interets et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau

Transcription

interets et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau
Guillaume BURGER
Sous la direction d’Eugénie BRIOT
Master 1 MIE
INTERETS ET ENJEUX
DU PARTENARIAT ENTRE
SPORTIFS DE HAUT NIVEAU AMATEURS
ET ENTREPRISES
JUIN 2010
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Note: photo de couverture: P. COLIN (champion du monde de canoë kayak) entouré de deux
de ses partenaires, M. IGERT (directeur de Norba Menuiserie) et M. TRYBA
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont accepté de m’aider à
réaliser ce dossier en m’accordant un peu de leur temps.
Je remercie tout particulièrement E. BRIOT qui, par son implication et sa
disponibilité de tous les instants, m’a soutenu tout au long de mon travail.
Enfin, mention spéciale à celles et ceux qui ont accepté de répondre à mes
questions pour enrichir cette étude, et notamment:
A. BROGNIART
M. CHANVILLARD
P. COLIN
F. DURING
A. FRANCKE
M. IGERT
S. JOUVE
F. MASNADA
F. QUENTIN
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
Problématique et méthodologie
Partie I
P.11
LES DIFFERENTS TYPES DE PARTENARIATS
A. Le sponsoring
P.12
Définition
Modalité
Limites
B. Le mécénat
P.15
Définition
Différences entre le mécénat et le sponsoring
Avantage fiscaux
C. Le contrat d’insertion professionnelle (CIP)
P.18
Description
Modalités
Les avantages de la CIP
Partie II
P.21
COMMENT UTILISER LE PARTENARIAT SPORTIF ?
Introduction. Qu’est ce qu’un athlète de haut niveau amateur ?
P.22
A. La plus-value d’une force de travail exceptionnelle
P.28
Le modèle du sportif manager
Une expertise valorisable
Attention à l’idéalisation
B. La communication externe
se construire une image
Introduction: intégration au marketing mix
Objectif de notoriété
Objectif d’image
La «preuve produit»
Les produits dérivés
C. La communication interne se construire une culture
La culture d’entreprise
L’implication du personnel
Performance et relations entre l’homme, son corps et ses émotions
P.32
Conclusion: comment utiliser le partenariat sportif
P.46
P.41
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
Partie III
COMMENT OPTIMISER LE PARTENARIAT SPORTIF ?
Introduction. Réussite
d’une opération de communication
A. En amont du partenariat cibler son action
Identification de la cible et de l’audience
Place de la personnalité dans les médias
Choix du sport
Choix du sportif: un ensemble de critère transversaux
Contraintes propres aux actions de communication
B. Pendant l’opération rendre le partenariat efficace
Durée et répétition
Mise en lumière des similarités avec le sportif
Visibilité
C. En aval de l’opération mesurer les retombées
Press book et retombées médiatiques
Evaluation des données intermédiaires de communication
Entreprises de conseil
D. Dangers et limites du partenariat sportif
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P.47
p.48
P.49
P.67
P.75
P.81
Risques liés aux performances sportives
Risques liés à l’image du spotif
Risques liés à l’application du partenariat
Conclusion: comment optimiser le partenariat sportif ?
P.87
Partie IV
P.89
PERSPECTIVES DU PARTENARIAT POUR LES
CHAMPIONS DE CANOE KAYAK
Introduction. Contraintes et intérêts du partenariat pour le kayakiste
P.90
A. Les atouts du canoë kayak
P.93
Faible médiatisation: point négatif…
…ou positif ?
B. Les atouts des kayakistes de haut niveau
P.98
Comment intéresser et convaincre les entreprises ?
Quand un athlète transmet sa passion
C. L’amélioration du «service de partenariat»
P.103
Apporter plus à son partenaire
Provocation et communication: un dangereux mélange ?
Conclusion finale
Bibliographie
Annexes
P.105
P.107
P.111
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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INTERETS ET ENJEUX DU PARTENARIAT ENTRE
SPORTIFS DE HAUT NIVEAU AMATEURS ET
ENTREPRISES
Dans des marchés toujours plus concurrentiels, et dans un contexte où l’offre est
toujours plus importante pour les consommateurs, il devient impératif pour les entreprises de
se différencier et de tout mettre en œuvre pour se rendre plus attractives et plus attrayantes.
Dans ce but, la plupart des dirigeants ont bien compris et intégré la force de la communication
dans leur stratégie.
Le besoin d’une identité forte, la surabondance des messages publicitaires visant des
consommateurs de plus en plus avertis (Derbaix et al., 1994) et l’indifférence croissante du
public pour les formules classiques de communication (ceci a notamment été démontré par
Meenaghan, 1991) ont incités les sociétés à développer de nouvelles méthodes pour séduire
leurs cibles. L’une d’entre elle est le partenariat avec les sportifs de haut niveau. Par ce
procédé, les sociétés dépassent le simple cadre de leurs missions économiques et, à travers le
sport, peuvent montrer qu’elles sont aussi actrices sur le plan culturel, environnemental…
De tels partenariats ne sont pas nouveaux : en effet, les racines du sponsoring
remontent à l’antiquité. Par exemple, les Jeux Romains et leur exploitation comme outil de
commerce existaient déjà bien avant l’an 0 ! L’intérêt pour ce genre de pratique à réellement
explosé à la fin du 20ème siècle : le sponsoring (sous toutes ses formes) représente aujourd'hui
7 % des dépenses de publicité dans le monde contre 2,5 % en 1987, soit une trentaine de
milliards d’euros de dépenses annuelles.
Cependant, les applications des partenariats ne se limitent pas seulement à la
communication en externe. En effet, les sportifs de haut niveau peuvent être considérés
comme de véritables instruments synonymes de performance pour les entreprises et ce, dans
de nombreux domaines tels que le management, la communication interne…
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Dans le cadre de certains sports, on observe une certaine formalisation des démarches
partenariales : dans les sports « professionnels » (foot, rugby… entre autres) les structures
encadrant les athlètes (notamment les clubs), s’apparentent mêmes à des entreprises à part
entière en terme d’objectifs financiers, de rentabilité… Qu’en est-il alors des sports
« amateurs » dont les représentants ne bénéficient pas (ou à un niveau très restreint) d’une
telle formalisation ? Tout au long de ce mémoire, nous allons donc essayer de savoir dans
quelle mesure les sportifs de haut niveau non professionnels représentent une opportunité
pour les entreprises. Quels intérêts ont-elles à s’allier avec de telles personnalités ?
Afin de répondre à cette question, il semble important de préciser la démarche
adoptée.
En premier lieu, il est évident qu’on exploitera au maximum les notions travaillées au
cours de la formation universitaire, notamment dans les domaines du marketing, de la
stratégie d’entreprise…
Etant un acteur privilégié du domaine de recherche (puisque je suis membre de
l’équipe de France olympique de canoë-kayak, médaillé aux derniers championnats du monde
et concerné, à un modeste niveau, par diverses offres de mécénat et de sponsoring), j’ai
employé mon réseau (autres sportifs de haut niveau, dirigeants fédéraux, spécialistes en
marketing sportif, entreprises partenaires d’athlètes, journalistes…) afin d’être au plus près de
la réalité d’aujourd’hui. Pour cela, je bénéficie d’un réel soutien de la fédération à laquelle je
suis rattaché (notamment du directeur technique national, du service de communication, du
chargé du suivi social des athlètes, du directeur des équipes de France…), de la proximité de
l’institution d’excellence dans le domaine du sport (l’Institut National du Sport, de l’Expertise
et de la Performance [INSEP] qui m’a par exemple permis d’entrer en contact avec G.
Epangue, championne du monde de Taekwondo) et la rencontre de grandes figures du monde
du sport (grâce à la participation à la « semaine olympique » qui m’a notamment permis de
contacter les responsables marketing d’Adidas, de la Française Des Jeux ou encore F.
Masnada, multiple médaillée olympique de ski alpin et spécialiste des enseignements du sport
de haut niveau appliqués aux entreprises…). Ainsi, à travers ces nombreux échanges, ce
mémoire à l’ambition de compiler, de proposer et d’approfondir les différentes voies
permettant aux entreprises d’utiliser les «amateurs d’élite» comme des vecteurs de
performances.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Concrètement, après un état des lieux de la littérature existante (notamment, dans les
bibliothèques universitaires de Marne-la-Vallée, la Bibliothèque Nationale, celle de
l’INSEP…), nous étudierons les différentes façons de lier une entreprise à un sportif de haut
niveau. Afin de savoir en quoi ceux-ci peuvent représenter des opportunités, nous définirons
les différentes stratégies et objectifs poursuivis, ainsi que les choix qui en découlent. En effet,
de nombreuses possibilités s’offrent aux firmes qui s’engagent dans ce type de démarche.
Nous verrons aussi quelles sont les conditions de réussite de ces dernières, ainsi que le
« retour sur investissement » qu’on peut en attendre (qu’il soit positif… ou négatif). Pour
finir, nous appliquerons l’ensemble de ces concepts à l’étude du cas d’un sport peu habitué à
être sur le devant de la scène, celui du canoë-kayak. Ainsi, nous explorerons les possibilités
que les personnalités de cette discipline offrent à leurs partenaires.
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Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
Partie I
LES DIFFERENTS TYPES DE
PARTENARIATS
Dans un premier temps, nous allons présenter et
détailler les différents moyens de “ s’attacher les
services ” des sportifs de haut niveau. Nous avons
retenu trois pistes : le classique sponsoring, le
mécénat, et les conventions d’insertion
professionnelle. Nous allons voir que chacune de
ces opérations de partenariat a ses spécificités ,
ses objectifs et ses avantages.
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Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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A. Le sponsoring
Définition
Derbaix (1994) définit le sponsoring de la façon suivante : “ le parrainage est une technique
qui consiste, pour toute organisation, à créer ou à soutenir directement un événement socioculturel
indépendant d’elle-même et à s’y associer médiatiquement, en vue d’atteindre des objectifs de
communication en marketing ”.
Dans notre étude, nous retiendrons donc que le sponsoring (ou parrainage) est un vecteur de
communication pour une entreprise (le parrain ou le sponsor), qui, en échange d’une contribution
financière, matérielle, technique… va pouvoir lier son image à celle d’un club sportif ou d’un athlète
particulier dans l’optique commerciale d’accroître sa notoriété. Selon Quester (1997), l’objectif est
donc de transmettre des valeurs du sport concerné et des éléments de la culture qu’on y associe à
l’entreprise afin de la rendre plus attractive. Le sponsoring est donc bien plus qu’une simple
alternative aux techniques de publicité plus classiques.
Le sponsoring est basé sur une logique d’échange, de partenariat qu’on peut schématiser de la
façon suivante:
SOUTIEN (financier, matériel…)
SPONSOR
PARRAINE
L’entreprise
Le sportif
Image, Notoriété, Promotion
Modalités
Les deux partis (le parrain et le parrainé) doivent être liés par un contrat par lequel ils
conviennent des conditions et modalités juridiques du partenariat.
Généralement, le parrainé aura l’obligation de mettre en valeur la marque en la citant dans ses
interventions médiatiques, et en arborant des logos et visuels sur l’ensemble des supports disponibles
(vêtements, matériel, site internet…). De nombreuses clauses sont également envisageables, telles que
l’obligation de participer à telle ou telle compétition, de se tenir à disposition de l’entreprise pendant
un certain laps de temps (pour des opérations de promotion, par exemple…), etc.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Fiscalité
Au titre de l’impôt sur les sociétés, l’article 39-1-7° du Code Général des Impôts prévoit que
les sommes versées dans le cadre d’un sponsoring peuvent être intégralement déduites au titre des
charges d’exploitation (à la condition que ces charges soient exposées dans l’intérêt direct de
l’exploitation de l’entreprise). Enfin, étant donné son caractère commercial, la dépense liée au
parrainage est assujettie à la TVA.
Limites
L’opération de sponsoring étant une opération de communication, il faut respecter les règles
du droit de la publicité ainsi que le règlement de la fédération sportive concernée.
Rappelons aussi que certaines marques ou produits ne peuvent pas communiquer sur leur
image (c’est le cas pour les entreprises du secteur du tabac, des boissons alcoolisées, des produits
pharmaceutiques…)
Enfin, il faut relever le cas particulier des Jeux Olympiques : en effet, la Charte Olympique est
particulièrement précise quant à la taille maximum du logo du fabriquant pouvant apparaître sur les
équipements des athlètes (les partenaires d’un secteur autre que l’équipement utilisé par le sportif ne
pourront donc pas être visibles lors de la compétition).
Le sponsoring en chiffres
C’est dans les années 1980 que le sponsoring sportif a véritablement explosé. Aujourd’hui et
au niveau mondial, on estime que les opérations de sponsoring représentent un marché d’environ 30
milliards d’euros qui progresse annuellement de près de 10%. Rien qu’en France, c’est près de 4
milliards d’euros qui sont en jeu, dont 25% (soit 1 milliard d’euros) en direction du domaine sportif
(contre 21% pour la culture, 20% pour le social et l’humanitaire…). Pour donner une autre échelle de
grandeur, on estime qu’en 2003, 8% des dépenses de communication des entreprises se faisaient par
des actions de parrainages.
En 2006, plus de 57% des marques ayant lancé des campagnes publicitaires ont aussi investi
dans le sport. Cela se comprend d’autant plus quand on sait qu’en moyenne, chaque Français
«consomme» plus de 76 heures de sport par an à la télévision.
Actuellement, il semblerait que la dégradation du climat économique n’ait pas influencé ce
marché. Une des raisons pouvant expliquer cette «résistance» est que le sponsoring fait partie
intégrante du marketing mix de nombreuses marques.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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ordre de grandeur des sommes entrant en jeu dans le sponsoring de différents sports
NB : le ticket moyen du partenaire fédéral de canoë-kayak est d’environ 350.000€ annuels.
Un contraste saisissant
Comme le montre le tableau ci-dessus, les montants des sommes en jeu sont très disparates en
fonction du sport concerné. Ces montants dépendent également de la personnalité en question, car tous
les sportifs n’ont pas le même prix.
A titre d’exemple, nous citerons Tiger Woods, le meilleur golfeur de la décennie qui cumulait
(avant son récent scandale n’ayant rien à voir avec ses performances) plus de 100.000.000 de dollars
de sponsor annuel (avec EA Sports, Gillette, Nike, …, etc).
A l’opposé, Philippe Colin, champion du monde de kayak en 2007 touche 5.000 € sur 2 ans de
son unique sponsor (Norba).
Nous verrons plus loin les explications à de telles différences, ainsi que les stratégies qui
peuvent en découler.
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B. Le mécénat
Définition
Il n’existe pas de définition légale du mécénat, cependant, on peut se référer à la terminologie
prévue par l’arrêté du 6 janvier 1989 «relatif à la terminologie économique et financière», qui définit
le mécénat comme étant le “ soutien matériel, financier ou technique apporté, sans contrepartie directe
de la part du bénéficiaire – le mécénat s’assimile alors à un don -, à une œuvre ou à une personne pour
l'exercice d'activités présentant un intérêt général ”. Notons que la notion d’intérêt général est très
vaste et englobe, en plus du sport, toutes actions à caractère philanthropique, éducative, culturelle,
humanitaire, etc. Enfin, le mécénat peut prendre plusieurs formes : mécénat de compétence (mise à
disposition de salarié(s)), mécénat financier, en nature ou technologique (qui concerne le métier, le
savoir faire de l’entreprise).
Différences entre le mécénat et le sponsoring
La différence entre ces deux notions est plutôt floue, malgré la loi du 23 juillet 1987 relative
au développement du mécénat : le parrainage vise à retirer un bénéfice direct, notamment via la
communication, alors que le mécénat ne doit pas permettre la compensation des dépenses engagées.
Cependant, dans ce dernier cas, il est possible que le mécène apparaisse de «façon discrète» (on
consent des contreparties à une hauteur de 25% du montant du don) et peut même afficher son soutien
sur ses propres supports de communication ou dans la presse. L’absence de retour sur investissement
est donc très relative. Zentes et Deimel (1991) font la distinction suivante : «[…] un soutien plutôt
discret pour le mécénat et une exploitation fortement axée sur l’efficacité publicitaire de l’engagement
pour le sponsoring».
Intérêts du mécénat
«Si les entreprises choisissent le mécénat, et elles sont aujourd'hui près de 30.000 à le faire en
France, c'est qu'elles y ont un intérêt, sinon même des intérêts (...) : une meilleure cohérence de
l'équipe autour de valeurs communes, un bénéfice d'image et une communication plus riche».
Source: N. Simon et M. Eshet, «le mécénat», valeur actuelle, Gallimard
Avantage fiscaux
Contrairement au sponsoring, considéré comme un investissement publicitaire, le mécénat
permet des déductions fiscales.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Selon le code général des impôts (article 238 bis), le mécénat ouvre droit à une réduction
d'impôt égale à 60 % du montant du “ don ”. Ceci est toutefois plafonné à une limite de 5 ‰ du chiffre
d'affaires (HT) de l’entreprise assujettie à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés.
Cependant, si cette limite est atteinte au cours d’un exercice, l’excédent du versement pourra donner
lieu à la réduction d’impôt sur les cinq exercices suivants.
Néanmoins, il semble que ce n’est pas la déduction fiscale qui soit le principal élément
déclencheur d’un mécénat. En effet et dans la majorité des cas, ce type d’opération voit le jour, grâce à
la rencontre de personnes et de projets construits conjointement, en prenant en compte des valeurs que
les entreprises souhaitent défendre. Dans certains cas, il est même possible que le dirigeant de la
société mécène ait un intérêt personnel pour la cause soutenue, ou au contraire, que son action soit
totalement désintéressée et menée dans un but caritatif.
Le mécénat en chiffres
Malgré les avantages qu’elle offre, cette technique est relativement peu utilisée dans le
domaine sportif. En 2008, ce marché représentait environ 125.000.000 € soit à peine 5% du montant
total du mécénat français (la culture et la solidarité en sont les deux principaux postes).
Cependant, il est intéressant de constater que cette technique est l’apanage des PME puisque
73% des opérations de mécénat sont effectuées par des entreprises de moins de 100 salariés. Ces
opérations sont d’ailleurs souvent “ locales ” puisque près des deux tiers de celles-ci s’effectuent dans
la région ou l’entreprise est implantée.
On retiendra donc surtout que dans la plupart des cas, une telle opération apparaît par la
proximité (d’où l’importance des réseaux de contacts lorsque les sportifs cherchent de tels soutiens).
Un exemple de mécénat : la Française des Jeux – F. Quentin
F. Quentin est chargée de mission mécénat à la FDJ et suit l’ensemble du processus de
partenariat
«La Française des jeux s’est dotée depuis 1991 d’une «cellule mécénat» et d’un challenge
dont le principe est le suivant : chaque mois, un jeune sportif méritant est choisi sur dossier de
candidature pour l’obtention d’une bourse d’une valeur de 10.000€ et d’un accompagnement
périphérique (média-training, suivi médical…). Ce sportif (quelle que soit sa discipline) est désigné en
fonction des critères de l’âge, de son potentiel de progression et des “ nobles valeurs du sport ” qu’il
représente.
Avec ce dispositif (qui fait partie d’un ensemble d’actions de partenariats sportifs), la
Française des Jeux espère s’associer aux futurs succès de jeunes athlètes et ainsi se donner une image
de performance et de dynamisme». Son objectif est aussi de se positionner en tant que bienfaiteur.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Cet exemple est particulièrement intéressant car, bien que qualifié d’opération de mécénat, il
semble que l’entreprise bénéficie d’un certain retour sur investissement. D’une part, elle s’inspire
grandement de ces mécénats pour construire son identité (largement tournée vers le sport), et, d’autre
part, elle les exploite pour effectuer des opérations de communication de large envergure (ponctuelles
mais assez fréquentes).
«Il est difficile d’associer mécénat et publicité mais on essaie d’avoir un maximum de
visibilité dans la limite légale. Et puis, nous avons l’avantage d’être inscrit dans la durée, ce qui
donne plus de poids à notre soutien».
Source: entretien avec F. Quentin, 28.04.2010
campagne publicitaire basée sur le mécénat de la Française des Jeux (03/2009)
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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C. Le contrat d’insertion professionnelle (CIP)
Introduction
La vie d’un sportif non professionnel ne se limite pas à sa carrière sportive. C’est pour cela
qu’on parle souvent de double projet (formation et insertion professionnelle d’une part et sport de haut
niveau d’autre part). Cependant, il est évident que les charges imposées aux sportifs (nombreuses
heures d’entraînement, semaines de stages et de compétitions) rendent difficile la gestion de ces deux
objectifs distincts. Des aménagements sont souvent possibles lors de la formation du sportif (comme
dans mon cas, par exemple, avec l’aide des responsables de la formation de l’UMLV). Cela devient
plus complexe lorsqu’il s’agit de trouver et d’assumer un poste dans une entreprise. C’est donc dans le
but de concilier une carrière professionnelle et une carrière sportive qu’ont été créées les CIP ou
«dispositifs d’aménagement d’emploi du sportif de haut niveau» par le ministère de la Santé, de la
Jeunesse et des Sports.
Description
Ce dispositif, relevant de l’article L.221-8 du Code du sport est un contrat annuel passé entre
une entreprise (qu’elle soit privée ou publique) et l’Etat. L’employeur s’engage à prendre en compte la
pratique sportive de haut niveau et les contraintes que cela engendre pour son employé (le sportif) en
le libérant lorsque cela est nécessaire. En contrepartie, il est possible que l’Etat prenne en charge une
certaine proportion de la rémunération de l’employé concerné, pour dédommager l’entreprise des
efforts qu’elle consent à faire. L’objectif de formation de l’employé sportif peut aussi être pris en
compte. Dans ce cas, l’entreprise espère l’embaucher (selon un procédé plus classique) au terme de sa
carrière professionnelle.
Modalités
La demande de CIP doit être initiée par le directeur technique national (DTN) de la fédération
de l’athlète. Les “ mises à disposition ” du sportif nécessitent des convocations écrites du DTN, selon
un calendrier fourni en début de saison. Les contrats de travail des sportifs doivent obligatoirement
être des contrats de plein temps, et à durée indéterminée. Pour éviter les dérives (notamment les
emplois fictifs), l’employé doit avoir un poste de travail et une mission professionnelle clairement
identifiés. Enfin, l’employé peut être détaché pour sa pratique sportive jusqu’à un mi-temps annualisé
(voire plus dans le cas des années préolympiques et olympiques).
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Dans certains cas, il est possible que les DRDJS (Direction Régionale et Départementale de la
Jeunesse et des Sports) tiennent le même rôle que l’Etat.
Les avantages de la CIP
Avantages pour le sportif
Il est évident qu’un tel dispositif est appréciable pour le sportif: il lui permet de concilier au
mieux son double projet en poursuivant ses objectifs sportifs tout en assurant son intégration
professionnelle (ainsi qu’une rémunération stable et une couverture sociale !). De plus, la
reconversion, après l’arrêt de la carrière sportive sera grandement facilitée. Ainsi, le sport de haut
niveau pose moins de contraintes par rapport aux objectifs professionnels de l’athlète.
Avantages pour l’entreprise
Employer un sportif de haut niveau peut se révéler très bénéfique: tout d’abord, le nom de
l’entreprise pourra être associé au sportif (l’entreprise devient en quelque sorte un «sponsor privilégié»
de l’athlète). Les résultats attendus d’une telle opération peuvent donc être comparables à ceux d’un
sponsoring classique. D’ailleurs, une CIP offre la possibilité «d’exploiter» l’individu sportif au-delà du
simple cadre de son emploi.
CIP et communication interne – A. Brogniart
A. Brogniard est responsable communication de la fédération française de canoë-kayak
«Arnaud Hybois [demi finaliste des JO 2008 en kayak monoplace] bénéficie d’une CIP avec le
groupe Saur. Récemment, il a été proposé de réaliser une séance photo afin de mettre en scène un
kayak biplace dans lequel on verrait le sportif et l’un de ses collègue de travail (avec un slogan du
type «ils rament ensemble pour les mêmes objectifs») afin de souligner la complémentarité de tous les
employés de l’entreprise»
Source: entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010
En plus de percevoir un dédommagement de l’Etat dans le cadre d’une CIP, il n’est pas exclu,
pour la société de profiter également d’une réduction d’impôt similaire à celle obtenue dans le cadre
de la loi sur le mécénat.
Compter un sportif de haut niveau permet également de bénéficier de son expérience hors du
commun. En effet, un sportif accompli est une personne ambitieuse, ayant le goût de l’effort, sachant
gérer les situations difficiles, cherchant la performance à tout prix… Autrement dit, il peut être
assimilé à un employé de choix apportant une réelle plus-value à son entreprise.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Les sportifs de haut niveau dans l’armée
«Que cherche l'armée française en accumulant les médailles, y compris jusque sur les
tremplins de saut à ski ? Le "rayonnement", répond le général Renaud, chef du commissariat aux
sports militaires, la structure qui chapeaute l'équipe de ski et ses homologues des autres sports. "C'est
une question d'image auprès de la population." "Les champions jouent un peu le même rôle que la
patrouille de France, un rôle de prestige", renchérit le commandant Persicot, qui souligne aussi la
mission que remplissent les athlètes "en interne" : "Pour un soldat engagé en Afghanistan, savoir que
l'un des siens brille au plus haut niveau est une source de satisfaction"».
Source: lemonde.fr, Benoît Vitkine, «les gradés font du ski», 09.02.2010
Etat des lieux
Aujourd’hui, le secteur public est largement plus actif en ce qui concerne l’emploi des sportifs
de haut niveau: la Défense nationale compte pas moins de 185 athlètes militaires répartis de la façon
suivante, suivant les «traditions militaire» : armée de terre (ski, triathlon, équitation, entre autres),
armée de l’air (parachutisme), marine nationale (voile), gendarmerie (tir, athlétisme, natation, avec,
par exemple, Alain Bernard). L’objectif de cette démarche (qui s’inscrit dans un partenariat historique
entre les ministères de la Défense et celui de la Jeunesse et des Sports), est d’aider les sportifs à
performer tout en les préparant à leur reconversion professionnelle (qu’elle soit dans l’armée ou pas).
Les autres principaux contributeurs publics sont la Police nationale (une soixante d’athlètes),
l'Education nationale (cinquante) et des Douanes (avec, entre autres, les skieurs Julien Lizeroux et
Sandrine Aubert).
Dans le canoë-kayak, en 2009, 13 sportifs étaient en CIP directement avec un ministère
(surtout les ministère de l’Intérieur, de la Défense et de l’Education), 3 avec la Fédération Française de
Canoë Kayak, 2 avec EDF, 1 avec le groupe Bouygues, 1 avec la RATP et 5 avec d’autres entreprises
du secteur privé.
Campagne publicitaire de la RATP
mettant en valeur les performances de deux de
ses salariés : les frères Guénot, tous deux
médaillés aux JO de Pékin
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
Partie II
COMMENT UTILISER LE
PARTENARIAT SPORTIF ?
Dans cette partie, nous allons nous pencher sur une
question essentielle qu’on se pose lorsqu’on décide ou non de
soutenir un sportif : à quoi cela va pouvoir servir ? Dans un
premier temps et pour poser les bases de la réponse que nous
allons apporter, nous devons détailler les composantes du
sportifs qui semblent « exploitables » par les entreprises. Puis,
nous verrons que de telles personnalités représentent une
véritable source de richesse dans de nombreux domaines.
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Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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qu’est ce qu’un athlète de haut
niveau «amateur» ?
Introduction:
Nous retiendrons comme définition d’athlète de haut niveau le fait qu’une personne soit
engagée dans un projet sportif de dimension nationale ou internationale. Tout au long de l’année, il fait
le choix de s’entraîner et de participer à des compétitions, quitte à ce que cela ne soit au détriment de
sa carrière professionnelle ou de ses activités de loisir. En France, le ministère de la Santé, de la
Jeunesse et des Sports reconnaît le statut « d’élite » à environ un millier d’athlètes (en fonction de
leurs résultats lors de compétitions de référence). Comme nous l’avons déjà évoqué, nous considérons
qu’un sportif est amateur lorsqu’il n’est ni employé ni rémunéré dans l’unique but de performer dans
son activité sportive (comme c’est le cas dans un d’un club de football de L1 ou dans une structure
telle que le Team Lagardère par exemple).
