Résumé analytique (par Christian Lefaure)

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Résumé analytique (par Christian Lefaure)
Résumé analytique (par Christian Lefaure) du livre
The Body economic: Why Austerity Kills
Le Corps Economique : Pourquoi l’Austérité Tue
David Stuckler and Sanjay Basu
Basic Books, Perseus Books Group New York, 2013 (216 pages)
Ce résumé analytique du livre de David Stuckler et Sanjay Basu a été complété par des éléments de l’article des
mêmes auteurs paru dans le New York Times le 12 Mai 2013 How Austerity Kills
David Stuckler est « senior research leader » à l’université d’Oxford, tandis que Sanjay Basu est assistant
professeur de médecine et épidémiologiste à l’université Stanford. Ils sont chercheurs en santé publique,
économie politique et épidémiologie.
Introduction (du résumé)
Ce que les auteurs appellent « the body economic » c.a.d. le « corps économique » en référence au « corps
politique » pourrait être défini comme un « groupe de personnes qui dépendent d’un même ensemble de
politiques économiques ; des individus dont la vie est affectée collectivement par ces politiques » .L’analyse du
corps économique va donc se référer d’un côté aux systèmes financiers, et de l’autre aux effets sur la santé des
politiques économiques
En effet ils ont cherché à comprendre comment les budgets et les choix économiques affectent la vie et la mort,
la « résilience » et les risques, pour des populations entières de par le monde.
STIMULATION OU AUSTERITE ??
Comme on ne peut pas faire des tests pour estimer (a priori) l’impact des politiques économiques (de stimulation
ou d’austérité) et des phases de croissance et de récession sur la santé publique, il faut analyser ce qui se passe en
réalité quand les hommes politiques ont à faire face à une récession. Des politiques différentes, correspondant à
des analyses idéologiques différentes vont les mener à prôner l’austérité ou à développer des politiques sociales
de soutien aux plus démunis.
Pour mieux comprendre ce qui se passe actuellement en Europe (aboutissant à des situations aussi opposées que
celle de la Grèce et celle de l’Islande) ou aux USA et en Grande-Bretagne depuis le début de la crise des subprimes, les auteurs sont allés rechercher des informations lors de trois grandes crises antérieures:
La crise de 29 aux USA pour étudier l’impact de cette crise, puis celle du New deal et les divergences entre états
qui l’appliquaient plus ou moins.
La crise post communiste dans les Pays de l’Est pour comparer les situations des Etats qui ont appliqué la
« shock therapy » (Russie en particulier) et ceux qui ont décidé une transition plus progressive vers le
capitalisme (Biélorussie par ex).
La crise financière en Asie du Sud Est pour comparer les situations des Etats qui ont appliqué la politique de
réduction des dépenses publiques prônée par le FMI (Thaïlande et Indonésie par ex) et ceux qui l’ont refusé
(Malaisie)
Des dizaines, des centaines de statistiques ont été recherchées, analysées, comparées, portant sur tous les pays
précédemment cités mais aussi de nombreux autres (Japon, Espagne Italie entre autres)
Le livre est le résultat d’une vingtaine d’années de travaux scientifiques et statistiques, d’analyse et de mise en
relation des données économiques (évolution des PNB, des taux de chômage, de la part des dépenses publiques
de santé et autres dépenses sociales dans le budget ou le PNB) et des données épidémiologiques (causes de
mortalité et de morbidité). Ces travaux ont fait l’objet de très nombreuses publications scientifiques en
particulier dans des revues médicales à Comité de Lecture comme le Lancet, ou le BMJ, et dans quelques
journaux économiques et sociaux (deux ou 3 seulement)
Chaque chapitre commence par une description de l’histoire d’une famille, d’un homme, d’une femme, brisée
par les politiques d’austérité dans la région concernée, et décrit le processus et ses conséquences. Puis vient la
collecte de données, l’analyse de la situation initiale qui a mené à la récession, la politique mise en œuvre pour
en sortir et son impact en termes de santé publique, morbidité, mortalité…
LA GRANDE DEPRESSION AUX USA : (CRISE DE 29)
Historiquement la crise de 29 a eu des racines semblables à la crise actuelle ; « une orgie de construction de
maisons » (à Miami certaines étaient revendues jusqu’à 10 fois en une journée pendant les « Roaring Twenties »
(les années rugissantes, les années folles) ; 90000 entreprises ont fait faillite ; 13 millions d’américains (1/4 ) ont
été au chômage, ½ million de fermiers ont perdus leurs terres ; 3/5 des américains ont été classés pauvres…
L’impact sur la santé (augmentation des suicides, alcoolisme,…) a été masqué pendant les deux premières
années par la mise en œuvre de la prohibition et la forte réduction des trajets en voiture donc des accidents
mortels sur la route.
