L`affirmation de la paix est le plus grand des combats

Transcription

L`affirmation de la paix est le plus grand des combats
Les Grandes Bouches
Les Grandes Bouches, funambules de la corde vocale, sont reconnus pour leur
travail autour du chant polyphonique et militant. Membres fondateurs du groupe
Motivés, arrangeurs de la chanson titre de l’album, les Grandes Bouches ont fait
plus de 200 concerts depuis cinq ans avec Le Bal Républicain.
Ambassadeurs de la chanson citoyenne et festive, ils ont joué en France
et à l’étranger (Équateur, Irlande, Israël, Palestine, Laos…) et là où les luttes
sociales pouvaient être accompagnées par leurs chansons (Molex, Sanofi, Conti,
le DAL, la Cimade…). « Partager plus pour partager plus ».
Francis Ricard
Francis Ricard est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes publiés chez divers
éditeurs : Cheyne, L’Épure, Seghers, Atlantica, Séguier, L’Harmattan… Il a été
invité aux Lectures sous l’arbre du Chambon-sur-Lignon, à la Semaine de la poésie
de Clermont-Ferrand et au Marathon des mots de Toulouse. Ses textes ont été lus
en public par Bernard-Pierre Donnadieu et Denis Lavant ou portés à la scène
par des comédiens. Il a donné personnellement une centaine de lectures
publiques dans divers lieux. Sa poésie se caractérise par le refus de se résigner
et la colère face au prêt-à-penser ordinaire. En 2012, il a coécrit plusieurs chansons
de l’avant-dernier spectacle des Grandes Bouches : 3 Voix Ensemble. Pour Le Bal
Républicain, la collaboration se fait plus intense puisque outre des textes personnels,
l’écriture se fait à quatre mains avec Philippe Dutheil, parolier et chanteur
des Grandes Bouches.
Stéphane Henriques
Avec une enfance partagée entre l’Afrique et le Moyen-Orient, Stéphane Henriques
découvre la photographie à l’âge de huit ans grâce à son père. Au milieu des années
1980, il débarque à Paris où il se passionne pour les musiques modernes, avant
de se former aux arts graphiques tout en continuant d’apprivoiser son « boîtier ».
En 1990, il devient journaliste/reporter culture et se spécialise en musique
et cinéma. Il prête depuis lors sa plume à divers médias de presse écrite pour
des articles qu’il illustre de reportages photos. Sa collaboration avec les Grandes
Bouches s’est faite dès le premier album et était inévitable : les mêmes valeurs,
le même amour de l’art, le même engagement…
Ernest Pignon-Ernest
Ernest Pignon-Ernest, d’origine niçoise, vit et travaille à Paris. C’est l’un des plus
grands dessinateurs français. Son travail, depuis plus de quarante ans, consiste
à apposer des images dessinées sur les murs des villes qu’il traverse : Paris, Naples,
Alger, Soweto ou Brest, à la recherche d’une expression poétique destinée à la rue,
l’espace commun. Son engagement politique, culturel et social l’amène à croiser
les grandes figures de l’histoire et de la littérature, poètes et combattants, parmi
lesquels le Jaurès pacifiste et fondateur du journal L’Humanité. Ce dernier lui
a inspiré plusieurs portraits dont les études préparatoires et les différentes versions
sont présentées dans l’exposition qui accompagne le concert des Grandes Bouches.
L’artiste a réalisé l’affiche et la scénographie du spectacle.
LE BAL RÉPUBLICAIN
Chanter avec Jaurès… Mais oui !
Jean Jaurès Chantait. Il chantait juste et fort. Il a bondi sur une table
en 1896, lors de l’inauguration de la verrerie ouvrière d’Albi, pour
entonner « La Carmagnole » et signifier ainsi son exultation de voir
menée à bien une œuvre sans égale de solidarité et de résistance
à l’oppression, et la replacer dans le contexte séculaire des combats
révolutionnaires.
Ses discours, au témoignage de contemporains, n’étaient pas seulement
des textes lus ou appris, mais des incantations dont le timbre éclatant,
le haut diapason et les intonations, évoqués par Romain Rolland,
exhalent une puissante musicalité. Et dans ses articles littéraires,
il célèbre les chants des paysans rouergats qui traduisent le mystère
de leur propre vie, le mystère de la terre et des eaux.