De nos jours et d’après P. Mignon, un champion est aussi « un nouveau type de
travailleur impliqué dans une activité qui suppose un engagement productif fort de ressources
personnelles comme le talent, l’effort, l’énergie, les compétences spécifiques et collectives. […] Cette
activité de production implique la transformation du corps pour répondre à l’objectif sportif qui est de
gagner ».
De plus, ce sportif est, par définition, un sportif qui connaît la victoire et qui appartient aux
meilleurs de sa discipline. Or, dans la société de ce début du XXIème siècle, le sport occupe une place
prépondérante. Ainsi, l’athlète qui participe à des compétitions internationales, représente en quelque
sorte une équipe, une communauté, une collectivité voir même, un pays ! C’est particulièrement le cas
lors des Jeux Olympiques pendant lesquels on n’a de cesse de présenter le « tableau récapitulatif des
médailles » en utilisant des expressions telles que « la France compte X médailles ». Idem avec
l’équipe de France de football dont des millions de journalistes, supporters ou détracteurs parlent en
utilisant le terme « nous ». Les sportifs sont donc de véritables « emblèmes » et représentants
nationaux auxquels un public extrêmement large s’identifie.
L’universalité du sport
A travers le sport qu’il pratique et dans lequel il excelle le champion est associé à un certain
nombre de notions propres au sport.
Il est largement admis que le sport dépasse le simple phénomène de mode. Aujourd’hui, le
sport est une activité universelle, une composante importante de notre société : plus d’un milliard
d’êtres humains pratiquent une activité sportive régulière (plus de 31 millions rien qu’en France). Pour
se persuader de la « puissance du sport », il suffit de voir les répercutions au sein de notre société que
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
23
des événements tels que la victoire lors de la coupe du monde 98, ou l’échec du projet de Paris 2012
ont pu avoir. Dans un passé proche, ce qui était surtout vrai dans les sociétés occidentales tend à se
confirmer au niveau de la planète toute entière : en effet, la croissance de régions telles que le sud-est
asiatique ou le continent sud-américain s’accompagne d’un «enracinement» du sport comme fait de
société.
Si le sport occupe une place si importante, c’est notamment grâce aux valeurs et aux symboles
qu’il véhicule. C’est là sa principale force : à la base, le sport est un loisir, une activité physique
« gratuite » ayant pour unique but l’épanouissement de l’être humain. D’ailleurs, son développement
est arrivé conjointement avec l’avènement de la société de loisir (aujourd’hui, le temps libre dépasse
largement le temps passé au travail).
Généralement, on s’accorde à identifier cinq valeurs fondamentales que le sport met en
avant (selon Erhenberg, 1991) :
La fraternité dans l’effort : dans le sport, on est toujours plus fort en comptant sur un
collectif plutôt que sur des individualités.
La valeur de juste compétition : une compétition met tout le monde sur un pied d’égalité,
tout le monde a ses chances, dans un esprit de loyauté (à l’opposé du trucage ou de la
corruption)
Le désintéressement et l’effort gratuit
La performance, le dépassement de soi et des autres
L’aventure, le risque, l’incertitude du résultat final
Une étude effectuée par le CIO (Comité International Olympique) en 2000 montre que les
mots les plus souvent associés aux Jeux Olympiques sont : Amitié, multiculturel, global, participation,
pacifique, festif, détermination…
La conclusion de cette étude est que les quatre dimensions définissant le mieux l’image des JO
sont : l’espoir, le rêve et l’inspiration, l’amitié et le fair-play, la joie dans l’effort et la volonté de faire
de son mieux (Revue Olympique, mai 2004).
Ainsi, le champion qui voue sa vie au sport est inéluctablement un « fer de lance » rassemblant
et poussant ces valeurs à leur paroxysme. Mais ce n’est pas tout, car en participant à des compétitions
de très haut niveau, les personnalités sportives développent d’autres spécifités.
Le sport spectacle
Le sport est également de plus en plus médiatisé : en 2003, plus de 2000 heures de sport
étaient au programme des 6 grandes chaînes hertziennes. L’évolution la plus spectaculaire est
certainement celle de la télévision anglaise qui a vu la durée totale de ses programmes sportifs
multipliée par 3 (et même plus puisque la progression est de l’ordre de 330%) entre 1993 et 1998
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
24
(source : Proctor, 1999). L’idée de sport spectacle tend à s’affirmer, on va au stade comme au cinéma,
pour voir des scénarios rocambolesques, avoir des décharges d’adrénaline ou s’attendrir sur le sort du
vaincu.
Les athlètes sont alors assimilés à de véritables stars - d’ailleurs, on les voit régulièrement
apparaître dans la presse people. Yannick Noah en est la preuve puisque cet ancien tennisman de très
haut niveau a été élu «personnalité préférée des français» en 2010 et pour la 5ème année consécutive !
Le spectacle sportif, dont la scène peut être un stade, une piscine, un terrain de sport
collectif… suscite un engouement planétaire : plus de 3 milliards d’individus ont regardé au moins une
fois les Jeux de Vancouver ! Pourquoi ? Pour répondre à cette question, il faut se pencher sur la
question de ce qu’est la compétition - élément central du sport spectacle.
Une star dans l’arène : Usain Bolt après son titre olympique du 100m
La compétition
Elle représente ce pour quoi l’athlète se prépare tout au long de sa carrière. C’est lors de la
compétition et face à ses concurrents qu’il doit mobiliser toutes ses aptitudes et capacités pour aller
chercher la victoire. En quelques instants, le spectateur peut alors assister à un exploit d’une de ses
« icônes » ou, à, l’inverse, d’un parfait inconnu ! L’incertitude du résultat final et le suspense sont
donc deux des moteurs de l’intérêt qu’on portera à de tels événements. De plus, dans le sport
spectacle, les sportifs tiennent le rôle de véritables acteurs… Le spectateur attend donc de voir et de
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
25
partager, (car il s’identifie à ces sportifs et « vit » à travers eux ») des émotions de joie, de peine,
d’exultation, des « gestes forts », des faits marquants…
Enfin, la compétition peut servir de véritable « tremplin » à la carrière du sportif : c’est à ce
moment-là qu’il peut être vu, applaudi ou admiré ! En effet, c’est lors des Jeux Olympiques,
championnats du monde, d’Europe…etc. que les médias seront présents et pourront mettre en lumière
les performances de l’athlète qui va ainsi pouvoir se construire une image qui lui sera propre.
L’image du sportif
Selon M. Bazex, S. Blazy et R. Killy (2005), la renommée d’un athlète provient
essentiellement de deux facteurs : la première condition correspond à sa faculté de performance et de
victoire lors d’événements d’importance (les compétitions) qui lui permettront de capter et de
bénéficier d’une attractivité médiatique. Ainsi, il peut profiter de la renommée de l’événement sportif
(c’est par exemple le cas lorsqu’Usain Bolt réalise une performance hors du commun – le record du
monde du 100m en 9’68 – lors de la compétition de référence de sa discipline – Les Jeux
Olympiques).
Le second facteur décrit par ces auteurs correspond à la qualité des autres participants à la
compétition. On pourrait résumer cela par la célèbre devise « à vaincre sans péril, on triomphe sans
gloire » . Cependant, il est de mon avis que cette condition n’est qu’un élément d’un facteur plus
global, celui du « sport spectacle » qui a été introduit plus haut. En effet, la renommée de l’athlète est
soumise, d’après ce que nous venons d’exposer à son attractivité médiatique. Or, cette dernière peut
apparaître ou être renforcée par d’autres éléments que la performance en elle-même : Sébastien Chabal
en est un bon exemple. Dans un sport ou la notion de «collectif» prend tout son sens, il a su se
construire une image personnelle très forte et est ainsi devenu l’un des rugbyman les plus célèbres,
sans pour autant se détacher par des performances significativement supérieures à celles de ses
coéquipiers. En effet, il doit surtout sa notoriété à son style très «brut», son look, ses muscles saillants
et quelques actions visuellement impressionnantes sur les terrains de rugby. Autre exemple, celui de
Marc Raquil qui acquit une médaille d’argent lors des mondiaux de Paris en 2003. Sa notoriété fut
décuplée par le fait que la compétition se
déroulait dans son pays et par sa très spectaculaire remontée en toute fin de course qui le fit
passer de la 7ème à la 2ème place en moins de 80 mètres. A l’inverse, qui se souvient de la performance
de F. Dumoulin aux JO de Sydney lorsqu’il remporta l’or en tir au pistolet à 10m ?
Ces différences de «traitement» s’expliquent par le fait qu’avant tout, les sportifs sont des
hommes, et même des hommes de spectacles. Ainsi, de nombreuses caractéristiques plus ou moins
étrangères à leurs performances ont une influence déterminante : le look, le «style», l’aisance de
l’athlète devant les caméras, le charisme, le passé… (par exemple, le cancer auquel Lance Armstrong
a échappé a grandement contribué à renforcer son image de battant). Ceci semble se vérifier d’autant
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
26
plus à mesure que la notoriété du sportif grandit : plus un individu attire les médias, plus ceux-ci vont
chercher dans «l’extra sportif» pour trouver de nouveaux sujets (ceci était particulièrement le cas de
Laure Manaudou, pour qui on s’intéressait plus, à un moment de sa carrière, à ses histoires d’amour et
ses relations avec son entraîneur plutôt qu’aux chronos qu’elle faisait en compétition).
Particularité du sport amateur
Le sportif de haut niveau est un athlète qui, malgré des contraintes multiples (physiques,
psychiques ou même économiques dans de nombreux cas) performe dans son activité. Il renvoie ainsi
à un véritable idéal de fonctionnement du monde du travail en apparaissant comme une figure
autonome sachant intégrer toutes les données nécessaires à la réussite de son projet. Ceci est d’autant
plus vrai dans le cas des sports amateurs, dans lesquels il n’existe pas de clubs ou de structures
proposant des contrats de travail aux athlètes. Ainsi, ce type de sportif d’exception porte, par la
réussite de ses objectifs et en plus des professionnels, des valeurs d’implication, de dévouement à une
cause et d’organisation… qui correspondent également à l’image du parfait entrepreneur. (nous
développerons ce point dans la suite de l’exposé).
La renommée d’un sportif d’élite dépend donc de très nombreux facteurs qui peuvent aller
bien au-delà du domaine de leur discipline sportive. Cette image peut constituer un formidable support
à de multiples activités économiques, et pas seulement dans l’industrie du sport !
Points communs entre le sport de haut niveau et le monde de l’entreprise
De nombreux liens peuvent être faits entre le vécu des champions et les multiples situations
auxquelles une entreprise peut être confrontée. En effet, le sportif de haut niveau, par son implication
et la réalisation de son projet de performance, est amené à faire face à une multitudes
d’expériences qu’il pourra retrouver dans le milieux professionnel.
Parallèles entre sport et entreprise – F. Masnada
F. Masnada, triple médaillée olympique et mondiale en ski alpin, est aujourd’hui consultante
sportive, et chargée de relations publiques et de communication dans de nombreux événements et
séminaires (dans et en dehors du milieu sportif).
«Beaucoup de parallèles peuvent être faits avec les situations vécues par un champion :
déterminer ses objectifs et priorités, préparer les grands rendez-vous, gérer le stress, prendre la
parole lorsque cela est bon pour l’équipe, trouver des sources de motivation et de performance, gérer
ses partenaires, mobiliser son équipe, rebondir après un échec, une blessure, ou gérer les succès… ce
sont autant de notions qu’un sportif accomplis est capable d’appréhender et de gérer au mieux.
Toutes ces situations sont finalement vécues de la même manière [pour un athlète et pour une
entreprise], même si elles ne sont pas forcément identifiées et analysées ainsi».
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
27
A cela, il faut ajouter la particularité du contexte dans lequel l’athlète vit de telles
expériences : le sport, par son universalité, les valeurs qu’il transmet, le spectacle qu’il offre et
l’ensemble des notions positives dont il est porteur, offre un parfait vecteur de transmission et de
communication applicable à de nombreux domaines de management et de marketing. Ainsi, le
champion peut se targuer de développer des aptitudes incontournables dans le milieu professionnel:
« La volonté, l’engagement, l’implication, la ténacité, la recherche de la performance, la
nécessité de la remise en question… sont les traits constitutifs du profil type du sportif accompli », ou
de celui du manager idéal ! Cette dernière comparaison semble bien venue lorsqu’on se penche sur la
problématique à laquelle il faut répondre lorsqu’il s’agit de prendre des risques et des décisions
destinés à nous mener à la victoire : la gestion des ressources matérielles et humaines est une réalité
pour le sportif. Ainsi, le choix et la gestion de l’entraîneur, du préparateur physique, du meilleur projet
de formation professionnelle compatible avec la pratique de la compétition, mais aussi les relations
avec les partenaires d’entraînement, concurrents, présidents de club, premiers entraîneurs, responsable
marketing ou social de la fédération, équipementiers, sponsors, conseillers sportifs, financiers, juristes,
préparateur mental, médecin, kinésithérapeute, ostéopathe… constituent de véritables enjeux qui vont
« forger » la personne confrontée à ces divers acteurs dont dépend la performance finale.
Comme cela a d’ailleurs été intégré par l’ensemble du corps enseignant de l’université de
Marne-la-Vallée, le projet sportif s’inscrit dans une logique de formation et peut être largement
valorisé et utilisé au sein de l’entreprise.
Source : entretien avec F. Masnada, 30/03/2010
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
28
Les domaines d’exploitation des partenariats
Après avoir décrit le sportif de haut niveau, les acteurs et les éléments constitutifs de son
environnement, nous allons étudier les différents objectifs que le partenariat sportif permet de
poursuivre.
A. La plus-value d’une force de travail
exceptionnelle
Comme nous venons de le voir, la carrière sportive peut être assimilée à une expérience hors
du commun : par son dévouement et les enjeux que comporte son projet, le sportif se confronte de luimême à des problématiques partagées avec le monde professionnel :
Il doit, dans un premier temps, faire preuve de capacités organisationnelles afin de définir ses
objectifs, les étapes à franchir et les moyens à mettre en place pour y parvenir. Son « plan d’action »
prendra en compte l’entraînement à court terme, le niveau de forme visé à moyen terme et
l’optimisation de la performance à long terme.
Le soucis du détail, la recherche de la perfection, l’innovation (lorsqu’un skieur a eu l’idée
d’aller faire des tests en soufflerie pour travailler sa position de recherche de vitesse, par exemple) sont
les notions qui permettent au champion de toujours progresser.
Etre conscient de ses forces, de ses faiblesses, savoir analyser objectivement un échec ou une
victoire et en tirer des enseignements pour devenir encore meilleur est aussi primordial (on pourrait
même imaginer qu’un judoka ou un boxeur applique l’analyse SWOT pour choisir la catégorie de
poids ou il sera le plus performant).
Etude des paramètres physiologiques en laboratoire : innover et chercher les petits détails
pour faire la différence
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
29
Un champion doit aussi être capable d’exprimer à l’instant « T » l’ensemble de ses facultés
et du travail qu’il a entrepris tout au long de sa préparation et ce, malgré les multiples pressions dont
il est souvent la cible.
Dans le sport moderne, il faut également savoir gérer et exploiter au mieux son
environnement sans le subir : les médias, les sponsors, les supporters… sont autant d’acteurs
extérieurs qu’il faut savoir appréhender pour ne pas remettre en cause la performance finale.
Les titres et les médailles sont autant de preuves de l’assimilation de toutes ces notions et
qualités par le sportif. Ceci est d’ailleurs de plus en plus intégré dans notre société, puisque, selon M.
Fontannel (2008) « la pratique quotidienne du sport de haut niveau apporte un supplément de
connaissances parfois reconnu par les instances académiques ». Ces aptitudes, couplées avec le
concept de la CIP (vu dans la partie I), peuvent apporter une véritable plus-value à l’entreprise.
Une étude du même auteur montre que selon l’expertise de recruteurs, de créateurs
d’entreprise et de sportifs, les principales valeurs développées par la pratique du sport sont (par ordre
décroissant d’importance) :
Le goût de l’effort, la volonté, la persévérance
Le sens des responsabilités et du respect des règles
L’initiative et l’autonomie
Le respect du contrat moral
La confiance en soi
L’aptitude à l’effort
La gestion des objectifs et la rigueur…
Le modèle du sportif-manager
M. Fontanel (2008) va même plus loin en avançant que « le management, dans son acceptation
la plus noble, ne s’apprend pas dans les écoles de commerce. C’est un Art qui ne s’obtient que par
l’expérience et la personnalité. Si les directions des ressources humaines des entreprises recherchent
d’abord à développer un capital humain devenu indispensable à la réussite des organisations, le sport
de haut niveau est susceptible de développer de nouvelles compétences acquises hors des sentiers
tracés de l’éducation traditionnelle »
Une telle affirmation ne peut être avancée sans que nous ne nous penchions sur les
composantes essentielles qui autoriseront une prise de poste efficace par un individu. Généralement,
un employé (et, dans le cas qui nous intéresse le plus, un manager), se distingue par son savoir, son
savoir-faire, son «savoir-être» et son «savoir-évoluer».
Les savoirs désignent les connaissances générales ou spécialisées requises à un poste
Les savoir-faire représentent la maîtrise d’outils ou techniques spécifiques.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
30
Il est admis que ces compétences s’acquièrent par l’intermédiaire d’enseignements (en
université ou en école). En revanche, les deux autres entités sont moins formalisées.
Le savoir être exprime les attitudes et les comportements des personnes dans leur travail
Le savoir évoluer concerne le potentiel de progression dans un métier donné ou dans un
tout autre type d’activité.
Il semble très difficile d’établir un référentiel d’évaluation de ces deux dernières notions.
Cependant, il est intéressant de constater qu’on demande, entre autres, aux managers « modernes » de
faire preuve des « savoir être » suivants : savoir diriger, organiser, décider, contrôler, communiquer.
Le parallèle avec le sportif de haut niveau est évident dans ce cas. Idem pour l’idée de « savoir
évoluer » que nous avons étudiée un peu plus haut à travers la recherche constante de progression dans
les domaines sportif et extra sportif (gestion des médias, de l’image…etc).
Finalement, une carrière de haut niveau semble pouvoir s’apparenter, à condition que les
expériences qui s’y rapportent soient bien transposées au monde de l’entreprise, a un complément
idéal à la formation d’un manager performant.
Une expertise valorisable
Un sportif d’élite peut également apporter un avantage à l’entreprise en tant qu’agent
extérieur. Dans le cadre de la discipline sportive pratiquée à haut niveau, il peut être amené à participer
au développement de la qualité, de la performance, mais aussi de l’image des équipements et matériels
qu’il utilise. Nous développerons ce point un peu plus loin (cf encadré « le partenariat entre S. Jouve et
Plastex) et verrons l’ensemble des avantages qu’une telle association peut apporter.
Attention à l’idéalisation
Apportons une nuance à «l’idéal» du sportif que nous avons décrit jusqu’à maintenant. Si
l’idée du « double champion » (sportif et professionnel) n’est pas fictive (citons par exemple Y Hocdé,
champion olympique d’aviron à Sydney qui, s’entraînait environ 20 heures par semaines durant sa
carrière sportive, tout en assurant ses revenus en travaillant dans un restaurant – la aussi, 20 heures
hebdomadaires – et en suivant une formation universitaire de - 24 heures - pour obtenir son professorat
de sport), il n’en demeure pas moins que les contre-exemples sont légion. Une fois leur carrière
sportive terminée, nombreux sont les sportifs qui doivent faire face à de véritables crises d’identité,
voire à une certaine forme de marginalisation sociale. Le sport de haut niveau n’ouvre pas
obligatoirement les portes sur un avenir professionnel radieux, mais peut y contribuer en fonction de
ce que les individus font de leurs expériences !
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
31
Voici quelques exemples de reconversions réussies : Jocelyn Delecour, champion d’athlétisme
puis directeur commercial d’Adidas France, Bernard Laporte, ex-rugbyman devenu entraîneur du XV
de France, puis secrétaire d’état à la jeunesse et les sports, Henri Leconte était tennisman avant de
devenir gestionnaire de sociétés et de sponsoring, Jean Claude Killy, ex-champion de ski est
aujourd’hui directeur de société, membre du CIO et de nombreux conseils d’administration, dont celui
de Coca-Cola France… On remarque tout de même qu’une majorité de ce type de sportifs
bénéficiaient, en plus de leur expérience du haut niveau, d’un certain nombre de diplômes, que ce soit
en management, communication, ou dans des domaines plus «techniques».
Tim Brabants, kayakiste double médaillé olympique à Pékin et… médecin
généraliste
CONCLUSION
Globalement, un champion accompli peut constituer une véritable ressource
(notamment humaine et technique) pour nombre d’entreprises. Même si celui-ci peut
présenter le désavantage d’être très occupé par son projet sportif, l’embaucher peut être
réellement bénéfique, notamment dans le cas où il envisage sa reconversion dans la société
concernée.
Le recrutement, le partenariat ou la collaboration avec de telles personnalités sont
d’autant plus intéressants (quel que soit le type de l’association : sponsoring, mécénat ou
CIP), qu’elle offre la possibilité de répondre à d’autres besoins, notamment dans les
domaines du marketing et de la communication.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
32
B. La communication externe
Se construire une image
Introduction : l’intégration du sponsoring au marketing-mix
Comme le montre la figure suivante (extraite de «le sponsoring dans la hiérarchie des
stratégies de l’entreprise», Walliser, 1994), la stratégie globale s’inscrit dans le cadre de la stratégie
globale de l’entreprise et plus précisément dans la stratégie marketing de celle-ci.
Selon P. Dambron (1991) il est alors intéressant de constater le rapport entre la politique de
sponsoring et son influence possible sur les différentes variables du marketing-mix :
A travers le partenariat de champions, l’entreprise peut promouvoir la qualité de ses
produits (en démontrant les performances de celles-ci)
Le positionnement « prix » peut transparaître en fonction du sport parrainé (par exemple,
le golf correspondra plus à une stratégie haut de gamme que le football)
La force de vente peut être directement influée par la stratégie de sponsoring (avec
l’organisation d’événements spéciaux sur les lieux de vente, par exemple) et avoir des
répercussions sur les performances de distribution.
Enfin, le partenariat constitue un moyen privilégié de contact avec le client : Walliser
considère que la stratégie de sponsoring est intégrée à celle de communication et
constitue ainsi le domaine dans lequel ce type d’opération est le plus efficace.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
33
Dans la suite de cette partie, nous allons développer et étudier les applications rendues
possibles par l’association avec une personnalité du monde sportif dans le cadre de la communication
de l’entreprise ainsi que dans l’ensemble des domaines connexes.
Définition
La communication regroupe l’ensemble des moyens permettant à une entreprise d’informer et
de transmettre des messages aux différents acteurs de l’environnement dans le but d’influencer ou
modifier leurs attitudes et leurs comportements.
Les objectifs premiers de la communication externe, quelle que soit la taille de l’entreprise,
sont d’orienter et d’influer au mieux l’opinion des clients, partenaires et prospects vis-à-vis de la
société. Cette notion fait partie intégrante de la stratégie marketing. Les possibilités et outils à la
disposition des services de communication sont multiples, notamment depuis l’explosion des
nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC), et le développement d’Internet
Selon Meenaghan (2001), «le sponsoring sportif accroît l’intention d’achat, la préférence de
la marque et les achats réels de la marque. On suppose que les consommateurs sont plus enclins à
acheter les produits des parrains que ceux des concurrents (non parrains)». Stipp et Schiavone (1996)
ont même démontré des effets positifs sur les ventes des sponsors olympiques
Nous allons donc voir dans quels cas le partenariat sportif peut être intégré à la stratégie de
communication et se révéler pertinent en fonction des objectifs poursuivis par celle-ci.
L’objectif de notoriété
Selon Aaker (1994), la notoriété d’une marque (ou d’une entreprise) correspond à sa capacité
de se faire reconnaître et de se faire identifier par l’ensemble de ses clients potentiels comme existante
et appartenante à une certaine catégorie de produit(s) ou de marché(s). On distingue la notoriété
spontanée (lorsqu’un individu interrogé répond spontanément à une question du type « citez une
marque du secteur X) et la notoriété assistée (ou l’individu déclare connaître ou non le nom d’une
marque). Ce concept repose donc sur le lien entre l’entreprise et son domaine d’activité (on vise donc
un impact cognitif sur la cible).
Dans la plupart des cas, l’augmentation de la notoriété est l’une des premières répercussions
attendues par les entreprises qui choisissent d’intégrer le partenariat sportif à leur stratégie de
communication. En s’associant à une personnalité bénéficiant d’une certaine renommée et d’une
exposition médiatique, la société ou la marque concernée espère se faire connaître (le plus souvent,
grâce à la présence d’un logo visuel sur l’équipement du sportif, ou tout autre support média où il est
susceptible d’apparaître). Plus cet individu évoluera à un niveau prestigieux de compétition et plus son
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
34
attractivité médiatique sera grande, plus cette stratégie aura de chance d’être efficace. Enfin, le « cosponsoring » (le cumul de partenariats pour un même athlète) est à éviter afin de ne pas créer de
confusion dans l’esprit des spectateurs : il a été démontré que le nombre de sponsors mémorisés et
cités spontanément par un spectateur d’un événement sportif dépasse très rarement le nombre de deux
(Walliser, 1995) et ce, quelle que soit la durée d’exposition.
Il faut aussi remarquer qu’une stratégie orientée vers la notoriété est quasiment inutile pour les
grands groupes nationaux et internationaux bénéficiant déjà d’une renommée importante (par exemple,
Coca Cola qui est déjà connu par plus de 94% de la population mondiale ( ! ) va plutôt chercher à
développer un lien affectif avec les consommateurs que de faire croître sa notoriété).
Notoriété et grandes marques – A. Francke
A. Francke est sports marketing manager/sports olympiques pour adidas
«Le sponsoring nous donne de la visibilité, notamment grâce aux retombées médiatiques…
Mais la visibilité n’est pas l’unique aspect qu’adidas recherche en matière de sponsoring.
Contrairement à des marques nouvelles sur le marché, adidas bénéficie déjà d’une forte notoriété et
c’est donc avant tout son image que la marque veut travailler. Depuis 3 ans, adidas est la marque
préférée des Français et le sponsoring y contribue fortement !»
Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010
L’objectif d’image
L’image de marque (mais aussi l’image de l’entreprise, d’un produit…) regroupe l’ensemble
des représentations mentales que les individus attribuent à une organisation. Cette notion correspond
donc surtout au domaine de «l’affectif» et répond à la question « comment est perçue l’entreprise ? ».
Près de 75% des objectifs de communication des entreprises concernent l’amélioration de l’image
(contre 62% pour le développement de la notoriété et 41% pour le développement des ventes d’un
produit selon une étude de l’Union Des Annonceurs, 2005).
La construction de cette image est d’une grande complexité, notamment parce que certains
facteurs constitutifs de cette notion échappent au contrôle de l’entreprise. Il est donc très difficile de
faire correspondre l’image voulue par l’entreprise et l’image perçue par les consommateurs, clients…
Un des nombreux instruments permettant « l’élaboration » de son image est liée au partenariat
sportif : le sponsor recherche alors à s’approprier, transférer l’image, les valeurs et les symboles dont
l’athlète est porteur. Ainsi, le sponsor espère bénéficier d’une synergie d’image avec le parrainé. Ce
concept sous-entend que l’image du sportif est elle-même influencée par celle du parrain (et, si
l’ensemble de l’action est cohérente et bien menée, les deux parties peuvent bénéficier de cette
association. En d’autres termes, 1 + 1 > 2 ) On distingue deux mécanismes expliquant ce phénomène :
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
35
Le premier consiste à mettre en lumière les associations et les points communs partagés
par le sponsor et le sponsorisé.
Le second mécanisme vise à transférer des traits d’images spécifiques appartenant au
sportif dans l’image du sponsor.