Mais le plus important a été le rôle du new deal à partir de 1932 ;
Le new deal ne visait pas essentiellement la santé, mais il a regroupé des programmes de logement pour les sans
logis, d’accès à la nourriture, d’accès aux soins spécifique pour les enfants, de création d’hôpitaux et de ce fait il
a impacté directement la santé. « En comparant les séries statistiques des différents Etats (ndlr américains), nous
avons pu estimer que pour 100 $ par habitant, dépensé dans le New Deal, correspondait un déclin des décès par
pneumonie de 18 pour 100 000 habitants, une réduction de la mortalité infantile de 18 pour 1000 naissances
d’enfants vivants, une réduction des suicides de 4 pour 100000 habitants.
Et il est intéressant de noter que le « New Deal » n’a pas été appliqué de façon uniforme selon les Etats. il a été
très bien appliqué dans les états démocrates où les résultats précédents ont été beaucoup plus importants (voir the
review of economics and statistics, Fishback & al 2007) par exemple en Louisiane, et réduit dans les états
républicains (en Géorgie et au Kansas par exemple) qui ont « moins bien appliqué le new deal. Ils ne nous
donnent pas les chiffres et c’est dommage.
La première conclusion ici porte plus sur l’impact positif de la Stimulation que sur l’impact négatif de l’austérité.
Et pour la première fois apparaît la notion de coefficient multiplicateur des dépenses publiques estimé par
d’autres auteurs à 1,7 [dans certains contextes] ; cad que pour 1$ de dépense publiques supplémentaire, la
richesse nationale va augmenter de 1,7$
LA CRISE POST COMMUNISTE DANS LES PAYS DE L’EST
Avant la chute des régimes communistes (1990/91), en URSS et dans les pays satellites, les travailleurs
bénéficiaient de tous les soins et actes de préventions sur place dans la « commune populaire » constituée autour
des entreprises d’état.
Lorsque les régimes communistes se sont effondrés, un groupe d’économiste anglo-saxons (de la Banque
Mondiale et de Harvard University, autour de Jeffrey D. Sachs, Lawrence H. Summers et Milton Friedman)
ont poussé à ce qu’il a été convenu d’appeler la ”shock therapy” ; introduire le plus vite possible le marché ultra
libéral pour éviter le retour des communistes et supprimer la corruption. Il fallait en urgence libéraliser les prix,
privatiser plus de 200000 entreprises d’Etat en 500 jours et réduire drastiquement les budgets publics. Cette
politique a été reprise à son compte par Boris Eltsine en Russie.
Un autre groupe plus progressif autour Joseph Stieglitz, et de Gorbatchev pensait que le capitalisme s’était créé
sur plusieurs siècles et qu’il fallait y aller graduellement en laissant le temps aux autorités et aux lois de
régulation des marchés de se mettre en place.
La plupart des pays de l’ex URSS (Russie, Kazakhstan, Kyrgizstan, Lituanie, Lettonie) suivirent les shock
therapists . D’autres pays comme la Géorgie ou la Biélorussie, la Pologne et la république Tchèque suivirent la
politique progressive.
