La seconde fugue d`Arthur Rimbaud
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La seconde fugue d`Arthur Rimbaud
LA SECONDE FUGUE D’ARTHUR RIMBAUD Fiche technique ------------------------------------------------------------ p.2 LA FUGUE ---------------------------------------------------------------- p.3 La seconde fugue : un épisode mythique de la vie de Rimbaud Les poèmes LE FILM ------------------------------------------------------------------ p.5 Point de départ Découverte d’un inédit Un trajet, des poèmes Une très longue gestation LE REALISATEUR ---------------------------------------------------------- p.6 ITW ---------------------------------------------------------------------- p.7 1 La seconde fugue d'Arthur Rimbaud Mini DV couleur / 1h35 Réalisation, cadre, montage : Patrick Taliercio Prise de son et mixage : Origan Cannella Etalonnage : Manuel Choquet Production : Melody Imbach Tous droits réservés : Shonagon films a.s.b.l / CBA / 2015 Synopsis : Cinq des plus célèbres sonnets du poète Arthur Rimbaud (1854-1891) ont probablement été écrits au cours de sa seconde fugue, de Charleville-Mézières jusqu'à Charleroi, en octobre 1870, alors qu'il avait seize ans. J'ai suivi son parcours pour confronter les poèmes au paysage contemporain et à ses habitants. Il en est ressorti un portrait de la vallée de la Meuse et du pays carolo résonnant étrangement avec les émerveillements, les nostalgies et les désastres traversés par Rimbaud. Site : www.lasecondefugue.be 2 LA FUGUE La seconde fugue : un épisode mythique de la vie de Rimbaud La vie de Rimbaud ne manque pas de mythes. Il y a celui de la fin de sa vie au Harrar, celui de sa relation tourmentée avec Verlaine… et celui de cette seconde fugue qui est, des différentes escapades qu’il effectue en 1870 et 1871, avant de rejoindre Verlaine à Paris pour y séjourner, la plus productive et donc la mieux renseignée à la fois par les poèmes et par différents témoins. La date de départ est incertaine mais on peut supposer qu’elle ne précède pas de beaucoup la datation du sonnet Rêvé pour l’hiver, écrit, comme il est indiqué : en wagon, le 7 octobre 1870. Deux mois après une première fugue où il avait été arrêté à Paris sans titre de transport avant d’être hébergé par son ancien professeur Georges Izambard à Douai, Rimbaud voulait cette foisci vraisemblablement tenter de faire publier ses textes au Journal de Charleroi que dirigeait alors Louis-Xavier des Essarts. Nous sommes deux mois après la défaite de la France impériale face aux états fédérés d’Allemagne à Sedan qui se trouve à une vingtaine de kilomètres de Charleville. Les armées d’invasion avancent vers Paris et tandis qu’Izambard est allé visiter le champ de bataille, Rimbaud remonte sur la Belgique vers laquelle on achemine aussi de nombreux blessés français. Spectacle de l’horreur, cette guerre représente aussi pour Rimbaud la consécration d’un idéal politique : la République qui a été proclamée le 3 septembre à Paris mais se trouve de plus en plus évidemment trahie par un gouvernement français provisoire prêt à capituler face à l’empire allemand. La chute de la censure napoléonienne a libéré une efflorescence de journaux républicains. Les cours du collège de Charleville sont interrompus. Le frère aîné de Rimbaud, Frédéric, a quitté la maison le premier pendant l’été en suivant les troupes françaises de passage à Charleville. On pense que Rimbaud échangea des livres de prix contre les trois francs qui lui permirent de gagner Fumay en train. Là, il fut hébergé pour la nuit par un ancien camarade de collège du nom de Léon Billuart dont la famille tenait la plupart des nombreux débits de boisson de cette ville alors cité ardoisière. Selon le témoignage de Billuart, il repartit le lendemain à onze heures à 3 pieds ou en train pour Vireux où il visita un autre camarade, Arthur Binard, qui était quant à lui, enfant adoptif d’une famille de négociants en laine et en bois. Il se rendit ensuite dans la ville frontière de Givet probablement à pieds pour y passer la nuit dans le cantonnement du cousin de Léon Billuart, sergent en faction à la caserne Rouget