Le partenariat sportif ne permet pas de transformer complètement l’image d’une entreprise,
mais peut permettre à la société, à condition d’être pertinente, de s’imprégner et d’intégrer
progressivement les valeurs portées par le sportif (ou simplement de clarifier un positionnement déjà
établi). Ceci paraît difficilement possible dans le cas d’une action ponctuelle (on privilégiera donc les
stratégies à moyen et long terme). Le «partenariat d’image» est particulièrement intéressant car il
donne la possibilité de dépasser les limites des messages publicitaires classiques et d’établir un
véritable lien affectif avec la cible.
Les secteurs intéressés
Il semble que tous les types d’entreprises peuvent trouver un avantage dans le partenariat
sportif. Cependant, il apparaît (selon G. Tribou, 2004) que c’est le secteur des boissons qui use le plus
de ce genre d’opérations (si on met le cas des équipementiers sportifs à part) du fait du lien naturel
entre les sportifs et les boissons qu’ils consomment. Le travail d’image est d’autant plus indispensable
dans ce domaine que peu de choses distinguent fondamentalement deux eaux minérales, si ce n’est,
entre autres les éléments d’identité et de différenciation que lui prête une personnalité.
Les banques (cf paragraphe suivant) et les sociétés de télécommunications sont également très
représentées, mais le secteur industriel n’est pas en reste (notamment en ce qui concerne l’automobile
et l’agro-alimentaire).
Sébastien Chabal au service du positionnement masculin et viril de Caron
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
36
L’influence de l’image et du positionnement
Chrisophe Chenut, directeur général de Lacoste explique l’intérêt de s’associer à des
tennismen et des golfeurs pour positionner la marque:
«Nous sommes une marque de vêtements décontractés, mais notre identité c’est le sport. C’est
ce qui nous distingue d’autres marques du même segment dont la relation au sport n’est que purement
artificielle et c’est la raison pour laquelle les gens la porte. Toute personne mettant un polo Lacoste se
donne une image sportive».
Source : Les Echos, 03/12/2009 « pour Lacoste, sport et mode jouent en double », P. Bertrand
Intérêt pour les entreprises handicapées par une «mauvaise image»
L’association à une personnalité sportive semble particulièrement intéressante pour une
catégorie de sociétés subissant un déficit d’image et qui souhaitent s’attirer un certain capital
sympathie. C’est notamment le cas des entreprises de jeux de hasard, du secteur bancaire, … Qui sont
d’ailleurs très actives en ce qui concerne le partenariat d’entités sportives : aujourd’hui, la quasi
totalité des banques parrainent des sportifs ou des compétitions (BNP Paribas est dans le tennis, la
Société Générale dans le rugby, le Crédit Lyonnais dans le cyclisme…etc.). Le fabricant de cigarettes
Gauloise a ainsi parrainé avec succès l’épreuve reine des raids natures du même nom jusqu’en 2003 !
Les JO pour contrer le déficit d’image du secteur de la confiserie vis-à-vis de la santé
Le cas de Haribo est remarquable puisqu’à travers son association aux
Jeux Olympique, il cherche à prendre à contre pied l’image négative qu’ont les
confiseries en générale (et les siennes en particulier) sur le corps et l’activité physique.
« L’engagement de Haribo dans le sport a pour but de changer l’image du sucre afin de
démontrer ses aspects énergétiques et indispensables à la croissance. Les athlètes de haut niveau sont
les meilleurs représentants en la matière. L’accession aux JO, avec toutes les valeurs qu’ils
regroupent est le meilleur porte drapeau de cette stratégie »
Source : communiqué de presse de Haribo avant les Jeux Olympiques d’Athènes. Haribo est partenaire
du Comité National Olympique depuis 1994
Le principal mécanisme mis en jeu dans ce type de démarche est celui faisant de l’entreprise
parraine une organisation «citoyenne» : elle n’est plus seulement un acteur économique produisant des
richesses, elle devient une institution qui participe à la vie de la société, à l’essor de toute une
communauté. Ainsi, elle met en avant une forme d’éthique et d’utilité publique (le mode de
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
37
communication correspondant est, en priorité, le mécénat) pouvant influer positivement les opinions
que se font de nombreux acteurs : les clients de l’entreprise, les associés, les banques mais aussi le
personnel, les pouvoirs publics, les journalistes… forment l’ensemble des cibles pouvant être visées
par de telles opérations.
La «preuve produit»
Le sportif peut aussi servir de support afin de légitimer un produit, notamment pour les
équipementiers sportifs (les sportifs renommés sont de vrais leaders d’opinion). En faisant référence
au partenariat entre un champion et une marque (sur l’emballage d’un produit ou lors d’une campagne
de pub), l’entreprise concernée peut apporter une preuve de l’efficacité et de la qualité de son produit.
Ainsi, lorsque Federer remporte un tournoi du grand chelem, Wilson, qui l’équipe en raquette
de tennis, peut espérer bénéficier de retombées positives sur la vente de ses raquettes : le
consommateur qui s’identifie à la star suisse pourra être tenté d’acquérir la même raquette que celleci !
Ce phénomène peut être visible dans d’autres domaines que le strict matériel sportif : Michelin
l’a très bien compris (dès 1891 ! ! !) en offrant des pneumatiques à des coureurs cyclistes et
automobiles. Festina use largement de ce mode de communication en étant le «chronométreur officiel»
de grandes compétitions comme le tour de France. Enfin, que dire des marques telles que Renault,
Toyota, BMW… qui investissent des millions dans la Formule 1 dans l’espoir de démontrer la
supériorité des qualités techniques de leurs voitures ?
Tiger Woods, symbole de précision… et de Tag Heuer
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
38
Il est évident que la preuve produit est largement associée à l’ensemble des autres objectifs
que nous avons déjà étudiés (la qualité et les performances des produits d’une entreprise jouent un rôle
direct sur la visibilité et l’image de celle-ci). Il est donc nécessaire de l’intégrer à l’ensemble de la
stratégie développée grâce au partenariat.
Le partenariat entre S. Jouve, Plastex et RCE
L’expérience de S. Jouve (kayakiste de course en ligne, double médaillé aux mondiaux et 7ème
des JO de Pékin) et de Plastex (constructeur polonais de kayak spécialisé dans la course en ligne)
semble bien illustrer le cas de la coproduction d’équipements sportifs avec un sportif.
« Fin 2008, RCE (le revendeur français de Plastex), me contacte et me propose de développer
une nouvelle forme de kayak. Le projet m’a immédiatement séduit, puisqu’il me permettait d’obtenir
exactement le matériel que je recherchais avec les spécificités que je demandais ». S. Jouve, Plastex et
RCE signent donc un contrat tripartite. En plus de la qualité du produit, l’athlète bénéficie de primes et
dispose de 4 embarcations pour chaque saison. En contrepartie, celui-ci s’engage à naviguer
systématiquement avec l’un de ces bateaux et à citer le soutien des deux sociétés concernées. S. Jouve
doit aussi fournir un cahier des charges précis concernant les détails techniques qui lui semblent utile
au développement des kayaks.
« Je ne suis pas constructeur, mais j’apportais ma vision de ce que j’attendais : je faisais
évoluer la forme du bateau en fonction de mon ressenti. Par exemple, il m’est arrivé de demander de
reculer la position du gouvernail pour éviter l’effet de « dérapage » ou de demander d’abaisser
l’hiloire pour avoir plus de liberté dans mes mouvements. En plus, j’ai conseillé Plastex en leur
recommandant de prendre soin de la finition et du design… Le genre de détails dont ils ne se
préoccupaient pas et qui, en France, sont très regardés ». Le sportif apporte donc toute son expertise
dans le but d’optimiser la qualité du produit et d’apporter une nouvelle source d’innovation, mais ce
n’est pas tout !
En effet, Plastex a ensuite commercialisé le modèle de S. Jouve, ainsi qu’une version (qui
reprenait de nombreux traits de design) plus accessible au grand public (qui se rapproche plus d’un
bateau de loisir que de compétition). « Après les premières compétitions où je suis apparu avec mon
nouveau bateau, les ventes de RCE ont décollées (2 ventes en 2008, une cinquantaine en 2009 !).
Certains de mes coéquipiers de l’équipe nationale m’ont vu avec ma nouvelle embarcation, et après
l’avoir essayé, l’ont adoptée. Puis, certains compétiteurs nationaux ont été intéressés… etc. ». En fin
de compte, il semble que Plastex ait bien atteint ses objectifs : en « légitimant » son nouveau modèle
grâce au meilleur athlète français, et en communicant dessus l’entreprise a su apporter une garantie de
qualité conséquente. De plus, en développant un modèle « tout public », l’entreprise a réussi à pénétrer
le marché de la « compétition-loisir ». « Les gens peuvent s’identifier à moi, et lorsqu’ils achètent un
kayak Plastex, ils peuvent se dire « j’ai le même bateau que le champion de France, c’est ce qu’il y a
de mieux ». La condition de cette réussite semble corrélée à l’exposition du partenariat : en effet, le
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
39
bateau de S. Jouve arborait un large logo de la marque, et de nombreuses photos et affiches décoraient
le site Internet de Plastex et les « stands » de vente de RCE lors des compétitions.
«Il reste quelques détails à améliorer, le « service » lors des compétitions n’est pas encore au
niveau de certains concurrents, et Plastex ne tient pas toujours compte de mes remarques, mais je suis
largement satisfait de la collaboration… et je crois qu’eux aussi !». Il semble donc que le concept de
coproduction peut s’inscrire dans une stratégie «gagnant/gagnant», à condition que l’entreprise sache
bien l’intégrer à son marketing-mix.
Source : entretien avec S. Jouve, 26.03.2010
Crédibilité et accessibilité des produits chez Adidas – A. Francke
Le fait que les meilleurs sportifs du monde – le haut de la pyramide sportive – utilisent nos
équipements nous confère de la crédibilité. Cela nous permet de mettre en avant nos innovations,
notre matériel de pointe, et de susciter l’envie du bas de la pyramide sportive – le grand public – qui,
à son tour, va vouloir essayer ces mêmes produits.»
Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010
Les produits dérivés
Lorsqu’une personnalité sportive atteint un certain niveau de renommée, comparable aux stars
du monde du spectacle, il devient envisageable de développer une ligne de produits lui faisant
référence.
Dans ce cas, l’objectif est double : de tels produits contribuent grandement au développement
de la notoriété et de l’image (du sponsor ET du sponsorisé), et peuvent évidement, en cas de réussite,
permettre un accroissement du chiffre d’affaire de l’entreprise. La mise en scène de la vedette sportive
et sa capacité de susciter un élan affectif ou un comportement d’identification sont les conditions à
remplir pour bénéficier de telles retombées. Enfin, le sentiment d’appartenance à une communauté
(celle des fans ou supporters du sportif) joue un rôle prépondérant dans la vente de produits dérivés.
Un exemple de produit dérivé : «le tapis de souris collector Michael Schumacher»
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
40
Les institutions ne sont pas en reste
Le secteur non marchand peut développer les mêmes stratégies que le secteur marchand. Dans
ce cas, les objectifs visés par la communication ne seront pas directement commerciaux mais s’en
rapprochent beaucoup par le développement de la notoriété et de l’image. Plus concrètement, ce type
de partenariat peut avoir une dimension économique lorsqu’une ville soutient un sportif ou une équipe
(à travers une compétition européenne, par exemple) et se met ainsi en avant. Elle peut alors bénéficier
d’un supplément de «rayonnement» qui peut être décisif lorsqu’il s’agit d’attirer des investisseurs ou
des touristes. Les améliorations de l’image et de la notoriété peuvent aussi concerner les élus : dans ce
cas, c’est le domaine politique qui est visé.
Même chose au niveau des départements et régions qui ont presque tous des politiques de
subventions des meilleurs sportifs qui constituent une véritable vitrine locale (elles sont généralement
mises en avant lors d’événements du type «soirée des champions de la région»). Enfin, de telles
retombées sont non négligeables au niveau national puisque la «puissance sportive» d’un pays
influence (G. Tribou, 2004) le rayonnement économique, culturel et politique d’une nation. Cela a été
particulièrement visible lors de l’obtention des Jeux Olympiques d’été 2012 par Londres, qui a été
préférée à Paris.
CONCLUSION
Bien que les objectifs soient légèrement différents, ceux-ci sont imbriqués et forment
un tout : s’associer à un sportif dans le but de développer sa notoriété va forcément
influencer l’image de son organisation et de ses produits (et vice versa). Malgré tout, la
finalité de la communication externe par l’intermédiaire de partenariats sportifs est
relativement homogène et commerciale. En effet, il s’agit toujours de favoriser l’acte d’achat
(et de ré achat) d’un produit ou d’un service, en agissant sur la notoriété, l’image de marque,
le réseau de distribution, en générant un sentiment de bienveillance chez ses clients et ses
partenaires (l’ensemble de ces notions est très étroitement liées)… Cet enchaînement semble
d’ailleurs logique : se faire connaître en développant sa notoriété, puis travailler son image,
stimuler son réseau de vente, valoriser son savoir faire, partager les valeurs de l’entreprise,
fidéliser la clientèle…
Nous allons voir à présent que les acteurs extérieurs à l’entreprise ne sont pas la seule
cible qu’une opération de partenariat sportif peut viser.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
41
C. La communication interne
Se construire une culture
Selon Pichot et Tribou (2004), et parce que la communication de l’entreprise est globale, les
actions de partenariat avec les grandes figures du sport touchent les acteurs internes de l’entreprise au
même titre que les cibles extérieures. Là encore, il semble que le rapprochement avec une personnalité
du monde du sport peut s’avérer bénéfique. En effet, celui-ci peut constituer un instrument pertinent
dans la construction de la culture d’entreprise et la fédération des forces de travail.
La culture d’entreprise
A la fois levier de motivation et synonyme d’image valorisante vis-à-vis de l'extérieur, la
culture d'entreprise est un axe stratégique incontournable du management.
Elle consiste en des normes, des attitudes, des valeurs, des croyances (généralement
informelles) partagées par l’ensemble des individus d’une même organisation. Elle influence les
modes de pensée, les comportements, et permet aux acteurs de l’entreprise d’avoir le sentiment
d’appartenir à une même entité. «La culture caractérise l'entreprise et la distingue des autres […] dans
ses façons de réagir aux situations courantes de la vie de l'entreprise» (M. Thévenet, 1993).
Finalement, elle constitue un véritable capital immatériel de l’entreprise et permet, selon O. Devillard
(2007), de «maintenir une cohésion, d’unir le personnel autour d’un nom, des produits, des services,
des clients, de l’image de marque… afin de devenir un facteur de performance en rassemblant le
personnel et en le motivant».
La culture d’entreprise - G. Mestrallet
Certains managers vont même plus loin, comme Gérard Mestrallet (PDG de GDF-Suez) :
«J'ai une conviction forte: il n 'y a pas de position durable de leader sans valeurs, sans vision
partagée… pas d'image sans une éthique rigoureuse. C'est grâce à nos valeurs et notre éthique, que
nous avons pu nous affirmer comme un acteur véritablement mondial. Une entreprise ne se définit pas
uniquement par ses métiers, par ses comptes ou ses implantations géographiques. Suez, ce sont des
métiers mondiaux mais aussi et d'abord des équipes, des valeurs, une éthique et une vision» (extrait de
la Charte des valeurs du Groupe - Décembre 2001)
.
Source : cours de Management International 2008 – V. Vasseur
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
42
Toujours selon M. Thévenet, la culture d’entreprise se forme notamment par un apprentissage
continu issu des expériences partagées par les individus d’une même organisation. C’est donc
«l’histoire» et les références communes à l’ensemble des acteurs qui la façonnent.
Or, l’association au projet d’un sportif ou, dans le meilleur des cas, la rencontre d’un
champion peut constituer un fait marquant, une expérience forte vécue par tout un groupe de travail.
«L’appel aux sportifs montre que l’entreprise accorde autant d’importance à la valeur de cohésion
qu’à la reconnaissance individuelle. C’est aussi une façon de faire entrer de l’émotion, de parler
d’amitiés et d’histoires d’hommes» (S. Waller, Le monde, 20.02.2001).
De plus, les notions abstraites telles que les valeurs prônées ou la vision partagée par une
équipe de travail ne sont pas des choses simples à insuffler dans le cas pratique. Là aussi, un moyen
efficace de répondre à cette problématique peut être l’utilisation d’un sportif de haut niveau. En effet,
le sport amateur possède des vertus pédagogiques incontestables en termes de socialisation,
d’intégration, de développement de valeurs morales, du culte de l’effort, de canalisation de
l’agressivité (P. Mignon, 2002). Utiliser ces propriétés est donc possible par l’intermédiaire d’un
champion qui peut représenter, illustrer, et incarner les valeurs et notions que les managers souhaitent
développer dans leurs services.
Le piège à éviter
Le sponsoring a un coût, et, en quelque sorte, le budget qui y est alloué est « concurrent » des
autres postes de dépenses dans l’entreprise (et notamment, de la masse salariale). Il existe donc le
risque que les employés considèrent que l’argent dépensé pour soutenir un champion ait été gaspillé,
aux dépends de l’amélioration des conditions de travail, par exemple. Afin de prévenir ce phénomène,
il est donc primordial d’obtenir l’adhésion à l’action de l’ensemble des agents, d’où la nécessité de
communiquer en interne afin d’expliquer la démarche engagée. On peut citer l’exemple de la société
Cofidis, sponsor principal d’une équipe de cyclisme, qui consacre régulièrement une grande partie de
son journal d’entreprise aux résultats de «ses» coureurs lors des grands rendez-vous internationaux tels
que le Tour de France.
L’implication du personnel
Faire en sorte que les agents perçoivent positivement l’association d’un sportif à leur
entreprise est une chose, rendre cette opération la plus efficace possible en est une autre. En effet, en
«s’appropriant» le projet et en s’identifiant à la personnalité sportive le personnel va également
pouvoir assimiler les valeurs et les symboliques qu’elle dégage (on pourrait même imaginer laisser le
personnel choisir le sportif qui incarnerait les valeurs qui leur semblent les plus pertinentes !)
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
43
Un autre exemple est celui des skippers, qui avant de participer à des régates au grand large
sont souvent invités par leur sponsors à débattre de leur projet, partager un repas et signer des
autographes auprès des salariés de l’entreprise concernée. Durant la course, un «fil rouge» peut être
mis en place, avec la retransmission dans la société de l’avancement de la compétition pour le marin.
Les personnes qui auront rencontré le marin peuvent alors se sentir «concernées» par son exploit, qui,
en quelque sorte deviendra un peu le leur… et formera une formidable expérience commune !
Le développement d’un véritable projet fédérateur autour d’un champion peut donc être
efficace pour renforcer les liens sociaux au sein d’une équipe de travail, et faire naître un sentiment de
fierté et d’implication à l’égard de sa société. Certaines entreprises ont assimilé cela au point de
s’organiser comme de véritables «centres de performance sportive».
L’entreprise devient alors une équipe engagée dans une compétition où on ne bat pas de record
mais où on crée les meilleurs produits et où on ne gagne pas de médaille mais où on remporte des
contrats. Pourquoi alors ne pas imaginer de pousser l’analogie jusqu’à dire qu’un employé (tout
comme un athlète) efficace est un employé attentif à sa forme et à son bien être : le sommeil, la
relaxation, l’alimentation sont des thèmes de plus en plus souvent abordés au sein de l’entreprise, mais
le lien avec le sport de haut niveau (qui, dans son acception moderne tend à optimiser chaque détail
dans le but d’optimiser une performance globale) n’est pas toujours fait. Or, là aussi, il pourrait
intervenir et incarner cet ensemble de paramètres et de caractéristiques qui contribuent à créer de
grandes performances.
Le sport : un outil managérial efficace - F. Masnada
Suite à ses interventions en entreprise (organisation de colloques, séminaires, animations et
formations), F. Masnada a utilisé un ensemble de concepts visant à appliquer son expérience sportive
au monde professionnel.
Ainsi, elle développe ses interventions autour de l’objectif de devenir leader et de le rester, de
mettre son individualité au service d’un groupe, la nécessité d’être proactif, « de s’adapter pour
avancer », des conditions à réunir et à provoquer pour performer, de la gestion d’une équipe dans des
conditions difficiles et l’importance des relations avec les partenaires et les concurrents. Afin d’imager
et de rendre ses propos plus percutants, et pour transmettre ses messages avec plus d’émotions et
d’efficacité, elle n’hésite pas à agrémenter ses interventions de nombreux clips vidéos et d’anecdotes
ayant jalonné son parcours (ou celui d’autres champions) permettant de faire des rapprochements
simples entre son vécu et la réalité à laquelle les acteurs doivent faire face.
« Les symboles autour de la notion d’équipe sont très forts. J’utilise souvent la métaphore du
rugby pour l’expliquer : si un des produits de l’entreprise était un ballon, les producteurs en seraient
les avants. Le rôle de la mêlée serait de sortir le produit et le donner aux ouvreurs (les gestionnaires).
Le PDG va alors donner les directives pour savoir que faire du ballon (produit) et il sera transmis aux
commerciaux (les ¾) qui doivent marquer l’essai… c’est à dire, vendre ! Si le produit n’est pas bon,
ils auront du mal à le vendre, le ballon n’arrivera pas jusqu’à eux… Et si les vendeurs ne vendent pas,
l’ensemble de l’équipe se retrouve en difficulté. Chacun a donc un profil différent, sa place dans
l’équipe/l’entreprise ».
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
44
Philippe Sella, ancien membre du XV de France, va même plus loin dans ce genre de
démonstration : son entreprise de communication et de conseil par le sport a été créée comme un
véritable centre d’entraînement où il n’hésite pas à organiser des matchs entre les membres des
sociétés lui faisant appel dans le but de leur démontrer l’importance du travail collectif dans la
réalisation d’objectifs communs.
Mélanger le sport et le vocabulaire du travail semble donc une solution efficace pour fédérer et
obtenir l’adhésion du public :
«L’image de l’iceberg représente bien la dualité de la
performance : d’un côté, la partie visible (10% de l’iceberg) est
belle, blanche, lisse… c’est la rançon de la victoire, les médailles,
les fleurs, ou la satisfaction du client, le résultat du bilan… de
l’autre côté, nous avons la partie cachée la base, les 90% sans
lesquels l’édifice ne flotte pas (le travail – la préparation
physique et mentale - , le respect, l’éthique – les problèmes de
dopage -, l’innovation , mais aussi le plaisir du travail bien fait)».
Source : entretien avec F. Masnada,
De tels récits permettent de transmettre des valeurs simples mais fondamentales dans le
management des équipes de travail. Les séminaires de coaching sont chose courante mais leur impact
peut être multiplié par la présence d’un champion. Tout d’abord, l’affectif que les « cibles » (le
personnel) peut ressentir envers la personnalité va influencer positivement l’implication et l’intérêt
qu’elles porteront à l’intervention (il est évident qu’on sera plus intéressé par une conférence de Z.
Zidane que par celle d’un parfait inconnu !). Cette affection peut aussi apparaître en fonction de
l’histoire vécue (ou parfois subie : les blessures, échecs…) et des émotions que l’intervenant est
capable de transmettre. Dans ce cas, le charisme de la personnalité jouera un rôle central.
Performance et relations entre l’homme, son corps et ses émotions
Comme nous l’avons vu un peu plus haut les nuisances telles que les maladies, le stress ou la
fatigue sont des symptômes pouvant perturber la performance d’une organisation pour lesquels le
sport de haut niveau bénéficie d’une expertise très poussée (à travers la préparation physique,
mentale…).
Faire intervenir un champion dans son entreprise permet également de répondre à une carence
du monde du travail : «l’émotion de la victoire» (ou de la défaite), de l’accomplissement par la réussite
sont des notions beaucoup moins marquées que dans le milieu sportif. Or, selon D. Goleman (1999), la
gestion de l’émotion a un impact direct sur le processus de performance en agissant notamment sur la
dynamique de la motivation, de la concentration et du rapport à son activité, aux autres agents et à soi
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
45
même. Cette dimension est largement délaissée par le système éducatif classique et rend ainsi
l’analogie avec l’activité d’un sportif de haut niveau d’autant plus pertinente comme outil managérial.
Nous avons vu au début de cette partie que les champions peuvent être assimilés à des
travailleurs très efficaces. Plus précisément, nous avons démontré leurs facultés à développer des
qualités de managers. Il est donc légitime d’imaginer qu’ils peuvent représenter un instrument efficace
de management.
T. Fortané, président de l’Institut européen pour la performance par le management et le sport
propose même un concept de «manager-entraîneur» qui décrit les dirigeants qui emmènent leurs
équipes vers le succès tout en veillant au développement des potentiels de chaque individu. Par
ailleurs, sportifs et cadres doivent faire face au même dilemme : gagner ou disparaître. L’un et l’autre
ont une obligation de résultats s’ils veulent poursuivre leur quête de performance (en cas d’échec, l’un
devra faire face à une dé-sélection de l’équipe nationale, l’autre à un licenciement, par exemple).
CONCLUSION
L’utilisation de la métaphore sportive dans le milieu professionnel a un sens : elle
permet d’impulser une culture de la performance, d’insuffler des valeurs positives et
d’apporter des éléments de réflexion originaux sur les pratiques du management ou de la
gestion des ressources humaines, sur les moyens d’exprimer au mieux le potentiel de chacun
dans un but de réussite collective. S’inspirer du travail et des exploits des athlètes est donc
une façon originale de dynamiser et d’encourager l’expression des potentiels humains d’une
entreprise.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
46
CONCLUSION: comment utiliser le partenariat sportif ?
Un outil global
Dans la littérature contemporaine, si les avantages des partenariats avec un champion semblent
bien compris et décrits dans le domaine de la communication externe, il apparaît qu’ils sont encore
sous-évalués en ce qui concerne leur application en interne.
Etude de l’union des annonceurs : le public visé par les opérations de partenariat
avec un sportif (1999)
Public plutôt externe
Public plutôt interne
Public externe et interne
1994
1998
1994
1998
1994
1998
61%
54%
3%
2%
36%
44%
Cependant et même si près de la moitié de ce type d’action est à destination d’un public
interne (44+2=46% des partenariats en 1998), il semble que l’intérêt pour ce genre de démarche ne
soit identifié qu’après avoir été déjà « éprouvé » par une application en externe.
Malgré tout, il est intéressant de constater que « l’outil sportif » soit de plus en plus utilisé
dans sa globalité et à destination de l’ensemble des publics. Cela tend à prouver la multiplicité des
domaines dans lesquels le partenariat sportif peut être avantageux.
Nous venons de voir que les performances, l’image et les valeurs
inhérentes aux plus grands sportifs peuvent avoir des applications multiples
pour les entreprises : en plus de constituer une véritable « source de travailleurs
d’exception », le sport de haut niveau permet de communiquer et d’établir des
relations aussi bien avec les consommateurs, les partenaires économiques,
financiers et culturels, le personnel, les pouvoirs publics…
Le partenariat sportif a donc de multiples débouchés souvent liés, pour
lesquels un ensemble d’opérations doit être mis en œuvre : en effet, pour
bénéficier pleinement de ce type de démarche, une rigueur et un plan d’action
détaillé sont nécessaires.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
Partie III
COMMENT OPTIMISER LE
PATENARIAT SPORTIF ?
Une telle opération peut prendre plusieurs formes
(sponsoring, mécénat et CIP) et répondre à différents objectifs
(en termes de ressources humaines et de communication interne
et externe, notamment). Rendre une telle action efficace n’est
pas chose facile et dépend d’un large éventail de facteurs. Dans
cette partie, nous allons proposer un ensemble d’outils et de
moyens qu’il semble opportun de mettre en œuvre pour profiter
au mieux de ce vecteur de communication.
47
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
48
réussite d’une opération de
communication
Introduction:
Réussir un partenariat sportif avec un objectif de communication est soumis à un large panel
de conditions qu’il convient de réunir. En effet, si l’association à un champion permet de profiter
d’une formidable source de différenciation, sa valorisation et la qualité de son expression dépendent
des démarches entreprises par le partenaire.