Les résultats
En Russie il y a eu une réduction de 30% du PNB (voir graphe) contrairement aux pays en « transition »
progressive comme la Pologne. Les pays qui ont appliqué le shock therapy ont eu des pertes de postes de travail
pour les hommes de 56% supérieurs aux progressistes. On y a observé un énorme augmentation du chômage des
jeunes hommes, une totale absence de ressources pour les chômeurs (en 1995 en Russie le taux de pauvreté
atteignait entre 22 et 40% de la population) et une énorme dégradation des soins puisque les structures de soins
primaires avaient été supprimées avec les usines d’Etat, une énorme augmentation de l’alcoolisme chez les
travailleurs manuels des villes mono produit dont les usines avaient disparues. De plus les alcools bus étaient
impropres à la consommation (odekolon), car moins chers et non taxés (Russie, Ukraine Etats baltes).
En Russie l’alcool a été considéré comme la cause de 2/5 des décès d’hommes en âge de travailler dans les
années 90. Soit 4 millions de morts sur l’ensemble du territoire de l’ex Union Soviétique. A cette période un
homme de 21 ans travailleur en usine avait une espérance ce de vie de 56 ans, soit environs 15 ans de moins que
les managers de l’usine. Les chômeurs avaient six fois plus de chance de mourir que les travailleurs.
En cohérence avec les shocks therapists, les réductions de budget public en Russie dépassèrent 20% y.c. en
santé. In fine on aurait eu 10 millions de morts en excès en Russie, essentiellement des hommes jeunes. Si l’on
compare les trends de mortalité en Russie et Biélorussie, ils étaient semblables jusqu'en 1991 ; mais après la
shock therapy, un grand pic en Russie que l’on n’observe pas en Biélorussie (voir graphe où l’on voit un excès
qui a pu atteindre entre 20 et 40%) ni en Pologne où au contraire le taux de mortalité a baissé de 10% en 3 ans
(en 1994 par rapport à 1991 à partir d’un taux semblable à celui de la Russie en 1991)
Les pays qui ont eu une transition plus lente et qui ont maintenu leurs systèmes de protection sociale en place ont
moins souffert en termes de santé. Ces pays ont eu une récession mais pas une profonde dépression comme la
Russie (voir graphe).
On n’a, de plus, pas observé ce qu’avaient prédit les tenants de la shock therapy : si vous vous serrez la ceinture
à court terme, cela permettra de mieux repartir et de recroître plus à moyen terme. L’excès de morts n’a pas été
gommé par une amélioration de la croissance donc de la richesse : il y a encore aujourd’hui une perte
d’espérance de vie de 2 ans pour la population russe en général (passée de 68 ans en 1991 à 66 ans en 2012), car
la richesse s’est déplacée vers les oligarques et est loin de profiter à tous.
Milton Friedman a reconnu son erreur et dit que J Stieglitz avait raison.
DU MIRACLE AU MIRAGE EN A SIE DU SUD EST
En 1997, après une énorme bulle spéculative ou de nombreux capitaux étrangers sont venus s’investir chez les
« tigres » du sud est asiatique, la crise éclate car les monnaies sont surévaluées. Les capitaux repartent, la
croissance s’essouffle, la dette s’accroît.
En 97 98 le bath Thai et la roupie indonésienne perdent respectivement 75 et 80 % de leur valeur face au dollar ;
à mi janvier 98 toutes les monnaies de la région ont perdu au moins 50% de leur valeur. Une crise comme celle
de 29 débute avec le prix de la nourriture qui s’accroît très vite, en particulier celui du riz à cause de la
dévaluation de la monnaie et des problèmes climatiques (El niño).
Le FMI qui avait soutenu le boom avec de nombreux prêts directs aux gouvernements, propose d’échanger de la
peine à CT contre un gain à LT comme cela avait été fait en Russie : ce coup ci c’est pour réduire la dette. A
nouveau des pays, la Corée du Sud, l’Indonésie, la Thaïlande qui demandent des fonds au FMI ont suivi les
conseils du FMI, de type shock therapy à savoir tout faire pour réduire les dépenses publiques en particulier
dans le secteur de la santé.