Associer Jaurès au chant, au théâtre vivant, à la fête ? Mais pourquoi
pas ? Ce rapprochement rarement tenté est réussi par les Grandes
Bouches. Ce groupe enthousiaste possède une riche expérience
d’animation de concerts, de fêtes républicaines enracinées dans
la culture populaire de notre région qui fut et reste celle qui vit naître
et s’épanouir cet être exceptionnel. Jaurès, un indigné permanent,
un émerveillé insatiable, dont la sensibilité et la bonté ont laissé
une empreinte indélébile dans les lieux qu’il a parcourus sans
relâche pour mobiliser ses concitoyens contre l’inégalité, l’injustice,
l’intolérance et le péril de la guerre. Ces tares de la société moderne
n’ont pas disparu, hélas, et s’il pouvait revenir, Jaurès saurait encore
entonner des chansons pour les dénoncer et pour tracer les contours
d’un monde nouveau, un peu moins sauvage, ainsi qu’il l’avait rêvé
dans les derniers mots jaillis sous sa plume et sûrement sur ses lèvres.
Rémy Pech, historien
1859 (3 sept.) naissance à Castres
d’Auguste Marie Joseph Jean Jaurès
1869-1876 élève au collège de Castres
Jean Jaurès est né à Castres le 3 septembre 1859,
dans une famille bourgeoise en déclin.
Brillant étudiant, il est reçu premier
au concours d’entrée de l’Ecole Normale
Supérieure de la rue d’Ulm en 1878, dont il sort
agrégé de philosophie en 1881.
Nommé professeur au lycée d’Albi la même
année, il poursuit sa carrière d’enseignant
à la Faculté de Lettres de Toulouse à partir de 1883.
Très tôt engagé dans la vie politique, il est élu
député républicain du Tarn aux élections législatives
de 1885. Battu à Castres en 1889, il reprend son poste
d’enseignant à la faculté et achève ses thèses.
Il est à nouveau élu député de Carmaux en 1893
avec l’étiquette socialiste.
Parallèlement, il collabore depuis 1887 avec la radicale
« Dépêche » en tant que journaliste et critique
littéraire. Son fort enracinement local se traduit
par sa profonde implication dans la vie municipale
de Toulouse, puisqu’il devient conseiller municipal,
puis maire adjoint à l’Instruction publique entre 1890
et 1893. Homme d’idéal, historien, ardent militant
socialiste, il fonde le quotidien L’Humanité en 1904,
consécration de sa carrière de journaliste.
Il s’engage avec acharnement jusqu’à sa mort,
le 31 juillet 1914, dans la défense du monde ouvrier,
de la justice sociale, de la laïcité et de la paix.
1876-1878 interne au collège Sainte-Barbe à Paris.
Suit les cours au Lycée Louis-le-Grand. 1er au Concours
général des collèges de Paris & Versailles
1878-1881 1er au concours d’admission de l’École normale
supérieure de la rue d’Ulm. En 1881, reçu 3e à l’agrégation
de philosophie
1893 participe à la fondation
de la Verrerie ouvrière d’Albi
1898 battu aux élections
législatives du Tarn par le marquis
de Solages. Directeur politique
de la « Petite République ».
1881-1883 professeur de philosophie au Lycée
Lapérouse d’Albi
1898 Jaurès participe au combat pour
la révision du procès de Dreyfus
1883-1885 maître de conférences à la Faculté
des Lettres de Toulouse. Il donne ses premiers
cours publics
1901-1914 Membre du bureau socialiste
international
1902-1914 député de Carmaux
1885 (oct.)-1889 (sept.) élu député du Tarn
sur la liste républicaine
1902 participe à la fondation du Parti socialiste
français au Congrès de Tours
1886 (juin) mariage avec Louise Bois
1903 relance de la révision du procès
d’Alfred Dreyfus par Jean Jaurès
1887 (21 jan.) 1er article dans La Dépêche
1889-1893 maître de conférences à la Faculté
des Lettres de Toulouse
1890 (27 juil.) élu au Conseil municipal
de Toulouse. Nommé 6e adjoint, délégué
à l’instruction publique.
1892 (1er mai)-1893 (jan.) réélu au Conseil
municipal de Toulouse. Nommé 3e,
puis 2e adjoint, toujours chargé
de l’instruction publique. En 1992,
soutenance de ses 2 thèses (Sorbonne).