Rappelons d’abord l’enchaînement des procédures censées guider le déroulement d’une
opération de communication. En fonction de la stratégie globale que l’entreprise souhaite développer,
il lui faut identifier les buts et les cibles de son action. Puis, la réflexion doit être portée sur les moyens
et les ressources à employer, et les messages et actions (média et hors média) à développer. Enfin,
l’évaluation de l’efficacité et des effets de ceux-ci doit permettre leur justification et leur optimisation.
La partie suivante va donc s’articuler en fonction de ces trois phases distinctes :
En amont du processus, l’entreprise désirant intégrer le partenariat sportif doit réaliser
l’étude la plus poussée possible afin de se donner les meilleures chances d’atteindre ses
objectifs. Après les avoirs définis et identifié une cible, il s’agit donc de porter sa réflexion
sur le choix de la personnalité sportive qui répondra le mieux aux attentes de l’entreprise.
Nous verrons que ce choix dépend, entre autre, du public du sportif, de sa visibilité
médiatique, des valeurs qu’il porte, de ses caractéristiques géographiques, des contraintes
du parrain…etc.
Pendant l’exploitation du partenariat, il est primordial de valoriser ce dernier afin d’en
retirer le maximum de bénéfice. Pour cela, nous allons nous intéresser à l’ensemble des
actions à mettre en œuvre, et notamment à leur intégration à l’ensemble des autres
vecteurs de communication.
En aval du processus, l’évaluation de l’efficacité de l’opération et des évolutions que
celle-ci aura permis de faire apparaître est nécessaire pour plusieurs raisons : elle permet
de juger de la «rentabilité» de l’investissement, de donner des pistes de réflexion pouvant
mener à des ajustements de la stratégie…etc.
Finalement, et pour compléter le panorama, nous étudierons les limites et les dangers que
peuvent présenter la mise en œuvre de stratégies de communication basées sur l’association aux
sportifs de haut niveau.
Remarquons que l’inscription dans la durée est un facteur de réussite du partenariat
sportif (nous développerons ce point dans la suite de l’exposé) : le processus que nous venons de
présenter doit donc s’intégrer à un «cycle» (amont de l’opération - mise en œuvre - aval – ajustement
des choix initiaux et des actions mises en œuvre) plutôt que dans une démarche ponctuelle.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
A. En amont du partenariat
49
cibler son action
Etant très présent dans notre culture et extrêmement divers, le sport constitue un vecteur de
communication idéal envers un très large public. Ce dernier est loin d’être homogène mais nous allons
voir qu’en étudiant un ensemble de paramètres, les entreprises ont largement de quoi optimiser et
orienter leur démarche vers les segments qui les intéressent.
Avant-propos
Afin d’améliorer la compréhension de nos propos, nous tenons à préciser que la structure du
texte que nous présentons est arbitraire et aurait pu être toute autre, car l’ensemble des concepts que
nous allons voir sont imbriqués et étroitement liés. Par exemple, on ne peut pas s’intéresser à
l’audience dont bénéficient les sportifs sans s’intéresser à la discipline qu’ils pratiquent ou les valeurs
qu’ils transmettent. Les caractéristiques géographiques dont nous allons parler ont des conséquences
au niveau de l’exposition médiatique, et sont liées au sport concerné…etc.
Il est donc important de préciser la nécessité de prendre en compte l’ensemble des notions que
nous allons étudier comme un tout formé d’une combinaison d’éléments hétérogènes.
Identification de la cible et de l’audience
Un des grands principes de base inhérent au marketing est la segmentation : on ne peut pas
s’adresser à une population tout entière avec un maximum d’efficacité. C’est pour cette raison, et en
fonction des objectifs globaux de l’entreprise et de l’opération de partenariat, qu’il est important de
définir une cible avant même d’engager une autre réflexion sur les autres modalités d’une telle
démarche. La cible se définit comme l’ensemble des personnes qu’on espère atteindre par des
messages (et finalement, à qui on espère vendre un bien ou un service). Il est donc nécessaire de bien
la connaître pour rendre ses opérations de marketing efficaces.
Pour toucher sa cible à travers le champion qu’elle aura choisi, l’entreprise doit distinguer
différents publics :
Les spectateurs qui assistent aux compétitions et événements auxquels le sportif prend part
sont les premiers intéressés.
Les personnes qui suivent les retransmissions ou retranscriptions des performances du
sportif dans les médias forment le second groupe.
Le dernier type de public correspond aux personnes atteintes par l’entreprise à travers ses
propres supports de communication (site Internet, publicités, catalogues clients…etc.).
D’un point de vue temporel, ce type d’action est à entreprendre au cours de l’opération de
partenariat, et sera donc étudié dans la partie suivante de ce chapitre.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
50
L’ensemble de ces individus est susceptible d’être «touché» par l’action de parrainage. Il
semble donc évident que la société sponsor doit chercher à s’associer à la personnalité dont le public
correspond au mieux à sa cible afin que son action soit cohérente et efficace. Il est d’ailleurs prouvé
(G. Tribou, 2004) que l’efficacité du partenariat est corrélée à l’implication du public. Ainsi, le
développement de notions telles que la notoriété ou l’image de marque sera meilleur auprès d’un
public éprouvant un intérêt pour un sportif qu’auprès d’un public peu concerné.
L’ensemble de la cible de l’entreprise peut ne pas être «en contact» avec le champion et ne
sera pas atteinte en totalité par l’opération de communication. Le public de cet individu ne faisant pas
partie de la cible constitue en quelque sorte une «audience inutile» pour l’entreprise. C’est donc bien
l’ensemble des personnes faisant partie de la cible de communication et du public de la personnalité
qui représentent un intérêt pour le parrain
Source: schéma adapté de G. Tribou, 2006
Le choix de la personne avec qui il s’associe dépend donc des résultats d’une étude préalable
qui prend en compte les centres d’intérêts du public visé et ceux offerts par les champions.
Identification des publics
Pour l’aider à faire son choix, il est judicieux que l’entreprise étudie le type de public dont
chaque personnalité bénéficie. Comme nous l’avons décrit plus haut, nous devons différencier les
spectateurs assistant à la performance depuis les gradins des enceintes sportives (ils forment l’audience
directe) et ceux qui la suivent par l’intermédiaire des médias (l’audience indirecte).
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
51
Audience directe
A part quelques cas particuliers (lors de l’organisation d’événements internationaux et très
médiatiques, comme les JO ou les coupes du monde de football, pour lesquels on fait parfois appel à
des sociétés spécialisées), l’identification et la description de l’audience directe ne bénéficient pas de
données très fiables ou très poussées et reposent donc souvent sur des a priori. Il est cependant admis
que le public est souvent «local» (notamment dans le cas des sports d’équipe jouant régulièrement à
domicile). Ceci constitue un axe de travail privilégié que nous étudierons par la suite.
Au niveau national, on estime qu’environ 30% des français assistent à au moins un spectacle
sportif chaque année. Les hommes sont environ deux fois plus nombreux que les femmes, l’âge
moyen des spectateurs est de 30 ans et leur niveau d’études plutôt élevé (selon l’Insee, 2003).
Quantitativement parlant, c’est le football qui attire le plus (avec près de 8 millions de
spectateurs annuels pour la L1). Mis à part le Tour de France et le championnat de rugby, les autres
événements peinent à attirer plus d’un million de personnes (attention toutefois à bien prendre en
compte la différence entre un événement ponctuel tel qu’un championnat de France d’athlétisme et un
événement redondant comme le championnat de France de football). Cependant, on estime que près de
500 millions (!) de spectateurs prennent place chaque année dans l’ensemble des tribunes des
enceintes sportives.
Selon Pigeassou (2002), on peut distinguer quatre types de spectateurs: «l’assidu» (le
supporter passionné, fidèle, engagé, démonstratif), le spectateur «occasionnel» (qui veut participer aux
événements les plus marquants, les plus exceptionnels), le spectateur de «curiosité» (qui découvre,
apprend, est très volatile) et «l’accompagnateur» (le plus souvent, il s’agit d’un parent d’un jeune
sportif).
Finalement, chaque événement rassemble des spectateurs qu’il est plutôt facile de quantifier,
mais qu’il est plus difficile de définir qualitativement. Cependant, il existe bien des outils qui peuvent
apporter une réponse à ce problème. D’ailleurs, il semble que le profil de l’audience directe
corresponde très souvent à celui de l’audience indirecte.
L’audience indirecte
L’étude de la couverture médiatique (le plus souvent, ce type d’étude est effectué par la
société Médiamétrie) permet généralement de se faire une idée du public intéressé par tel ou tel sport
(et donc par tel ou tel sportif).
Il est important de préciser qu’il existe de nombreuses façons de suivre «indirectement» un
événement sportif : en effet, l’intérêt et l’impact émotionnel perçus pour une compétition ne sont pas
les mêmes si on suit une course par une retransmission télévisuelle «live» ou à travers un article de
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
52
journal! Par exemple, on estime que seule 10% de l’audience indirecte cumulée de la formule 1 se fait
par l’intermédiaire de médias «en direct».
Aujourd’hui, les outils de médiamétrie rendent possible la description du public média selon
son âge, son sexe, sa catégorie sociale… Ceci est d’autant plus avantageux que les entreprises utilisent
dans la plupart des cas les mêmes critères pour segmenter leurs cibles. Mais ne nous trompons pas : ce
type d’étude n’est réalisable que par les grands groupes qui peuvent consacrer des centaines de milliers
d’euros à leur service de communication. Le plus souvent, et notamment lorsqu’il s’agit de PME,
«l’étude» préalable du public d’une personnalité sportive se limite à l’évaluation du dossier de presse
(ou «press-book») que celle-ci présente.
Place de la personnalité dans les médias
L’étude de l’audience directe doit être complétée par celle de l’exposition médiatique du
sportif. Pour que l’utilisation de son image comme vecteur de communication soit efficace, il est
nécessaire de connaître l’impact des médias sur la diffusion des performances auxquelles l’entreprise
désire s’attacher.
Le public sportif
En premier lieu, il peut être utile, notamment pour les équipementiers sportifs, de s’intéresser
aux pratiquants de sport (plus de 40 millions de français, environ 15 millions de licenciés!). En effet,
cet ensemble d’individus est particulièrement sensible aux médias sportifs: près de 80% d’entre eux
regardent régulièrement du sport à la télévision.
Etude des pratiquants sportifs français – source: INSEP et ministère des sports, 2002
Médias consultés
régulièrement
TV
Chaînes
câblées
Ensemble des
sportifs
79%
25%
86%
33%
64%
53%
52%
46%
30%
72%
15%
31%
22%
23%
20%
16%
Hommes
Femmes
Rubrique Quotidien Magazine Livres sur Vidéos sur
sport d’un
sportif
spécialisé
le sport
le sport
quotidien
sport
48%
38%
38%
34%
23%
Selon leur tranche d’âge
15 – 19 ans
83%
29%
49%
44%
46%
47%
36%
30 – 34 ans
77%
26%
47%
39%
39%
37%
22%
45 – 75 ans
79%
21%
49%
34%
36%
32%
22%
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
53
Selon le niveau d’étude
Sans diplôme
79%
29%
50%
33%
36%
34%
31%
Inf. au bac
82%
25%
52%
44%
42%
38%
26%
Bac
80%
30%
50%
37%
37%
31%
16%
Sup. au bac
72%
22%
47%
30%
31%
28%
17%
Globalement, et cela se vérifie sur l’ensemble de la population, ce sont les hommes et les
jeunes (15 à 19 ans, et, plus généralement, 15 à 30 ans) qui consultent le plus de médias sportifs.
Toutefois, certains sportifs et certaines disciplines permettent de toucher d’autres types d’individus (le
patinage artistique, les concours hippiques ont un public plutôt féminin, les spectateurs du golf sont
plus âgés…etc.)
La télévision
Aujourd’hui encore, la télévision est reine: en moyenne, un français la regarde pendant 3h24
par jour (pour l’année 2009 selon Les Echos). Les programmes sportifs ont un certain succès,
puisqu’ils représentaient 6,2% de la part des retransmissions «consommées» pour l’année 2006, 4,5%
en 2007 et 5,3% en 2008. Ces fluctuations s’expliquent tout simplement par l’actualité sportive (2006
était l’année des JO d’hiver de Turin, de la coupe du monde de foot et 2008 celle de l’Euro et des JO
de Pékin…). Enfin, en 2004, environ 7% des programmes sportifs consistaient en des informations
pendant les JT nationaux, 31% en des magazines sportifs et 62% en des retransmissions de
compétitions (en direct ou en différé).
En ce qui concerne le partenariat sportif, la structure de l’audience des chaînes peut être
utilisée pour cibler au mieux le public que l’on veut atteindre : par exemple, les abonnés de Canal +
sont majoritairement des hommes «urbains» qui ont entre 25 et 34 ans et qui exercent une «activité
professionnelle supérieure» (selon une étude MédiaCabSat de 2002). Cette chaîne diffuse
principalement des programmes sportifs centrés sur le football, le rugby et le basket. Il serait donc
d’autant plus cohérent et envisageable de s’associer à une figure de l’un de ces sports dans le cas ou la
cible de l’opération correspondrait à ce profil du public. Le raisonnement inverse est aussi possible : si
on souhaite plutôt toucher un public «rural» et âgé, on privilégiera une chaîne comme France 3
(toujours selon l’étude de MédiaCabSat de 2002) et des champions de cyclisme, de tennis, ou
d’athlétisme (qui font partie des sports que cette chaîne privilégie).
Afin de s’assurer une visibilité suffisante (plus on est présent à l’antenne, plus on a de chances
d’être vu et associé à l’image du sportif par un grand nombre de personnes), il peut être utile d’étudier
le temps d’antenne dont bénéficie le sportif. Là encore, il semble que ce soit au sportif d’apporter ce
type de données à son «parrain potentiel». Sinon, on peut s’appuyer sur les chiffres du temps de
diffusion par discipline sportive.
54
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
Temps d’antenne par sport sur les chaînes hertziennes en 2003
Ensemble
TF1
Fr2
Fr3
Canal +
M6
TOTAL
2043 h
223 h
532 h
338 h
925 h
23 h
Football
613 h
171 h
15h
48 h
374 h
3h
Rugby
312 h
123 h
49 h
139 h
Cyclisme
165 h
113 h
52 h
Tennis
152 h
115 h
34 h
Sports mécaniques
72
8
16
Athlétisme
69
34
35
Boxe
37
Ski
11
4
7
Gymnastique
5
2
3
Judo
6
2
4
VTT
1
1
Escrime
1
46
2h
37
Pétanque
1
Source: tableau réalisé à partir d’une étude CSA/La lettre de l’économie du sport, 2004
Remarquons que si ces chiffres sont associés à des pratiques sportives, ils ne correspondent
pas exactement au temps d’apparition des plus grands champions: par exemple, même le cycliste ayant
la plus grande renommée (Armstrong ou Contador?) ne sera pas présent X heures à l’antenne, car il ne
participe pas à toutes les compétitions ou émissions diffusées, et que même les meilleurs sportifs
partagent l’affiche avec leurs concurrents. Cependant, il existe un rapport entre le niveau d’un athlète
dans sa discipline et son temps d’apparition à l’écran (et un ensemble de paramètres qui peuvent nous
intéresser. Nous verrons cela plus loin).
La presse écrite
En 2009, le quotidien sportif par excellence, L’Equipe, s’est vendu à près de 300 000
exemplaires par jour (et était le 2ème plus gros tirage de quotidien payant), ce qui montre l’intérêt pour
ce type de média. Son lectorat se caractérise surtout par un faible niveau d’étude (notamment parce
qu’il est composé d’un grand nombre de lycéens, d’étudiants et de jeunes actifs) et une forte
masculinité (source: EuroPQN 2002-2003).
Les magazines sportifs, bien qu’en perte de vitesse, sont également très en vue : le magazine
hebdomadaire gratuit Sport est lu par plus de 530 000 personnes chaque semaine.
Enfin, il semble que la presse écrite régionale (Ouest France, L’Est Républicain, Les
Dernières Nouvelles d’Alsace…) joue un rôle particulièrement important dans le cas d’opérations de
partenariat «local».
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
55
La radio
Même si l’ensemble des stations de radio abordent le sujet du sport au cours de leurs
programmes (notamment lors des pages «information»), certains spécialistes se dégagent: Europe 1
sport en tête, mais aussi, à un degré moindre, RMC, RTL, France Info... etc. Là encore, des études de
Médiamétrie permettent de définir les publics types en fonction de la fréquence. On peut donc étudier,
comme dans le cas de la télévision, les couples public du média/cible visée.
Internet
La présence du sport sur Internet semble suivre la croissance folle du web: la fréquentation des
sites appartenant à l’univers sportif progresse régulièrement, et on dénombrait en décembre 2009 pas
moins de 12 sites sportifs disposant d’une audience supérieure à 1 million de visiteurs uniques. A titre
de comparaison, ce thème est plus fédérateur (après celui des actualités et de la vidéo/cinéma) que
celui de la musique (entre autre). Le site de L’Equipe occupe même, pour le mois de février 2010, la
4ème place des sites les plus visités en France… Et dispose d’un temps de visite moyenne de plus de 24
minutes, soit 2 à 3 fois plus que la norme.
Internet présente un avantage marketing certain, grâce à son interactivité et les multiples
contacts qu’il permet d’établir. Ceci est en plus facilité par la multiplication des sites et blogs de
sportifs qui offrent une visibilité supplémentaire à leurs partenaires. Là encore, il y en a pour tous les
goûts (et tous les budgets) : entre les sportifs peu connus du grand public qui peinent à dépasser les
10 000 visiteurs uniques annuels, aux stars telles que Roger Federer qui cumule près de 300 000
«membres fans», les différences sont considérables ! Les réseaux sociaux tels que Facebook ou
Tweeter constituent aussi un formidable vecteur de communication: M. Phelps cumule près de 3
millions de fans à lui tout seul (!) et est la figure de proue de la page corporate de son équipementier
Speedo.
De quoi dépend l’audience ?
L’audience de chaque événement est liée à un ensemble de facteurs : ainsi, «l’histoire»,
l’affection pour un sportif ou une discipline sportive, les programmes de diffusion des médias, la
composante spectaculaire… voire même la météo du jour sont autant de paramètres distincts.
Malgré tout, il est intéressant de remarquer les différences notables (que nous avons signalées
plus haut) observées en fonction de l’organisation des compétitions les plus exceptionnelles (coupes
du monde, JO). Le cas des Jeux Olympiques est d’ailleurs très évocateur : pendant deux semaines, le
monde entier ne parle plus que de cyclisme, de natation ou de judo… Or, en 2004, c’est l’escrime,
suivie de la natation qui ont été les sports les plus regardés à la télévision en France! (selon une étude
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
56
Eurodata TV et Sport Insight, 2004). Ainsi, même si des tendances sont définissables, il est très
difficile de cerner clairement les éléments qui «font» l’audience (on ne peut pas prévoir le scénario
épique que tel ou tel sportif va pouvoir vivre, ni l’environnement spécial ou non dans lequel un record
va être réalisé…).
Trouver le sportif correspondant le mieux au projet d’une entreprise ne se limite pas
simplement à la description de son public ou à son exposition médiatique. Il faut également réfléchir
au sport dans lequel on veut investir.
Choix du sport
Le choix d’un sportif pour l’image qu’il renvoie dépend en partie des valeurs et symboliques
qu’il transmet. Or, ces notions dépendent, entre autres, de la discipline qu’il pratique. Plusieurs
questions se posent alors: quel sport (et quel sportif) peut servir au mieux les intérêts de l’entreprise ?
Avec qui, ou quoi s’associer ?
Cette étude est consacrée aux associations avec les champions en tant qu’individus, mais il
faut tout de même relever les autres possibilités qui s’offrent aux entreprises qui choisissent d’investir
dans le sport. En effet, elles peuvent choisir de s’associer à une personnalité, une équipe, voire même
une compétition.
Parrainer un individu unique, c’est s’attacher à sa propre personnalité. Le champion peut alors
devenir un véritable porte-parole, un symbole «humain» pour l’entreprise. Même si le niveau de
performance de l’individu doit être optimum (cf. «l’image du sportif»), il semble que le choix de celuici dépendra grandement de son charisme et de son image. Par exemple, David Beckham est très
apprécié par Adidas pour ses nombreuses apparitions dans la presse people et dans le monde de la
mode ! Choisir un sportif unique présente également l’avantage de pouvoir «l’exploiter» plus
facilement pour des opérations de communication spécifiques, par exemple.
En revanche, l’association à une personnalité peut présenter des risques, notamment en cas de
blessures, de baisse de performance, de révélation de cas de dopage… On observe d’ailleurs souvent
des désengagements des sponsors lors de la révélation de scandales du genre.
Soutenir une équipe semble moins risqué (même si un individu se blesse, il reste d’autres
compétiteurs… En revanche, l’affaire Festina prouve que les risques pouvant apparaître avec une
individualité peuvent aussi se manifester dans ce cas). Les sports d’équipe bénéficient également
d’une image très empreinte de valeurs «communautaires», de solidarité, et de fraternité. En revanche,
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
57
ce type de démarche semble relativement moins efficace, notamment du point de vue «affectif».
L’exploitation de l’image d’une équipe est également moins «souple» que celle d’un individu.
Enfin, l’association à une compétition est celle qui présente le moins de risques : quel que soit
le résultat final, le parrain peut assurer sa visibilité jusqu’à la fin de l’événement (ce qui n’est pas le
cas lorsqu’un sportif ou une équipe se font éliminer d’un tournoi). Mais là encore, ce type de
partenariat apporte moins d’émotions dans les messages qui peuvent être transmis aux spectateurs.
Finalement, et même si cela comporte quelques dangers, le partenariat avec un individu
présente de nombreux avantages : n’oublions pas qu’en plus de ce que nous venons de développer, un
champion peut servir l’entreprise en tant que «ressource interne» ou de ressource humaine
incomparable… Ce qui est moins vrai lors de l’association avec une équipe, et surtout, avec une
compétition !
Le choix la discipline sportive
Les valeurs accordées à chaque sport varient sensiblement dans l’esprit des
«consommateurs de spectacles sportifs» et influencent donc l’image des champions concernés. Le
choix de la discipline est ainsi un paramètre important.
Une étude de la société Carat Sport (2001) a analysé et regroupé les sports en fonction de
l’intérêt global que présente chaque activité. Bien sûr, le football arrive en tête (43% des français se
disent intéressés), devant des sports comme le tennis, le patinage artistique, la natation, le cyclisme…(
de 30 à 26%), puis le rugby, le ski alpin, le basket ball…(25 à 21%), l’équitation, l’escalade, le
handball, la boxe, la voile (20 à 16%), le canoë kayak, le ski de fond, le roller, la planche à voile (15 à
11%)… etc. (attention, ce n’est pas parce qu’un sport est apprécié qu’il est très «visible»).
De telles enquêtes donnent également des détails sur les profils du public de chacune de ces
disciplines: par exemple, les hommes de plus de 35 ans ayant fait des études secondaires ou
supérieures et qui sont cadres ou indépendants avec un revenu supérieur à 1900 € se passionnent
surtout pour le football (58%), la F1 (49%), le rugby (45%), le tennis (45%), et le cyclisme (41%). Il
est intéressant de constater qu’à niveau social équivalent, les plus jeunes (20 à 34 ans) citent aussi le
surf ou le roller.
En ce qui concerne les femmes, elles privilégient dans la plupart des cas le patinage artistique
(quelle que soit leur catégorie d’âge), devant la natation, la gymnastique ou l’équitation.
De telles affirmations constituent des outils évidents de ciblage et d’élaboration de la stratégie
de partenariat. On peut également étudier les valeurs que chaque discipline met, ou pas, en avant.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
Les valeurs attribuées aux différentes disciplines sportives
Sport
Principale valeur Seconde
valeur Avant-dernière
attribuée
attribuée
valeur attribuée
58
Dernière
attribuée
valeur
Athlétisme
Basket
Elégance
Jeunesse
Dépassement de soi
Virilité
Violence
Propreté/dopage
Propreté/dopage
Sensualité
Cyclisme
Escalade
Football
Formule 1
Dépassement de soi
Sérénité
Virilité
Audace
Originalité
Convivialité
Propreté
Violence
Golf
Handball
Violence
Violence
Elégance
Violence
Virilité
Modernité
Sérénité
Virilité
Elégance
Convivialité
Jeunesse
Elégance
Propreté
Bon pour la santé
Violence
Sensualité
Judo
Natation
Virilité
Sensualité
Violence
Elégance
Modernité
Modernité
Sensualité
Violence
Patinage artistique
Pétanque
Rallye auto
Randonnée pédestre
Roller
Rugby
Ski
Tennis
Voile
Volley
VTT
Sensualité
Convivialité
Violence
Sérénité
Modernité
Violence
Audace
Elégance
Audace
Convivialité
Modernité
Originalité
Sérénité
Modernité
Convivialité
Originalité
Virilité
Elégance
Sensualité
Propreté
Bon pour la santé
Bon pour la santé
Virilité
Jeunesse
Elégance
Jeunesse
Authenticité
Sérénité
Convivialité
Virilité
Virilité
Modernité
Sensualité
Violence
Violence
Bon pour la santé
Violence
Sérénité
Elégance
Virilité
Audace
Jeunesse
Violence
Elégance
Source : Tableau réalisé à partir d’une étude de l’observatoire Sports & Valeurs (2001)
Le tableau ci-dessus est très instructif quant aux valeurs auxquelles on associe les sports.
Ainsi, on peut identifier les activités auxquelles il peut être avantageux de s’allier en fonction de l’axe
de communication choisi : par exemple, une entreprise désireuse de se positionner en faveur de la
«modernité» pourra resserrer ses recherches sur le roller, le VTT ou les sports automobiles. Ensuite,
chaque sport se différencie par son «mix» de symboliques. Ainsi, le roller se voudra aussi «original,
créatif et élégant» alors que les sports automobiles sont qualifiés de plus «virils, audacieux et
violents».
Finalement, un moyen de trouver un sport plus cohérent que les autres peut passer par la
construction d’un mapping. Prenons l’exemple d’une entreprise désireuse de se donner une image
«jeune et élégante». Nous pouvons construire la représentation suivante:
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
59
Evoque l’élégance
PATINAGE ARTISTIQUE
GOLF
TENNIS
VOILE
NATATION
ATHLETISME
SKI
ESCALADE
ROLLER
VOLLEY
N’évoque pas la jeunesse
Evoque la jeunesse
BASKET
HANDBALL
CYCLISME
FORMULE 1
PETANQUE
RALLYE
FOOTBALL
RUGBY
VTT
MARCHE
N’évoque pas l’élégance
Il apparaît en premier lieu que le patinage artistique et, dans une moindre mesure, l’athlétisme
et le tennis, peuvent correspondre aux objectifs. Une réflexion sur les valeurs «annexes» mais aussi sur
les symboliques portées par les individualités de chacune de ces disciplines pourrait compléter la
démarche.
Rappelons que ce type de recherche donne des solutions aux entreprises qui cherchent à
intégrer au mieux le partenariat sportif à leur stratégie marketing globale.
Des valeurs plus marquées dans les petits sports
Il est intéressant de constater que, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce ne sont pas les
sports qui attirent le plus qui sont les «mieux perçus».
Médiatisation vs. Valeurs
«Aux yeux des Français, une forte couverture médiatique n'est pas forcément synonyme de
grand sport. Les «petites» disciplines véhiculeraient ainsi des valeurs plus porteuses que les grandes,
victimes de la médiatisation. [ …] La médiatisation ne génère pas de meilleures valeurs... c'est même
le contraire».
Source : Stratégies magazine n° 1185, 30.03.2001, «A petits sports, grandes valeurs»
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
60
Par exemple, de «petits sports» comme le VTT, la natation ou le roller sont jugés comme bons
pour la santé, et jeunes alors que le cyclisme ou le foot apparaissent souvent comme «touchés par le
dopage et violents». On peut également différencier les sports «traditionnels» des activités plus
«dynamiques» : alors que le cyclisme est gangrené par les problèmes de dopage (85% des Français
sont convaincus que c’est une pratique liée à cette activité), «seuls» 45% pensent de même pour le
VTT! Finalement, aucun sport ne semble idéal pour les annonceurs (si on reprend l’exemple du VTT,
il n’est pas perçu comme «créatif ou élégant»), mais il semble que si certaines des activités sont peu
médiatiques, elles y gagnent en qualité d’image.