Entre 97 et 98 Le PNB diminue de 30% en Corée, 27 en Thaïlande, 56 en Indonésie
Et le taux de pauvreté passe de 15 à 33% en Indonésie en un an, de 11 à 23% en Corée.
Au contraire la Malaisie qui a bien observé ce qui s’est passé en ex URSS et satellites refuse l’assistance et lance
un gros stimulus fiscal de 7 billions de ringgits (230 millions euros au taux actuel) son taux de pauvreté ne passe
que de 7 à 8% , malgré une baisse du PNB de 34%. Le premier ministre a estimé que la crise venait de la
spéculation sur les monnaies, qu’il jugeait « inutile, improductive et immorale ». Il a alors introduit des contrôles
sur la spéculation et un taux de change fixe par rapport au dollar. Il a étendu son support alimentaire aux
citoyens en cours de paupérisation. De ce fait il n’ y pas eu de croissance significative de la malnutrition
contrairement à Indonésie et Thaïlande.
La chute des monnaies s‘est aussi traduite par une augmentation drastique des problèmes de santé ; en 98 25%
des hôpitaux Indonésiens n’avaient plus de pénicilline et 40% des cliniques plus d’ampicilline
En Thaïlande, avant la crise, il y avait eu une réduction drastique du HIV grâce à des campagnes de publicité et
de distribution des condoms ; mais à la demande du FMI il a fallu réduire le budget de ces campagnes de 33% en
1998 (la distributions de condoms passe de 60 millions en 96 à 14 millions en 98). On voit sur le graphe 3.1 les
résultats en matière de maladies infectieuses
Par contre en Malaisie pendant la crise il n’y a pas eu d’augmentation du HIV et par la suite la Malaisie a été le
premier pays à sortir de la crise (dès 99)
Stieglitz « tout ce que le FMI a fait a été de rendre la crise plus profonde »
La crise financière asiatique a proposé elle aussi des études de cas : en quelque sorte une expérimentation
naturelle. La Thaïlande et l’Indonésie qui mirent en place des plans d’austérité drastiques imposés par le FMI,
ont vécu des famines de masse et une croissance aigue des décès par maladies infectieuses, alors que la Malaisie,
qui a résisté aux conseils du FMI, a sauvegardé la santé de ses citoyens.
En Octobre 2012, le FMI s’est excusé pour sa gestion de la crise, estimant que les dommages dus à ses
recommandations avaient été trois fois supérieurs aux hypothèses antérieures. Il avait prévu une croissance 3%
en Indonésie, il y a eu une récession de 13%
10 ans plus tard, lors de la récession mondiale de 2007 l’Indonésie a tenu compte de l’expérience et a accru les
subventions aux pauvres.
Arrivés à ce stade les auteurs estiment que les trois crises étudiées donnent des leçons tout à fait
cohérentes : ce n’est pas la récession qui induit des risques pour la santé, c’est véritablement la politique
d’austérité. Retrouve-t-on cela à l’occasion de la crise qui a été initiée par les subprimes aux USA ?
L ‘ISLANDE, LA GRECE ET LES AUTRES PAYS OCCIDENTAUX
Avant 2008, l’Islande petit pays de 300000 habitants était devenu le 5ème pays le plus riche du monde en
richesse par tête d’habitant (60% au dessus des USA)- suite au développement de prêts financiers au taux élevé
de 6% qui virent accourir les investisseurs anglais et néerlandais (« ICESave best buy » d’après la BBC).. Mais
le pays avait d’énormes déficits pour couvrir ses importations et emprunts de devises étrangères ; la dette avait
atteint 900% du PNB. Les banques Islandaises pour rémunérer leurs clients se sont refinancées avec les subprimes.