de son état, dont on dit qu’il emprunta le lit en son absence. Puis il traversa la frontière par la voie la plus officielle ou par des chemins de traverse et gagna Charleroi à pieds ou en pouce-carioles en dormant à la belle étoile ou des dans des abris de fortune voire peut-être chez l’habitant. Selon Izambard qui, lancé sur les traces de son ancien élève, rencontra le patron du Journal de Charleroi, Rimbaud aurait été reçu par ce dernier et aurait tenu des propos dont la radicalité politique fit mauvaise impression. Econduit dans ses prétentions professionnelles, le jeune poète poursuivit sur Bruxelles puis Douai où devait se terminer le périple. Les poèmes On pense que, durant son parcours, il aurait au moins écrit Rêvé pour l’hiver, Au Cabaret vert, La Maline et L’éclatante victoire de Sarrebrück parce que ces poèmes font directement référence au voyage en train, à une auberge de Charleroi et à une illustration trouvée dans une vitrine de la même ville. Plus incertaine, l’association de l’étape fumacienne au poème le Buffet et l’idée que Ma Bohème ainsi que Le dormeur du Val aient pu également être composés pendant cette seconde fugue se rencontrent chez certains biographes. Il s’agit en tous les cas de poèmes appartenant à la même période et à la même veine de sonnets que Rimbaud recopia dans ce qu’on a maintenant coutume d’appeler le Cahier de Douai pour être publiés ensemble. Il se dégage de tous ces textes une certaine candeur qui, tout en correspondant plutôt bien à l’état d’esprit d’un jeune homme de quinze ans, n’est pas sans poser question lorsqu’on considère tout à la fois le contexte et l’extraordinaire précocité intellectuelle de Rimbaud. On décrypte dans au moins deux textes antérieurs ( Ophélie et Le Forgeron) des allusions très précises à des questions de littératures et de politique contemporaines extrêmement pointues. Ce qui laisse supposer que même des textes apparemment simples comme Le Buffet ou Rêvé pour l’hiver ne sont pas à considérer seulement selon leur signification littérale. Il s’agit souvent de ce qu’on pourrait presque qualifier de chromos mais avec, toujours une nuance de noir, une gravité de fond et des allusions à un climat lourd, menaçant. Quant au Dormeur du Val, il a semble-t-il fait l’objet d’un malentendu à la mesure de son succès car c’est un des poèmes les plus universellement connu de la langue française, généralement conçu comme une parabole pacifiste. Or, il est fort douteux que Rimbaud ait pu défendre une position pacifiste au moment du siège de Paris. D’autres textes comme Le Rêve de Bismarck montre au contraire qu’il avait alors une position plutôt patriote, ce qui éclaire l’énigme de ce soldat endormis sous un tout autre jour. Comme pour le poème L’éclatante victoire de Sarrebruck qui décrit une gravure censément trouvée dans une vitrine de Charleroi, nous sommes souvent face à une énigme dont le sens profond est à chercher du côté de la satire politique. Les deux autres poèmes carolos ( La Maline et Au cabaret Vert) constituent la seule variation sur un même thème que l’on trouve dans toute l’œuvre de Rimbaud. A quoi on peut ajouter qu’il reviendra dans un poème plus tardif ( Comédie de la soif) sur l’image de l’Auberge Verte qui semble représenter tout à la fois un lieu précis qui existait concrètement sur la place Buisset alors place de la Gare à Charleroi et un rare moment de bonheur et de liberté. 4 LE FILM Point de départ La seconde fugue d’Arthur Rimbaud est une aventure de dix ans. Les premiers repérages de ce documentaire de création ont été effectués en 2005, année durant laquelle le projet a reçu une aide au développement de la part de la Communauté Française de Belgique. C’est d’abord la marotte d’un étudiant marseillais sortant de l’INSAS qui ne connaissait de la Belgique à son arrivée en 2000 que ce qu’en avait écrit Rimbaud, trois poèmes en particulier : Au Cabaret Vert, La Maline, L’éclatante victoire de Sarrebruck. Patrick Taliercio repart donc sur les lieux, remonte à pieds le trajet de la fugue jusqu’à Charleville-Mézières et fait la rencontre d’un pays violemment touché par la désindustrialisation. En 