Le choix du sportif : un ensemble de critères transversaux
A présent nous allons nous intéresser aux critères spécifiques à chaque sportif.
«Le premier rafle tout»
Un peu à l’image du monde du spectacle, seul un petit nombre de sportifs atteint le sommet de
sa discipline, alors qu’un grand nombre de compétiteurs ne dépassera jamais un niveau plus modeste.
C. Sobry (2005) décrit ce phénomène: «un observateur attentif s'aperçoit que le nombre de ces noms
revenant régulièrement au sommet de l'actualité est faible, qu'ils sont variables selon les régions du
monde et que s'établit une sorte de "turn-over" avec un remplacement plus ou moins rapide des têtes
de liste [...] Nous avons ainsi un fond de tableau composé de l'ensemble des sportifs permettant le
déroulement des épreuves sur lesquelles fonctionne le sport spectacle, et quelques individualités sur
lesquelles se fixent les feux de l'actualité sportive».
Selon le concept de «vedettariat» (S. Rosen, 1981), il semble que dans le domaine du sport
spectacle, comme dans celui du cinéma ou de la chanson, on observe une très forte concentration de la
demande sur les personnes réputées les plus «douées» de leur domaine.
Ainsi, un certain nombre de champions accède au rang de «vedette»: avec une renommée hors
norme, des performances très élevées, une personnalité marquante, et avec un fort appui des médias,
certains individus dépassent largement le statu de sportif de haut niveau (Laure Manaudou, Tiger
Woods…). Ce phénomène se traduit notamment par la répartition exponentielle des primes lors de
certains tournois ou championnats.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
61
Source : C.Sobry, essai d’approche de la très inégale répartition des revenus des sportifs participant au
sport spectacle, 2005
Les explications de ce phénomène ont plusieurs racines : les différences de performances, bien
sûr, mais aussi d’image et de renommée individuelle ou collective, d’exposition médiatique…
L’ensemble de ces critères doit lui-même être pondéré par un ensemble de facteurs:
Le sport pratiqué par l’individu
La visibilité et l’image dont il bénéficie
Le «rayonnement» géographique du champion
Plus concrètement, un sportif peut remplir tout ses objectifs sportifs sans que cela n’ait les
mêmes conséquences que pour des athlètes comparables:
Ainsi, Ole Einar Bjorndalend remporté onze médailles olympiques et près d’une centaine
d’étapes de coupe du monde ! C’est une véritable légende de son sport, le biathlon, tout comme Usaïn
Bolt, triple champion olympique et recordman du monde. Bien qu’ils appartiennent tous les deux au
petit monde des «légendes du sport», on constate des différences significatives :
Si le biathlète est une vraie star dans les pays nordiques (Norvège, Finlande, Suède,
Allemagne…) où le ski de fond a une place importante dans la «culture locale», il n’en est pas de
même dans les contrées où les sports d’hiver sont moins prisés (il est quasiment inconnu en Afrique,
ou en Asie du Sud, voire même en Amérique où le ski nordique n’est pas très populaire). A l’inverse,
Bolt pratique une discipline «universelle» (le sprint), a une très forte personnalité et une notoriété
mondiale. Le même constat s’impose quant à l’exposition médiatique des deux personnages. Et que
dire d’un sportif comme T. Gueorgiou, champion du monde de course d’orientation et véritable
référence de sa discipline… S’il ne bénéficie pas de la même exposition internationale que les deux
autres personnages, il possède toutefois une notoriété relativement importante au niveau de la région
de Saint-Etienne d’où il est originaire. Il partage donc certaines caractéristiques avec Bolt ou
Bjorndalen, mais à une échelle différente.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
62
Nous retiendrons donc que dans le sport, le «meilleur» cumule les avantages. On pourrait donc
établir une véritable hiérarchie: ainsi, le plus grand champion (soulignons encore qu’on entend sous
cette dénomination celui ayant les plus fortes performances ET la plus grande renommée) est très
certainement celui qui bat les records imbattables, engendre les plus grandes audiences, attire le plus
de médias… et coûte le plus cher ! Toutefois, l’association à ce type d’individu n’est pas forcément la
plus avantageuse.
Tiger Woods: «symbole social» avant d’être champion
«Tiger Woods a tout pour plaire aux sponsors: jeune prodige de moins de 20 ans dans un
sport où les quadras, voire les quinquas sont légions, et des origines (noir par son père militaire,
asiatique par sa mère) qui aident le golf à échapper à ses stéréotypes sociaux». (B. Moulin, 2002)
Local ou global ?
Comme nous venons tout juste d’introduire le sujet, il est intéressant de constater que le sport
est très ancré dans la culture locale: si quelques sports ou sportifs constituent de véritables vitrines
nationales (R. Federer pour la Suisse, Liu Xiang pour la Chine…), il en est souvent de même au
niveau régional pour des personnalités au rayonnement moindre : Gueorgiou pour le département de la
Loire, M. Baala pour la ville de Strasbourg (avant son départ du club local)… etc. Le choix de la
«dimension» du partenariat dépend logiquement de l’objectif final de l’entreprise, et il ne faut donc
pas négliger l’ensemble des «petits champions» (les sportifs de haut niveau ne disposant pas d’une
renommée très forte), d’autant plus que dans une majorité des cas, le partenariat sportif s’établit avec
des PME et suite à la rencontre de personnes partageant un ensemble de valeurs.
La proximité géographique est souvent un facteur déterminant dans le partage de telles
notions:
La proximité géographique des origines dans le partenariat – G. Burger
SERMES et AQUATIQUE SHOW INTERNATIONALE sont deux PME (respectivement, environ 250
et 25 employés) fortement identifiées comme appartenant à la région de Strasbourg (qui est aussi ma ville natale,
et celle de mon club sportif).
Extrait de la présentation du partenariat (de type sponsoring) entre l’entreprise SERMES et
moi-même
«Implantée à Strasbourg, SERMES et moi partageons des valeurs fortes telles que le goût de l'effort,
de la performance et de l'esprit d'équipe. Autre point commun, la passion des sports d'eau. Monsieur
Robert Schmittheisler, fondateur de l'entreprise a été champion du monde d'aviron en 1978 ! »
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
63
Extrait de la rencontre entre M. Formhals et moi-même lors de la signature d’un contrat de
mécénat:
«Je suis heureux de pouvoir soutenir un jeune qui porte haut les couleurs de Strasbourg et sa
région!»
Source: G. Burger
Parrainer une activité «labellisée» comme étant locale peut donc être avantageux. Selon Speed
(2000), il semble même qu’une opération de sponsoring majeure et fortement médiatisée sera efficace
d’un point de vue strictement commercial, mais sera moins bénéfique pour le développement de
l’image. C’est à partir de ce constat que les dirigeants de l’entreprise Carrefour, partenaire de l’équipe
de France de football ont décidé, après 2002, que chaque hypermarché du groupe devrait soutenir cinq
clubs appartenant à sa zone de chalandise, afin de se «rapprocher de sa clientèle» (Ohl et Tribou,
2004). Par ce type d’actions, Carrefour tente de démontrer que l’enseigne est citoyenne et que son
engagement n’est pas seulement lié à un calcul commercial.
Par ailleurs, la proximité avec les acteurs du monde sportif semble intéresser un large public
(selon le tableau ci-dessous).
Nombre de spectateurs (audience directe) d’événements sportifs en France
Estimation du nombre de
Type d’événement
spectateurs par an en France
50 à 60 millions
Evènement de notoriété
internationale
40 à 50 millions
Evènement de notoriété nationale
300 à 350 millions
Evènement de notoriété locale
Source : C. Pigeassou, «le tourisme sportif : cadre d’analyse et contexte», université Trento, 2002
Les différences nationales sont également très fortes (notamment au niveau des disciplines
sportives) : si le football est très prisé des Européens, il n’en est pas de même pour les Américains. Le
cricket est complètement méconnu en France alors qu’il déchaîne les passions en Inde. Ces différences
nationales s’expliquent également par l’origine du champion «local» : si les Allemands suivaient
beaucoup la Formule 1 lors de la dernière décennie, c’était surtout grâce au «règne» de M.
Schumacher.
Le critère géographique doit donc retenir notre attention, mais même si le caractère local et la
proximité avec un sportif sont très importants, l’ensemble peut très bien s’intégrer à un niveau plus
global : si Marie-José Pérec était largement identifiée et attachée à la Guadeloupe, elle n’en était pas
moins un symbole de la France entière aux yeux du reste du monde !
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
64
Valeurs
Comme nous l’avons déjà beaucoup évoqué, le sportif est lié à un ensemble de valeurs qu’il
peut être avantageux de développer pour l’entreprise (que ce soit à destination d’un public interne ou
externe). Ces notions sont induites par le sport qu’il pratique, son environnement (son club par
exemple), sa personnalité, son histoire… Le choix du sportif dépend donc fortement des symboliques
dont il est porteur.
Par ailleurs, les liens entre sportifs et entreprises peuvent être nombreux. En stratégie, la vie
d’une entreprise se découpe en quatre phases : démarrage, croissance, maturité, déclin. Or, un
dirigeant d’entreprise peut voir le même découpage dans la carrière d’un sportif. Dans ce cas, il
semble très intéressant de s’associer à un sportif «en croissance», plutôt jeune et ayant encore un
certain potentiel de progression. Il peut d’ailleurs être très bénéfique d’être en partenariat avant même
qu’une personnalité ne «se révèle» au grand public : les partenaires de la première heure peuvent
revendiquer une certaine légitimité que les autres n’ont pas (pire, certains parrains peuvent passer pour
des opportunistes lorsqu’ils se lient à un champion après que celui-ci ait réalisé un fait marquant).
Enfin, il est évident qu’un sportif «en déclin» (vieillissant, avec une baisse du niveau de performance,
proche de la retraite) est moins intéressant (du point de vue de l’image, mais pas de son expérience)
pour une entreprise.
Visibilité
Ce critère est à rapprocher de près de l’attractivité médiatique du sportif : dans une opération
où l’image donnée est centrale, il est très important de s’assurer de la visibilité et de la diffusion de
celle-ci à l’ensemble de la cible. Si le rapprochement est évident entre un catamaran au nom de
l’entreprise et son sponsor, ce lien l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit de s’associer à un nageur qui
ne bénéficie d’aucun support de communication pendant la compétition.
Le choix du sportif et de la visibilité qu’il offre dépend aussi de son calendrier sportif :
s’associer à un marin qui va mettre tous ses efforts dans la réalisation d’un projet pouvant s’étaler sur
plusieurs années (le Vendée Globe a lieu tous les 4 ans, par exemple) ou à un tennisman qui peut
disputer près d’une centaine de matchs (voir plus) en une année ne permet pas les mêmes stratégies.
Autre cas, celui des skieurs qui peuvent disputer une trentaine de courses internationales dans la
saison, mais seulement des mois d’octobre à mars. En dehors de ces périodes, ces sportifs ne font que
très occasionnellement parler d’eux. Enfin, un grand nombre de sports amateurs ont des calendriers
variés mais ne sont «sous le feu des projecteurs» qu’une fois par an (à l’occasion d’un championnat du
monde, par exemple), voire, une fois tous les 4 ans, lors des Jeux Olympiques.
Finalement, la visibilité qu’offre un sportif de haut niveau est relative à une combinaison de
facteurs qu’il faut étudier au préalable afin d’éviter toute déconvenue lors de la mise en œuvre du
partenariat.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
65
Contraintes propres aux actions de communication
Avec tous les éléments que nous venons de voir, il apparaît que «l’offre» de partenariat par les
athlètes est très complète. Cependant, le choix de l’entreprise dépend également de contraintes dont
elle ne peut se défaire.
Les contraintes (1): coût
Le coût d’une telle opération est décisif et conduit au choix du sportif servant le mieux les
intérêts de l’entreprise en fonction du budget alloué. Comme nous l’avons vu, le marché du partenariat
est assez vaste pour convenir de n’importe quelle somme (de quelques centaines d’euros pour les
«petits champions locaux», à plusieurs millions pour les grandes vedettes).
Les contraintes (2): temps
L’entreprise doit être capable d’inscrire et d’exploiter le calendrier sportif (fonction de la date
des épreuves majeures) dans celui de l’entreprise. Par exemple, si l’objectif est d’appuyer le lancement
d’un nouveau produit, le partenariat serait inutile si le sportif est invisible dans les médias à ce
moment précis.
Les contraintes (3): concurrence
Les intérêts du partenariat sportif étant nombreux, ce marché est bien soumis à la concurrence
et aux effets négatifs que cela engendre (raréfaction des «ressources rares», les champions, surenchère,
perte d’efficacité…)
La concurrence sur ce marché, vue par Adidas – A. Francke
«Adidas entre en concurrence avec de nombreux équipementiers en matière de
sponsoring. Si dans certaines disciplines, la concurrence est relativement faible, elle est très
importante pour les sports les plus médiatisés (football, tennis, athlétisme etc…)»
Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010
Remarque
Dans la pratique, les études préalables à la signature d’un contrat de partenariat prennent en
compte l’ensemble des considérations que nous venons de voir. Cependant de telles actions voient
souvent le jour dans de petites structures (PME) dont les dirigeants ont été convaincus de l’enjeu
qu’une association à un sportif de haut niveau peut représenter. Dans ce cas, «l’étude» en question est
souvent basée sur un jugement subjectif ainsi que sur des «a priori». Il n’est d’ailleurs pas rare de voir
un dirigeant parrainer un sportif d’une activité qui lui est chère.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
66
CONCLUSION
Finalement, le choix du sportif auquel une société désire s’associer est fondamental.
Selon les objectifs, les moyens et les contraintes de l’entreprise, une telle réflexion se doit de
tenir compte d’une multitude de détails: quelles valeurs portent le sportif, quelle image a-t-il,
est-il à la dimension de ma stratégie, offre-t-il la visibilité nécessaire à la réussite de celle-ci,
sa discipline est-elle cohérente avec mon positionnement, sa place dans les médias me donnet-elle le positionnement recherché, va-t-il me permettre de toucher le public que je souhaite…
sont des exemples de toutes les questions auxquelles il faut répondre si on souhaite que sa
démarche aboutisse de façon positive.
La pondération de toutes ces notions en fonction du type de partenariat et du
domaine d’application semble pertinente : par exemple, un mécénat se prête plus à
l’élaboration d’une image citoyenne pour laquelle un partenariat «local» est souvent plus
efficace. Si on souhaite s’associer à un champion pour motiver son personnel, ou pour
modifier son image auprès de ses clients, on étudiera d’avantage le charisme de la
personnalité dans le premier cas et l’audience dont il bénéficie dans le second.
Choisir la «meilleure» personnalité dépend donc d’un arbitrage entre les buts
recherchés, les moyens mis en œuvre et les différentes composantes essentielles à la réussite
de l’opération de communication.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
B. Pendant l’opération
67
rendre le partenariat efficace
Les traits des sportifs de haut niveau peuvent être jugés très positivement par les publics
visés, par un sponsor ou un mécène sans pour autant que cela ne lui soit profitable. Il est donc
nécessaire que le sentiment développé à l’égard de la personnalité à laquelle une entreprise s’associe
soit étendu à celle-ci. Si des individus apprécient un sport ou un champion, ils ne sont pas forcément
sensibles aux efforts du parrain et peuvent même, dans le pire des cas, nourrir un ressentiment à son
égard s’il est soupçonné d’affairisme ou considéré comme un intrus. Valoriser le partenariat est donc
nécessaire à la réussite de l’opération.
Rappel : le mécanisme d’association
«L’implication dont le spectateur fait preuve pour l’activité parrainée a une influence positive
sur la reconnaissance du sponsor et les attitudes vis-à-vis du parrain» (Lardinoit, 1996).
Lors d’une compétition ou d’un contact (direct ou à travers les médias) entre un sportif d’élite
et son public, ce dernier manifeste de l’intérêt, voire de l’excitation et du plaisir vis-à-vis du spectacle
auquel il assiste. En identifiant le partenaire de cette personnalité et en fonction de l’évaluation de la
pertinence de leur association, il est possible que le processus de renforcement ou de transfert d’image
apparaisse. Or, ce transfert est favorisé par l’émotion positive et la composante affective de la cible
envers le champion. Ainsi, selon Walliser (1994) et Lardinoit, (1996), une entreprise peut «profiter de
l’émotion pour en capitaliser des retombées positives pour la marque».
De plus, un véritable «lien social» peut exister entre un sportif ou une équipe et leurs
supporters : les fans créent un groupe social et cherchent à ne faire qu’un avec le sportif parrainé par
l’entreprise (on se souvient des supporters de J. Lamy-Chappuis qui étaient facilement identifiables et
formaient une vraie communauté lors des JO de Vancouver), à se distinguer et à démontrer leur
appartenance au groupe. Or, selon Levin (2001) le transfert d’image est positivement influé par
l’implication de l’individu et les attitudes par rapport au sponsor sont plus favorables quand le
consommateur est impliqué.
Durée et répétition
Le message que le parrain souhaite véhiculer à travers l’opération de partenariat est,
généralement, implicite et se manifeste par son association au compétiteur. Afin que le destinataire de
ce message l’interprète et l’intègre au mieux (ce qui va permettre le développement de la notoriété, de
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
68
l’image, de la crédibilité, de la culture… de l’entreprise), il faut donc l’aider à le «décoder». De plus,
l’attention du spectateur ou du téléspectateur est captée par le déroulement de l’événement sportif.
Afin que son association à un sportif soit fructueuse et légitimée, il est donc recommandé
d’inscrire une telle opération dans la durée. Ainsi, la cible pourra «se faire à l’idée» que telle entreprise
est liée à tel sportif et que leur association est légitime et cohérente. De plus, il est évident que plus
une opération de communication est longue, plus elle offre de «points de contact» avec la cible (ce qui
va notamment permettre le développement de la notoriété).
Communication étalée vs communication concentrée : mémorisation progressive à long
terme ou intense à court terme (d’après H.A. Zielske, 1959, et Johnon et Watkins, 1971)
D’après ce graphique, on peut affirmer que les effets d’une campagne de communication
étalée dans le temps peut avoir des effets plus durables et plus «profonds» sur la mémorisation qu’en
fait la cible (cela permet notamment d’éviter l’effet de chute induit par une communication plus
ponctuelle).
De plus, les sociétés privilégiant le court terme (en s’associant aux sportifs ponctuellement, le
plus souvent, lorsqu’ils bénéficient d’une forte exposition médiatique suite à un exploit ou un fait
marquant) risquent d’être qualifiées d’opportunistes et voient souvent leur stratégie partenariale se
retourner contre elles. Cela s’observe également chez les athlètes «volages» qui sont souvent accusés
d’être plus intéressés par les retombées financières offertes par leurs partenaires que par l’impact de
telles décisions sur leur niveau de performance.
Inscrire le partenariat dans la durée signifie également que l’entreprise doit soutenir le sportif
quelle que soit l’évolution de sa carrière : dans ce cas, le parrain qui reste au côté d’un champion dans
les moments difficiles (blessure, baisse des résultats…) apparaît comme réellement impliqué et
légitime.
La répétition des messages est un autre facteur de réussite. En effet, la redondance de
l’exposition du public au partenariat peut permettre de le convaincre de la véracité du message qu’il
transmet (selon Tribou, 2005). Bien entendu, il faut aussi faire attention à ne pas tomber dans l’excès
et ne pas produire un effet de saturation : un champion omniprésent dans les médias finira par lasser !
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
69
Fréquence d’exposition à une opération de communication et renforcement du sentiment affectif
(d’après H.A. Zielske, 1959, et Johnon et Watkins, 1971)
Stabiliser et assurer la diffusion du partenariat sportif permet donc de garantir une partie de
son efficacité, à condition, bien sûr qu’il soit exploité et utilisé conformément à la stratégie poursuivie
(ceci est d’autant plus vrai pour les entreprises ne faisant pas partie du milieu du sport et pour lequel le
lien avec l’athlète est donc moins évident).
Mise en lumière des similarités avec le sportif
Comme nous l’avons déjà introduit dans la partie II, il est nécessaire que le partenariat soit
expliqué et compris par la cible de celui-ci (qu’elle soit interne ou externe à l’entreprise). Il faut donc
« sensibiliser » le public afin de le convaincre du bien-fondé d’une telle opération, notamment si
l’image de l’entreprise est éloignée du domaine sportif. Deux niveaux de similarité sont identifiables :
La similarité fonctionnelle liée au domaine d’activité (un fabricant de chaussures sera très
bien perçu s’il s’associe à un sprinter ou un fondeur)
La similarité d’image : dans ce cas, on met en avant des éléments d’image qu’on retrouve
dans le champion. Ainsi, des valeurs, des représentations ou un public commun peuvent
suffire (une marque de luxe et un golfeur, une marque de cosmétiques et une figure du
patinage artistique…). On peut également imaginer que des origines régionales communes
peuvent entrer en ligne de compte.
Toutefois, En l’absence de similarités d’image il est possible de les créer grâce à des
opérations de communication.
L’importance de la construction de la légitimité de l’association – Speed, 2000
«Si une marque sportive peut espérer profiter pleinement de l’émotion suscitée par une coupe
du monde, il n’en est pas de même pour une marque non sportive. Coca cola doit systématiquement
mener des actions de communication avant les grands événements auxquels elle participe pour établir
sa sincérité et ainsi profiter pleinement des retombées sentimentales.»
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
70
S’il est assez simple de créer ou de diffuser de telles similarités auprès du personnel, il n’en
est pas de même pour les cibles externes. Ainsi, les salariés peuvent s’impliquer dans le projet (si on
leur confie certaines tâches de celui-ci, par exemple) ou peuvent facilement être «atteints» (par le
journal de l’entreprise par exemple, par la hiérarchie…). Certaines entreprises vont même plus loin en
diffusant dans leurs lieux de détente de petits reportages sur les derniers résultats et faits marquants de
l’avancement de la saison du sportif auxquel elles sont liées. En revanche, il est plus difficile de
diffuser de telles informations auprès des fournisseurs, clients, prospects… il faut donc utiliser
d’autres vecteurs de communication pour se donner un maximum de visibilité.
La visibilité
Nous avons déjà défini la visibilité comme étant un facteur déterminant du choix de la
personnalité soutenue. Cependant, il appartient à l’entreprise de la favoriser par un ensemble
d’actions : rendre un partenariat visible (et, comme nous venons de le voir, dans la durée et cohérent
avec les objectifs poursuivis) est donc une condition à la réussite de celui-ci.
Il faut rappeler que dans le cas du mécénat, la visibilité du partenariat est limitée (car les
retombées dont bénéficie le mécène doivent théoriquement se limiter à 25% du montant des dépenses
engagées).
L’entreprise doit donc s’assurer que tout est fait pour que son association soit perceptible par
ses cibles. Pour cela, (et en fonction des termes du contrat de partenariat), plusieurs points doivent être
pris en compte :
Si l’équipement du sportif est support du nom ou d’un logo de l’entreprise, il faut s’assurer
que celui-ci est bien visible (cf. l’exemple du nom du catamaran et du nageur). Dans cette
réflexion, il faut également prendre en compte l’exposition médiatique du sportif et
s’assurer que le parrain puisse bien apparaître aux côtés de celui-ci (dans le cas de la
présence d’un logo sur l’équipement, on s’assurera que celui-ci est bien dans le champ des
caméras lorsqu’elles se focalisent sur le champion…etc.)
Pour être visible, mémorisable et efficace il est aussi primordial d’éviter le problème de
l’encombrement : un individu mémorise rarement plus de deux sponsors (2,15 en
moyenne selon Walliser et Nanopoulos, 2000) lorsqu’il assiste à un spectacle sportif (son
attention se focalise prioritairement sur le jeu ou le déroulement de la compétition). De
plus, la multiplication des partenaires peut provoquer une banalisation, une saturation et
une incompréhension de ce mode de communication. Parrainer un sportif arborant déjà les
couleurs de plusieurs entreprises est inefficace. Il faut donc se démarquer, se différencier.
Un exemple de partenariat « raté » nous est ainsi donné par les 3 principaux opérateurs
téléphoniques français qui, plutôt que de se différencier, se sont copiés et neutralisés: en
moins d’une minute, un téléspectateur pouvait voir une publicité d’Orange (avec Zinedine
Zidane), le générique d’une émission de football parrainée par Bouygues Telecom et une
interview d’un joueur de l’équipe de France arborant le sigle de SFR.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
71
«Trop de sponsors tuent le sponsor» - F. Bolotny
«avec sept sponsors sur un même maillot, les retombées sont quasi nulles. Cela amoindrit
l’aspect qualitatif du partenariat».
Différents outils sont à la disposition des entreprises pour offrir une meilleure exposition à leur
partenariat.
Publicité et promotion
Si le parrainage d’un sportif de haut niveau offre une opportunité de communication
originale et plus efficace que les vecteurs plus classiques, elle ne se suffit pas à elle-même. Rappelons
toutefois que le sponsoring a été identifié comme étant trois fois plus efficace (en termes de
mémorisation) qu’une campagne de publicité classique (selon Sponsotest Tracking Survey, 2003).
L’efficacité du partenariat sportif dans l’élaboration de la notoriété
Yves Gonnord, PDG de Fleury Michon, partenaire du skipper P. Poupon pendant 20 ans :
« Pour atteindre ce niveau de notoriété à l’aide de la publicité classique, il aurait fallu
investir trois fois plus que dans la voile, avec P. Poupon »
Source : interview de Y. Gonnord par F. Ponthieu, le parrainage sportif, Arnaud Franel éditions 2006.
Toutefois, selon Cégarra (1994), « Il semble que le sponsoring et la publicité présentent une
complémentarité telle que l’un n’atteint ses objectifs que s’il est relayé par l’autre ». Une telle
affirmation va dans le sens de l’intégration du partenariat sportif à la stratégie marketing globale, et
plus particulièrement à la stratégie de communication de l’entreprise. Par ailleurs, lorsque l’exposition
d’un champion est ponctuelle, on peut avoir recours à la publicité afin d’en prolonger le souvenir et
répondre aux exigences de redondance dont nous avons parlé plus haut. D’autres détails prouvent la
complémentarité de la publicité et du partenariat : selon Pichot (2001), « d’un point de vue technique,
la qualité des messages du parrain ou du sponsor est souvent médiocre. Ils sont très brefs, peu lisibles,
incomplets et se limitent à la mention de son seul nom ». A l’inverse, un message publicitaire est de
meilleure qualité, notamment parce que les différents paramètres peuvent être plus facilement
maîtrisés.
Finalement, le couplage du sport et de la publicité est efficace car la communication par
l’événement de la compétition inscrit l’entreprise dans le domaine de la véracité, du réel («c’est cet
homme qui a réalisé le record du monde du 100m ») alors que la publicité permet de diffuser et de
rappeler le message du parrain tout en le faisant sortir du registre de l’imaginaire auquel une publicité
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
72
classique appartient. A l’inverse, sans publicité, le message du sponsor serait incomplet et
n’apparaîtrait qu’en second plan des apparitions du sportif. « En réunissant les deux à travers un plan
médias d’ensemble, la communication se donne toutes les chances d’atteindre ses objectifs,
notamment ceux de notoriété» (Quester et Thompson, 2001).
