Et Margaret Thatcher brisa les syndicats

Transcription

Et Margaret Thatcher brisa les syndicats
Années grises
Grande grève des mineurs
Sites miniers
fonctionnant en 1984
Extension de la grève
Fin des
Fingrèves
des grèves
de travailleurs
de travailleurs
? ?
5 mars 1984
12 mars 1984
19 avril 1984, grève
nationale votée par l’Union
nationale des ouvriers
de la mine (NUM)
1
1
Jours non
Jours
travaillés
non travaillés
Base 100
Base
en100
1974en 1974
300
250
200
300
300
250
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150
150
100
100
50
50
Etats-Unis
Etats-Unis
SecteurSecteur
minier minier
Ensemble
Ensemble
des secteurs
des secteurs
1. Jours de
1. Jours
grèvede
multipliés
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nombre de
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travailleurs
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en grève.en grève.
Source :Source
Organisation
: Organisation
interna-internationale du
tionale
travail,
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travail, Laborsta,
base de base
données
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en ligne,en2010.
ligne, 2010.
0
0
1974 1974
1980 1980 1990 1990 2000 2000
2008 2008
250
300
300
250
Italie Italie
250
300
250
JaponJapon
300
300
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250
200
200
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200
200
150
150
150
150
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150
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100
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50
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50
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50
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0
1974 1974
1980 1980 1990 1990 2000 2000
2008 2008
Au Japon,AulesJapon,
grèvesles grèves
sont interdites
sont interdites
dans
dans
la fonction
la fonction
publique.publique.
Royaume-Uni
Royaume-Uni
Reprise progressive du travail
entre novembre 1984 et mars 1985
ÉCOSSE
Dundee
Affrontement violent
entre mineurs et policiers
Siège de la NUM
dans les années 1980
Edimbourg
Clyde
Glasgow
TEESIDE
LOWLANDS
0
0
1974 1974
1980 1980 1990 1990 2000 2000
2008 2008
0
0
1974 1974
1980 1980 1990 1990 2000 2000
2008 2008
Newcastle-upon-Tyne
IRLANDE Belfast
DU NORD
Ile
de Man
YORKSHIRE
LANCASHIRE
les syndicats
Etats-Unis, les années 1980
marquent le recul des
conquêtes sociales arrachées
au cours des décennies
précédentes par
le mouvement ouvrier.
Dans le transport aérien,
la sidérurgie, l’automobile,
les chantiers navals éclatent
des conflits durs dont l’issue
symbolise l’évolution
du rapport de forces entre
travail et capital.
88 L’Atlas
histoire du
Monde diplomatique
a grève des mineurs de 19841985 constitue le conflit social
le plus important de l’histoire du
Royaume-Uni depuis la seconde
guerre mondiale. Sur le moment, elle
fut perçue davantage comme une guerre
civile que comme un affrontement entre
employés et employeur. Par son envergure, sa durée et son impact, cet épisode
demeure à ce jour sans équivalent dans
le monde.
Bien qu’elle présente des points communs avec le mouvement des contrôleurs aériens aux Etats-Unis, durement
réprimé en 1981 par Ronald Reagan
dans le cadre de son offensive antisyndicale, c’est la grève des mineurs qui
symbolise aujourd’hui encore la défaite
du monde du travail face à l’émergence
du système néolibéral. Durant une année
entière, la fermeture des mines de charbon oppose l’organisation ouvrière la
plus puissante du pays à un gouvernement conservateur décidé à casser les
syndicats pour imposer un nouvel ordre
social et économique.
Le conflit dégénère rapidement.
Alors que la production d’électricité
repose toujours à 80 % sur l’exploitation du charbon, le premier ministre,
Margaret Thatcher, désigne les mineurs
en grève comme les « ennemis de l’intérieur » et mobilise contre eux toute
la panoplie répressive de l’Etat. Une
police équipée de moyens militaires
prend d’assaut les piquets de grève et
métamorphose les houillères en territoires occupés. On recensera 20 000 ­blessés
et 11 000 personnes arrêtées, dont plus
de 200 incarcérées. Sur les piquets de
grève, 6 mineurs mourront, et, au cours
d’extractions de charbon opérées clandestinement durant l’hiver, 3 adolescents seront tués.