2006, la fermeture des ateliers Thomé-Genot à Nouzonville vient ajouter un épisode à la série des pillages d’industries à laquelle semble abonnée la vallée de la Meuse. Le film se précise peu à peu comme un aller-retour passé-présent, marchant d’un pied tout aussi bien littéraire que social. Découverte d’un inédit En 2007, le film reçoit une aide à la production de la Communauté Française de Belgique que vient modestement compléter le Centre Vidéo de Bruxelles (CBA.) Différentes aides sont par contre refusées côté français. Seule la direction des Musées de Charleville-Mézières accorde une résidence artistique d’un mois et demi dans la Maison des ailleurs située dans l’une des anciennes demeures de la famille Rimbaud. C’est là que le tournage commence en mars 2008 alors que le patron de la boulonnerie Lenoir & Mernier de Levrezy à Bogny-sur-Meuse vient de déposer brutalement le bilan de son entreprise. Entre couverture de ce énième conflit social et exploration des archives rimbaldiennes, Patrick Taliercio découvre fortuitement chez un libraire de Mézières un texte inédit d’Arthur Rimbaud : le Rêve de Bismarck. Un trajet, des poèmes Quelque peu immobilisé et presque dérouté par cette découverte, le tournage du film se poursuit néanmoins en sillonnant autour de plusieurs étapes à Sedan, Fumay puis Charleroi jusqu’à l’automne 2008. Chaque lieu apporte des éléments venant à la fois compléter des observations faites ailleurs sur la fin du monde ouvrier et ses suites et résonner d’une manière ou d’une autre avec l’un des poèmes écrits par Rimbaud pendant son trajet à l’aube de l’ère industrielle. Une très longue gestation Le budget du film étant resté, malgré de nombreuses sollicitations relativement modeste pour son long tournage, le montage met du temps à démarrer et prendra de longues années pour se conclure. Le réalisateur travaille seul et se retrouve confronté à la complexité de sa matière, à la difficulté aussi de l’imposer face à la production. Des variantes tantôt plus littéraires tantôt plus sociales sont envisagées avant d’aboutir enfin à la synthèse en 2013. Surviennent alors des accidents techniques qui retardent encore la suite des opérations, lesquelles ne seront finalement envisageables qu’en 2014. 5 LE REALISATEUR Patrick Taliercio est né à Marseille en 1976. Il quitte Marseille en 1997 pour aller faire une première école de cinéma à Toulouse (l’Ecole Supérieure d’AudioVisuel) puis une seconde (l’INStitut des Arts du Spectacle) en 2000 à Bruxelles où il s’installe et travaille comme documentariste radio et vidéo. Il a réalisé trois documentaires de création à ce jour : Euroland (2005) produit par le CVB, les Indésirables (2008) distribué par la revue Agone, La seconde fugue d’Arthur Rimbaud (2015) coproduit par le CBA ainsi que de nombreux reportages et formats courts pour des médias alternatifs (Radio panik, Indymédia, TV Bruits…) Patrick Taliercio © Manon Avram 6 ITW La seconde fugue, la destruction d'un monde vu depuis Rimbaud. Patrick Taliercio, à qui l’on doit déjà Euroland (2005) et les Indésirables (2008) sort un longmétrage documentaire sur lequel il travaille depuis plusieurs années. Le Musée de l’Europe a tenté d’en savoir plus. Benoit Eugène : Comment présenteriez-votre film ? La seconde fugue d'Arthur Rimbaud est un film populiste, c'est-à-dire qui tente de rendre compte de la façon dont vivent des gens du peuple en France et en Belgique, dans la vallée de la Meuse et à Charleroi, en 2008. Etant donné qu’on ne parle jamais mieux que de son point de vue et sans outrepasser sa propre expérience, Rimbaud n'est ici guère plus qu'un moyen de transport qui me permet de circuler à la frontière de mon monde, que j'estime de plus en plus clos sur lui-même, celui de la classe moyenne cultivée qui fournit la majorité des réalisateurs de ce qu'on appelle encore documentaire d'auteur. Pour moi la question de l'aveuglement volontaire de ma classe face aux réalités rencontrées par ceux qui travaillent est un fait qui caractérise profondément notre société et notre époque. En général, je pense que voir est un processus dialectique qui contient