Complémentarité de l’image du champion et de la publicité
« Le recours au sport spectacle, réputé universel et d’une grande efficacité sémiotique, permet
au sponsor de revendiquer une certaine légitimité que la publicité ne lui permet pas d’obtenir. Le
message publicitaire est une fiction conçue selon un scénario, produite en studio dans un décor
factice, interprétée par des comédiens. Il s’inscrit dans un imaginaire inaccessible, sinon le rêve. A
l’opposé, le spectacle sportif est un spectacle vrai qui se déroule dans un stade, sec ou boueux selon la
météo du jour, joué par des compétiteurs qui ne font pas semblant, qui souffrent, qui explosent de joie,
qui se blessent et qui peuvent gagner ou perdre de façon fondamentalement imprévisible. Il y a une
authenticité, une vérité et une émotion du sport que la publicité classique ne peut pas aborder. »
Source (Marketing et gestion des clubs sportifs B. Augé et G. Tribou, 2006)
Les publicités télévisuelles sont souvent efficaces dans le cadre de partenariats d’envergure
(lors des JO d’Albertville, il a été prouvé que les 7 partenaires les plus cités lors de tests de notoriété
avaient mis en place une campagne publicitaire télévisuelle lors de l’événement). Il peut aussi être très
intéressant de « rappeler » le partenariat par l’intermédiaire de la publicité au lendemain d’un exploit
(comme Bouygues Telecom l’a fait dans L’Equipe lorsque T. Voeckler portait le maillot jaune du Tour
de France 2004). Les campagnes d’affichages ont aussi un intérêt, notamment lorsqu’il s’agit
d’exposer les liens et le rapport entre un champion et un produit (lorsque Seat parraine J-W. Tsonga
pour mettre en avant la puissance d’un de ses modèles, par exemple).
Illustration et innovation du partenariat comme support de publicité
A l’occasion du match de finale de la coupe d’Europe 2004 de football entre le FC Valence et
l’Olympique de Marseille, Orange a fait diffuser un spot publicitaire à la mi-temps qui intégrait les
images du but marqué six minutes plus tôt. Plusieurs avantages semblent se rapporter à une telle
opération : d’une part, la puissance du message publicitaire était décuplée et se distinguait
radicalement des autres. D’autre part, cela permettait de bénéficier de l’état émotionnel du spectateur
pour mieux faire passer le message.
La publicité permet donc de renforcer, de légitimer et de participer à la diffusion du message
que le partenariat aide à construire. La mise en place d’opérations de promotion sur les lieux d’achats
des produits de l’entreprise va permettre de prolonger cet effet.
Diverses actions vont dans ce sens : des affichages sur les lieux d’achat, sur le packaging des
produits peuvent rappeler l’association avec le champion. Si celui-ci est plus impliqué, on peut aussi
imaginer de créer des animations visant à attirer des individus qui pourraient alors être touchés par
l’ensemble des supports de communication (Internet, TV, radio…). Ainsi, on peut exposer le vélo avec
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
73
lequel tel coureur a remporté une grande course, organiser une séance de dédicaces, un concours
(«Serez-vous plus fort que Tony Parker» ? est un jeu vidéo en ligne que Seat a exploité pour créer du
trafic sur son site Internet). En suscitant l’intérêt et une image positive auprès des visiteurs, il est donc
possible de bénéficier de retombées en termes de notoriété, d’image, et d’actes d’achat.
Les relations médias
La fonction de «relation média» a pour principal but de maximiser les retombées
rédactionnelles mettant en avant l’association entre l’entreprise et le sportif. Pour cela, un « attaché de
presse » (ou tout autre membre de l’entreprise occupant une fonction similaire) doit faire jouer son
relationnel et collaborer avec les journalistes et les principaux acteurs médiatiques.
En leur diffusant des communiqués de presse (qui peuvent prendre en compte les éléments que
le parrain souhaite retrouver dans les médias) ou en leur mettant à disposition un dossier de presse, il
est donc possible de «provoquer» les retombées médiatiques induites par le partenariat. Il est
également envisageable d’octroyer des avantages aux journalistes (en les invitant à assister à une
compétition, en prenant leurs frais de déplacement en charge…) ou d’organiser des conférences de
presse. Finalement, les relations avec les acteurs médiatiques peuvent améliorer la visibilité du
partenariat.
Les relations publiques
Les actions de relations publiques peuvent avoir de multiples objectifs et conséquences : de
telles opérations de communication peuvent contribuer à la réussite de l’ensemble des types et des
domaines d’application des partenariats sportifs. Par exemple, l’entreprise peut inviter ses meilleurs
clients, les gagnants d’un jeu concours (qui aura permis au préalable d’élaborer une animation sur un
point de vente), des cadres de l’entreprise, des salariés, des fournisseurs,…etc. à assister au
déroulement d’une compétition, à une rencontre avec le champion… L’entreprise peut aussi toucher le
public des sportifs en étant présente sur les lieux de la compétition (par l’intermédiaire du « village
partenaires », par exemple).
Les relations publiques sont un mode de communication privilégié dans le cadre d’opérations
de mécénat : en effet, l’éthique impose au mécène une certaine discrétion qui n’empêche pas de
développer une communication interpersonnelle très ciblée (et très efficace) envers quelques
journalistes, collaborateurs, ou clients invités à partager un spectacle sportif ou une intervention de
l’athlète. De telles actions sont d’autant plus efficaces que les personnes concernées peuvent avoir
l’impression d’être privilégiées et de bénéficier d’une «exclusivité».
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
74
Exemple d’exploitation d’un partenariat (Adidas) – A. Francke
«Le leitmotiv en matière d’équipement est de faire porter au bon sportif, le bon produit au bon
moment. Ainsi, la dotation de chaque sportif est pensée en fonction, bien sur, de sa pratique sportive
et de ses besoins mais aussi en fonction de sa personnalité, de son style et de la segmentation
marketing à laquelle nous l’avons identifiée.
Le sportif sponsorisé devient un ambassadeur de la marque et de nos produits. Il va ainsi
pouvoir soutenir le lancement de nouvelles gammes (ex : J.W. Tsonga et la nouvelle Barricade VI
lancée à l’occasion de RG 2010).
Il nous arrive aussi d’avoir un rôle d’intermédiaire entre les athlètes et les médias. Notre
service Relations Presse travaille au quotidien en lien avec les médias et identifie des opportunités de
prises de parole pour les athlètes en contrat avec la marque. Le résultat est de type gagnant-gagnant :
les athlètes et la marque gagnent conjointement en visibilité/notoriété.
On essaie aussi de capitaliser sur certains événements ponctuels en mettant en place ce qu’on
appelle des «tactical events». Par exemple, lorsque T. Riner a remporté le titre mondial à Rotterdam,
l’an dernier, nous l’avons fait venir le lendemain à notre magasin des Champs Elysées pour une
séance d’autographe et nous avons organisé une petite tournée médiatique. Les retombées ont été
excellentes. Assez régulièrement, nous mettons en place des opérations dans nos points de vente
intégrant des athlètes : séances de dédicaces, conférences e presse etc…».
Les sportifs de la marque peuvent également participer au développement des produits, et être
invités à faire des interventions en interne.
Dernière chose et pas des moindres, nous mettons un point d’honneur à organiser des
rencontres entre les sportifs du team adidas. Que ce soit à l’occasion d’événements sportifs (matchs
de football, Roland Garros, etc…) ou lors d’événements extra-sportifs (Rassemblement du team
olympique, événements de marque etc…), nous essayons de rassembler les athlètes afin qu’ils puissent
se connaître et développer des amitiés. Le team adidas c’est un peu comme une grande famille. C’est
génial de voir que les sportifs suivent les résultats des autres dans d’autres disciplines, de les voir
s’encourager les uns les autres tout au long de la saison.»
Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010
CONCLUSION
On peut distinguer trois dimensions formant le contenu de la communication :
l’information, l’émotion et les valeurs (M. Lieberman, 2008). Alors que l’information
constitue le fond du message, il apparaît que l’association d’un sportif au message permet de
décupler l’impact lié aux émotions et aux valeurs dont il est porteur.
Toutefois, tirer profit du partenariat sportif n’est pas une chose simple : selon les
objectifs poursuivis, il appartient à l’entreprise d’intégrer cette démarche à l’ensemble de son
mix marketing. Plus précisément, il lui appartient d’exploiter au mieux les axes de
communication que celui-ci offre et de les valoriser grâce au panel des outils dont elle
dispose (comme la publicité, ses relations). De cette façon, il est possible de maximiser les
bénéfices qu’une CIP ou qu’une action de sponsoring ou de mécénat peut engendrer.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
75
C. En aval de l’opération mesurer les retombées
Aujourd’hui, et bien que le partenariat sportif fasse partie d’un grand nombre de mix
marketing, on peut dire qu’il s’agit là d’une discipline « adolescente » de la science de la
communication (son développement à grande échelle est apparu lors du début des années 80). Cela se
révèle notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer l’impact réel d’une telle opération. En effet, les outils et
les démarches permettant ce type d’évaluation sont relativement restreints et sujets à caution.
Cependant, ils sont indispensables pour diagnostiquer un partenariat, définir les points à améliorer ou
justifier l’investissement initial (rappelons que ce point est d’une importance capitale vis-à-vis du
personnel ciblé par une action interne).
Une des difficultés que comporte la tâche d’évaluation, réside principalement dans le fait que
le partenariat est intégré aux différentes stratégies de l’entreprise (il en est généralement de même pour
les opérations classiques de communication) et que ses effets sont perceptibles à moyen ou à long
terme. Ainsi, il semble opportun de mesurer l’effet du partenariat en fonction de variables
intermédiaires qui correspondent aux différents objectifs poursuivis à travers cette action (notoriété,
image, crédibilité du produit, motivation et performances du personnel…).
L’évaluation doit prendre trois dimensions en compte (d’après Brochand et Landrerie, 2001) :
Auprès de qui la mener ? Cela concerne, bien évidemment, la cible de communication
qu’il faut pouvoir atteindre et contacter. Il faut donc définir la population que l’étude
doit prendre en compte.
Que faut-il évaluer ? Si les objectifs initiaux nous permettent d’identifier les notions
que l’entreprise cherche à développer, il faut encore savoir comment les évaluer.
Quand procéder à l’évaluation ? Le(s) moment(s) de la mise en œuvre de ce travail est
déterminant par rapport aux résultats qu’on cherche à avoir (surtout pour l’étude d’une
éventuelle évolution des indicateurs choisis).
Selon les mêmes auteurs, quelques principes simples peuvent être énumérés : la conception et
la budgétisation de cette tâche doivent être définies en amont de l’action (d’après M. Desbordes, elle
représente, en moyenne, 10% du budget global du partenariat) et doivent décrire les objectifs et les
indicateurs sur lesquels on souhaite porter la réflexion. La comparaison du score de ces indicateurs
avant et après l'opération, et à condition qu’il soit possible d’isoler l’action du partenariat des autres
éléments du marketing mix, doit permettre de mesurer l’évolution de ceux-ci suite à l’association au
sportif. Enfin, on favorisera une méthode de mesure systématique (plutôt qu’exceptionnelle et
ponctuelle) qui offre la possibilité d’obtenir des données comparables d’une campagne de mesure sur
l’autre.
A présent, nous allons voir les différents outils de mesure de l’impact d’une opération de
communication basée sur le partenariat sportif.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
76
Press book et retombées médiatiques
Le «tracking» (qui correspond au repérage et au comptage des apparitions dans la presse du
partenariat entre le sportif et l’entreprise) constitue le B.a-ba de l’évaluation des retombées
qu’engendre une telle opération. Il est évident que le press-book peut alors servir de base à ce type
d’étude : il est même possible de calculer « l’équivalent publicitaire » (qui tourne très souvent à
l’avantage du partenariat sportif selon M. Desbordes, 2006). Toutefois, cela semble largement
insuffisant pour mesurer l’impact réel de la stratégie de partenariat.
Mesure des apparitions dans la presse: un outil utile mais incomplet
B. Lalande, directeur de TNS Sport :
« J’ai commencé dans ce métier [dans les années 90] à travailler pour le groupe Philip Morris et à
l’époque, je m’intéressais à toutes les retombées de Marlboro dans les grands prix de F1. […] Sans
être cynique, on mesurait l’épaisseur du press-book, on comptait le nombre de visuels et le nombre de
citations. On raisonnait donc au kilo sans valoriser les coupures de presse ! Quand on en avait plus
que Rothmans, on était content… »
Source : interview du 4/03/2004 par M. Desbordes (Stratégies des entreprises dans le sport, 2001)
Il semble d’ailleurs que ce phénomène reflète la tendance que suivent les entreprises : alors que dans
les années 90, on développait un véritable « sponsoring de masse » aujourd’hui, on assiste plutôt au
développement de « partenariat de sens et de contenu » (F. Ponthieu, 2006)
L’étude de l’audience directe et indirecte (thème que nous avons déjà abordé : cela se fait
notamment grâce aux données fournies par la billetterie des enceintes sportives ou par des outils de
médiamétrie) permet de donner une représentation relativement précise du public touché par l’action
de communication. Pour compléter et exploiter au mieux ce type d’informations, on peut préconiser
une réflexion concernant la qualité de la visibilité qu’offre l’opération de communication.
Mesure de la visibilité télévisuelle
«L’efficacité [d’une opération de communication externe] est liée aux conditions d’exposition
et de mise en valeur des messages» (Walliser, 1994, Pope & Voges, 1997). Il n’est donc pas anodin de
se pencher sur la question de la qualité de la perception du partenariat.
Pour cela, il existe des outils de mesure et d’analyse de la visibilité des marques et de leurs
logos lors des retransmissions télévisuelles : entre autre, le logiciel Magellan SN Vision est une
application au sponsoring d’un système d’usage industriel (utilisé pour le contrôle de qualité) et
marketing (permettant l’évaluation du placement des produits sur leur lieu de vente). En ce qui
concerne la communication par le partenariat sportif, il offre la possibilité d’étudier la reconnaissance
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
77
des logos de marques lors des diffusions de programmes sportifs (durée d’exposition, surface
d’exposition, facilité de reconnaissance…). L’analyse de ces scores permet d’optimiser le support
d’exposition qu’offre le sportif.
Jusqu’à présent, nous avons vu des indicateurs «intermédiaires», qui permettent plus
d’apprécier les performances d’exposition de l’opération plutôt que les effets réels du partenariat
sportif. A présent, nous allons donc nous pencher sur la question de l’efficacité concrète par rapport
aux principaux objectifs que nous avons identifiés (notoriété, image, crédibilité produit, vente de
produits dérivés, motivation et efficacité du personnel).
Evaluation des données intermédiaires de communication
L’évaluation de l’impact sur la notoriété
Le développement de la notoriété peut être l’une des raisons d’être du parrainage. Or, la
notoriété est un indicateur très volatil qui peut connaître un sommet au moment de la diffusion de
l’opération de partenariat et chuter très rapidement après. L’idéal pour une entreprise étant d’être le
«top of mind», c’est à dire, d’être la première marque citée (à une question du type «quelle marque de
voiture connaissez-vous ?»). Afin de mesurer uniquement la composante «partenariat» (et de la
distinguer de l’ensemble des autres opérations de communication de l’entreprise), on peut mesurer le
score de notoriété de l’ensemble des partenaires d’un sportif ou d’un sport («selon vous qui est
sponsor d’Alain Bernard ?»). Il peut être intéressant de comparer le score de notoriété des individus
associant une marque à un champion à celui de ceux qui ne les associent pas. Si le premier est
supérieur au deuxième, on peut donc supposer que l’association a été fructueuse auprès du public du
sportif. Enfin, la mesure de la notoriété assistée permet de donner une idée de la reconnaissance (plus
que de la mémorisation) du partenaire.
En fonction de la population étudiée et des moments de mesure (avant/pendant/après) il est
donc possible d’évaluer l’accroissement de la notoriété d’une entreprise suite à une action de
sponsoring ou de mécénat.
Evolution de l’image perçue
Deux dimensions peuvent nous intéresser quand aux modifications éventuelles de l’image de
l’entreprise : quelles représentations se font les individus du sportif et dans quelle mesure celles-ci ont
modifié celles de ladite entreprise.
Ce type d’étude est particulièrement délicate à mettre en place et est souvent confiée à un
prestataire. Malgré tout, plusieurs types de démarches sont envisageables :
Les études quantitatives
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
78
Les études qualitatives (qui semblent bien appropriées aux problématiques de
l’évaluation de l’image d’un sportif, d’un produit ou d’une entreprise)
Concrètement, voici les différentes méthodes applicables (par ordre croissant de pertinence,
d’après nous):
Le questionnaire (type QCM qui semble relativement « normatif » et limité dans notre
cas)
Le test d’opinion et d’image (permettant d’évaluer les représentations selon les
critères choisis au préalable).
Les entretiens (individuels, collectifs, avec des tests associatifs ou projectifs…etc.).
Cette voie nous paraît être la plus complète et la plus intéressante dans la mesure où
elle peut permettre d’enrichir l’analyse d’éléments de réponse imprévus.
La principale difficulté imposée par ce type de travail est d’isoler le partenariat de tous les
autres éléments du mix marketing afin d’attribuer les effets de celui-ci aux « bonnes causes ». Ainsi, et
même si des tendances peuvent être dégagées, il est très difficile de mesurer l’impact réel et effectif de
la stratégie de communication sur l’ensemble des composantes de l’image et du positionnement de
l’entreprise.
Evolution de l’image de Schweppes suite au sponsoring de deux pilotes de formule 1
La société Schweppes commandita une étude relative à son image une semaine après un grand
Prix de F1. L’étude différenciait les consommateurs qui déclaraient savoir que Schweppes parrainait
l’équipe West McLaren Mercedes (et les deux pilotes D. Coulthard et M. Hakkinen) de ceux qui ne le
savaient pas. L’objectif était de montrer que le soda permettait de revitaliser et rafraîchir les gens.
L’étude a montré que les consommateurs informés de l’opération de partenariat avaient une
image très forte de la marque sur les dimensions suivantes : « boisson rafraîchissante » (+33%), « pour
les jeunes adultes » (+13%), « qu’il faut considérer » (+10%), « de bonne qualité » (+9%) et « à
mélanger avec de l’alcool » (+16% ! ?)
Cet exemple montre à quel point l’association avec des personnalités sportives peut être
puissante sur les représentations d’une marque… et à quel point il est important d’en «maîtriser» au
mieux les conséquences.
Crédibilité du produit et vente de produits dérivés
Encore une fois, la notion de preuve d’efficacité du produit induite par son utilisation par un
athlète est relativement floue et difficile à détacher des autres composantes marketing. Toutefois, il
semble que des outils similaires à ceux que nous venons de voir peuvent apporter des éléments de
réponses (notamment si on suppose que la plus-value qu’un sportif peut apporter dans ce type de
situation se traduit par un regain de notoriété et l’élaboration d’une image positive du produit).
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
79
La vente de produits dérivés est évaluable selon les outils classiques de gestion : chiffre
d’affaires, part de marché…etc. En revanche, il est plus difficile de mesurer précisément et de définir
les influences que de telles ventes peuvent avoir sur les autres paramètres que nous venons de voir, et
notamment sur celui de l’image que ce genre de produit renvoie de l’entreprise dans sa globalité.
Evaluation de la motivation et de l’efficacité au travail
Il s’agit probablement du domaine pour lequel il est le plus difficile de définir les bénéfices
qu’un champion peut apporter. En effet, il est très difficile de savoir dans quelle mesure sa rencontre
ou l’invitation de certains salariés à assister à une de ses compétitions peut influer positivement ou
négativement les « performances humaines » de l’entreprise.
Si certains indicateurs «classiques» peuvent donner une tendance de l’évolution de
l’implication et de la motivation du personnel (taux d’absentéisme, nombre d’accidents de travail…),
il semble plus opportun de réaliser une étude de fond, telle que les entreprises de conseil en
communication ou de coaching peuvent proposer (étude de la satisfaction au travail, de l’implication
des salariés vis-à-vis de l’entreprise).
Malgré tout, nous sommes de l’avis que de telles notions sont plus fonction de l’appréciation
du manager que de données quantifiées et chiffrées. La définition de la culture d’entreprise (que nous
avons développée dans la partie II) comporte elle-même l’idée d’actif immatériel et informel. Les
retombées du partenariat comme outil de communication interne sont donc plutôt soumises à un
jugement qu’à une évaluation formelle.
Entreprises de conseil
Confier l’évaluation de l’efficacité de la communication liée au partenariat sportif, et même
aux opérations de communication dans leur ensemble, à une agence de marketing, une société de
conseil ou un institut d’étude (on peut citer les sociétés TNS Sport et Sport Marketing Surveys, entre
autres) semble être un bon choix. D’une part, cela permet de bénéficier (théoriquement) d’une
expertise poussée et fiable pour laquelle toutes les entreprises n’auraient pas forcément les ressources
nécessaires. D’autre part, cette démarche peut éviter à l’évaluation d’être biaisée par un éventuel
« chargé de partenariat » qui pourrait être tenté (consciemment ou inconsciemment) de justifier
l’opération dont il est en charge en majorant les retombées qu’il observerait. Le prestataire est donc
garant d’une certaine objectivité de l’analyse. D’ailleurs, le suivi des actions de partenariat est assuré
en externe dans 46 à 74% des cas selon le type d’étude (en excluant les études sur l’évolution des
ventes, source UDA 1998-1999).
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
80
Voici à titre d’exemple, le type de données qui peuvent justifier l’investissement dans le
domaine sportif. Il s’agit d’une étude de la visibilité que le Tour de France a donné à la Française des
Jeux ainsi que d’une estimation du coût d’une exposition publicitaire similaire.
Remarque : ce document annonce un retour équivalent à 2,5 fois l’investissement de départ !
CONCLUSION
Les outils d’évaluation des bénéfices qu’engendrent les associations avec les sportifs
de haut niveau existent et permettent une réelle optimisation et des ajustements de la
démarche et des actions mises en œuvre. Malgré tout, nous avons pu voir qu’il est difficile de
définir des normes précises : l’évaluation repose donc principalement sur des appréciations,
ce qui peut constituer une limite. Cependant, nous allons voir que ce n’est pas le seul risque
que le partenariat comporte.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
81
D. Dangers et limites du partenariat sportif
Loi du sport et incertitude
Avant d’être un spectacle, n’oublions pas que la compétition sportive est le lieu et l’instant où
le sportif s’exprime, se mesure aux autres compétiteurs et se bat pour atteindre son rêve et ses
objectifs. Cette bataille se joue entre des acteurs qui sont avant tout des hommes. Or, l’humain ne peut
maîtriser tous les facteurs (son niveau de forme, l’environnement, la météo, le niveau de ses
adversaires) qui font sa victoire ou sa défaite. L’incertitude du résultat, de la réaction des athlètes, de
ce qui va se passer… est donc un des fondements de la culture sportive qui contribue grandement à
l’intérêt et à la passion dont il fait l’objet.
Le suspens, voilà ce qui permet au spectateur d’être tenu en haleine, d’être suspendu aux
moindres faits et gestes des champions qui s’affrontent. Est ce que cet athlète est en forme ? Va-t-il
supporter la pression ? Alors qu’il est parti moins vite que son adversaire, va-t-il se crisper ou se
lâcher ? Que dit l’arbitre ? Voilà les questions qui donnent l’intérêt au scénario que les athlètes de haut
niveau écrivent à chaque fois qu’ils courent, rament, tirent…
L’attrait du sport selon Woody Allen
«Lorsque vous allez au théâtre, vous vous laissez porter, mais vous savez pertinemment où
l’histoire va vous emmener. La plupart du temps, vous avez même des chances de vous endormir. Mais
lorsque vous vous rendez au Madison Square Garden, pour aller voir jouer les Knicks de New York
(l’équipe de basket locale), la proportion est inverse. Bien sûr, les matchs peuvent être ennuyeux, mais
vous êtes incapable d’en prévoir les rebondissements… Tous les metteurs en scène voudraient tendre
vers ça… »
Source : B. Moulin, Sport, fric & strass, Eyrolles société, 2002
Si les sportifs ne sont pas maîtres de leur destin, il en est forcément de même pour les
entreprises qui s’y lient. En effet, le manager qui signe un contrat de partenariat avec un athlète de
haut niveau aura forcément à l’esprit les multiples risques que ce dernier court et auquel il s’expose
également. Ces dangers peuvent prendre différentes formes et peuvent remettre en cause une opération
de sponsoring ou de mécénat. Quels sont-ils et comment les prévenir ?
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
82
Les risques liés aux performances sportives
Les résultats d’un athlète portant les couleurs de son entreprise sont forcément suivis avec
attention, notamment lorsque le but de l’opération concerne la notion de performance et de réussite
(par exemple, on peut supposer que le développement d’un produit sportif avec un «perdant» est voué
à l’échec). Les causes d’un échec peuvent être multiples : le sportif peut commettre des erreurs dans sa
préparation, peut jouer de malchance, craquer sous la pression… Remarquons, d’ailleurs, que le
partenariat peut contribuer à instaurer des obstacles à la performance. Le sportif ayant des contrats de
sponsoring de plusieurs millions d’euros, ou, à l’inverse, celui qui subsiste difficilement avec les
modestes émoluments de quelques partenaires bienveillants sans qui il serait contraint à l’abandon de
sa carrière sportive, peut se retrouver dans des dispositions psychologiques telles qu’il concoure plus
dans le but d’améliorer sa situation financière que dans celui de remplir son objectif sportif et de
s’épanouir dans sa discipline. Or, il est admis que des motivations financières démesurées (ou de
développement de la renommée…) sont nuisibles à la réussite sportive. Ainsi, le miroitement d’une
prime de victoire astronomique peut faire perdre ses moyens au sportif concerné. Il convient donc
qu’il soit capable de faire la part des choses.
Le risque de blessure physique est aussi très présent. Cela peut plonger un individu dans un
cercle vicieux de défaite et peut même conduire à l’arrêt de la carrière sportive. Un champion éloigné
des terrains pendant une longue période verra à coup sûr son audience baisser et offrira d’autant moins
de visibilité à l’entreprise associée.
La performance réunit un ensemble de facteurs complexes et inextricables. De plus, l’être
humain n’est pas une entité binaire ou rationnelle : il n’est donc pas toujours possible de trouver une
cause à une baisse de résultat ou d’expliquer pourquoi untel est plus fort ou plus rapide que untel. Il
faut donc bien prendre en compte cette possibilité lors de la signature d’un contrat de partenariat. Bien
entendu, il est possible d’inclure certaines clauses à celui-ci (suspension du contrat en cas de blessure,
baisse des sommes versées en cas de relégation ou de contre performance…) qui permettront au moins
de limiter les sommes « investies à perte » (mais attention à ne pas passer pour un arriviste !).
Toutefois, il nous semble qu’une autre solution est bien plus appropriée.
Si l’échec peut paraître incompatible avec certains objectifs (et notamment celui d’associer
une image de performance à son entreprise), il semble que dans ce cas, il peut être intéressant de
« détourner » l’application de l’association avec le sportif. Tout grand champion, comme tout être
humain, a forcément connu des échecs au cours de son existence. Ceci n’est pas une fatalité et il serait
absurde de le nier. Or, à travers ce type d’expérience, comme à travers la victoire, le sportif peut servir
une entreprise en incarnant les valeurs de combativité, de volonté, et d’abnégation dont il doit
forcément faire preuve pour se sortir de la situation d’échec
«Ses plaies [celles du sportif] et ses bosses donnent du relief à son histoire. Comme dans
n’importe quel bon scénario, sa carrière mêle gloire, disgrâce et rédemption. On l’aime aussi et
surtout pour ses défauts, qui façonnent sa légende». (B. Moulin, 2002)
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
83
« Le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme » (W. Churchill)
Les réactions positives des sportifs après des défaites peuvent, dans un premier temps,
contribuer à l’élaboration de sa renommée et de son image (avec des valeurs telles que celles que nous
venons de citer). Le meilleur exemple nous est donné par R. Poulidor, éternel second du Tour de
France dans les années 60, qui, malgré son étiquette de « perdant », peut encore aujourd’hui jouir
d’une popularité considérable. D’autre part, l’athlète qui saura gérer un échec et rebondir au mieux
pour retrouver la victoire peut également illustrer les dire d’un manager vis-à-vis de ses salariés.
Management et gestion de l’échec
Extrait d’un mail de J.C Stengel (directeur communication de SERMES) à destination de la force de
vente de l’entreprise :
«Bonjour à tous,
quelques nouvelles de Guillaume Burger ... Guillaume s'est livré à quelques commentaires sur son site
après les épreuves de qualification du week-end dernier [qui ont constitué un échec notable].
