5 Le baiser du traitre

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5 Le baiser du traitre
5 Le baiser du traitre
D'UN POINT DE VUE HUMAIN, les evenements que reserve encore
cette nuit tragique semblent n'apporter que disgrace et defaite au
Fils de Dieu. On pourrait croire que le Pere n' a pas tenu compte
de la priere que Jesus lui a faite dans le jardin et que, des lors, tous
les evenements echapperont soudainement a la volonte de Jesus.
En tout cas, c' est indubitablement ce que pensent les disciples.
lIs ne se sontjamais trouves en pareille situation avant. Bien
que Jesus ait dfi souvent redresser des pharisiens et des sadduceens
hostiles, illes a toujours confondus et reduits au silence jusqu' ici.
A maintes occasions, deja, ses ennemis ont chercM a se saisir de
lui par la force ou I' ont menace de sevices corporels. Mais illeur a
toujours echappe auparavant, miraculeusement parfois. lIs ont
I' habitude de le voir dans le rOle du vainqueur ; j amais dans celui
de la victime.
Tout d'un coup, tout se met a mal aller - ou ainsi semble-t-il.
Vne foule armee entre dans le jardin pour I' apprehender. Contre
toute attente, Judas le trahit alors de la maniere la plus ignoble qui
soit par un baiser hypocrite. Lorsque Pierre tente d'intervenir en
ayant recours a la force, Jesus I' en empeche d'un reproche cinglant.
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a
Finalement, les disciples, en proie la peur, abandonneront leur
Mai'tre et s'enfuiront. Or, chaque evenement semble apporter
davantage la disgrace et la defaite Jesus. En fait, c' est certainement
1'impression qu' en ont les observateurs de la scene.
Et pourtant, ce qui se degage en premier lieu de chacun des
recits bibliques de cet episode, c' est la majeste paisible de Christ,
dont la conduite absolument calme, souveraine et triomphante
demeurera immuable tout au long de la tragedie. QueUe scene
remarquable, que Matthieu nous fait ainsi revivre :
a
Puis il ana vers ses disciples, et leur dit : Vous dormez
maintenant, et vous vous reposez ! Voici, 1'heure est proche,
et le Fils de l'homme est livre aux mains des pecheurs.
Levez-vous, allons ; voici, celui qui me livre s' approche.
Comme il parlait encore, voici, Judas, l'un des douze,
arriva, et avec lui une foule nombreuse armee d' epees et de
batons, envoyee par les principaux sacrificateurs et par les
anciens du peuple. Celui qui le livrait leur avait donne ce
signe : Celui qui je donnerai un baiser, c' est lui ; saisissez-le.
Aussitot, s' approchant de Jesus, il dit : Salut, Rabbi! Et illui
donna un baiser. Jesus lui dit : Mon ami, ce que tu es venu
faire, fais-le. Alors ces gens s' avancerent, mirent la main sur
Jesus, et le saisirent. Et voici, un de ceux qui etaient avec
Jesus etendit la main, et tira son epee; il frappa le serviteur
du souverain sacrificateur, etlui emporta l' oreille. Alors Jesus
lui dit : Remets ton epee sa place ; car tous ceux qui
prendront l' epee periront par l' epee. Penses-tu que je ne
puis se pas invoquer mon Pere, qui me donnerait a1'instant
plus de douze legions d' anges ? Comment donc
s' accompliraient les Ecritures, d' apres lesquelles il doit en
etre ainsi ? A ce moment, Jesus dit la foule : Vous etes
venus, comme apres un brigand, avec des epees et des
batons, pour vous emparer de moi. l' etais tous les jours
assis parmi vous, enseignant dans le temple, et vous ne
a
a
a
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m' avez pas saisi. Mais tout cela est arrive afin que les ecrits
des prophetes soient accomplis. Alors tous les disciples
l' abandonnerent, et prirent la fuite (Matthieu 26.45-56).
A maintes reprises, Jesus a presse les disciples de veiller et de
prier avec lui. Par trois fois il a prie, et au terme de chaque priere il
a dfi les reveiller et les exhorter aprier aussi. Apres tout, c' est un
combat spirituel intense contre les forces des tenebres que Christ
livrait en priere dans le jardin. Plus tot, dans la chambre haute, il
avait dit aux disciples: « Je ne parlerai plus guere avec vous ; car
le prince du monde vient. n n'arien en moi »(Jean 14.30). On se
rappellera que Satan avait tente Christ au tout debut de son
ministere, mais celui-ci avait dejoue chacun de ses stratagemes
(Matthieu 4.1-11) -etne lui ajamais donne le dessus de toute sa
vie. Or, l' agonie dans le j ardin represente une derniere attaque
desesperee du malin, dont Christ est sorti victorieux de nouveau. n
n' y avait absolument rien en lui dont Satan pouvait tirer avantage.