1893 (jan.) élu député socialiste
de Carmaux après avoir soutenu
la grève des mineurs.
1904 fonde le quotidien L’Humanité qu’il dirigera
jusqu’à sa mort
1905 fondation du parti socialiste unifié (S.F.I.O.),
dont Jaurès partage la direction avec Jules Guesde
1905 Participation au débat et à la rédaction de la loi
de Séparation des Eglises et de l’Etat
1913 (25 mai) discours de Jaurès au Pré-St-Gervais
devant 150 000 personnes contre la « Loi des trois
ans » de service militaire
1914 (31 juil.) assassinat de Jean Jaurès
au Café du Croissant, à Paris, par Raoul Villain
1924 (23 nov.) transfert de la dépouille de Jean Jaurès
au Panthéon
Après son échec électoral à Castres
en 1889, Jaurès continue son activité
politique et devient conseiller
municipal, puis maire adjoint
à l’Instruction publique de Toulouse
de 1890 à 1893.
Jaurès est né occitan, il pratique aisément
et indifféremment les deux langues
alors en usage dans le midi. Même
si il se démarque rapidement des intellectuels
et de certains auteurs à qui il reproche
le conservatisme, voir le nationalisme,
il a largement utilisé l’occitan dans sa vie
politique et cela dès sa première campagne
électorale en 1885, « dans ces réunions…
où le patois si franc , si hardi dans ses tournures,
remplace vite le français… »
Son engagement pour les langues régionales
va se fortifier jusqu’en 1911 où il prend position
pour leurs introductions dans l’enseignement
primaire.
« Le parler de Rome
a disparu, mais il demeure
jusque dans le patois de nos
paysans comme si leurs
chaumières étaient bâties
avec le marbre des palais
romains. Il serait facile
aux éducateurs et aux maitres
d’écoles de montrer comment
au XIIe et XIIIe siècles, le dialecte
du midi était un noble langage
de courtoisie, de poésie et d’art. »
Por trait
de
de Louis Jean Jaurès en
1889, ex
Soulé, La
trait du
vie de Ja
Éd. Floré
livre
urès, 18
al, Paris
59-1892
, 1921
,
« Le premier des droits de l’homme,
c’est la liberté individuelle, la liberté
de la propriété, la liberté de la pensée,
la liberté du travail »
1892 Désormais acquis aux idées socialistes,
Jaurès embrasse pleinement la cause ouvrière
lorsque le suffrage universel ou le droit des
ouvriers sont remis en cause.Il joue l’année
suivante un rôle primordial dans le confl it
des mineurs de Carmaux, et il est ensuite
à l’origine de la création de la Verrerie
ouvrière d’Albi en 1896. Ces événements
lui font prendre conscience de la lutte
des classes, et il acquiert désormais
la conviction que la Révolution est
inéluctable et doit être préparé par
l’œuvre réformatrice de la République.
Il prend, en 1898, la direction
du quotidien La Petite République,
dans lequel il défend le socialisme
républicain, puis fonde en 1904
le journal L’Humanité.
Au cours d’une rencontre à Toulouse
avec Jules Guesde, apôtre du marxisme
et fondateur du Parti ouvrier français,
Jaurès proclame son désir de révolution
démocratique non violente, et insiste
sur la nécessité de la force syndicale.
Jaurès renonce en 1904 à soutenir
la participation ministérielle
des socialistes et fonde,
notamment avec Jules Guesde,
le Parti socialiste unifié, Section
française de l’internationale
ouvrière (PSU-SFIO) dont
l’Humanité devient le porte-parole.
Le combat de Jaurès
À partir de 1894, l’affaire Dreyfus déchire la
République. Pendant plus d’une dizaine d’années,
la France vit au rythme des confrontations
entre dreyfusards, convaincus de l’innocence
du capitaine et défenseurs de l’idéal républicain,
et les antidreyfusards, persuadés de sa
culpabilité et de la nécessité de la raison d’Etat.
C’est grâce à l’article d’Emile Zola,
«J’accuse», publié dans “L’Aurore” du 13
janvier 1898, puis au procès intenté à son
auteur, que Jaurès, d’abord hésitant, devient
un dreyfusard convaincu et militant.
Dix jours après la parution de l’article,
Jaurès interpelle le gouvernement
sur les illégalités
dénoncées par Zola et se demande
si la culpabilité de Dreyfus
ne repose pas sur le mensonge,
l’arbitraire, la propagande antisémite
et la manipulation de la justice.