La leçon du jour : rebondir après une défaite ! Attitude mentale positive, remise en cause et envie de
progresser font aussi partie des valeurs SERMES. Malgré un environnement difficile, une concurrence
acharnée, chacun d'entre nous doit continuer à se dépasser et rebondir pour relever de nouveaux
challenges.»
Bien qu’indésirables, les défaites font partie intégrante du sport de compétition et de la vie en
général. Selon nous, les rejeter ou les ignorer est donc une erreur.
Les risques liés à l’image du sportif
L’image et la renommée des personnalités sportives jouent un des premiers rôles par rapport à
leur implication dans une stratégie de communication. Or, comme nous l’avons vu, la « starification »
et l’exposition médiatique des athlètes font qu’elles dépendent d’éléments extérieurs à la performance.
Les pressions subies par les sportifs prennent de nombreuses formes, et leur implication est parfois
telle qu’ils peuvent « craquer » au risque d’entacher leur propre image… et donc celle de leur
partenaire (car ceux-ci « bénéficient » d’un transfert de valeurs et de représentations, qu’elles soient
positives ou négatives).
D’ailleurs, les exemples de comportements déplorables sont nombreux : citons Z. Zidane,
icône française adulée, symbole de sagesse, et… auteur d’un coup de tête mémorable. La violence, le
racisme ou les conduites antisportives sont des problèmes qui touchent le sport (le football en
particulier) qu’il est absolument impossible de maîtriser et qui peuvent être dévastateurs pour le sportif
et les symboliques qu’il porte d’une part, pour ses partenaires d’autre part, mais aussi pour l’ensemble
des personnes assistant à de tels incidents.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
84
Les terrains de sport sont aussi les témoins de différentes formes de tricheries : non respect des
décisions arbitrales, dopage… Ce type de scandale devient tristement banal et fait régulièrement les
gros titres. Toutefois, tous les sportifs ne sont pas égaux vis-à-vis de ce fléau. Comparons R. Virenque,
coureur cycliste ayant avoué s’être dopé suite à l’affaire Festina (on remarque d’ailleurs que c’est le
sponsor principal de l’équipe qui à donné son nom à cette affaire !) et R. Gasquet, contrôlé positif à la
cocaïne. Même si nous ne disposons pas du même recul sur ces deux faits, il semble que le premier
cité bénéficie aujourd’hui encore et malgré le scandale d’une popularité et d’une certaine
« bienveillance » du public, alors que le deuxième s’est empêtré dans une situation bien plus
complexe : les arguments invoqués par sa défense le placent à mille lieues des valeurs sportives qu’on
pouvait lui prêter, et il semble que désormais, il ait plus sa place dans la presse people à scandale que
dans la rubrique sport. Evidemment, de tels événements nuisent au sportif et à ses partenaires, qui,
dans la plupart des cas, choisissent de retirer leurs investissements.
Il est difficile de lutter contre de tels comportements car, malheureusement les tricheurs sont
difficiles à identifier et bannir. Ceci est d’autant plus préoccupant que les tricheurs peuvent « emporter
beaucoup de choses » dans leur chute : en 2005, 97% des Français «associaient le dopage au
cyclisme» (source Ipsos). Pire, chaque fois qu’un homme réalise une performance remarquable, il voit
immédiatement apparaître les suspicions de dopage. Retenons toutefois l’initiative de l’association
française pour un sport sans violence et pour le fair-play qui a édité le « code sportif » : respect des
règles du jeu, respect des décisions de l’arbitre ou du juge, de l’adversaire et des partenaires, refus de
toute forme de violence et de tricherie, maîtrise de soi en toutes circonstances, loyauté dans le sport et
dans la vie, exemplarité, générosité et tolérance.
Ces dernières notions sont aussi bafouées par d’autres types d’affaires, encore plus éloignées
des enceintes sportives : ainsi, et même s’il est toujours la référence de sa discipline, T. Woods a vu
son image largement entachée par l’étalement de ses déboires conjugaux au grand jour (AT&T et
Accenture ont décidé de ne plus le soutenir). Idem pour le footballeur F. Ribéry mêlé a une histoire de
proxénétisme. Lutter contre ce genre d’épisodes de la vie personnelle des sportifs est illusoire et nous
rappelle que même le plus grand champion est un homme avec ses défauts.
L’ensemble des comportements que nous venons d’énumérer sont condamnables et peuvent
être très dangereux pour les partenaires de leurs auteurs. En ce qui concerne l’application interne d’une
opération de partenariat, il semble évident que de tels événements décrédibilisent l’action (le sportif
étant censé être la véritable incarnation d’un idéal). En revanche, dans le cas d’une application en
externe, les conséquences peuvent être surprenantes : pour en revenir à l’affaire Festina, il a été prouvé
que la marque suisse a bénéficié, suite au scandale, du meilleur score de notoriété spontanée parmi
l’ensemble des partenaires du cyclisme. Plus étonnant encore, le taux d’intérêt pour le Tour de France
a augmenté alors même que le public se disait de plus en plus désabusé. Finalement, il semble que les
conséquences de tels déboires sont imprévisibles et que l’influence du « respect de l’éthique » par le
sportif sur l’efficacité de la communication est difficile à définir.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
85
Les risques liés à l’application du partenariat
La dernière catégorie de limites du partenariat concerne celles qui sont propres à ce type
d’actions de communication. Comme nous l’avons déjà vu, l’encombrement (la multiplicité des
entreprises partenaires pour le même sportif) est nuisible: il faut donc s’assurer que l’opération
permette une réelle différenciation (surtout par rapport aux entreprises du même secteur). L’exemple
de l’investissement des 3 grands opérateurs de télécommunication dans le football représente le cas
typique de stratégies vouées à l’échec.
Cet encombrement peut notamment apparaître lorsqu’une tierce entreprise se livre à une action
« parasite » : l’ambush marketing (littéralement, le «guet-apens»). Cette technique se définit comme
étant le « détournement de l’attention d’un public d’un événement à son profit, au moyen des
techniques de marketing d’une entreprise non accréditée par les ayants droits offerts par un contrat et
dans le but de récupérer les avantages que procure le parrainage» (Fuchs, 2003).
Exemple d’opération d’Ambush marketing
Lors des Jeux d’Atlanta (1996), les organisateurs se sont aperçu qu’un néon Mac Donald
(subtilement placé et éclairé) apparaissait dans le champ des caméras lors de la parade de la cérémonie
d’ouverture. Ne faisant pas partie des partenaires de ces Jeux Olympiques, le restaurant a été contraint
de retirer l’enseigne.
Source : F. Ponthieu, le parrainage sportif, 2006
Ce type d’opération est d’autant plus nuisible qu’il est très difficile de le combattre. Toutefois,
un parrain légitime peut engager des poursuites judiciaires contre les indélicats qui useraient de logos,
symboles, images ou de sportifs avec lesquels aucun contrat n’aurait été signé. Malgré tout,
l’identification d’une opération d’ambush marketing est très subtile: ainsi, Darty, pendant la coupe du
monde de rugby 2003, s’est servi de son spot TV précédant le programme météo pour mettre en scène
la voiture Darty qui tire un drop… Cela laissait supposer que l’entreprise était partenaire de
l’événement ou de l’équipe de France, alors que ce n’était pas le cas. Ainsi, la «protection» de son
partenariat peut être difficile.
La multiplication du nombre et du montant des investissements dans le sport peut également
présenter un danger. Lors des dernières décennies, le concept de «sport business» a émergé.
L’exemple le plus criant de ce phénomène est le football pour qui le désamour du public français croît
régulièrement (les valeurs sportives semblent passer au second plan, au profit des bénéfices
financiers). N’oublions pas que les fondements du sport se trouvent dans l’amateurisme, l’effort
gratuit et le besoin d’accomplissement. D’ailleurs, on peut s’inquiéter du pouvoir que certains
sponsors arrivent à faire valoir au risque de dénaturer le spectacle sportif.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Le partenariat sportif va-t-il trop loin ?
Les législations de lutte contre le tabac prennent de plus en plus compte de l’interdiction de la
publicité pour les marques de cigarettes. Ainsi, les principaux sponsors de la formule 1 qui
appartiennent à cette branche (Malboro, Lucky-Strike…) ont « riposté » en usant de leur lobby pour
délocaliser certains Grands Prix (en Malaisie, à Bahreïn ou en Turquie) dans des états plus souples ou
pour obtenir des compensations financières (le Canada leur verse 18,7 millions d’euros de
dédommagement !). Pire, le groupe audiovisuel américain NBC a obtenu le déplacement de l’horaire
des finales olympiques de natation de 2008 (elles étaient programmées le matin plutôt qu’en fin de
matinée) pour le confort des spectateurs américains, et au risque que cela n’influe négativement sur les
performances des nageurs (il est reconnu que les performances sont moins bonnes et que les risques de
blessures sont accrus lors d’efforts extrême à ces heures-ci).
Enfin, bien que son efficacité soit prouvée, et comme nous l’avions déjà suggéré, l’évaluation
de l’impact des opérations de communication basée sur l’association de sportifs présente encore un
grand nombre de flous.
Investir dans le sport n’est donc pas sans risque : l’issue d’une compétition est toujours
incertaine et même les plus grands champions sont imparfaits. Cependant, et même si le partenariat
sportif s’inscrit dans une stratégie «gagnant-gagnant», il semble primordial de ne pas y accorder plus
d’importance que la raison ne l’impose. S’il s’agit d’un réel soutien à la réalisation de nombreux
projets sportifs et d’un formidable outil de communication pour les entreprises, son excès risquerait de
dénaturer l’essence même des nobles valeurs que porte le champion.
CONCLUSION
Le vecteur de communication offert par l’association à une personnalité sportive est
d’une grande complexité. Toutefois, nous avons pu identifier les différentes étapes et la
marche à suivre pour l’exploiter au mieux.
L’entreprise désireuse d’utiliser l’expérience, l’image et les symboles d’un sportif
prêtera attention à l’ensemble des paramètres pouvant influer sur ces critères (l’histoire du
sportif, sa personnalité, le sport qu’il pratique, le profil de son public…). Elle devra
également faire l’effort de valoriser cette opération afin de la faire connaître et de développer
des liens forts entre l’image de l’entreprise et le champion. Enfin, l’évaluation des retombées
de l’action permettra d’évaluer l’impact global du partenariat sur les composantes choisies
au préalable et donnera des pistes d’optimisation. Nous retiendrons qu’en fin de compte, la
réussite de tels partenariats dépend notamment de sa bonne intégration et complémentarité
avec l’ensemble de la stratégie de communication.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
87
CONCLUSION : Comment optimiser le partenariat sportif ?
Nous avons pu voir l’intérêt que le partenariat peut représenter pour les
entreprises : en plus des avantages fiscaux dont elles peuvent bénéficier, les
sportifs de haut niveau constituent des ressources humaines incomparables et
peuvent les servir dans l’ensemble de leur communication. Grâce aux différents
types de parrainage, et en intégrant cette démarche à la stratégie marketing
globale, il est possible de profiter au mieux de ce formidable outil. Cependant,
n’oublions pas que ce genre d’opération apparaît souvent en fonction
d’opportunités aléatoires et qu’elles comportent des risques.
Finalement, le parrainage sportif est un outil complexe et efficace qui
apporte un réel élément de différenciation pouvant compléter et alimenter
l’ensemble des outils de positionnement de l’entreprise. Cette démarche est
d’autant plus pertinente qu’elle semble parfaitement en phase avec les
problématiques marketing actuelles et notamment avec l’exploitation des
nouvelles technologies d’information et de communication.
Enfin, dans la dernière partie, nous allons étudier les intérêts que de tels partenariats
présentent pour les sportifs d’une discipline souvent délaissée par ce type de recherche: le
canoë-kayak. Rappelons que la notion de partenariat sous-entend un gain partagé entre tous
les intervenants. Ainsi, nous verrons en quoi l’association à une entreprise peut être
profitable aux champions de cette discipline et, à travers de nombreux exemples et
l’application des concepts que nous avons développés jusque là, nous proposerons un
ensemble d’actions susceptibles de favoriser l’éclosion et la réussite de partenariats.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
88
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
Partie IV
PERSPECTIVES DU
PARTENARIAT POUR LES
CHAMPIONS DE CANOE
KAYAK
Après avoir passé en revue les enjeux du partenariat pour
les entreprises, voyons ce qu’il en est pour les sportifs d’une
discipline plutôt «marginale». Cette partie se veut «proche du
terrain» et propose, par l’agrégation d’opinions d’un ensemble
d’acteurs concernés, un panel d’idées et de pistes relatives à
notre champ d’étude. Ainsi, nous souhaitons apporter notre
contribution à la réflexion concernant le partenariat sportif et le
sens que l’ensemble des parties prenantes peut lui donner.
89
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
90
contraintes du sport de haut
niveau et intérêts du partenariat pour le
kayakiste
Introduction:
Le canoë-kayak est un sport olympique regroupant de nombreuses disciplines (course en ligne,
slalom, descente) dont la fédération regroupe environ 235 000 licenciés (2007). Dans cette partie, nous
allons étudier l’intérêt que les athlètes de haut niveau de cette discipline peuvent trouver à travers le
partenariat.
Aujourd’hui, les contraintes du sport de haut niveau sont multiples:
Pour performer, les sportifs doivent supporter des charges d’entraînement très lourdes.
Selon l’encadrement de l’équipe de France olympique de course en ligne, un athlète aux
ambitions mondiales doit s’entraîner 1000 heures par an et parcourir plus de 4000
kilomètres de kayak pour répondre aux exigences minimum imposées par cette pratique.
En plus des contraintes horaires, les pressions physiques et psychologiques dépassent de
beaucoup celles d’un «sédentaire».
Un champion doit également faire preuve de capacités organisationnelles très poussées. En
effet, il doit coordonner une multitude de facteurs et d’acteurs faisant partie de son
environnement. Dans le canoë-kayak comme dans de très nombreux autres sports, il est
même souvent nécessaire de doubler ses efforts pour s’assurer une situation financière et
sociale décente.
Les sports amateurs ne permettent que très rarement de subvenir aux besoins financiers de
leurs champions. La pratique d’une discipline à haut niveau a d’ailleurs un coût et ne suffit
pas toujours à assurer la reconversion dans la vie professionnelle. C’est pour cette raison
que ce type d’athlète, parallèlement à sa quête d’or olympique, doit s’assurer de disposer
des diplômes et des entrées nécessaires dans le monde du travail. Evidemment, ce double
projet demande un investissement exceptionnel de la part de ces individus.
Comme nous l’avons déjà vu au début de cette étude, les partenaires peuvent apporter une aide
indispensable aux sportifs, et aux kayakistes de haut niveau en particulier: en leur permettant
d’aménager leurs emplois en fonction de leurs contraintes ou en les soutenant financièrement ou
matériellement, ils les préservent de certaines contraintes et participent à leur réussite sportive… En
plus de cela, soulignons que le fait d’être parrainé et intervenir auprès d’une entreprise semble
également apporter beaucoup sur le plan personnel.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
91
soutien, confiance et réalisation de soi - P. Colin
Philippe Colin est champion du monde 2007 de kayak de course en ligne et gardien de la paix
détaché à 80%.
« Je pense que ça fait partie du sport de haut niveau : essayer de transmettre son expérience,
son vécu… C’est très gratifiant de voir qu’on intéresse les gens lorsqu’on leur explique ce que c’est
que de s’entraîner et de se préparer pour remporter des médailles. Grâce et la rencontre et au soutien
de mes partenaires, j’acquiers aussi une certaine confiance. En fait, ils me confortent un peu dans mes
choix, je sens que je ne suis pas tout seul. Et puis, il y a une certaine fierté lorsqu’on s’aperçoit que
le palmarès est reconnu et admiré… Je pense que ça permet vraiment au sportif de franchir un cap, de
s’épanouir à travers ces échanges et de donner de la valeur à tout ce qu’il entreprend ».
Source : entretien avec Philippe Colin, 02.05.2010
Pour le sportif, s’associer à une entreprise peut également être avantageux vis-à-vis de son
«apprentissage» et peut l’aider à mieux intégrer le monde professionnel lors de sa reconversion. En
effet, en offrant ses services le champion peut développer des qualités oratoires (en animant des
séminaires ou en essayant de convaincre un dirigeant de le parrainer), un esprit entrepreneurial, des
qualités relationnelles…
Si le partenariat entreprise - sportif présente un intérêt évident, il faut bien distinguer
l’ensemble des formes qu’il peut prendre. Ainsi, il nous semble que pour un sport amateur tel que le
canoë-kayak, les contrats d’insertion professionnelle représentent une voie privilégiée pour une
discipline où la reconversion est un point sensible (les débouchés dans ce secteur sportif sont très
limités) et où une activité professionnelle semble indispensable pour subvenir à ses besoins. De plus,
ce type de contrat correspond parfaitement aux évolutions du parrainage de sportifs (d’un parrainage
«de masse» vers un parrainage «de contenu»).
L’emploi aménagé: bénéfice immédiat et à long terme, sur le plan professionnel ET
sportif – F. During
F. During est entraîneur de l’équipe de France de canoë-kayak de course en ligne
«je suis sûr que pour les athlètes, il vaut mieux avoir un pied dans le monde du travail plutôt
que d’être détaché à 100%: d’une part, ça leur permet de ne pas être trop «focalisé» sur le projet
sportif, ça évite de tourner en rond, et quand ça se passe bien, ça permet de trouver une source de
motivation supplémentaire. D’autre part, ça facilite grandement le passage du monde sportif au
monde professionnel: quand on a consacré quasiment 20 ans à l’entraînement et aux compétitions et
qu’on veut s’intégrer dans une entreprise, les choses ne sont pas simples. Ainsi, en ayant un contact
permanent avec un employeur, on augmente ses chances de trouver un travail à plein temps dès
l’arrêt de la carrière sportive. En plus, ça évite au sportif (souvent trentenaire dans ce cas là) de
devoir trouver un travail avec un simple diplôme obtenu une dizaine d’années auparavant.»
Source : entretien avec F. During, 11.05.2010
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
92
Trouver du soutien dans le monde professionnel semble donc bénéfique pour le sportif pour de
multiples raisons. Le partenariat sportif s’inscrit véritablement dans une stratégie «gagnant-gagnant».
Un très bon exemple de cela nous est donné par la fondation «Agisport».
Un formidable réseau «d’échanges»: Agisport
Agisport est un fonds de dotation regroupant une trentaine d’entreprises du secteur privé issues
de la région de Strasbourg qui ont décidé de soutenir les champions locaux. Grâce à ce réseau, la
fondation est en mesure d’offrir un «service» aux sportifs en leur proposant des stages, des actions de
formation, un carnet d’adresses ainsi qu’un parrainage financier… De cette façon, elle aide les sportifs
à atteindre le plus haut niveau tout en les accompagnant dans leurs démarches d’insertion
professionnelle.
«Ca nous paraît plus intelligent que de faire uniquement une démarche de sponsoring et de
mettre le nom de nos entreprises autour d’un stade. On est dans une démarche plus sociétale, on aide
vraiment les sportifs amateurs» (P. Deryl, président du fond d’action).
Par l’intermédiaire de cette fondation, les entreprises s’établissent donc comme des partenaires
sportifs de premier ordre et font preuve d’un acte civique majeur. Ainsi, elles peuvent bénéficier d’une
image de bienfaiteur tout en profitant aux mieux des avantages que peuvent leur donner les sportifs de
haut niveau.
Un exemple concret est celui d’Inène Pascal, Sociétaire du club Aviron Strasbourg 1881 et
finaliste des derniers Jeux Olympiques. En plus de l’aide financière et morale, Agisport lui a permis
d’amorcer sa reconversion professionnelle en lui offrant la possibilité de valider son master en
alternance au sein d’une entreprise de la fondation (la société Mathis).
«Agisport m'a réellement évité de ‘’ramer‘' pour trouver une entreprise qui acceptait de
m'accueillir et je suis convaincue que ce fond de dotation possède les ressources pour soutenir
d'autres sportifs de haut niveau qui se retrouveront dans la galère de l'insertion professionnelle.» (I.
Pascal).
«On a décidé de l’aider pour sa polyvalence, sa capacité de travail, sa motivation, les valeurs
et l’ensemble de ces côtés positifs dont on a besoin dans une entreprise» (J. Howiller, directeur
développement de la société Mathis).
L’intérêt de ce type de démarche nous montre bien que les deux parties peuvent s’y retrouver
et profiter du partenariat.
Sources : site Internet www.agisport.fr
S. Giovannini, «les sportifs travaillent le fond», DNA, 5 Avril 2010
Reportage pour France 3 Alsace, 7 avril 2010
En employant un sportif et en l’aidant à réaliser son projet professionnel, le parrain se
positionne comme un pilier de la performance de celui-ci. De plus, le parrainage est légitimé par le fait
que le sportif produit réellement quelque chose pour son employeur: s’il n’est pas sur les lieux de
travail, il porte les couleurs de l’entreprise en s’entraînant et en prenant part à des compétitions. Ainsi,
le champion est identifié comme «appartenant» à la société, et on reconnaît d’autant mieux le lien
entre les deux.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
93
A. Les atouts du canoë-kayak
canoë kayak et similarité d’image
Comme nous l’avons vu dans les parties
précédentes, la discipline pratiquée par le sportif de
haut niveau influe directement ses traits et
caractéristiques. Ainsi, la culture, les valeurs et les
particularités du sport jouent un grand rôle dans la
constitution de la personnalité et de l’image du
sportif.
Le canoë kayak est avant tout un sport d’eau
et se pratique seul, à deux ou à quatre (avec les
«équipages»). C’est donc une discipline de pleine
nature, qui se pratique au grand air, et dans lequel il
est indispensable de se servir de l’élément liquide.
Une similarité d’image apparaît donc immédiatement
avec des entreprises liées au développement durable,
au respect de l’environnement, à l’assainissement ou
l’utilisation de l’eau. Cela est d’ailleurs mis en avant
par le partenariat d’EDF et de la fédération française
de canoë kayak (mais aussi avec les fédérations
d’aviron et de natation). En dehors des
équipementiers sportifs, il semble donc que les
partenaires d’image privilégient le «côté nature» de
cette discipline.
Comment utiliser l’image des kayakistes? – D. Arnaud et A. Brogniart
«Il suffit de parcourir la documentation de n’importe quel modèle de 4x4 pour tomber sur la
photo d’un véhicule chargé d’un canoë. En feuilletant un magazine, on découvre ensuite la publicité
de tel département français où on pratique le kayak, entre autres activités de plein-air.»
Source: CKM 202 décembre 2007/janvier 2008 «l’image médiatique du kayak», D. Arnaud
«Mis à part le rapport évident avec EDF (on pourrait aussi imaginer de s’associer à Veolia,
des entreprises d’assainissement de l’eau…etc. mais EDF bénéficie d’une clause d’exclusivité dans ce
domaine), ce sont surtout des biens ou services liés à l’esprit «nature» qui correspondent à l’image
des kayakistes… Subaru a été intéressé pour mettre en avant la fiabilité de leurs engins et leur aisance
en milieu accidenté, comme ça peut être le cas aux abords des rivières. Peut-être qu’on pourrait aussi
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
94
s’associer à un fabricant de camping car, ou à une agence qui propose des voyages dans des contrées
pleines de lacs comme la Norvège, le Canada…
Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010
De plus, les valeurs portées par les kayakistes de haut niveau sont simples, fédératrices et très
porteuses: esprit d’équipe, engagement, simplicité, humilité, communion avec l’élément naturel…etc.
Comme nous l’avons déjà vu auparavant, les «petits sports» faiblement médiatisés tels que le C.K.
sont plus susceptibles de porter une «image de qualité» que les «sport business» (étude Sport et
Valeur, 2001)
Spécificités des kayakistes – H. Baala
H. Baala est responsable Sport Marketing Adidas
«L’image du canoë-kayak me semble très moderne aujourd’hui, plus qu’il y a quelques
années. Parmi les facteurs de cette modernité, on peut noter l’âge et le dynamisme des athlètes, à
l’image des champions du monde S.Combot, C. Carré ou P. Colin. La tête de pont reste Tony
Estanguet, mais l’image du kayak, c’est surtout le sport nature, des préoccupations
environnementales… Lorsqu’on voit un événement comme le Marathon de l’Ardèche où les champions
peuvent côtoyer «la masse» et qui peuvent attirer d’autres types de pratiquants, on se dit que le canoëkayak a de belles cartes en main».
Source: CKM 202 décembre 2007/janvier 2008 «l’image médiatique du kayak», D. Arnaud
Faible médiatisation: un point négatif ?
On ne s’avance pas beaucoup en affirmant que le canoë kayak n’est pas très médiatisé. Ainsi,
en 2009, seules 4 minutes de temps d’antenne des 6 grandes chaînes hertziennes on été consacrées aux
championnats du monde de course en ligne (cf document ci-dessous).
D’après le document suivant, on remarque que le «désintérêt» pour ce sport semble être
particulièrement marqué en France: les temps de diffusion de programmes consacrés au kayak sont
très supérieurs en Allemagne (+2600%), en Hongrie (+ 4250%) et dans de nombreux pays européens.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
95
Diffusion des mondiaux de course en ligne 2009 sur les chaînes gratuites
Source : rapport EBU sports acquisitions / ICF, août 2009
Le document suivant nous montre d’ailleurs que ce phénomène semble s’observer depuis
plusieurs années:
Temps de diffusion des 4 derniers championnats du monde
Source : rapport EBU sports acquisitions / ICF, août 2009
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
96
En France, les performances des meilleures kayakistes restent donc plutôt confidentielles. Il en
résulte que le public cible «offert» par ces champions, à la renommée relativement faible, est très
limité. Les performances sportives ne semblent pas expliquer ce phénomène: citons T. Estanguet,
reconnu comme étant l’un des plus grands champions français de l’histoire (il a notamment été porte
drapeau de la cérémonie d’ouverture des derniers Jeux Olympiques) ou l’équipe de course en ligne qui
a obtenu 6 médailles mondiales en 2009 (!). La faible attraction médiatique semble donc plutôt venir
du faible «vedettariat» de ces champions, mais cela n’est pas une fin en soi. Tout d’abord, le sportif
peut combler une partie de ce déficit par sa propre activité de communication (site Internet, newsletter,
activation de son propre réseau de journalistes…etc.). Ensuite et comme nous l’avons suggéré dans la
partie précédente, ce déficit d’image peut être largement compensé au niveau régional.
Origines locales et communication – M. Chanvillard
M. Chanvillard est une ancienne kayakiste de haut niveau. En plus d’avoir été membre de
l’équipe de France kayak de course en ligne de 1998 à 2004, elle cumule de nombreuses expériences
dans le monde du journalisme et de la communication puisqu’elle a notamment officié pour l’Equipe
TV, France Télévision, Canoë Kayak Magazine, ainsi que divers médias régionaux.
«Le caractère local d’un athlète lui permet souvent de bénéficier d’une bonne couverture
médiatique dans la région concernée. Un athlète peu connu sur la scène nationale aura donc intérêt à
se lier à des entreprises locales pour bénéficier de cette couverture.»
Source: entretien avec M. Chanvillard, 16.05.2010
L’ensemble des acteurs du canoë-kayak (on pense notamment à la fédération) peut également
se mobiliser pour offrir du «temps d’antenne» à leur pratique: on peut imaginer qu’elle joue le rôle
«d’attaché de presse», par exemple, ou qu’elle attire les médias par l’organisation d’événements de
grande envergure qu’elle utiliserait comme véritable «vitrine». Dans ce cas, remarquons les récents
efforts qui ont permis l’organisation d’une épreuve de coupe du monde de course en ligne (à Vichy qui
accueillera aussi les mondiaux 2011 qui est l’épreuve la plus prestigieuse de la discipline après les
JO). Toutefois, si on relève certains points positifs (près de 2 heures de direct sur Orange TV, quelques
articles dans l’Equipe), il faut bien reconnaître la forte confidentialité de l’événement (très faible
audience directe, pas la moindre retransmission nationale…). Enfin, on peut regretter l’échec de la
candidature de Paris pour l’organisation des JO 2012 qui aurait certainement provoqué un regain
d’intérêt pour le sport en général et le canoë-kayak en particulier.