UNE FOULE MEURTRIERE APPROCHE
Mais Satan est en train de monter un autre type d' attaque. Judas
s' amene avec une grande foule armee en service commande par
les principaux sacrificateurs et les anciens du Temple.
Notons que Matthieu designe encore Judas comme« l'un des
douze » (Matthieu 26.47). C' est d' ailleurs souvent ainsi qu'il est
designe dans le Nouveau Testament. En fait, chacun des quatre
Evangiles emploie cette appellation pour decrire Judas
(cf. Marc 14.10,43 ; Luc 22.47; Jean 6.71), alors qu'elle sertune
seule fois adecrire Thomas, un autre des disciples (Jean 20.24).
Les auteurs des Evangiles mettent deliberement l' accent sur le fait
que Judas compte au nombre des Douze, pour bien nous faire
comprendre le choc et la deception que tous ressentent en
decouvrant un traitre en lui.
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Par contraste, les recits apocryphes sur Judas le decriront
souvent comme ouvertement diabolique. Certains auteurs de
l' epoque inventeront des fables sur son compte, pour le faire
paraitre aussi visiblement pervers et grotesquement mechant que
possible. Mais la verite, c'est que Judas semble etre un disciple
typique. De toute evidence, il n'ajamais donne aux autres une
que1conque raison de se mefier de lui, puisqu' ils sont tous pris de
court en le voyant venir avec la foule desireuse d' arreter Jesus. Or,
on peut clairement discerner le choc des disciples dans l' exclamation
qu'emploie Matthieu pour decrire la scene: « voici, Judas, I'un
des douze, arriva, et avec lui une foule nombreuse armee d' epees
et de batons, envoyee par les principaux sacrificateurs et par les
anciens du peuple» (Matthieu 26.47, italiques pour souligner).
Le masque de fidelite aChrist derriere lequel s' est cache Judas
rend sa trat"trise particulierement odieuse. Le fait que son ami intime,
qui a toujours pretendu lui etre loyal et l' aimer, le trahitinsidieusement
est bien pire que si Christ se voyait livrer par un ennemi declare.
Le geste de Judas s' avere d' autant plus honteux qu'il se fait
accompagner d'une foule nombreuse armee d' epees et de batons,
ce qui signifie qu' elle est prete auser de violence. Les antagonistes
sont donc disposes ainfliger, si necessaire, des sevices corporels a
Christ et ases disciples. 11 ne s' agit pas d' un rassemblement de
citoyens improvise, mais bien d'une horde de brutes que les
principaux sacrificateurs et les anciens ont soigneusement
selectionnees et organisees.
Luc precise qu' il y a parmi la foule des « chefs des gardes du
temple» (Luc 22.52). Or, ces agents de securite, qui agissent a
titre de policiers dans les parvis du Temple, ont des pouvoirs limites
(meme sanctionnes par Rome) quand il s' agit d' arreter des gens
pour violation de la Loi juive (cf. Jean 7.32). 11 est arrive au moins
une fois dej aque les principaux sacrificateurs ordonnent aux chefs
des gardes du Temple d' apprehender Jesus, mais qu' en l' entendant
precher avec une telle autorite ceux-ci ont ete si etonnes qu'ils
sontrentres bredouille (Jean 7.45,46).
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Jean indique qu'il y a aussi panni la foule une cohorte de soldats
romains (Jean 18.3). Etant donne que c'est le sanhedrin qui a
orchestre l' arrestation de Jesus, c' est surement lui qui a demande
a ce que des soldats y participent. De toute evidence, ils ont prevu
de l'accuser d'un crime capital, et, comme seule Rome a alors
l' autorite d'imposer la peine de mort, ils doivent impliquer un
contingent de soldats dans l'arrestation. Rappelons-nous qu'a
l' epoque, des soldats romains s~nt, en permanence, en garnison a
la forteresse Antonia, qui jouxte le mont du Temple. C' est d' ailleurs
indubitablement de la que les soldats impliques ont ete envoyes.
