questions qui donnent l’intérêt au scénario que les athlètes de haut niveau écrivent à chaque fois qu’ils courent, rament, tirent… L’attrait du sport selon Woody Allen «Lorsque vous allez au théâtre, vous vous laissez porter, mais vous savez pertinemment où l’histoire va vous emmener. La plupart du temps, vous avez même des chances de vous endormir. Mais lorsque vous vous rendez au Madison Square Garden, pour aller voir jouer les Knicks de New York (l’équipe de basket locale), la proportion est inverse. Bien sûr, les matchs peuvent être ennuyeux, mais vous êtes incapable d’en prévoir les rebondissements… Tous les metteurs en scène voudraient tendre vers ça… » Source : B. Moulin, Sport, fric & strass, Eyrolles société, 2002 Si les sportifs ne sont pas maîtres de leur destin, il en est forcément de même pour les entreprises qui s’y lient. En effet, le manager qui signe un contrat de partenariat avec un athlète de haut niveau aura forcément à l’esprit les multiples risques que ce dernier court et auquel il s’expose également. Ces dangers peuvent prendre différentes formes et peuvent remettre en cause une opération de sponsoring ou de mécénat. Quels sont-ils et comment les prévenir ? Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 82 Les risques liés aux performances sportives Les résultats d’un athlète portant les couleurs de son entreprise sont forcément suivis avec attention, notamment lorsque le but de l’opération concerne la notion de performance et de réussite (par exemple, on peut supposer que le développement d’un produit sportif avec un «perdant» est voué à l’échec). Les causes d’un échec peuvent être multiples : le sportif peut commettre des erreurs dans sa préparation, peut jouer de malchance, craquer sous la pression… Remarquons, d’ailleurs, que le partenariat peut contribuer à instaurer des obstacles à la performance. Le sportif ayant des contrats de sponsoring de plusieurs millions d’euros, ou, à l’inverse, celui qui subsiste difficilement avec les modestes émoluments de quelques partenaires bienveillants sans qui il serait contraint à l’abandon de sa carrière sportive, peut se retrouver dans des dispositions psychologiques telles qu’il concoure plus dans le but d’améliorer sa situation financière que dans celui de remplir son objectif sportif et de s’épanouir dans sa discipline. Or, il est admis que des motivations financières démesurées (ou de développement de la renommée…) sont nuisibles à la réussite sportive. Ainsi, le miroitement d’une prime de victoire astronomique peut faire perdre ses moyens au sportif concerné. Il convient donc qu’il soit capable de faire la part des choses. Le risque de blessure physique est aussi très présent. Cela peut plonger un individu dans un cercle vicieux de défaite et peut même conduire à l’arrêt de la carrière sportive. Un champion éloigné des terrains pendant une longue période verra à coup sûr son audience baisser et offrira d’autant moins de visibilité à l’entreprise associée. La performance réunit un ensemble de facteurs complexes et inextricables. De plus, l’être humain n’est pas une entité binaire ou rationnelle : il n’est donc pas toujours possible de trouver une cause à une baisse de résultat ou d’expliquer pourquoi untel est plus fort ou plus rapide que untel. Il faut donc bien prendre en compte cette possibilité lors de la signature d’un contrat de partenariat. Bien entendu, il est possible d’inclure certaines clauses à celui-ci (suspension du contrat en cas de blessure, baisse des sommes versées en cas de relégation ou de contre performance…) qui permettront au moins de limiter les sommes « investies à perte » (mais attention à ne pas passer pour un arriviste !). Toutefois, il nous semble qu’une autre solution est bien plus appropriée. Si l’échec peut paraître incompatible avec certains objectifs (et notamment celui d’associer une image de performance à son entreprise), il semble que dans ce cas, il peut être intéressant de « détourner » l’application de l’association avec le sportif. Tout grand champion, comme tout être humain, a forcément connu des échecs au cours de son existence. Ceci n’est pas une fatalité et il serait absurde de le nier. Or, à travers ce type d’expérience, comme à travers la victoire, le sportif peut servir une entreprise en incarnant les valeurs de combativité, de volonté, et d’abnégation dont il doit forcément faire preuve pour se sortir de la situation d’échec «Ses plaies [celles du sportif] et ses bosses donnent du relief à son histoire. Comme dans n’importe quel bon scénario, sa carrière mêle gloire, disgrâce et rédemption. On l’aime aussi et surtout pour ses défauts, qui façonnent sa légende». (B. Moulin, 2002) Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 83 « Le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme » (W. Churchill) Les réactions positives des sportifs après des défaites peuvent, dans un premier temps, contribuer à l’élaboration de sa renommée et de son image (avec des valeurs telles que celles que nous venons de citer). Le meilleur exemple nous est donné par R. Poulidor, éternel second du Tour de France dans les années 60, qui, malgré son étiquette de « perdant », peut encore aujourd’hui jouir d’une popularité considérable. D’autre part, l’athlète qui saura gérer un échec et rebondir au mieux pour retrouver la victoire peut également illustrer les dire d’un manager vis-à-vis de ses salariés. Management et gestion de l’échec Extrait d’un mail de J.C Stengel (directeur communication de SERMES) à destination de la force de vente de l’entreprise : «Bonjour à tous, quelques nouvelles de Guillaume Burger ... Guillaume s'est livré à quelques commentaires sur son site après les épreuves de qualification du week-end dernier [qui ont constitué un échec notable]. La leçon du jour : rebondir après une défaite ! Attitude mentale positive, remise en cause et envie de progresser font aussi partie des valeurs SERMES. Malgré un environnement difficile, une concurrence acharnée, chacun d'entre nous doit continuer à se dépasser et rebondir pour relever de nouveaux challenges.» Bien qu’indésirables, les défaites font partie intégrante du sport de compétition et de la vie en général. Selon nous, les rejeter ou les ignorer est donc une erreur. Les risques liés à l’image du sportif L’image et la renommée des personnalités sportives jouent un des premiers rôles par rapport à leur implication dans une stratégie de communication. Or, comme nous l’avons vu, la « starification » et l’exposition médiatique des athlètes font qu’elles dépendent d’éléments extérieurs à la performance. Les pressions subies par les sportifs prennent de nombreuses formes, et leur implication est parfois telle qu’ils peuvent « craquer » au risque d’entacher leur propre image… et donc celle de leur partenaire (car ceux-ci « bénéficient » d’un transfert de valeurs et de représentations, qu’elles soient positives ou négatives). D’ailleurs, les exemples de comportements déplorables sont nombreux : citons Z. Zidane, icône française adulée, symbole de sagesse, et… auteur d’un coup de tête mémorable. La violence, le racisme ou les conduites antisportives sont des problèmes qui touchent le sport (le football en particulier) qu’il est absolument impossible de maîtriser et qui peuvent être dévastateurs pour le sportif et les symboliques qu’il porte d’une part, pour ses partenaires d’autre part, mais aussi pour l’ensemble des personnes assistant à de tels incidents. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 84 Les terrains de sport sont aussi les témoins de différentes formes de tricheries : non respect des décisions arbitrales, dopage… Ce type de scandale devient tristement banal et fait régulièrement les gros titres. Toutefois, tous les sportifs ne sont pas égaux vis-à-vis de ce fléau. Comparons R. Virenque, coureur cycliste ayant avoué s’être dopé suite à l’affaire Festina (on remarque d’ailleurs que c’est le sponsor principal de l’équipe qui à donné son nom à cette affaire !) et R. Gasquet, contrôlé positif à la cocaïne. Même si nous ne disposons pas du même recul sur ces deux faits, il semble que le premier cité bénéficie aujourd’hui encore et malgré le scandale d’une popularité et d’une certaine « bienveillance » du public, alors que le deuxième s’est empêtré dans une situation bien plus complexe : les arguments invoqués par sa défense le placent à mille lieues des valeurs sportives qu’on pouvait lui prêter, et il semble que désormais, il ait plus sa place dans la presse people à scandale que dans la rubrique sport. Evidemment, de tels événements nuisent au sportif et à ses partenaires, qui, dans la plupart des cas, choisissent de retirer leurs investissements. Il est difficile de lutter contre de tels comportements car, malheureusement les tricheurs sont difficiles à identifier et bannir. Ceci est d’autant plus préoccupant que les tricheurs peuvent « emporter beaucoup de choses » dans leur chute : en 2005, 97% des Français «associaient le dopage au cyclisme» (source Ipsos). Pire, chaque fois qu’un homme réalise une performance remarquable, il voit immédiatement apparaître les suspicions de dopage. Retenons toutefois l’initiative de l’association française pour un sport sans violence et pour le fair-play qui a édité le « code sportif » : respect des règles du jeu, respect des décisions de l’arbitre ou du juge, de l’adversaire et des partenaires, refus de toute forme de violence et de tricherie, maîtrise de soi en toutes circonstances, loyauté dans le sport et dans la vie, exemplarité, générosité et tolérance. Ces dernières notions sont aussi bafouées par d’autres types d’affaires, encore plus éloignées des enceintes sportives : ainsi, et même s’il est toujours la référence de sa discipline, T. Woods a vu son image largement entachée par l’étalement de ses déboires conjugaux au grand jour (AT&T et Accenture ont décidé de ne plus le soutenir). Idem pour le footballeur F. Ribéry mêlé a une histoire de proxénétisme. Lutter contre ce genre d’épisodes de la vie personnelle des sportifs est illusoire et nous rappelle que même le plus grand champion est un homme avec ses défauts. L’ensemble des comportements que nous venons d’énumérer sont condamnables et peuvent être très dangereux pour les partenaires de leurs auteurs. En ce qui concerne l’application interne d’une opération de partenariat, il semble évident que de tels événements décrédibilisent l’action (le sportif étant censé être la véritable incarnation d’un idéal). En revanche, dans le cas d’une application en externe, les conséquences peuvent être surprenantes : pour en revenir à l’affaire Festina, il a été prouvé que la marque suisse a bénéficié, suite au scandale, du meilleur score de notoriété spontanée parmi l’ensemble des partenaires du cyclisme. Plus étonnant encore, le taux d’intérêt pour le Tour de France a augmenté alors même que le public se disait de plus en plus désabusé. Finalement, il semble que les conséquences de tels déboires sont imprévisibles et que l’influence du « respect de l’éthique » par le sportif sur l’efficacité de la communication est difficile à définir. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 85 Les risques liés à l’application du partenariat La dernière catégorie de limites du partenariat concerne celles qui sont propres à ce type d’actions de communication. Comme nous l’avons déjà vu, l’encombrement (la multiplicité des entreprises partenaires pour le même sportif) est nuisible: il faut donc s’assurer que l’opération permette une réelle différenciation (surtout par rapport aux entreprises du même secteur). L’exemple de l’investissement des 3 grands opérateurs de télécommunication dans le football représente le cas typique de stratégies vouées à l’échec. Cet encombrement peut notamment apparaître lorsqu’une tierce entreprise se livre à une action « parasite » : l’ambush marketing (littéralement, le «guet-apens»). Cette technique se définit comme étant le « détournement de l’attention d’un public d’un événement à son profit, au moyen des techniques de marketing d’une entreprise non accréditée par les ayants droits offerts par un contrat et dans le but de récupérer les avantages que procure le parrainage» (Fuchs, 2003). Exemple d’opération d’Ambush marketing Lors des Jeux d’Atlanta (1996), les organisateurs se sont aperçu qu’un néon Mac Donald (subtilement placé et éclairé) apparaissait dans le champ des caméras lors de la parade de la cérémonie d’ouverture. Ne faisant pas partie des partenaires de ces Jeux Olympiques, le restaurant a été contraint de retirer l’enseigne. Source : F. Ponthieu, le parrainage sportif, 2006 Ce type d’opération est d’autant plus nuisible qu’il est très difficile de le combattre. Toutefois, un parrain légitime peut engager des poursuites judiciaires contre les indélicats qui useraient de logos, symboles, images ou de sportifs avec lesquels aucun contrat n’aurait été signé. Malgré tout, l’identification d’une opération d’ambush marketing est très subtile: ainsi, Darty, pendant la coupe du monde de rugby 2003, s’est servi de son spot TV précédant le programme météo pour mettre en scène la voiture Darty qui tire un drop… Cela laissait supposer que l’entreprise était partenaire de l’événement ou de l’équipe de France, alors que ce n’était pas le cas. Ainsi, la «protection» de son partenariat peut être difficile. La multiplication du nombre et du montant des investissements dans le sport peut également présenter un danger. Lors des dernières décennies, le concept de «sport business» a émergé. L’exemple le plus criant de ce phénomène est le football pour qui le désamour du public français croît régulièrement (les valeurs sportives semblent passer au second plan, au profit des bénéfices financiers). N’oublions pas que les fondements du sport se trouvent dans l’amateurisme, l’effort gratuit et le besoin d’accomplissement. D’ailleurs, on peut s’inquiéter du pouvoir que certains sponsors arrivent à faire valoir au risque de dénaturer le spectacle sportif. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 86 Le partenariat sportif va-t-il trop loin ? Les législations de lutte contre le tabac prennent de plus en plus compte de l’interdiction de la publicité pour les marques de cigarettes. Ainsi, les principaux sponsors de la formule 1 qui appartiennent à cette branche (Malboro, Lucky-Strike…) ont « riposté » en usant de leur lobby pour délocaliser certains Grands Prix (en Malaisie, à Bahreïn ou en Turquie) dans des états plus souples ou pour obtenir des compensations financières (le Canada leur verse 18,7 millions d’euros de dédommagement !). Pire, le groupe audiovisuel américain NBC a obtenu le déplacement de l’horaire des finales olympiques de natation de 2008 (elles étaient programmées le matin plutôt qu’en fin de matinée) pour le confort des spectateurs américains, et au risque que cela n’influe négativement sur les performances des nageurs (il est reconnu que les performances sont moins bonnes et que les risques de blessures sont accrus lors d’efforts extrême à ces heures-ci). Enfin, bien que son efficacité soit prouvée, et comme nous l’avions déjà suggéré, l’évaluation de l’impact des opérations de communication basée sur l’association de sportifs présente encore un grand nombre de flous. Investir dans le sport n’est donc pas sans risque : l’issue d’une compétition est toujours incertaine et même les plus grands champions sont imparfaits. Cependant, et même si le partenariat sportif s’inscrit dans une stratégie «gagnant-gagnant», il semble primordial de ne pas y accorder plus d’importance que la raison ne l’impose. S’il s’agit d’un réel soutien à la réalisation de nombreux projets sportifs et d’un formidable outil de communication pour les entreprises, son excès risquerait de dénaturer l’essence même des nobles valeurs que porte le champion. CONCLUSION Le vecteur de communication offert par l’association à une personnalité sportive est d’une grande complexité. Toutefois, nous avons pu identifier les différentes étapes et la marche à suivre pour l’exploiter au mieux. L’entreprise désireuse d’utiliser l’expérience, l’image et les symboles d’un sportif prêtera attention à l’ensemble des paramètres pouvant influer sur ces critères (l’histoire du sportif, sa personnalité, le sport qu’il pratique, le profil de son public…). Elle devra également faire l’effort de valoriser cette opération afin de la faire connaître et de développer des liens forts entre l’image de l’entreprise et le champion. Enfin, l’évaluation des retombées de l’action permettra d’évaluer l’impact global du partenariat sur les composantes choisies au préalable et donnera des pistes d’optimisation. Nous retiendrons qu’en fin de compte, la réussite de tels partenariats dépend notamment de sa bonne intégration et complémentarité avec l’ensemble de la stratégie de communication. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 87 CONCLUSION : Comment optimiser le partenariat sportif ? Nous avons pu voir l’intérêt que le partenariat peut représenter pour les entreprises : en plus des avantages fiscaux dont elles peuvent bénéficier, les sportifs de haut niveau constituent des ressources humaines incomparables et peuvent les servir dans l’ensemble de leur communication. Grâce aux différents types de parrainage, et en intégrant cette démarche à la stratégie marketing globale, il est possible de profiter au mieux de ce formidable outil. Cependant, n’oublions pas que ce genre d’opération apparaît souvent en fonction d’opportunités aléatoires et qu’elles comportent des risques. Finalement, le parrainage sportif est un outil complexe et efficace qui apporte un réel élément de différenciation pouvant compléter et alimenter l’ensemble des outils de positionnement de l’entreprise. Cette démarche est d’autant plus pertinente qu’elle semble parfaitement en phase avec les problématiques marketing actuelles et notamment avec l’exploitation des nouvelles technologies d’information et de communication. Enfin, dans la dernière partie, nous allons étudier les intérêts que de tels partenariats présentent pour les sportifs d’une discipline souvent délaissée par ce type de recherche: le canoë-kayak. Rappelons que la notion de partenariat sous-entend un gain partagé entre tous les intervenants. Ainsi, nous verrons en quoi l’association à une entreprise peut être profitable aux champions de cette discipline et, à travers de nombreux exemples et l’application des concepts que nous avons développés jusque là, nous proposerons un ensemble d’actions susceptibles de favoriser l’éclosion et la réussite de partenariats. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 88 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises Partie IV PERSPECTIVES DU PARTENARIAT POUR LES CHAMPIONS DE CANOE KAYAK Après avoir passé en revue les enjeux du partenariat pour les entreprises, voyons ce qu’il en est pour les sportifs d’une discipline plutôt «marginale». Cette partie se veut «proche du terrain» et propose, par l’agrégation d’opinions d’un ensemble d’acteurs concernés, un panel d’idées et de pistes relatives à notre champ d’étude. Ainsi, nous souhaitons apporter notre contribution à la réflexion concernant le partenariat sportif et le sens que l’ensemble des parties prenantes peut lui donner. 89 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 90 contraintes du sport de haut niveau et intérêts du partenariat pour le kayakiste Introduction: Le canoë-kayak est un sport olympique regroupant de nombreuses disciplines (course en ligne, slalom, descente) dont la fédération regroupe environ 235 000 licenciés (2007). Dans cette partie, nous allons étudier l’intérêt que les athlètes de haut niveau de cette discipline peuvent trouver à travers le partenariat. Aujourd’hui, les contraintes du sport de haut niveau sont multiples: Pour performer, les sportifs doivent supporter des charges d’entraînement très lourdes. Selon l’encadrement de l’équipe de France olympique de course en ligne, un athlète aux ambitions mondiales doit s’entraîner 1000 heures par an et parcourir plus de 4000 kilomètres de kayak pour répondre aux exigences minimum imposées par cette pratique. En plus des contraintes horaires, les pressions physiques et psychologiques dépassent de beaucoup celles d’un «sédentaire». Un champion doit également faire preuve de capacités organisationnelles très poussées. En effet, il doit coordonner une multitude de facteurs et d’acteurs faisant partie de son environnement. Dans le canoë-kayak comme dans de très nombreux autres sports, il est même souvent nécessaire de doubler ses efforts pour s’assurer une situation financière et sociale décente. Les sports amateurs ne permettent que très rarement de subvenir aux besoins financiers de leurs champions. La pratique d’une discipline à haut niveau a d’ailleurs un coût et ne suffit pas toujours à assurer la reconversion dans la vie professionnelle. C’est pour cette raison que ce type d’athlète, parallèlement à sa quête d’or olympique, doit s’assurer de disposer des diplômes et des entrées nécessaires dans le monde du travail. Evidemment, ce double projet demande un investissement exceptionnel de la part de ces individus. Comme nous l’avons déjà vu au début de cette étude, les partenaires peuvent apporter une aide indispensable aux sportifs, et aux kayakistes de haut niveau en particulier: en leur permettant d’aménager leurs emplois en fonction de leurs contraintes ou en les soutenant financièrement ou matériellement, ils les préservent de certaines contraintes et participent à leur réussite sportive… En plus de cela, soulignons que le fait d’être parrainé et intervenir auprès d’une entreprise semble également apporter beaucoup sur le plan personnel. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 91 soutien, confiance et réalisation de soi - P. Colin Philippe Colin est champion du monde 2007 de kayak de course en ligne et gardien de la paix détaché à 80%. « Je pense que ça fait partie du sport de haut niveau : essayer de transmettre son expérience, son vécu… C’est très gratifiant de voir qu’on intéresse les gens lorsqu’on leur explique ce que c’est que de s’entraîner et de se préparer pour remporter des médailles. Grâce et la rencontre et au soutien de mes partenaires, j’acquiers aussi une certaine confiance. En fait, ils me confortent un peu dans mes choix, je sens que je ne suis pas tout seul. Et puis, il y a une certaine fierté lorsqu’on s’aperçoit que le palmarès est reconnu et admiré… Je pense que ça permet vraiment au sportif de franchir un cap, de s’épanouir à travers ces échanges et de donner de la valeur à tout ce qu’il entreprend ». Source : entretien avec Philippe Colin, 02.05.2010 Pour le sportif, s’associer à une entreprise peut également être avantageux vis-à-vis de son «apprentissage» et peut l’aider à mieux intégrer le monde professionnel lors de sa reconversion. En effet, en offrant ses services le champion peut développer des qualités oratoires (en animant des séminaires ou en essayant de convaincre un dirigeant de le parrainer), un esprit entrepreneurial, des qualités relationnelles… Si le partenariat entreprise - sportif présente un intérêt évident, il faut bien distinguer l’ensemble des formes qu’il peut prendre. Ainsi, il nous semble que pour un sport amateur tel que le canoë-kayak, les contrats d’insertion professionnelle représentent une voie privilégiée pour une discipline où la reconversion est un point sensible (les débouchés dans ce secteur sportif sont très limités) et où une activité professionnelle semble indispensable pour subvenir à ses besoins. De plus, ce type de contrat correspond parfaitement aux évolutions du parrainage de sportifs (d’un parrainage «de masse» vers un parrainage «de contenu»). L’emploi aménagé: bénéfice immédiat et à long terme, sur le plan professionnel ET sportif – F. During F. During est entraîneur de l’équipe de France de canoë-kayak de course en ligne «je suis sûr que pour les athlètes, il vaut mieux avoir un pied dans le monde du travail plutôt que d’être détaché à 100%: d’une part, ça leur permet de ne pas être trop «focalisé» sur le projet sportif, ça évite de tourner en rond, et quand ça se passe bien, ça permet de trouver une source de motivation supplémentaire. D’autre part, ça facilite grandement le passage du monde sportif au monde professionnel: quand on a consacré quasiment 20 ans à l’entraînement et aux compétitions et qu’on veut s’intégrer dans une entreprise, les choses ne sont pas simples. Ainsi, en ayant un contact permanent avec un employeur, on augmente ses chances de trouver un travail à plein temps dès l’arrêt de la carrière sportive. En plus, ça évite au sportif (souvent trentenaire dans ce cas là) de devoir trouver un travail avec un simple diplôme obtenu une dizaine d’années auparavant.» Source : entretien avec F. During, 11.05.2010 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 92 Trouver du soutien dans le monde professionnel semble donc bénéfique pour le sportif pour de multiples raisons. Le partenariat sportif s’inscrit véritablement dans une stratégie «gagnant-gagnant». Un très bon exemple de cela nous est donné par la fondation «Agisport». Un formidable réseau «d’échanges»: Agisport Agisport est un fonds de dotation regroupant une trentaine d’entreprises du secteur privé issues de la région de Strasbourg qui ont décidé de soutenir les champions locaux. Grâce à ce réseau, la fondation est en mesure d’offrir un «service» aux sportifs en leur proposant des stages, des actions de formation, un carnet d’adresses ainsi qu’un parrainage financier… De cette façon, elle aide les sportifs à atteindre le plus haut niveau tout en les accompagnant dans leurs démarches d’insertion professionnelle. «Ca nous paraît plus intelligent que de faire uniquement une démarche de sponsoring et de mettre le nom de nos entreprises autour d’un stade. On est dans une démarche plus sociétale, on aide vraiment les sportifs amateurs» (P. Deryl, président du fond d’action). Par l’intermédiaire de cette fondation, les entreprises s’établissent donc comme des partenaires sportifs de premier ordre