Ainsi, Jaurès contribuera à relancer
l’affaire et publiera dans le journal
qu’il dirige, la Petite République une
série d’articles dans lesquels il s’attachera
à réfuter et démonter les mensonges
accumulés par l’Etat-major. Le salut de
l’innocent, le châtiment des coupables,
l’honneur de la Patrie, sont les objectifs
qu’il se donne et qu’il rassemblera
dans son livre intitulé Les Preuves.
« Si Dreyfus a été illégalement condamné et si, en effet,
comme je te le démontrerai bientôt, il est innocent, il n’est
plus ni un officier, ni un bourgeois : il est dépouillé, par l’excès
même du malheur, de tout caractère de classe ; il n’est plus
que l’humanité elle-même, au plus haut degré de misère
et de désespoir qui se puisse imaginer. Si on l’a condamné
contre toute loi, si on l’a condamné à faux, quelle dérision
de le compter encore parmi les privilégiés !
Non : il n’est plus de cette armée qui, par une erreur criminelle,
l’a dégradé. Il n’est plus de ces classes dirigeantes qui,
par une poltronnerie d’ambition, hésitent à rétablir pour
lui la légalité et la vérité. Il est seulement un exemplaire
de l’humaine souffrance en ce qu’elle a de plus poignant.
Il est le témoin vivant du mensonge militaire, de la lâcheté
politique, des crimes de l’autorité. Certes, nous pouvons, sans
contredire nos principes et sans manquer à la lutte des classes,
écouter le cri de notre pitié ; nous pouvons dans le combat
révolutionnaire garder des entrailles humaines ; nous
ne sommes pas tenus, pour rester dans le socialisme de nous
enfuir de l’humanité. »
Extrait du recueil d’articles de Jean Jaurès, Les Preuves,
parus dans La Petite République, 1896
« L’affirmation de la paix
est le plus grand des combats.
L’humanité est maudite
si pour faire preuve de courage
elle est condamnée
à tuer éternellement. »
« On n’enseigne que ce que l’on est.
La nation s’enseigne elle-même. »
L’année 1905 marque l’apogée de la campagne laïque du Bloc des gauches
qui aboutit à la séparation des Eglises et de l’Etat. Au nom du principe
de laïcité, Jaurès s’impose comme un des promoteurs de cette campagne
et un des « pères » de la loi adoptée en décembre 1905. Ainsi, lorsque
la droite cléricale s’oppose aux républicains en menant une offensive contre
les instituteurs, leur enseignement et leurs choix en termes de manuels
scolaires, Jaurès prend fermement position en se prononçant pour les droits
de l’enfant et contre l’enfermement communautaire et obscurantiste :
« Je dis qu’il ne s’agit ni du droit de l’Etat, ni du droit des familles,
mais qu’il y a un droit de l’enfant […] Proudhon, qui était un grand libéral
en même temps qu’un grand socialiste, Proudhon l’a dit avec force :
l’enfant a le droit d’être éclairé par tous les rayons qui viennent de tous
les côtés de l’horizon, et la fonction de l’Etat, c’est d’empêcher l’interception
d’une partie de ces rayons. »
textes d’après François Bordes et l’Exposition 2009 des Amis de Jaurès
Il y a longtemps que je voulais vous dire
Que l’homme ne peut rien sans son pareil
Il vient sans arme, sans peur du pire
Mais les canons vrillent ses oreilles
Nos vieux maîtres ne nous font plus rire
Il est temps de leur montrer la poubelle
Il y a longtemps que je voulais vous dire
De bleuir le ciel comme hirondelles
Qu’être en colère seul ne suffit pas
Il faut beaucoup de mains pour s’en sortir
Et des épaules prêtes au combat
Il y a longtemps que je voulais vous dire
Il y a longtemps que je voulais vous dire
Qu’on peut s’aimer plus longtemps autrement
Qu’il reste des villes à bâtir
N’écoutez pas les promesses du temps
Bien sûr, on peut tomber, gémir
Mais il vaut mieux debout agir avant
Il y a longtemps que je voulais vous dire
Que ce qui se vend, meurt avec le vent.