Enfin, il semble que le kayak souffre d’un grave manque de lisibilité auprès du grand public:
la pratique du C.K de loisir est éloignée et peu assimilée au kayak de compétition (les embarcations ne
sont pas les mêmes, il y a une très grande technicité qui reste obscure pour la majorité du public…).
De plus, le canoë-kayak regroupe près d’une vingtaine de disciplines (du paddle board au marathon en
passant par le raft) se pratiquant en mer, en eau vive et en eau calme. Tous ces éléments «diluent» le
peu d’informations que le grand public peut percevoir de cette pratique et explique pourquoi des
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
97
milliers de kayakistes doivent régulièrement user du temps et de l’énergie pour faire comprendre aux
néophytes les principes de base de leur sport (la course en ligne) qui est d’ailleurs très souvent
confondu avec l’aviron ce qui semble révélateur de la confidentialité de la discipline).
La communication externe n’est pas le seul débouché – A. Brogniart
«Pour ce qui est de la communication externe, le kayak est plutôt limité… mais ce n’est, à mon
avis, pas ce qu’il y a de plus intéressant.»
Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010
… ou positif ?
Si l’exposition des kayakistes est faible, elle n’empêche pas la qualité de leurs interventions.
Nous y voyons peut-être là une conséquence positive à la faible présence de ce sport dans les médias.
Originalité et spécificités des kayakiste dans les médias – M. Chanvillard
«Les kayakistes ont une certaine fraîcheur à l'heure d'aborder les médias. Peu exposés ils
n'ont pas de discours stéréotypé, et arrivent donc à faire passer leur message. Issus d'un sport de plein
air, l'aspect nature du canoë kayak leur apporte une image authentique, décomplexée.»
Source: entretien avec M. Chanvillard, 16.05.2010
Enfin, n’oublions pas que la médiatisation et la communication externe auprès d’un large
public ne sont pas les seuls atouts du partenariat sportif.
«L’utilisation en interne est plus intéressante»- A.Brogniart
«Soyons franc, le kayak n’est pas un sport médiatique: en dehors des J.O, il est exceptionnel
qu’on s’intéresse à la course en ligne. Au plan national on compte, en moyenne, 3 à 5 articles dans
l’Equipe et quelques minutes de reportages sur France Television ou Eurosport. Mais les entreprises
qui souhaitent investir dans le kayak le savent et viennent nous chercher pour d’autres raisons que
l’exposition et la visibilité qu’on peut leur offrir. Elles ne viennent pas pour la notoriété, mais plutôt
pour les applications internes»
Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
98
B. Les atouts des céistes (pratiquants du
canoë) et des kayakistes
Rappelons qu’en plus d’être faiblement médiatique, le kayak est avant tout un sport amateur.
La conséquence de cela (et de nombreux autres facteurs), est un faible développement des ressources
et des structures (relativement à d’autres sports) mis à la disposition des champions. En somme, les
contraintes (sociales, professionnelles, financières, d’infrastructures…etc.) pesant sur la carrière
sportive d’un kayakiste sont certainement plus fortes que pour d’autres sportifs. Si cela peut constituer
un obstacle, il faut aussi voir qu’elles représentent une «opportunité». En effet, un individu qui réussit
malgré ces contraintes est un individu efficace et performant dans d’autres domaines que sa seule
discipline sportive. Ainsi, la démarche de haut niveau des kayakistes est souvent reconnue comme
une preuve de qualités transposables à de nombreuses entreprises.
Des qualités reconnues – A. Brogniart
«Les boîtes qui travaillent beaucoup avec les sportifs [ndlr: notamment EDF, Adidas…] le
savent: la fédération de kayak (comme d’autres… l’aviron par exemple…) est connue pour «fournir»
des champions qui, en plus d’avoir des résultats, ont la «tête bien faite». En plus, contrairement à
d’autres (on parle souvent des «footeux»), ils sont accessibles, ont un bon relationnel, sont ouverts
d’esprit. Tout cela a sûrement un lien avec la gestion du double projet. Du coup, les kayakistes ont
souvent la cote lorsqu’il s’agit d’intervenir en entreprise et d’y transposer et transmettre leurs
expériences.»
Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010
Finalement, il semble que les kayakistes ont des compétences, plus qu’une image, à proposer
aux entreprises. Si celles-ci peuvent s’appliquer dans le cas de CIP, elles se prêtent également au
développement d’outils de communication interne. C’est donc sur ce point que les champions de la
discipline doivent faire converger leurs efforts pour intéresser les entreprises.
Comment intéresser et convaincre les entreprises?
Après avoir vu le «fond» de la démarche de partenariat, voyons la forme qu’il convient de lui
donner.
Naissance du partenariat: une rencontre avant tout
Toutes les entreprises ne sont pas égales lorsqu’il s’agit de gérer les partenariats sportifs: si les
grandes marques attachées au sport sont très structurées dans ce domaine (Adidas compte près d’une
dizaine d’employés uniquement dédiés à cette activité), une large majorité d’entre elles ne disposent
pas de telles formalisations. Dans ce cas, c’est souvent un chargé du marketing, voire un dirigeant qui
sert d’interlocuteur au sportif.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
99
Finalement, malgré cette hétérogénéité de situations, le partenariat naît souvent de la même
façon: par la rencontre de deux individus qui partagent des passions, des valeurs et grâce à l’intérêt et
l’enthousiasme que l’un peut offrir et transmettre à l’autre (et vice versa). Avant d’aller plus loin,
remarquons que ce type de rencontre nous paraît aléatoire et issue d’opportunités.
Caractère aléatoire des rencontres fructueuses – P. Colin
«Je me dis parfois que ça tient plus à de la chance qu’à autre chose. En quelques mots, il est
possible de se faire remarquer (ou pas) par quelqu’un qui nous présentera à untel…etc. Ensuite il
n’est pas toujours évident de trouver une oreille attentive. Forcément le mieux est de faire ce type de
rencontre dans son propre club ou à la fédération, des lieux où on a des chances de trouver un
interlocuteur sensible à notre culture et à notre passion… Mais ces rencontres ne se prévoient pas
vraiment et au final, je me demande s’il n’est pas plus facile de trouver un partenaire quand on ne le
cherche pas.»
Source : entretien avec Philippe Colin, 02.05.2010
Dans la partie II de notre étude, nous avons identifié deux principales composantes justifiant la
renommée des champions: la première étant directement liée aux performances et au palmarès de
l’individu et la seconde à l’ensemble de sa renommée médiatique, relationnelle, et au «capital
sympathie» dont il bénéficie. Ainsi, l’individu le plus médaillé de la planète peut être inintéressant visà-vis du partenariat si celui-ci apparaît comme antipathique, prétentieux, timide ou sans personnalité.
Performance et personnalité – A. Francke
«la base pour parrainer un sportif c’est bien entendu son niveau de performance. Si c’est une
condition sine qua non, cela n’est cependant pas suffisant. On recherche aussi des personnalités, de
véritables ambassadeurs de la marque aux 3 bandes , à savoir des personnes qui vont incarner nos
valeurs et les véhiculer.»
Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010
Réflexion, préparation et simplicité du discours – F. Masnada
«Pour enthousiasmer son interlocuteur, il faut connaître les enjeux du partenariat, réfléchir
en amont à l’histoire que le sportif peut mettre en avant, avec des anecdotes tirées de son expérience
et de l’émotion. Le mieux c’est de réussir à faire cela tout en restant le plus naturel possible, sans
vouloir copier quoi que ce soit.»
Source : entretien avec F. Masnada, 30/03/2010
Finalement, l’intensité du discours et même l’émotion que celui-ci peut provoquer sont des
éléments clés du processus de partenariat. Convaincre un dirigeant de s’associer à lui sera donc
d’autant plus facile si - en plus de mettre en lumière les retombées potentielles – le sportif est capable
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
100
de transmettre une partie de sa passion et de l’ensemble des valeurs qu’il souhaite véhiculer. Enfin,
dans le cadre d’une opération de partenariat interne, la réussite de cette démarche sera une preuve
d’efficacité et des qualités que le champion peut mettre en œuvre.
Raconter une histoire – A. Brogniart
«Pour accrocher quelqu’un, le mieux est d’avoir une véritable histoire à raconter. Par
exemple, on se rappelle tous des médailles olympiques des frères Guénot… Parce que c’est
exceptionnel que deux frères montent sur un podium à quelques heures d’intervalle. En canoë-kayak
de slalom, F. Lefèvre et Denis Gargaud l’ont bien compris: en plus de courir respectivement en kayak
et en canoë, ils ont décidé de s’associer en canoë biplace. Ainsi, alors qu’à la base ils ne concourent
pas dans la même catégorie, ils allient leur force dans un projet commun… Même leur slogan est très
fédérateur: «deux hommes, une quête, trois médailles». C’est ce genre de récit hors du commun qui
intéresse le plus… Mais ça ne s’invente pas!»
Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010
Partenariat et pari sur l’avenir – A. Francke
«Pour donner un aspect qualitatif au partenariat, on cherche des histoires qui collent aux
valeurs qu’on veut transmettre, des histoires «impossible is nothing» [le slogan de la marque]. Bien
sûr, ce qu’on espère, c’est pouvoir s’associer à des sportifs qui ont et auront des destins à la
Mohamed Ali ou à la Zidane. On fait parfois un vrai pari quand on s’associe à un sportif, et on ne sait
pas toujours si ça marchera! Mais il y a souvent de très belles histoires qui se créent à l’image en ce
moment de celle de l’équipe de France de Handball: en plus de gagner, elle montre une image hyper
dynamique, avec des valeurs collectives très fortes, une équipe vraiment soudée.»
Source: entretien avec A. Francke, 17.05.2010
Raconter SON histoire, le plus simplement possible tout en mettant en avant le défi qu’il s’est
lancé à lui-même, voilà le discours que le sportif doit développer. Un champion capable de transmettre
toute l’intensité et la force de son engagement pourra ainsi passionner son auditoire, quelqu’il soit.
Avoir un destin à part – M. Chanvillard
«Au delà du résultat sportif, les médias vont chercher des histoires, au sens positif du terme.
De manière générale, le journaliste cherche à raconter des histoires à ses lecteurs, ses auditeurs.
L'histoire personnelle d'un champion, d'une performance, d'une équipe, d'un club. Le profil du sportif
intéressant pour un média, c'est un athlète qui a une histoire personnelle forte, une relation atypique
avec son entraîneur, un parcours original, une vision peu commune de sa discipline… Mais pour
définitivement accrocher un journaliste il faut que l'athlète arrive à transmettre son histoire, ses
sensations.»
Source: entretien avec M. Chanvillard, 16.05.2010
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Quoi de mieux pour partager sa passion que de la faire découvrir aux autres ? C’est le
raisonnement qu’a eu P. Colin et qui nous montre certainement une des meilleures façons d’honorer
l’aide d’un partenaire.
Quand un athlète partage sa passion…
NORBA et le canoë kayak - P. Colin et M. Igert
Norba et P. Colin sont liés depuis plus de deux ans. Dans le cadre de cette association et en
marge d’une réunion de la force commerciale en région parisienne (en octobre 2008), le kayakiste a
été amené à intervenir auprès de l’entreprise.
«Dans un premier temps, je suis intervenu à la suite d’une réunion de travail. Ma
démarche était simple: après m’être présenté et avoir expliqué la course en ligne, nous avons
orienté la discussion sur les parallèles qu’il y a à faire. Je me suis rendu compte alors que
l’histoire de l’entreprise et celle d’un sportif ont de nombreux points communs comme la
création et l’évolution d’un défi vers le but qu’on s’est fixé… Avec un discours simple mais
qui sort des banalités que ces employés doivent souvent entendre, on a pu entamer un réel
échange, et je pense que cela était très instructif, pour eux comme pour moi.
Le lendemain, il était convenu qu’on se revoit tous pour se détendre un peu: j’avais
organisé un petit truc sur le lieu où je m’entraîne tous les jours. Après avoir réuni quelques
kayaks et dispensés quelques conseils techniques basiques, j’ai fait essayer la course en ligne
à la trentaine de personnes qui étaient là. Celà leur a permis de découvrir les réelles
difficultés que je rencontre. Comme deux de mes coéquipiers avaient également répondu
présents, nous avons même pu faire des petits tours d’équipages… Et le résultat était génial:
tous ceux qui ont pu faire du bateau avec nous 3 étaient vraiment impressionnés et emballés.
Dès que quelqu’un débarquait, il avait un grand sourire, lâchait un flot de questions et
demandait tout de suite à y retourner! Bien sûr, tout le monde n’était pas aussi intéressé,
certains n’ont même pas enfilé de vêtements de sport, mais tout le monde était là et partageait
ce moment. C’était vraiment ludique et sympathique, et en même temps, ils ont mieux compris
ce qu’est ma démarche vers le haut niveau (et ils étaient étonnés par sa complexité). Bien sûr,
le beau temps et le soleil ont bien aidé à la réussite de cette demi-journée…»
Source : entretien avec Philippe Colin, 02.05.2010
M. Igert est PDG de Norba, entreprise alsacienne de menuiserie:
«Ce n’est pas par hasard si nous avions choisi d’aider Philippe. Nous avons beaucoup
de similitudes avec lui, par sa hargne, sa persévérance et son envie de gagner. Pour nous,
c’est la même chose: quand on répond à un appel d’offre, notre objectif n’est pas d’être
troisième ou deuxième, on veut être les meilleurs!
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
102
Lorsque Philippe nous a fait essayer son sport, nous avons fait une formidable
découverte: on a pu se rendre compte de l’énorme apprentissage et de tout le travail qu’il
faut fournir pour remporter des médailles! On se dit qu’ils font beaucoup plus de sacrifices
que la majorité des gens pour atteindre leurs objectifs. Je pense que tous les participants, y
compris moi gardons des souvenirs très forts de ce moment. J’ai encore l’image en tête du
moment ou les 3 champions ont accéléré alors que j’étais dans leur bateau… Cette sensation
de vitesse, de puissance était incroyable! Quelques temps après, nous avons distribué un
album photo à tous les participants, et encore aujourd’hui, c’est un super outil de motivation
pour tout le monde.
Enfin, nous avons tous été surpris par l’attitude de ces champions: alors qu’ils
paraissent «intouchables», ils étaient là, devant nous, ces champions de France, champions
du monde… Vraiment, c’est exceptionnel de pouvoir vivre ça, surtout qu’on était un peu
désabusés: dans le foot, ils ont un mauvais caractère, ils sont inaccessibles… Et là, ces jeunes
hommes étaient ouverts d’esprit, ils avaient vraiment envie de partager leur passion. Ca
donne vraiment envie de les épauler.»
Source: entretien avec M. Igert, 25.05.2010
Il est évident qu’une telle opération est avant tout basée sur les qualités relationnelles voire
pédagogiques de l’intervenant. Ainsi, en offrant de son temps et de son expérience, il devient possible
d’obtenir l’adhésion de son public et de créer une véritable émulation saine dans les rangs de
l’entreprise concernée. Offrir le plus possible tout en restant humble et naturel, voilà ce que nous
retiendrons.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
103
C. Amélioration du «service partenariat»
La satisfaction évidente des employés et dirigeants de Norba nous amène vers le sujet de
l’optimisation du partenariat au cours même de son application (en d’autres termes, nous allons parler
d’amélioration continue du service).
Apporter un plus à son partenaire – A. Brogniart
«En tant que sportif ou pour nous, à la fédération, il faut être assez malin pour savoir quoi
proposer et offrir à un partenaire. Bien sûr, dans un premier temps on essaie d’inscrire l’opération
dans la durée, on fait attention a bien respecter toutes les clauses du contrat de partenariat… Puis,
petit à petit, on essaie d’aller plus loin en manifestant de l’intérêt, de l’engagement, en proposant des
améliorations. Cela peut passer par des choses toutes simples. Par exemple, nous avons soumis à
EDF notre projet de campagne de sensibilisation à la sécurité autour des rivières et plus
particulièrement en aval des barrages hydroélectriques. Ils étaient très contents de ce «petit coup de
pouce», d’autant plus que cela répondait bien à l’une de leur problématique actuelle (la sécurité
autour de leurs sites de production). Grâce à ce type d’extra, on est dans les petits papiers de nos
partenaires. Nous sommes mieux vu, c’est beaucoup plus épanouissant et ça permet de vraiment faire
vivre le partenariat. C’est un peu le même principe que pour un réseau de contacts: il faut l’alimenter
régulièrement pour qu’il donne le maximum de «rendement». Et enfin, il faut bien voir que plus on
propose de choses, plus on peut en recevoir en retour. En quelques années et avec nos efforts, nous
avons pu faire augmenter le montant de l’aide financière d’EDF de près de 15%. Au final, plus on
s’investit avec un partenaire, plus les deux parties en profitent! Attention tout de même à ne pas
s’enflammer. Quand on met un extra en place, le partenaire a tendance à le considérer comme acquis
et à demander encore plus. Du coup, quand on tend la main, il faut bien faire attention à ne pas se
faire prendre tout le bras, surtout quand on est athlète: à la base, le rôle de ce dernier est de gagner
des médailles avant de satisfaire ses partenaires et pas l’inverse…»
Source : entretien avec A. Brogniart, 06.05.2010
Cette simplicité, garante de la légitimité et de la qualité de l’action nous semble primordiale
dans la démarche du sportif. Ainsi, on peut se poser des questions sur les motivations du perchiste R.
Mesnil par rapport à son récent «coup de poker».
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Provocation et communication: un dangereux mélange ?
R. Mesnil pratique le saut à la perche et a été sacré vice champion du monde de la discipline
en 2009
Diligenté par une société de communication,
R. Mesnil a couru nu, perche à la main, dans les rues
de Paris et devant les caméras pour attirer l’attention
d’éventuels partenaires (et sur le fait qu’il n’avait
aucun contrat avec un équipementier). Les vidéos de
cette «performance» ont connu un réel succès sur
Internet et on permis de créer un véritable buzz.
Dans un premier temps, cela a permis au sportif de trouver deux partenaires mais toujours pas
d’équipementier. «j’ai l’impression d’être un moins que rien, un pestiféré, d’avoir fait quelque chose
de mal, d’avoir, à la limite, mal fait mon boulot».
Toutefois, on peut se demander si le «demi échec» de l’opération n’est pas imputable (du
moins, en partie) au caractère délibéré et provocateur de celle-ci, qui semble aller à l’encontre des
notions d’humilité et de partage que nous avons montré jusque là. Finalement, si l’exposition
médiatique que R. Mesnil a su créer a été un succès, la qualité de son image et les valeurs nobles que
porte ce sportif ont peut-être été altérés. Toutefois, nous ne disposons d’aucune donnée fiable pour
appuyer cette hypothèse.
Source: «je ne suis pas bankable», www.sports.fr, 3 mai 2010
Dangers du partenariat
Si les erreurs d’appréciations sont possibles, c’est parce que le partenariat représente des
dangers, y compris pour le sportif.
«Un partenaire attend forcément quelque chose de toi. Il ne faut pas que ça rajoute une
pression inutile (il ne faut pas courir pour empocher une prime ou pour «sauver» un contrat de
sponsoring). Dès le début, il faut être très clair pour que tout le monde soit sur la même longueur
d’onde. Par exemple, il ne faut pas qu’un dirigeant s’attende à voir le sportif 10 semaines par an
dans son entreprise si ce dernier en passe déjà 40 aux quatre coins du monde! Et je pense qu’il faut
privilégier les partenariats à long terme (au minimum, sur une olympiade, c’est à dire 4 ans) pour
diminuer l’effet pervers de la remise en question permanente… Le sport de haut niveau est déjà assez
dur à gérer, il ne faut pas encore y ajouter des contraintes.»
Source : entretien avec Philippe Colin, 02.05.2010
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Bien que ce thème ait déjà été abordé dans la partie précédente, précisons qu’un champion doit
trouver le juste milieu: offrir le maximum à son partenaire tout en se préservant pour ne pas
compromettre ses objectifs sportifs (un peu comme l’entreprise qui ne doit pas se mettre en danger
pour aider un sportif… Toutefois, ce cas de figure paraît difficilement envisageable).
Finalement, les deux parties devront prendre garde à ne pas trop s’éloigner de leur «cœur de
métier» et garder à l’esprit que le partenariat sportif est un formidable outil… de soutien de leur
activité principale (gagner des médailles dans un cas et réaliser des performances économiques,
délivrer un service… dans l’autre).
CONCLUSION
Aujourd’hui, le projet d’un sportif de haut niveau est soumis à d’innombrables
contraintes: des contraintes physiques (à tel point qu’on suppose que dans certaines
disciplines, il deviendra bientôt «humainement impossible» de battre les records établis), des
contraintes mentales (la pression de la compétition), des contraintes sociales (comment
réaliser un tel projet sans devenir un marginal), des contraintes financières…etc.
La démarche d’excellence sportive doit donc prendre en compte ces différents aspects.
Finalement, la tâche du sportif est donc assimilable à de l’optimisation sous contrainte. En
plus de l’entraînement, la préparation et la compétition, nous pensons donc que le
partenariat a légitimement sa place dans la liste des outils d’aide à la performance sportive.
Les kayakistes de haut niveau, faiblement exposés médiatiquement mais très en phase
avec un certain idéal de travailleur et d’individu épanoui ne sont pas en reste. Mieux, il
semble que leur profil corresponde parfaitement à un type de partenariat en plein essor et aux
ressources encore largement sous-estimées: un partenariat de «sens et de contenu» où le
sportif n’existe pas qu’à travers la victoire. Au contraire, en s’appuyant sur l’ensemble de son
expérience, sur son savoir-faire d’exception, et sur ses défauts, il peut apporter une réelle
plus-value à ses associés.
Enfin, nous avons vu que les initiatives des entreprises (Agisport…) et des sportifs (P.
Colin, R. Mesnil) sont multiples et variées. Elles sont la preuve même qu’il reste encore
beaucoup à faire et que chaque jour, nous découvrons un peu plus les formidables ressources
que champions et entreprises peuvent partager. A la frontière entre deux mondes,
l’Economique et le Sportif, le partenariat sportif a donc un réel potentiel encore sous exploité
et qui ne demande qu’à être développé et exprimé.
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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107
Bibliographie
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Cours universitaires
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VASSEUR V., cours de management internationale, UMLV, 2008
«A
petits
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
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Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
111
ANNEXES
Annexes 1
citations diverses
«Ce qui différencie un sportif d’un autre, c’est sa personnalité de base, mais aussi la manière
dont il intériorise les valeurs, les normes de conduite sportive et le sens de sa présence sur le terrain.
Tout le problème est d’atteindre une adhésion et une cohérence optimale entre la
personnalité/l’identité individuelle/ l’identité collective» (C. Braqué, 2007)
«Le sponsoring offre des possibilités d’expression de la marque. […] La marque n’est pas au
cœur de l’action, elle passe au 2ème rang. Toutefois, étant étroitement associé à l’événement [et au
sportif], le sponsoring offre la possibilité de partager de l’émotion et la véhiculer dans le cœur du
public. C’est donc pour nous principalement un outil de proximité permettant de développer de la
sympathie.» (H. Genieys, directeur de la communication externe et des partenariats du groupe PerrierVittel)
«Le sport constitue un réservoir de symboles permettant d’atteindre pratiquement toutes les
catégories de consommateurs et dans lequel les entreprises vont puiser». (Ohl et Tribou, 2004)
«Le sport offre un champ de valeur infini, il résume la vie… Parce qu’il déploie tout l’éventail
des sentiments, et peut vous faire passer, en quelques instants, de l’abattement au bonheur, de
l’ivresse au dégrisement, ce spectacle reste sans égal pour tous ceux qui veulent bien se laisser gager
par leurs émotions… Et celle de leur héros». (W. Allen)
«Si les sportifs sont devenus des héros, c’est plutôt à la manière des acteurs, chacun ayant un
rôle à jouer dans ce casting : le bon, la brute, la belle, la bête…» (B. Moulin, 2002)
Annexe 2
extrait de l’entretien avec M. Igert (dirigeant de Norba)
«Norba et P. Colin avons la même approche de la victoire, de la combativité. Il faut se battre
tous les jours car rien n’est jamais acquis. Mais on se rend aussi compte, les sportifs doivent faire face
à encore plus de difficultés: nous, nous bossons du lundi au vendredi et à côté de ça, nous avons notre
vie personnelle… Mais les sportifs doivent faire attention tout le temps, font des sacrifices permanents
(alimentation, périodes de repos…). C’est là qu’on comprend ce que peut être la recherche de la
perfection.»
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
Annexe 3
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extrait de l’entretien avec M. Chanvillard (journaliste et ex sportive de haut
niveau)
«Mon expérience sportive m'a aidé sur deux points dans la carrière professionnelle. En tant
que journaliste de sports, elle me permet de d'avoir une vision objective des sportifs que je suis dans mon travail.
Par rapport à mes employeurs, elle m'a permis d'intégrer une équipe en ayant un a priori positif quant
à ma capacité à me battre pour arriver à remplir les objectifs que l'on me fixait. Je bénéficie d'une
image de battante, persévérante pour atteindre mes buts. Enfin, venant d'une discipline, certes
olympique mais méconnue, je n'ai pas bénéficié de “passe-droit” dû au rayonnement de mon sport.»
Annexe 4
extrait de l’entretien avec A. Francke (responsable partenariat chez Adidas)
«L’entreprise peut être victime de l’athlète (dopage, mauvais comportement). En même temps,
c’est à nous de peser le pour et le contre pour essayer de faire les bons choix. Malheureusement, il
arrive que nous fassions de mauvais «investissements», d’autant plus qu’on mise sur le long terme (les
«espoirs» qui ne passent jamais le cap sont nombreux !».
«pour mesurer les retombées de nos partenariats, on calcule l’équivalent argent de la
visibilité que nos sportifs nous offrent. Mais c’est difficilement comparable. En fait, c’est un outil
assez incomplet et la mesure est aléatoire.»
Intérêts et enjeux du partenariat entre sportifs de haut niveau amateurs et entreprises
Annexe 5
exemple de proposition de partenariat avec NIVEA
(1)
(2)
(3)
(4)
113
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(5)
(6)
(7)
(8)
(9)
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115
Commentaires
«Ce dossier (réalisé conjointement avec E. BRIOT en avril 2010) a pour objectif de
sensibiliser et convaincre l’entreprise NIVEA de me parrainer. Voici le fondement de la démarche et
les principaux axes que nous avons choisi de développer:
Après avoir présenté ma «carte d’identité» et mon palmarès, nous avons essayé de rendre
perceptible mon défi sportif et de le mettre en parallèle avec les ambitions présumées de Nivea. Pour
cela, nous avons insisté sur l’importance de mes objectifs ((4)afin de souligner mon ambition, ma
volonté d’être le meilleur), la rigueur que je m’impose ((5)notion de ténacité, de persévérance) et, plus
généralement, les valeurs qui me servent de moteur (6) et celles, propres au kayak de course en ligne
qui peuvent intéresser NIVEA (7). Enfin, il nous a paru évident de mettre en avant le fait que les deux
parties doivent ressortir grandit d’une telle opération (8).
En plus de cela, il apparaît important de soigner la forme du document (code couleur en
rapport avec la marque, illustrations «fortes»…). Finalement, sa raison d’être n’est autre que de
mettre le sportif (et même l’humain) en valeur vis-à-vis de l’entreprise concernée et de suggérer
l’étendues des applications qu’on peut donner à un tel partenariat.
Toutefois, ce power point ne constitue qu’un premier support: en effet, nous espérons que
celui-ci donne l’envie à son destinataire d’aller plus loin et de nous rencontrer. Un peu comme un
curriculum vitae, il doit donc servir de base à un entretien, durant lequel il appartiendra au mandant
(dans ce cas, l’athlète) de convaincre «l’employeur» (dans ce cas, NIVEA) de l’opportunité qu’il
représente. Si ce document sert «d’accroche», l’entretien doit donc être un véritable révélateur des
enjeux et intérêt que le sportif représente pour l’entreprise.»
Note: à ce jour (03.06.10), nous sommes dans l’attente d’une réponse de NIVEA concernant notre
demande d’entretien.

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