et font preuve d’un acte civique majeur. Ainsi, elles peuvent bénéficier d’une image de bienfaiteur tout en profitant aux mieux des avantages que peuvent leur donner les sportifs de haut niveau. Un exemple concret est celui d’Inène Pascal, Sociétaire du club Aviron Strasbourg 1881 et finaliste des derniers Jeux Olympiques. En plus de l’aide financière et morale, Agisport lui a permis d’amorcer sa reconversion professionnelle en lui offrant la possibilité de valider son master en alternance au sein d’une entreprise de la fondation (la société Mathis). «Agisport m'a réellement évité de ‘’ramer‘' pour trouver une entreprise qui acceptait de m'accueillir et je suis convaincue que ce fond de dotation possède les ressources pour soutenir d'autres sportifs de haut niveau qui se retrouveront dans la galère de l'insertion professionnelle.» (I. Pascal). «On a décidé de l’aider pour sa polyvalence, sa capacité de travail, sa motivation, les valeurs et l’ensemble de ces côtés positifs dont on a besoin dans une entreprise» (J. Howiller, directeur développement de la société Mathis). L’intérêt de ce type de démarche nous montre bien que les deux parties peuvent s’y retrouver et profiter du partenariat. Sources : site Internet www.agisport.fr S. Giovannini, «les sportifs travaillent le fond», DNA, 5 Avril 2010 Reportage pour France 3 Alsace, 7 avril 2010 En employant un sportif et en l’aidant à réaliser son projet professionnel, le parrain se positionne comme un pilier de la performance de celui-ci. De plus, le parrainage est légitimé par le fait que le sportif produit réellement quelque chose pour son employeur: s’il n’est pas sur les lieux de travail, il porte les couleurs de l’entreprise en s’entraînant et en prenant part à des compétitions. Ainsi, le champion est identifié comme «appartenant» à la société, et on reconnaît d’autant mieux le lien entre les deux. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 93 A. Les atouts du canoë-kayak canoë kayak et similarité d’image Comme nous l’avons vu dans les parties précédentes, la discipline pratiquée par le sportif de haut niveau influe directement ses traits et caractéristiques. Ainsi, la culture, les valeurs et les particularités du sport jouent un grand rôle dans la constitution de la personnalité et de l’image du sportif. Le canoë kayak est avant tout un sport d’eau et se pratique seul, à deux ou à quatre (avec les «équipages»). C’est donc une discipline de pleine nature, qui se pratique au grand air, et dans lequel il est indispensable de se servir de l’élément liquide. Une similarité d’image apparaît donc immédiatement avec des entreprises liées au développement durable, au respect de l’environnement, à l’assainissement ou l’utilisation de l’eau. Cela est d’ailleurs mis en avant par le partenariat d’EDF et de la fédération française de canoë kayak (mais aussi avec les fédérations d’aviron et de natation). En dehors des équipementiers sportifs, il semble donc que les partenaires d’image privilégient le «côté nature» de cette discipline. Comment utiliser l’image des kayakistes? – D. Arnaud et A. Brogniart «Il suffit de parcourir la documentation de n’importe quel modèle de 4x4 pour tomber sur la photo d’un véhicule chargé d’un canoë. En feuilletant un magazine, on découvre ensuite la publicité de tel département français où on pratique le kayak, entre autres activités de plein-air.» Source: CKM 202 décembre 2007/janvier 2008 «l’image médiatique du kayak», D. Arnaud «Mis à part le rapport évident avec EDF (on pourrait aussi imaginer de s’associer à Veolia, des entreprises d’assainissement de l’eau…etc. mais EDF bénéficie d’une clause d’exclusivité dans ce domaine), ce sont surtout des biens ou services liés à l’esprit «nature» qui correspondent à l’image des kayakistes… Subaru a été intéressé pour mettre en avant la fiabilité de leurs engins et leur aisance en milieu accidenté, comme ça peut être le cas aux abords des rivières. Peut-être qu’on pourrait aussi Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 94 s’associer à un fabricant de camping car, ou à une agence qui propose des voyages dans des contrées pleines de lacs comme la Norvège, le Canada… Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010 De plus, les valeurs portées par les kayakistes de haut niveau sont simples, fédératrices et très porteuses: esprit d’équipe, engagement, simplicité, humilité, communion avec l’élément naturel…etc. Comme nous l’avons déjà vu auparavant, les «petits sports» faiblement médiatisés tels que le C.K. sont plus susceptibles de porter une «image de qualité» que les «sport business» (étude Sport et Valeur, 2001) Spécificités des kayakistes – H. Baala H. Baala est responsable Sport Marketing Adidas «L’image du canoë-kayak me semble très moderne aujourd’hui, plus qu’il y a quelques années. Parmi les facteurs de cette modernité, on peut noter l’âge et le dynamisme des athlètes, à l’image des champions du monde S.Combot, C. Carré ou P. Colin. La tête de pont reste Tony Estanguet, mais l’image du kayak, c’est surtout le sport nature, des préoccupations environnementales… Lorsqu’on voit un événement comme le Marathon de l’Ardèche où les champions peuvent côtoyer «la masse» et qui peuvent attirer d’autres types de pratiquants, on se dit que le canoëkayak a de belles cartes en main». Source: CKM 202 décembre 2007/janvier 2008 «l’image médiatique du kayak», D. Arnaud Faible médiatisation: un point négatif ? On ne s’avance pas beaucoup en affirmant que le canoë kayak n’est pas très médiatisé. Ainsi, en 2009, seules 4 minutes de temps d’antenne des 6 grandes chaînes hertziennes on été consacrées aux championnats du monde de course en ligne (cf document ci-dessous). D’après le document suivant, on remarque que le «désintérêt» pour ce sport semble être particulièrement marqué en France: les temps de diffusion de programmes consacrés au kayak sont très supérieurs en Allemagne (+2600%), en Hongrie (+ 4250%) et dans de nombreux pays européens. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 95 Diffusion des mondiaux de course en ligne 2009 sur les chaînes gratuites Source : rapport EBU sports acquisitions / ICF, août 2009 Le document suivant nous montre d’ailleurs que ce phénomène semble s’observer depuis plusieurs années: Temps de diffusion des 4 derniers championnats du monde Source : rapport EBU sports acquisitions / ICF, août 2009 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 96 En France, les performances des meilleures kayakistes restent donc plutôt confidentielles. Il en résulte que le public cible «offert» par ces champions, à la renommée relativement faible, est très limité. Les performances sportives ne semblent pas expliquer ce phénomène: citons T. Estanguet, reconnu comme étant l’un des plus grands champions français de l’histoire (il a notamment été porte drapeau de la cérémonie d’ouverture des derniers Jeux Olympiques) ou l’équipe de course en ligne qui a obtenu 6 médailles mondiales en 2009 (!). La faible attraction médiatique semble donc plutôt venir du faible «vedettariat» de ces champions, mais cela n’est pas une fin en soi. Tout d’abord, le sportif peut combler une partie de ce déficit par sa propre activité de communication (site Internet, newsletter, activation de son propre réseau de journalistes…etc.). Ensuite et comme nous l’avons suggéré dans la partie précédente, ce déficit d’image peut être largement compensé au niveau régional. Origines locales et communication – M. Chanvillard M. Chanvillard est une ancienne kayakiste de haut niveau. En plus d’avoir été membre de l’équipe de France kayak de course en ligne de 1998 à 2004, elle cumule de nombreuses expériences dans le monde du journalisme et de la communication puisqu’elle a notamment officié pour l’Equipe TV, France Télévision, Canoë Kayak Magazine, ainsi que divers médias régionaux. «Le caractère local d’un athlète lui permet souvent de bénéficier d’une bonne couverture médiatique dans la région concernée. Un athlète peu connu sur la scène nationale aura donc intérêt à se lier à des entreprises locales pour bénéficier de cette couverture.» Source: entretien avec M. Chanvillard, 16.05.2010 L’ensemble des acteurs du canoë-kayak (on pense notamment à la fédération) peut également se mobiliser pour offrir du «temps d’antenne» à leur pratique: on peut imaginer qu’elle joue le rôle «d’attaché de presse», par exemple, ou qu’elle attire les médias par l’organisation d’événements de grande envergure qu’elle utiliserait comme véritable «vitrine». Dans ce cas, remarquons les récents efforts qui ont permis l’organisation d’une épreuve de coupe du monde de course en ligne (à Vichy qui accueillera aussi les mondiaux 2011 qui est l’épreuve