Qu’être en colère seul ne suffit pas
Il faut beaucoup de mains pour s’en sortir
Et des épaules prêtes au combat
Il y a longtemps que je voulais vous dire
Il y a longtemps que je voulais vous dire
Que les chemins de traverse existent encore
Qu’il faut dire non, désobéir
La liberté est là, dehors
Que de crier seul ne suffit plus
Il faut beaucoup de mains pour s’en sortir
Et lancer les chansons dans les rues
Il y a longtemps que je voulais vous dire
Les ronces de l’inquiétude griffent la promesse des mots
Les dés jetés ravagent nos doigts noircis
Le hasard des rêves convoque le cri du piano
La nuit rougissante contre un avenir promis
Jaurès ils t’ont assassiné
Et nous nous en mourons aussi
La liberté insoumise se moque éperdument
De l’obscur infertile et des deuils embrumés
Les cendres enivrantes qui nourrissent fièrement
Les lits fauchés d’une inépuisable beauté
Jaurès ils t’ont assassiné
Et nous nous en mourons aussi
Vivre libre marcher chanter
« respirer les larges souffles et cueillir les fleurs du hasard »
Je dis et redis tes mots ensoleillés
Il n’y a pas de fatalité, il n’y a pas de fatalité
Jaurès ils t’ont assassiné
Et nous nous en mourons aussi
Je me souviens de vous, hommes de lourde peine
Qui proclamez la justice
Hommes brûlés par le poids des chaînes
Qui offrez le sacrifice
Phares de haute mer, vous parlez de paix
À tous les insoumis
Vous clamez liberté, liberté
En face des fusils
De lourdes peines
Neruda, Lorca, Martin Luther King
De lourdes peines
Jean Jaurès, Bhutto, Lumumba, Gandhi
Tans pis pour la chaux vive
L’exil ou la prison
Vos idées survivent
Nous vous donnons raison
Votre plume est comme un fouet
Votre langue une fronde
Jamais bâillonne
L’avant du nouveau monde
Ils ont dit : n’aie pas peur, tout est normal !
Mais le problème, tu vois, c’est qu’il y a trop de social
qu’il y a trop de social
Ils nous ont promis le bout du tunnel
Mossieur Jean, ils ont même pris ton nom
comme modèle
Moussieu Jean moussieu Jean
Escota la cançon
Aquo far de cent ans
que nou engagan
Ils sont tombés à terre on les a ramassés
On ne partageait que leurs guerres
ils nous ont implorés
Au secours sauvez-nous
Mais ils ont donné si peu pour reprendre tout
Moussieu Jean moussieu Jean
Escota la cançon
Aquo far de cent ans
que nou engagan
Toujours la même équipe on les changera pas
De Germinal à Davos ils sont encore là
Ils nous ont vendu la fin de l’histoire…
Ara basta
Questa cop, ba pla
Dussions-nous périr à l’ouvrage
Vous danserez pour nous
On bondira hors de la cage
Le tout pour le tout
Seule l’aventure est belle
Seule l’aventure est belle
Si tu clos les volets à la nuit
Où passera le jour
Demain c’est déjà aujourd’hui
Utopie mon amour
Chanter comme explose une grenade
Pour résister
Voir si on peut faire les barricades
Ou si le monde nous a changés
La ville pleure comme un abattoir
Utopie mon amour
Ce n’est pas la fin de l’Histoire
Juste le point du jour
Pourquoi enjamber les murs et les frontières
Il faut les abattre
Et déjouer les pièces d’hier
De leurs vieux théâtres
Seul compte le premier coup de pioche
Qui fait jaillir le puits
Être Jaurès ou bien Gavroche
Pour une nuit
Seule l’aventure est belle
Seule l’aventure est belle
On va s’échapper mon ami
N’écoutant que son courage Monsieur le préfet
Au ministre de l’Outillage a téléphoné
Lui c’est l’homme qui vient du ciel, il va nous sauver
Lui c’est l’homme providentiel, je m’en vais l’appeler
C’est pas loin de Toulouse que tout a commencé
Il y avait une usine et les gars y travaillaient
Mais en écoutant la Bourse les patrons ont décidé
Que l’usine était moche, qu’il fallait tout brader
C’est pas qu’elle marchait pas c’est que tous les rentiers
Ils trouvaient que 10 % ça faisait pas assez
Ils ont loué des vigiles et des chiens qui aboyaient
Et ils ont pris des ficelles, ils ont tout barricadé
Tout autour de l’usine on ne pouvait plus passer