Or, pour obtenir le concours de l' armee, les principaux sacrificateurs
ont probablement dit aux autorites romaines que Jesus etait un
insurge qui s' opposait a Rome.
Aucun des Evangiles ne denombre la foule, mais, dans le grec,
Matthieu, Marc etLuc indiquent tous qu'il s'agit d'une grande
multitude. Selon la taille de la cohorte romaine (qui se compose
typiquement de six cents soldats), la foule peut facilementjouer
dans les centaines. Par ailleurs, le fait que les principaux sacrificateurs
envoient tant de gens pour arreter Jesus demontre a quel point ils
redoutent son pouvoir. 11 est vrai que, plusieurs fois deja, ils ont
tente de l' apprehender ou de le reduire au silence, seulement pour
voir leurs manigances etre dejouees. Ici, Jesus fait lui-meme
remarquer toute l' absurdite et la Hichete de leur tactique, qui consiste
a envoyer une foule armee pour se saisir de lui au milieu de la nuit :
« Vous etes venus, comme apres un brigand, avec des epees et
des batons, pour vous emparer de moi. J' etais tous les j ours assis
panni vous, enseignant dans le temple, et vous ne m' avez pas saisi »
(Matthieu 26.55). Rien ne saurait donc justifier une telle multitude.
Toutes leurs precautions etaient d'ailleurs inutiles. Jesus
n' entendait pas leur resister. Bien sur, s' il ne souhaitait pas se faire
arreter, aucune force terrestre ne pourrait l'y contraindre. Si son
heure n' etait pas maintenant venue, selon le plan parfait de Dieu, il
pourrait facilement 6chapper meme a une aussi grande foule, comme
Jesus le fait remarquer a Pierre (v. 53).
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L'CEUVRE SATANIQUE S'ACCOMPLlT
11 n'y a que quelques heures que Judas a quitte la chambre haute. 11
faisait deja nuit a ce moment-la, et maintenant qu' il s' amene avec
une horde d'hommes armes, il ne peut etre beaucoup plus tard que
minuit. Manifestement, il s' est rendu directement de la chambre
haute chez les principaux sacrificateurs. Depuis qu'ils lui avaient
verse I' argent du sang, « il cherchait une occasion favorable pour
leur livrer Jesus a I'insu de la foule » CLuc 22.6). Mais afin de parer
a toute eventualite, les conspirateurs ont resolu de se faire
accompagner d'une multitude des leurs, qu'illeur a evidemment
fallu du temps a reunir. Mais la rapidite avec laquelle ils sont
parvenus a rassembler tant de chefs des gardiens du Temple, de
soldats armes et d'autres individus, demontre leur gran de
determination. Qui sait ce qu'ils ont bien pu raconter aux autorites
romaines pour les convaincre d' envoyer sur-le-champ autant de
soldats ? 11 est clair qu'ils ont faussement accuse Jesus de menacer
serieusement les interets de Rome.
Judas sait pertinemment ou se situe Gethsemane, pour y avoir
accompagne Jesus a maintes reprises au cours des demiers jours
(Jean 18.2).11 se peut que les disciples aient projete et convenu a
I'avance de se rendre ce soir-Ia a Gethsemane. Ou encore que
Jesus etait si fidele a son habitude de frequenter ce jardin que Judas
savait tout simplement ou le Maitre deciderait d' aller apres le repas
pascal. Quoi qu'il en soit, pour y amener toute une foule, Judas
devait etre pratiquement certain de pouvoir y trouver Jesus. En ce
qui conceme les conspirateurs, il s' agit du lieu ideal pour proceder
a l' arrestation de Jesus a l' abri des regards.
A cette heure-la, Gethsemane est plonge dans une noirceur
d' encre. Bien que la Paque COIncide infailliblement avec la pleine
lune, et que cette soiree-la est donc moins sombre qu' a l' ordinaire,
reste que dans une oliveraie les rayons de lune ne permettent de
faire que de faibles nuances dans la penombre. C' est pourquoi
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Judas a prealablement convenu d'un signal par lequel il allait
identifier Jesus au profit de ses compagnons de trahison.