Lorsqu’il y a eu crise des sub-primes, les banques Islandaises ont fait de grosses pertes. En Octobre 2008
ICEsave implose ; la bourse islandaise perd 90%, le PNB chute de 13% et le chômage passe de 3 à 7,6% ; près
de 40000 acheteurs de maisons endettés ne peuvent plus rembourser. Le gouvernement se tourne vers le FMI en
octobre 2008 qui propose sa thérapie habituelle réduire drastiquement les dépenses publiques en particulier en
santé (-30% ; considéré comme un luxe, et espérant induire des privatisations, surtout dans un pays ou le système
est totalement public). Les experts du FMI évaluent le multiplicateur fiscal à 0,5 qqsoit le secteur (cad que 1
dollar de dépense publique réduit de 0,5 la production de richesse) dans ce cas réduire les dépenses permet de
réduire l’amputation de la richesse et de refaire des économies pour payer les dettes.
Par deux fois en mars 2010 et en avril 2011, par référendums 93% puis 60% des Islandais votèrent contre le
remboursement des dettes des banques qui avaient spéculé en 2009 et 2010 et contre un deal entre l’Islande et
ses principaux créancier s (pays bas et GB) qui aurait remboursé les investisseurs dans ICE Save ; ils ont préféré
mettre les citoyens avant les banques
La crise a surtout été forte de 2008 à 2010 ; mais le taux de mortalité a continué à baisser. L’Islande a pris deux
séries de mesures qui ont protégés les gens : le rejet du plan radical d’austérité du FMI en 2010 et le maintien ou
plutôt le renforcement du système public de protection sociale. Le ratio dépenses publiques sur PNB était de
42,3% en 2007 (avant la crise) il est passé à 57,7 en 2008 et est encore environs 10 points au-dessus de l’avant
crise aujourd’hui en 2012.
Concrètement, pour acheter des médicaments devenus plus chers avec la diminution du taux de change, le
gouvernement a augmenté ses dépenses de santé entre 2007 et 2009 par personne de 20% . Il a facilité le crédit
aux petites et moyennes entreprises ce qui a permis de maintenir l’emploi ; il a donné de l’argent aux pauvres
pour rembourser leurs prêts sur l’habitat
En fin de compte il n’ y a pas eu de problème de santé et le pays est sorti de la crise : en 2012 le PNB a cru de
3% et le taux de chômage est repassé en dessous des 5% et la pays est resté le numéro un sur l’indicateur de
bonheur.
L’Islande vient d’être félicitée par le FMI qui s’est dit grandement « surpris » par ces résultats.
C’est à l’occasion de la crise Islandaise que les auteurs ont vérifié sur plus de 25 pays que le multiplicateur est
de 1,7 en général pour les dépenses publiques et de 3 pour la santé et l’éduction contrairement à la défense ou il
est inférieur à 1. Ils ont été sollicités par les Islandais au cours de leur processus de gestion de crise.
La Tragédie Grecque
A l’autre extrême il y a la Grèce, qui est en plein désastre de santé publique. Le budget national de la santé a été
réduit de 40% depuis 2008 ; pour répondre en partie aux objectifs de réduction des déficits imposés par la troïka,
- FMI, BCE et Commission Européenne, - dans le package d’austérité de 2010. Quelque 35 000 médecins,
infirmières, et autres agents de la santé ont perdu leur travail. Les admissions aux hôpitaux ont fait un bond car
les Grecs n’obtiennent plus de traitement courant et préventif en raison de longs temps d'attente et des coûts
croissants des médicaments. La mortalité infantile a augmenté de 40 pour cent. Les nouvelles infections au
H.I.V. ont plus que doublé, avec l’augmentation de la consommation de drogue en intraveineuse – et la
suppression du budget pour des programmes de remplacement des aiguilles. Suite à la réduction des programmes
de pulvérisation des moustiques en Grèce du sud, un nombre significatif de cas de malaria a été enregistré pour
la première fois depuis le début des années 70. Le virus du Nil a lui aussi fait sa réapparition.