Ils voulaient prendre les machines : ha ! quelle drôle d’idée
Les Molex ils ont vu ça, ils les ont empêchés
En leur collant une grève, les patrons l’ont pas volé
Ha là là là là la et la grève a commencé
N’écoutant que leur courage les patrons ont appelé
Le cabinet et l’entourage de Monsieur le préfet
Lui c’est l’homme qui vient du ciel, il va nous sauver
Lui c’est l’homme providentiel je m’en vais l’appeler
Le préfet nous a dit : nous allons discuter
Mais les vigiles étaient là et on a pas pu entrer
Ce brave homme c’est étrange n’est pas venu nous chercher
C’est quand même bizarre, il a dû oublier
Ha là là là là là là et la grève a continué
On a bien vu le ministre et il nous a écoutés
Tout en remuant la tête il avait l’air embêté
Ha mes pauvres amis je vous comprends vous savez
Mais je ne peux rien y faire car c’est la fatalité
Ha là là là là là là et la grève a continué
N’écoutant que son courage le ministre a décidé
D’aller voir le président et de lui raconter
Lui c’est l’homme qui vient du ciel, il va nous sauver
Lui c’est l’homme présidentiel, je m’en vais l’appeler
Le président nous a dit : ça ne peut plus durer
Vous allez voir ce qu’on va voir, nous on va moraliser
Devant les télévisions il nous a déclaré :
Le mieux c’est de faire une réunion avec Monsieur le préfet
Ha là là là là là là et la grève a continué
Les Molex ils ont vu ça et ils n’ont pas lâché
Ce que tu lâches aux patrons, ils te le rendront jamais
Ne t’endors pas sentinelle
Reste sur tes gardes
L’ennemi invisible est partout
Tapi dans l’ombre
Les réducteurs de têtes
Les croque-morts de la pensée
Préviens-nous
Ne t’endors pas sentinelle
Notre rude exactitude
Doit tutoyer le vrai et l’utile
Nous devons demeurer réfractaires
Ne rien nous laisser confisquer
Par ces temps turbulents
Notre exigence doit aller
À l’ardente prééminence de l’esprit
Nous devons rester
Plus que jamais
Intransigeants
Persister dans notre mission
De passeurs vigilants
De veilleurs aux aguets
Notre vouloir sera sans faille
Nous devons nous aguerrir
À tenir debout
Dans la fragile verticalité
Nous devons répondre
De notre capacité d’indignation
Dire non quand il faut dire non
Le fleuve sauvage
Invente chaque jour
Son lit de liberté
Ne laissons pas construire de digues
Soyons le sel que l’on jette dans la braise
Demeurons les gardiens de l’horizon
Conjuguons tous les temps au temps de la révolte
L’aube n’est pas encore levée
Il fait encore nuit
Mettons-nous en ordre
Ne t’endors pas sentinelle
Le jour vient
Soyons prêts
Le verbe doit rester séditieux
Le poème insoumis
Ne t’endors pas sentinelle
Je te salue ma rue pleine de grâce
Enfants mendiants joueurs d’accordéon
Femmes émiettées hommes face à face
Des jours d’exil et de visages au néon
Je sais le puits à des jours de marche
Le feu qui crépite aux brassées de bois juste
Ne fait lever qu’une moisson de haches
Aux cicatrices accrochées à nos bustes
Je le sais je le sais je le sais
Je te salue ma rue pleine de rage
Je sais les matins pâteux les voitures muettes
Les chèques impayés le poids des marécages
L’ascenseur à la peine et les jours de dettes
Je sais la vie s’élime avant la déchirure
Je sais le père qui ne parle plus
Je sais la honte les regards sans figures
Les abandons et le froid de la rue
Je le sais je le sais je le sais
Je te salue ma rue pleine de honte
On le fait pas exprès et on n’a pas choisi
Les poubelles à la fin du marché pour tout compte
Les poubelles gavées de l’eau de l’oubli
Les enfants au fond des poches s’ils s’enfuient
C’est qu’il n’y a rien sinon du vent
Je sais les jalousies mais s’entraider aussi
Quand on peut on le fait comme vif-argent
Je le sais je le sais je le sais
Vers les autos au feu rouge, elle se glisse
Avec sa bouteille d’eau et son torchon
Comme une pro de la pub, elle esquisse
D’un trait sur la vitre, un cœur en savon.