Judas craint peut-etre aussi qu'un des disciples se rende aux
autorites a la place de Jesus, se faisant passer pour lui afin que sa
vie soit epargnee. Apres tout, a peine quelques heures se sont
ecoulees depuis que Judas se trouvait dans la chambre haute en
train d' ecouter les autres disciples se declarer prets a aller en prison
et meme a mourir pour Christ (cf. Jean 13 .37 ; Luc 22.33). Ainsi,
pour etre stirs de pouvoir distinguer Jesus des autres, les
conspirateurs ont convenu a l' avance d'un signe. Judas leur a ainsi
propose:« Celui aquije donnerai un baiser, c'estlui; saisissez-Ie»
(Matthieu 26.48b). Notons que, dans leur culture, le baiser est un
signe de respect et d'hommage, ainsi que d' affection. Les esc1aves
embrassent alors les pieds de leur maitre en signe supreme de
respect. n arrive egalement que des disciples embrassent le pan de
la tunique de leur maitre (mentor), en gage de reverence et d'un
devouement profond. AI' epoque, on baise couramment la main
de quelqu'un pour lui temoigner du respect et lui rendre hommage.
Mais un baiser sur le visage, surtout s'il est accompagne d'une
accolade, est signe d' amitie et d' affection. On reserve ce geste a
ses arnis les plus intimes. Ce qui fait que, d' ordinaire, un disciple
n'embrasserait pas ainsi son maitre, a moins que ce dernier ne
l' embrasse le premier.
Pour decrire le baiser de Judas, Matthieu emploie le terme
kataphileo, qui signifie« embrasser avec sincerite, intensite et a
repetition». (11 s' agit du meme mot qui sert a decrire l' adoration
affectueuse qu'a temoignee a Jesus, dans lamaison du pharisien,
la femme qui a baigne ses pieds d'une huile parfumee, pour ensuite
les essuyer de ses cheveux et les embrasser [kataphileo] a plusieurs
reprises -Luc 7.38.) Or, comme s'il ne suffisait pas a Judas de
livrer Jesus, il agit en feignant une affection toute sincere, ajoutant
ainsi a la noirceur de sa trahison. Se trouvant encore ici sous
l' emprise de Satan, Judas n' eprouve manifestement aucune honte.
11 aurait pu choisir n' importe quel signe pour permettre aux autres
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conspirateurs d'identifier Christ. Mais il en a sciemment choisi un
qui aggrave sa propre culpabilire d'une hypocrisie la plus diabolique
qui soit. n semble meme prolonger deliberement son embrassade,
pour retenir Jesus le plus longtemps possible et s' assurer que les
soldats auront ainsi le temps de l' apprehender.
Cet etalage d'affection feinte suscite en Jesus de la tristesse,
mais aucune malice ni hostilire : « Mon ami, ce que tu es venu faire,
fais-Ie »(Matthieu 26.50a). On y discemera une note de retenue,
et peut-etre de distance. Christ n'emploie pas ici le mot normal
pour « ami », qui est philos, mais celui dont il s' est servi dans la
chambre haute pour dire aux disciples: « Vous etes mes amis, si
vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus
serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maitre ;
mais je vous ai appeles amis, parce que je vous ai fait connaitre
tout ce que j'ai appris de mon Pere» (Jean 15.14,15). En
s' adressant a Judas, il emploie ici le terme hetairas, qui signifie
« camarade » ou« compagnon ». nest neanmoins ironique que,
lorsque Pierre, un veritable ami, a tente de dissuader Jesus d' aller
alacroix, Jesus l'a appeIe« Satan» (Matthieu 16.22,23). Quand
on songe qu'ici, Jesus appelle simplement« camarade »ce Judas
qui se fait deliberement l' outil de Satan, habite et contrOle par nul
autre que le prince des tenebres, en livrant Jesus a ceux-Ia meme
qui le crucifieront.
Luc rapporte que Jesus declare ceci : « Judas, c'est par un
baiser que tu livres le Fils de l'homme ! »(Luc 22.48.) n souhaite
ainsi faire assumer a Judas et faire reconnai'tre aux disciples tout
l' odieux de la trahison dont il est la victime. Or, meme si ace stade-ci
le creur de Judas s' est manifestement endurci c~ntre Christ, Jesus
continue de le traiter visiblement avec tendresse. Aucune injure ne
franchit ses levres ; il ne pade pas severement a Judas, et ne le
qualifie d' aucun nom, qui lui conviendrait pourtant parfaitement,
tel que sdlerat, infidele, traitre ou insense. Au lieu de cela, ille
traite de camarade, l' appelle par son nom, et lui pose gentiment
des questions qui suffiraient a tourmenter la conscience de
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quiconque n' etant pas entierement endurci. Certes, par contraste,
la tendresse de Jesus accentue encore davantage la perfidie de
Judas.