toujours une part d'aveuglement, d'enchantement sans laquelle certaines choses seraient insupportables à regarder. Mon hypothèse est que la poésie peut encore servir à affronter la réalité. Elle confronte au réel dans la mesure même que permet son enchantement. Benoit Eugène : Pourquoi Rimbaud ? Rimbaud est un mythe au sens de carrefour de l'imaginaire. C'est un point que tout le monde est censé connaître et où chacun vient faire sa propre lessive, comme au lavoir. Il se trouve de plus qu'il est, au moment où je le croise (octobre 1870) dans une forme d'ambiguïté entre ses centres d'intérêts qui sont pré-communards et son besoin de reconnaissance qui le pousse à traiter de thèmes plutôt petit bourgeois. J'ai essayé de cantonner mon identification à Rimbaud (laquelle me semble assez inévitable parce que son écriture même y invite) à cette zone d'ambiguïté. On s'intéresse généralement à lui pour ce qu'on considère comme son ambiguïté sexuelle. Moi c'est son ambiguïté politique qui m'a intéressé, dans laquelle je me retrouve et où j'ai l'impression que le cinéma qui m'importe travaille, entre amours pour les belles formes complexes et engagement au côté d'un peuple qui aime plutôt la simplicité, entre recherche esthétique et nécessité politique. De mon point de vue, Rimbaud fait partie des rares artistes qui a réussi à pousser son œuvre dans les deux directions à la fois. J'avais aussi en tête de faire un film qui réveille la dimension politique de Rimbaud que l'on occulte en général derrière sa recherche formelle. Mais c'était un travail d'exégèse fastidieux qui m'emmenait souvent trop loin de mon cadre et j'ai dû rabattre mes prétentions. Benoit Eugène : Pourquoi la vallée de la Meuse ? Tout ce que je connaissais de la Belgique en y arrivant en 2000, c'était Charleroi vu par Rimbaud et les textes terribles de Baudelaire. Dès que l'école que j'étais venu faire à Bruxelles 7 m'a laissé deux jours devant moi, je suis parti à Charleroi avec Rimbaud en poche. J'ai naturellement remonté le trajet de la seconde fugue (plus compliqué à faire aujourd'hui que du temps de Rimbaud puisque il n'y a plus de train passant directement la frontière) et mon premier centre d'intérêt, ça a été les adolescents transfrontaliers français qui viennent faire des formations professionnelles à Dinant. Je voulais faire quelque chose qui se serait appelé « 16 ans et au boulot ». Puis le conflit des Thomé-Genot à Nouzonville a éclaté et je suis descendu faire une émission de radio un peu en urgence. Là je me suis rendu compte que ce qui se passait là faisait suite à ce que j'étais en train de filmer ailleurs : la destruction systématique des restes du monde ouvrier pour son pur et simple recyclage financier, la gentrification des villes, des espaces, des imaginaires. Puis j'ai rencontré des gens qui partageaient la gentillesse, la facilité d'accès que j'avais découvertes en Belgique. Enfin, je trouve que la vallée de la Meuse est un endroit magique, que son enclavement même protège d'une forme de normalisation, même si il l'expose aussi pour le moment à une désertification effroyable. Benoit Eugène : Le film a été tourné entre mars et octobre 2008. Il ne sort qu'aujourd'hui. Pourquoi ? D'abord c'est très difficile de travailler sur sa propre contradiction. Par exemple, moi qui aime les films fragiles, les tentatives même inabouties de mélange de styles, parce que cela nous fait avancer politiquement, je suis aussi complètement obsédé par les belles formes bien achevées. Il se trouve qu'en plus je fais du cinéma dans un pays qui n'a ni soleil ni studios, c'est-à-dire pas d'industrie du cinéma et qui porte donc naturellement à travailler artisanalement. J'étais persuadé que le film contenait des enjeux personnels et j'avais eu de mauvaises expériences de collaboration avec des monteurs. J'ai donc décidé de monter seul et fait de mon film une sorte d'atelier qui a duré au moins trois ans, dans lequel j'ai mené à bout deux versions de La seconde fugue qui n'ont à peu près rien à voir avec celle-ci. C'était des films beaucoup plus littéraires, beaucoup plus centrés sur Charleville et ce que