On lui a dit tu es européenne
C’était si beau qu’elle a pu le croire
C’était pas vrai et c’est pas de veine
Il y a des rêves qu’il faudrait pas avoir
Même si on sait qu’il y a plus gras que soi
Même si on sait les salauds qui prospèrent
On baisse les yeux devant celle qui a
Moins que nous, on guette le feu vert.
On lui a dit tu es européenne
C’était si beau, un nouvel été
On a menti et c’est pas de veine
Il y a des rêves qu’il faudrait pas donner
Disparue d’un coup d’essuie-glace
Du carrefour où une autre a pris sa place
C’est qu’elle a dû, à laver des pare-brises,
Faire fortune au pays d’la libre entreprise
Et c’est pour ça que tous les soirs elle arpente
Les trottoirs sous l’éclat de
L’enseigne luminescente
D’une station Éléphant Bleu.
Nous avons mis nos rêves éventrés à dégorger dans l’auge
de pierre où l’on abreuve les bêtes. L’eau est rouge et sale.
Y a-t-il encore une place pour nous entre aujourd’hui
et demain ?
Nos bouches se tordent dans cette débauche de pourquoi :
faut-il rançonner les dieux pour une meilleure part ?
Nous n’écrivons pas sans trembler certains mots.
Nous n’avons pas choisi le tracé des lignes de nos mains.
Notre liberté doit faire feu de tout bois, mais nous avons
la certitude qu’à l’approche du but notre fardeau sera moins
lourd à nos bras épuisés.
Loin des balises une autre route existe, les barbelés ne sont
rien à qui rêve du jour.
Il suffit parfois d’oser et se mettre en route.
Philippe Dutheil chanteur
Jaurès comme un totem ? Loin de l’image d’un saint laïc, d’une icône poussiéreuse,
il est, cent ans après, un phare de haute mer pour une époque de tempêtes, un pôle
magnétique qui nous attire, comme de la limaille, en cercles républicains autour
de lui. Et ceux qui l’ont combattu et abattu ne s’y sont pas trompés, ce sont les
mêmes qui ont tué Lorca, Neruda, Gandhi, Lumumba, Allende, Luther King…
Ils connaissent le pouvoir viral de l’humanisme et l’implacable justesse des idées
républicaines, ils ont toujours redouté la clarté de la voix de ces hommes. Alors
ils crèvent les yeux des portraits du Mahmoud Darwich de Pignon-Ernest
dans les rues de Ramallah parce que le poète voit, ils tuent Gandhi parce
que le théoricien de la non-violence prône par-dessus tout la réconciliation,
ils empoisonnent Neruda parce que le poète parle et ils assassinent Jaurès
parce que l’homme de gauche a la prescience que les futurs charniers
de 1914-1918 seront, avant tout, destinés au peuple. Peine perdue, ils ont échoué,
les idées du tribun de Castres sont là, lumineuses, là où celles de ses assassins
rejoindront, tôt ou tard, les oubliettes des barbaries.
Cent ans après, tonne encore une exclamation : JAURÈS !
Aline Pailler Journaliste engagée
Jaurès peut nous « recourager » alors que le joug se fait plus lourd. Mais un Jaurès
débarrassé des hommages ampoulés. Jaurès du carreau de la mine dans les luttes
d’aujourd’hui. Jaurès de la verrerie ouvrière d’Albi pour construire la transition
de l’autre monde après la destruction du capitalisme. Jaurès libéré des censeurs
de son désir d’abolir le salariat et de préférer l’anarchie à toute servitude. Jaurès
occitan ouvert au monde et aux cinq continents grâce à la langue d’oc !
Ernest Pignon-Ernest Artiste plasticien
Est-ce seulement un hasard si sous ce règne cynique des dogmes néolibéraux
et de leur logique destructrice de tout ce qui relève du bien commun et du sens
du collectif, on n’use plus du vocable « ensemble » pour parler d’un groupe
de musiciens ou de chanteurs ? Il s’impose pourtant, évident, pour dire
les Grandes Bouches : l’ensemble qui chante « l’être ensemble » ! À chaque
récital, dans chaque disque, et plus particulièrement dans celui-ci, ils réactivent
ce désir, cette nécessité, ce bonheur d’être ensemble. Revenus d’Amérique latine,
de Palestine… de Toulouse, ils nous offrent à nouveau ce plaisir complice de partager
une mémoire commune, et le regard aigu, la pensée décapante, citoyenne,
ironique et résolue qu’ils savent poser sur le monde d’aujourd’hui. Mal nommer
les choses, disait Camus, c’est ajouter au malheur du monde. Et les taire ? Qui dit
Molex, qui dit Conti ? Les mots, les rythmes, les voix des Grandes Bouches nous
parlent de ceux-là dont les droits et les moyens d’expression sont chaque jour
mutilés. Ces chants poétiques sont des signes et des outils de résistance vitaux.