Mais Judas se montre intraitable. n agit comme si de rien n' etait.
n livre effrontement Jesus a ses bourreaux, en continuant de feindre
l'affection, alors qu'il nourrit dans son creur la haine la plus
diabolique qui soit.
Par la suite, Judas regrettera profondement ses agissements
(Matthieu 27.4,5). Mais, meme alors, ses regrets seront denues
de toute veritable repentance. S' etant vendu a Satan pour trente
pieces d'argent, il se sera deja voue lui-meme a une eternelle
separation d' avec le Saint, qu'il aura si impitoyablement trahi. En
fait, il auraitmieux valu qu'il ne voie jamais le jour (Matthieu 26.24).
UN MASSACRE EST EVITE
Au moins deux des disciples sont armes. Ayant entendu Jesus parler
a plusieurs reprises de trahison, et predire son arrestation et sa
crucifixion, les disciples n' ont pas voulu se rendre au jardin sans
armes. Ace sujet, voici les propos echanges plus tot ce soir-Ia,
dans la chambre haute, lorsque Jesus les a informes de ce que l'un
d' entre eux allait le livrer :
n leur dit encore: Quand je vous ai envoyes sans bourse,
sans sac, et sans souliers, avez-vous manque de quelque
chose? n repondirent : De rien. Et illeur dit : Maintenant, au
contraire, que celui qui a une bourse la prenne, que celui qui
a un sac le prenne egalement, et que celui qui n' a point d' epee
vende son vetement et achete une epee. Car, je vous le dis,
il faut que cette parole qui est ecrite s' accomplisse en moi :
n a ete mis au nombre des malfaiteurs. Et ce qui me conceme
est sur le point d' arriver. ns dirent : Seigneur, voici deux
epees. Et illeur dit : Cela suffit (Luc 22.35-38).
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Christ les a simplement avertis de la violence qui allait ec1ater
sous peu. Bien qu'ils aient pu toujours s'abriter sous I'aile
providentielle de Jesus, ils etaient sur le point d' essuyer un acte de
violence terrible commis contre eux. Us devaient s 'y preparer, pour
eviter que leur foi ne chancelle sous le coup. Jesus parIait, bien
entendu, d'une preparation spirituelle, et non physique. IIles
prevenait d'un combat spirituel qu'ils alIaient bientot devoir livrer,
et ne leur demandait donc certainement pas de prendre avec eux
des armes charnelles (2 Corinthiens 10.4). Mais les disciples ont
presume, a tort, qu'il voulait litteralement qu'ils aillent se procurer
des epees. Faisant l'inventaire en prive de celles qu'ils possedaient
deja, ils en ont trouve deux. Notons que lareplique ambigue de
Jesus (<< Cela suffit ») signifie probablement« C;a suffitles folies ».
lIs pensaient peut-etre qu'il trouvait que deux epees suffisaient.
Quoi qu' il en soit, sa replique a touche juste, et les a dissuades de
chercher as' armer davantage.
A l' epoque, il n'y a rien d' etonnant a voir des pecheurs galileens
porter l' epee. 11 s' agit de longs couteaux ou poignards a double
tranchant, et non d' epees de combat pleine longueur. Elles se portent
alors dans un fourreau attache au ceinturon et s' emploient a diverses
fins pratiques, autres que la violence physique.
Bien entendu, deux armes de ce type s' avereraient quasiment
inutiles contre une foule composee d' autant de soldats romains. Mais
les disciples, que les attentes messianiques poussent encore
manifestement a esperer que Christ renversera Rome et regnera sur
Jerusalem, pensent peut-etre qu' il emploiera des moyens surnaturels
pour permettre a sa petite bande de disciples de remporter une
victoire militaire miraculeuse ce soir-la. Et maintenant qu' ils realisent
que Jesus est sur le point d'etre pris de force, ils demandent:
« Seigneur, frapperons-nous de l' epee? » (Luc 22.49b.)
Quelque chose que seul Jean rapporte les enhardit
manifestement : Lorsque les assaillants annoncent qu' ils cherchent
Jesus de Nazareth, « Jesus leur dit : C' est moi. [ ... ] Lorsque Jesus
leur [dit J : C' est moi, ils [reculentJ et [tombentJ par terre »
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(Jean 18.5,6). Or, il se peut qU'une telle demonstration de pouvoir
sumaturel ait amene les disciples a croire que Jesus envisage de
detruire ses antagonistes de maniere sumaturelle. Voila pourquoi ils
lui demandent s' ils doivent avoir recours aux armes.