la plus prestigieuse de la discipline après les JO). Toutefois, si on relève certains points positifs (près de 2 heures de direct sur Orange TV, quelques articles dans l’Equipe), il faut bien reconnaître la forte confidentialité de l’événement (très faible audience directe, pas la moindre retransmission nationale…). Enfin, on peut regretter l’échec de la candidature de Paris pour l’organisation des JO 2012 qui aurait certainement provoqué un regain d’intérêt pour le sport en général et le canoë-kayak en particulier. Enfin, il semble que le kayak souffre d’un grave manque de lisibilité auprès du grand public: la pratique du C.K de loisir est éloignée et peu assimilée au kayak de compétition (les embarcations ne sont pas les mêmes, il y a une très grande technicité qui reste obscure pour la majorité du public…). De plus, le canoë-kayak regroupe près d’une vingtaine de disciplines (du paddle board au marathon en passant par le raft) se pratiquant en mer, en eau vive et en eau calme. Tous ces éléments «diluent» le peu d’informations que le grand public peut percevoir de cette pratique et explique pourquoi des Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 97 milliers de kayakistes doivent régulièrement user du temps et de l’énergie pour faire comprendre aux néophytes les principes de base de leur sport (la course en ligne) qui est d’ailleurs très souvent confondu avec l’aviron ce qui semble révélateur de la confidentialité de la discipline). La communication externe n’est pas le seul débouché – A. Brogniart «Pour ce qui est de la communication externe, le kayak est plutôt limité… mais ce n’est, à mon avis, pas ce qu’il y a de plus intéressant.» Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010 … ou positif ? Si l’exposition des kayakistes est faible, elle n’empêche pas la qualité de leurs interventions. Nous y voyons peut-être là une conséquence positive à la faible présence de ce sport dans les médias. Originalité et spécificités des kayakiste dans les médias – M. Chanvillard «Les kayakistes ont une certaine fraîcheur à l'heure d'aborder les médias. Peu exposés ils n'ont pas de discours stéréotypé, et arrivent donc à faire passer leur message. Issus d'un sport de plein air, l'aspect nature du canoë kayak leur apporte une image authentique, décomplexée.» Source: entretien avec M. Chanvillard, 16.05.2010 Enfin, n’oublions pas que la médiatisation et la communication externe auprès d’un large public ne sont pas les seuls atouts du partenariat sportif. «L’utilisation en interne est plus intéressante»- A.Brogniart «Soyons franc, le kayak n’est pas un sport médiatique: en dehors des J.O, il est exceptionnel qu’on s’intéresse à la course en ligne. Au plan national on compte, en moyenne, 3 à 5 articles dans l’Equipe et quelques minutes de reportages sur France Television ou Eurosport. Mais les entreprises qui souhaitent investir dans le kayak le savent et viennent nous chercher pour d’autres raisons que l’exposition et la visibilité qu’on peut leur offrir. Elles ne viennent pas pour la notoriété, mais plutôt pour les applications internes» Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 98 B. Les atouts des céistes (pratiquants du canoë) et des kayakistes Rappelons qu’en plus d’être faiblement médiatique, le kayak est avant tout un sport amateur. La conséquence de cela (et de nombreux autres facteurs), est un faible développement des ressources et des structures (relativement à d’autres sports) mis à la disposition des champions. En somme, les contraintes (sociales, professionnelles, financières, d’infrastructures…etc.) pesant sur la carrière sportive d’un kayakiste sont certainement plus fortes que pour d’autres sportifs. Si cela peut constituer un obstacle, il faut aussi voir qu’elles représentent une «opportunité». En effet, un individu qui réussit malgré ces contraintes est un individu efficace et performant dans d’autres domaines que sa seule discipline sportive. Ainsi, la démarche de haut niveau des kayakistes est souvent reconnue comme une preuve de qualités transposables à de nombreuses entreprises. Des qualités reconnues – A. Brogniart «Les boîtes qui travaillent beaucoup avec les sportifs [ndlr: notamment EDF, Adidas…] le savent: la fédération de kayak (comme d’autres… l’aviron par exemple…) est connue pour «fournir» des champions qui, en plus d’avoir des résultats, ont la «tête bien faite». En plus, contrairement à d’autres (on parle souvent des «footeux»), ils sont accessibles, ont un bon relationnel, sont ouverts d’esprit. Tout cela a sûrement un lien avec la gestion du double projet. Du coup, les kayakistes ont souvent la cote lorsqu’il s’agit d’intervenir en entreprise et d’y transposer et transmettre leurs expériences.» Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010 Finalement, il semble que les kayakistes ont des compétences, plus qu’une image, à proposer aux entreprises. Si celles-ci peuvent s’appliquer dans le cas de CIP, elles se prêtent également au développement d’outils de communication interne. C’est donc sur ce point que les champions de la discipline doivent faire converger leurs efforts pour intéresser les entreprises. Comment intéresser et convaincre les entreprises? Après avoir vu le «fond» de la démarche de partenariat, voyons la forme qu’il convient de lui donner. Naissance du partenariat: une rencontre avant tout Toutes les entreprises ne sont pas égales lorsqu’il s’agit de gérer les partenariats sportifs: si les grandes marques attachées au sport sont très structurées dans ce domaine (Adidas compte près d’une dizaine d’employés uniquement dédiés à cette activité), une large majorité d’entre elles ne disposent pas de telles formalisations. Dans ce cas, c’est souvent un chargé du marketing, voire un dirigeant qui sert d’interlocuteur au sportif. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 99 Finalement, malgré cette hétérogénéité de situations, le partenariat naît souvent de la même façon: par la rencontre de deux individus qui partagent des passions, des valeurs et grâce à l’intérêt et l’enthousiasme que l’un peut offrir et transmettre à l’autre (et vice versa). Avant d’aller plus loin, remarquons que ce type de rencontre nous paraît aléatoire et issue d’opportunités. Caractère aléatoire des rencontres fructueuses – P. Colin «Je me dis parfois que ça tient plus à de la chance qu’à autre chose. En quelques mots, il est possible de se faire remarquer (ou pas) par quelqu’un qui nous présentera à untel…etc. Ensuite il n’est pas toujours évident de trouver une oreille attentive. Forcément le mieux est de faire ce type de rencontre dans son propre club ou à la fédération, des lieux où on a des chances de trouver un interlocuteur sensible à notre culture et à notre passion… Mais ces rencontres ne se prévoient pas vraiment et au final, je me demande s’il n’est pas plus facile de trouver un partenaire quand on ne le cherche pas.» Source : entretien avec Philippe Colin, 02.05.2010 Dans la partie II de notre étude, nous avons identifié deux principales composantes justifiant la renommée des champions: la première étant directement liée aux performances et au palmarès de l’individu et la seconde à l’ensemble de sa renommée médiatique, relationnelle, et au «capital sympathie» dont il bénéficie. Ainsi, l’individu le plus médaillé de la planète peut être inintéressant visà-vis du partenariat si celui-ci apparaît comme antipathique, prétentieux, timide ou sans personnalité. Performance et personnalité – A. Francke «la base pour parrainer un sportif c’est bien entendu son niveau de performance. Si c’est une condition sine qua non, cela n’est cependant pas suffisant. On recherche aussi des personnalités, de véritables ambassadeurs de la marque aux 3 bandes , à savoir des personnes qui vont incarner nos valeurs et les véhiculer.» Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010 Réflexion, préparation et simplicité du discours – F. Masnada «Pour enthousiasmer son interlocuteur, il faut connaître les enjeux du partenariat, réfléchir en amont à l’histoire que le sportif peut mettre en avant, avec des anecdotes tirées de son expérience et de l’émotion. Le mieux c’est de réussir à faire cela tout en restant le plus naturel possible, sans vouloir copier quoi que ce soit.» Source : entretien avec F. Masnada, 30/03/2010 Finalement, l’intensité du discours et même l’émotion que celui-ci peut provoquer sont des éléments clés du processus de partenariat. Convaincre un dirigeant de s’associer à lui sera donc d’autant plus facile si - en plus de mettre en lumière les retombées potentielles – le sportif est capable Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 100 de transmettre une partie de sa passion et de l’ensemble des valeurs qu’il souhaite véhiculer. Enfin, dans le cadre d’une opération de partenariat interne, la réussite de cette démarche sera une preuve d’efficacité et des qualités que le champion peut mettre en œuvre. Raconter une histoire – A. Brogniart «Pour accrocher quelqu’un, le mieux est d’avoir une véritable histoire à raconter. Par exemple, on se rappelle tous des médailles olympiques des frères Guénot… Parce que c’est exceptionnel que deux frères montent sur un podium à quelques heures d’intervalle. En canoë-kayak de slalom, F. Lefèvre et Denis Gargaud l’ont bien compris: en plus de courir respectivement en kayak et en canoë, ils ont décidé de s’associer en canoë biplace. Ainsi, alors qu’à la base ils ne concourent pas dans la même catégorie, ils allient leur force dans un projet commun… Même leur slogan est très fédérateur: «deux hommes, une quête, trois médailles». C’est ce genre de récit hors du commun qui intéresse le plus… Mais ça ne s’invente pas!» Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010 Partenariat et pari sur l’avenir – A. Francke «Pour donner un aspect qualitatif au partenariat, on cherche des histoires qui collent aux valeurs qu’on veut transmettre, des histoires «impossible is nothing» [le slogan de la marque]. Bien sûr, ce qu’on espère, c’est pouvoir s’associer à des sportifs qui ont et auront des destins à la Mohamed Ali ou à la Zidane. On fait parfois un vrai pari quand on s’associe à un sportif, et on ne sait pas toujours si ça marchera! Mais il y a souvent de très belles histoires qui se créent à l’image en ce moment de celle de l’équipe de France de Handball: en plus de gagner, elle montre une image hyper dynamique, avec des valeurs collectives très fortes, une équipe vraiment soudée.» Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010 Raconter SON histoire, le plus simplement possible tout en mettant en avant le défi qu’il s’est lancé à lui-même, voilà le discours que le sportif doit développer. Un champion capable de transmettre toute l’intensité et la force de son engagement pourra ainsi passionner son auditoire, quelqu’il soit. Avoir un destin à part – M. Chanvillard «Au delà du résultat sportif, les médias vont chercher des histoires, au sens positif du terme. De manière générale, le journaliste cherche à raconter des histoires à ses lecteurs, ses auditeurs. L'histoire personnelle d'un champion, d'une performance, d'une équipe, d'un club. Le profil du sportif intéressant pour un média, c'est un athlète qui a une histoire personnelle forte, une relation atypique avec son entraîneur, un parcours original, une vision peu commune de sa discipline… Mais pour définitivement accrocher un journaliste il faut que l'athlète arrive à transmettre son histoire, ses sensations.» Source: entretien avec M. Chanvillard, 16.05.2010 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 101 Quoi de mieux pour partager sa passion que de la faire découvrir aux autres ? C’est le raisonnement qu’a eu P. Colin et qui nous montre certainement une des meilleures façons d’honorer l’aide d’un partenaire. Quand un athlète partage sa passion… NORBA et le canoë kayak - P. Colin et M. Igert Norba et P. Colin sont liés depuis plus de deux ans. Dans le cadre de cette association et en marge d’une réunion de la force commerciale en région parisienne (en octobre 2008), le kayakiste a été amené à intervenir auprès de l’entreprise. «Dans un premier temps, je suis intervenu à la suite d’une réunion de travail. Ma démarche était simple: après m’être présenté et avoir expliqué la course en ligne, nous avons orienté la discussion sur les parallèles qu’il y a à faire. Je me suis rendu compte alors que l’histoire de l’entreprise et celle d’un sportif ont de nombreux points communs comme la création et l’évolution d’un défi vers le but qu’on s’est fixé… Avec un discours simple mais qui sort des banalités que ces employés doivent souvent entendre, on a pu entamer un réel échange, et je pense que cela était très instructif, pour eux comme pour moi. Le lendemain, il était convenu qu’on se revoit tous pour se détendre un peu: j’avais organisé un petit truc sur le lieu où je m’entraîne tous les jours. Après avoir réuni quelques kayaks et dispensés quelques conseils techniques basiques, j’ai fait essayer la course en ligne à la trentaine de personnes qui étaient là. Celà leur a permis de découvrir les réelles difficultés que je rencontre. Comme deux de mes coéquipiers avaient également répondu présents, nous avons même pu faire des petits tours d’équipages… Et le résultat était génial: tous ceux qui ont pu faire du bateau avec nous 3 étaient vraiment impressionnés et emballés. Dès que quelqu’un débarquait, il avait un grand sourire, lâchait un flot de questions et demandait tout de suite à y retourner! Bien sûr, tout le monde n’était pas aussi intéressé, certains n’ont même pas enfilé de vêtements de sport, mais tout le monde était là et partageait ce moment. C’était vraiment ludique et sympathique, et en même temps, ils ont mieux compris ce qu’est ma démarche vers le haut niveau (et ils étaient étonnés par sa complexité). Bien sûr, le beau temps et le soleil ont bien aidé à la réussite de cette demi-journée…» Source : entretien avec Philippe Colin, 02.05.2010 M. Igert est PDG de Norba, entreprise alsacienne de menuiserie: «Ce n’est pas par hasard si nous avions choisi d’aider Philippe. Nous avons beaucoup de similitudes avec lui, par sa hargne, sa persévérance et son envie de gagner. Pour nous, c’est la même chose: quand on répond à un appel d’offre, notre objectif n’est pas d’être troisième ou deuxième, on veut être les meilleurs! Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 102 Lorsque Philippe nous a fait essayer son sport, nous avons fait une formidable découverte: on a pu se rendre compte de l’énorme apprentissage et de tout le travail qu’il faut fournir pour remporter des médailles! On se dit qu’ils font beaucoup plus de sacrifices que la majorité des gens pour atteindre leurs objectifs. Je pense que tous les participants, y compris moi gardons des souvenirs très forts de ce moment. J’ai encore l’image en tête du moment ou les 3 champions ont accéléré alors que j’étais dans leur bateau… Cette sensation de vitesse, de puissance était incroyable! Quelques temps après, nous avons distribué un album photo à tous les participants, et encore aujourd’hui, c’est un super outil de motivation pour tout le monde. Enfin, nous avons tous été surpris par l’attitude de ces champions: alors qu’ils paraissent «intouchables», ils étaient là, devant nous, ces champions de France, champions du monde… Vraiment, c’est exceptionnel de pouvoir vivre ça, surtout qu’on était un peu désabusés: dans le foot, ils ont un mauvais caractère, ils sont inaccessibles… Et là, ces jeunes hommes étaient ouverts d’esprit, ils avaient vraiment envie de partager leur passion. Ca donne vraiment envie de les épauler.» Source: entretien avec M. Igert, 25.05.2010 Il est évident qu’une telle opération est avant tout basée sur les qualités relationnelles voire pédagogiques de l’intervenant. Ainsi, en offrant de son temps et de son expérience, il devient possible d’obtenir l’adhésion de son public et de créer une véritable émulation saine dans les rangs de l’entreprise concernée. Offrir le plus possible tout en restant humble et naturel, voilà ce que nous retiendrons. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 103 C. Amélioration du «service partenariat» La satisfaction évidente des employés et dirigeants de Norba nous amène vers le sujet de l’optimisation du partenariat au cours même de son application (en d’autres termes, nous allons parler d’amélioration continue du service). Apporter un plus à son partenaire – A. Brogniart «En tant que sportif ou pour nous, à la fédération, il faut être assez malin pour savoir quoi proposer et offrir à un partenaire. Bien sûr, dans un premier temps on essaie d’inscrire l’opération dans la durée, on fait attention a bien respecter toutes les clauses du contrat de partenariat… Puis, petit à petit, on essaie d’aller plus loin en manifestant de l’intérêt, de l’engagement, en proposant des améliorations. Cela peut passer par des choses toutes simples. Par exemple, nous avons soumis à EDF notre projet de campagne de sensibilisation à la sécurité autour des rivières et plus particulièrement en aval des barrages hydroélectriques. Ils étaient très contents de ce «petit coup de pouce», d’autant plus que cela répondait bien à l’une de leur problématique actuelle (la sécurité autour de leurs sites de production). Grâce à ce type d’extra, on est dans les petits papiers de nos partenaires. Nous sommes mieux vu, c’est beaucoup plus épanouissant et ça permet de vraiment faire vivre le partenariat. C’est un peu le même principe que pour un réseau de contacts: il faut l’alimenter régulièrement pour qu’il donne le maximum de «rendement». Et enfin, il faut bien voir que plus on propose de choses, plus on peut en recevoir en retour. En quelques années et avec nos efforts, nous avons pu faire augmenter le montant de l’aide financière d’EDF de près de 15%. Au final, plus on s’investit avec un partenaire, plus les deux parties en profitent! Attention tout de même à ne pas s’enflammer. Quand on met un extra en place, le partenaire a tendance à le considérer comme acquis et à demander encore plus. Du coup, quand on tend la main, il faut bien faire attention à ne pas se faire prendre tout le bras, surtout quand on est athlète: à la base, le rôle de ce dernier est de gagner des médailles avant de satisfaire ses partenaires et pas l’inverse…» Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010 Cette simplicité, garante de la légitimité et de la qualité de l’action nous semble primordiale dans la démarche du sportif. Ainsi, on peut se poser des questions sur les motivations du perchiste R. Mesnil par rapport à son récent «coup de poker». Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 104 Provocation et communication: un dangereux mélange ? R. Mesnil pratique le saut à la perche et a été sacré vice champion du monde de la discipline en 2009 Diligenté par une société de communication, R. Mesnil a couru nu, perche à la main, dans les rues de Paris et devant les caméras pour attirer l’attention d’éventuels partenaires (et sur le fait qu’il n’avait aucun contrat avec un équipementier). Les vidéos de cette «performance» ont connu un réel succès sur Internet et on permis de créer un véritable buzz. Dans un premier temps, cela a permis au sportif de trouver deux partenaires mais toujours pas d’équipementier. «j’ai l’impression d’être un moins que rien, un pestiféré, d’avoir fait quelque chose de mal, d’avoir, à la limite, mal fait mon boulot». Toutefois, on peut se demander si le «demi échec» de l’opération n’est pas imputable (du moins, en partie) au caractère délibéré et provocateur de celle-ci, qui semble aller à l’encontre des notions d’humilité et de partage que nous avons montré jusque là. Finalement, si l’exposition médiatique que R. Mesnil a su créer a été un succès, la qualité de son image et les valeurs nobles que porte ce sportif ont peut-être été altérés. Toutefois, nous ne disposons d’aucune donnée fiable pour appuyer cette hypothèse. Source: «je ne suis pas bankable», www.sports.fr, 3 mai 2010 Dangers du partenariat Si les erreurs d’appréciations sont possibles, c’est parce que le partenariat représente des dangers, y compris pour le sportif. «Un partenaire attend forcément quelque chose de toi. Il ne faut pas que ça rajoute une pression inutile (il ne faut pas courir pour empocher une prime ou pour «sauver» un contrat de sponsoring). Dès le début, il faut être très clair pour que tout le monde soit sur la même longueur d’onde. Par exemple, il ne faut pas qu’un dirigeant s’attende à voir le sportif 10 semaines par an dans son entreprise si ce dernier en passe déjà 40 aux quatre coins du monde! Et je pense qu’il faut privilégier les partenariats à long terme (au minimum, sur une olympiade, c’est à dire 4 ans) pour diminuer l’effet pervers de la remise en question permanente… Le sport de haut niveau est déjà assez dur à gérer, il ne faut pas encore y ajouter des contraintes.» Source : entretien avec Philippe Colin, 02.05.2010 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 105 Bien que ce thème ait déjà été abordé dans la partie précédente, précisons qu’un champion doit trouver le juste milieu: offrir le maximum à son partenaire tout en se préservant pour ne pas compromettre ses objectifs sportifs (un peu comme l’entreprise qui ne doit pas se mettre en danger pour aider un sportif… Toutefois, ce cas de figure paraît difficilement envisageable). Finalement, les deux parties devront prendre garde à ne pas trop s’éloigner de leur «cœur de métier» et garder à l’esprit que le partenariat sportif est un formidable outil… de soutien de leur activité principale (gagner des médailles dans un cas et réaliser des performances économiques, délivrer un service… dans l’autre). CONCLUSION Aujourd’hui, le projet d’un sportif de haut niveau est soumis à d’innombrables contraintes: des contraintes physiques (à tel point qu’on suppose que dans certaines disciplines, il deviendra bientôt «humainement impossible» de battre les records établis), des contraintes mentales (la pression de la compétition), des contraintes sociales (comment réaliser un tel projet sans devenir un marginal), des contraintes financières…etc. La démarche d’excellence sportive doit donc prendre en compte ces différents aspects. Finalement, la tâche du sportif est donc assimilable à de l’optimisation sous contrainte. En plus de l’entraînement, la préparation et la compétition, nous pensons donc que le partenariat a légitimement sa place dans la liste des outils d’aide à la performance sportive. Les kayakistes de haut niveau, faiblement exposés médiatiquement mais très en phase avec un certain idéal de travailleur et d’individu épanoui ne sont pas en reste. Mieux, il semble que leur profil corresponde parfaitement à un type de partenariat en plein essor et aux ressources encore largement sous-estimées: un partenariat de «sens et de contenu» où le sportif n’existe pas qu’à travers la victoire. Au contraire, en s’appuyant sur l’ensemble de son expérience, sur son savoir-faire d’exception, et sur ses défauts, il peut apporter une réelle plus-value à ses associés. Enfin, nous avons vu que les initiatives des entreprises (Agisport…) et des sportifs (P. Colin, R. Mesnil) sont multiples et variées. Elles sont la preuve même qu’il reste encore beaucoup à faire et que chaque jour, nous découvrons un peu plus les formidables ressources que champions et entreprises peuvent partager. A la frontière entre deux mondes, l’Economique et le Sportif, le partenariat sportif a donc un réel potentiel encore sous exploité et qui ne demande qu’à être développé et exprimé. Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 106 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 107 Bibliographie Ouvrages AUGE B., TRIBOU G., management du sport, marketing et gestion des clubs sportifs, éditions Dunod, 2ème édition, 2006 BARREAU G., le sport professionnel : état des lieux et perspectives, les cahiers de l’INSEP, 2008, numéro 42 BECKER B., Sport & sponsoring : le guide de la communication par le sport, Suresnes, 2007 BOLOTNY F., Le sponsoring sportif : comment mettre le sponsoring sportif au service des stratégies de communication des entreprises et de valorisation de leurs marques ?, Les Echos, Paris, 2006 BOUCHET P. et PIGEASSOU C., Management du sport : actualité, développement et orientations de la recherche, Montpellier, AFRAPS, 2006 BOUCHET P. SOBRY C., Management et marketing du sport : du local au global, Presses Universitaires du Septentrion, 2005 DAMBRON P., Sponsoring et politique marketing, Editions d'Organisation, Paris, 1991 DESBORDES M., Stratégie des entreprises dans le sport, 3ème édition, Editions Economica, Paris, 2004 DESBORDES M., OHL F., & TRIBOU G., marketing du sport, édition Economica, 2004 FLEUROT O., Sport finance & marketing : la lettre économique de tous les professionnels du sport et de leurs partenaires, Percier publications, Paris, 2006 FUCHS S., Efficacité du parrainage : déterminants de la mémorisation des parrains pour l’audience directe d’un événement, Actes de l’Association Française du Marketing, Nantes, 2006 IRWIN R.L., SUTTON W.A. and McCARTHY L.M, Sport promotion and sales management, Human Kinetics, 2002 LARDINOIT T., efficacité mémorielle du parrainage sportif, Aurifeille J.M, Poitiers, 1996 MAZODIER M., CHANDON J.-L., L’impact du sponsoring sportif sur le comportement du consommateur, centre d’études et de recherche sur les organisations et la gestion d’Aix-Marseilles, juin 2004 MINQUET J.P.L, Economie et gestion du sport : théorie et pratique, City & York, Paris, 1998 MOREL P., Parrainage, mécénat et fondation d’entreprise, Paris, Vuibert, 2007 MOULIN B., Sport fric et strass – dans les coulisses du sport, Eyrolles, Paris, 2002 NANOPOULOS P., WALLISER B., Qui a gagné la coupe du monde 98 ?, Université Nancy 2, 2000 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 108 NICOLEAU F., où va le sportif d’élite ? 