j'y ai vécu. Le reste du retard, j'ai la faiblesse de l'imputer à la fois à mon incompétence, à des épreuves personnelles et à la dégradation générale de la société. C'est un film tourné juste avant ce qu'on appelle « la crise » et qui est tombé dedans avec relativement peu de moyens au départ puisque aucun fond français n'a voulu y participer. Benoit Eugène : Pourquoi Charleville n'apparaît finalement pas ? Les défauts d'écriture du film viennent du fait que la ville de Charleville-Mézières a répondu à une demande d'aide financière par une proposition de résidence dans la maison de Rimbaud (c'est la seule aide que le film ait reçu en France) qui a en quelque sorte précipité et immobilisé le tournage pendant deux mois. Il se trouve qu'en plus j'ai eu le bonheur et le malheur de mettre la main à Charleville sur un inédit de Rimbaud qui attendait là sous les yeux mêmes de tout un petit milieu de rimbaldiens locaux dont cette découverte a prouvé qu'ils n'avaient aucune espèce de compétence. Je ne suis pas un garçon foncièrement mauvais mais comme mon film portait aussi sur Rimbaud comme objet social, j'ai cru bon de vouloir montrer à quel point Charleville était à la fois Nazareth et Rome pour la rimbaldie. Cela n'a pas toujours été bien pris par les papes, ni par l'âne et le bœuf. Bref, j'ai perdu beaucoup de temps à tenter de montrer cette ville dans ses bons aspects (elle en a) et ses mauvais et, au montage j'ai été confronté aux difficultés de ce que Verlaine appelle « la pointe assassine .» Je crois que mon film contient au final une 8 part de satire sociale au sens où pouvait la pratiquer Rimbaud mais elle vient en cours de route et pas au début. Sans quoi tout le film aurait dû être sur ce registre. Et donc Charleville qui est toujours aujourd'hui une petite ville de province bourgeoise et idiote aux portes d'une vallée ouvrière qu'elle ignore, n'est dans le film qu'au même état fossile où l'avait naguère montré Richard Dindo. De mon point de vue, Charleville est le dernier endroit au monde où l'on peut s’imaginer faire un film sur Rimbaud mais c'est un point de vue fascinant sur ce qu'est le rimbaldisme, la source provinciale minuscule d'une légitimité de portée mondiale, une sorte de fontaine de jouvence avec de doctes puisatiers et des mondes d'agenouillement. Un peu comme Lourdes donc, mais autour de la mémoire d'un poète communard. Le caractère grotesque de ce paradoxe me fait penser que notre époque est très proche de celle de Rimbaud ou de Flaubert. Le Second Empire était aussi un monde de bourgeois replets à plat ventre devant des images de rebelles auxquels ils suçaient le sang jusque dans leur tombe. Benoit Eugène : On vous reprochera probablement un jour ou l'autre d'avoir détourné Rimbaud... Oui. Certains m'ont dit que j'étais totalement fou de m'être attaqué à un si grand poète. D'autres m'ont dit que mon approche manquait de transcendance... D'autres auraient voulu que je fasse dire ou chanter les textes par des acteurs ou chanteurs reconnus... Pour moi plus le poète est grand mieux il résiste aux différents usages qu'on en fait. Celui qu'on peut faire de Rimbaud n'est déposé nulle part sinon dans le coffre-fort des règles de bienséance de cette société qui semble avoir décrété il y a longtemps que la poésie devait s'écouter la bouche en cul de poule dans de pompeux musées vides. Je préfère un usage qui se rapproche plus de la fonction première (et d'ailleurs déjà mourante à son époque) de la poésie telle que l'a connue Rimbaud, un texte versifié, réglé comme un texte d'église mais laïc, allant vers la liberté, contenant des images, parlant au corps et à la mémoire, donc une forme d'éducation populaire, entre le savant et l'inculte, comme le fut aussi le cinéma à certaines périodes. Je ne pense pas qu'il faille apporter la culture au peuple. Dans ce qu'il a de toujours libre le grand nombre n'attend personne pour produire la culture de demain. Par contre, déshabiller la bourgeoisie et son personnel du paravent que lui fournit la culture d'hier me semble assez opportun par les temps qui courent. -Mars 2015http://blog.europa-museum.org/ 9 10