SaufPierre. Rien ne lui vient a l' esprit ni aux levres : « Simon
Pierre, qui avait une epee, la tira, frappa le serviteur du souverain
sacrificateur, et lui coupa l' oreille droite. Ce serviteur s' appelait
Ma1chus »(v. 10). (Seul Jean identifie Pierre comme le porteur
des epees. Cela s'explique peut-etre par le fait que les Evangiles
synoptiques ont ete rediges beaucoup plus tot, avant que Rome ne
mette Jerusalem a sac et detruise le Temple. n est possible que les
auteurs synoptiques n'aient pas voulu reveler I'identite de Pierre
pour lui eviter des represailles de la part des chefs religieux.)
Selon toute probabilite, Malchus compte parmi les principaux
serviteurs du souverain sacrificateur, puisqu' il est apparemment en
tete du peloton, et done une cible facile pour Pierre. L' apotre
cherche indubitablement a le decapiter ou a lui fendre litteralement
le crane, mais Malchus esquive. L' epee de Pierre lui passe done le
long de la tete, et lui tranche l' oreille.
Bien qu'un grand nombre d'ames mal avisees s'y soient
essayees, nul n' a jamais fait avancer la cause de Christ par la force
terrestre. En mettant en reuvre de telles tactiques, nous ne pouvons
que nuire a notre temoignage chretien, plutot que de le favoriser. n
est inutile de chercher a faire progresser le royaume de Dieu au
moyen d' armes terrestres ou de strategies mondaines. Apres tout,
comme Jesus le dira a Pilate : « Mon royaume n' est pas de ce
monde [ ... ]. Si mon royaume etait de ce monde, mes serviteurs
auraient combattu pour moi afin que je ne sois pas livre aux Juifs ;
maismaintenantmonroyaumen'estpointd'ici-bas» (Jean 18.36).
Ici, Jesus reprend severement Pierre: « Remets ton epee dans
le fourreau » (Jean 18.11a). Matthieu precise que Jesus poursuit
en disant : « cartous ceux qui prendront l' epee periront par l' epee»
(Matthieu 26.52), paraphrasant ainsi la Genese : « Si quelqu'un
verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera verse» (9.6a).
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Ce faisant, Jesus signifie a Pierre qu'il ne considere pas son geste
comme de la legitime defense, mais comme un acte illegal, une
tentative de meurtre, digne de la peine de mort. Meme si l' arrestation
de Jesus constitue un acte injuste et lache, il emane des autorites
dfunent etablies sur Jerusalem, auquel nul ne doit donc resister par
des moyens illegaux (cf. Romains 13.2). Le fait pour un individu
de poser des actes de violence et de desobeissance civile c~ntre
un gouvemement di1ment constitue est toujours reprehensible,
meme si le gouvemement en question est injuste. (Voila d' ailleurs
un point sur lequel il convient d'insister en cette epoque Oll nombre
de chretiens s' octroient le droit de violer la loi pour s' opposer a
des crimes sanctionnes par le gouvemement.)
N otre Seigneur n' interdit pas ici l' autodefense ni la defense de
nos proches c~ntre un type que1conque d'agresseurs. 11 ne prone
pas non plus une forme que1conque de pacifisme bonasse. 11 indique
tout simplement qu'il est important de se soumettre aux autorites
divinement etablies, meme si celles-ci s' averent injustes ou abusives.
Voila pourquoi il reprimande Pierre ainsi : « Laissez, arretez ! »
(Luc 22.51).
De toute maniere, Christ n' a nullement besoin d' avoir recours
aux pouvoirs charnels pour se defendre. Cette realite, ill'a deja
clairementdemont:ree puisqu'illui a suffi de prononcer quelques paroles
pour faire reculer et tomber par terre ses assaillants. n poursuit donc
ainsi sareprimande a l' endroit de Pierre: « Penses-tu que je ne puisse
pas invoquer mon Pere, qui me donnerait a l'instant plus de douze
legions d'anges ? » (Matthieu 26.53.) Notons qu'une legion se
compose alors de 6 000 soldats. Douze legions d' anges representent
donc un total de 72 000 anges. Rappelons-nous egalement que, dans
l' Ancien Testament - quand l' armee de Sancherib mena<;,:ait de
prendre Jerusalem -, un ange a tue, a lui seul, 185000 soldats
assyriens en une nuit (2 Rois 19.35). C' est donc dire que la puissance
d'une armee de 72 000 anges serait plutot imposante ! Or, si Christ
avait souhaite 6chapper a la foule de ses assaillants armes, il n' aurait
certainement pas eu besoin de l' epee de Pierre.