Nous avons vu suite à l’alter sommet d’Athènes en Juin 2013 que la situation a continué fortement à se dégrader
depuis la rédaction du livre : « Le nombre d’hôpitaux publics a été réduit en deux ans de 137 à moins de 80, la
sécurité sociale étant liée à l’emploi, et plus d’1,5 million de personnes étant sans emploi, c’est près du tiers de
la population qui n’a plus aucune ressource, aucune couverture sociale, aucun accès aux soins qu’ils soient
public ou privés. » C Lefaure juin 2013). Dans un communiqué de Novembre 2013 la clinique Hellenikon fait
encore évoluer ces chiffres en indiquant que près de la moitié des Grecs sont maintenant sans couverture sociale
(source président de l’association Grecque de santé publique) .
En 2008 quand les banques US firent faillite, la Grèce fut tout de suite sous le choc en 3 temps
1/2008 2009 : comme les investisseurs Européens ont perdu leur fortune c’est la chute du tourisme, des
exportations de fruits, l’arrêt de la construction ; le revenu moyen des grecs chute de 0,2% en 2008 et 3,3% en
2009 : début lent de récession
2/début 2010. Découverte par des audits EU des mensonges des gouvernements successifs pour cacher les
déficits et gonfler la croissance avec l’appui de Goldman Sachs pour cacher le déficit réel qui est passé de 105%
du PNB en 2007 à 143% en 2010. Les agences de notations déclassent la Grèce, les investisseurs ont peur et
fuient, les taux de prêt passent de 2 à 10% ce qui rend impossible le désendettement. Le PNB continue à chuter
encore de 3,4% en 2010. Le chômage est passé de 7% en Mai 2008 à 17 % en mai 2011 (plus de 40% chez les
jeunes)
3/ du coup arrivée du FMI et de ses mesures d’austérité. Le premier plan d’austérité passe en 2010 sans vote ;
objectif réduire les dépenses de santé à moins de 6% du PNB (alors que tous les pays dépassent 10% all
comprise).
En 2012 le FMI a reconnu ses erreurs et que le coefficient multiplicateur était supérieur à 1 là où il le disait
inférieur à 0,5. Mais le mal est fait… et tous les acteurs institutionnels européens ont voulu éviter que la Grèce
ne devienne une autre Islande en refusant en 2011 la tenue d’un référendum qui aurait mis leurs banques en
difficulté. Et depuis les données sur la santé sont toujours remisent en cause par les autorités, les statistiques on
les obtient par les associations……
ALORS QUI TIENT COMPTE DES LEÇONS DE L’HISTOIRE ? ( TITRE CL)
Avant la récession environs les 2/3 des Américains recevaient des soins via l’assurance de leur employeur ; mais
40 millions de personnes, soit 13% de la population, sont sans assurance. Avec la récession 6 millions de plus
ont perdu leur assurance et cela a donné 35 000 morts qui auraient pu être évitées. Les familles avec de fortes
franchises réduisent leur accès aux médecins de près de 14% et 2/5 des Américains avec une maladie chronique
ne pouvaient plus suivre leurs prescriptions à cause des coûts (enquête mars et avril 2009).
Depuis le pic de la crise de 2009, 40 Etats américains ont réduit au moins une fois leur budget de santé publique,
29 deux fois et 15 trois fois. On va totalement à l’inverse des leçons du New Deal.
Quid des pays comme la GB, le Canada, la France et l’Allemagne où perdre son travail ne veut pas dire perdre sa
couverture sociale puisque celle-ci est publique et que l’on a, au moins pour un temps, une couverture en tant
que chômeur ?
Au début de la crise au Canada on a observé une légère baisse de l’accès aux soins de - 0,3% alors qu’en GB
l’accès aux soins continuait à croître de +0,3%. En Allemagne on a introduit une franchise de 10€ par visite au
médecin et en France de 16 à 18€ par visite à l’hôpital ; suite à cela les visites concernées ont chutées
respectivement de 4 et 7%.