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[document faisant suite à une conférence de l’association IDEFISC] SOBRY C., essai d'approche théorique de la très inégale répartition des revenus des sportifs participant au sport spectacle, FFSEP université de Lille, Laboratoire Sport Identité Culture, 2003 TRIBOU G., sponsoring sportif, Economica, Paris, 3e éd., 2007 WALLISER B., l’efficacité du parrainage sportif au sein de la communication d’entreprise, thèse de doctorat en Sciences de Gestion, Université PMF de Grenoble, 1994 Xerfi entreprise, étude de l’entreprise Lagardère, janvier 2009 Xerfi 700, Distribution des articles de sport, juillet 2009 Xerfi 700, Fabrication des articles de sport, juin 2009 Presse ARNAUD D., l’image médiatique du kayak, CKM 202, décembre 2007/janvier 2008 BERTRAND P., Pour Lacoste, sport et mode jouent en double, Les Echos, 31.12.2009 BLUMRODT J., BODIN D., La communication marketing et son impact sur la perception des publics, Revue européenne du management du sport, mai 2009, n° 24, pp. 19-28 BURLOT F., le sport en entreprise : un vecteur de communication interne, Revue STAPS, Sciences et techniques des activités physiques et sportives, 2000, no53, pp. 65-78 DEVILLARD O., Piloter la stratégie par la culture d’entreprise, Les Echos, 2007 DESBORDES M., LOREL A., Le marketing du sport : fondements constitutifs du champ en Staps, Revue européenne de management du sport, juin 2004, n° 11 DISCH T. avec les JO, le duel des sponsors continue, Easybourse.com, 09.07.2008 FUCHS S. le pseudo parrainage: une autre façon de faire du parrainage ?, décisions marketing, n°30 Avril-Juin 2003 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 109 GIOVANNINI S., les sportifs travaillent le fond, DNA, 5 Avril 2010 PICHOT L., Partenariats sportifs des entreprises et logiques d’action des responsables de communication, Revue STAPS, 2000, n°52-2, pp. 21-32 SANCHEZ A.-C., Les sportifs prennent la pose, Les Echos, 10.04.2009 TRIBOU G., BAUDARD L., Les outils d’aide à la décision en sponsoring sportif : perspectives, Revue européenne du management du sport, septembre 2008, n° 23, pp.7-11 Communiqué de presse, EState Mediamétrie, la fréquentation des sites Internet français, 09 mars 2010 je ne suis pas bankable, www.sports.fr, 3 mai 2010 http://www.sports.fr/cmc/athletisme/201018/mesnil-je-ne-suis-pas--bankable-_28275... Sites Web Site Internet «Prodimarques» http://www.prodimarques.com/juridique/mecenat_et_parrainage.php Site Internet «Sports and Marks» http://www.sportsandmarks.com/sponsoring-sportif/sponsoriser-un-sportif Site Internet «Strategies.fr» http://www.strategies.fr/etudes-tendances/tendances/r18439W/a-petits-sports-grandes-valeurs.html sports, grandes valeurs» Cours universitaires DELASSUS C., cours de marketing électronique – la gestion de la relation client, UMLB, 2010 VASSEUR V., cours de management internationale, UMLV, 2008 «A petits Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 110 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 111 ANNEXES Annexes 1 citations diverses «Ce qui différencie un sportif d’un autre, c’est sa personnalité de base, mais aussi la manière dont il intériorise les valeurs, les normes de conduite sportive et le sens de sa présence sur le terrain. Tout le problème est d’atteindre une adhésion et une cohérence optimale entre la personnalité/l’identité individuelle/ l’identité collective» (C. Braqué, 2007) «Le sponsoring offre des possibilités d’expression de la marque. […] La marque n’est pas au cœur de l’action, elle passe au 2ème rang. Toutefois, étant étroitement associé à l’événement [et au sportif], le sponsoring offre la possibilité de partager de l’émotion et la véhiculer dans le cœur du public. C’est donc pour nous principalement un outil de proximité permettant de développer de la sympathie.» (H. Genieys, directeur de la communication externe et des partenariats du groupe PerrierVittel) «Le sport constitue un réservoir de symboles permettant d’atteindre pratiquement toutes les catégories de consommateurs et dans lequel les entreprises vont puiser». (Ohl et Tribou, 2004) «Le sport offre un champ de valeur infini, il résume la vie… Parce qu’il déploie tout l’éventail des sentiments, et peut vous faire passer, en quelques instants, de l’abattement au bonheur, de l’ivresse au dégrisement, ce spectacle reste sans égal pour tous ceux qui veulent bien se laisser gager par leurs émotions… Et celle de leur héros». (W. Allen) «Si les sportifs sont devenus des héros, c’est plutôt à la manière des acteurs, chacun ayant un rôle à jouer dans ce casting : le bon, la brute, la belle, la bête…» (B. Moulin, 2002) Annexe 2 extrait de l’entretien avec M. Igert (dirigeant de Norba) «Norba et P. Colin avons la même approche de la victoire, de la combativité. Il faut se battre tous les jours car rien n’est jamais acquis. Mais on se rend aussi compte, les sportifs doivent faire face à encore plus de difficultés: nous, nous bossons du lundi au vendredi et à côté de ça, nous avons notre vie personnelle… Mais les sportifs doivent faire attention tout le temps, font des sacrifices permanents (alimentation, périodes de repos…). C’est là qu’on comprend ce que peut être la recherche de la perfection.» Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises Annexe 3 112 extrait de l’entretien avec M. Chanvillard (journaliste et ex sportive de haut niveau) «Mon expérience sportive m'a aidé sur deux points dans la carrière professionnelle. En tant que journaliste de sports, elle me permet de d'avoir une vision objective des sportifs que je suis dans mon travail. Par rapport à mes employeurs, elle m'a permis d'intégrer une équipe en ayant un a priori positif quant à ma capacité à me battre pour arriver à remplir les objectifs que l'on me fixait. Je bénéficie d'une image de battante, persévérante pour atteindre mes buts. Enfin, venant d'une discipline, certes olympique mais méconnue, je n'ai pas bénéficié de “passe-droit” dû au rayonnement de mon sport.» Annexe 4 extrait de l’entretien avec A. Francke (responsable partenariat chez Adidas) «L’entreprise peut être victime de l’athlète (dopage, mauvais comportement). En même temps, c’est à nous de peser le pour et le contre pour essayer de faire les bons choix. Malheureusement, il arrive que nous fassions de mauvais «investissements», d’autant plus qu’on mise sur le long terme (les «espoirs» qui ne passent jamais le cap sont nombreux !». «pour mesurer les retombées de nos partenariats, on calcule l’équivalent argent de la visibilité que nos sportifs nous offrent. Mais c’est difficilement comparable. En fait, c’est un outil assez incomplet et la mesure est aléatoire.» Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises Annexe 5 exemple de proposition de partenariat avec NIVEA (1) (2) (3) (4) 113 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises (5) (6) (7) (8) (9) 114 Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises 115 Commentaires «Ce dossier (réalisé conjointement avec E. BRIOT en avril 2010) a pour objectif de sensibiliser et convaincre l’entreprise NIVEA de me parrainer. Voici le fondement de la démarche et les principaux axes que nous avons choisi de développer: Après avoir présenté ma «carte d’identité» et mon palmarès, nous avons essayé de rendre perceptible mon défi sportif et de le mettre en parallèle avec les ambitions présumées de Nivea. Pour cela, nous avons insisté sur l’importance de mes objectifs ((4)afin de souligner mon ambition, ma volonté d’être le meilleur), la rigueur que je m’impose ((5)notion de ténacité, de persévérance) et, plus généralement, les valeurs qui me servent de moteur (6) et celles, propres au kayak de course en ligne qui peuvent intéresser NIVEA (7). Enfin, il nous a paru évident de mettre en avant le fait que les deux parties doivent ressortir grandit d’une telle opération (8). En plus de cela, il apparaît important de soigner la forme du document (code couleur en rapport avec la marque, illustrations «fortes»…). Finalement, sa raison d’être n’est autre que de mettre le sportif (et même l’humain) en valeur vis-à-vis de l’entreprise concernée et de suggérer l’étendues des applications qu’on peut donner à un tel partenariat. Toutefois, ce power point ne constitue qu’un premier support: en effet, nous espérons que celui-ci donne l’envie à son destinataire d’aller plus loin et de nous rencontrer. Un peu comme un curriculum vitae, il doit donc servir de base à un entretien, durant lequel il appartiendra au mandant (dans ce cas, l’athlète) de convaincre «l’employeur» (dans ce cas, NIVEA) de l’opportunité qu’il représente. Si ce document sert «d’accroche», l’entretien doit donc être un véritable révélateur des enjeux et intérêt que le sportif représente pour l’entreprise.» Note: à ce jour (03.06.10), nous sommes dans l’attente d’une réponse de NIVEA concernant notre demande d’entretien.