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Le baiser du traitre
Comme ille rappelle a l' apotre temeraire, Jesus poursuit un
objectif plus noble: « Comment donc s' accompliraient les :Ecritures,
d' apres lesquelles il doit en etre ainsi ? » CMatthieu 26.54.) Si les
anges venaient maintenant a sa rescous se, il ne pourrait pas
accomplir son reuvre expiatoire : « Ne boirai-je pas la coupe que
le Pere m'adonnee a boire?» (Jean 18.11.)
Christ leur a deja montre que les Ecritures allaient s' accomplir
par la trahison de Judas CPsaume 41.10), ainsi que par le coup
porte au Berger, qui allait disperser les brebis CZacharie 13.7).
Notons qu'il existe nombre d' autres passages scripturaires traitant
du fait que le Messie souffrira pour les pecMs, qui, ici, ne sont pas
encore tous accomplis, mais que Christ entend bien accomplir
integralement. Encore une fois, en agissant impetueusement et
charnellement, Pierre nuit au plan de Dieu : « car la colere de
I'homme n'accomplit pas la justice de Dieu »CJacques 1.20) et:
« Car les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas
charnelles ; mais elles sont puissantes, par la vertu de Dieu, pour
renverser des forteresses »C2 Corinthiens 10.4).
Apparemment, Malchus a encore l' oreille qui lui pend le long
de la tete. Dans une remarquable demonstration de sa puissance,
« ayant touche l'oreille de cet homme, [Jesus] le guerit»
CLuc 22.51). II s'agit d'ailleurs du seul incident consigne dans
l'Ecriture ou Christ guerit une blessure toute recente. Cette
intervention est d' autant plus remarquable que Malchus est un
incroyant, de surcroi't hostile a Christ. Mais ce qui est peut-etre
encore plus frappant, c' est que la foule semble ne faire
virtuellement aucun cas de ce miracle. Tous vaquent a leurs
odieuses occupations comme si rien digne de mention ne s' etait
produit Cv. 54). La guerison de l'oreille de Malchus n'a guere
plus d' effet sur eux que n' en a eu la puissance qui les a jetes par
terre quelques instants plus tot. lIs sont semblables aux hommes
de Sodome, que la puissance de Dieu a frappes de cecite, mais
qui se sont entetes malgre tout a poursuivre leurs menees
insidieuses CGenese 19.10,11). lIs ne permettront pas meme a
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Le meurtre de Jesus
une demonstration miraculeuse de la puissance de Dieu de les
detoumer de leur objectif perfide.
LES DISCIPLES PRENNENT LA FUITE
C' est ici que Jesus declare a la foule d' assaillants : « Vous etes
venus, comme apres un brigand, avec des epees et des batons,
pour vous emparer de moi. l' etais tous les jours assis parmi vous,
en seign ant dans le temple, et vous ne m' avez pas saisi »
(Matthieu 26.55). Le fait meme qu' ils s' en prennent lachement a
Jesus en pleine nuit prouve qu' ils savent n' avoir aucun droit de
I' arreter. 11 ne participe pas la a une insurrection clandestine. 11 a
enseigne publiquement, au grand jour, habituellement dans les parvis
du Temple, au vu et au su de tous. Si on avait ete Iegitimement en
droit de l'arreter, on aurait pu le faire presque n'importe queljour
au cours de la demiere semaine. Mais le sanhedrin sait, bien
entendu, qu'une arrestation publique risquerait d' ameuter la foule.
Voila pourquoi il a complote pour se saisir de Jesus secretement.
Toutefois, par cette remarque, Jesus devoile le subterfuge aux
soldats romains, qui ignorent probablement tout des vrais motifs
des chefs religieux.