Partageons les heureuses et rayonnantes sensations de complicité fraternelle
que leurs nouvelles chansons nous promettent.
Jean-Jacques Rouch
Journaliste, écrivain, président des Amis de Jaurès
Pour Les Amis de Jean Jaurès à Toulouse, les remarquables actions
des « Grandes Bouches » constituent un appréciable soutien mais aussi
un formidable support. Un soutien car ils apportent à notre mission de diffuser
une meilleure connaissance de la pensée jaurésienne l’outil artistique
et musical qui lui manquait. Un support aussi car ces créations originales,
fruits de recherches historiques et porteuses de sens, vont amplement nous
aider à introduire dans notre projet cette dimension populaire et noble à la fois
que détient la « chose chantée », la plus sensible et perceptible qui soit.
Charles Silvestre
Journaliste, auteur de La Victoire de Jaurès (éd. Privat, 2013)
Jaurès a été assassiné le 31 juillet 1914.
L’immense travail qui fut le sien n’est pas pour autant mort avec lui. Sa victoire,
c’est celle de sa clairvoyance coloniale, de son courage dans l’affaire Dreyfus,
de sa sagesse dans la séparation des Églises et de l’État, de son anticipation
des réformes sociales. C’est aussi celle de sa culture, de sa sensibilité, de sa bonté.
Jaurès inaugure ce que le xxe siècle a opposé de meilleur face au pire. C’est cela
qui est au cœur du projet des Grandes Bouches : la rencontre d’un Jaurès vivant,
en idées, en images, en musique, en danse et en chansons.
Jaurès assassiné
(Ricard/Dutheil)
2.
Moussieu Jean
(Dutheil)
3.
L’aventure
(Ricard/Dutheil)
4.
Je te salue ma rue
(Ricard/Dutheil)
5.
L’européenne
(Rouquette/Dutheil)
6.
La sentinelle
(Ricard/Dutheil)
7.
De lourdes peines
(Ricard/Dutheil)
8.
Texte 5
(Ricard/Dutheil)
9.
Il y a longtemps
(Ricard/Dutheil)
10.
La carmagnole
(Traditionnel)
Les Grandes Bouches
Anne-Laure Grellety Madaule chant, batterie
Philippe Dutheil chant, basse, guitare
Laurent Beq accordéon, chant
Gregory Daltin accordéon
Didier Dulieux accordéon
Louis Navarro contrebasse
Pascal Rollando percusions
Enregistré par Jacques Hermet
Mixé par Philippe Dutheil
Masterisé par Boris Beziat
Produit par CHANTS D’ACTION
CHANTS
D’ACTION
présente
LES GRANDES BOUCHES
1.
LE BAL RÉPUBLICAIN
Remerciements et bises fraternelles
Les Amis de L’Huma, Florence, Pierre, Paolo, Ulysse, Louis,
Patrick, Serge, Mouna, Valentin, Marc, Framboise, Yvette
Betty Boop, Babet, Gégé, David, Melvil, Stef, Boris, JH,
Georges, Bouba le Petit Ourson, Nico, Karim, Lolo, Gregory,
Emma, Didier, Christine, Max, Charly, Pascal, Isabella,
Anne-Laure, Philippe, Isabelle, Charles, Remy, Marike,
Leon, Julien, Aladin, Ernest, Yvette, Jean-Louis, Roland,
Régine, Maman Cathy, Francis Chouchou, Charles,
Emmanuel, Aline, Laura, Jean-Paul, Loïc, lesJolis Mômes,
les Molex, Béa, Fifi, Cécile, Pierick, Charly, Geneviève,
Claude, Claudette, Mamie Lili, Anne
Dessins Ernest-Pignon-Ernest
Textes Francis Ricard
Photographies Stefan Henriques
Graphisme Julien Levy
Conception projet Philippe Dutheil