Fermeture progressive des puits
de charbon du Royaume-Uni
160
140
Puits fermés
dans l’année
120
Nombre total de puits
au début de l’année
100
80
60
40
20
0
1984
1990
1995
2000
Source : « Miners’ strike 1984 », BBC News
(http://news.bbc.co.uk).
2004
Parallèlement, la justice déclare la
grève hors la loi et prononce la dissolution de l’Union nationale des ouvriers
de la mine (NUM), placée sous la tutelle
d’un administrateur judiciaire. Les services de police harcèlent les syndicalistes et s’emploient à discréditer leur
dirigeant, Arthur Scargill. Les grands
médias s’accordent en général à présenter la grève comme une insurrection antidémocratique menée par un
démagogue.
Les grévistes reçoivent le soutien de
millions de sympathisants. Non seulement leur lutte modifiera la vision du
monde de plusieurs centaines de milliers
de personnes, mais elle déclenchera de
nombreuses actions de solidarité à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.
L’intensité de la confrontation témoigne de la situation de crise que traverse
alors le Royaume-Uni, marqué par un
relatif déclin économique et un fort
mécontentement social. La direction du
parti tory réclamait vengeance pour les
grèves des mineurs de 1972 et de 1974,
lesquelles avaient entraîné la chute du
gouvernement conservateur d’Edward
Heath. Selon l’expression du chancelier
de l’Echiquier de Margaret Thatcher,
Nigel Lawson, éradiquer le NUM était
une priorité aussi impérieuse que « se
réarmer contre la menace de Hitler dans
les années 1930 ».
Sheffield
Stoke-on-Trent
re
PAYS DE
GALLES
MIDLANDS
Hull
Maltby
Orgreave
nt
NOTHINGHAMSHIRE
Leicester
Birmingham
SOUTH WALES
En Europe comme aux
Manchester
T
Et Margaret Thatcher brisa
Liverpool
Leeds
Northampton
LEICESTERSHIRE
Gloucester
Londres KENT
Contrairement à
e
Tamis
Swansea
ce que prétendaient
Cardiff ANGLETERRE
les commentateurs
Southampton Brighton
autorisés, le jusqu’auboutisme des pouvoirs
Plymouth
0
150 km
publics ne laissait
pas d’autre choix
aux mineurs que
et, surtout, la direction du Parti trala radicalisation.
vailliste – ont abandonné le NUM en rase
Aucune issue acceptable ne s’offrait à campagne. Ils auraient pourtant eu tout
eux, ainsi que le démontre le sort infligé intérêt à mesurer l’enjeu de la lutte et à
aux sites ayant cessé la grève. Et l’idée comprendre que les règles du jeu éconoselon laquelle les grévistes n’avaient mique étaient en train de changer.
pas la moindre chance de l’emporter ne
Les grévistes ont repris le travail
résiste pas davantage à l’épreuve des sans avoir rien obtenu, mais c’est la
faits : comme Margaret Thatcher l’a privatisation du secteur énergétique
admis plus tard, il s’en est fallu de peu qui a sonné le glas de leur mouvement.
que le gouvernement « perde sur toute la Le coût exorbitant du conflit – plus de
ligne ». En réalité, si la Dame de fer a fini 30 milliards de livres au cours actuel –
par l’emporter, c’est parce que certains restera sans commune mesure avec ce
protagonistes du camp adverse – une qu’aurait coûté une politique énergéminorité de mineurs, d’autres syndicats tique plus rationnelle, par exemple le
développement de la technologie du
charbon propre.
Bibliographie
L’issue de la grève n’a pas seuleg Seumas Milne, The Enemy Within :
ment
dévasté la profession des mineurs
The Secret War Against the Miners, Verso,
et
les
conditions
de vie de leurs familles,
Londres, 2004
elle a aussi accéléré l’affaiblissement
g Andrew J. Richard, Miners on Strike :
du monde syndical dans son ensemble,
Class Solidarity and Division in Britain,
aggravant l’atomisation sociale et les
Berg Publishers, Oxford, 1997.
inégalités – et précipitant la naissance
g Andrew Adonis et Stephen Pollard,
d’un « New Labour » plus attentif que
A Class Act. The Myth of Britain’s Classless
les « vieux » travaillistes aux intérêts des
Society, Penguin Books, Londres, 1997.
multinationales.
l
L’Atlas histoire du Monde diplomatique 89