Jesus ajoute ensuite : « Mais tout cela est arrive afin que les
ecrits des prophetes soient accomplis » (v. 56a). Christ en revient
ainsi au theme propre aux recits de la crucifixion consignes dans
les quatre Evangiles. En fait, en arretant Christ, les conspirateurs
accomplis sent a la perfection ses desseins souverains, et cela en
depit meme de leur hostilite a son egard. Leurs tentatives pour le
detruire ne servent qu' a ses propres fins, et a executer un plan
etabli avant meme le debut des temps. Peu importe avec quel
achamement les forces des tenebres chercheront a le detruire, sa
Parole et sa volonte s' accompliront inevitablement.
A maintes reprises, les disciples ont entendu Jesus affrrmer avoir
une pleine et entiere confiance dans le plan souverain de Dieu.
Mais dans de telles circonstances, et en ce moment precis, cela ne
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Le baiser du traitre
semble pas beaucoup les reconforter. Christ vient de se faire livrer
aux mains de ses ennemis. lis ne peuvent rien y faire. lis ne se sont
jamais trouves dans une situation qui leur semble aussi desesperee tout au moins jamais en presence de Jesus. Les demieres heures
ont ete eprouvantes, et le desespoir totalles gagne maintenant. lis
ont les yeux biens fixes sur les circonstances, et non sur la doctrine
de la souverainete de Dieu. Par consequent, ils ne tirent aucun
reconfort des paroles rassurantes de Jesus. C'est la panique :
« Alors tous les disciples l' abandonnerent, et prirent la fuite »
(v. 56b).
Rappelons-nous que meme leur desertion sert a accomplir
I'Ecriture. lis agissentprecisement comme Jesus l'a predit. S'ils y
refiechissaient, ils realiseraient qU'aucune tragedie ne leur est
survenue sans qu'il ne les en ait prevenus.
Les disciples se dispersent litteralement, plutot que de fuir en
groupe. Pierre et Jean suivent secretement la foule jusqu' ala maison
du souverain sacrificateur (Jean 18.15). On ignore ou les autres
disciples sont alMs - mais il semble qu' ils soient alMs se cacher.
11 faut dire, aleur credit, qu'ils se seraient tous fait arreter, ou
pire encore, s'ils etaient restes dans le jardin. Fait evident, aen
juger par la demande que Jesus adresse aux soldats charges de
l' arreter et que Jean rapporte ainsi : « Si donc c' est moi que vous
cherchez, laissez aller ceux-ci »(Jean 18.8b). Selon Jean,« il dit
cela, afin que s'accomplisse la parole qu'il fa] dite : Je n'ai perdu
aucun de ceux que tu m' as donnes » (v. 9). Ce sont probablement
d' ailleurs ces paroles qui decideront les disciples a fuir sans
demander leur reste.
Marc donne une precision qui ne se trouve dans aucun autre
Evangile : « Alors tous l' abandonnerent, et prirent la fuite. Un jeune
homme le suivait, n'ayant sur le corps qu'un drap. On se saisit de
lui ; mais ill§cha son vetement, et se sauva tout nu »(Marc 14.50-52).
L'identite de ce « jeune homme » n' est revelee nulle part, mais il
pourrait bien s' agir de Marc lui-meme. Mais qu'importe qui est ce
jeune homme, il etait apparemment au lit, ou sur le point de se
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Le meurtre de Jesus
coucher, lorsque les bruits de la foule l' ont reveille. Sans prendre
le temps de s'habiller, il s'estenveloppe d'un drap, pour allervoir
d'ou venaittoutce vacarme. Presumantqu'il s'agitd'un disciple
de Christ, les soldats tentent ici de l'apprehender. II parvient a
s' echapper, mais en devant abandonner son semblant de vetement,
pour fuir nu dans la nuit. Or, cela prouve certainement que les
disciples eux-memes courent de reels dangers ce soir-Ia.
lIs abandonnent done tous leur Maitre, qui ne se retrouve pas
du tout seul pour autant. Ace sujet, rappelons-nous ce que Jesus
a deja dit a ses disciples: « Voici, I'heure vient, et elle est deja
venue, ou vous serez disperses chacun de son cote, et ou vous me
laisserez seul ; mais je ne suis pas seul, car le Pere est avec moi »
(Jean 16.32).
L'reuvre divine de la redemption se poursuit ainsi conformement
au plan souverain de Dieu, qui s' accomplira dans les moindres
details, en depit de l' opposition de ses ennemis - et meme de
l' abandon de ses amis.
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Sans cesse ils portent atteinte ames droits, ils n' ont a
mon egard que de mauvaises pensees.
- Psaume 56.6
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