Au début de la crise jusqu’à l’arrivée en 2010 conservateurs au pouvoir le National Health service (NHS) en
Grande Bretagne a été très efficace (tous les indicateurs le prouvent). Mais les conservateurs veulent démanteler
le NHS de façon totalement idéologique. Ils ont fait passer une loi dans ce sens et en Octobre 2012, 400 contrats
sont passés au privé. La situation devient américaine le taux de confiance dans le NHS diminue drastiquement et
les délais pour avoir des rendez vous augmentent.
Contrairement à ce qui est souvent dit ; le marché n’est pas plus efficace que les systèmes de santé publique : les
USA dépensent 19% du PNB en santé durant cette crise, alors que la plupart des nations industrialisées ne
dépensent pas plus de 7 à 11% ; entre 1970 et 2010 les dépenses par tête ont cru 4 fois plus vite que l’inflation et
le retour sur investissement (en santé pas en profit) a diminué ; les morts évitables sont 40% plus élevées qu’en
Europe et l’OMS place le système US parmi les pires des pays développés
Par ailleurs, dans une publication du Lancet les auteurs, qui ont étudié la situation en Suède, Finlande,
Danemark, versus Espagne, Italie, UK et USA (fig 7,1 ; 7,2)… estiment que des services véritablement proactifs
pour l’emploi (ceux des premiers pays cités) peuvent neutraliser le risque de suicide dû à la récession : 100 $
investis par habitant réduisent le taux de suicide relié au chômage d’un facteur 3 (1,2% à 0,4%) ; plus de 200
dollars par tête suppriment carrément le risque .
Je ne vous parlerai pas des moustiques porteurs du virus du Nil dans la ville de Bakerfield en Californie, ni des
veuves blanches de Bologne en Italie ou de Diane qui coûte 300 000 € à sa compagnie d’assurance parce
qu’elle s’est enfilée une écharde qui a occasionné une infection non soignée, une amputation, des troubles
neurologiques …
CONCLUSION
« Si les effets des politiques économiques avaient été suivis de façon aussi rigoureuse que le sont des essais
cliniques, cela fait longtemps que l’austérité aurait été stoppée par des Conseils d’éthique médicale »
« En Islande les citoyens ont dit « non », comme les « marcheurs de chez la fil chez Ford en 29 et les émeutes de
la faim en Malaisie pendant la crise financière de l’Asie du Sud Est. »
« Pour casser le cycle radical de l’austérité nous avons besoin d’un nouveau new deal ; les données montrent que
cela a marché la première fois et ensuite à chaque fois que cela a été testé sous différents noms »
« Il faudrait des agences publiques de la « responsabilité en santé publique » , indépendantes, composées
d’épidémiologistes et d’économistes, pour évaluer les effets sanitaires des politiques fiscales et monétaires. »
(ndlr :un peu comme la Commission Européenne juge les budgets des états membres a priori. Sur les critères de
la dette et fait appliquer les politiques de réduction des dépenses publiques)
« La santé, l’éducation et les dépenses de protection sociales sont parmi celles qui ont les coefficients
multiplicateurs les plus élevés. Alors que les mêmes coefficients pour les renflouements bancaires et les
dépenses de défense sont souvent négatifs »
« Ce que nous avons trouvé c’est que l’austérité, avec des réductions des dépenses sociales et de santé sévères,
immédiates, indiscriminées, n’est pas seulement vouée à l’échec, mais elle est aussi mortelle. »
Ndlr : la richesse des données recensées dans ce livre et que l’on sent accumulées depuis des années par strates
successives le rend parfois un peu brouillon, mais toujours passionnant et convainquant. La surprise, alors que
ces démonstrations ont été présentées aux dirigeants, c’est qu’ils ne soient pas convaincus et … les peuples non
plus ?